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Full text of "Histoire de la guerre des Hussites et du Concile de Basle"

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4 

•V, 


HISTOIRE 

DE      LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE    DE    BASLE. 

TOME       I. 


H  I  S  T  O  I  R 


DE      LA 


GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET     DU 

CONCILE    DE   BASLE 

Par  3 ACQVES     LENFANT- 

ENRICHIE      DE      PORTRAITS. 

TOME      PREMIER. 


A         UTRECHT, 
Chez,   CORNEILLE  GU1LL.    LE  FEBVRE. 

M-      D  C  C.      XXXI. 


A     S  O  N 


ALTESSE  ROYALE 

MONSEIGNEUR 


L     E 


PRINCE   ROYAL 


ONSEIGNEUR, 


Cejl  pour  faîisfaire  a  l'ordre  dun  époux  qui  riejî 

plus ,  mais  dont  la  mémoire  me  fera  toujours  chère ,  que 

j'ai  l'honneur  d'offrir  cet  Ouvrage  aV-A.R.  Il  Vous  a 

été  dtftiné,  MONSEIGNEUR  ,  des  que  le  dcf- 


E    F    I    T    R    E- 

fein  en  a  été  conçu,  Feu  mon  Mari  touché ',  frappé \  Ç$je 
puis  bien  ï  ajout  tr,  plein  d  admiration  pour  les  grandes 
qualités  qui  éclattent  dans  V-  A.  R.  cher  choit  a  lui  dé- 
dier  un  Ouvrage  qui  lui  permît  d  exprimer  les  Centime  ns 
de  fin  cœur  ;  &  ceft pour  répondre  a  fis  intentions ,  que 
jai  l'honneur  de  présenter  à  V  A.  R*  la  Guerre  des 
Huflîtes. 

Jefpere  au  Elle  j  trouvera  des  évenemens  qui  ne 
fieront  pas  indignes  de  [on  attention.  La  matière  en  efi 
intereffante  pour  un  Prince  qui  aime  a  sinftruire ,  t$ 
dont  les  récréations  même  ne  font  agréables ,  qù  autant 
quelles  font  utile  s.  Combien  de  fois  ï  Auteur  ne  s  encou- 
rage oit-il  pas  lui-même ,  par  ïefpérance  d  achever  enfin 
un  travail  qui  put  plaire  àVA.R  1  Dieu  lui  a  fait  cette 

grâce  ^  MONSEIGNEUR.  S  il  ri  a  pas  eu  lac  on- 
Çolation  de  te  préfenter  lui-même ,  il  a  eu  celle  de  ï  ache- 
ver ,  ($  fes  derniers  ordres  ont  été  quon  le  dédiât  a 
Votre  Altejfe  Rojale. 

*Je  fçaice  quilpenfioit,  Çf  avec  quelle  fatisfaéïion  il 
parloit  des  vertus  qui  éclattent  dans  Votre  Augufle per- 
fonne.  Oferois-je  Vous  dire  3  MONSEIGNEUR, 
ce  quiladmiroiten  Vous ,  Ç*f  ce  qui  Vous  attire  l'efkime? 
la  vénération^  l  amour  de  tout  le  monde  ?  Ce  riejï  pas 


E    P    I    T    R    E. 

feulement  ces  talens  de  ïefprit  ,  cette  manière  ingénieufe 
&  délicate  de  penser  &  de  vous  exprimer  ;  ces  reparties 
fines  &  a  propos  ,  qui  charment  &  qui  (urprennent  ; 
ceflce  goût  exquis  pour  les  occupations  qui  conviennent 
a  un  grand  Prince  :  cefl  cet  amour  pour  lesfciences  uti-* 
les ,  qui  le  mettent  en  état  de  régner  par  lui-même ,  & 
de  régner  pour  le  bonheur  des  peuples  qui  lui  font  fournis, 
en  profitant  des  lumières  de  ceux  qui  ont  médité  fur  le 
caraftere  des  hommes ,  fur  les  maximes  dun  bon  gou- 
vernement ,  fur 'les vrais  intérêts  des  Etats,  Ce  fi  cette 
douceur ,  cette  modeflie ,  cette  affabilité ,  à  qui  feules  il 
appartient  de  gagner  les  cœurs  que  la  rigueur  affujettit  y 
mais  quelle  ne  captiva  jamais.  Cefl  C4tte  générofité  at- 
tentive aux  miferes  pour  les  foulager ,  Çtf  au  mérite  pour 
le  louer  ou  le  récompenfer.  Cefl  enfin  cette  pieté  éclairée 
&  folide ,  également  ennemie  de  la  Çuperflition  &  des 
vices ,  qui  fait  fon  capital  d'honorer  Ç<f  d'aimer  Diett 

fincérement ,  &  défaire  du  bien  aux  hommes  créezj  a 
ï  image  de  Dieu.  Voila  ,  MONSEIGNEUR,  les 
qualité  zj  qui  font  les  grands  Princes,  &  ce  font  celles 
que  tout  le  monde  voit  avec  admiration  dans  Jr.  A.  R, 

Puifife  le  Seigneur  conferver  un  Prince  qui  nom  eflfi 

cher ,  Çf  qui  nom pre fente  dans  ï  avenir  de  fi  heur  eu  fie  s 

a  ij 


E    P    I    T    R    E- 

ejherances  !  Ce  font  les  vœux  de  celle  qui  a  ïhonnewr 
d'être  avec  le  plus  profond  refpefi , 


MONSEIGNEUR, 


DE  VOTRE  ALTESSE  ROYALE 


La  très-humble  &  très- 
obéïfîante  fer  van  te 

LaVeuve  LENFANT, 
née  M.  E.  de  V  je  n  o  u  r  s. 


:     :     :     :     :      :     :     :    ^ 

•«?  4£?  &I?  s1?  SÂ?  «i?  «î?  «H?  x 

§8* 


AVERTISSEMENT 

L'H  i  s  t  o  i  r  e  de  la  Guerre  des  Hujfites  eft  le  dernier 
Ouvrage  de  feu  M.  Lenfant.  Il  Ta  écrit  avec 
beaucoup  de  diligence ,  &  comme  s'il  a  voit  prévu  fa  fin 
prochaine,  ilfehâtoitdelefinir.  Ilavoitrevû  la  copie 
du I.  Tome,  &  lifoit  actuellement  celle  du  II. lors  qu'il 
fut  frappé  d'apoplexie.  Sans  cette  mort  fubite  il  auroit 
continué  fon  Hiftoire  jufques  vers  l'an  1460.  au  lieu 
qu'elle  finit  au  commencement  de  l'année  1454. 

Comme  il  avoit  formé  le  deflein  d'écrire  l'hiftoire  du 
Concile  de  Bafle,  &  que  la  guerre  des  Huffitess&zvz. 
dans  l'intervalle  entre  ce  Concile  &  celui  de  Confiance, 
il  entreprit  de  raconter  cette  fameufe  guerre ,  qui  fut  ex- 
citée par  la  fierté  &  la  dureté  avec  laquelle  les  Pères  de 
Confiance  traitèrent  l'affaire  de  ^ean  Hhs  &  du  Huf- 
fitifme  ,  qui  ravagea  pendant  pluiieurs  années  la  Bohè- 
me,h  Adoravie ,  &  les  Provinces  voifines  5  &qui  coûta 
tant  de  fang  à  X  Allemagne.  Cette  hiftoire  lioit  enfemble 
les  deux  Conciles.  Le  premier  avoit  allumé  la  guerre: 
le  fécond  fut  affemblé  pour  l'éteindre.  Il  étoit  donc  bien 
naturel  que  M.  Lenfant  écrivît  l'hiftoire  de  cette  guerre. 
D'ailleurs  l'objet  eft  très-digne  de  la  curiofité  publique, 
&  l'on  peut  dire  qu'elle  n'a  pas  été  fatisfaite  par  divers 
Hiftoriens,  qui  n'ont  pas  eu  les  Mémoires  que  notre 
Auteur  a  recherchez  &  lus  avec  beaucoup  de  foin.Mais, 
commençant  à  fe  défier  que  fa  vie  fut  allez  longue  pour 


vj  AVERTISSEMENT. 

écrire  l'hiftoire  du  Concile  de  Bafle  avec  la  même  éten- 
due &  la  même  exaétitude  qu'il  avoit  écrit  celle  du 
Concile  de  Confiance,  il  réfolutde  comprendre  dans 
un  même  Ouvrage,  &les  évenemens  de  la  guerre  des 
Huflïtes,  &  les  principales  opérations  du  Concile  de 
Balle  :  c'eft  auffi  ce  qu'il  a  exécuté. 

Pour  enrichir  cette  hiftoire,qui  dans  quelques  endroits 
auroit  été  un  peu  féche ,  il  y  a  inféré  dans  leur  place  celle 
des  plus  mémorables  évenemens  de  l'Europe,  fur  tout 
lorfqu'ils  ont  du  rapport  aux  affaires  éccléfiaftiques. 

Quoique  l'Auteur  approchât  d£  la  fin  defacourfe, 
on  ne  verra  nulle  part  un  Ecrivain  las ,  fatigué ,  qui  com- 
mence à  languir.  C'efttoujoursle  même  génie  5  la  mê- 
me dextérité  à  développer  les  évenemens ,  à  les  mettre 
dans  un  beau  jour.  La  narration  eft  vive ,  élégante ,  fuc- 
cinéte.  Les  hommes,  leurs  caraétéres,  font  bien  repré- 
fentez  5  mille  particularitez  femées  de  toutes  parts  pi- 
quent agréablement  la  curiofitédu  Leéteur. 

Comme  il  doit  être  naturellement  fort  furpris,  qu'un 
Royaume  Catholique,  tel  qu'étoit  la  Bohême,  fefoit 
foulevé  d'une  manière  fi  générale  &  fi  opiniâtre  contre 
les  Chefs  de  l'Eglife  ?  à  ca^fe  du  fupplice  d'un  feul  hom- 
me, M.  Lenfant  commence  fon  hiftoire  par  découvrir 
l'origine  &"lescaufes  d'un  mécontentement  invétéré; 
qui  regnoitfecrettement,  &  prefque  fans  fe  faire  fentir, 
dans  Tefpritdetf Bohémiens.  Jl  remonte  pour  cet  effet  à 
la  naiffance  du  Chriftianifme  en  Bohême,  où  il  fut  porté 
par  les  Grecs.  Les  Latins  leur  enlevèrent  enfuite  ce 
Royaume ,  mais  ils  ne  leur  enlevèrent  pas  l'affeétion  des 
peuples.  Le  rit  Grec  &  le  rit  Latin  furent  long-temps 
en  concurrence  :  le  premier  ne  fut  même  tout-â-fait 
proferit  que  fous  Charles  7/^  père  &  prédeceffeur  de 
U^encejlas  ,  &  ne  le  fut  que  par  des  moyens  violens, 


AVERTISSEMENT.  vij 

Tout  cela  &  quantité  d'autres  griefs,  rendant  le  Clergé 
&  les  Moines  odieux  aux  peuples ,  le  fupplice  de  ^ean 
Hus ,  l'affront  fait  à  la  nation  Bohémienne ,  ne  fit  qu'al- 
lumer un  feu  caché  fous  la  cendre,  &  fournira  cette 
nation  un  juftefujet  de  faire  éclatterfon  ancienne  aver- 
fion  pour  les  Eccléfiaftiques.  C'eft  ce  qu'on  verra  dans 
les  cinq  premiers  Livres,  qui  contiennent  les  prélimi- 
naires de  la  guerre,  &  qui  font  voir  que  les  grandes  & 
fubites  révolutions  font  comme  des  embrafemens  qu'- 
une étincelle  n'allumeroit  pas ,  fi  elle  ne  tomboit  fur  une 
matière  toute  prête  à  s'enflammer. 

On  auroit  bien  voulu  mettre  à  la  tète  de  cette  Hiftoire 
une  préface  où  l'on  rendît  compte  du  deflein  de  l'Au- 
teur, du  plan  qu'il  s'eft  formé,  &  des  raifons  qu'il  a 
eues ,  des  recherches  qu'il  a  faites  ,  des  Ecrivains  qu'il  a 
confultez  5  de  la  créance  qu'ils  méritent  5  en  un  mot  de 
toute  l'œconomie  de  cet  Ouvrage.  C'eft  ce  que  M. 
Lenfantsctoit  propofé  de  faire ,  commeonle  voit  par 
une  note  qui  eft  eft  au  bas  de  la  p.  1 1  o.  mais  fa  mort  a 
été  fifubite,  qu'il  n'a  pu  ni  diéter  lui-même  rien  fur  ce 
fujet ,  ni  en  inftruire  fes  amis  :  outre  que  fa  Bibliothèque 
ayant  été  vendue  par  auttion ,  &  difperiee,  on  ne  peut 
raffembler  les  Auteurs  qui  lui  ont  fourni  les  matériaux 
dont  il  a  compofé  fon  Hiftoire  *.  Au  refte ,  on  a  enrichi 
cet  Ouvrage  de  Portraits  comme  les  Hiftoires  des  Con- 
ciles de  Pife  &  de  Confiance. 

On  n'a  plus  qu'un  mot  à  dire  dans  cet  Averti jfement.- 
C'eft  que  l'Auteur  y  donne  des  Huffites  une  idée ,  qui  ne 
répond  pas  tout-à-fait  à  celle  que  plufieurs  perfonnes  en 
ont.  Il  les  a  peints  comme  des  hommes  barbares,  fan- 

*  On  en  trouvera  îa  Lifte  ci-  defïbus  ,  telle  que  l'Auteur  Tavoit  envoyée  lui- 
même  au  Libraire,  &  écrkc  de  fa  propre  main,  pour  être  imprimée  après  la 
Préface» 


viij         AVERTISSEMENT. 

guinaires ,  tels  qu'il  les  a  trouvez  dans  Balbin ,  &  dans 
plufieurs  Hiftoriens  Calixtins  ou  Catholiques ,  auffi  bien 
que  dans  quelques  Ecrivains  Proteftans,  comme  dans 
Theobald,  ou  Thibaut,  dont  pourtant  M.  Lenfant  s'eft 
un  peu  défié,  comme  il  le  témoigne  dans  une  note  p.  94. 
On  ne  prétend  pas  juftifier  des  vengeances  inhumaines  $ 
maison  croit  avoir  desraifonsd'affurer  que  les  Hifto- 
riens de  M.  Lenfant  en  ont  plus  dit  qu'il  n'y  en  avoit  5  &c 
que  les  Huffites  ou  les  Taborites,  car  il  s'agit  propre- 
ment de  ceux-là,  n'ont  fait  qu'ufer  de  repréfailles  con- 
tre des  ennemis  qui  a  voient  commencé  la  tragédie,  & 
donné  l'exemple  des  cruantez. 

On  a  joint  à  cette  Hiftoire  la  f  Ditfertation  de  M.  de 
Beaufobrç  fur  les  Aâamites  de  Bohême ,  parce  que  M, 
Lenfant  l'a  voulu  ,  comme  on  le  voit  par  une  Remar- 
que qui  eft  au  bas  de  la  p.  3  8.  On  y  a  ajouté ,  première- 
ment quelques  nouvelles  preuves ,  par  lefquelles  l'Au- 
teur confirme  fon  fentiment  :  fecondement  une  Diifer- 
tation  qui  n' avoit  point  paru,  dans  laquelle  il  fait  l'hif- 
toire  de  X  Adamifme  depuis  fa  naitfance ,  &  montre  que 
cette  héréfie  îïa  jamais  exifté. 

IC'eft  celle  qui  a  été  publiée  dans  le  IV,  Tom.  de  la  Bibliothèque  Germanique. 
p.  11?. 


A   Berlin   le   \6.  Mai 
1730. 


TABLE 


TABLE 

DES     AUTEURS 

Citez^  dans  cette  Hifioire. 


jHPj  Neas  (  Sylvïus  )  Hift.  Bohem. 
VitaFrider.II. 
Europa. 
Epiftolae. 
Alexander  (  Natalis  )  Hift.  Ec«l.  T.  VIII. 
Angeli  (^jindrea')  Annales  Marchi»  Bran- 

deb. 
Anonymi  Hiftor.  perfecut .  Bohcm. 
-----  Le  redoutable  Aveugle. 
%Antilogia  Tapa.  Bafil. 
Aretin  (  Léonard))  De  Reb.  Italicis. 
Aventinus  (  Johannes)  Annales  Boïorum. 
Auguftinus {Qlomucenfis )  Catalogus  Epifco- 

porum  Olomucenfium. 
Balbin  (  Bohujlas  )  Epitom.  Rer.  Bohem. 

Mifcellanea. 
Balseus  (  Johannes  )  Defcription  du  Royaume 

de  Bohême,  en  Allemand. 
Baronius  (  Cefar.  )  Annal.  Eccl. 
Bayle  (Tierre)  Dictionnaire  Hiftorique  & 

Critique. 
Beaufobre   (ifaacde)  Dhfertation  fur   les 

Adamites. 
Becmann  (  JeanChriftoph.  )  Oratio  in  Jubilaeo 

habita. 
Bellarminus  (  Cardinalis  )  De  Script.  Eccl. 
Bibliotbeca  Tatrum.  Tom.  IV.  Part.  II. 
Bilejov.  apud  Balbin  Epit.  Rer.  Bohem. 
Bollandus.  Vitae  Sanc"torum. 
Bout  (Johannes  Cardinalis  )  deReb.  Liturg. 
Bonfinius  (  jLnfnius  )  de  Rébus  Ungaricis. 
Brejlau  (  Manufcrit  de  )  Guerre  des  Huflites. 
Bzovius  (  Abraham  )  Continuatio  Annalium 

Baronii.Tom.XV.XVI. 
Camerarius  (  Joach.  )  De  Frat.Orthodox.  Ec- 

clef,  in  Bohem.  Morav.  &  Polon. 
Carolus  (  IV  )  Vita  ab  ipfo  compofita. 
Tom  J. 


Cave  (WtùMmus)  Scriptor.Ecclefiaft.Hift. 

Literar. 
Cernitius  (  Johann.  )  Hift.  Brandeb. 
Choifi  (  l'Abbé  de  )  Hiftoire  Eccleitaftique. 
Chriftannus  (  de  Scala  )  Hiftoria  Bohenuar. 
Cochlée  (  Jean  )  Hift.  Huffit. 
Comenius  (  jimos  )  Hift.  Fratr.  Bohem. 
Oncitia  (  Edit.  Reg.  Paris.  )  Tom.  XXVI. 
Cofmas  (  Vragenfis  )  Chronica  Bohemica. 
Cromerus  (  Martinus  )  Hift.  Polon. 
Cufpinianus  (  Johannes  )  de  Vitis  Imperat«- 

rum. 
Damalvicz  (  Stephanus')  Vitac  Epifcoporum 

Vvladifl.&Gnefn. 
Daniel  (  Le  Tere  )  Hiftoire  de  France. 
Dlugos  C  Johann,  )  Hiftoria  Poloniae. 
Dubravius  (  Johannes  )  Hiftoria  Bohemir. 
Du  Pin  (Elites)  Bibliothèque  des  Auteurs  Ec« 

clefiaftiques. 
Eggs  C  Georgius  )  Purpura  do<5ta. 
Fabricius  (Georgius  )  De  Rébus  Mifnicis,  & 

Saxonicis. 
Fafciculus  Rerum  expetendarura  &  fugienda- 

rum. 
Fleury  (  Abbé  du  Ltc-Dteu  )  Hiftoire  Ecclefiaf- 
tique. 
Frcher  (  Marquard.  )  De  Rébus  Bohemicis. 
Gaguinus  (  Robertus  )  Hiftoria  Franc. 
Georgius  ÇJacofas  Fridericus)  Grayamina 

Imperii, 
Gerbais  (Dofteurde  Sorbonne)  Sa  Tradudioa 
du  Tanormitanus  touchant   l'autorité  du 
Concile  de  Bafle. 
Gobelini  Terfona  Cofmodromium. 
Gobelin  (Johan.)  Commentarii  in  Vit.Pii  M. 
Gregorii  XL  Papa  Epiftolae. 
Gregor.  Vil.  Tapa  Epiftolae. 
GrofTerus  ,Memorab.  Lu£âtiar. 


TABLE      DES      AUTEURS. 


x 

Hagec  (  Vvenceflaus  )  Hiftoria  Bohcmix. 
Hankius  (  Martinus  )  de  Silefiis  Eruditis. 
Hardt  (Herman  vonder )  Act.  Concil.  Conf- 

tantienf.  Helmftad, 
Henelii  (  Nie.  )  Silefiographia. 
HofTman  (  Chrijîian.  Godofr.  )  de  Script.  Lufa- 

tia?. 
Hus  (  Johannis  )  Opéra. 
Illyricus  (  Matthias  Flacius  )  Catalogus  teftium 

veritatis.       » 
Johannis  (  Ceorg.  Cbriflian.)  Notas  ad  Serrarii 

Rer.  Mogunt.  Libros. 
Jus  Canonicum. 

Juftinianus  (  Horat.)  Hiftoria  Concilii  Flo- 
rentin!. 
Kalendarium  Hufïiticum. 
Koelerus  (Johann.  David  )  de  Rockyfane. 
Krantzius  (  jilbertus  )  Wandalia ,  Saxonia. 
Kufterus  (Georg.  Godeffr.  )  Memorabil.  Tan- 

gramund. 
Labigne  (Margarinde)  Magna  Bibliotheca 

Patrum. 
Leibnitz,  MantifTa  Codicis  JurisGentium. 
I-anglet  (  Du  Frefnoj  )  Libcrtez  de  l'Eglife  Gal- 
licane. 
Limborch  (Thilippus  a)  Hiftoria  Inquifitionis. 
Lobineau  (  Gui  .Alexis  )  Hiftoire  de  Bretagne. 
Lupacius  (  Trocopius  )  Ephemeris  Rerum  Bo- 

hemicarum. 
Maimbourg  (  Louis  )  Hiftoire  du  grand  Schif- 

me  d'Occident. 
Manlius  (  Chriftopbor.  )  Rerum  Lufatic.  Com- 

mentar. 
Marfiliusde  Padua  ,  Defcnfor  Pacis: 
Merian  (  Mattbœus )  Topograph.  Bohem. 
Meyeri  Magnum  Chronicon  Belgicum  ap. 

Tiflerium. 
Mife(  Jacques  de) 
Neu'brigf  Johannes  ) 
Niderus  (  johannes  )  de  Vifionibus. 
Niem  (  Tljeodoric  de  )  de  Schifmate.  Bafilese. 

1566. 
Pagi  C  Francifcus  )  Breviar.  Pontifie.  Roman. 
PanoimitanusC  Johannes Thudefcus )  Tra&at. 

de  autorit.  Concil.  Bafil. 
Fareus  (  David  )  Hift.  Ba varie.  Palat, 


Taris  (  Hift.  Academ.  Parif.  Tom.  IV.  V.  ) 

Photii  Epiftolae. 

Platina  de  Vitis  Pontif.  Romanorum. 

Poggius  Florentinus.  Hiftoria  Florentins. 

Polydorus  (  Virgilius.  ) 

Pontanus  (  Georgius  Barthold  )  Bohemia  Pia. 

Pontanus  (  Jacobus.  ")  Sa  Traduction  Latine 

de  l'Hiftoire  des  HufTites  par  Tlnbaut. 
Rapin  T'hoyras  Hiftoire  d'Angleterre. 
Raynaldus  (Odoric)  Ccntinuatio  Annalium 

Baronii.  Tôm.  XVII.  XVIII. 
Reynerns  (Johannes')  De  Waldenfibus. 
Roo  (  Gérard  )  Hiftoria  Auftriaca. 
Schlecta  (  Jean  )  Epift.  ad  Erafm. 
Schmid  (  Jean  jlndré  )  de  Fatis  Calicis  Euchar. 

de  Concil.  Mogunt. 
Schminkius  (  Job.  Hermann.  )  DiiTert.  Hift.  de 

Wenceflao. 
Schoetgcnius  (  Cbrift.  )  de  Nolis  in  Veftitu; 
—  -  —  de  Flagellantibus. 
Serarius  (Nicolaus)  Rerum  Moguntinarum 

Tom.I.FrancofurtiadMœnum.  172  z. 
Seyfrid  (  Vvilhelmus  )  DiiTert.  Hift.  de  Johann. 

Hus.  Jenas.  171 1. 
Spondanus  (  Henricus  )  Continuatio  Anna- 
lium Baronii.  Tom.  I. 
Stranski  (  Taulus  )  Refp.  Bohem. 
Strauchius  (  JEpdius  )  DiiTert.  de  Waldenfib. 

Witteb.  1659. 
Strudovvski  (  Georg.  )  Morav.  Sacra. 
Struvius  (Burcardus  Gcîtbeljf.us  )  Syntagma 

Hiftoriae  Germanica?. 
Suetonius  (  Tranquillus  )  Vit.  Caefar. 
Thibaut  (  Zacharias  Tlwbaldus  Junior)  Bellum 

Huiïiticum 
Thomafius  (_  jacobus  )  DiiTertatio  de  Petro 

Drefdenfi. 
Thvvrocs  Chronic.  Hungar. 
Trithemius   (  Johannes,  Abbas)    Catalog. 

Script.  Eccl. 

Chronic.  Hirfaugienf. 
Chronic.  Spanhemienf. 
Varillas  Hiftoire  du  Wiclefianifme. 
Vegetius  (  Flavius  )  De  re  militari. 
\zttot(jîbbéde)  Hiftoire  des  Chevaliers  de 

Malte. 


*/ 


MEMOIRE  HISTORIQUE 

DE  LA  VIE,  DE  LA  MORT ,  ET  DES  OW RAGES 

DE    FEU    M.    LENFANT, 

Tiré  delà  Bibliothèque  Germanique ,  Tom.  XVI.  p.  iij. 

JAcc*ues  Lenfant  naquit  à  Basoches  cnBeauffelc  13.  Avril 
i  66 1 .  Il  étoit  fils  de  Paul  Lenfant  Miniftre  du  St.  Evangile  à 
Chatillon fur  Zoin ,  6c  mort  à  M 'arbourg  au  mois  de  Juin  \6%6. 
&  de  Dame  Anne  Dergnoup  àzPreffïnville  décédée  à  Berlin  le  6. 
Décembre  1692.  # 

Mr.  Lenfant  étudia  en  Théologie  à  Saumur,  où  il  logeoit  chez 
Mr.  Cappel  {Jacques  fils  de  Loiiis)  Profeiîeuren  Hébreu  _,  dont  il  a 
toujours  été  fort  aimé  &  fort  eftimé.  Il  alla  enfuite  continuer  [qs 
ctudes  à  Genève  (i").  Au  fortir  de  France,  dit-il  en  quelque  en- 
droit (a) ,  fai  trouvé  dans  Genève  une  nouvelle  &  phfs  tendre  Patrie,    (a)  Btbiittb. 
On  m'y  a  fait  mille  fois  plus  de  grâces  &plus  d'honneur,  que  je  n'en  puis  Germ- T,V1, 
mériter  ..-. .  Aufft  depuis  que  j'en  fuis  forti  3  j' ai  toujours  fait  profef  P       ' 
fïon  d'aimer  &  d'honorer  Genève  comme  ma  mère.  lien  partit  vers  la 
fin  de  l'année  1  6  8  3 .  &  paiTa  à  Heidelberg  3  où  il  reçut  l'importions 
des  mains  au  mois  d'Août  1684.  Il  y  exerça  fonMiniftere  avec 
beaucoup  d'honneur ,  en  qualité  de  Chapelain  de  Madame  l'E- 
leétrice  Douairière  Palatine ,  ôc  de  Pafteur  ordinaire  de  PEglife 
Françoife. 

L'invafion  des  François  dans  le  Palatinat  obligea  Mr.  Lenfant 
de  fortir  d'Heidelberg  en  1688.  Deux  Lettres  qu'il  avoit  écrites 
contre  les  Jefuites ,  &  qui  font  inférées  à  la  fin  de  fon  Préfervatify 
ne  lui  permettoient  pas  de  demeurer  à  la  diferétion  d'une  Société , 
dont  on  ne  vante  pas  la  generofité  ni  la  clémence.  Il  quitta  donc 
lePalatinatau  mois  d'O&obre  1688.  avec  la  permiflîon  de  fon 
Eglife  &  de  [qs  Supérieurs ,  &  arriva  à  Berlin  au  mois  de  Novem- 
bre fuivant. 

Quoique  l'Eglife  Françoife  de  Berlin  eût  déjà  un  nombre  fufïï- 

(z.)  Uneperfonnequi  a  été  long-temps  auprès  de  Mr.  Lenfant ,  lui  a  fouvent  oui  dire, 
gu'il  ayoit  été  le  premier  Propofhnt  qui  eûtprêché  a  l'Hôpital  de  Genève. 

çij 


xij  MEMOIRE    HISTORIQUE 

fant  de  Pafteurs ,  le  feu  Roi  (  i)  de  glorieufe  mémoire  ne  ïaiiïa  pas 
de  lui  donner  encore  Mr.  Zenfant,  qui  commenta  Tes  fondions  le 
21.  Mars,  jour  de  Pâques  1689.  Il  les  a  continuées  dans  cette 
Eglife pendant  3  9.  ans  &  quatre  mois. 

Ilépoufa  en  1705.  Demoifelle  Emilie  Gourgeœud  de  Venours  > 
d'une  Maifon  illuftre  de  Poitou ,  dont  il  n'a  point  eu  d'enfans. 

Le  Dimanche  25.  Juillet  de  cette  année  1718.  il  avoit  prêché 
a  fon  ordinaire  dans k>n Eglife ,  fur  Matth.  VII.  24.  25.  mais  le 
Jeudi  fuivant  19.  du  même  mois,  il  fentitune  légère  attaque  de 
paralyse  vers  les  cinq  heures  de  l'après-midi.  Il  avoit  paru  fe  por- 
ter fort  bien  tout  le  jour.  Cette  attaque  quilefurprit  chez  un  de 
fcs  amis ,  n'empêcha  pas  qu'il  ne  vînt  feul  6c  à  pied  chez  lui.  Un  au- 
tre de  fes  amis,  qui  vint  le  voir  fur  les  fix  heures,  remarqua  qu'il 
avoit  la  bouche  un  peu  de  travers ,  &  quelque  difficulté  à  parler. 
On  ne  crut  pas  néanmoins  que  cet  accident  eût  de  dangereufes 
fuites ,  parce  qu'il  parut  allez  bien  remis  dès  le  lendemain.  Mais  le 
quatrième  d'Août ,  vers  les  fept  heures  du  foir ,  l'accident  revint 
beaucoup  plus  violent  que  la  première  fois.  Il  tomba  dans  une 
efpece  de  léthargie ,  ne  parla  plus  que  par  monofyllabes ,  6c  mê- 
me avec  une  extrême  peine,  6c expira  enfin  le  Samedi  fepciéme 
d'Août,  entre  fix  &  fept  heures  du  matin  >  après  avoir  vécu  foi- 
xante-fept  ans ,  quatre  mois  ôc  fix  jours. 

Mr.  Lenfant  étoit  d'une  taille  un  peu  au  deiîous  delà  médio- 
cre :  il  n'étoit  ni  gras ,  ni  maigre.  Son  vifage  eft  bien  reprefenté 
dans  fa  Taille- douce.  Onappercevoit  quelque  chofe  de  fin  6c  de 
pénétrant  dans  fes  yeux.  Son  air  étoit  fimple,  6c  plutôt  négligé 
que  recherché.  Il  neparloitpas  beaucoup,  mais  il  parloit  bien. 
Il  difoit  les  chofes  d'une  manière  fine  6c  délicate,6c  les  aflaifonnok 
d'un  air  qui  les  faifoit  encore  trouver  meilleures. Lorfque  Ton  met- 
toit  quelque  matière  fur  le  tapis,  6c  qu'il  s'élevoit  quelque  difpuce, 
il  ne  s'irritoit  jamais.  L'ironie  le  fervoit  à  propos  dans  ces  occa- 
fions-là. 

Il  aimoit  la  focieté ,  &  paflbit  peu  de  jours  fans  voir  quelqu'un 
de  fes  amis.  Mais  fes  ouvrages  n'y  perdoientrien.  Il  revenoit  à  fon 
travail  avec  de  nouvelles  forces ,  le  reprenoit  fur  le  champ ,  à  l'en- 
droit où  il  l'avoit  lailïé,  &  ne  compofoit  jamais  mieux  que  lorfqu'il 
s'étoit  égayé  dans  une  compagnie  agréable.  Il  étoit  bon  ami,  fans 
faire  trop  l'emprefîé ,  6c  n'étoit  ennemi  de  perfonne.  Jamais  il  ne 

(i)  CeftFridcric,  Eleâeurde  Brandebourg,  qui  avoit  fuccedé  à  l'Eleveur  Frideric  Guil» 
fnurne  mort  le  zp.  d'Août  16ZZ  >  &  qui  depuis  fut  Roi  de  Pruffe* 


DE  LA  VIE  DE  M.  :L  ENFANT.  xiij 
s'eft  refufé  aux  prières  &  aux  befoins  de  qui  que  ce  foit.  Il  en  ufoic 
avec  cette  générofité  envers  les  perfonnes  qui  lui  avoient  donné 
dejuftesfujetsde  plainte.  Ilpofledoit  ces  vertus  bienfaifantes  & 
pacifiques ,  qui  font  les  vertus  eflentielles  du  Chrétien.  Tout  à 
fait  défînterefle ,  il  ufoit  de  fon  crédit  &  de  fcs  amis  pour  faire  du 
bien  aux  autres,  &  ne  lesemployoit  jamais,  ou  très-rarement,  pour 
lui-même. 

Je  ne  parlerai  point  de  ks  talens.  Ceux  qui  l'ont  oui ,  ou  qui 
l'ont  connu ,  en  font  témoins ,  &  [qs  Ouvrages  en  inftruifent  les 
autres.  J'ai  témoigné  Peftime  que  j'en  fais  dans  le  premier  extrait 
de  fon  Concile  de  Pife ,  Tome  VIII.  de  cette  Bibliothèque  >  où  je 
renvoyé  le  Lecteur. 

Il  a  eu  la  réputation  d'excellent  Prédicateur,  &  il  l'étoit.  Il 
avoit  la  voix  belle ,  la  prononciation  diftinde  &  variée.  Son  flile 
croit  pur,  clair,  grave  jiln'étoitnideftitué,  ni  trop  chargé  des 
©rnemens  de  l'Eloquence.  Ses  exprenlonsétoient  bien  choiiîes,  & 
il  favoit  donner  un  beau  tour  à  toutes  chofes.  Sans  s'arrêter  à  éplu- 
cher les  mots  d'un  texte ,  il  en  donnoit  le  vrai  fens ,  il  en  marquoit 
les  matières  principales ,  &;  les  traitoit  en  maître. 

Le  mérite  de  Mr.  Lenfant  a  été  fi  bien  reconnu,  qu'il  a  eu  tou- 
tes les  diftindions  honorables  qui  peuvent  illuftrer  un  homme  de 
fon  cara&ere.  Il  fut  Prédicateur  de  la  feue  Reine,  charlotte  So- 
phie y  princefle  qui  avoit  infiniment  d'efprit ,  &  beaucoup  de  con- 
noiflànces.  Après  la  mort  de  Ja  Reine,  il  fut  Chapelain  du  feu  Roi. 
Il  étoit  Conseiller  du  Confîftoire  Supérieur  ,  &  Membre  d'un. 
Corps  nommé  le  Confeil  François ,  &  formé  pour  diriger  les  affai- 
res générales  de  la  Nation.  Il  fut  agrégé  en  1 7 1  o.  à  la  focieté  de 
la  Propagation  de  la  Foi,  qui  eft  établie  en  Angleterre,  &  le  2, 
Mars  1 7  24.  à  l'Académie  des  Sciences ,  fondée  à  Berlin  par  le  feu 
Roi. 

Mr.  Lenfant  fît  un  voyage  en  Hollande  &  en  Angleterre  en  l'an- 
née 1 707.  Il  eut  l'honneur  de  prêcher  devant  la  Reine  de  la  Gran- 
de Bretagne  (a) ,  &  s'il  eût  voulu  fe  réfoudre  à  quitter  l'Eglife  de  (»)  **  Reine 
Berlin  qu'il  aimoit ,  &  dont  il  étoit  tendrement  aimé ,  il  auroit  pu  Ame' 
demeurer  à  Londres  avec  le  titre  honorable  de  Chapelain  de  la 
Reine ,  qu'on  lui  offrit.  Il  fit  depuis  des  voyages ,  à  Helmftad  en 
ï  7 1 2.  à  Zeipfic  en  1 7 1  5 .  à  Breflau  en  1725.  Son  but  étoit  de  dé- 
couvrir les  livres  rares  &  les  manuferits  dont  il  avoit  befoin  pour 
compofer  les  Hiftoires  qu'il  a  écrites.  Mr.  le  Comte  deScbœffgotfehs 
Gouverneur  pour  fa  Majefté  Impériale  delà  belle  &  grande  pro- 
fit ii  j 


xiv  MEMOIRE    HISTORI  QJJ  E 

vince  de  Silèfie  .  lui  témoigna  beaacoup  d'eftime  à  Breflau.  Il 
lui  avoit  été  recommandé  par  feu  Mr.  le  Comte  de  Rabutin ,  Sei- 
gneur plein  d'efprit  &  de  générofité  ,  qui  étoit  alors  Miniftre  de 
l'Empereur  à  la  CourdePrufTe,  6c  quihonoroic  le  mérite  de  Mr. 
Zenfant. 

Ce  Seigneur  eut  cela  de  commun  avec  plufieurs  autres  Grands, 
comme  on  le  voie  par  les  lettres  que  Mr.  Zenfant  en  a  reçues  pen- 
dant fa  vie.  Il  y  en  a  de  feue  Madame  Y  EleBrice  de  Brunfwic-Zune- 
bourg  Princeffe  palatine  5  de  Madame  la  Princejfe  de  Galles  ,  à 
prefent  Reine  de  la  Grande  Bretagne  3  de  feu  Mr.  le  Comte  de  Fle- 
ming $  de  l'illuftre  Chancelier  de  France ,  Mr.  Dagueffeau  3  &c. 
Il  y  en  a  aufîi  de  quantité  de  fçavans ,  Protejlans  ou  Catholiques , 
parmi  lefquels  il  faut  difbinguer  un  Abbé  qui  fe  diftingue  fî  fore 
d'ailleurs,  je  veux  dire  Mr.  l'Abbé  Bignon. 

Je  ne  fçais  fi  ce  fut  M.  Zenfant ,  qui  forma  le  premier  le  defîein 
de  la  Bibliothèque  Germanique  (  1  ) ,  ou  s'il  lui  fut  fuggeré  par  quel- 
qu'un des  membres  de  cette  focieté  de  Sçavans ,  qui  ont  pris  Je 
nom  d'^w^w^.jlss'allembioient  ordinairement  chez  lui,  &ce 
furent  ces  Mrs.  qui  lui  inspirèrent  d'écrire  l'Hiftoire  du  Concile  de 
Confiance ,  &  qui  l'encouragèrent  à  une  entreprife  qu'il  a  fi  bien 
exécutée,  &  qui  lui  a  fait  tant  d'honneur.  A  l'égard  de  la  Biblio- 
thèque Germanique  ,  il  eft  l'Auteur  de  la  Préface  qu'on  trouve  à  la 
tête  du  I.  Tome  de  cet  Ouvrage. 

Mr.  Zenfant  fe  fit  connoître  de  fort  bonne  heure  dans  la  Repu- 
blique des  Lettres,  Son  coup  d'eflai  fut  I.  les  Confedèrations géné- 
rales fur  le  Zivre  de  Mr.  Brueys.  Il  les  écrivit  en  l'année  1683. 
lorfqu'il  n'avoit  encore  que  vingt-deux  à  vingt-trois  ans,  &  on 
les  imprima  à  Rotterdam  l'année  fuivante.  Ilparoît  par  des  Let- 

xun  xlÎv  tres  ^e  ^eu  ^r*  Sity^e  (a)>  4ue  cec  Ouvrage  fut  bien  reçu  du  Public. 
&  xlv.  de   Voici  le  Catalogue  des  autres. 

M.  B*yie ,  de      II.  Zettres  choifics  de  St.  Cyp'ien.  8 .  Amfterd.  16  8  8 . 
l7%\,  III.  Z' innocence  du  Catéchifme  de  Heidelberg.  1690.  Cette  pie- 

ce  a  été  réimprimée  en  1723.  à  la  fin  du  Préfervatif 

IV.  De  Jnquirenda  veritate  4.  Genev.  169  1.(2).  C'eft  une Tra- 

(1)  Cet  Ouvrage  commença  en  1720.  Mr.  Lenfctnt  y  a  toujours  eu  beaucoup  de  part; 
mais  il  ne  s'eft  mis  proprement  du  nombre  des  Auteurs  que  depuis  le  Tome  IV.  inclulive- 
ment. 

(z)  On  apprend  par  une  Lettre  de  Mr.  Lenfctnt  à  Mr.  Du  Sautet  publiée  dans  les  "Nouvelles 
Littéraires  du  1 5.  de  Février  171 6".  que  cette  traduction  fut  achevée  en  16*8].  mais  qu'elle  ne 
fut  imprimée  qu'en  1 6$  1 .  à  eau  Ce  du  de'fordre  quifurvint  dans  les  affaires  du  Libraire  qui  en  avojt 
entrepris  l'imprejjion.  On  trouvera  dans  les  mêmes  Nouvelles  Littéraires  la  Lettre  que  le  P,  Mq- 
Ubrancbe  écrivit  à  Mr.  Lenfant  fur  fa  Traduction. 


DE  LA  VIE  DE  M-  LENFANT,  xv 
duction  Latine  de  la  Recherche  de  la  Vérité  du  P.  Malebranche.  M. 
Lenfant  manda  à  M.  Bayle  le  deiïein  qu'il  avoit  de  traduire  ce  Li- 
vre. Mr.  Bayle  en  donna  avis  au  P.  Malebranche  >  &  lui  fit  connoî- 
tre  fbn  Tradu&eur.  Une  perfonne  qui  a  été  long-temps  auprès  de 
Mr.  Lenfant  3  lui  a  oiii  dire  la  même  chofe. 

V .  Ht (ioire  de  la  Papeffe  Jeanne  fidèlement  tirée  de  la  Differtation 
Latine  de  Mr.  de  Sphanhcim,  Profe fleur  en  Théologie  à  Leyde.  8. 
Cologne  (c'eft  à  Amfterdam)  1694.  La  IV.  Partie  eft  de  Mr, 
Des-Vignoles  3  qui  y  a  ajouté  plufieurs  articles  dans  une  féconde 
Edition  faite  à  la  Haye  en  1720.  Mr.  Lenfant  n'a  point  eu  de  parc 
à  cette  Edition.  Voyez  l'Avertiflement  du  Libraire. 

VI.  Remarques  fur  l'Edition  Grecque  du  N.  T eftament  par  Mr. 
Mill,  du  y. Juin  1708.  Cette  pièce  eft  dans  la  Bibliothèque  choifie 
de  M.  le  Clerc.  Tom.  XVI.  p.  275. 

VII.  Lettre  Latine  fur  le  même  fujet  du  31  Décembre  1708. 
Ibid.  Tom.  XVIII. p-  209. 

VIII.  Lettre  Latine  a  Mr.  Des-Vignoles  fur  l'Edition  du  iV".  Tef- 
tament  donnée  par  M.  Kufter.  Le  17.  Juin  171  o.  Ibid.  Tom. 
XXI.  p.  97. 

IX.  Réflexions  &  Remarques  fur  la  Difpute  duV '.  Martianay  avec 
un  Juif  3  inférées  dans  les  Nouv.  de  la  Rep.  des  Lettr.  Mai  1709. 
p.  479.  &  Juin,  p.  599. 

X.  Mémoire  Hifiorique  touchant  la  Communion  fous  les  deux  cfpe- 
ces:  inféré  dans  les  Nouv.de la  Rep.  des  Lett.  Septemb.  1709.  p. 

XI.  Critique  des  Remarques  du  P.  Vavafleury#r  les  Réflexions  du. 
P.  Rapin  ,  touchant  la  Poétique ,  inférée  dans  les  Nouv.  de  la  Rep. 
des  Lett.  Fevr.  1710.  p.  1  2  3 .  &.  Mars.p.  253. 

XII.  Réponfede  M.  Lenfant  à  M.  Dartis  au  fujet  du  Socinianif- 
me.  C'eft  une  brochure  imprimée  à  Berlin  en  171  2.4. 

Il  faut  joindre  à  x:et  article  une  autre  Brochure  3  imprimée  aufîï 
à  Berlin  en  1719.ou.Mr.  Lenfant  répond  à  diverfes  chofes  avan- 
cées par  le  même  M.  Dartis ,  dans  une  Lettre  qu'il  a  intitulée, 
Lettre  paftorale.  M.  Lenfant  n'a  pas  daigné  répondre  depuis  à 
d'autres  Ecrits  du  même  Auteur.  Il  avoit  befoin  de  fon  loifir  ail- 
leurs. 

XI  IL  Lettre  fur  le  fens  littéral  des  anciens  oracles ,  à  l'occafion  de 
la  Differtation  fur  le  Pfeaume  CJtT  :  inférée  dans  VHifioire  Critique 
de  la  Republique  des  Lettres ,  Tom.  VI.  p.  43 . 

XIV.  Lettre  fur  une  Difpute  avec  le  P.  Vota  Je  fuite ,  inférée  dans 
la  Bibliothèque Choifie ,  Tom.  XXIILp.  327, 


xvj  MEMOIRE     HISTORI QJJ  E 

XV.  Hifioire  du  Concile  de  Confiance ,  tirée  principalement  d*  Au- 
teurs qui  ont  a(ftjlé  au  Concile.  Enrichie  de  Portraits.  4.  Amfterdam. 
chez  P.  Humbert.  2.  Voll.  17 14. 

Seconde  Edition  fort  augmentée.  Amft.  1728.  (1) 

XVI.  Apologie  pour  /' Auteur  de  l 'Hifioire  du  Concile  de  Confiance, 
contre  le  Journal  de  Trévoux  du  mois  de  Décembre  1 7 1 4.  Amft .  1 7 1 6 . 
in  4.  CetteApologie  a  été  inférée  dans  la  fecondeEdition  de  YHif* 
toire  du  Concile  de  Confiance. 

XVII.  Difcours prononcé  a  Berlin  dansl'Eglife  de  Werder  le  16. 

Décembre  de  l'année  1 7 1  5 .  jour  de  Jubilé ,  fur  les  15.  premiers  ver- 

fets  du  Chapitre  JCL1V.  de  ï '  Ecclèfiafiique ,  imprimé  à  Berlin  in  4. 

&  réimprimé  plus  correctement  in  11.  à  Amfterdam  171 6.  chez. 

H .  Wytwerf. 

XVIII.  TraduBion  du  2f.  Te  pâment  avec  des  Remarques ,  & 
à! amples  Préfaces ,  par  Mrs.  de  Beaufobre  &  Lenfant 4.  Amft.  chez 
P.  Humbert.  1 7 1  8 .  2 .  Voll. 

XIX.  Le  Poggiana ,  ou  la  vie  >  le  caraïlere ,  les  fentences ,  &  les. 
bons  mots  deVoGGE  Florentin ,  avec  l' Hifioire  de  Florence  écrite  par 
le  Pogge.  Et  un  Supplément  de  diverfes  Pièces  importantes.  8.  Amft. 
1  720.  chez  P. Humbert. 

XX.  Lettre  a  M.  de  la  Motte ,  pour  fervir  de  Supplément  a* 
Poggiana.  Bibl.  German.  T.  I.  p.  11 2. 

XXI.  Lettre  a  M.  de  la  Crofe  fur  quelques  eorredions  àuPoggia- 
na>  inférée  dans  la  Bibliothèque  Germanique ,  Tom.  I.p.  240. 

XXII.  Rèponfe  aux  Remarques  de  M.  de  la  Monnoye  fur  le  Pog- 
giana :  inférée  dans  la  Bibliothèque  Cerm.  Tom.  IV.  p.  70. 

XXIII.  Lettre  à  M.  Des-Vignoles  fur  les  Prières  des  Payens.  Ib. 
p.189. 

XXIV.  Difertation  fur  cette  que ft ion  :  Si  Pythagore  &  Platon 
ont  eu  connoiffance  des  Livres  de  Moïfe  &  àe  ceux  des  Prophètes  :  infé- 
rée dans  la.  Bibliothèque  Germ.  Tom.  II.  p.  114. 

XXV.  Eclaircifementfur  ce  qu'il  avoitfait  défendre  Charles  VI. 
de  Charlemagne  :  inférée  ibid.  p.  173. 

XXVI.  Lettre  fur  les  paroles  inutiles.  Matth.  XII.  3  6.  inférée 
dans  la  Biblioth.  Germ.  Tom.  III.  p.  9  8. 

XXVII.  Prèfervatif  contre  la  réunion  avec  le  Siège  de  Rome  >  0» 
Apologie  de  notre  féparation  d'avec  ce  Siège.  8.  Amfterd.  chez  P. 

(i)  Voici  le  jugement  qu'en  porte  le  P.  Nicemn  dans  tes  Me  moires  feur  fervir  i  VHtfloiri  des 
Hommes  Illujlres  dans  la  Republique  des  Lettres  ,  Tom.  I X.  p.  zj  i .  „  Il  efl  peu  d'Hiftoire  aufli 
,,  cxaûe  &  aufli  fagement  e'erite  que  celle-ci,  qui  pour  être  de  la  main  d'un  Proteftant,  ne 
;,  porte  aucune  marque  de  partialité'. 

Humbert 


DE    LA     VIE     DE    M.    LENFANT.     xvij 
Hîtmbert  1723.  V.  Voll.en  y  comprenant  Y  Innocence  du  Cathc- 
chifmede  Fîeidelberg  démontrée  contre  deux  Libelles  d'un  Je  fuite  du  Va 
latinat ,  où  l'on  a  joint  des  difconrs  fur  les  Catechifmes ,  fur  les  Formu- 
laires ,  &  fur  les  Confeffions  de  Foi. 

XXVIII.  Hifioire  dû  Concile  de  Pi fe^  &  de  ce  qui  s* cft  pafié  de  plus 
mémorable  depuis  ce  Concile  jufqu  au  Concile  de  Confiance.  Enrichie  de 
Portraits.  4-  Amfterd.  chez  P.  Humbcrt  1724.  2.  Voll. 

XXIX.  Sci^e  Sermons  fur  divers  Textes.  8.  Amfterd.  chez  P. 
Fîumbert.  1728. 

XXX.  Une  Préface  générale  fur  Y  Ancien  &  le  Isfouv.  Teftament. 
Elleeft  à  la  têce d'une  Bible Françoife,  imprimée*»  8. en  1728.  à 
Hannover  &àLeipfig. 

XXXI.  Des  Remarques  fur  le  Livre  du  P.  Gisbert  de  Y  Eloquen- 
ce Chrétienne ,  dont  voici  le  titre  .  L'Eloquence  Chrétienne  dans  l'idée 
&  dans  la  pratique.  Par  le  P.  G 1  s  B  e  R.t  ,  delà  Comp.  de  Je  fus.  Nou- 
velle Edition  où  l'on  a  joint  les  Remarques  de  Mr.  Lenfant  in  12, 
Amft.  chez  Jean  F  rider  ic  Bernard  1728. 

XXXII.  Enfin  le  dernier  Ouvrage  de  M.  Lenfant ,  celui  fous 
lequel  il  a  fuccombé  ,  eft  YHifloire  de  la  Guerre  des  Hujfites  &  du 
Concile  de  Bajle  (1) ,  qu'on  donne  prefentement  ici  en  2.  Voll. 

L'Hiftoire  de  la  Guerre  des  Huffites  commence  où  celle  du 
Concile  de  Confiance  finit ,  &  s'étend  jufqu/à  l'année  1 4  5  3 .  Com- 
me ce  fut  dans  cet  intervalle  que  fe  tint  le  Concile  de  Balle,  l'Au- 
teur en  a  rapporte  les  Sellions  6c  ks  réfolutions,  avec  les  princi- 
paux événemens  qui  concernent  cette  AlIembléeEccléiiaftique. 
Ainfi  l'on  peut  donner  hardiment  à  fon  Livre  le  titre  à'Hiftoire  de 
la  Guerre  des  Huffites  &du  Concile  de  Baflc.  Je  ne  doute  pas  même 
qu'il  ne  l'eutintitulé  de  la  forte ,  Ci  lorfqu'il  entreprit  l'Hiftoire  de 
cette  Guerre,  il  n'eût  eu  le  deflein  d'écrire  celle  du  Concile  de 
Balle,  avec  la  même  étendue  2c  les  mêmes  détails  que  fes  Hiftoi- 
res  des  Conciles  précédens.  Mais  comme  il  voyoit  fa  courfe  s'a- 
vancer ,  &  qu'il  fentoit  peut -être  diminuer  fes  forces,  il  voulut, 
pour  dégager  fa  parole.,  inférer  dans  la  Guerre  .des  HiiTites  ce 
qui  fe  pafla  de  plus  important  au  Concile  de  Bafle. 

Une  faut  pas  que  la  mort  imprévue  de  l'Auteur  prévienne  le 
Public  coni-re  cet  Ouvrage  Pofthume,  comme  s'il  l'avoit  laide 
imparfait.  Le  manuferic  en  étoit  déjà  copié  3  lorfque  M.  Lenfant 

(1)  Il  y  a  une  Lettrede  Sa  Majefte' Pruffienneaux  Mngiftrats  deSnfle  ,  en  date  du  i.  Dé- 
cembre I7I4-  l'ar  laquelle  Sa  Majcfté  les  prie  de  communiquer  à  Mr.  lenfant  tous  les  Adct 
«jui  font  dans  leurs  Archives  touchant  le  Concile  de  Balle.  \\  e«  a  eu  en  effet  diverfes  Pièces 
«lontil  a  fa'tufagc. 

Tom.  J.  î 


xviij  MEMOIRE  HISTORIQUES. 
mourut  II  en  avoir  relu  lui-même  les  deux  tiers:  Tes  amis  ont  eu 
foin  de  revoir  le  refte  ,  où  il  n'a  fallu  corriger  que  quelques  fautes 
dans  les  citations  marginales,  dans  la  ponctuation  ou  dans  l'or, 
thoeraphe  H  eft  pourtant  vrai  qu'il  auroit  poulie  ion  Hiitoire 
jufques  vers  l'an  1 460.  s'il  avoit  plu  à  Dieu  de  le  confer ver  encore 

quelques  mois. 

Il  a  laifle  auffi  plufieurs  Remarques  fur  divers  Ouvrages  ,  ÔC 
Quelques  petits  Traitez  qui  avec  le  temps  pourront  voir  le  jour. 

Te  finirai  ce  Mémoire  par  le  récit  d'un  événement  qui  eft  cer- 
tain mais  fur  lequel  je  ne  ferai  aucune  réflexion.  Lorfque  le  Roi 
de  Pologne  étoit  à  Berlin ,  (  c'eft  à  la  fin  de  Mai  &  au  commence- 
ment de  Tuin  de  cette  année  1  7 1 8 .)  M.  Lenfant  fongea  qu'on  lui 
ordonnoit  de  prêcher.  Il  s'en  défendait  fur  ce  qu'il  n'étoit  pas  pré- 
paré &  ne  fçachant  quel  fujet  il  devoit  prendre ,  on  lui  dit  de 
prêcher  fur  ces  paroles  d'E/aU  XXXV 111.  1 .  Mets  ordre  aux  affat- 
les  de  ta  maifon,  car  tu  t'en  vas  mourir.  Il  raconta  ce  longe  a  quel- 
ques-uns de  fes  amis ,  mais  il  n'en  dit  rien  a  M-  fa  femme  de  peur 
del'allarmer.  Onnefçauroic  dire  fi  ce  fonge  fit  quelque  impre  - 
fion  fur  fon  efpric  :  il  n'etoit  ni  crédule  ni  fuperftincux  ,  mais  il  eh. 
certain  qu'il  fe  hâtoit  extrêmement  de  finir  fon  Ouvrage. 

Son  corps  fut  inhume  à  Berlin  le  9.  d'Août  17*8,  au  pied  de  la 
Chaire  de  l'Eglife  Françoife ,  que  l'on  appel  e  1  Eghfe  ^erder^ 
caufe  du  quartier  oà  elle  eft  fituée.  Ceft  celle  ou  feu  M ,J^nt 
prêchoit ordinairement,  depuis  l'année  1  71  5-  <\"  ilpl«aSa  Ma- 
jefté  d'affecta  à  chaque  Eglife  fesPafteurs  particuliers  au  lieu 
qu'auparavant  elles  écoient  toutes  fervies  par  les  mêmes  Paftcurs 


tour  a  tour. 


^^àÈk^^È^^Mt^ÈÈ^àÈkkk^'^^^*^^ 


.    *     AVIS 

SUR  CETTE  NOUVELLE  EDITION. 

IL  eft  bon  de  prévenir  le  Leéteur  fur  quelque  défiance 
qu'on  a  voulu  lui  infpirer  au  fujet  de  Cette  édition. 
L'Editeur  déclare  qu'il  a  religieufement  confervé  tout 
le  texte  de  feu  M.  Lenfant,  à  1  exception  des  fautes  d'im- 
prefïîon  qu'il  y  a  trouvées  en  afTez  grand  nombre.  Pour 
rendre  intelligibles  quelques  endroits  qui  nel  etoient 
pas,  on  a  eu  recours  aux  originaux.  En  voici  un  exem- 
ple. Page  95.  de  l'Edition  d'Amfterdam ,  on  lit  :  //  (Zis- 
ka)  brûla  le  Village  Çf  Nicolas  qui  fe  fauva  dans  le 
Château.  En  confultant  l'Auteur  cité  à  la  marge,  on  a 
trouvé  \  Il  brûla  le  Village,  &  Nicolas  fe  Jauva  dans 
le  Château. 

On  a  cru  aufïî  devoir  corriger  quelques  fautes  de 
François ,  que  FHiftorien  n'auroit  pas  laiffées ,  s'il  a  voit 
donné  lui-même  l'édition  de  fon  Livre.  On  trouve  plu- 
fîeurs  fois,  il dejîfla ,  ils  defiflerent.  On  n'a  point  fait 
difficulté  d'écrire  ,  il  fe  defifla  ,  ils  fe  defiflerent.  On  a 
encore  mis  indiquer ,  indiqua  h  Concile,  au  lieu  d'/;z- 
dire,  indit. 

On  n'auroit  point  rendu  compte  au  Public  de  ces  dé- 
tails ,  s'il  n'eût  été  néceffaire  de  détromper  ceux  qui  au- 
ront lu  dans  les  Gazettes ,  les  avis  qui  y  ont  été  inferez 
contre  la  nouvelle  édition  des  Conciles  de  M.  Lenfant, 


LISTE  DES  PORTRAITS 

INSEREZ 

DANS     CETTE     HISTOIRE. 


TOME 


I. 


JEAN  Z  I S  K  A  5  Chef  des  Hnffices.  pag.  i  oo 

PROCOPE  RASE,  furnommé  le  Grand.  2  1 6 

JEAN  DE  ROCKISANE,  Archevêque  de  Prague.  z6i 

BOUCLIER  HUSSITTQUE.  166 

AMEDE'E  VIII.  dernier  Comte  6c  premier  Duc  de  Savoye  , 
élu.  Pape  par  le  Concile  de  Balle  fous  le  nom  de  Félix  V.      4  2.9 

TOME       II. 

ALBERT  Empereur.  1 

LADISLAS  Roi  d'Hongrie.  34 

GEORGE  CASTRIOT  SCANDERBERG.        U 
jENEAS    SYLVIUS     PICOLOMINI,    Cardinal  & 
dans  la  fuite  Pape  fous  le  nom  de«Pie  II.  94 

GEORGE  PODIBRASKloudePODIEBRAD.  96 


HISTOIRE 


HISTOIRE 

DELA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE    DE    BAS  LE- 

LIVRE      PREMIER. 

I.  îl  IF  L  y  avoit  environ  fîxfiécles  que  la  Bohême  était    L'Egiifeae 

Chrétienne  3  lorfqu'elle  fut  agitée  parles  trou-  Bohême  ori- 
blés  dont  on  entreprend  d'écrire  l'Hiftoire.  Il  Q^cqu™60 
n'eftpas  indiffèrent  à  cette  même  Hiftoire,  par 
rapport  à  mon  fujet,  de  fçavoir  fi  ce  fut  des  Grecs 
que  la  Bohême  reçût  la  Religion  Chrétienne , 
comme  plufîeursHiftoriens  de  Bohême  le  foûtiennent  (  i  ) ,  ou  fi 
ce  fut  des  Latins ,  comme  les  Hifloriens  Latins  le  prétendent ,  ôc 

(i )  Btlejov. ap.  Balbiu.  Epit.  Rer.  Bohem.  p.  7.  8.  Stramk^ Bojcm.  Refp.  Cap.  VI.  p.ZÔ^* 
Âm.  Comen.  Hiit.  Fratr.  Bofecm.  p.  4, 

Tom.  /,  A 


%  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

entre  autres  après  Baronius  ,lejefuite  JBalbin  dans  Ton  Abrégé  de 
F Hifioire  de  Bohème.  Les  Révolutions  qui  arrivent  dans  la  Reli- 
gion au  (fi  -  bien  que  celles  qui  arrivent  dans  l'Etat  font  plus  ou 
moins  furprenantes  félon  qu'elles  font  fubites ,  ou  qu'elles  partent 
d'une  origine  éloignée,  &on  prend  plaifir  à  fçavoir  l'un  &  l'autre. 
Il  faut  donc  tâcher  d'éclaircir  ce  fait  ,  en  gardant  une  entière 
impartialité  entre  les  Hiftoriens.  Ceux  de  Bohême  qui  affirment 
que  les  Bohémiens  ont  reçu  le  Chrillianifme  des  Grecs  font  fuf- 
.     pects  aux  Latins  ,  parce  que  félon  eux  ils  font  Picards  &  Huffites. 
<a)Prt«;«  (a)  Mais  d'autre  côté  les  Hiftoriens  Latins  ne  font  pas  moins  fiijf- 
Stransky  Sec-  petUà  ceux  de  Bohême,  comme  trop  attachez  au  Siège  de  Rome. 

ta  Picardus,  {,  .  •  •  1  r   •  1 

BUejovms ,    Sans  prendre  parri ,  ni  pour  les  uns  ,  ni  pour  les  autres ,  nous  nous 
Huffita.  ap.  attacherons  uniquement  à  la  vérité  de  l'Hiftoire  ,  autant  que 

Baibix.  p.78.  1       j  - 

1  '     nous  pourrons  la  découvrir. 

Premièrement  donc  ce  qu'il  y  a  de  certain,  de  l'aveu  de  tous 
lesHiftoriens,  cyefl  que  la  Bohême,  auiîî- bien  que  le  Royaume 
de  Moravie  (  1 J  fut  convertie  par  Methodius  &  Cyrille  Confiantin  , 
furnommé  le  Philofophe ,  tous  deux  Moines  Grecs  de  l'Ordre  de 
S.  Bafile  (2).  II.  Que  ces  deux  Apôtres  furent  envoyez  en  Mora- 
vie 6c  en  Bohême  par  l'Impératrice  Theodora  ,  &  par  l'Empereur 
Michel  ion  fils,  à  la  follicitation  de  Suatopluc  le  vieux  ,  Roy  de 
Moravie ,  qui  voyant  la  converfion  des  Myfiens ,  des  Bulgares ,  ÔC 
des  Ga^ares  faite  par  les  mêmes  Moines  ,  voulut  faire  jouir  tes 
(b)Baibh.  Etats  du  même  avantage,  (b)  Ce  fut  même,  pour  mieux  réuiîîr 
ubi  fupr.  p.  c[ans  cette  fainte  entreprife  qu'ils  apprirent  la  Langue  Efclavonne 
Mar^Mo-   qui  étoit  celle  des  Peuples  de  Bohême  &  de  Moravie.  III.  Il 
rar.Lib.'*.   femble  qu'il  foit  allez  clair  parla  que  la  Bohême  &la  Moravie 
Op.  m. p.  onc  rç<^  la  Religion  Chrétienne  des  mains  de  l'Eglife  Grecque. 
D'où  il  fuit  aufïï  fort  naturellement  que  ces  Eglifes  fe  fervoient 
d'abord  du  Rit  Grec.  Ceft  fur  quoi  il  eft  bon  de  faire  quelques 
réflexions  pour  l'éclaircifiement  de  ce  fait. 

Onnefçauroitcontefter  que  les  EvêquesdeRome  n'ayent  eu 
beaucoup  de  part  à  ces converfions  de  la  Bohême,  de  la  Mora- 
vie, &  des  Régions  circonvoifines  ,  comme  cela  paroît  par  la 
(c)Tratic.  Lettre  à" Adrien  II.  au  Moine  Cyrille  (c.)  Il  ne  paroît  pas  moins 
v*gu  Brcv      ■      pHiftoire  ,  que  les  deux  Moines   Grecs  dont  on  vient  de 

Gcit.  Pohtl-    r  *    j  ,  r  \  ÎC'J 

fie  Roman,  parler,  n'ayent  eu  beaucoup  de  correipondanceavec  le  biege  de 

-p.I   2.       (1)  La  Moraviectoit  alors  un  Royaume.  Elle  fut  convertie  avant  la  Bohême. 
1 1 5  '  (2  )  Jean  George  Stredouskj  dans  fa  Moravie  facree  prétend  que  Metbodius  &  Cyrille  n'e'toient 

pas  Moines.  Ses  raifons  ne  paroiflent  pas  alTez  fortes  pour  s'éloigner  du  fentument  gênerai» 
Sac  r .  Morav,  H;fl.  Lib.  1 .  Cap.  2 .  p.  $  1  •  £4. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  T.  3 

Rome.  S'il  en  faut  croire  Bollandus  dans  Ces  Vies  des  Saints, 
Cyrille  &  Methodius  furent  invitez  à  venir  à  Rome  par  Nicolas  1. 
qui  mourut  en  867.  (a)  Mais  il  faut  bien  remarquer  que  ce  ne  fut  (a)  BoiUnd 
qu'une  invitation,  &;  non  un  ordre,  6c  que  ces  Moines  répondi-  Vit.  San& 
rent  qu'on  leur  faifoit  beaucoup  d'honneur.  (1)  Ils  y  allèrent  en  J£  îr£"£ 
effet  fous  Adrien  fécond  fuccefîeur  de  Nicolas  I.  IV.  Le  même  Pontif.Rom. 
Auteur  raconte  qu1 'Adrien  II  avecfon  Clergé  trouvant  mauvais  Tom* IL  £• 
que  ces  deux  Moines  chantafTent  les  Heures  Canoniales ,  6c  difîent 
la  Mefîe  en  Langue  Efclavonne,  entreprit  de  les  en  cenfurer,  Ôc 
de  le  leur  interdire.  Cequiparoît  bien  un  Acte  d'autorité  ,  mais 
les  Moines  ne  s'y  voulurent  pas  foumettre.  Cyrille  défendit  fî  bien 
fa  caufe  ,  que  le  Pape  convaincu  delà  folidicé  de  Ces  raifons ,  fut 
obligé  de  leur  céder ,  &  de  permettre  de  faire  le  Service  Divin  en 
Moravie  6c  en  Bohême  dans  la  Langue  de  ces  Païs.   Le  Pape 
Jean  VIII.  fuccefîeur  à' Adrien  confirma  la  même  Concefïïon  , 
comme  cela  paroît  par  une  Lettre  de  ce  Pape  au  Roy  de  Moravie, 
où  il  appuyé  même  de  paflages  de  l'Ecriture  l'ufage  de  célébrer  le 
Service  Divin  dans  toutes  les  Langues  du  Monde,  avec  cette  ex- 
ception, que  par  honneur  on  liroit  l'Evangile  en  Latin,  6c  qu'après 
on  l'expliqueroit  enEfclavon.  (b)  Innocent  IV.  autorifa  aufîî  le  (b)  Bar»». 
même  ufage  vers  le  milieu  du  XIII.  Siècle,  (c)  Lejéfuite  Ealbin  Ann  88°- 
regarde  même  comme  un  privilège  fort  glorieux  aux  Efclavons  jw*^* 
de  pou  voir  fefervir  de  leur  propre  Langue  dans  le  Service  Divin.  Rom'pon-' 
Il  y  a  une  autre  particularité  confidérable  là-defïus.  C'en:  que  fe-  ^  T',IIIf  p* 
Ion  le  fentiment  de  Chriftannus  3  qui  le  premier  a  écrie  l'Hiftoire     (cj  spond. 
de  la  Bohême,  Cyrille  Se  Methodius  tr&duibrènt  la  Bible  en  Lan-  inn*  IZ*°* 
gage  Efclavon.  Comme  l'ufage  de  la  Langue  vulgaire }  ou  mater- 
nelle, fait  une  partie  confidérable  du  Rit  Grec,  voilà  déjà  cette 
partie  en  ufage  en  Moravie  6c  en  Bohême,  avant  que  les  Papes  s'en 
fuflent  mêlez  ,  &même  confirmée  depuis  par  eux  pendant  plu- 
fieurs  fiécles  ,  ce  qui  n'eft  pas  un  petit  acheminement  aux  origines 
du  Hufïïtifme.  Paflons  plus  avant  dans  cette  recherche. 

1.  Quoique  la  conféquence  ne  foit  ni  certaine  ,  ninécefïaire , 
il  eft  pourtant  fort  naturel  de  juger  que  les  Royaumes  de  Moravie 
6c  de  Bohême  ayant  reçu  des  Grecs  la  Religion  Chrétienne,  ils 
en  reçurent  aufïï  les  ufages ,  U  les  dogmes.  2 .  L'ufage  de  la  Langue 

(1)  Nicolao  Papafedente,  Saniïi  Cyrillus  &  Methodius  Orientales  Monttchi  qui  in  Moravia 
fidem  Chrijlt  diffeminarant ,  ab  eodem  Nicolao  Romam  venir e  Literis  Apoftolicis  junt  invitati  ,  ut 
legttur  in  eorundem  Sanâorum  FÎMap.  Bolland.  ad  diem  IX.  Mardi.  Vuonuncio  ,  inquit  Aud. 
ejufdem  Vit*,  Mi  percepto  valdègavijtfunt ,  grmias  agentes  Deo }  <}i(7a  nviti eranthabtti ,  quoi 
wererentur  ab  Apoftojtca  je  de  vocari.  Pagi,  ubijupr. 

Aij 


4  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

Efclavonne  dans  le  Service  Divin  s'introduifit  dans  ces  Pais  par 
les  Moines  Grecs  avant  la  permiffion  des  Papes ,  de  l'aveu  de 
leurs  Hiftoriens  ,  puifqu' Adrien  II,  ne  fit  que  la  confirmer , 
comme  on  vient  de  le  voir.  Cet  ufage  efl  un  grand  préjugé  que  les 
Grecs  uférent  à  l'égard  de  leurs  Néophytes ,  Moraves  &  Bohé- 
miens,  de  la  même  autorité  qu'à  l'égard  des  RuJJes ,  ou  Mofco- 
vites  3  à  qui ,  félon  le  P.  Pagi ,  ils  permirent  l'ufage  de  l'Eclavon 

(a)  t*%.  ubi  dans  le  Service  Divin,  (a)  3 .  Il  y  a  un  autre  fait  aidez  important  par 
fupr.p.  114.  rapporta  cette  difcuffion.  C'en:  que Methodius  l'un  6qs  Conver- 

tifleurs  de  la  Bohême  fut  mandé  à  Rome  par  Jean  VIII.  pour 
rendre  raifon  de  fa  Foy  ,  à  caufe  de  quelques  erreurs  qu'on  lui 
attribuoit  (  quafi  aliter  doceret  quam  coram  Afoftolica  Sede  frofeffus 

(b)  Tctg.  ubi  fuiffet.  (b)  Or  fur  quoi  pouvoit  être  fondée  cette  accufation  ,  fi  ce 
fupr.p.  154-  n'eft,  furcequ'ilfuivoitle  Rit  Grec,  &  qu'il  enfeignoit  les  Dog- 
mes en  quoi  les  Grecs  differoient  des  Latins  >  Il  efl:  vrai  que  Me- 
thodius  s'en  retourna  juftifïé.  Mais  qui  s'en  étonnera?  D'un  côté 
il  n'y  avoir  pas  une  fi  grande  différence  entre  les  Dogmes  Grecs  > 
&  les  Latins,  que  Methodius  ne  pût  prendre  un  tour  pour  les  ac- 
commoder enfèmble  par  complaifance  pour  le  Pape.  De  l'autre, 
ce  dernier  avoir  grand  intérêt  à  ménager  les  Moraves  &  les 
Bohémiens  dansun  temps  de  Schifme,  où  ils  auroient  pu  fe  joindre 
ouvertement  aux  Grecs.  4.  Les  Moraves  &  les  Bohémiens  ayant 
été  convertis  par  les  mêmes  Apôtres  que  les  Bulgares ,  il  n'eu:  pas 
vraifemblable  qu'ils  ayent  reçu  une  autre  Foy  que  ces  derniers. 
Or  que  les  Bulgares  ayent  d'abord  reçu  le  Rit  Grec,  c'eft  ce  qui 
paroîtmanifeftementpari'entreprifedeiV/W^j  /.qui  les  fît  re- 
baptifer,  ou  confirmer  de  nouveau  ,  comme  le  Patriarche  Pho- 
tius  s'en  plaint  amèrement  dans  fa  Lettre  aux  Patriarches  d'O- 

(c)  Epift.  5.  rient,  (c)  Cyrille  donc ,  &  Methodius  envoyez  par  l'Impératrice 
Edit.  Mon-  Theodora,  &par  fon  fils  Michel,  après  avoir  convertîtes  My- 
fiens ,  les  Bulgares  3  les  Ga^ares  Peuples  voifins  du  Pont~Euxin> 
ks  Triballes ,  les  Bofniens  3  &  les  autres  Peuples  Efclavons ,  allè- 
rent dans  le  même  efprit,  &  par  les  mêmes  ordres  chez  les  Mora- 
ves, où  ils  employèrent  environ  quatre  ans  à  laconverfion  de  ce 
Royaume-là.  De  là  ils  pafîérent  en  Bohême  avec  le  même  deflein 
qu'ils  exécutèrent  vers  l'an  867.  Jufques-là  ilneparoît  point  que 
l'Eglife  Latine  fe  foit  mêlée  de  la  converfion  des  Moraves  ,  &  des 
Bohémiens.  L'Ouvrage  étoit  fait ,  lorfque  Cyrille  &  Methodius 
furent  invitez  à  Rome  par  Nicolas  I.  qui  mourut  cette  année-là, 
&  lorfque  l'année  fuivante  ils  rendirent  raifon  de  leur  converfion 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  ïUi  /.  ""  j 
à  Adrien  II.  Quant  à  ce  que  difent  les  Annaliftes  Latins  ;  que  ces 
deux  Papes,  &  enfuite  Jean  VIII.  y  intervinrent  depuis,  on  ne 
veut  pas  le  contefter ,  &  on  ne  fait  nulle  difficulté  d'ajouter  foy 
aux  Bulles  &  aux  Brefs  de  ces  Papes  dans  cette  affaire.  Mais  la 
raifon  en  eft  bien  facile  à  comprendre  5  c'eft  que  le  Siège  de  Rome 
ne  voulut  pas  renoncer  à  fa  prétention  d'être  le  premier  Sié^e  ni 
les  Papes  à  celle  de  la  Monarchie  univerfelle  3  comme  ils  la  foû- 
tiennent  encore,  &  contre  les  Grecs ,  &  contre  les  autres  qui  fe 
font  féparez  d'aveG  eux,  en  établiflant  partout  desEvêques  in 
fartibus  infidelium  ,  comme  ils  s'expriment.  On  peut  donc  tirer 
plufieurs  eonféquences  de  cette  difcufîîon.  La  première  que  les 
Princes  de  Moravie  &  de  Bohême  s'adrefïerent  d'abord  non  à 
l'Eglife  Latine,  &  aux  Empereurs  d'Occident ,  mais  à  l'Eglife 
Grecque,  &  aux  Empereurs  d'Orient ,  pour  la  converfion  de  leurs 
Sujets.  Cec^mérite  une  grande  attention.  On  fçait  que  les  affaires 
étoient  alors  fi  brouillées  entre  les  Grecs  &  les  Latins,  que  c'efl 
de  là  que  vint  le  grand  Schifme.  Nicolas  I.  fe  déclara  pour  Ignace 
dépofé  par  l'Empereur  Michel  qui  mit  Photius  en  fa  place  iur  le 
Siège  de  Conftantinople.  Eft-il  bien  croyable  que  dans  cette  fi- 
liation réciproque  l'Empereur  M ichel  eûctfbuffert  que  les  deux 
Moines  Grecs  qu'il  envoy oit  en  Moravie  &  en  Bohême  luifîilenr/ 
l'affront  d'y  établir  le  Rit  Latin  ?  La  féconde ,  que  ces  converfrons 
fe  firent  par  des  Moines  Grecs.  La  troifîéme,  qu'il  n'y  a  nulle 
raifon  de  croire  que  ces  Moines  ayent  enfeignéaux  Moraves  & 
aux  Bohémiens  une  autre  Foy  qu'aux  Bulgares  ,  &  aux  autres 
Peuples  de  la  Langue  Efclavonne,  &  qu'au  contraire  il  y  a  de 
ïrès-fortes  raifons  de  croire  que  les  uns  &  les  autres  reçurent  la 
même  Foy,  comme  cela  paroît  par  la  remarque  précédente.  La 
quatrième,  que  l'ufage  de  cette  Langue  a  fubfïfté  dans  le  Service 
Divin  jufqu  a  Alexandre  II.  &  Grégoire  VII.  qui  le  leur  défendit , 
mais  qu'il  fur  rétabli  dans  la  fuite  par  Innocent  IV.  dans  le  XIIL 
Siècle,  comme  on  l'a  déjà  dit,  &  qu'il  fubfïftoit  encore  en  plu- 
fieurs lieux  dans  le  XVII.  félon  le  Jefuite  Balbin.{*)  La  cin.  ,., 
quiéme,  c'eft  que  la  Bible  ayant  été  traduite  en  Langue  Éfcla-  ^)utJufr' 
vonne,  ces  Peuples  étoient  à  portée  de  choifir  les  Dogmes,  les 
Cultes ,  &  les  Rices  qui  leur  paroiflbient  les  plus  conformes  à 
cette  Règle  Divine.. Le  Lecteur  intelligent  jugera  aifément  de 
l'utilité  de  ces  remarques  précédentes  pour  la  fuite  de  cette  Hif- 
toire.  En  voici  une  autre  qui  n'y  fervira  peut-être  pas  moins. 

II.  Il  eft  bien  rare  que  les  révolutions  dans  la  Religion,  non  Changement 

Aiij 


C  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

dans  h  Relu  plus  que  dans  les  Etats ,  arrivent  tout  d'un  coup.  Elles  ont  ordi- 
hêm<r  B°*   nairement  leurs  degrez ,  &  ce  n'eft  pas  une  des  moins  confidéra- 
bles  parties  de  l'Hiftoire  ,  d'en  rechercher  l'origine  &.  les  pro- 
grès. Les  révolutions  de  Bohême  en  matière  de  Religion,  dont 
nous  écrivons  l'Hiftoire,  ont  eu  fans  doute  leurs  degrez  comme 
les  autres.  Il  eft  vrai  qu'on  fait  dire  aux  Pères  du  Concile  de  Bafle , 
qu'avant  Jean  Hus  ,  il  n'y  avoit  point  eu  de  Royaumes  plus  atta- 
chez à  la  Religion  (  Catholique)  que  celui  de  Bohême,  (  i  )  Le  Car-' 
dinal  Julien  alors  Préfldent  du  Concile  de  Bafle  donnoita  peu- 
près  le  même  éloge  aux  Bohémiens ,  dans  une  Lettre  qu'il  écrivit 
auxHuiïites  au  temps  de  ce  Concile.  C'étoit  fans  doute  pour  les 
piquer  d'honneur,  ou  par  ignorance  des  changemçns  quiétoienc 
fa)  wà      arr*vez  auparavant  dans  la  Religion  en  Bohême.  (  a  )  Jean  Czfcho- 
w$.  rod  compatriote  de  Balbin  n'a  pas  oublié  non  plus  ce  prétendu  ar- 

rachement des  Bohémiens  au  Siège  de  Rome  avant  Jean  Hus ,  de 
même  que  Dubravius  dans  fon  Hiftoire  de  Bohême.  Cependant 
il  paroît  par  l'Hiftoire ,  qu'il  y  a  bien  des  reftri&ions  à  apporter  a 
cet  éloge  3  fi  c'en  eft  un.  Déjà  il  eft  clair  par  les  remarques  précé- 
dentes ,  que  la  Bohême  &.  la  Moravie  reçurent  d'abord  le  Rit 
G  rec.  Or  félon  les  principes  de  l'Eglife  Latine ,  il  s'en  falloit  beau- 
coup qu'alors  la  Foy  du  Royaume  de  Bohême  ne  fut  dans  toute  fa 
pureté. Quoique  les  controverses  entre  l'Eglife  Grecque  &  l'Eglife 
Latine  ne  fuilènt  pas  de  grande  importance ,  à  les  regarder  en 
elles-mêmes,  on  ne  les  envifageoit  pas  de  cet  œil  départ  &  d'au- 
tre 3  comme  cela  paroît  allez  par  l'emportement  avec  lequel 
Photius  parle  des  Dogmes  que  les  Occidentaux  enfeignoientaux 
Bulgares  après  leur  converfion.  »  La  joye,  dit  ce  Patriarche, 
»  qu'on  avoit  conçue  de  ces  converfions  s'eft  changée  en  triftefle , 
»  Ôc  en  confu/îon.  A  peine  y  avoit-il  deux  ans  que  cette  Nation 
»  avoit  embraflè  le  pur  Chriftianifme,  qu'il  eft  forti  du  Pais  des 
m  ténèbres,  (car  ils  font  d'Occident  )  des  hommes  impies  ,  6c 
*  exécrables  _,  qui ,  comme  des  facriléges ,  ont  ravagé  la  vigne  du 
rh)  Thct. ubi  x  Seigneur,  (b)  Enfuite  ilfaitl'énumération  des  Dogmes  que  les 
fupr.p.4p.  x>  Evêques  Latjns  vouloient  introduire  en  Bulgarie,  comme  de 
*°*  «jeûner  le  Samedy,  de  fegorger  de  lait  &  de  fromage  la  pre- 

»  miere  femaine  du  Carême,  d'empêcher  les  Prêtres  de  fe  marier, 
»  de  confirmer  de  nouveau  ceux  qui  l'avoient  été  par  les  Prêtres 
»  Grecs  ,  fous  prétexte  que  le  droit  de  confirmer  n'appartient 

(i)  C'efl:  li  Religion  Romaine*  dans  le  fens  du  Concile  de  Bafle,  ante  Hujfi  tempera  nullunf 
tottmpefljte  Regnumfutjfe  Bohemuo  religiojtus.  Balb.  ubtftipr.  p.  $44. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  1.  7 
»  qu'aux  feuls  Evêqucs ,  enfin  d'enfeigner  que  le  S.  Efprit  nepro- 
»  cède  pas  du  Père  ieul ,  mais  du  Père  &  du  Fils.  »  Ce  qu'il  prend 
pour  une  innovation  diabolique  ,  contre  un  Symbole  reconnu  de 
tous  lesConcilesOecumeniquesJ&  pour  un  blafphême  qu'il  réfute 
avec  autant  de  prolixité  que  de  véhémence  II  faut  bien  remarquer 
que  Photius  ne  reproche  point  ici  aux  Latins  le  retranchement  de 
la  Coupe ,  fans  doute  parce  qu'on  ne  s'en  étoit  pas  encore  avifé  en 
Occident.  Mais  comme  depuis  ce  temps-là  laCommunion  fous  les 
deux  efpéces  y  a  paflé  pour  une  erreur ,  il  s'enfuit  de  là  qu'au  com- 
mencement la  Foy  de  Bohême  ne  fut  pas  pure  non  plus  à  cet  égard, 
puifque  conftamment  les  Grecs  communioient  le  Peuple  fous  les 
deux  efpéces ,  comme  ils  le  font  encore  aujourd'hui.  C'efl  ce  qui 
paroît  clairement  par  cette  même  Lettre  de  Photius  3  où  il  trouve 
fort  étrange  que  les  mêmes  Prêtres  qui  diftribnent  au  Peuple  fidèle  le 
Corps  &  le  Sang  de  J.  C.  Payent  pas  le  droit  de  le  confirmer.  Ainfï  voilà 
la  Bohême  dans  l'erreur  dès  fa  première  origine,  car  les  Latins 
ne  gardoient  pas  plus  de  modération  à  regard  des  Dogmes  des 
Grecs  qui  divifoient  les  deux  Eglifes.  Et  il  eft  fort  vraifemblable 
que  cela  dura  tout  autant  de  temps  que  la  Moravie  6c  la  Bohême, 
comme  les  autres  Peuples  du  Langage  Efclavon  ,  furent  des 
Royaumes  libres,  &  plus  du  reflort  de  l'Empire  d'Orient,  que 
de  celui  d'Occident.  Ainfi  fe  pafla  le  IX.  flécle,  où  l'Egiife  de 
Bohême  fut  Grecque ,  &  par  conféquent  dans  l'erreur  ,  &  non 
pas  pure  félon  les  principes  de  l'Egiife  Latine. 

III.  Il  n'en  fut  pas  tout-à-fait  de  même  dans  le  X.  fïécle.  Les  u  Religion 
Papes  ayant  eu  beaucoup  de  part  dans  ce  fiécle-là  au  gouverne-  A 
ment  de  l'Egiife  de  Bohême  ,  tâchèrent  d'y  introduire  le  Rit 
Latin,  mais  non  fans  oppofition.  On  apprend  de  Balbin que  le 
premier  Evêque  de  Prague  nommé  Bithmarle  Saxon  fut  demandé 
par  Boleflas  1J.  furnommé  le  Pieux  3  Roy  de  Bohême  ,  à  Otton  II. 
environ  l'an  976.  &  que  cet  Empereur  l'ayant  agréé,  Bithmar 
fut  confacréf>ar  l'Archevêque  deMayence,  foit  Guillaume,  foit 
Hatton  3  il  n'importe.  Ce  qui  eft  plus  important ,  c'efl  que  le  Pape 
Jean  JCJV.  entra  fort  avant  dans  cette  affaire,  &  que  même,  il 
ne  voulut  confirmer  l'Evêque  qu'à  condition  qu'il  établiroit  à  Pra- 
gue le  Rit  Latin  ,  &  non  celui  de  Bulgarie,  ou  de  Ruffie 3  ou  de  la 
Zangue  Efclavonne  3  (1)  ce  qui  eft  une  preuve  afTez  évidente  que 

(1)  Vtrumtame»  nen  fecundumritum  ,  autfetlam  Bulgarie*  Gémis,  vel  RuJJiœ,aHt  Sclavonic* 
Lmgttajed  magisjequens  conjhtutatf  décréta  Apojloltca,  uivim  potiorem  ad placitum  Eccle/ia  totius 
tn  hoc  opus  Clencum,  Latmis  apprime  Literit  érudition.  Chron.  Magdeb.  apud  Francijc.  Pari 
Brev.Rom.Pout.Tom.il.  p.  23 8.  JBalkin.ubi  fupr.p.  u$. 

9 


de  Bohême 
dans  le  X. 
ik'clc. 


S  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

le  Rit  Grec  écoic  alors  enufage  en  Bohême  :  &  même  de  l'aveu 
de  Balbin  cela  ne  pue  s'exécuter  que  fort  lentement.  Cette  condi- 
tion paroiffant  dure  aux  Bohémiens ,  ils  envoyèrent  une  Députa- 
tion  folemnelle  pour  redemander  l'ufage  de  la  Langue  Èfcla- 
fr)  Hifl.per-  vonne,  &  ils  l'obtinrent.  L'Auteur  (a)  dont  je  tire  ce  fait  le  place 
fie.  Ecd.  Bo-  à  l'an  977.  &  par  conféquent  fous  le  Pontificat  de  Grégoire  V.  Te 
KJ48.P.  15.  n  al  nen  remarque  de  bien  certain  iur  l  état  de  la  Religion  en  Bo~ 
hême  fous  Adalbert  fuccefleur  de  Dithmar  dans  l'Evêché  de  Pra- 

(b)  ubi  fupr.  £ue  en  979-  fel°n  le  calcul  de  flalbinib)  qui  m'a  paru  le  plus  jufVe. 
r- 1  jz.  &  Il  y  a  pourtant  bien  de  l'apparence  que  le  Rit  Latin  l'emporta  fous 
N-  ce  Prélat,  fur  tout  s'il  eft  vrai  qu'il  fit  une  bonne  partie  de  fes  étu- 
des en  Italie  ,  &  qu'il  en  apporta  beaucoup  de  bons  livres ,  comme 
le  dit  Haçec  Hiftorien  de  Bohême.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft 
que  ce  Prélat  fut  plus  d'une  fois  à  Rome  pour  éviter  la  perféçution 
des  Payens  qui  étoient  encore  en  grand  nombre  en  Bohême. 
Ayant  été  élu  Evêque  de  Prague  du  confentement  unanime  du 
Prince,  de  tous  les  Grands,  du  Clergé,  &  du  Peuple  environ 
l'an  980.  il  fut  confirmé  par  l'Empereur  Qtton  lit  dont  il  reçut 
l'invefliturepar/^  enfle  &  l'anneau  felon  l'ufage  de  ce  temps -là. 

(c)  spofid.Ba-  (c)  De  retour  à  fon  Evêché  fon  Miniftere  fut  traverfé  par  les 
000. aBaib  Payet^5  avec  tant  de  fureur,  que  n'y  pouvant  réfifter  il  fe  réfugia  à 
ubi  %r.      Rome,  où  il  réfigna  fon  Epifcopat  ,  pour  fe  retirer  dans  un  Mo- 

naflére ,  où  l'on  prétend  qu'il  demeura  cinq  ans.  Après  ce  temps , 
à  la  réquificion  du  frère  de  Bolejîas  ,  &  de  l'Archevêque  de 
[i)P*gi.  ubi  ^fayence  j  }e  Pape  Jean  JCV.  (d)  renvoya  Adalbert  à  fon  Eglife  en- 
°  ■  viroiil'an  9.94.  A  peine  y  réfida-t-ij  quelque  temps  qu'il  fut  obligé 

de  retourner  à  Rome.  Les  raifons  qu'en  rendent  les  Hiftonens 
méritent  attention  ,  par  rapport  à  notre  fujet.  Je  les  rapportera^ 
dans  les  termes  de  Balbin  fur  Pan  9  8 1 .  &.  les  fuivans.  »  La  féconde 
»  fuite  à' Adalbert  à  Romeferoit,  dit-il 3  honteuiè  à  la  Bohême, 
»  fi  l'on  ne  faifojt  réflexion  que  la  Religion  Chrétienne  y  écoip 

*  alors  dans  fon  berceau,  &  que  des  Chrétiens,  fortis  tout  rer 
»cemmentdu  fein  de  l'idolâtrie,  retenoient  encore  beaucoup  de 
p  leur  ancienne  fuperitition.  C'eft  ce  qui  chafla  Adalbert  de  la 
»  Bohême,  parce  que  ,  comme  le  rapporte  Hagee,  les  Chrétien? 
=>y  y  i  voient  fans  nulle  diftin&ion  des  jours  facrez  &  profanes, 
»  qu'ils  fe  marioient  fans  Prêtres  à  laPayenne.  Us  n'enterroient 
p  pas  leurs  mores  dans  les  Egfifes  ,  mais  par  tout  indifféremment , 

*  dans  les  coteaux,  dans  les  bois ,  dans  les  fépultures  de  leurs 
«  Ancêtres,  où  l'on  oiFre  du  feu  aux  Dieux  Mânes 5  outre  cela- 

m  leurs 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Lïv.  I.         y 
»  leurs  Ecclcfiaftiques  menoient  une  vie  infâme ,  ne  voulant  point 
3.  renoncer  à  leurs  femmes  ,  malgré  les  remontrances   de  leur 
j'Evêque.  (a)  On  comprend aifément  par  ce  dernier  Articleque   (a)  Baltm^ 
le  Rat  Latin  n'etoit  nullement  du  goût  des  Bohémiens  ,  qu1 'Adal-  ut>i  fopr- 
bert  voulut  vainement  l'introduire  3  &  que  les  contradictions  qu'il 
eut  ci  effrayer  ,  ne  lui  venoient  pas  moins  de  ces  Chrétiens  ,  à  qui  le 
Culte  Latin  ne  plaifoitpas ,  que  des  Payens.  On  peut  pour  for- 
tifier cette  conjecture  rapporter  ce  que  dit  Stranski  de  l'état  de  la 
Religion  en  Bohême  dans  ce  temps-là.  Depuis  ce  temps,  dit-il 
(c'eft-à-dire  depuis  l'élection  de  Dithmar  le  Saxon  ,  donné  par 
l'Empereur  ,  &  confirmé  par  le  Pape  )  la  Bohème  fe  trouva  partagée, 
en  trois  ScEles  de  Religion.  Les  uns ,  dont  le  nombre  diminuoit  tous  les 
jours  ,  étoient  Payens.   Entre  les  Chrétiens  les  uns  fuiv oient  le  Rit 
Latin  ,  les  autres  le  Rit  Grec.  Enfin  par  fiucccjjîon  de  temps  le  Para- 
7ii finie  fut  aboli ,  la  Noblejfie  ,  &  la  plufpart  de  ceux  qui  avoient  com- 
merce avec  les  Allemands ,  abandonnèrent  le  Rit  Grec,  &  il  n'y  eut  plut 
que  le  Peuple  qui  content  delà  Religion  dôme fti que  fie  tint  inviolable- 
ment  au  Rit  Grec. Ce  furent  ces  gens-la  qui  donnèrent  tant  de  peine  à 
Adalbert.  (b)  On  prétend  que  Grégoire  V '.  voulut  engager  ce  Pré-  (b)S*r*dh 
lat  à  retourner  à  Prague,  mais  que  ne  pouvant  s'y  réfoudre,  il  de-  Refr-  B^i- 
mandapermiffion  d'aller  plutôt  prêcher  l'Evangile  en  Pologne,  p*  z?l' 
dans  les  autres  endroits  de  la  Bohême,  en  Hongrie,  6c  en  Pruffe, 
où  il  fut  maflacré  par  les  Payens  en  997.  (c)  C'eft  ce  qui  l'a  fait  (c)B*/£.ubî 
mettre  entre  les  Martyrs,  ôc  comme  tel  il  a  été  canonifé.  Le  fait,  fupr.p.  ijo, 
6c  le  temps  de  fa  mort  fontalTez  unanimement  atteftés.  Pour  fa  vie, 
6c  fes  voyages 3  l'hiftoire  en  eft  fi  embroiiillée,que  Balbin  lui-même 
quia  tout  difeuté  avec  beaucoup  de  foin  ,  ne  feait  pas  trop  bien  à 
quoi  s'en  tenir.  Quoiqu'il  en  foit,  voilà  prés  de  deux  Siècles  pen- 
dant lefquels  le  Rit  Latin  eft  fort  chancelant  en  Bohême,  6c  par 
conféquent  la  Foy  des  Bohémiens  fort  fufpecte  ,  au  moins  félon 
les  principes  des  Latins,  tels  qu'étoientles  Pères  du  Concile  de 
Bafle  qui  y  comme  on  vient  de  le  dire ,  rendent  témoignage  à 
l'orthodoxie  delà  Bohême jufqu'à  Jean  Mus.  Continuons  cette 
difcudïon,  elle  eft  d'autant  plus  nécellàire  quinfenfiblement  elle 
nous  mènera  jufqu'au  Huflitifme. 

Il  eft  certain  que  pendant  long-temps  les  Evcques  de  Rome  eu- 
rent beaucoup  de  peine  à  foumettre  les  Bohémiens  au  Rit  Latin. 
L'ufage  de  la  Langue  Efclavonne  dans  le  Culte  Divin  leur  renoic 
toujours  fort  au  cœur,  6c  ils  ne  le  voyoientpas  s'abolir  infenfi- 
blement  par  les  inhibitions  de  Rome  fans  une  très-grande  répu^ 
Tom.  /.  B 


io  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

gnance.  Le  Pape  Alexandre  II  le  leur  défendit  vainement,, 
comme  en  convient  le  P.  Pap  fur  le  témoignage  du  Cardinal 
(a)P*£.ubi  Bona.  (a)  Ce  fut  pour  les  fatisfaire  que  vers  la  fin  de  l'onzième 
r.ipr.p.  410.  siècle  Wratiflas  Duc  de  Bohême  envoya  une  Ambaflade  à  Gré- 
Rcb.Lîturg.  go  ire  VII.  pour  lui  demander  la  confirmation  de  ce  Privilège 
Cap.  ix.  accordé,  comme  on  l'a  vu.,  par  quelques-uns  de  Tes  Prédecef- 
€b)ubi  fa».  ^eurs-  Le  Pape  le  refufa  pour  de  bonnes  raifons ,  dit  Balbin  ,  (b) 
p.  2o<?.  on  en  peut  juger  par  la  Pièce  même.  La  voici  :  »  Grégoire 
»  Eve  que  ,  Serviteur  des  Serviteurs  de  Dieu  ,  à  W^R  atislas  , 
»  Duc  de  Bohème  ,  falut  &  Bénédiction  Apoflolique.  Entre  autres 
»  demandes  que  Votre  Alteiîè  nous  a  faites  par  fes  Lettres ,  vous 
*>  avez  requis  que  félon  la  coutume  nous  permiflions  chez  vous 
»  Pufage  de  la  Langue  Efclavonne  dans  le  Culte  Divin.  Sçachez' 
«donc,  notre  très -cher  Fils,  que  nous  ne  pouvons  nullement 
»  acquiefeer  à  votre  demande.  Car  en  méditant  fréquemment  fur 
«l'Ecriture  Sainte,  nous  avons  trouvé  qu'il  avoit  plu,  &  qu'il 
»  plaît  au  Dieu  tout  puifîant,  que  le  Culte  facré  fe  fît  en  Langue 
«cachée,  afin  qu'elle  ne  foit  pas  entendue  de  tout  le  monde,  de 
»  principalement  des  plus  fimples.  En  effet ,  fi  tout  le  monde  chan- 
»  toit  publiquement  en  langage  entendu  ,  le  Culte  tomberoit  ai- 
»  fément  dans  le  mépris ,  &  dans  le  dégoût.  Ou  bien  ,  il  pourroit 
«  arriver  que  des  gens  du  commun  répétant  fouvent  ce  qu'ils  n'en- 
»  tendroientpas,  tomberoient  dans  toutes  fortes  d'erreurs  qu'il 
»  feroit  mal  aifé  d'arracher  du  cœur  des  hommes.  (1)  Et  il  ne  faut 
»  point  alléguer  ici  qu'on  a  quelquefois  accordé  cette  permiifion^ 
«aux  plus  îîmples,  fur  tout  lorfqu'ils  étoient  nouvellement  con- 
vertis, comme  on  faifoit  aufll  dans  la  primitive  Eglife,  ayant 
»égard  à  la  {implicite,  &  à  la  bonne  foy  du  commun  peuple.  Mais 
»on  a  éprouvé  que  de  là  font  fortis  plufieurs  maux  ,  &  plusieurs 
«héréfies:  à  préfent  que  l'ordre  Chrétien  eft  établi  Ôc  fixé,,  il  ne 
«convient  plus  d'avoir  cette  connivence.  Nous  ne  devons  donc 
"pas  accorder  ce  que  votre  peuple  demande  mal  à  propos,  &: 
«nous  le  défendons  par  l'autorité  de  Dieu,  &  du  bienheureux  S. 
»  Pierre ,  vous  exhortant  pour  la  gloire  du  Dieu  Tout-puiiTant  à 
»  vous  oppofer  en  toute  manière  à  cette  vaine  témérité.  »  A  Rome 
TanMLXXIX.  (2)  Ainfi fe pafTa  le  Siècle  XL  où  la  Bohême  fut 

(1)  Autjiah  ait quibu s  h omitiibu s  mediis  non  pojfet  itttelligi,  per  crebramcjtts  iterationem  neqiie 
tamen  intelletltonem  facile  errores  quivis  pojjent  ftippttllulare,  quos  e  cordibtts  hominum  evellere  dijfi- 
tt  le  foret. 

(2)  J'ai  traduit  cette  Pie'ce  fur  la  Tradu&ion  Latine  que  l'Auteur  de  la  Verfe'cution  de  Bo~ 
iîme  a  tirée  de  l'Htjioire  de  Bohême  de  Hagec  3  p.  2  3  G,  écrite  en  Bohémien.  Comme  le  premier 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE,  Ziv.  I.  ri 
flottante  entre  les  deux  Rites ,  les  Papes  faifant  tous  leurs  efforts 
pour  afïujettir  la  Bohême  au  Rit  Latin  ,  §c  les  Bohémiens  n'y  ré- 
liftant  pas  avec  moins  de  vigueur. 

IT.  PalTons  au  XII.  Siècle.  Lescommencemens  de  ce  Siècle  ne  Li Région 
fourniflènt  rien  par  rapporta  la  Bohême.  Ce  fut  vers  la  fin  que  de  Bohême 
les  Vaudois  fuyant  la  perfécution  de  France  fe  réfugièrent  en  di-  *fe.    '  ie~ 
vers  endroits  de  l'Europe,  &.  en  particulier  en  Bohême.  Il  n'eft 
pas  furprenant  que  les  Hiftoriens  ayent  jugé  fort  différemment 
des  Vaudois 3  ceux  qui  en  ont  écrit  fe  trouvant  eux  -  mêmes  dans 
des  principes  de  Religion  fort  différents.  Les  uns  en  font  des 
m  on  lires  d'erreur  &  d'impiété  3  les  autres  des  Saints  &  des 
Martyrs.  Qui  a  tort,  ou  qui  a  raifon  dans  ces  divers  jugemens, 
c'efl  une  décifion  qui  n'eft  point  de  mon  reiïbrt  3  en  qualité  d'Hif- 
corien.  Ce  qui  en  efl ,  c'efl  que  ces  Hiftoriens ,  fî  partagez  d'ail- 
leurs fur  le  caraclere  des  Vaudois ,  conviennent  qu'ils  furent  bien 
reçus  en  Bohême ,  &:  que  leur  doctrine  y  fie  des  progrès,  (a)  Ecou-     00  &-«tw 
tons  là- deflus  deux  Hiftoriens  de  Bohême,  PunProteftanc,  Tau-  Bohem.cap. 
tre  Catholique  Romain.  Je  les  place  félon  l'ordre  du  temps  où  ils  xxxv. 
.ont  écrie.  LeProteftant .,  c'efrPaulStranski $  le  Catholique  Ro- j^w'|*o_ 
main  ,  c'eft  Wencejlas  Hagec.  Comme  la  pureté  de  l'obfervance  hem.  p.  17a. 
Grecque  3  dit  Stranski ,  s'alteroit  in fenjîblcment parmi  le  peuple ,  [oit  Stt™JiDif- 
a  caufe  des  refies  du  Paganifme ,  fait  par  les  fugge fiions  des  Latins  3  il  Waldens. 
arriva  fort  a,  propos  en  Bohême  l* an  1 176.  quelques  perfonnages  pieux  v'tteb- a"n- 
chaffez^de  France  &  d'Allemagne  3  difciples  ^Pierr.eValdo, 
eflimables  non  feulement  par  leur  pieté  3  mais  auljt par  leur  connoijfance 
dans  V Ecriture.  S* étant  habituez^  à  Zatec  &  a   Lani  villes  de  Bo- 
hème,  ils  fe  joignirent  à  ce  qu  il  s'y  trouvoit  de  partifans  du  Rit  Grec , 
&  corrigeaient  modeftement  par  la  parole  de  Dieu  les  défauts  qu'ils 
croyoient  remarquer  dans  leur  culte.  (  b  )  Le  Catholique  Romain  (b)  Strawf^ 
parle  ai  nfi.  L'an  13  41.  des  Hérétiques  nommez^G  rxjbeh  h  ai  m  er,  hemîcap! 
cyefi-à-dire  ,  h abitans  de  Cavernes  ,  s* introdui firent  de  nouveau  dans  VI.  p.  zjz» 
le  Royaume  de  Bohème.  Nous  en  avons  parlé  cy-dejfusl'an  1 1 7  6.  Lis 
habitoient  dans  les  Killes  clofes ,  fur  tout  à  Prague ,  oà  ils  pouvoient 
mieux  fe  cacher.  Lis  y  prêchèrent  dans  quelques  maifons  3  mais  fort  en 
cachette.  Quoiqu'ils  fuffent  connus  d'une  partie  du  Peuple  3  on  ne  laiffoit 
pas  de  les  tolérer ,  car  ils  fav  oient  cacher  leur  méchanceté  fous  des 

habits  fort  fimplcs ,  <&fous  une  grande  apparence  de  pieté,  (c)  (c)  Hift. 

Boh.p.  55». 

de  ces  Auteurs  r/avoit  pas  l'original  du  Bref  de  Grégaire  VII»  je  le  donne  ici  tel  qu'il  fe  trouve 
parmi  les  Lettres  de  ce  Pape  au  Tome  XXVI.  de  l'e'dition  des  Conciles  du  Louvre.  Il  y» 
quelques  variations,  mais  c'eft  la  même  chofe  quant  au  fonds» 

Bij 


ïi  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

LesVaudois.      y#  Aufli  JEneas  Sylvius  prétend-il  que  les  Huifttes  croient  une 

branche  des  Vaudois,  auffi- bien  que  les  ^icléfîtes.  (i)  Cefl  ce 

qui  m'engage  à  parler  d'eux  un  peu  plus  amplement  pour  mieux 

faire  voir  les  variations  de  la  Bohême  en  fait  de  Religion  avant 

JeanHus,  Iin'eftpas  néceflaire  de  marquer  ici  les  divers  noms 

(a)  Voyez  qu'on  a  donnez  aux  Vaudois,  (à)  foie  pour  les  rendre  odieux y 

Bibiistb.  ra-  foie  par  quelque  autre  raifon.  Il  n'effcpas  befoin  non  plus  d'entrer 

Part°lT"IV   ^ans   *a  difcullion  de  ce  que  les  Vaudois  6c  les  Albigeois ,  ainfi 

nommez  de  la  Ville  & Albi  en  Languedoc  ,  enfeignoient  de  corn- 

(b)Limborch  mun  ou  de  différent.  Le fçavant  Auteur  ,  (b)  qui  a  mis  au  jour 

(phiiippus)  j€s  Sentences  prononcées  contre  les  uns  6c  les  autres  par  le  Tri- 

Vaut»}.'  bunal  de  l'Inquifîtion  ,  prétend  avoir  découvert  entre  eux  des 

différences très-confidérables.  Mais,  comme  il  le  remarque  fort 

bien  ,  il  ne  faut  pas  faire  trop  de  fonds  fur  ces  Actes,  quoiqu'ils 

foient  authentiques ,  parce  qu'il  y  a  beaucoup  de  variations  èc  de 

corruptions,  &  que  dans  quelques  endroits  on  parle  du  même 

dogme  attribué  aux  mêmes  gens  >  tout  autrement  que  dans 

(c)  limboreb  d'autres,  (c)  Il  ne  faut  pas  non  plus  s'en  rapporter  légèrement  à 

ubi  fupr.p.   piL1fiears  Annaliftes  6c  Hiftoriens  ?  qui  femblent  avoir  pris  à  tâche 

de  rendre  odieux  les  Vaudois  6c  les  Albigeois.  Il  faut  feulement 

tâcher  d'éclaircir  la  vérité  du  fait  y  au  travers  des  ténèbres  que  la, 

longueur  du  temps  6c  les  préventions  y  ont  répandues. 

L'opinion  la  plus  générale  efl  que  les  Vaudois  furent  ainfî  ap- 
peliez d'un  nommé  Pierre  de  Vaud ,  ou  de  Waldo  ,  Marchand  de 
Lyon  fort  riche,  natif  de  J^*W  Village  du  Dauphiné  proche  de 
cette  Ville.  Cet  homme  frappé  de  la  mort  fubite  d'un  citoyen  de 
Lyon  ,  réfolut  en  1 1  6o.  de  fe  jetter  dans  la  dévotion  6c  dans  la 
pénitence  ,  6c  de  racheter  fes  péchez  par  des  aumônes  aux  pau- 
vres qui  venoient  à  lui  en  foule,  6c  c'effc  de  laque  les  Vaudois  fu- 
rent auffi  appeliez  Pauvres  de  Lyon.  Non  content  de  leur  diftri- 
buer  des  biens  temporels ,  il  voulut  auffi  les  inftruire  dans  la  pieté , 
&;  pour  y  réunir  il  traduifit  lui-même,  ou  fk  traduire  le  Nouveau 
Teftament  qu'il  leur  expliquoit  félon  Ces  lumières.  Après  avoir 
dogmatifé,  6c  fait  desDifciples  en  très -grand  nombre  pendant 
plufîeurs  années ,  malgré l'Evêque  de  Lyon  (  Jeande  Bellesynains) 
il  en  fut  enfin  chafTé  aveefesadhérans.  Ayant  été  excommuniez, 
6c  enfuite  condamnez  fous  Alexandre  III.  en  1 1 79 .  dans  le  Con- 
cile de  Latran,,  les  Vaudois  fe  répandirent  dans  toute  l'Europe. 

(1)  Ab  Ecde/îaCatbolicarecedentes  impiam  Vtldenfium  ftftfitn  atqtte  infamant ttmplexi  futit. 
Hiit.  Bohem.  G*/. XXXV.  p.  m.  G6< 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zlv.  1.  13 
Sans  ramafler  ici  toutes  les  opinions  qu'on  leur  a  imputées ,  je 
me  bornerai  à  celles  qui  ont  du  rapport  avec  le  Huffitifme,  &  je 
ne  mefervirai  que  du  témoignage  de  leurs  adverfaires.  Un  certain 
Dominicain  nommé  Reiner  ,  qui  de  ion  propre  aveu  avoit  été 
Héréfiarque,  c'eft- à- dire  apparemment  ,  l'un  des  Chefs  des 
Vaudois ,  qu'il  appelle  aufli  Leoniftcs ,  en  parle  ainfi  dans  un  Traire 
qu'il  compofa  contre  eux  3  après  les  avoir  abandonnez.  »De  tou~ 
»  tes  les  Se&es ,  dit-il ,  il  n'y  en  a  point  de  plus  dangereufe  que  celle 
»  des  Zeonifies 3  &  cela  par  trois  raifons.  La  première  3  c'en:  que 
»  c'eft  elle  qui  a  le  plus  duré  ,  quelques  uns  difent  depuis  Sylveftre, 
»  d'autres  depuis  le  temps  des  Apôtres.  La  féconde ,  c'eft  qu'elle 
»  eft  le  plus  généralement  répandue  ,  car  il  n'y  a  prefque  point  de 
»païs  où  elle  n'ait  pénétré.  Latroifiémeeft,  que  toutes  les  au- 
»tresSec1:es  font  horreur  par  leurs  exécrables  blafphêmes  contre 
»  Dieu  ,  au  lieu  que  celle  -  ci  a  une  grande  apparence  de  pieté  ;  ils 
»  vivent  juftement  devant  les  hommes ,  ils  ne  croyent  rien  touchant  Le 
»  Divinité  qui  ne  /bit  bon  ,  feulement  ils  blafphement  contre  l'Eglife 
»  Romaine  &  contre  le  Clergé  ,  ce  qui  leur  attire  la  foule  du  peuple.  Ec 
»  comme  il  eft  dit  dans  le  Livre  des  Juges ,  que  les  renards  de  Samfon 
»av  oient  des  faces  différentes ,.  mais  que  leurs  queues  étaient  liées  en- 
nfemble ,  ainfi  les  Hérétiques ,  quoique  divifez  entre  eux  fe  réiï- 

»  niflént  pour  combattre  l'Eglife Enfuite  il  réduit  leurs 

3>fentimens  à  trois  clafTes.  1.  Aux  blafphêmes  contre  l'Eglife  Ro- 
umaine 3  fes  Statuts 3&  fon  Clergé :.  1.  Aux  erreurs  touchant  les  Sacre- 
»  mens  &les  Saints.  3 .  Aux  deteflations  déte (labiés  de  toutes  les  cou-  • 

»  tûmes  honnêtes  &  approuvées  de  l'Eglife.  (a)  Il  entre  enfuite  dans    (a)BiMot. 
»>un  long  détail  de  ces  clalîes  3  par  lequel  il  paroît  en  effet  qu'à  Prt-r-ubi  fu- 
»la  réferve  de  leurs  dogmes  contre  la  Religion  &  l'Eglife  Ko-        ' 
semaine,  il  ne  les  aceufe  d'aucune  erreur. 

J'appuyerai  ce  témoignage  de  l'autorité  d'un  autre  Hiftorieir 
qui  dans  cette  affaire  ne  fçauroit  être  fufped ,  puifqu'il  fut  depuis 
Pape  fous  le  nom  de  Pie II.  C'eft  celle  d'JEneas  Sy'lvius  déjà  ciré. 
Voici  les  Dogmes  qu'il  attribue  aux  Vaudois  dont  il  fait  defeen- 
dre  les  Hulfites.  »  Les  Dogmes,  dit-il ',  de  cette  peftiferée  fadion 
»  qui  depuis  long-temps  a  été  condamnée  ,  font,  que  le  Pape  de 
v  Rome  n'eft  pas  plus  que  les  autres  Evêques  ;  Qu'il  n'y  a  nulle 
>■>  différence  entre  les  Prêtres  3  &;  que  ce  n'eft  point  la  dignité  qui 
«les  diftingue_,  mais  la  bonne  vie  j  Que  les  âmes  au  fortir  du  corps 
»  font  auffi-tôt  envoyées,  ou  aux  peines,  ou  auxjoyes  éternelles  j 
»  Qu'il  n'y  a  point  de  Purgatoire  5  Qu'il  eft  inutile  de  prier  pour 

Biij, 


*4  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
»  les  morts,  &  que  cette  pratique  n'a  été  inventée  que  par  l'a  va- 
»rice  des  Prêtres  s  Qu'il  faut  abolir  les  Images  de  Dieu  ,  &  des 
»  Saints;  Qu'il  fe  faut  mocquer  de  l'eau  bénite  ,  &  des  bénédic- 
tions des  Rameaux  ;  Que  les  Religions  des  Moines  Mendiants 
«font  des  inventions  des  mauvais  démons  -y  Que  les  Prêtres  doi- 
«  vent  être  pauvres  3  ôc/e  contenter  d'aumônes  -,  Qu'il  eft  per- 
»mis  à  tout  le  monde  de  prêcher  l'Evangile  ^  Qu'il  ne  faut  to- 
lérer aucun  péché  capital,  quand  même  ce  feroit  pour  éviter 
«un  plus  grand  mal  j  Que  foit  Séculier  3  foit  Ecclellafiique  qui  fé 
»  trouve  en  péché  mortel ,  eft  dépouillé  de  fa  dignité  ,  &  qu'il  ne 
«faut  pas  lui  obéir  j  Qu'on  ne  doit  pas  regarder  comme  des  Sacre- 
*»mens,  ni  la  Confirmation  que  les  Evcques  donnent  avec  le 
»  Chrême ,  ni  Y  Extrême  OnHion  ,  Que  la  Confefjion  auriculaire  n'eft 
?>  qu'un  badinage.,  {nugacem  effe)  &,  qu'il  fuffit  que  chacun  con- 
»  felïe  à  Dieu  (es  péchez  dans  fon  lit  ;  Qu'il  faut  adminiftrer  le 
»  Baptême  avec  de  l'eau  de  rivière  ,  fans  y  mêler  d'huile  5  Que 
«l'ufage  des  cimetières  n'a  été  introduit  que  pour  le  profit  ,  Se 
»  qu'on  peut  enterrer  les  corps  dans  quelque  terre  que  ce  foit  j, 
»  Que  le  monde  eft  le  temple  de  Dieu  ^  8c  que  ceux  qui  fondenc 
»des  EglifeSj  des  Monafteres  3  des  Oratoires  ,  bornent  fa  Ma- 
»  jefté  ,  comme  s'il  étoit  plus  propice  dans  un  lieu  que  dans  un  au- 
v  tre  5  Que  les  habits  facerdot  aux  >  les  ornemens  des  autels  \  les  robe s ", 
»les  corporaux ,  les  calices ,  les  patènes ,  ôc  les  autres  vafes  de  cette 
«  forte  ne  fervent  à  rien  j  Qu'en  quelque  temps ,  &  en  quelque  lieu 
»  qu'un  Prêtre  fafîele  Corps  de  J.  C.  &  qu'il  l'adminiftre  à  ceux 
"  qui  le  demandent ,  cela  eft  indiffèrent,  pourvu  feulement  qu'il 
ç  prononce  les  paroles  Sacramentales }  (  1  )  Que  c'eft  en  vain  qu'on 
»  implore  les  fuffrages,  (ou  l'interceflion)  des  Saints  qui  régnent 
»  dans  le  Ciel ,  parce  qu'ils  ne  peuvent  être  d'aucun  fecours  j  Que 
»  c'eft  du  temps  perdu  que  de  chanter  les  Heures  Canoniales  > 
»  Qu'il  ne  faut  s'abftenir  de  travailler  que  le  Dimanche  3  Qu'il 
»  faut  rejetter  abfolument  les  Fêtes  des  Saints ,  Qu'il  n'y  a  aucun 
(a)  Mne*i  »  mérite  dans  les  jeûnes  établis  par  l'Eglife.  (a)  Ce  qui  fe  rapporte 
S!p,Um.?8.  "à  Peu-près  à  ce  qu'en  a  écrit  Zacharie  Thibaut  (b)  Protcftant 
£b)iheobai-  Bohémien  en  ces  termes  :  »  Il  fuivoit  3  (  Jean  Hus  )  dit-il ,  la  Doc- 
trine quelesVaudoisenfeignoienten  1 160.  fçavoir,quelePape 
»  n'eft  pas  plus  que  les  autres  Evêques  8c  Ecclefiaftiques  ,  J.  C. 
«ayant  égale  le  plus  petit  au  plus  grand  ;  Que  c'étoit  une  chofe 

(1)  Sacerdotetn  quoeunque  hco ,  qnocunque  tempore  ,  facrum  CbriJH  corpus  (onfeere  ptjft ,  pe- 
Wibufqi'.e  mitiijlrare  fitjficere ,  fiverbn  Stcramentaljatarîtttnf  dfCftt, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  1.  15 
*  rifible  de  prier  pour  les  morts  en  Purgatoire,  &  que  ce  n'étoit 
»  que  des  rufes  pour  attraper  de  l'argent,  comme  fontces  coureurs 
»  d'Egypte  3  (ou  les  Bohémiens.  )  Qu'il  falloitrejetter  l'invocation 
»des  Saints  ,  6c  leurs  fêtes  ;  Que  l'abftinence  pouvoir  fervir  a 
»  dompter  la  chair ,  mais  qu'elle  n'avoit  aucun  mérite ,  puifque 
»les  bonnes  œuvres  elles- mêmes  n'en  avoient  pas,  fuivant  cette 
«parole  de  J.  C.  Isfous  fommes  des  fcrviteurs inutiles  3  Qu'il  falloic 
«rayer  du  nombre  des  Sacremensla  Confirmation ,  &  YExtrème- 
"Onciion,  &  qu'il  ne  falloit  point  employer  d'huile  au  Baptême  s 
s>  parce  que  Jean~Bapti(le ,  J.  C.  &  les  autres  n'y  avoient  employé 
»  que  l'eau,  (a)  Ce  n'eftpasicilc  lieu  d'examiner  fi  cet  Auteur  a  (ayriuk 
rapporté  bien  jufte  les  lentimens  de  Jean  Hus ,  fur  tout  au  fujet  BelK  HulL 
des  Sacremens.  Tout  ceci  a  été  remarqué  feulement  pour  faire 
voir  qu'il  y  avoit  un  grand  rapport  entre  la  doctrine  des  Huflites  y 
principalement  des  Taborites  ,  &  celle  des  Vaudois;  Voici  en- 
core une  nouvelle  preuve  delà  non-Catholicité  des  Bohémiens 
avant  Jean  Hus.  On  apprend  de  Hagec  que  fur  la  fin  du  XII. 
fiéclele  Pape  Celefiin  111.  ayant  envoyé  en  Bohême  le  Cardinal 
Pierre  de  Capouë  pour  obliger  les  Prêtres  à  garder  le  célibat  3  peu 
s'en  fallut  qu'il  ne  fût  lapidé.  Ce  même  fait  efk  confirmé  par  le  „  x  ,.r 
F  ère  François  P'agi.  (b)  Tom.  111.  p.- 

V I.  Il  n'efl  pas  moins  clair  que  pendant  tout  le  XIII.  fiécle  on  I$6:  .     , 

t»ia  r         11/*»  •  r  a  ,  Religion  de 

communia  en  Bohême  lous  les  deux  elpeces ,  puifque  même  dans  Bohême 
l'Eglife  Latine  le  retranchement  de  la  Coupe  ne  prévalut  que  danskxiiï. 
depuis  le  Concile  de  Latran  tenu  en  12  15.  ce  retranchement  iexiv. 
ayant  été  regardé  comme  un  réfultatduDogmede  la  Tranfub- 
ftantiation  qui  y  fut  introduit  alors  pour  la  première  fois  folem- 
nellement.  Je  trouve  beaucoup  de  vraifemblanceàce  que  difent 
quelques  Auteurs  3  (c).  que  le  retranchement  de  la  Coupe  ne  ie  (c%s**ui& 
clifia  en  Bohême  que   vers  le  milieu  du  XIV.  fiécle  .  lorfque  £**î7:>Afl" 
l'Empereur  Charles  /Payant  fondé  TUniverfité  de  Prague  y  ap-  EccL  Bob. 
pella  des  Do&eurs  d'Allemagne,  de  France  &  d'Italie,  qui  dé-  P;*8-1*-?'* 

*■  .  ,  .  O        3  3     1  Ain.  Comen. 

clamèrent  contre  la  Communion  fous  les  deux  efpéces^  comme  contre  Hfft.  Fratt> 
une  erreur  Grecque.  Mais  ce  nefut  pas  fans  de  vigoureufes  oppo-  BohJm-  P' 
fitions  de  la  part  des  Bohémiens.  Il  y  eut  fur  tout  deux  Dodeurs  " 
qui  fefignalérent  en  faveur  de  la  Communion  fous  les  cfeux  efpé- 
ces,  fçavoirjEAN  Milicius  Chanoine  &  Prédicateur  de  Pra- 
gue, &  Conrad   Stiekna  fon  Collègue.  Je  ne  fçai  point  de 
nouvelles  de  ce  dernier  3  qui  mourut  en  1369  ,  fi  ce  n'èft  qu'il 
étoit  Autrichien ,  qu'il  a  paiTé  pour  un  des  plus  éloquens  hommes 


16  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
de  fon  temps,  6c  qu'il  eut  beaucoup  à  fouffrir  des  Moines ,  donr 
E^h«n  b5i  ^  n'épargnoic  pas  les  déréglemens  dans  fes  Sermons  &  dans  Tes 
p.  Mart.  écrits ,  non  plus  que  ceux  du  haut  Clergé,  ôc  qu'il  prêchoit  con- 
Hiji.pnficut.  cre  je  juxe  avec  tanc  je  véhémence,  qu'il  obligea  ks  Dames  de 
20.  5f^»ii  Prague  a  quitter  leurs  dorures  Scieurs  broderies  pour  s  habiller 
p.  258.  Lai-  jjmpjeraenjc.  (a)  Comme  on  a  plus  de  lumières  fur  Milicius  ,  il 
RJr.Bohem.  mérite  d'autant  plus  de  trouver  place  ici, qu'il  y  a  parcage  entre  les 
p. 405.  407.  Hiftoriens  fur  fcs  fentimens  touchant  la  Religion,  6c  que  cette 

difcuflion  n'effc  pas  indifférente  «teette  Hiiloire. 
Milicius,  fa      VII.  Jean  Milicius,  au  rapport  de  Balbin,  étoit  né  en  Mo- 
Vi?-  ravie  de  parens  d'une  fortune  médiocre ,  &  non  de  la  Mailon  des 

Barons  de  Milicien  de  Talemberg ,  comme  quelques-uns  l'ont  cru, 
Ayant  été  fait  Archidiacre  de  Prague  fous  l'Archevêque  Ernefi 
il  qujtta  cette  dignité  pour  vivre  en  fon  particulier,  6c  s'occuper 
à  la  Prédication.  Il  prêchoit  d'abord  en  Bohémien,  mais  enfuite 
il  le  fit  en  Allemand  3  en  faveur  des  marchands  6c  autres  étran- 
gers qui  venoient  à  Prague.  Iifetrouvoitunfigrand  concours  de 
peuple  à  fes  Sermons ,  que  quelquefois  il  étoit  obligé  d'en  faire 
trois  fois  par  jour.  C'étoit  un  homme  d'une  vie  fort  auftere,  «Se 
d'une  grande  abftinence,  ne  mangeant  ni  chair  ni  poiflon,  6c  ne 
biivanc  jamais  de  vin.  Ayant  fuccedé  à  Conrad^  Autrichien  ^  dont 
on  vient  de  parler,  dans  la  chaire  de  Prédicateur  d'une  Eglife  de 
Prague ,  il  y  fit  beaucoup  de  fruit ,  fur  tout  par  rapport  à  la  réfor- 
mation des  mœurs.  Il  ramena  plus  de  3  00.  femmes  de  la  débau- 
che&  de  la  proftitution ,  &  fit  du  lieu  où  elles  exerçoient  leurs  im- 
puretez,  une  maifon  de  pénitence  où  il  les  nourrilloit,  pendant 
que  dans  une  autre  ma.ifon  il  inftruifoic  de  jeunes  Ecclefiafliques 
dans  la  Théologie.  Il  mourut  en  1374.  6c  laiffa  divers  Ouvrages 
de  pieté  ,  comme  des  Pofiillçs ,  des  Sermons ,  un  Traité  de  la  croix. 
(h)  Baii     fo  ^es  tribulations  de  l'Eglife  de  Dieu ,  dignes  de  voir  le  jour ,  au, 
Epit.  Rcr."    jugement  de  Balbin.  J'aifuivile  récit  de  ce  Jefuite  fur  l'Hiftoire 
Bohcm.  p.     je  Milicius.  Voyons  à  préfent  quelle  a  été  fa  Doctrine,  (b) 
.     •      •         VIII.  Tous  les  Hiftoriens  Proteftans  6c  Catholiques  Romains 
*  témoignent  unanimement  que  Milicius  fut  un  précurfèur  du  Huf- 
fitifme ,  à  la  réferve  du  Jefuite  que  je  viens  d'alléguer  9  qui  a  fait, 
comme  il  a  pu ,  fon  apologie ,  pour  foûtenir  fon  fyftême  de  la  pu- 
reté delà  foy  en  Bohême  juÇcpi'àJean  Mus.  Il  faut  mettre  à  la; 
tête  des  Hiftoriens  Proteftans  Mathias  Flaccius  lllyricus ,  qui  a 
mis  Milicius  entre  fes  témoins  de  la  vérité ,  fur  la  foy  de  Jacques  de 
Mifc ,  qui  dans  un  Traité  de  l'avènement  derÂnte-Chriitfait 

mention 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  I.  i7 
mention  d'un  certain  fçavant  nommé  Milicx^  qu'il  appelle  fa- 
meux &  vénérable  prédicateur  à  Prague.  11  raconte,  {Jacques de 
%£ife)  die Xllyricus 3  comment  ce  pieu xMilicius  ayant  été  pouflé 
par  le  St.  Eiprit  à  s'enquérir  dans  l'Ecriture  touchant  l'avéne. 
ment  de  l'Ante-Chrift,  il  avoit  trouvé  qu'il  étoic  déjà  venu  de 
fon  temps.  Milicius  àjoutoit  ^  félon  Jacques  de  Mife ,  qu'il  avoir, 
été  contraint  par  le  St.  Efprit  à  prêcher  publiquement  à  Rome  > 
&  devant  l'Inquifiteur,  que  ce  grand  Ante-Chrift  prédit  dans 
l'Ecriture  étoit  arrivé  y  que  l'Eglife  étoit  defolée  par  la  négligence 
des  Pafteurs  -y  qu'abondante  en  richefles  temporelles  elle  étoic 
dépouillée  des  ipirituelles  ,  qu'ainu*  s'accompiiiïoit  l'Evangile, 
abundat  iniquitas.  Que  dans  l'Eglife  il  y  avoit  des  idoles  qui  dé- 
truifoient  Jerufalem  ,  &  défoloient  le  Temple  3  mais  qu'elles- 
étoient  couvertes  du  voile  de  l'hypocrifîe.  Qu'il  y  avoit  beaucoup 
de  gens  qui  renonçaient  à  J.  C.  par  leur  difïïmulation  ,  qui  le 
connoilïant  tk  fa  vérité  n'ofoient  le  confefler  devant  les  hommes  . 
qui  fçachant  la  vérité  retenoient  la  juftice  de  Dieu  captive,  (a)  A  U)Càt*hg<. 
l'égard  de  Stranski,  il  dit  pofitivement  que  Milicins  &  Conrad  telhverit' 
s'oppoférenc  ouvertement  aux  mandemens  de  l'Archevêque 
Ernefl ,  par  lefquels  il  vouloir  bannir  de  la  Bohême  tout  "autre 
rit  &  dogme  que  le  Romain,  (b)  L'Auteur  de  la  perfécution  des  (h)nbifapr^ 
"Eglises  de  Bohême  n'eft  pas  moins  formel  là-deflus.  Jean  Milicius^  P*  27i* 
dit  -  il ,  fut  établi  prédicateur  dans  la  Cathédrale  du  Château  ,  à  eau  Ce 
de  fa  rare  érudition  &  de  la  fainteté  de  fa  vie.  Il  étoit  fuivi  d'un  grand 
concours  dépeuple ,  quilexhortoit  à  la  fréquente  Cotnmunion  fous  les 
deux  efpéces ,  fc  plaignant  de  la  défolation  fpirituelle ,  &  taxant  beau- 
coup d'abus  &  d'abominations,  (c)  Je  ne  compte  pas  plufieurs  autres  (')  P-  J> 2t* 
Proteftans  alléguez  par  Balbin  lui-même,  parce  que  je  n'ai  pules 
confronter.  Il  ne  fe  trouvera  pas  moins  d'Auteurs  Catholiques 
Romains  qui  ont  autant  blâmé  la  doctrine  de  Milicius  qu'elle  eft 
louée  par  les  Proteftans.  Les  trois  continuateurs  des  Annales  de 
Baronius  s'accordent  à  en  faire  un  hérétique,  &  même  un  hé- 
jéfiarqne  fort  dangereux.  Voici  ce  qu'en  dit  Henri  de  S  ponde  l'un 
<de  ces  Continuateurs  fur  l'an  13  74.»  Il  y  avoit  en  ce  temps -là  en. 
«Bohême  un  chanoine  de  Prague  nommé  Mallœfïus ,  qui  fous 
»  des  dehors  de  fainteté }  publiant  diverfes  erreurs ,  avoit  prefque 
»  fait  une  feàe.  Grégoire  (Jfl.  )  ordonnai  l'Archevêque  de  Pra- 
»  gue&  à  fes  fuffragans  de  le  pourfuivre  5c  Ces  fe&ateurs  ,  &:  ex- 
porta l'Empereur  Charles  IV.  à  l'aider  dans  cette  pourfuite. 
?>  L'Hérétique  Illyriçus  qui  l'appelle  Milice ,Pa  mis  dans  fon  ca- 
Tom-  !•  C 


i8         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSÎTES 
(a)  spmd.   »  ralogue.  (a)  Bzovius  n'en  donne  pas  une  autre  idée.  »  Les  héré- 
nnn.  1374.  „  f]es ,  dit-il ,  puiluloient  en  Allemagne ,  tant  par  la  lecture  d'un 
55  Livre  intitulé,  le  miroir  des  Saxons  ,  que  par  la  prédication  êc 

«les  écrits  de  Mallœfius  Chanoine  de  Prague Comme  ce 

«  MalUJius  fous  des  dehors  de  fainteté  répandoit  dans  le  public 
«plufieurs  erreurs  téméraires ,  iniques,  fchifmatiques ,  &même 
»  quantité  d'héréfies ,  &  s'attiroit  grand  nombre  de  Sectateurs  de 
»  fa  perfidie,  Grégoire  J^J.  ordonna  à  l'Archevêque  de  Prague  , 
»>&aux  Evëques  de  Zuthomils  s  dcJBrejlaw  6c  d'Olmutsc-dc  pour- 
»fuivre  cet  hérétique  6c  fes  adhérens  ,  6c  écrivit  à  l'Empereur 
ib)Btov.   »  Charles  IV.  pour  l'exhortera  les  affilier,  (b)  Odoric  Raynaudeft. 
n"1  Vh4"  encore  plus  précis,  6c fait  de  Milicius  un  portrait  plus  affreux , 
aufîî-bien  que  plus  détaillé.  Milicius  ,  dit-il ,  infecloit  de  nouvelles 
erreurs  la  Pologne ,  la  Bohème  ,  la  Silêjîe  &les  Provinces  circonvoi- 
Jïncs ,  &  il  avoit  déjà  détourné  beaucoup  de  gens  de  la  vérité  Catholi- 
que. Le  Pape  en  ayant  été  informé  ré primanda  vivement  l'Archevêque 
de  Gncfne  de  fouffrir  quon  empoifonnàt  ainfi fon  troupeau. 
Bi-efdu  Pape      j  x  Enfuite  l'Annalifte  rapporte  les  propres  paroles  de  la  Lct- 

à  l'Archeve- 


«  Ville  &  dans  votre  Dïocéfe  deGnefne.  Si  ces  faits  font  vérita- 
«bles,  nous  en  avons  une  vive  douleur,  parce  que  ces  chofes  ne 
«  doivent  nullement  être  tolérées.  Et  nous  forâmes  fort  furpris  de 
«  la  négligence  de  votre  fraternicé  ,  6c  de  celle  des  autres  Prélats 
«dans  les  Villes  6c  Diocéfes  defquelsce  Milicius  &c  fes  complices 
» fe  trouvent  ,  aufîî-bien  que  delà  négligence  des  Inquifiteurs  de 
«  l'héréfie  f  hœreticœ pravitatis  )  députez  pour  cela  dans  vos  quar- 
tiers, de  n'avoir  pas  procédé  contre  de  tels  déteftables  ennemis 
«de  la  Foy  Catholique,  6c  de  ne  nous  avoir  point  informez  de 
«tout,  comme  vous  y  étiez  tous  obligez.  C'eft  pourquoi  nous 
»  vous  ordonnons  exprefîément  par  ces  Lettres  Apoftoliques  de 
«vous  en  informer  à  fond,  6c  fi  ces  faits  fe  trouvent  véritables, 
«vous  procéderez  félon  les  Loix  Canoniques  contre  ledit  Milix. 
«6c  (es  adhérens  6c  fauteurs,  s'il  s'en  trouve  dans  vos  Villes  6C 
«Diocéfes,  Ôc  vous  réfuterez  dans  vos  Prédications  les  erreurs 
?»  contenues  dans  le  Mémoire  cy-joint,  6c  les  ferez  réfuter  par  des 
«  Ecclefiaftiques  Séculiers  6c  Réguliers  qui  foient  bien  verfez  dans 
«les  faintes  Lettres.»  La  Lettre  eft  dattée  d'Avignon  du  mois  de 
Janvier  1374* 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Xlv.  /.       i9 

X.  A  cette  Lettre  Raynaud  joint  celle  du  même  Pape  à  l'Em-  Lettre  du  Pa. 
pereur  Charles  IV.  fur  le  même  fujet ,  en  ces  termes  :  »  Nous  avons  Pcà  rE-"pe- 
»  appris  depuis  peu  par  plufieurs  relations  de  gens  dignes  de  foy  ,  nXe'fujet. 
5>  qAn  certain  Milicius  Prêtre  ,  autrefois  Chanoine  de  Prague , 
«  fous  prétexte  de  fainteté  ,  mais  dans  le  fond  par  une  audacieufe 
»>  témérité  ,  ayant  ufurpé  l'office  de  Prédicateur  qui  ne  lui  appar- 
tient pas,  a  entrepris  de  prêcher  publiquement  dans  votre 
»  Royaume  de  Bohême,  6c  dans  vos  autres  Domaines,  plufieurs 
»  erreurs ,  non  feulement  téméraires  6c  iniques  ,  mais  aufli  héré- 
»  tiques  ôc  fchifmatiques ,  très-certainement  fcandaleufes  ôc  dan- 
»  gereufes  pour  les  fidèles ,  principalement  pour  les  iimples.  Qu'il 
«a engagé  dans  la  fe&e  dont  il  eft  le  damnableinftituteur  3  plu_ 
»  fleurs  perfonnes  de  l'un  ôc  de  l'autre  fexe ,  leur  enfeignant  des 
»  erreurs  déteftables,  6c  des  actes  pernicieux  au  préjudice  de  la 
»Foy  Catholique,  6c  au  mépris  des  facrez  Canons ,  comme  cela 
»efl  contenu  dans  les  articles  du  Mémoire  cy-joint.  «Enfuitele 
Pape  marque  à  l'Empereur  qu'il  a  écrit  aux  Archevêques  6c  aux 
Evêques  nommez  cy-defîus ,  de  pourfuivre  ce  Milicius  ôc  fes  par- 
rifans ,  6c  il  prie  ce  Prince  de  prêter  le  bras  fécuiier  à  ces  Prélats , 
quand  il  en  fera  requis,  afin  que  le  Royaume  de  Bohême  foit  to- 
talement &  promptement  purgé  de  ces  taches,  (a)  De  ces  aétesil   (a)R*/#. 
paroît  i.  que  Milicius  &  déféré  en  Cour  de  Rome  pour  héréfie.  ^am^x.?' 
2.  que  c'étoir  un  Prédicateur  couru  ôc  applaudi  ,  mm  feulement 
en  Bohême ,  mais  en  Moravie ,  en  Siléfie ,  ôc  en  Pologne.  3 .  qu'une 
partie  de  ces  Provinces  étoient  infectées  de  ces  hère  fies ,  pour  par- 
ler le  flyle  de  la  Bulle.  Il  eft  vrai  que  le  Pape  ajoute  cette  claufe, 
fi  ces  faits  font  véritables.  Mais  ilnepouvoit  pas  parler  autrement, 
n'en  feachant  rien  que  par  le  rapport  d'autrui. 

XL  On  peut  joindre  quelques  faits  à  ces  témoignages  6c  à  ces    Difcuflïo* 
autoritez.  Le  premier ,  c'eft  que  Milicius  fut  cité  à  Rome  ,  ôc  qu'il  îc ;iuclil,cs 
y  comparut  plus  d'une  fois.  Il  eft  vrai  que  Balbin  témoigne  qu'il  nant  mm- 
en  revint  abfous.  Ce  qui  ne  s'accorde  pas  avec  ce  que  d'autres  di- c:ui' 
fent ,  que  preflé  par  les  aiguillons  de  fa  confeience ,  il  alla  à  Rome, 
6c  qu'il  écrivit  à  la  porte  de  quelques  Cardinaux  ,  que  l'Ante- 
Chrifi  ctoit  déjà  venu ,  &  qtiil  fiégeoit  dans  l'£glife.  (b)  Quoi  qu'il  (bj  Kift.ftr- 
en  foit ,  il  eft  certain  qu'il  fut  fort  fufpect  d'héréfie ,  &  que  meme-j?'  Eccl^ 
il  fut  déféré  à  Rome  comme  hérétique  par  JeanKlonkot  Do&eur 
de  l'Univerfité  de  Prague,  fi  l'on  en  croit  une  vie  de  Jean  Mili- 
cius alléguée  par  Balbin.  Il  eft  vrai  qu'on  voit  dans  cette  même 
vie  que  Milicius  fut  juftiiié  à  Prague  par  l'Archevêque  Jean  de 

Cij 


io  HIST.  DE- LA  GUERRE  DES  HUS  SITES 

Genftein  mort  à  Rome  en  1 3  s>8 .  &  à  Rome  par  le  Cardinal  d'^flbe, 
fryBaib.  ubi  ôc  qu'il  fut  abfous  par  Urbain  V.  mort  en  1370.  (a)  Mais  il  n'y  a 
&pr.p. 407.  p0jnc  je  contradiction  dans  ces  faits.  Jean  Hus  lui-même  fut 
jultifié  par  l'Archevêque  <S£/'»£* ,  &  l'Evêque  de  JSfa%areth  iftjui- 
fiteur  de  Bohême  lui  donna  un  témoignage  qu'il  produifit  à  Conf- 
|b)  oper.Hm  tance  ,  011  il  ne  laifla  pas  d'être  brûlé  pour  {es  opinions,  (b)  D'ail- 
Tom.  i.       leurs  il  faut  bien  qu'après  ion  abiolution ,  Milicius  ait  continué 
dedogmatifer,  puifque  l'Archevêque  Erncft  le  fit  mettre  en  pri- 
fon.  Il  l'en  fit  à  la  vérité  bientôt  fortir,  mais  ce  fut  plus  parla 
t).7«.ty/v.  crainte  du  peuple  que  parlaperfuafion  de  Ion  ortodoxie.  (c)  Le 
Hift-Bohem.  fécond  fait  3  c'eft  que  les  œuvres  de  Milicius  furent  miles  parmi 
Ibeôb.  Bell,    les  deux  cens  beaux  volumes  hérétiques  que  l'Archevêque  Sbinh 
Huilu.p.2.  fit  brûler  en  141  o.  Balbin  attribué  cette  exécution  à  l'cgarddes 
œuvres  de  Milicius  à  l'ignorance  de  l'Archevêque  Sbinko.  On 
convient  allez  qu'il  étoit  fort  ignorant.  Cependant  cette  exeufe 
n'eft  nullement  recevablc.  Les  Docteurs  de  i'Univerfité  qui  lui 
prefenterent  ces  Ecrits  dévoient  apparemment  les  connoître.  Ec 
même  l'Archevêque  leur  donna  quelques  jours  pour  les  lire,  ou 
au  moins  pour  les  parcourir.  Or  îi  les  œuvres  de  Milicius  n'euf- 
fent  pas  été  fufpe&es ,  quelle  apparence  qu'ils  les  euflent  confon- 
dues avec  les  Livres  de  Wiclef,  de  Jean  Hus  &c  de  Jérôme  de  Pra- 
gue, qui  furent  brûlez  alors  dans  le  Palais  Epifcopal  ?  De  ces  témoi- 
gnages &  de  ces  faits  il  refaite  certainement  que  Milicius  prêchoic 
une  doctrine  à  plu  (leurs  égards  fort  différente  de  celle  de  Rome , 
ôc  que  par  conîéquent  la  Ville  de  Prague  qui  couroit  en  foule  à 
fes  Sermons  n'étoit  pas  en  ce  temps  -  là  r'ort  bonne  Catholiques  la. 
Romaine.  Ce  que  dit  iW^'#  pour  exeufer  ce  Docteur  Bohémien 
n'a  pas  allez  de  force  pour  détruire  des  faits  fi  unanimement  attef- 
tez.  11  allègue  un  diplôme  de  l'Empereur  Charles  IV.  publié  après 
la  mort  de  Milicius,  &  mis  en  1375.  dans  les  Archives  de  l'Arche- 
vêché par  l'Archevêque  Jean,  où  Milicius  eft  appelle  par  l'Em- 
(d)  Tsaiï.  p.  pereur  l'honorable  Milicius  de  bonne  ?némoire.  {à)  Celafe  peut,  mais 
4°2'  il  ne  s'enfuit  nullement  de  là  que  Milicius  ne  s'écartât  pas  en  plu- 

fieurs cliofes  de  la  Catholicité  de  Rome.  Car  quoiqu'environ 
cinquante  ans  après  Jean  Hus  déclamât  fortement  contre  cette 
Eglife  dans  fa  Chapelle  de  Bethléem  ,  qui  peut  douter  que  s'il 
fut  mort  à  Prague  avant  le  Concile  de  Conftance,  il  ne  fut  mort 
en  odeur  defainteté,  &que  Wenceflas  n'en  eut  parlé  avec  hon- 
neur ?  On  dira  que  Charles  IV.  étoit  un  Prince  fort  Catholique, 
au  lieu  que  la  religion.de  WenceJIas  a  été  fufpecte.  J'examinerai 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zùv,  /.       21 

ce  dernier  fait  dans  fon  lieu.  A  l'égard  de  Charles IV.  ]q  ne  doute 
point  de  fa  Catholicité.  On  trouve  même  parmi  Tes  Conftitiu 
lions  appelléesCV*™//»^  des  Loix  fort  féveres  contre  les  Héréti- 
ques, (a)  Mais  tout  ce  qu'on  peut  conclure  de  là ,  e'eft  que  Milicius   (0  Rubric* 
ne  fut  ni  convaincu,  ni  condamné,  &  qu'il  eut  toujours  alfez  de 
crédit  6c  d'amis  pourfe  tirer  d'affaire  3  ou  qu'au  moins  il  en  fut 
quitte  pour  quelque  temps  de prifon,  ou  pour  l'exil,  où  un  Hif- 
torien  die  3  qu'il  futenvoyé  en  1366. (b)  Jenefçais'il  en  revint,   (b)f.Jm- 
ou  s'il  y  mourut.  Ce  dernier  eft  le  plus  vraifemblable  ,  puifque  £»»•  Fi:ltr* 
s'il  avoit  été  enfeveli  à  Prague  3  Balbin  n'auroit  pas  manqué  de 
fortifier  l'apologie  de  Milicius ,  comme  il  a  fait  à  l'égard  de  Con- 
rad Stiekna  enterré  dans  le  cimetière  de  l'Eglife  du  Château.  Mais- 
dans  le  fond  cela  ne  prouve  rien ,  comme  on  va  le  voir. 

XII.  Pluileurs  Auteurs  font  fucceder  à  Milicius  Matthias    liMthïat  &i 
DE  J  a  n  A  w  3  dit  le  Purifiai  ,  parce  qu'il  avoic  étudié  à  Paris.  ^"^c.m- 
On  peut  le  regarder  auffi  comme  un  Précurfeur  de  Jean  Hus-  munion  fous 
Voici  ce  que  j'en  trouve  dans  le  Calendrier  de  Lupacius ,  Auteur  lcs  dca*  cÇr 
Bohémien  iouvenr  allègue  avec  éloge  par  Balbin.»  En  1394.1e 
»  3  o.  Novembre  mourut  Matthias  de  Janow Bohémien  ,  furnom- 
«méle  P 'a n fien ,  pour  avoir  étudié  9.  ans  à  Paris.  Il  eft  enterré 
»  dans  l'Eglife  de  Prague.  C'étoit  un  homme  de  bien ,  &  un  Prêtre 
«pieux,  ardent  zélateur  de  la  vérité  de  J.  C.  àc  de  la  Doctrine 
«  Evan°-elique  3  &  qui  combattit  avec  chaleur  les  abus  &  les  cor- 
ruptions qui  s'y  étoientgliflees.  Entre  autres  ouvrages  il  a  écri& 
«un  livre  de  l'Ante-  Chrift  que  quelques  -  uns  attribuent  à  Jean 
»  Hus.  Il  a  aufli  écrit  un  Livre  de  la  fréquente  Communion  du 
»  Corps  &  du  Sang  de  J.  C.  On  lit  ces  paroles  à  la  fin  de  ce  Livre. 
Fin.  (  explicit  )  du  Livre  de  Maître  Matthias  le  Parifien  originaire 
de  Prague  3  illuftre  far  fa  merveilleufe  dévotion ,  &  qui  par  fon  ajji- 
duitè  à  prêcher  a  foujfcrt  une  grande  perfécution,  &  cela  à  caufe  de  Itù 
vérité  Evangelique.  lllyricus  n'a  pas  oublié  Matthias  dans   forv 
Catalogue  des  témoins  de  la  vérité ,  Se  il  s'étend  même  fore  fur  forv 
fujet.  »  Il  dit  qu'en  13  80.  il  avoit  compofé  un  grand  Livre  fur. 
«  l'Ante-Chrift ,  où  il  prouve  qu'il  eft  venu ,  infinuant  allez  claire- 
«ment  que  c'eftle  Pape  lui-même.  Il  y  parle  fortement  contre 
»  les  vices  de  les  turpitudes  du  Clergé,  &  contre  fa  négligence  dans 
xi  le  Gouvernement  de  l'Eglife.  Il  dit  que  Jes  fauterelles  de  l'Apo- 
«calypfe  font  les  hypocrites  qui  régnent  dans  l'Eglife,  que  les 
«oeuvres  de  l'Ante-  Chrift  confident  dans  les  fables  &  les  in^ 
a  y  entions  humaines  3. &  dans  le  culte  des  idoles  &,  des  faufles  re-- 

•     C 113 . 


%%  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
»  liques,  &  que  chaque  Ville  a  fon  Saint  qu'elle  ferc  au  lieu  de  J.  C 
»  Il  foutienc  qu'on  ne  d  oit  point  attacher  le  culte  divin  aux  temps . 
»  aux  perfonnes  Seaux  lieux,  comme  fi  on  etoit  plutôt  exaucé  dans 
«un  lieu  ou  dans  un  temps  que  dans  un  autre.  Il  reproche  aux 
»  Moines  d'avoir  abandonne  l'unique  Sauveur  J.  C.  pour  des 
»  François  ôc  des  Dominiques  ,  qu'ils  regardent  comme  leurs 
»  Sauveurs  ,  &'  dans  lefquels  ils  s'applaudiflent  en  inventant  des 
»  menfonges  à  leur  honneur ,  de  négliger  6cd'enfevelir  la  Parole 
>y  de  Dieu  pour  mettre  en  fa  place  leurs  Régies  &  leurs  Canons  , 
»defe  regarder  comme  les  feulsfpirituels,  6c  de  regarder  les  Sé- 
culiers comme  des  profanes.  Enfin  il  prédit  qu'il  viendra  un 
«temps  où  Dieu  fufeitera  des  D  odeurs  pieux  &  brûlants  de  l'el- 
»  prit  de  du  zèle  d'Elie  3  qui  découvriront  6c  rejetteront  les  erreurs 
»dei'Ante-Chrift,  6c  l'Ante-Chrifl:  lui-même.»  Il  cite  dans  cet 
ouvrage  ceux  de  plufîeurs  autres  Auteurs  fur  le  même  fujet,  com- 
me l'Ecrit  de  l'Univerfité  de  Paris  touchant  les  dangers  del'E- 
fa)  ïfi/hU-  alifeen  i  \  89.  (a)  les  Sermons  de  Guillaume  de  S.  Amour ,  (b)  6c  de 

tiiverf.  Paris.  O  J      '    K  ,  v,  ^  '  j-n*  J  * 

T0m.1v.  p.  Milicius.  (c)  Je  trouve  a  peu  près  la  même  prédiction  du  même 
*38-  Matthias  dans  la  Préface  qu'il  a  mife  a  la  tête  de  l'Ecrit  de  l'Uni- 

^bIj/l^  verfité  de  Paris  qu'on  vient  d'alléguer ,  ÔC  qui  eft  inférée  dans 
144*  l'antilogie.  (d  )  L'Auteur  anonyme  des  perfécutions  des  Eglifes  de 

li^vnn.l.  Bohème  nous  apprend  quelques  particularitez  touchant  Mat- 
xiv.p.17^2.  thias.  Il  Huit 3  dit-il,  Confefeurào.  Charles  I  V.  &  il  eut  beaucoup 
}  dV  '  .  <  de  fart  a  [es  bonnes  grâces.  Il  fut  encore  plus  zglê  dèfenfeur  de  la  Com- 
muni  on  fous  les  deux  efpêces  que  fesprcdecejjeurs.  Outre  le  livre  de 
l'Ante-Chrifr.  dont  on  vient  de  parler,  cet  Auteur  témoigne  que 
Matthias  compofa  un  traité  de  la  Vie  Chrétienne  ,  un  autre  de 
Y  Hypocrifie ,  6c  un  de  la  Communion  fous  les  deux  efpêces.  Il  ajoute 
qu'un  jour  Matthias  avec  quelques  autres  hommes  doctes  alla 
trouver  l'Empereur  pour  le  prier  d'afïémbler  un  Concile  œcu- 
ménique, afin  d'y  travailler  à  la  réformation  de  PEglife  s  que 
l'Empereur  lui  répondit  que  cela  n'étoit  pas  en  fon  pouvoir ,  ce 
droit  appartenant  au  très-faint  Père  le  Pontife,  6c  qu'il  lui  en  écri- 
roit  5  mais  que  le  Pape  irrité  de  cette  demande  preiTa  fi  fort  l'Em- 
pereur de  reprimer  ces  hérétiques  ,  que  ce  Prince  entêté  de 
l'autorité  du  Pape  bannit  fon  Confefîeur  du  Royaume  quoiqu'il 
l'aimât.  Il  y  revint,  dit  l'Anonyme,  maisilpaiïalerefte  de  fa  vie 
(e]H;/h  en  fon  particulier,  6c  mourut  en  1394.  le  }o.  de  Novembre,  (e) 
prfic.  Euh    Le  même  Auteur  témoiene  que  depuis  que  Matthias  fut  banni, 

fiobem.  p.  O  1  l  *     r     ,  ri 

on  abolit  la  Communion  fous  les  deux  elpeces,  non  ieuiemenc 


p 

il.   Z2. 


ET  DU  CONCILE  DE  BAS  LE.  Ziv.  I.         23 

dans  PEglife  du  Château,  6e  à  Prague,  mais  partout  le  Royau- 
me. Il  ajoute  qu'on  ne  l'adminiftroit  plus  ainfi  que  dans  des  mai- 
fons  particulières,  6e  à  la  fin,  dans  des  bois  Se  dans  des  endroits 
cachez  ,  mais  que  ce  n'étoit  pas  fans  péril  de  la  vie.  On  s'en  faifif- 
foitfur  les  chemins,  on  lesdépoiiiiloit,  on  lesmaflacroit,  on  les 
noyoit,  de  forte  qu'ils  furent  obligez  de  s'ailembler  à  main  armée, 
Scbienefcortez.  Cela  dura,  dit-il,  décote  6e  d'autre,  jufqu'au 
temps  de  Jean  Hus.  On  apprend  de  Thibaut  que  les  livres  de 
Matthias  furent  brûlez  à  Prague  avec  ceux  de  Wiclef&c  des  autres 
dont  on  vient  de  parler,  (a)  Voici  une  autre  particularité  qui  dé-  {&)  BtiLHuf. 
couvre  bien  ,  6e  le  caractère  de  Matthias ,  6e  l'état  où  étoit  alors  P*  9' 
la  Religion  en  Bohême:  elle  eft  tirée  de  Stranski.  ^S)  Après  la  mort  (b) ,p.  25.8» 
de  Conrad  &  de  Milicius ,  &  fous  le  Règne  de  Wenceflas  fucccfjeur 
de  Charles  I  V.  Matthias  de  Janow  furnomme  le  Parifien  ,  avoit ac- 
coutumé de  faire  le  fervice  à  la  manière  des  Grecs  3  dans  l'Eglife  du 
J?alais  Royal,  &  y  pre choit  fréquemment.  L'Auteur  de  l'Hiftoire 
des  Frères  de  Bohême  dit  à  peu  -  près  la  même  chofe  de  ce  Mat- 
thias. Mais  ce  qui  rend  le  témoignage  de  ces  Auteurs  incontefta- 
ble ,  c'eft  qu'au  Concile  de  Balle  Rocki^ane ,  l'un  des  principaux 
députez  de  Bohême  à  ce  Concile  ,  foutint  à  Jacques  de  Polemar 
Archidiacre  de  Bologne,  qu'environ  25  ans  avant  Jacobel  ou  Jac- 
ques de  Mifc ,  f&par  confequent  avant  Jean  Hus  contemporain 
de  ce  dernier  )  Matthias  Bohémien  furnomme  le  Parifien  ,  avoic 
tenté  d'introduire  la  Communion  fous  les  deux  efpéces  $  qu'il  y 
avoit  invité  le  peuple,  6e  que  même  il  avoit  adminiftré  l'Eucha- 
rifbie  de  cette  manière  ,  mais  qu'ayant  été  reprimé  par  le  Magi  f- 
trat,  l'affaire  n'eut  pas  de  fuite,  6e  que  Polemar  convint  à  peu- 
presdufait,  ajoutant  que  Matthias  s'étoit  rétracté  en  1389.  (c).    (cj  yon& 
je  ne  feache  qu'un  Auteur  Catholique  qui  ait  parlé  de  Matthias ,  Harât.Tom. 
c'eft.  Jean  Cochlée  Chanoine  de  Breflaw ,  qui  dans  fon  Hiftoire  p,  iQ'jlf, 
des  HufTites  fait  parler  ainfi  Maître  Jean  Przjbram  célèbre ,  6e  par  Andr. 
ion  zèle  pour  le  Huïïitifme,  6eenfuite  par  fa  rétractation.  Je  de-  HisC-Jc. 
clarc,  dit-il ,  que  quelque  chofe  que  raye  avancée  auparavant  ffe  n'ap-  Euchar.p.p.- 
prouve  aucun  des  Ecrits ,  des  dits  &  des  faits  df  Maître  Jean  Hus ,  ô£ 
de  Maître  Matthias  ,  qu'autant  qu'ils  font  approuvez^de  Dieu  ,  &  de 
l'Eglife  Catholique ,  &  entièrement  conformes  à  la  vérité  Catholique  (d)Lib.n, 
&  aux  Saints  Docteurs .  (d)  P-  8o* 

XIII.  Il  eft-  donc  clair  par  tous  les  faits  qu'on  vient  d'établir  ,  Diwfitéd* 
qu'avant  Jean  Hus  la  Religion  avoit  fouvent  varié  en  Bohême  ,  B^|a^,,  °' 
&  que  le  Catholicifme  y  avoit  fouftert  bien  des  éclipfes.  A-uifo 


24  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
JEneas  Sylvius  n'a-t-il  point  fait  difficulté  d'appeller  la  Bohême 
(i)H!ft.Boh.  l'afyle  des  hérétiques,  (a)  (  velut  h&reticorum  afylum)  en  parlant 
L.'xxxv.  p.  £g  Pierre  de  Drefden  qui  étant  fufpeck  dans  Ton  pais  de  la  lèpre 
m'  6*'  Vaudoife ,  comme  il  parle ,  étoit  retourné  en  Bohême.  Ainfi  on 
peut  partager  la  Religion  de  Bohême  en  quatre  périodes.  La  prer- 
miereeft  Gm^«^,  &  comprend  un  fiécle  &  demi  ou  environ.  La 
féconde  eft  flottante  entre  le  Rit  Grec  &  le  Rit  Latin  ,  malgré 
les  oppofitions  des  Papes,  ce  qui  dure  environ  deux fiécles.  La 
troifiéme  peut  être  marquée  à  l'arrivée  des  Vaudois ,  &  aux  ten- 
tatives de  Conrad  Stiekna  ,  de  Jean  Mllïciùs ,  &  de  ^Matthias  de 
Janaw ,  pour  la  reforme  de  la  Religion.  La  quatrième  c'eft  le 
fin  fjîti fme ,  où  nous  allons  entrer.  Si  donc  les  Pères  de  Bade,  6c 
quelques  Dodeurs  après  eux  ont  avancé  qu'avant  Jean  Husla. 
Religion  a.voit  été  pure,  ils  n'ont  pd le  faire  fans  fortir  de  leurs: 
principes,  ou  ils  ont  ignoré  les  diverfes  faces  de  la  Religion  en, 
Bohême  pendant  plufieurs  fiécles,  ou  enfin  ils  ont  voulu  rendre 
Jean  Hus  &  lesHufTites  odieux  ,  6c  en  mênle-temps  porter  les- 
Bohémiens  à  ne  pas  dégénérer  de  la  Foy  de  leurs  ancêtres  3  6c  les 
picquer  d'honneur  par  leur  prétendue  confiance  dans  la  Catholi- 
cité. Pour  nous  qui  n'avons  point  d'autre  vue  que  d'inftruire  le 
Public  de  la  vérité,  nous  rapportons  les  faits  tels  que  nous  les 
trouvons  dans  PHifioire.  Après  les  réflexions  préliminaires  du 
Livre  fuivant ,  nous  marquerons  l'Epoque  de  la  Guerre  des  Huffî- 
$es  à  la  fia  du  Concile  de  Confiance. 


HISTOIRE 


I  S  T  O  I  R  E 

DE       LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE     DE    BASLE. 


LIVRE      II. 

ES  chofesn'avoientguéres  change  de  face  en  Eu-  Vétzt&c 
rope  depuis  le  Concile  de  Confiance.  L'Italie  étoic  lEuroPe' 
en  proie  aux  mêmes  factions.  L'Efpagne  étoit  ex- 
pofée  aux  troubles  d'une  minorité.  La  France  Ôc 
l'Angleterre  le  difputoient  le  terrain  avec  difFerens  fuccès.  La 
Hongrie  ne  s'étoit  pas  relevée  defes  pertes  depuis  la  journée  de 
Tficopoli)  ce  qui  empêchoit  l'Empereur  Sigsmo?idde  donner  Ces 
foins  à  pacifier  l'Allemagne.  Ce  Concile  aflcmblé  pour  pacifier 
Tom.  /.  D 


x6         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
routes  chofes  ne  fît  guéres  que  des  mécontens.  Les  Polonois  s'en 
retirèrent  mal  fatisfaits  ,  à  caufe  de  la  mollefle  qu'on  avoit  témoi- 
gnée à  la  condamnation  du  Libelle  diffamatoire  de  Falkcnberg. 
Les  François  ne  furent  pas  plus  contents  au  fujet  des  propofirions 
de  Jean  Petit ,  dont  on  ne  put  obtenir  la  condamnation.  Le  *Wi- 
cléfifmen'étoitpasafiez  éteint  en  Angleterre  pour  n'y  pas  caufer 
du  refïentiment  de  la  flctriflure  de  Wiclef.  Les  bûchers  de  Jean 
Hus  6c  de  Jérôme  de  P  raque  furent  comme  deux  grands  tifons 
jettez  en  Bohême  pour  y  mettre  le  feu  6c  dans  tout  le  voifinage. 
C'eft  de  quoi  il  s'agit  dans  cette  Hiftoire. 
Origine  du      H.  Quoique  dans  l'hiftoire  des  Conciles  de  Pife  6c  de  Confiance 
Huifitifmc.    on  ait  eu  plufieurs  fois  occalion  de  parler,  6c  même  fort  ample-    \ 
ment  ,  de  Jean  Hus  6c  des  Hufïites,nous  nefçaurions  nous  dif- 
penfer  de  reprendre  l'affaire  du  HuJJîtifme  dès  fa  première  ori- 
gine ,  en  évitant  autant  qu'il  fe  pourra  les  redites.  Jean  Hus  na- 
quit le  6.  de  Juillet  de  l'an  1373.  fous  le  Règne  de  l'Empereur 
Charles  IV.  (  1  )  6c  fous  le  Pontificat  de  Grégoire  Jfl.  (  2  )  environ 
5  ans  avant  le  grand  fchifme  d'Occident,  que  l'on  peut  regarder 
comme  une  des  femences  du  HuJJîtifme.  L'Hiftoire  ne  nous  ap- 
prend rien  du  père  6c  de  la  mère  de  Jean  Hus ,  fi  ce  n'eft  que  c'é- 
toient  des gensde  probité  , mais  peu  diftinguez  par  leurnaiflance* 
Tout  le  monde  fçart  que  c'etoir.  la  coutume  en  ce  remps-là  de  dé- 
iïgner  les  hommes  illuffres  par  le  lieu  de  leur  naiilance  ,  ou  par 
quelque  autre  caradere  femblable ,  plutôt  que  par  le  nom  de  leur 
famille.  C'eft.  pour  cela  que  ce  Dodeur  Bohémien  n'éft  connu 
que  fous  le  nom  de  Jean  Hus ,  ou  plutôt  de  Jean  de  Hus  3  (Huffius) 
parce  qu'il  naquit  à  HuJJînet^  petite  ville  ou  bourg  vers  le  midi 
de  la  Bohême  dans  le  diftrict  ou  cercle  de  Prachin  fur  les  fron- 
tières de  la  Bavière.  On  a  allégué  dans  YHiftoire  du  Concile  de 
Confiance  plufieurs  exemples  d'un  ufage  aufïi  général  &  aufTi  an- 
cien, &  on  pourroit  en  faire  un  gros  volume.  Ainfi  Grimoire  de 
Nazianzf  fut  appelle  delà  ville  de  ce  nom  en  Cappadocc.  Apollon 
nius  de  Tyane  de  la  ville  de  ce  nom  dans  la  même  Province  de 
l'A  fie  mineure.  Dans  le  XIII.  fiécle  Pierre  de  Tarentaife  ,  qui  fut 
Pape  fous  le  nom  à' Innocent  IV.  fut  ainfi  nommé  de  Ja  ville  de 
Tarentaife  en  Savoye  fa  patrie.  Au  XV.  fiécle  Nicolas  de  Cufa 
Cardinal  célèbre  quoique  de  bafîè  naiffance ,  prit  le  nom  de  Cufa- 

(  I  )  Ce  fut  cette  année  que  Charles  IF.  ayant  acheté'  du  Margrave  Otton  la  vieille  Marche  de 
Brrmdebourg,  fon  fils  Sigifmond  en  fut  déclaré  Margrave  &  Eleveur.  Charles  i F.  fut  cou? 
ronné  Roy  de  Bohème  en  IJ47.  &  mourut  Ci}  1378. 
^(2)  Elu  en  1371»  &  mort  eii  1378.- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLÊ.  Zlv.  12.      27 

d'un  bourg  fur  la  Mofelle  où  il  étoit  né.  Jean  Tritbême  Abbé  de   /a.  Se  rid 
Sponheim  fut  ainfi  appelle  de  Trïttcnheim  bourg  fur  la  même  Differt. Hift'. 
rivière  (a).  T'ai  ramalïé  cous  ces  exemples  pour  confondre  unie^nbT"' 
Hiftorien  François  qui  a  voulu  rendre  la  naifîance  de  Jean  Hus  1711.  p.  10. 
fufpecte  ,  parce  qu'on  ne  fcavoir  pas  le  nom  de  fon  père  (b)  ^  Varilîas* 

ttt    Ti     a  •  r  •  1  /-   •       I     /        r,        Hiit.duWi- 

1 1 1. 11  eit  certain  que  les  parens  prirent  grand  loin  de  fon  édu.  clef.  p.  6$. 
cation.  Ayant  perdu  fon  père  en  bas  âge  ,  ia  mère  lui  fit  appren- ann-  l6*z- 
dre  les  premiers  élemens  de  la  Grammaire  i  Huffînet^  où  il  y     Education 
avoit  une  Ecole.  Enfuite  elle  le  mena  à  Prachetit^  ville  du  même  dc  ^emHuSt 
diflrict.,  où  il  y  avoit  un  Collège  illuftre.  Il  rit  bientôt  de  grands 
progrès  dans  les  Letcres,  &  s'attira  l'amitié  de  Ces  maîtres  par  fa 
modeftie  &  fa  docilité,  comme  cela  paroît  par  le  temoignao-e 
que  l'Univerfité  de  Prague  lui  rendit  après  fa  mort(c).  Quand  il    (c}  Grée*; 
fut  aiTez  avancé  pour  aller  étudier  à  Prague,  fa  mère  l'y  mena  Hmmr.  in 
elle-même.  On  rapporte  que  cette  pauvre  femme  pleine  de  zèle  ^fj!*!Pt 
pour  l'éducation  de  fon  fils  avoit  pris  avec  elle  une  oye(i)  6c  nnfiid.d  Hu« 
gâteau  pour  en  faire  préfent  à  fon  Régent.  Mais  par  malheur  Mm,p'  ™'À 
l'oye  s'envola  en  chemin ,  de  forte  qu'à  fon  grand  regret ,  elle 
n'eut  que  le  gâteau  à  préfenter  au  maître.  Touchée  jufqu'au  vif  de 
ce  petit  accident  ,  elle  fe  mit  plu  fleurs  fois  en  prières  pour  deman- 
der à  Dieu  qu'il  voulût  être  le  père  6c  le  gouverneur  de  fon  fils. 
Quand  il  eut  fait  à  Prague  un  bon  fondement  de  litérature,  fes 
Maîtres  remarquant  en  lui  beaucoup  d'ouverture  6c  de  vivacité 
d'efprit,  auflî-bien  qu'une  grande  avidité  pour  les  fciences,  ju- 
gèrent à  propos  de  le  faire  immatriculer  dans  le  livre  de  l'Uni- 
verfité. Elle  avoit  été  fondée  en  1347.  (2)  Par  l'Empereur  Char- 
les IV.  fvoy  de  Bohême,  6c  confirmée  par  Clément  VI.  On  yen-  . 
ieignoit  non  feulement  la  Jurifprudence  6c  la  Médecine  ,  mais 
auffi  la  Théologie,  ce  que  les  Papes  refuférent  depuis  à  plufieurs 
Académies  au  rapport  de  Balbin.  Elle  fut  partagée  en  quatre 
Nations,  la  Bohémienne ,  ï 'Allemande  ,  la  Polonoifc ,  &  la  Bava- 
roife.  Charles  y  établit  huit  ProfefTeurs ,  tant  Bohémiens  qu'Alle- 
mands &  Autrichiens ,  qui  félon  la  conjedure  du  même  Auteur, 
avoient  étudié  dans  l'Univerfité  de  Paris.  L'Empereur  lui-même 
prenoit  plaifir  à  les  entendre.  Un  jour  que  l'exercice  dura  trop 
long-temps  au  gré  des  courtifans  ,  on  fait  dire  à  Charles  :  Je  nai 
$>as  le  temps  de  fouper  3  ccji  icimonfouper.  On  aura  occafion  ailleurs 

(1)  On  a  remarque  ailleurs  que  Hus  cr  Bohémien  fignifie  Gye.  Apparemment  la  patrie  de 
Jean  Huffinctx.  fut  ainfi  appellee  ,  parce  que  les  Oyes  y  abondoient. 

(î)  D'autres  la  mettent  en  1360.  ou  136*1.  mais  je  fuis  Balkin  dont  le  fentiment  me  pa- 
roit  le  mieux  appuyé.  Bail;,  ubi  fupr.  p.  3  j> 

Dij 


zS  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
déparier  de  cette  Univerfîté.  Eloigné  desamufemensde  la  jeu- 
nette, Jean  i1/^  employoic  Tes  heures  perdues  à  de  bonnes  lectu- 
res. Iiprenoitfurtoutplaifiràcelledelliiftoiredes  anciens  Mar- 
tyrs. On  raconte  qu'un  jour  lifanc  la  Légende  de  Saint  Laurent, 
qui,  à  ce  qu'on  prétend,  fut  grillé  fous  l'Empereur  Valèrien,  il 
voulut  éprouver  s'il  auroit  la  même  confiance  que  ce  Martyr  3  en 
fe  mettant  le  doigt  dans  le  feu  ;  mais  on  ajoute  qu'il  le  retira  bien- 
tôt fort  mécontent  de  fa  foiblede ,  ou  qu'un  de  Ces  camarades  s'y 
oppofa.  Quoi  qu'il  en  foit,  il  ne  faifoit  pas  mal  de  fe  préparer  au 
feu  ,  comme  il  paroîtra  par  l'événement.  D'ailleurs  lors  qu'il 
voulut  faire  cet  eiîai,  il  pouvoit  être  déjà  afTez  avancé  enâ>e5 
pourque  l'Edit  de  1376.  par  lequel  CharleslV.  condamnoit  ks 
Hérétiques  au  feu,  lui  donnât  quelque  forte  de  prefîentiment  de 
fàBaiï.p.  ce  qui  lui  devoit  arriver  (a)»  Un  grand  obftacle  s'oppofoit  à  l'ar- 
8  *•  deur  qu'a  voit  '}  e an  Hus  de  s'avancer  3  c'eft  la  pauvreté  i 

H 'and  facile  emergunt  quorum  virtutibus  obfiat 
Res  anyifla  domi. 

Dans  cette  extrémité  il  accepta  l'offre  que  lui  fit  un  ProfeiTeur 
dont  on  ignore  le  nom ,  de  le  prendre  à  fon  fervice ,  &  de  lui  four- 
nir les  livres,  &  tout  ce  qui  lui écoit néceflaire  pourpoufîer  fes 
études.  Quoique  cette  fituation  fût  alTez  humiliante,  il  la  trou- 
voit  heureufe  par  rapport  à  fon  but ,  &  il  la  mit  fi  bien  à  profit , 

ih)  Seyfrid.  q,u'ii  contenta  tout  enfemble ,  Oc  fon  maître  dont  il  gagna  l'ami- 

14.  îj!' F    ûé ,  6t  fa  pailion  pour  les  lettres,  (b) 
Affaires  E-      ^^'  Penc^nt  °iue  Jean  Hus  continue  Cas  études,  pourfuivre 

trangercs.  notre  plan ,  faifons  une  courfe  dans  les  païs  étrangers  ,  pour  voir 
l'état  où  y  étoit  la  Religion  6c  l'Eglife.  Deux  Docteurs  fort  habi- 
les 3  mais  dans  des  principes  differens ,  ont  aufli  jugé  bien  diffé- 
remment du  fiécle  XIV.  où  naquit  Jean  Hus  :  c'eft  le  Dodeur 
Cave  Proteftant ,  6c  le  Dodeur  Bu  Pin  Catholique  Romain.  Le 
premier  dit  qu'à  la  rêferve  du  3f.  fiécle ,  l'Eglife  navoitpas  eu  un 
fie  de  plus  malheureux  que  le  JflV.  6c  l'autre  dit  qu'il  fournit  une 
diverfitè  de  matières ajfez^aqréable.  Ils  peuvent  avoir  tous  deux  rai. 
fon,  félon  la  différente  manière  d'envifager  les  chofes.  On  peut 
bien  appeller  le  fiécle  XIV.  un  fiécle  de  fer  6c  de  feu  ,  d'un  côté 
par  rapport  aux  guerres  dont  l'Europe  de  l'A  fie  furent  le  théâtre., 
6c  de  l'autre  par  rapport  aux  bûchers  allumez  contre  ceux  qui  s'é- 
loignoient  de  la  Religion  dominante  alors.  Mais  on  peut  dire 
aufli  que  ce  fut  un  fiécle  de  crife3où  des  abus  portez  à  l'excès  D 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  II.      i9 

caufant  des  foulévèmens  en  plufieurs  lieux  du  monde 3  prépa- 
roienc  à  quelque  grande  révolution.  Quoi  qu'il  en  (bit,  nous  al- 
lons voir  ce  qui  s'eft  paiTé  dans  ce  fiécle-là  par  rapport  à  la  Re- 
ligion 3  jufqu'à  ce  que  Jean  Hus  commence  à  faire  du  bruit }  ce 
qui  eft  notre  époque.  Je  ne  parlerai  pour  tant  que  des  opinions 
qui  peuvent  avoir  quelque  rapport  au  HmJJîtifme ,  pour  amener 
infenfiblement  le  leéteur  à  cette  tragique  fcêne. 

V.  Sur  la  fin  du  fiécle  précèdent ,  il  s'éleva  des  Docteurs ,  &c  Pierre  d'on- 
des Sectes  qui  pullulèrent  dans  la  fuite }  malgré  les  anathêmes  du  ™«F™tricel- 
Sieo-e  de  Rome  qui  s  y  trouvoit  attaque,  Lnrre  ces  Docteurs  le  da- 
tingua  Pierre  d'Olive  y  Frère  Mineur  de  Sierignan  en  Languedoc. 
Les  Frères  Mineurs  ayant  ailemblé  en  128  2.  un  Chapitre  gêne- 
rai à  Strasbourg ,  Pierre  d'Olive  y  fut  aceufé  par  Ces  confrères ,  par- 
ce qu'il  blâmoit  hautement  leur  relâchement.  On  l'aceufa  en- 
core d'avoir  avancé  en  public  des  erreurs  ,  &  même  des  héré- 
fies.  Comme  il  attaquoit  aufïï  la  vie  déréglée  des  Prélats,  il  s'at- 
tira de  puiflants  ennemis.  Dès  l'an  1278.  ilavoitété  condamné 
par  le  Général  de  fon  Ordre  à  brûler  de  fa  propre  main  certaines 
proportions  contre  la  Vierge  Marie.  Le  Chapitre  de  Strafbourg 
nomma  des  CommiiTaires  pour  examiner  &  la  perfonne  &  les 
écrits  d'Olive.  Sa  doctrine  examinée  >  elle  fut  condamnée  par 
quatre  Dodeurs  ,  Octrois  Bacheliers  de  fon  Ordre.  Il  fe  défendit 
néanmoins  il  bien  à  Avignon  ,  où  fon  Général  nommé  Bonnegra- 
ce  avoit  porté  fa  condamnation  au  Pape  Grégoire  Jfl.  qu'il  en 
fut  quitte  pour  une  cenfure,  &  une  exhortation  à  être  plus  ré. 
fervé  à  l'avenir.  Quelques  années  après ,  la  dodrine  de  Pierre 
d'Olive  fut  condamnée  dans  le  Concile  de  Vienne  tenu  l'an  1  3  1 1 . 
fous  le  Pape  Clément  V.  dans  la  perfonne  des  Fratricelles  (1  )  3  au- 
trement Frérots ,  ou  Bizoqucs ,  dont  on  l'aceufoit  d'avoir  pris  les 
erreurs 3  6c  qui  avoienteté  condamnées  dès  l'an  1297.  pari?*?- 
niface  VIII.  On  y  peut  joindre  les  B  égards  qui,  au  rapport  des 
Hiftoriens  de  ce  temps-là,  ne  differoient  prefquepas  des  Fratri- 
celles. Il  n'eft  pas  aife  de  fçavoir  précifément  quelles  croient  leurs 
opinions,  parce  qu'ayant  déclamé  contre  le  Siège  de  Rome  3  les 
Hiftoriens  de  ce  fiege  n'ont  pas  manqué  de  les  rendre  fore 
odieux.  Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  c^étoit  des  Fanatiques, 
qui  fous  prétexte  de  la  corruption  de  l'Eglile  Romaine ,  s'étoienc 

(l)  Ils  furent  depuis  condamnez  par  divers  Papes,  comme  par  y  eau  XXII.  par  Benoit 
XI  I.  prrr  Clément  VI»  par  Innocent  VI.  Du  Pin  ubifupr.  Tom.  XI.  Sied.  XIV.  Chap, 
lit* 

Dii} 


yn 


3o  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

iettez  dans  un  autre  extrémité  ,  s'attribuant  à  eux-mêmes  la 
Hiérarchie,  6c toute adminiftrationeccléfiaftique.  Quelques-uns 
en  font  des  difciples  de  Pierre  £  Olive  donc  on  a  déjà  parlé.  Car 
quoique  la  réputation  de  ce  Francifcain  outré  eût  été  fort  équi- 
voque par  rapport  à  l'orthodoxie,,  il  ne  laifla  pas  de  trouver  des 
apologiftes ,  même  dans  le  fein  de  l'Eglife  Romaine ,  comme  on 
peut  le  voir  dans  Henri  de  Sponde ,  l'un  des  Continuateurs  de 
Ça)  Anno  Baronius  (  a  ).Je  rapporterai  de  clîacune  de  ces  Sectes  ce  que  j'en 
12p7.11.  trouve  de  moins  confus  dans  FHfftoire,  à  caufe  de  la  liaifonqui 
s'y  trouve  avec  mon  principal  fujet.  Mais  comme  on  n'a  point 
les  propres  écrits  de  ces  Sectaires  ,  on  eft  contraint ,  quoique 
non  fans  précaution,  de  s'en  rapporter  à  ceux  qui  les  ont  con- 
damnez. 

LesJBégards  avoient  été  pourfuivis  chaudement  dès  le  com- 
mencement du  XIV.  fîécle,  6c  avant  le  Concile  de  Vienne  .par 
Henri  de  Virnenbourg,  Archevêque  de  Cologne.  Voici  les  fenti- 
mens  que  Clément  V.  leur  attribue.  Nous  avons  appris ,  dit-il, 
avec  une  extrême  douleur,  quil  s1  eft  élevé  en  Allemagne  une  Se  fie 
abominable  de  quelques  hommes  malins 3  appeliez^  Béguins,  &  de 
quelques  femmes  infidèles  ,  appelle  es  Béguines,  qui  enfeignent  les 
erreurs  fuivantes.»  1.  Que  l'homme  pendant  cette  vie  peut  ac- 
»  quérir  un  affez  haut  degré  de  perfection  pour  devenir  impec- 
»  cable,  6c  qu'il  ne  peut  plus  faire  déplus  grands  progrès  dans 
*>  la. grâce:  car,  difent- ils,  s'il  en  pouvoit  faire  davantage,  ii  de- 
«viendroit  plus  parfait  que  J.  C.  2.  Que  l'homme  ne  doit  ni 
«jeûner,  ni  prier  quand  il  aacquis  ce  degré  de  perfection,  parce 
»  que  la  fenfualité  eft  alors  fi  parfaitement  foumife  à  l'efprit  &  à 
*>la  raifon,  que  l'homme  peut  accorder  librement  au  corps  tout 
*>  ce  qui  lui  plaît.  3 .  Que  ceux  qui  ont  atteint  ce  degré  de  perfec- 
tion &  cet  efprit  de  liberté,  ne  font  piusaffujettisàFobé'nTan- 
v  ce  humaine ,  ni  engagez  par  aucune  loi  de  l'Eglife  ,  parce  que, 
»  comme  ils  difent,  là  où  eft  /' 'efprit  du  Seigneur  3  là  eft  la  liberté. 
»4.  Quedèsicibas  l'homme  peut-être  auiïî  pleinement  heureux 
v  qu'il  le  fera  dans  le  Ciel.  5.  Que  toute  nature  intellectuelle  eft 
v naturellement  heureufe  en  elle-même  ,  &  qu'elle  n'a  pas  befoin 
pde  la  lumière  de  la  gloire  pour  s'élever  à  Dieu  ,  pour  le  voir, 
»&  pour  joiiir  de  lui.  6.  Que  c'eft  une  imperfection  que  de  s'exer- 
cer à  des  actes  de  vertus,  &  qu'une  ame  parfaite  licentie  les 
»  vertus  (  licentiat  àfe  virtutes.  )  7.  Que  le  baifer  d'une  femme  eft 
l>  un  péché  mortel .  Ci  l'inclination  n'y  porte  pas  3  mais  que  Fade 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  II.     31 

a  charnel  3  quand  la  nature  y  porte,  n'eftpasun  péché,  fur  tout 
»û  celui  qui  exerce  cet  acte  eft  tenté  ,(1)  {maxime cum tentât ur 
»exercens.)  S.  Qu'à  l'élévation  du  Corps  de  J.  C.  on  ne  doit,  ni 
»fe  lever,  ni  lui  donner  aucune  marque  de  vénération  j  parce 
»que  ce  feroit  une  imperfection  de  defcendre  de  la  pureté  &  de 
»la  fublimité  de  la  contemplation  ,  que  de  penfer  au  myftére 
»&  au  Sacrement  de  l'Euchariftie  ,  &:  de  s'occuper  de  la  paflron 
»de  l'humanité  de  J.  C.  (a)  Ces  principes  ne  reflemblent  pas  mal  fâcummi 
au  Quiétifme  de  nos  jours.  Je  lailïe  au  lecteur  à  faire  là-deiîus  Lib.  v.  i\ 
tes  rerlexions  qu'on  a  faites  fur  les  accufations  intentées  contre1!/'  Co.  H,L 
Molmos.  L  affaire  a  ete  iulceptible  d  un  grand  partage  d'opi- 
nions. Henri  de  Sponde  met  quelque  différence  entre  \qs  Pégards^ 
&  les  Béguins ,  &  voici  les  opinions  qu'il  attribue  aux  derniers. 
Qu'il  eft  contre  la  perfection  Bvangelique  de  poffeder  quelque  chofe 
en  commun  ,  parce, que  J.  C.  &  [es  Apbtres  nont»rien  poffedé  ni  en 
-propre  ni  en  commun  3  que  le  Pape  par  confequent  ne  peut  pas  don- 
ner difpenfe  aux  Religieux  qui  ont  fait  vœu  de  pauvreté ,  de  garder 
du  froment  &  du  vin  dans  leurs  Monafteres  pour  Vufage  commun. 
Que  l'état  des  Frères  Mineurs  eft  plus  parfait  que  celui  des  Ev'è- 
que  s.  Quil  neft  pas  permis  au  Pape  de  difpenfer  d'un  vœu  fait  ab- 
solument ,  (  fuper  voto  fimplici  )  quand  ce  feroit  pour  le  bien  de  la 
paix  y  &  pour  la  converfîon  de  quelque  peuple  a  la  Foi  Chrétienne. 
(  b  )  Quoi  qu'il  en  foit ,  il  y  avoit  encore  de  ces  fortes  de  gens  en  (b)  spmf 
Allemagne 3  en  Bohême  ,  en  Siléfie  ,  en  Pologne,  fous  le  Ponti-  ^m'hT*' 
fkat  de  Grégoire  JTI.  qui  exhortoit  l'Empereur  aies  extirper,  (c)  ""  '     ' 

VI.  Les  Hifloriens  rapportent  a  l'an   13  15.  l'origine  de  la  AnmT^l 
Se&e  des  Lolhards  ,  dont  ils  font  le  chef  un  certain  Gautier  Loi-    Loihard, 
hard  d'Autriche.  L'Abbé  Trithème  témoigne  qu'ils  fe  répandi- 
rent en  grand  nombre  dans  cette  Province,,  dans  la  Bohême, 
&  dans  les  lieux  circonvoifins,  &  qu'on  en  fit  un  grand  incendie. 
(  d  )  Voici  ce  qu'en  ditl'Abbé  Fleury  après  Trithème.»  La  même  fd)  Qromci 
»  année  13  15.  on  trouva  plufieurs  Hérétiques  en  Autriche  à  une  nlfag™! 
»  petite  ville  nommé  Crems  du  diocéfe  de  Pajfau.  Ils  furent  dé-  2lz'  sPond~ 
couverts  par  les  Inquifiteurs  de  l'Ordre  de  St.  Dominique i&tw.  Y l^ 
»  demeurant  opiniâtres  dans  leurs  erreurs  iis  furent  condamnez 
»aufeu,&  brûlés  hors  la  même  ville  de  Crcms.  Leurs  erreurs 
«avoient  pris  leur  origine  de  celles  des  Fratricelles  condamnes 

Çl)  M.  l'Abbé  Fleury  a  omis  cet  article  par  une  fauffe  délicatefle  ;  car  il  eft  formel  dan» 
les  Wmentmes ,  &  ,1  fert  beaucoup  à  juftîficr  h  coudamnation  des  Bégards,  en  cas-  qu'il  &i* 
véritable.  Htfi.  Mcd.  T.  XIX.  p.  zoa. 


3i  HÏST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
»au  Concile  de  Vienne,  6c  en  voici  les  principaux  articles.  Ils 
«difoient  que  Lucifer ,  6c  les  autres  Démons  avoient  été  chaflez 
«  du  Ciel  injuftement ,  6c  qu'ils  y  feroient  un  jour  rétablis .;  au  con- 
»  traire  ils  foutenoient  que  St.  Michel,  6c  les  autres  Anges,  cou- 
pables de  cette  injuftice,  feroient  damnez  éternellement  avec 
»  tous  les  hommes  qui  n'etoienc  pas  de  leur  Sede.  Doù  vient  que 
»  leur  falut  (i)  étoit  ^  Que  celui  à  qui  on  a  fait  tort  te  faluë  j  enten- 
«  dant  Lucifer.  Ils  difoient  auffi  j  Mariette  demeurée  Vierge  après 
«  l'enfantement ,  ce  n'eft  pas  un  homme  qu'elle  a  mis  au  monde  x 
»c'eft  un  Ange. 

3»  Ils  avoient  1 1.  hommes  choifîs  d'entre  eux  qu'ils  nommoient 
«Apôtres,  6c  qui  parcouroient  tous  les  ans  l'Allemagne  pour 
»  affermir  dans  leurs  erreurs ,  ceux  qu'ils  avoient  feduits.  Entre 
«ces  i  2.  ils  féparoient  encore  2.  vieillards  qu'ils  nommoient  les 
»  Miniftres  de  la  Sede  -,6c  ceux-ci  feignoient  qu'ils  entroient  tous 
«les  ans  dans  le  Paradis,  où  ils  recevoient  d'Enoch  Ôc  d'Eiie  Je 
«pouvoir  de  remettre  tous  les  péchez  à  ceux  de  leur  Sede,  6c 
«ils  communiquoient  ce  pouvoir  à  plufîeurs  autres  dans  chaque 
«ville  ou  bourgade.  Ces  Hérétiques  méprifoient  tous  les  Sacre- 
»  mens  ,difant  :  Si  le  Baptême  en  eft  un  ,  tout  bain  l'eft  aufli ,  6c 
«tout  baigneur  eft  Dieu.  Ils  corrompoient  le  Sacrement  de  Pé- 
«nitence  ,  ne  fe  confeilant  qu'à  des  laïques  ,  &  feulement  en 
»  général  fans  rien  fpécifier.  Ils  ne  croyoient  pas  au  St.  Sacremenc 
pde  l'Autel,  difant  que  l'hoftie  confacrée  étoit  un  Dieu  ima- 
«  ginaire ,  6c  fe  moquant  de  la  MefTe  6c  des  Prêtres.  Ils  appelloienc 
«  communément  le  mariage  une projhtution  jurée ,  6c  fe  moquoienr. 
»  de  l'Extrême- Ondion  3 ils  difoient  publiquement  -y  Nouscroïons 
«  que  les  herbes  font  d'autant  meilleures  qu'on  y  met  plus  d'hui- 
«  le.  Ils  comptoient  pour  rien  les  Ordinations  des  Evêques  6c  des 
»>  Prêtres ,  les  Dédicaces  des  Eglifes ,  les  Bénédidions  des  Cime- 
i»  tieres ,  6c  de  quelque  autre  chofe  que  ce  (oit. 

»  Ils  difoient  que  Dieu  ne  puniffoit ,  6c  même  ne  connbifToit  pas 
»  les  péchez  qui  fe  font  fous  terre.  C'efb  pourquoi  ils  s'aflembloient 
«dans  des  cavernes  6c  des  fouterrains ,  où  ils  fe  mêloientenfem- 
«ble  comme  des  bêtes  fans  aucun  égard  à  la  parenté  la  plus  pro- 
che. Ils  difoient  quel'Eglife  Romaine  n'étoitpas  celle  de  J.C. 
«mais  une  Société  d'infidelles.  Aufli  fe  moquoient-ils  descend- 
îmes éccléfiaftiques,  de  l'autorité  des  Prélats,  6c  de  toutes  les 
?»  cérémonies  de  la  Religion.  Ils  ne  gardoient  ni  jeûnes  3  ni  abfti- 

(i)  C'cft-à-dire qu'ils  fc  faluoient  ainfi» 

nencesj 


ET  DU  CONCI  LE  D  E  BASLE.  Xh.  II.     33 
»  nences  3  &  mangeoient  de  la  viande  même  le  Ven  dredi  faine.  Ils 
»»  n'obfèrvoient  aucune  Fête,  6c  travailloient  le  jour  de  Pâques. 
-»»  Ils  ne  tenoienc  pas  le  parjure  pour  un  péché.  Ils  enfèignoienc 
»  que  l'interceffion   des  Saines  n'etoit  d'aucune  utilité ,  6c  qu'il 
>»ne  falloic  ni  les  invoquer  ,  ni  les  honorer.  Enfin  ils  enfèignoienc 
»>  plufieurs  autres  erreurs  donc  le  récit  feroic  ennuyeux  _,  6c  fe- 
»roit  horreur.  Leur  nombre  étoit  grand:  un  de  leurs  Apôtres 
»qui  fut  brûlé  à  Vienne  confefla  à  la  queftion  qu'ils  étoient  pins 
»  de  huit  mille  (1  )  en  Bohême ,  en  Autriche  3  6c  aux  environs.  » 
(a)  Lolhard( 1  )fut  brûlé  à  Cologne  en  1511.  (b).  Cet  extrait  {*)Tleuvy. 
quoique  long  m'a  paru  de  faifon ,  parce  qu'on  y  découvre  des  5S^Bccl,gJ 
traces  du  Huilitifme  3  au  milieu  de  plufieurs  erreurs  qu'il  ne  faut  z4o.P 
pas  imputer  aux  Hufïïtes.  (h)  sPond' 

VII.  Quelques  années  après,  il  s'éleva  deux  Docteurs  qui  R.y.' l  ' 
combatirent  ouvertement  l'autorité  du  Pape,  c'eft  Marfile  de  Alfl# dc 
Padou'ê  3  6c  Jean  de  Jandun,  ou  de  G  and.  Le  premier  conjointe-  ^eandejan* 
ment  avec  l'autre  entreprit  la  défenfe  de  Zoiiis  de  Bavière  con-  i**» 
tre  JeanJCJflI.  dans  ce  fameux  traité  connu  fous  le  nom  de 
Dêfenfeur  de  la  Paix,  dédié  à  cet  Empereur.  L'Hiftoire  raconte 
que  ces  deux  hommes  s'étant  retirez  auprès  de  Louis  lui  tin- 
rent ce  langage.  »  Voyant  dans  l'Eglife  une  erreur  que  nous  ne 
«pouvons plus  fouffrir  en  confeience,  nous  nous  fommes  réfu- 
»  giez  près  de  vous  à  qui  l'Empire  appartient  de  droit ,  6c  qui  par 
»»  conféquent  devez  corriger  les  défordres.  Car  l'Empire  n'eft  pas 
«fournis  à.  l'Eglife,  6c  il  fubfiftoit  avant  qu'elle  eût  aucun  do- 
:>  maine  temporel ,  ôc  l'Empiré  ne  doit  pas  être  réglé  par  les 
»loix  de  l'Eglife,  puifqu'on  trouve  que  plufieurs  Empereurs  ont 
«confirmé  les  élections  des  Papes,  6c  aflemblé  des  Conciles 
«aufcfuels  ils  ont  donné  l'autorité  de  décider  des  points  de  Foi. 
»  Que  fi  pendant  quelque  temps  l'Eglife  a  preferit  quelques  droits 
«contre  les  libertez  de  l'Empire,  c'efl:  une  ufurpation  fraudu- 
»lenfe  6c  malicieufe.  Nous  voulons  foutenir  cette  vérité  contre 
»  qui  que  cefoit ,,  &  fouffrir  pour  fa  défenfe  toutes  fortes  defup- 
*  »plices,  &c  la  mort  même.  Le  Pape  ne  manqua  pas  de  condam- 
ner le  Livre,  6c  d'en  excommunier  les  Auteurs.  Il  pouvoir  bien 
le  faire,  puifqu'il  avoit excommunié  l'Empereur  lui-même.  La 
Bulle  condamnoit  ces  5.  Articles  du  livre  de  Marfile.  1,  Que 

\i)Tritbime  &  les  autres  difent  80000.  fins  doute  par  erreur  de  chiffre. 
{  2  )  Ou  parlera  ailleurs  des  LoHards  d'Angleterre  qui  peuvent  bien  être  venu6  de  ceux 
■d'Allemagne. 

E 


34  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

J.  C.  paya  le  tribut  à  l'Empereur,  parce  que  les  biens  temporels 
de  l'Eglife  appartiennent  à  l'Empereur  ,  &  qu'il  en  peut  jouir 
comme  du  fien.  2.  Que  quand  J.  C.  monta  dans  le  Ciel,  il  ne 
laifîa  aucun  Chef  vifible  à  l'Eglife}  qu'il  ne  s'établit  point  de  Vi- 
caire, èc  que  St.  Pierre  n' a  pas  eu  plus  d'autorité  que  les  autres 
Apôtres.  3.  Quec'eft  à  l'Empereur  à  établir  le  Pape,  aie  deui- 
tuer&  aie  punir,  ôc  que  Pilate  crucifia  J.  C.  comme  lui  étant 
fujet.  4.  Que  félon  l'inltitution  de  J.  C.  tous  les  Prêtres ,  fbit  in. 
Pape,  foit  un  Archevêque,  fbit  un  fîmple  Prêtre  ont  une  égaie 
autorité,  &  une  égale  jurifdi&ion.  5.  Que  toute  l'Eglife  enlem- 
ble  ne  peut  punir  perfonne  de  peine  coactive  de  quelque  péché 
que  ce  foit ,  fi  l'Empereur  ne  le  permet.  Jl^/r/?/<?cc)rnpofa  depuis 
un  autre  traité  de  la  Tranjlation  de  L'Empereur  à  peu  près  dans 
les  mêmes  termes.  Je  ne  fçai  quel  fort  a  eu  cette  pièce.  Je  re- 
marquerai feulement  qu'on  y  trouve  cette  proportion  5  Qu'il  eft 
faux  <p<?Childeric  ait  été  dépofé  par  le  Pape  Zacharie  ,  (£•  qu'il 
ait  mis  Pépin  en  fa  place  3  comme  le  prétendent  les  Eccléfiatiques  qui 
ne  cherchent  qu'à  s'attribuer  l'autorité  impériale:  ce  qu'écrit  Jki- 
moin  ,  continue- t-ii ,  dans  les  Gefies  des  Francs ,  fçavoir  que  Pépin 
fut  légitimement  élu  Roi  par  les  François,  &par  les  grands  du 
Royaume ,  &  facré  à  Soi/fins  par  Boniface  Archevêque  de  Rbeims 
dans  le  monaftére  de  St.  MédLird ,  &  que  Childeric ,  qui  fous  le 
nom  de  Roi  croupiflbit  dans  les  plaifirs  &  dans  l'oifiveté  ,,  fut 
tonfuré.  D'où  ajoute- il  3  il  eft  clair  que  ce  n'eft  point  Zacharie 
qui  l'a  dépofé ,  mais  que  feulement  il  y  a  confènti ,  comme  quel- 
ques  unsiedifent.  {i)MarJïlc  mourut  tranquilement  en  Italie  à 

ubi  fupr.  p.  la  fuite  de  l'Empereur  en  1  3  2  9  (a), 

4°p-  VIII.  Ce  n'eft  pas  feulement  l'Edile  Latine  qui  étoit  en  fouf- 

Etatdcl'E-  - 

glifeGrec-    france,  d'un  côte  à  caufè  des  abus  qui  s'étoient  gliiîéz  depuis 
que.  long-temps  dans  la  Religion  ,  de  l'autre  à  caufe  du  fanatifme  de 

ceux  qui,  fous  prétexte' de  s'y  oppofer,  tomboient  dans  d'autres 
extrémitez,  &  à  caufe  des  rigueurs  qu'on  exercoit  contre  eux. 
L'Eglife  Grecque  n'eut  pas  moins  à  foufFrir  par  l'invafîon  des 
Turcs.  Usfaifoient  de  grandes  conquêtes  en  Orient  3  fans  que  les 
Princes  d'Occident  fe  initient  beaucoup  en  peine  d'aller  au  Re- 
cours de  Jean  PaUologue  Empereur  des  Grecs  3  malgré  les  inftan- 
ces  de  ce  dernier  auprès  d'eux ,  &  auprès  de  Grégoire  Jfl.  Ce 

(0  Ce  Traite  de  Marfile  fe  trouve  dans  un  Recueil  imprimé  à  Balle  en  ^S5S-  Par  'es 
foins  de  Wolf^ung  U^uifimbourg  fous  ce  titre,  Antilogie  du  lape  ,  qui  contient  les  Ecrits  de 
quelques  anciens  Auteurs  depuis  300.  ans  jufqu'à  notre  temps  plus  ou  moins,  de  l'cUt  cur- 
rompu  de  l'Eglife,  &  de  la  pervertit*;  de  iowt  le  Cierge'  papiftique» 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  II.     3? 
Pontife  promit  néanmoins  du  fecours  aux  Grecs,  pourvu  qu'ils 
voulurent  fe  réunir,  &fè  foumettre  à  PEglife  Latine.  (  a  )  Mais  (n)R^«. 
c'étoit  là  des  promenés  en  l'air.  Les  Princes  Chrétiens avoient  ann-ll7h 
trop  d'affaires  chez  eux  ,  pour  Te  mêler  de  celles  de  l'Orient  ,  &. 
le  Pape  lui-même  ne  pouvoit  agir,  engagé  qu'il  étoit  dans  une 
rude  guerre  avec  les  Ducs  de  Milan.  Les  Infidèles  alliez  avec  les 
Tartares  menacoient  la  Hongrie.  Louis  Roi  de  Hongrie  5c  de  Po- 
logne envoya  une  ambaflade  au  Pape  ,  pour  le  prier  de  conju- 
rer la  tempête,  par  une  Croifade  des  Princes  Chrétiens.  C'eft 
ce  que  le  Pape  accorda ,  comme  cela  paroît  par  Tes  Lettres  aux 
Archevêques  ôc  Primats  de  Hongrie  3  de  Pologne  3  de  Dalma- 
tie,  ôc  à  l'Empereur  Charles  IV.  Quoique  cette  affaire  pût  re- 
garder l'Empereur  d'afïez  près,  il  ne  fe  trouva  pas  d'humeur^ 
hazarder  l'Empire  d'Occident  pour  fauver  celui  d'Orient.  Après 
plufieurs  inftances  que  le  Pape  lui  fit  la-defïus  il  répondit  nette- 
ment, louant  pourtant  les  intentions  du  Pape,  Que  la  difficulté 
ri  étoit  pas  de  lever  une  bonne  armée ,  mai s  qitil  y  avoit  beaucou-p  de 
péril  à  pa [fer  la  mer ,  &  àfubjuguer  les  Sarrajïns ,  ce  qui  ne  pouvoit 
fe  faire  fans  répandre  beaucoup  de  fang  Chrétien  j  que  quand  même 
en  pourroit  conquérir  la  Terre  Sainte ,  on  ne  la  varderoit  pas  lon<z- 
temps  (b).  Il  fie  a  peu  près  la  même  reponie  a  Rodolphe  Electeur  c&ronic. 
de  Saxe,  que  plufieurs  Princes  employèrent  pour  le  folliciterà  Hirfaug. 
cette  expédition,  parce  qu'il  avoit  beaucoup  de  part  dans  tes  1*%^}* 
bonnes  grâces.  C'eft  un  morceau  d'Hiftoire  allez  curieux  pour  Syntagm; 
être  placé  ici.  »  Il  v  a  plus  de  cent  ans ,  lui  die  le  Saxon ,  qu'aucun  Hlrt'  9?r: 

r  ;riin  r  i  man.  Lm- 

j)  Empereur  n'a  eu  une  plus  belle  occaiion  que  vous  de  recou-  fert. 
«vrer  la  Terre  Sainte.  Il  leur  manquoit  plufieurs  chofes  pour  x  ^Lljiu 
>j  exécuter  cette  entreprife,  mais  fur  tout  de  l'argent  qui  efl  le 
3î  nerf  de  la  guerre.  Vous  n'en  manquez  pas,  6c  vous  avez  outre 
«cela les  fecours  de  plufieurs  nations  purifiantes ,  par  vos  affini- 
té tez  &  vos  alliances  avec  la  France,  la  Hongrie  &  la  Pologne. 
«Vous  êtes  le  maître  en  Allemagne,  en  Bohême  ôc  en  Italie, 
«de  forte  que  fi  votre  inclination  veut  féconder  vos. forces,  il 
«n'y  a  nul  lieu  de  douter  que  cette  expédition  de  l'Ane  n'ait  un 
»?  heureux  fuccès.»L'Empeur  répondit.»  i  Que  cette  entrepri- 
se avoit  toujours  été  funefteà  {es  Prédécefïèurs,  6c  fatale  aux 
»>  Chrétiens,  i.  Qu'il  n'y  avoit  nul  fond  à  faire  fur  l'Empereur 
«Grec,  puifque  par  fon  traité  avec  le  Turc  à  qui  il  avoit  don- 
»>né  fon  fils  en  otage ,  il  avoit  ouvert  la  porte,  de  l'Europe  aux 
•»  Turcs ,  enfermant  ajnfi  le  loup  dans  la  bergerie.  3.  Qu'il  n'é- 

Eij 


3  6  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSÏTES 

»  toit  pas  befoin  de  deux  Céfars,  &  qu'il  vaudroit  mieux  que  Taip-Ie 
»>  allât  donner  la  chafle  au  Loup  pour  pofléder  l'Empire  Latin  ,  6c 
(*)i>nbrav.  »  l'Empire  Grec(a).  L 'affaire  de  la  rciinion  des  Grecs  avec  les 
P'^xn1',  Latins  fe  renoua  pourtant  l'année  fuivante,  (  1374.)  mais  fans 
J85.587.     fuccès,  par  la  perfidie  de  Jean  Pale ologue  ,  comme  on  vient  de 
le  dire.  Peut-être  auiîi  qu'il  y  eut  plus  de  foiblede  &  denécef- 
fité,  que  d'infidélité  dans  fa  conduite,  parce  que  perfonne  ne 
venoit  à  for»  fecours  -,  Louis  de  Hongrie  lui-même,  qui  avoit 
f        mU  tant  fol  licite  la  Croilade  ayant  refufé  de  fe  croifer  (b). 
vibi  fupr.  Cependant  Grégoire  n'abandonna  pas  le  foin  de  la  réunion  de 

ann.1374.  p£giife  Grecque  avec  l'Eglife  Latine.  Il  envoya  en  Arménie  des 
Dominicains  pour  y  prêcher  l'Evangile  à  la  Romaine,  avec  une 
Bulle  qui  avoit  pour  infeription ,  Grégoire,  &c.  A  nos  chéri 
Fils  ,  les  F 'ères  de  l'Ordre  des  Prêcheurs  dans  les  terres  des  Sarrafinsy 
des  Payens ,  des  Grecs  ,  des  Bulgares  ,  des  Cumans  ,  des  1 bè riens  3 
des  Alains ,  des  Gazares ,  des  Goths 3  des  Scythes  >  des  Ruffes  (  Rhu- 
thenorum  )  des  Jacobites ,  des  Nubiens  ,  des  Nefloriens ,  des  Géor- 
giens ,  &  ûss  autres  Nations  mécréantes  dans  l'Orient  &  dans  le 
Nord  (  Aquilonis)  ou  dans  quelque  autre  pays  que  ce  foit ,  falut. 
&c.  Comme  la  difficulté  étoit  de  fçavoir  fi  ce  qu'il  y  avoit  de 
Chrétiens  dans  ces  régions  barbares  avoient  été  baptifez ,  ou 
non  ,  &  fi  les  Prêtres  avoient  reçu  les  Ordres ,  le  Pape  leur  pref- 
crit  ce  For-nulaire  de  Baptême  &  d'Ordination.  Si  vous  êtes  bap- 
tizj ,  je  ne  v>us  rebaptise  pas  3  fi  vous  ne  l'êtes  pas  ,  je  vous  baptize  au 
(c)Rrfy«vubi  nom  ^u  pcr6   du  Fifo    &du  St.  Efprit  ;  fi  vous  avez  reçu  les  Ordres  , 

iupr.  ann.        .  ' .  r  1  *       .  -     » 

1374.  num.  je  ne  vous  r  (ordonne  pas  -,  fi  vous  ne  Les  avez^pas  reçus ,  ye  vous  les 
VIiI-  confère  (c). 

D/verfcs         jx.  Il  y  avoit  encore  des  reftes  de  quelques  autres  Se&es  qui 

Se&es  con-  •  ,     ■  j  .  1        r»  <   1  01  *->    / 

damnrfcspnr  avoient  ère  condamnées  par  les  Papes  precedens,&:  dont  Grégoire 
Grégoire  xi.  ne  négligea  pas  l'extinction.  Parmi  fes  Lettres  on  en  trouve  une 
Turiu°p^s.  GU  ^  encourage  le  Roi  de  France  (  Charles  V.)  à  exterminer  les 
reftes  des  Yaudois,  »  Nous  avons  appris,  dit  ce  Pape  ^  qu'en  Dau- 
»phiné,  ^  dans  les  autres  lieux  voiîins,  il  y  a  une  très-grande 
«multitude  de  certains  hérétiques  appeliez  Vaudois ,  &  que  quel- 
»  ques-uns  ce  vos  Officiers ,  loin  de  foutenir  nos  chers  fils  les  In- 
»quiiiteurs,  comme  ils  devroient ,  leur  fufeitent  indirectement 
»des  obftacks  dans  l'Office  de  l'Inquiiition  ,  en  leur  affignant  la 
«plupart  du  tems  des  lieux  mal  fûrs  pour  procéder  contre  lef- 
«  dits  hérétiques  ;  en  neleur  permettant  pas  de  procéder  fans  les 
"Juges  ieculkrsj  ou  en  les  obligeant  à  montrer  leurs  procédures 


■• 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zïv.  II.  37 
«auxdits  Juges,  s'ils  en  font  en  leur  abfence.  Ils  font  élargir  les 
»  hérétiques  ou  fufpe&s  d'héré  fie,  qui  ont  été  mis  en  prifon  par 
«les  Inquifiteurs ,  ians  en  requérir  ces  derniers.  Ils  refufent  de 
«prêter  le  ferment  exigé  par  le  droit,  de  purger  le  païs  d'héréti- 
„ques&degensfulpecT:sd'héréfie.  Outre  cela  il  y  a  des  Gentils- 
»  hommesdu  Dauphiné  qui  donnent  retraite  et  faveur  à  ces  fortes 
»  de  gens.  Il  exhorte  donc  le  Roy  de  France  à  apporter  un  prompt 
»  &  vigoureux  remède  à  de  fi  déteftables  défordres  (a).  Mr.  l'Abbé  00  R*y»-"bi 
Tleury  Prêtre ,  Prieur  d'Argenteuil ,  &  Confefleur  du  Roy  ,  qui  f^r<n'XIX* 
a  rapporté  une  partie  de  cette  lettre  ,  obferve  ici  en  paflant  les 
refînerions  apportées  dès  lors  à  l'exercice  de  l'Inquifition  en 
France  (b).  Il  paroît  par  cette  même  Lettre  de  Grégoire,  que  ce  (b)Hifl.iccL 
Pape  diihnguQ  les  Vaudois  des  Turlupins  3  que  quelques  -  uns  con-  Tom.xx.p. 
fondent  avec  eux  pour  rendre  les  premiers  plus  odieux.»  Nous  242' 
avonseu  plus  d'une  fois  avis ,  mon  cher  Fils  3  dit  Grégoire  au  Roy 
de  France  ,  que  l'ennemi  du  genre  humain  qui  rode  par  tout , 
cherchant  qui  il  pourra  dévorer,  prend  à  tâche  de  répandre  le 
venin  de  fa  méchanceté  avec  plus  de  fureur  dans  les  lieux  où  il 
remarque  le  plus  de  fainteté,  comme  dans  votre  Royaume  qui 
brille  entre  les  autres  par  l'éclat  de  la  foy  hL  des  autres  vertus; 
nous  avons',  dis  je  ,  appris  que  cet  ennemi  y  a  femé  fa  graine 
empoifonnée parmi  des  perfonnes  de  l'un  &  de  l'autre  fexe,  prin- 
cipalement le  poifon  de  la  très-hérétique  fecle  des  B  égards , 
appeliez  autrement  Turlupins ,  &:  nous  ne  fçaurions  allez  loiier 
lÉferveur  de  votre  zèle  à  y  remédier  par  l'Inquifition.  »  Je  trouve 
ici  deux  différences  entre  les  Turlupins  6c  les  Vaudois.  La  premiè- 
re ,  c'eft  que  le  Roy  de  France  faifoit  pourfuivre  les  Turlupins ,  ce 
qui  n'eft.  pas  dit  des  Vaudois.  La  féconde ,  c'eft  qu'il  ne  paroît  pa3 
que  les  Turlupins  trouvaient  de  protection  nulle  part ,  au  lieu  que 
les  Vaudois  en  trouvoient.  Il  y  avoitauflîde  ces  gens  en  Savoye, 
comme  cela  paroît  par  la  Lettre  du  même  Pape  à  Amedée  Comte 
de  Savoye,  pour  en  faire  la  recherche  &  la  punition  (c).  Je  vois  CO%w^- 
que  Grégoire  confond  les  Begnrds  &  les  Turlupins.  Cependant  *"£]  xnV, 
J-Lenri  de  S  ponde  (d) ,  &  après  lui  DuPin  met  de  la  différence  entre  (d  )  lia. 
eux.  Les  Turlupins,  dit  ce  dernier ,  qui  fe  répandirent  fur  la  fin  du 
fié  de  dans  la  Provence  &  dans  le  Dauphiné  ,  furent  ainfi appellera, 
caufe  de  leurs  infamies.  Car  outre  les  erreurs  des  Bégards ,  dont  ils 
étaient  infectez^,  ils  enfeignoient ,  qu  on  ne  devoit  point  avoir  de  honte 
des  parties  que  la  nature  nous  a  données.  Ils  alloient  tout  nuds  ,  &fai- 
f oient  enpréfence  de  tout  le  monde  les  allions  que  la  pudeur  veut  que  I'om 

£  iii 


5  8         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

(a)DtfFw.  cache.  On  en  brûla  pluficurs  à  Paris  &  ailleurs  (a).  Abraham  Bzo- 
ubi  fupr.  p.  vius  ôc  Henri  de  Sponde  continuateurs  de  Baronius  J  ajoutent  qu'ils 
IJ0,  difoient,  qu  il  ne  fallait  pas  prier  Dieu  de  vive  voix  ,  mais  de  cœur 

feulement ,  &  avec  une  liberté  d'efprit  qui  ne  fut  point  ajjujettie  aux 
(b)Ann.    loix  divines  (b).  Robert  Gaguin  Hiflorien  François ,  &  après  lui 
M72.uum.  l'Abbé  Fleury,  nous  apprend  qu'à  Paris  on  brûla  leurs  habits  dans 
le  marche  aux  pourceaux  hors  de  la  porte  de  St.  Honoré,  &  qtion  en 
brida  deux ,  fcavoir  Jeanne  £  Aubcnton ,  $t  un  homme  dont  on  ne  dit 
(-)  nbifupr:  pas  le  nom  (c).  Mr.  Bayle  a  fait  fore  à  propos  cette  obfervatbn  fur 
p>i-ii-        ces  habits  des  Turlupins ,  quoique  dans  fon  ftile  ordinairement 
trop  libre.»  Comment  accorder  avec  ces  habits  que  l'on  brûla 
»  ceux  qui  difent  que  les  Turlupins  alloientnuds  ?  C'efl  qu'il  faut 
«fuppoièr  des  bornes  à  la  nudité  de  toutes  ces  efpéces  de  fanati- 
» ques ,  ou  à  l'égard  des  temps  &c  des  lieux,  ou  à  l'égard  de  cer- 
tains membres.  Nous  avons  vu  que  les  Adamitcs  ne  fe  dépoûil- 
»  loient  que  dans  les  poiles  où  ils  tenoient  leurs  aiîemblées ,  &  que 
»>  les  Picards  condafrmoient  fur  tout  ceux  quinefe  découvraient 
«pas  la  partie  honteufe.  Le  froid  &  la  pluie  ne  permettoient  pas 
»  qu'on  fût  toujours  nud  :  il  n'y  a  point  d'apparence  qu'on  ofàt  fe 
«produire  règlement  nud,  ôc  continuellement  dans  les  villes  ou 
»  l'on  n'étoit  pas  le  plus  fort  :  il  femble  en  particulier  que  les  Tur- 
»  lupins  ne  découvroient  que  les  parties  qui  font  la  diverfîté  des 
»  fexes  j  Cynicorum  Seïlamfufcitantcs  de  nuditate pudendorum  ,  &pu- 
(  d  )  Gcm-  „  hlico  Coïtu  (d).  Ce  que  j'ai  cité  de  Gerfon  fe  rapporte  à  cela  même, 
nk.      hr°"  "^s  avoient  donc  des  habits  malgré  leur  impudence,  &  ileffcà 
»croireque  devant  iesperlonnes  non  initiées  ,  devant  ces  bonnes 
»  dévotes  qu'ils  tâchoient  d'attirer  dans  leurs  filets,  ils  ne  mon- 
(e)  Diciionn.  »  troient  pas  d'abord  toutes  leurs  pièces  (e). 

de  B»yi.  au        Tjn  trycs  habile  Auteur  a  cependant  remarqué  judicieufement , 

pins.  Toin."    &  avec  beaucoup  de  fel,  que  Mr.  Bayle  a  traité  fort  négligem- 

iv.  p.  2777.  ment  les  articles  des  Adamites  3  des  Picards  &.  des  Turlupins  (1). 

i7w.dlt*  de  ^a  WQr^  eft  qu'il  n'y  a  pas  grand  fond  à  faire  fur  les  Hiftoriens 

des  héréfîes ,  parce  qu'ils  ont  beaucoup  de  penchant  à  multiplier 

fans  necefîité  ces  fortes  d'êtres  ,  fur  tout  quand  les  hérétiques 

dont  ils  ont  donné  l'idée  n'ont  pas  été  favorables  aux  Papes,  an 

Siège  de  Rome  &  aux  cérémonies  de  l'Eglife  Romaine,  comme 

ceux  dont  il  s'agit  ici.  Et  l'Auteur  dont  je  viens  dépariera  fait 

(i)Mr.  de  Beau fobre  dans  fa  fçavante  &  ingénie» fe  Diflertation  Epiftolaire  fur  les  Adami- 
Its  de  Bohême  qui  fe  trouve  au  Tom.  IV.  de  la  Biblioth.  Germctn.  p.  1 1  ]  •  &  qu'il  a  Fait  1  non-» 
xicur  d'addrefler  à  l'Auteur  de  cette  Hiftoire ,  où  elle  fera  inférée  à  U  fin, 

% 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Llv.  11.       39 
voir  avec  afîez  de  vraifemblance,  que  les  Adamites  >  les  Turlu- 
fins  ,  auffi-bienquelesi^mfrpourroient  bien  être  des  Vaudois  fa)B*#.ubi 
défigurez  &  revécus  de  couleurs  affreufes  parles  Inquifîteurs  &:  fupt.p.3<îo. 
par  Tes  Hiftoriens  qui  les  en  ont  crû.  Je  ne  voudrois  pourtant  rien  d.t'uekT 
affirmer,  vu  l'incertitude  &l'obfcunté  de  ce  cemps-Jà.  Il  ne  faut  Flagella™ 
pas  omettre  ici  les  Flagellant  (1) ,  quoique  d'une  origine  plus  an-  jC^trriino^nt 
cienne.  Il  s'en  gîiiTa  des  eflains  en  Bohême  fous  Clément  VI.  Mais  Dames'dc 
JErnefi  Archevêque  de  Prague  les  diflipa  par  les  flammes  en  1348.  Bohême 
(a)  On  aparlé  amplement  des  Flagellans  dans  l'hiftoire  du  Con- cheTtesoù^b 
cile  de  Confiance.  Cette  Afîemblee  ne  jugea  pas  â  propos  d'exer.  ft»ft>icnt 
cer  contre  eux  les  mêmes  rigueurs  qu'on  avoit  exercées  &  qu'elle  Jom  aoatr- 
exerça  contre  Jean  Mus  &  Jérôme  de  Prague.  nés. 

X.  Nous  voici  arrivez  au  pontificat  de  Grégoire  JC1.  fous  lequel  Wicléfifmc. 
Jean  Hus  naquit.  On  a  fait  voir  dans  YHiJloire  du  Concile  de  Conf- 
tance  la  part  qu'eut  JeanWiclef  au  Huflitifme  de  Bohême.  Ain  fi 
m'en  remettant  à  ce  qui  en  a  été  dit  dans  cet  ouvrage ,  je  me  con- 
tenterai de  faire  quelques  réflexions  fur  l'état  de  la  Religion  en 
Angleterre,  lorfque  Wiclef  parut.  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  lieu 
de  douter  que  les  Lolhars  d'Allemagne  n'ayent  pailé  en  Angle- 
terre. Il  y  a  fort  peu  de  différence  entre  Lolhard  qui  eft  le  nom 
Allemand ,  6c  Lollard  qui  eft  le  nom  Anglois  3  toutes  les  autres 
ctymologiesdecenom  ,  ne  font  ni  fi  naturelles,  ni  fi  vraifembla- 
bîes.  Il  eft  encore  plus  confiant  par  le  témoignage  de  plufieurs 
Hiftoriens  Anglois,  que  quelques  Vaudois  fe  retirèrent  en  An- 
gleterre fous  le  Règne  de  Henry  II.  (b)  Il  eft  vrai  qu'ils  furent  (b)  Totyd, 
prefqu'aufîî-tôtdifïïpez.  On  croit  afîez  vraifemblablement  qu'ils  !}?£•  LiJV 

r  r  r  x  s  •  •        i  j  i       \i       a      *\VL  m  Hen- 

nirent facnhez par  ce  Monarque  qui  avoir  alors  de  grands  deme-  ryri.  BaUus 

lez  avec  Becket  Archevêque  de  Cantorberi ,  &  avec  le  Pape  Aie-  s^p*-  Bri- 

xandre/7.  félon  la  politique  ordinaire  des  Princes  Catholiques ,  %leuirig!""' 

quand  ils  font  brouillez  avec  le  Siège  de  Rome,  comme  l'are-  Rcr-  A»gi« 

marqué  Mr.  de  Rapin  (c).  Mais  rarement  voit-on  les  principes  d'u-  xniapf' 

ne  fede  s'éteindre  en  même  temps  que  ceux  qui  les  ont  foûtenus.  Strartcb.Dic^ 

Ces  mêmes  démêlez  du  Roy  avec  Thomas  Becket  furent  encore  %*}%  vil 

les  femences  du  Wicléfifme  en  Angleterre,  le  Roy  foutenant  Cap.  1. 

les  droits  de  Régale,  &  l'Archevêque  les  immnnicez  de  l'Eglife.  d>ic\#^' 

Cette  difpuce  ayant  duré  environ  huit  ans,  jufqua  l'afîafTinat  deTom!n.p. 

Becket  arrivé  en  1 171  ,  les  raifons  pour  ôc  contre  durent  faire  207* 

une  imprefîion  afîez  profonde,  pour  durer  jufqu'au  temps  de  Wi- 

cltf*>  qui  fe  déclara  pour  le  parti  Royalifte.  Il  faut  joindre  à  tout 

(  1  )  Sur  les  Tlifrellans }  voyez  Schengen,  de  Flagclkintibus» 


4o  HIST.  DE  LA  GUERiRE  DES  HUSSITES 

cela  les  principes  que  Marfile  de  Padouë  avoit  avancez  dans  Con 
Defcnfcur  de  La  faix.  Certe  affaire  #fîc  un  trop  grand  éclat  pour 
queFK/V/^/quiétoit  confommé  dans  la  le&ure  n'en  fût  pas  infor- 
mé. Ileftaifé  déjuger  quec'eftde  toutes  ces  combinaifbns  que 
fe  forma  le  Wiclèfifme. 

En  effet ,  on  trouve  deux  Bulles  d«  Grégoire  JFI.  où  ce  Pape  fe 
plaint  que  Jean  W/jV/^/enfeignoit  les  mêmes  erreurs  que  Marfile 
de  Padouë  >  6c  ordonne  à  l'Archevêque  de  Cantorberi ,  6c  à  l'Evê- 
que  de  Londres  de  l'emprifonner  jufqu'à  nouvel  ordre.  Ces  Bulles 
font  de  1377.  Ce  nouvel  ordre  ne  tarda  pas ,  6c  il  confiftoic  à  citer 
H^/V/^/acomparoître  dans  trois  mois  devant  le  Pape ,  pour  ren- 
dre raifon  de  fa  foy.  Dans  unetroiiiéme  Bulle  de  la  même  année 
le  Pape  ordonne  aux  mêmes  Prélats  d'exhorter  le  Roy ,  les  Prin- 
ces du  Sang ,  la  Princefîe  de  Guienne  6c  de  Galles  ,  les  Grands  du 
{m)CondU  Royaume,  les  Confeillers  d'Etat  3  à  leur  prêter  main  forte  (a). 

ptf^  il  XI  Les  Prélats  firent  leur  diligence  ,  mais  inutilement.  On  a  vil  ail- 

2038. 1041.  leurs  la  fuite  6c  le  détail  de  toute  cette  affaire.  Wiclef  mourut  pai- 
siblement dans  fon  Bénéfice  de  Zutterword.  Je  ne  fçai  s'il  eut  com- 
merce en  Bohême,  Se  même  avec  Jean  Mus,  comme  un  Auteur 
prétend  le  prouver  par  une  lettre  qu'on  fuppofe  que  Wiclef  écri- 

*  \         m%  vità  Jean  Hus(b)Mûs)Q  trouve  que  les  temps  ne  s'accordent  pas. 

ubi  i'upr.  p.7  Car  11  Wiclef  'mourut  en  1387,  Jean  Mus  né  en  1373.  n'auroit  été 
alors  qu'un  écolier ,  6c  par  conféquent  trop  jeune  pour  avoir  com- 
merce avec  Wiclef  Tur  la  religion.  Il  y  a  bien  plus  j  c'eft  que  ceux 
qui  ont  le  plus  pris  à  tache  de  rendre  Jean  Mus  odieux  ne  mar- 
quent qu'à  1409.  fes  premières  innovations,  6c  prétendent  même 

(c)  Bail,  ubi  qu'il  ne  fe  déclara  ouvertement  qu'en  1 4 1 2 .  (c)  Et  même  on  allure 

fufr.p.430.  que  ja  prerniere  fois  qu'il  vit  les  livres  de  Wiclef  'il  en  eut  horreur, 

6c  exhorta  celui  qui  les  lui  avoit  communiquez  à  les  brûler,  ou  à 

(d)  ibeoi.  les  jetter  dans  la  rivière  (d).  Il  faut  donc  que  cette  Lettre  foit  fup- 

Bdi.  Huff.    p0fée,  ouadrefîéeà  quelque  autre,  comme  à  Milicius  mort  en 

Part.  I.  p.  2.  r  >  11  ' 

•  '  13  74.  ou  a  Matthias  mort  en  1  3  94.  auquel  cas  les  temps  s  accor- 
deroient.  Encore  faut-il  que  cette  lettre  foit  falfifiée  ,  puifque 
Jean  Mus  y  eft  nommé.  Quoi  qu'il  en  foit ,  pour  ne  pas  priver  tout- 
à  -  fait  le  le&eur  de  cette  lettre  ,  en  voici  quelques  morceaux. 
Salut  par  les  entrailles  de  N.  S.  J.  C.  &  fil*  on  peut  fouhaiter  quelque 
chofe  de  meilleur  3  je  lefouhaite.  »  Mes  très  chers  frères  au  Seigneur  , 
»  que  j'aime  avec  vérité,  6c  non  moifeul ,  mais  auffi  tous  ceux  qui 
«connoiflent  la  vérité  5  je  dis  cette  vérité  qui  demeure  en  nous, 
y  de  qui  par  la  grâce  de  Dieu  y  fera  éternellement.  J'ai  appris  avec 

»une 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ztv.  II.  4I 
«une  extrême  joie,  par  le  témoignage  que  m'en  ont  rendu  des 
«Frères  qui  font  venus  de  chez  vous,  que  vous  marchez  dans  la 
«  vérité.  J'apprends,  mon  Frère,  comment  rAnte-Chrift:  vous  con- 
«  trifte,en  expofant  les  fidèles  de  J.C.  à  un  grand  nombre  de  diver- 
«  Tes  tribulations.  Je  ne  fuis  pourtant  pas  furpris  qu'il  arrive  de  pa- 
reilles chofes  parmi  vous,puifquela loy  de  J.  C.  efl  oppriméepref- 
«  que  dans  tout  l'univers  par  fes  ennemis ,  &  que  le  grand  Dragon 
;>  rouge  à  plufieurs  têtes ,  dont  St.  Jean  parle  dans  l'Apocalypfe  ,  a 
«  vomi  de  fa  gueule  après  la  femme  un  grand  fleuve  pour  l'en- 
«gloutir.  Mais  notre  très -fidèle  Seigneur  en  délivrera  infaillibl- 
ement fon  unique  &  ridelle  époufe.  Fortifiez  vous  donc  au  Sei- 
»  gneur  notre  Dieu ,  &  vous  confiez  en  fon  immenfe  bonté  qui  ne 
»  permettra  pas  que  [qs  chers  enfans  fe  dédirent  de  leur  bonne 
»  réfolution ,  pourvu  que  félon  notre  devoir  nousl'aimions  de  tout 
»  notre  cœur.  Car  les  adverfitez  ne  pré  vaudroient  point ,  fi  l'ini- 
«quité  ne  prévaloir  pas.  Qu'il  n'y  ait  donc  nulle  affliction ,  ni  op- 
«preffion  pour  J.C.  qui  foit  capable  de  nous  rebuter,  fçachant 
«que  Dieu  châtie  tous  ceux  qu'il  reconnoît  pour  fes  enfans.  Le 
»  Père  de  miféricorde  veut  que  nous  foyons  exercez  par  des  ad- 
»  verfitez  dans  cette  vie ,  pour  nous  faire  grâce  dans  la  fuite  ,  parce 
»que  l'ouvrier  fouverain  veut  que  l'or  qu'il  a  choifi  foit  entièrement 
»  purifié  ici  bas  par  le  feu,  afin  de  le  mettre  dans  fon  très  pur  tréfor 
»  éternel.  »  Apres  plufieurs  exhortations  fur  ce  ton  le  prétendu 
Hfolef&ârcut  à  Jean  Mus  en  ces  termes:  »  Vous  donc,Hus  ,  mon 
»  cher  frère  en  J.  C.  qui  à  la  vérité  m'êtes  inconnu  de  vifage,  mais 
»  non  pas  par  la  Foy  &  par  la  charité  (  car  les  excremitez  de  la  terre 
«  ne  fçauroient  féparer  ceux  que  l'amour  dej.  C.  joint  enfemble  ) 
«  fortifiez-vous  dans  la  grâce  qui  vous  a  été  donnée.  Combattez 
«comme  un  bonfoldatde  J.  C.  par  paroles  &  par  œuvres.  Rame- 
«nez  autant  de  gens  que  vous  pourrez  dans  la  voie  de  la  vérité, 
«parce  que  l'Evangile  ne  doit  pas  être  enfeveli  dans  le  filencepour 
«des  décrets  faux  &  erronez,  ni  à  caufe  des  erreurs  de  l'Ante- 
»  Chrift.  AfFoibMez  au  contraire  les  efforts  artificieux  de  Satan, 
»  en  fortifiant  les  membres  de  J.  C.  parce  que  dans  peu  de  temps , 
«s'il  plaît  au  Seigneur,  rAnte-Chrift  prendra  fin.  J'ai  uneextrê- 
»  me  joie  de  ce  que  dans  votre  Royaume  bailleurs,  Dieu  en  a 
«tellement  fortifié  quelques-uns,  qu'ils  foutiennent  la  prifon , 
n  l'exil  ôc  la  mort  avec  allégrefîepourla  parole  de  Dieu.»  Après 
cette  courfe  dans  les  pâïs  étrangers  j  revenons  en  Bohême. 

Tom.  I.  F 


Progrès  de  T 
Jean  Uns. 


HISTOIRE 

DELA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE    DE    BASLE. 

LIVRE      III. 

Ous  avons  laùTé  Jean  Mus  dans  l'Univer/ïté,  où  il 
fît  bientôt  des  progrès  eonfidérables  pour  ce  temps- 
la.  Il  paroît  par  fes  Livres ,  qu'il  étoit  verfé  dans  la 
lecture  des  Pères  Grées  &  Latins,  puisqu'il  les  cite 
fouvent.  On  peut  juger  par  tes  Commentaires ,  qu'il  fçavoit  du 
Grec,  &  qu'il  n'ignoroit  pas  même  l'Hébreu  y  ce  qui  n'eft  pas 
difficile  à  comprendre^  ayantdès  lors  beaucoup  dejuifs  à  Prague. 
Il  reçût  le  degré  de  Mathelier  en  1 393.  c'eft-à-dire  à  l'âge  de  10, 


HIST.  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  III.  43 
ans,  fi  on  a  bien  marqué  le  temps  de  fa  naifîance,  &  celui  de 
Maître  es  Arts  deux  ans  après.  Je  n'ai  lu  nulle  parc  qu'il  aie  reçu 
le  degré  de  Do&eur  ;  mais  le  titre  de  Maître  étoic  fort  honorable 
en  ce  temps-  là.  On  nefçaic  qui  furent  fes  maîtres  ,  que  par  ce 
qu'il  die  lui  -  même  àzStaniflas  Znoïma ,  qui  fut  depuis  un  de  fes 
plus  grands  adverfaires.  Quoi  que  Maître  Staniflas  Znoïma  ,  dit-  il , 
ait  été  mon  maître ,  &  que j'aye  appris  beaucoup  de  bonnes  c  ho  Je  s  dans 
fes  exercices  &  actes  fcholaftiques  ,  ma  confeience  me  contraint  de  lui 
répondre  pour  éclaircirla  vérité  (a).  Il  reçue  l'Ordre  de  Prêtrife  en  (  a  )  oPp> 
1400  ,  &  la  même  année  il  fut  fait  Prédicateur  dans  la  Chapelle  Hus-  Torn- 
de  Bethléem.  Ce  fut-là  qu'il  eut  occafion  d'exercer  fes  calens, 
chéri  des  uns,  fufpedôcodieux  aux  autres,  admiré  de  tous.  Mais 
avant  que  de  pafleràla  defeription  de  fes  combats  de  langue  6c 
déplume,  il  faut  repréfenter  en  peu  demotsl'écat  où  étoic  alors 
la  Bohême. 

II.  Charles  IV.  mourut  en  1378.  On  peut  juger  par  les  caracle-  Etat  dcU 
resque  l'Hiftoire  donne  à  cet  Empereur,  que  ce  fut  une  grande  Bohcmc' 
perte  pour  la  Bohême.  Comme  il  avoir  de  la  prudence  ôcdela 
fermeté  ,  ilauroitvraifemblablement  étouffé  dès  leur  naifîance 
les  femences  des  troubles  qu'on  aceufe  Wenceflas  d'avoir  entrete- 
nus au  lieu  de  les  arrêter ,  &  il  auroic  prévenu  les  feenes  cragiques 
donc  nous  écrivons  l'hiftoire.  On  aura  pourcanc  occafion  de  faire 
voir  qu'il  y  a  eu  beaucoup  de  paflion  Ôc  de  parcialicé  dans  les  juge- 
mens  défavancageux ,  que  la  plufparc  des  Hiftoriens  modernes 
onc  porcés  de  Wenceflas ,  &  que  cen'eftpas  à  lui  feul  qu'on  doit 
attribuer  les  troubles  du  HufTitifme.  Deux  ans  auparavanc  ,  Char- 
les IV.  avoic  nommé  pour  fon  fuccefïeur  à  l'Empire  Wenceflas  fon 
fils  aîné  encore  fore  jeune  (r),  du  confencemenc  des  Electeurs  qui 
furenc  cous  préfens  à  cecce  élection,  fçavoir  l'Empereur  lui  même 
qui  écoic  Electeur ,  comme  Roi  de  Bohême  (2) ,  les  Archevêques 
de  Mayence(3),  de  Cologne  (4) ,  de  Trêves  (5) ,  l'Ele&eur  Pa- 
latin (6)  ,  celui  de  Saxe  (7) ,  &  celui  de  Brandebourg  (3) ,  le  Duc 

(0  II  naquit  en  ijtfi.  à  Nuremberg  d'Anne  fille  du  Duc  de  Svvidnitutn.  Sile'fie  troifie'mc 
femme  de  Char  la  IV. 

(z)  C'eft  ce  qui  avoit  été  réglé  par  la  Bulle  d'or  de  Charles  IV.  lui  -  même.  Balb.  ubi  fupr. 

(3)  C'étoit  LêUis  Marquis  de  Miftiie ,  Landgrave  de  Thuringe  ,  qui  l'emporta  fur   fon 
Compétiteur  Adolphe  de  Kajfau  par  la  faveur  de  Charles  IV.  Serar.  Res  Morgunt.  T.  I.  p.  6d+» 

(4)  Frideric  III.  Comte  deSaarWerden  élu  en  1370. 
(fjCstion,  ou  Cor/A»  Comte  de  Falckenftein  élu  en  ijô'j. 

(6*)  T\obsrt  depuis  E.npereur.  On  en  a  parlé  amplement  dans  YHijL  du  Cor.c'.le  de  Tife. 
(7)  Il  s'appelloit  M'auejlas. 

Fij 


44  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

de  Brabant  (9 }  3  le  Comte  de  Hollande  (  1  o),  le  Duc  de  Bavière  6c 
l'Archevêque  de  Prague  (n).Il  s'éleva  dans  cette  conjoncture  une 
grande  conteftation  couchant  le  droit  de  porter  l'épée  devant 
l'Empereur  ,  entre  Wencejlas  de  Bohême  Duc   de  Luxembourg 
frère  de  l'Empereur  „  à  qui  ce  droit  avoit  été  accordé  par  privi- 
lège particulier  ,  &;  l'Electeur  de  Saxe  qui  le  prétendoit  en  qualité 
de  Maréchal  de  l'Empire.   L'Empereur  ne  pouvant  pas  fur  ie 
champ  terminer  ce  différend,  ordonna,  pour  ne  point  faire  tort 
aux  deux  Concurrents ,  que  pour  cette  fois ,  Sigzfmond  fon  fils  qui 
n'étoit  encore  qu'un  enfant  3  porteroit  devant  ia  majefté  l'épée 
Impériale.  Ceit  ce  cp\  Edmond  Auteur  de  la  Chronique  de  Fian- 
dresallegué  parifo/^difoit  tenir  de  la  bouche  de  Sigismond  au 
temps  du  Concile  de  Confiance  (12).  Wencejlas  fut  couronné  peu 
de  cemps  après  à  Aix-la-Chapelle  du  vivant  de  Charles  IV.  qui 
afïîfta  à  la  cérémonie. 
fftïufats  dc      W  *'  ^ence^as  Pric  les  rênes  de  l'Empire  la  même  année  que 
commença  le  grand  fchifme  d'Occident  3  dontona  fait  l'hiftoire 
abrégée  dans  celle  du  Concile  de  Pife.  Nous  marquerons  feule- 
ment ici  les  diligences  que  fît  Wencejlas  pour  empêcher  que  la 
guerre  des  anti  -  Papes  'Urbain  VI.  &  Clément  VII.  dont  l'un  ne 
manquoic  pas  de  fulminer  contre  ce  que  l'autre  avoit  ordonné  ,  ne 
fût  fatale  à  l'Empire.  Dès  l'an  1379.  il  en  afîembla  les  Etats  à 
Nuremberg  pour  faire  examiner  ce  grand  procès,  puis  à  Franc- 
fort où  il  fut  réfolu  de  reconnoître  &  de  foutenir  Urbain  VI.  en- 
vers &  contre  tous,  &  de  déclarer  Clément  VII.  anti-Pape.  On 
trouve  dans  liaynald  la  lettre  circulaire  de  Wencejlas  à  ce  fujet. 
(a)  Ann.  (a)  C'cft  ce  qui  engagea  les  Princes  ecclefiaftiques  &  féculiers 
vJ.Bafb"2i  ^'Allemagne  à  s'aflembler  l'année fuivante à  Wéfel  (b),  afin  de 
fupr.  p.  3p.  ferrer  davantage  les  nœuds  de  leur  confédération  pour  protéger 
Conc<S?''  'Vibàfa'Wencejlàs  ne  borna  pas  fes  foins  à  l'Allemagne.  Il  voulut 
Archiv.  ap.   aufîl  engager  les  Princes  étrangers  à  fe  réunir  fous  un  feul  Pape. 
Schminck,  de  On  a  parie  dans  PHiftoire  du  Concile  de  Pife  du  voyage  qu'il  fit 
Rcg.  Ro-     en  rrance  pour  cette  affaire.  On  prétend  qu  il  follicita  aulli  Ri- 
man^M.irp.  chard  II.  Roi  d'Angleterre  à  fe  déclarer  pour  Urbain.  Il  e£t  vrai 
,p' *  '  que  l'Angleterre  prit  ce  parti  y  mais  l'animofité  réciproque  des 

(2)  Sizifmotid.il  fut  depuis  Empereur.  On  a  donné  fon  taraûerc  dans  l'Hift.  du  Concile 
de  Confiance. 

(p)  Il  s' 'nppelloit Wencejlas. 

(  10)  Il  s'appelloit  Albert. 

(11.)  Il  s'appelloit  Jean  Occo,  ouOûellus,  auparavant Evéquc  d'Olmutz.  Il  fut  Cnrdinal  dc 
la  creation  d'Urbain  VI.cn  i 378.  &  mourut  deuxa-ns  après.  BtUb.  ubi  fupr.  p.  %  qi. 
N»*)&*/*.ubifupr.p.  380. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  III      qj 

Anglois&  des  Français  y  eut  apparemment  plus  de  part  que  les 
négociations  àeWenceflas  ,  parce  que  ces  derniers  tenoient  pour 
cLemcntVII.  Il  fe  paiïamême  à  cette  occafion  un  événement  mé- 
morable. Urbain  ayant  publié  une  croifade  contre  Clément ,  les 
Anglois  ne  manquèrent  pas  de  fe  croifer  pour  avoir  un  prétexte 
d'entrer  en  France,  où,  comme  je  viens  de  le  dire,  on  recon- 
noiiToit  Clément.  Cependant  i'Evêque  de  Norwich  qui  étoit  à  la 
tête  des  croifez  ,  jugea  plus  à  propos ,  on  ne  fçait  par  quelle  rai- 
fon  ,  de  commencer  par  la  Flandre ,  quoiqu'Ur^/?z  y  fût  reconnu. 
L'entreprife  tourna  mal.  Ainfi ,  dit  Mr.  àçRapin,  s'en  alla  en  fu- 
mée cette  croifade  cntreprife  four  les  feuls  intérêts  d*  Urbain  (a).  En     ,  a  r  H;/? 
même  temps  Wenceflas  envoya  des  Ambafladeurs  à  clément  VII.  d'Angle*,  t. 
pour  l'engager  à  céder  à  Urbain.  Mais  bien  loin  de  les  écouter  III,p"  %9°' 
favorablement ,  il  leur  fit  mille  indignitez  ,  en  mit  quelques  -  uns 
à  la  torture  ,  &  d'autres  en  prifon  (b).  Non  content  de  cet  empref-  (b)  Niem.  de 
fement  à  éteindre  le  fchifme  dans  l'Eelife,  Wencellas  fe  donna  ?Jiifm"  Li,b- 
beaucoup  de  foins  pour  pacifier  \qs  troubles  de  l'Empire.  Mais  Buv.'ann.  ' 
comme  cela  n'appartient  pas  à  mon  fujet,  il  vaut  mieux  parler  lW9-  ««m, 
des  Archevêques  de  Prague  pendant  ce  temps-là,  autant  qu'il  eft 
nécelîaire  par  rapport  à  ce  fujet. 

IV.  Jean  de  Genftein  Patriarche  d'Alexandrie  fut  fait  Arche-  Archevêques, 
vêque  de  Prague  en  1380(1/  Quelques  Hiftoriens  l'ont  con-  de  Prague, 
fondu  avec  Jean  Ocellus  fon  prédecedeur  ,  mais  ils  ont  été  fort 
bien  relevez  par  Balbin.  Ilrepréfentece  Prélat  comme  un  homme 
fort  pieux  &  fort  zélé.  »  Un  jour  ,  dit-il ,  qu'il  avoic  roulé  dans  fon 
efprit  la  molefTedu  Roi,  les  difeordes des  Grands  _,  l'inclination 
du  peuple  aux  nouveautez  qui  lui  faifoient  prévoir  quelque  chan- 
gement prochain  dans  la  Religion  en  Bohême  ,  il  eut  en  dor- 
mant une  vifion  céleffce.,  où  Dieu  lui  fit  voir  dans  la  floriflante 
Eglife  de  Bohême  les  exils,  hs  fupplices  ,  les  maflacres  des 
faints  hommes ,  les  temples  déferts  &  confumez  par  les  flam- 
mes, les  armes  &  les  fureurs  des  hérétiques  ,  l'aliénation  des 
biens  eccléfiafliques ,  la  ruine  Ôc  le  pillage  des  monafteres,  en 
un  mot ,  la  perte  de  la  religion  toute  prochaine.  Effrayé  de  cette 
terrible  image,  il  en  avertit  les  Chanoines,  &  abdiqua  volon- 
tairement l'Epifcopat  pour  fe  retirer  à  Rome  ,  à  condition  que 
fon  fuccefieur  luilaifîeroitune  certaine  fomme  d'argent  par  an 
pour  fon  entretien.  »  Ce  fucceileur  fut  Wolfram ,  qui  au  lieu  de  te» 

(1)  Il  mourut  à  Rome  en  1 35>3.  îalb.  p.  jpi. 

Fi») 


46        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
nir  parole  le  laifîa  périr  dans  la  mifére(i).  Wolfram  eut  pour  fuc- 
cefleur  Nicolas  de  Pucknik ,  StevfmteSbinko  de  Hafemberg,  donc 
on  aura  plus  d'une  occafion  de  parler  dans  la  fuite.  Revenons  à 
Wenceflas. 
Conduite  de      V.  Depuis  le  règne  de  Jean  grand  père  de  Wenceflas  3  la  Silifie 
Wenceflas.      appartenoit  à  la  Bohcme(a).  L'hiftoire  marque  à  l'an  138  i.un 
33.9.340. r  coup  d'aucoricé  qu'y  fir  Wenceflas.  La  ville  de  Brcfiau  avoir  été 
mife  à  l'interdit,  à  ce  qu'on  prétend  ,  pour  un  léger  fujet.  Wen- 
ceflas 3  pour  remédier  aux  troubles  que  cette  excommunication 
caufoit  dans  la  ville  ,  pria  les  Chanoines  de  donner  Pabfolution 
aux  citoyens.  Ceux-là  n'ayant  aucun  égard  à  Tes  prières  ,  il  les 
chafla  de  la  ville,  &,  abandonna  au  pillage  6c  au  gré  du  premier 
occupant  les  bourgs  &;  les  terres  qu'ils  avoient  en  Siléfie.  Mais  ils 
rentrèrent  en  grâce  l'année  iuivante.  Si  Pexpulfion  des  Chanoi- 
nes a  paiïé  pour  un  a&e  de  rigueur  ,  leur  rétabliflement  doit  paf- 
fer  pour  un  ade  de  clémence.  Au  fond  ,  Wenceflas  ne  fit  qu'imiter 
en  cela  fon  ayeul,  qui  chafTa  l'Evêque  (2)  &  les  Chanoines  de 
Breflau,  &  mit  leurs  biens  au  pillage,  parce  qu'ils  avoient  ofé 
l'excommunier,  comme  Charles  IV.  le  raconte  dans  fa  propre 
(b)Vit.  o-  vje  ^  compofée  par  lui-  même  (b).  L'affaire  alla  même  bien  plus 
rfteher'pfm.  avant  que  fous  Wenceflas.  Car  le  Pape  ayant  confirmé  Panathême 
ioi.  lancé  par  l'Evêque  ,  le  Roi  publia  un  Edit  par  lequel  il  défendoic 

(c)Hrt«f^:  à  tous  leseccléfiaftiques  de  pofleder  aucuns  fonds  en  Siléfie  (c). 
èc  Siles.  in-  L'£vêque  voyant  que  le  Roi  le  moquoit  de  fon  excommunication 
dit.  Cap.       s'avifà  de  le  défcyeràl'Inquifiteur^)  de  Siléfie,  comme  un  héréti- 
XV.  n.  xxî.  que.  On  a  vu  plus  haut  que  Plnquificeurfe  trouva  ma!  de  fes  dili- 
gences. Quoique  ce  trait  d'hiftoire  foit  hors  de  fa  place,  je  n'ai 
pas  faic  difficulté  de  le  rapporter ,  d'un  coté  parce  que  l'affaire  eft 
eccléfialr.ique ,  de  l'autre,  parce  qu'elle  peut  fervir  à  décharger 
Wenceflas. 
Cai-a&ere  de      VI.  Cependant  à  moins  que  de  démentir  toute  PHiftoire  ,  on 
irencejias.      ne  fçauroit  difeonvenir  que  ce  Prince  n'ait  eu  des  défauts  ôc  des 

(  1  )  On  attribue  à  cet  Evcquc  une  Conftitution  a(Tez  bizarre  ,  par  laquelle  il  ordonnoit  que 
tous  les  Vendredisà  3.  heures,  qui  eft  celle  de  la  mort  de  J.  C.  on  fonnàt  une  grotte  cloche  , 
&  que  chacun,  toute  affaire  ceftante,  même  pendant  le  dinéfc  mit  à  genoux  ,  &  dit  £.  fois 
l'Oraifon  Dominicale,  &  donna  40  jours  d'indulgences  à  tous  ceux  qui  feroient  fonner  la 
cloclie.  Ce  qui  fît  que  dans  la  plupart  des  Villes  de  Bohême  les  particuliers  firent  faire  de» 
cloches  pour  donner  le  lignai  de  la  prière.  Cette  cloche  s'appelloit  la  cloche  lurqite ,  parce 
que  c'e'toit  pour  implorer  le  fecours  de  Dieu  contre  les  Turcs  &  les  Tartares  qui  ravageoient 
la  Gre'cj.  halb.  p.  401. 

(2)  Il  s'appelloit  Ncttiker. 

(3)  Il  s'appelloit  Jean  SebwettcîtfelJ.  Hank.  ubi  fupr.  Cap.  XVJ. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zlv.  111.      47 

vices  capitaux ,  6c  qu'il  n'aie  fait  des  actions  noires  6c  infâmes.  II 
étoit  fur  tout  violent  6c  cruel ,  foit  qu'on  attribue  ce  mauvais  ca- 
ractère au  vin  auquel  il  étoit  fort  fujet,  foit  qu'on  l'attribue  à  du 
poifon  qu'on  lui  avoit  donné  dans  la  jeuneiïe,  &  qui  luicaufoic 
des  accès  violens.  Cechlêe  en  a  rapporté  quelques  exemples  ,  com- 
me on  le  verra  dans  la  fuite  en  parlant  de  la  mort  de  ce  Prince  5 
j'en  placerai  ici  quelques  autres.  Il  avoit  époufé  Jeanne  fille  d'Al- 
bert Duc  de  Bavière,  6c  Comte  de  Hollande.  On  avoit  donné  à 
cette  Princeflè  pour  confefleury^»  de  Nepomuc  Docteur  del'U- 
niverfité  de  Prague  y  6c  Chanoine  de  l'Eglife  Cathédrale  de  cette 
Métropole.  Les  mauvaifes  inclinations  6c la  conduite  déréglée  de 
Wenceflas  la  pénétroient  de  douleur  j  elle  s'y  oppofoit  de  touc 
fon  pouvoir,  6c  en  ouvroit  fon  cœuràfon  Confefîeur.  Wenceflas 
qui  ne  pouvoir  pas  l'ignorer  3  n'épargnoit }  ni  promefTes  ,  ni  me- 
naces ,  ni  tourmens  pour  obliger  Jean  de  Nepomuc  à  lui  révéler 
les  confeffions  de  la  Reine.  Mais  le  Confefîeur  fidèle  à  fes  enga- 
gemens  6c  à  la  Reine  fe  montrant  inflexible  ,  Wenceflas  le  fit  jet- 
ter  inhumainement  dans  la  rivière  de  la  Moldave  qui  traverfè 
Prague,  cruel  6c  facrilégetout  enfemble.  Ce  fait  effcattefté  una- 
nimement par  tous  les  Hiftoriens  de  Bohême  3  fur  tout  par  les 
Modernes  (a)  3  6c  on  en  voit  même  un  beau  monument  dans  la  (a)D*£ni*« 
flatuéde  ce  Prêtre  érigée  fur  le  pont  de  Prague.  On  débite  que  l"ÏS,h£ 
l'innocence  ôc  la  fainteté  de  Jean  de  Nepomuc  fut  atteftée  du^c.p. 6\\. 
Ciel  même  par  des  phénomènes  extraordinaires.  Ce  qu'fl  y  a  J**-  ubl  . 
de  certain ,  c  eit  que  les  Chanoines  les  confrères  prirent  grand  cucbvvt. 
foin  de  fa  fépuleurc.  èc  qu'on  vifîtoitfort  dévotement  fon  tom-  Mars.Mo- 
Ipeau  y  maigre  Wenceflas,  avant  qu  il  fut  canonile  par  autorité  du  cap-in. 
Pape,  comme  il  l'a  été  depuis  peu.  J'ai  vu  moi-même  quantité  p.  4î7* 
de  dévots  à  genoux  aux  pieds  de  fa  ftatuë  à  Prague  5  6c  à  Breflau. 
On  a  imprimé  fon  fervice  à  Prague  en  1696.  On  y  trouve  des 
Hymmes  qui  apparemment,  n'ont  pas  été  compofez  du  vivant 
de  celui  qui  le  fit  noyer.. 

Sœvus ,  piger  Imperator , 
Irfalorum  clarus  patrator^ 
Pollicetur  peljîma 
Ni  quœ  dixit  Sacramentel 
Tu  propales  in  momento 
Uxoris  peccamina. 
uircanum  euflodiviftï 


48         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
Ob  qnod  lœtus  fubivijti 
Tormentorum  gênera  : 
u4quis  tandem  fuffocatus 
EffeHus  quod  fis  beatus 
Prodiderunt  fidera. 
Tumulatus  nunc  quiefcis 
f  Et  in  die  s  illucefcis , 

Pr/cclaris  miraculis 
Es  ccrtus  famœ  Patronus  : 
Nos  à  malœ  famœ  pronus 
Defendas  periculis. 

Il  païTe  en  Bohême  pour  le  patron  des  voyageurs ,  &  des  gens 
en  péril  3  &  pour  le  garant  de  la  bonne  renommée. 

Sufcipe  quas  dedimus ,  Johannes  Béate  3 
Tibi  preces  fupplices ,  no  fier  Advocate , 
Fieri  :  dum  vivimus  ,  ne  finas  infâmes , 
Et  nofiros  pofi  obitum  cœlis  infer  mânes. 

Les  femmes  en  couche ,  &  les  femmes  ftériles  lui  rendent  afîî- 

duëment  leurs  pieux  hommages.  L'Hiftoire  rapporte  que  Wencef- 

las  en  1393.  fit  fouffrir  le  même  fupplice  à  un  Eccléiiaftique 

nommé  Joanneck,  fuffragant  de  l'Archevêque  de  Prague,  pour 

avoir  confirmé  un  Abbé  fans  fon  confentement ,  &  pour  lui  avoir 

(a)  Lufmc.  E-  reproché  fa  mauvaife  administration  (a),  On  n'a  pas  manqué  de 

phemer.Rcr.  débiter  auffi  des  miracles  à  cette  occafion.  Cecieit  plus  vraifem- 

ApîuTijpî!-  blablej  c'efl:  que  l'Archevêque  ayant  envoyé  deux  Chanoines 

%iï'ft?l97t  pour  reprocher  à  Wenceflas  la  mort  de  ce  fa  in  t  homme ,  comme 

ils  l'appelloient,  il  répondit:  Puifque  vous  appeliez^  faint  unhom- 

me  mort ,  je  ne  vous  envierai  pas  cette  gloire  ,  vous  ferez^faint  après 

votre  mort.  Il  les  envoya  aufîLtôt  au  fupplice  3  mais  à  la  prière 

de  quelques  Grands  Seigneurs ,  ils  en  furent  quittes  pour  la  peur. 

plaîntescon-      VII.  En  i 3  84.  on  commença  à  fe  dégoûter  de  Wenceflas,  à 

Ktwencef-    ce  qU>on  prétend ,  à  caufe  de  fa  nonchalance.  Quelques  Seigneurs 

fe  déclarèrent  ouvertement  (i)  ^  les  autres  n'attendoient  qu'une 

occafion  favorable  pour  éclater.  Mais  le  Roi  qui  prefîentoit 

quelque  orage  eut  recours  aux  étrangers  3  ne  fe  fiant  pas  à  (es 

propres  fujets.  Il  établit  en  1385.  dans  les  Villes  de  Bohême 

jdesConfuls  Allemands  à  l'excluflon  des  gens  du  Pays.  Quelques 

|i)  Les  M-'artbembergs  &  les  Colowrax.  Balb.  p.  3,94. 

Bohémiens 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  III.  49 
Bohémiens  en  ayant  fait  des  plaintes  accompagnées  de  mena- 
ces ,  il  y  en  eut  d  exécutez  dans  la  place  publique.  Cette  fanglan- 
te  exécution  fournit  aux  Grands  un  prétexte  plaufible  au  foulc- 
•  veinent  qui  éclata  dans  la  fuite,  &où  Jean  Hus  eut  beaucoup 
de  part.  Il  faut  pourtant  que  Wenceflas  ne  fut  ni  fi  incapable 
ni  fi  indifférent  qu'on  le  fait,  puifque  Sigifmond  fon  frère  ayant 
de  grands  démêlez  avec  Jean  &t  Procope  Marquis  de  Moravie  , 
les  uns  &  les  autres  s'en  remirent  à  fa  décifion  (a).  On  met  à  faj&tf.  p. 
cette  même  année  un  Synode  Provincial  afîemblé  par  Jean,*9** 
Archevêque  de  Prague,  où  il  fulmina,  comme  parefprit  pro- 
phétique, dit  Balbin,  contre  les  Hérétiques,  contre  l'invafion 
■des  biens  del'Eglife,  Se  le  maflacre  des  Eccléfiaftiques.  L'année 
fuivante  mourut  la  Reine  Jeanne  3  à  ce  qu'on  croit  de  douleur 
des  déréglemens  de  fon  Epoux ,  &  des  mauvais  traitemens  qu'el- 
le en  recevoir. 

VIII.  En  1389.  il  fe  fît  un  maflacre  prefque  général  des  Juifs  Particulari- 
à  Prague,  pour  avoir  infulté  un  Prêtre  qui  portoit  l'hoftieàun^""0^ 
malade  (1).  On  pilla  leurs  biens,  on  brûla  leurs  maifons  &  leurhême, 
rue.  Ce  qu'on  exprima  par  ce  diftique  qu'on  voit  au  bas  de  la 
page,  qui  marque  en  même  temps  l'année  de  ce  tragique  évé- 
nement (1).  Il  y  eut  en  ces  temps  une  prodigieufe  multitude  de 
pèlerins  qui  venoient  à  Prague  vifiter  des  Reliques  qu'on  expo- 
îoit  au  peuple  quelques  jours  après  Pâques  dans  la  place  publi- 
que. On  en  compta  un  jour  jufqu'à  cent  mille  aux  portes  de 
Prague,  au  grand  profit  de  la  ville.  Le  Roi  obtint  en  1590.  de 
Bonijace  IJC.  un  Jubilé  en  faveur  de  ceux  qui  vifitoient  ces  Re- 
liques. La  même  année  ce  Prince  envoya  des  Ambafladeurs  à  Bo~ 
niface  demander  pour  un  an  la  dixme  des  biens  eccléfiafliques  en 
Allemagne,  &dans  le  Royaume  de  Bohême,  quoique  d'ailleurs 
il  n'y  fut  pas  fujet ,  fous  prétexte  du  voyage  de  Rome  où  il  vou- 
ioit  fe  faire  couronner,  félon  la  coutume  de  ce  temps-là (}).  II   (b)  KM.p. 
jouit  des  dixmes,  &  ne  fit  point  le  voyage  (b).  Il  paroît  qu'en  ce  ***• 
temps-  là  ce  Pape  fut  favorable  à  la  Bohême ,  &  fur  tout  à  une  cer- 
taine Abbaye  de  Bénédictins ,  ce  que  le  Jéfuite  Balbin  ne  regarde 
pas  fans  envie.  Cette  faveur  ne  dura  pas ,  comme  on  le  verra  dans 

(1)  Ces  maffacres  des  Juifs  étoientfort  ordinaires  en  Bohême,  auffi-bien  que  dans  d'autre* 
pais  de  la  chrétienté ,  &  quelque  prétexte  qu'on  en  allègue ,  ils  ne  font  pas  d'honneur  a» 
Chrirtianifme. 

(2)  M.femel,  £>  tria. Ç. bis  L.Xl.removetâ. 
Paj'cbaluce  reus  periit  tune  cadejudxus. 

(1)  Il  avoit  été  couronné  à  Aix-la-Chapelle  en  *  J  Sff. 

T&m.  I.  G 


5o         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

la  fuite ,  &  on  trouvera  auiîi  que  ces  particularitez  ne  font  pas  in- 
utilement remarquées. 
Première  IX.  Quelques  Hiltoriens  ont  avancé  qu'en  13931  Wenceflas 
prifan  de  chafla  de  la  Bohême  tous  les  Chevaliers  de  l'Ordre Teutonique, 
>1J  &.  s'empara  de  tous  leurs  biens.  Cet  Ordre ,  difoit-il ,  a  été  inflitué 
pour  combattre  les  Turcs  &  les  Barbares  j  quils  aillent  daps  leur 
voifinage.  Cependant  Balbin  a  tâché  de  décharger  le  Roi  de  cet 
attentat  (  1  ).  Cette  année  fut  fatale  à  Wenceflas.  Par  les  intrigues 
fecrettes  de  Sigjmond  fon  frère  ,  il  fut  mis  en  arrêt  dans  la  Mai- 
fon  de  Ville  fous  prétexte  de  fa  négligence ,  ôc  de  {qs  mauvais  dé- 
portemens.  Dès  que  le  coup  fut  fait,  Sigifmond  qui  étoit  alors 
en  Hongrie,  s'avança  à  grands  pas  en  Bohême  avec  une  armée. 
Il  s'étoit  déjà  faifi  d'une  Fortereile  ,  lorsqu'il  apprit  que  Wencef- 
las avoit  trompé  fes  gardes,  ôc  s'étoit  fauve  ;  ce  qui  l'obligea  à 
fe  retirer  plus  vite  qu'il  n'étoic  venu.  L'évafion  de  Wenceflas 
arriva  ainfi.  Ayant  obtenu  la  liberté  de  fe  baigner  dans  la  rivière, 
une  femme  du  commun  nommée  Sufanne  le  pafla  tout  nuddans- 
un  batteau.  Elle  en  fut  bien  recompenfée,  s'il  eft  vrai  qu'il  en 
fît  fa  femme,  comme  quelques-uns  le  rapportent.  On  ne  nomme 
point  ceux  qui  trahirent  ainfi  leur  maître.  Balbin  conjecture 
que  ce  font  les  mêmes  qui  furent  exécutez  en  1397.  dans  la  For- 
tereile de  Carleflein.  Le  Duc  d'Oppavv ,  &.  le  Comte  deGlaco, 
tyubi  fupr.  furent  les  vengeurs  de  cette  perfidie  (a). 

Motifs  de  u  X.  Une  des  chofes  qui  contribua  le  plus  à  faire  dépoter  Wén- 
dépoGtion  ceflas  de  l'Empire,  comme  il  Je  fut  en  1400.  fut  l'aliénation  delà 
àeffencejias.  L~ombardie  qui  étoitalors  un  fief  de  l'Empire,  ayant  donné  en 
1393.  au  Vifconti  Jean  Galeas  Duc  de  Milan  la  fouveraineté  8c 
<o)  uhifupr.  l'invefliturede  cet  Etat  pour  la  fomme  de  1 5  0ooo.écus  d'or  (b). 
Ce  fut  encore  par  la  faute  de  Wenceflas  que  la  Bohême  perdit  les 
villes,  forts  Se  châteaux  de  la  Bavière  Palatine,  que  Charles  IV. 
avoit  achetez  de  Robert  de  Bavière  furnommé  le  Vieux ,  Electeur 
Palatin.  Cène  fut  pourtant  pas  fans  coup  ferir  que  Wencefla  s  aban* 
donna  ces  places.  Voici  ce  qu'en  dit  l'Hiftoire  Palatine.  «Après 
»  la  mort  de  l'Empereur  Charles  IV.  Robert  Electeur  Palatin  ayant 
«déclaré  la  guerre  à  Wenceflas  reprit  de  vive  force  en  1 388.  les 
»  villes,  forts  ôc  châteaux  qui  avoient  été  engagez  à  chartes  IV. 
"C'eft  pourquoi  par  ordre  de  Wenceflas  les  villes  de  Rat 1 s bonne , 
»d'Aup bourg  t  &  d'autres  voifines  du  Rhin  allèrent  fondre  fur 
"l'Electeur.  La  victoire  fe  déclara  pour  celui-ci.  Il  leur  tua  200, 

(1)  Uùifiifr.  p.  3^3.  405.  Ces  Chevaliers  avoientpluiïeui-sCommanderk6CnBohcmc. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASEE.  Liv.  III       jr 
j5  hommes  ,  en  fie  300.  prifonniers,  mie  en  fuite  le  refte,  &  en  fie   Ca)  ^iâ 
î'jetter  dans  une  chaudière  de  briques  ardentes  40.  qui  avoienc  paLT/Lir." 
?  tout  mis  à  feu  8c  à  fang  dans  le  Palatinat  (a).  IV.  fea.  il 

XI.  L'an  1400.  fut  tout  enfemble  favorable  Se  funeftêà  Wen-  PDcS>'fitîon 
ceflas  par  deux  événemens  différents^  Le  premier  fut  fon  mariage  de  yvemefias. 
avec  Sophie  fille  de  Jean  de  Munich ,  Duc  de  Bavière ,  qui  fut  cou- 
ronnée le  1  5.  Mars.  Le  fécond  qui  arriva  le  20.  d'Août  fut  fa 
déposition  de  l'Empire.  Si  elle  fut  jufte ,  ou  non  ,  c'eft  de  quoi  je 
n'encrepens  pas  de  juger.  Je  dirai  feulement  comment  la  chofe 
fe  paiîa.  On  prétend  que  Bonifacc  IJf.  fut  l'inftigatenr  de  cette 
entreprife,,  irrité  d'un  coté  de  ce  que  Wenccjlas  luiavoit  propolé 
d'abdiquer  le  Pontificat  ,  Se  de  l'autre  de  ce  qu'il  avoit  don- 
né à  Galeas  la  fouverainecé  du  Duché  de  Milan  comme  on  vienc 
de  le  dire.  D'ailleurs  Wencejlas  n'étoit  aimé  ni  des  Eccléfiaftiques 
ni  des  Séculiers.  De  ceux-là,  parce  qu'il  voyoit  d'un  œil  jaloux 
leurs  gros  revenus ,  Se  de  ceux  -ci  3  parce  qu'il  ne  les  laiiïoit  pas  vi- 
vre à  leur  fantaifie  (b).  Des  l'année  précédente  les  Electeurs  s'é-  (b  )  Gmg. 
toientaffemblezà  Bopard  petite  ville  fur  le  Rhin  ,  puis  à  Franc-  chr,iïian- 
fort  fur  le  Mein  pour  délibérer  fur  cette  affaire.  Toutes  ces  allées  ad"s^«"°de 
Se  venues  étoient  fort  fufpe&es  à  Wenccjlas.  Car  quoique  les  dé-  Reb-.  M°- 
libérations  fu  fient  tenues  fecretes ,  il  ne  pouvoit  pourtant  igno-  p."^.  T  ' 
rer  qu'il  en  étoit  le  principal  objet,  Se  il  n'oublia  rien  pour  en 
rompre  le  cours.  C'eft  pour  cela  qu'il  envoya  à  Maycncc  Jean 
Burgrave  de  Nuremberg  avec  ordre,  i.defçavoir  ce  quoi  il  s'a- 
gifloiti  1.  de  reprefenter  aux  Electeurs  qu'il  ne  pouvoit  quitter 
la  Bohême  à  caufe  des  démêlez  qu'il  avoit  avec  les  Grands  du 
Royaume  ,  Se  du  couronnement  de  Sophie ,  Se  qu'il  ne  vouloir 
vifiter  l'Allemagne  qu'avec  fon  frère  Sipfmond^  que  divers  mou- 
vemens  retenoient  en  Hongrie  5  3 .  de  convenir  d'un  jour  pour  af- 
fembler  une  dicte,  afin  d'y  prendre  desmefures  pour  remédier 
aux  maux  de  l'Empire.  Cette  Députation  n'ayant fervi de  rien, 
Wencejlas  indiqua  une  diète  à  Nuremberg  en  1 399.  après  la  S. 
Michel ,  où  il  promettoit  d'être  préfent.  Mais  elle  n'eut  point  de 
lieu,  foit  qu'il  ne  fe  fiât  point  aux  Princes  Allemands,  foit  que 
plufieurs  de  ceux  qui  dévoient  s'y  trouver  déclinaient  l'entre- 
vûë.  Dès  que  Wencejlas  eut  appris  qu'ils  dévoient  s'afîembler  à 
Francfort  pour  achever  d'exécuter  leur  entreprife,  il  invita  en- 
core une  fois  les  Princes  de  l'Empire  à.s'afTemblerà  Nuremberg , 
par  une  Ambaffàdefolemnelle  -,  mais  les  Electeurs  refuférent  d'é- 
couter ks  Ambafladeurs.  Cette  affaire  fut  agitée  pendant  long- 

Gij 


5i  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
temps,  les  uns  opinant  à  la  dépoiition  cle  Wencejlas ,  les  antres  à 
lui  demander  un  adminiftrateur  de  l'Empire  qu'il  nommât  lui- 
même.  Ce  dernier  avis  l'emporta  dans  l'efpérance  que  le  Roi 
choifirôit  Ton  frère  Siy.fmond  pour  fon  Vice-Roi.  Mais  Wenccf- 
las  nefe  trouvant  pas  d'humeur  à  accepter  ce  parti,  les  Elec- 
teurs eccléiiaftiques  &  féculiers,  à  la  réferve  de  Sigifmond  qui 
ctoit  Electeur  de  Brandebourg,  6c  de  Wencejlas ,  qui  comme  Roi 
de  Bohême  étoit  aufli  Electeur  ,  &  même  le  premier  félon  la 
Bulle  d'Or,  s'afTemblérent  à  Marpaurg  pour  former  une  ligue 
contre  ce  Prince.  Elle  s'exécuta  à  Mayence  entre  les  Electeurs 
Jean  II.  de  Najfau  Electeur  de  Mayence,  Werner  de  Konigftein 
Electeur  de  Trêves,  Frédéric  III.  Comte  de  Saverden  Electeur 
de  Cologne,  Robert  Electeur  Palatin  ,  Rodolphe  \L\z&lzut  de  Saxe, 
Etienne  &  Louis  Ducs  de  Bavière,  les-Marquis  de  Mifnie ,  Zoa/'j 
Comte  Palatin,  Herman  Landgrave  de  Relie ,  &.  Frédéric  Btir- 
grave  de  Nuremberg.  Dès  que  Wencejlas  eut  connoilTance  de 
cette  ligue,  il  écrivit  &;  députa  aux  villes  de  l'Empire  pour  les 
détourner  de  s'y  joindre.  Et  afin  d'empêcher  la  diète  qui  devoir  fe 
tenir  à  Francfort,  il  en  convoqua  une  à  Nuremberg ,  où.  il  pro- 
mettoit  d'afloupir  toutes  les  difeordes,  tant  par  rapport  à  l'E- 
glife ,  que  par  rapport  à  l'Etat.  Mais  fans  y  avoir  aucun  égard  t  les 
Princesliguez  s'aftemblérent  à  Francfort  pour  renouveller  leur 
confédération, &  s'ajournèrent  a  Landjlein  pour  y  citer  Wencejlas \ 
&  procéder  à  l'éle&ion  d'un  autre  Empereur,  s'il  ne  paroifîoit  pas. 
Ce  fut  là  qu'arriva  la  cataftrophe  de  la  dépoiition  de  l'Empereur., 
malgré  fes  proteftations.  Les  raifons ,  ou  les  prétextes  de  cette 
déposition  étoient  j  que  Wencejlas  avoit  négligé  d'éteindre  le 
fchifme  dansPEglife,  &.  les  guerres  inteftines  en  Allemagne  $  qu'il 
avoit  aliéné  la  Lombardie  ,  vendu  la  juftice  à  beaux  deniers 
comptans  -y  qu'il  avoit  toléré  les  brigandages  5  qu'il  avoit  exerce 
des  cruautez  contre  des  Prêtres,  &  des  gens  de  bien  &  d'hon- 
neur j  qu'en  ayant  été  repris,  il  ne  s'étoit  point  corrigé.  D'autres 
ajoutent  qu'il  avoit  donné  des  blancs- lignez  munis  de  fon  fceau 
dont  ceux  qui  les  avoient,  pourroient  faire  tout  ce  qu'ils  vou- 
droient  au  préjudice  de  l'Empire  ;  qu'étant  cité  à-  Landftein  ,  il 
avoit  refufé  de  comparoître ,  &  qu'il  avoit  favorifé  les  erreurs 
de  J.  Hus.  Ce  dernier  ne  peut  pas  être,  puifque  J.  Husn'àvoit 
point  encore  paru.  Mais  les  Hiftoriens  modernes  ont  pris  ce  pré- 
texte pour  rendre  l'Empereur  odieux.  C'eft  ce  emi  fut  conclu  à 
Landftein  le  2  o.  Août  1400-. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  III.       53 
XII.  Les  Ele&eurs  fe  raflemblérent  la  même  année  à  Franc-  Ekaîon  d'un 
fort  pour  élire  un  autre  Empereur,  ce  qui  ne  foufFrit  pas  peu  de  autreEaip*- 
difficultez.  La  plupart  des  Hiftoriens,  Ù.entt'autrcsSerarimdans  rcur' 
fon  Hiftoire  de  Mayence,  conviennent  qu'ils  élurent  Frédéric 
Duc  de  BrunfVig  ôede  Lunebourg,  fils  du  Duc  Magnus.  Il  y  en  a 
pourtant  d'autres  qui  ont  révoqué  en  douce  cette  éledion  (a).  ï*}Go$q'c 
Quoi  qu'il  en  (bit,  le  duc  Frédéric  fut  aflafîiné  à  Fritzlar,  en  s'en  modr.'jEtaV 
retournant  chez  lui ,  par  Henri  comte  de  Waldek,  &  quelques  au-  v1,  9:  ^J11- 
très.  Comme  ce  Comte  étoit  au  lèrvice  de  l'Electeur  de  Mayence  pg.VsV'"'0 
audi-bien  que  les  autres  aflaflîns,  ce  dernier  fut  fort  foupçonne  &***•  Nut* 
d'avoir  trempé  dans  cet  aflaffinat,  parce  que  l'Electeur  de  Mayen-  714.*^*/" 
ce  s'étoit  oppofé  à  l'élection  de  Frédéric  (b).  Cependant  il  s'en  pur-   ( b  )  Struv* 
gea  par  ferment ,  &:  le  comte  de  Waldek  lui-même  l'en  déchargea  oViT' 
par  un  a&e  authentique.  Les  Eledeurs  s'étant  raiïemblez  des  le  xvir.  pag* 
lendemain ,  on  dit  qu'il  y  eut  concurrence  entre  Joffe  marquis  de  9*6' 
Moravie  ,  &  Rouen  élecîeur  Palatin  ;  mais  ce  dernier  l'emporta , 
&  fut  couronné  l'année  fuivante  à  Cologne.  Cette  élection  ne  flic 
pourtant  pas  généralement  approuvée.  On  ne  voulut  pas  recevoir 
Robert*  Aix-la-Chapelle  pour  y  être  couronné.  Quand  il  convo- 
qua à  Heilbron  les  villes  impériales  delà  Suabe,  elles  refufércnt 
de  lui  prêter  hommage ,  à  moins  qu'elles  ne  fuflènt  dégagées  du     rc ,  H(firt 
ferment  de  fidélité  qu'elles  a  voient  prêté  à  Wenceflas  (c).  Quelques  Schminci,  de 
Auteurs  modernes  ont  avancé  ,  mais  fans  preuve,  que  iVenceflasre-  SCrf<Mar- 
çut  la  nouvelle  de  fa  dépofition  avec  beaucoup  d'indifférence,,  6c  purg.  Ana. 
que  même  il  en  fit  des  plaifanteries.  Le  contraire  paroit  encore  *7l8' 
par  l'hifloire.  Car  dès  qu'il  l'eut  apprife,  il  écrivit  à  Strasbourg 
pour  exhorter  cette  ville  à  lui  être  fidèle ,  &  à  le  fecourir  contre 
Robert,  fe  faifant  fort  d'entrer  bien-tôt  avec  fon  armée  ôc  celle 
des  Princes  de  l'Empire  mécontens  de  fa  dépofition  ,  pour  fe  van- 
gerde  cet  affront.  La  ville  de  Strasbourg  lui  demeura  en  effec 
fidèle  ,  &  elle  en  fut  remerciée  par  Joffe  Margrave  de  Brandebourg 
6c  de  Moravie,  qui  promertoit  un.  prompt  fecours.  Il  eft  vrai  qu'on, 
ne  voit  pas  que  Wenceflas  hk  de  grandes  diligences  pour  exécuter 
fes  projets- de  vengeance ,  foie  que  cela  vînt  de  fon  indolence  natu- 
relle, fbit  que  les  fecours  qu'on  lui  promectoit  n'arrivaflent  pas  à 
tems.  En  1407.  il  écrivit  à  la  ville  de  Rottenbourg ,  que  les  ducs 
de  Saxe  6c  de  Bavière  6c  d'autres  princes  d'Allemagne  fe  join- 
droientàlui  pour  chafler  fes  ennemis.  Jufqu  a  l'an  ^o^.lesvilles 
de  la  Suabe  lui  payèrent  le  tribut  ordinaire.  Il  ne  quitta  jamais  1* 
ûtre  de  Roi  des  Romains  depuis  fa  dépofition.  Les  Princes  étran- 

G  iij 


(  ')  Scbrninci^ 


54  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

gcrs  le  regardèrent  toujours  comme  tel  $  6c  même  au  Concile  de 
iVbiàipr.p  Pife  on  ne  voulut  pas  recevoir  lesambaiTadeurs  de  Robert  3  parce 
ïp.  io.  qu'on  regardoic  Wenceflas  comme  Roi  des  Romains  (a). 
Wencefasdc-  XIII.  Cependant  malgré  toutes  Tes  prétentions 3  légitimes  ou 
de  BjLinc!  non  3  ^  fallut  qu'il  fe  contentât  de  régner  en  Bohême  ,  encore  n'y 
écoit  il  pas  fort  en  fureté.  Car  un  an  après  fa  dépofition  de  l'Em- 
pire, Joffe  marquis  de  Moravie  fon  oncle,  de  concert  avec  l'Ar- 
chevêque ,  les  Grands  de  Bohême  &  les  marquis  de  Mifnie ,  l'af. 
iiégerent  dans  fa  capitale ,  fous  prétexte  de  fa  négligence  &c  de  fa 
fécurité  dans  le  gouvernement.  On  fe  réveilleroit  à  moins  j  il  pro- 
mit merveilles,  donna  des  lettres  d'amniit-ie .,  &  nomma  quatre 
perfonnes  de  difti notion  &  en  crédit  parmi  le  peuple  ,  pour  admi- 
niftrer  pendant  un  an  les  affaires  du  royaume  (i).  Mais  ce  calme 
ne  dura  pas  long-tems.  Wenceflas  retournant  à  Ion  mauvais  natu- 
rel ,  on  prit  de  nouvelles  mefures  pour  s'en  défaire.  Les  Grands 
du  royaume,  par  le  confeil  de  Sigifmond  roi  de  Hongrie  fon  frère, 
&  de  Joffe  fon  oncle ,  l'allerent  prendre  dans  une  maifon  royale  oa 
dansun  monaftere  prèsde^rr,^K72(2/)J>  &:  leconduifirent  dans  la 
tour  noire  (3)  du  palais  de  Prague.  Delà  on  le  transfera  dans 
quelques  fortereiles  du  païs,  &  enfin  à  Vienne  en  Autriche,  où 
il  demeura  prifonnier  près  d'un  an,  &  n'en  fortit  que  par  le  fecours 
d'un  pêcheur,  dont ilannoblit  la  famille.  Balbin  nous  apprend 
qu'un  des  chanoines  qu'il  avoic  fait  mettre  en  prifon ,  lui  prédit 
un  double  emprifonnement  en  ces  termes  :  Très-augufie  Empereur, 
vous  avez  fait  mettre  en  prifon  fans  caufç  ,  deux  de  vos'  prêtres  & 
chapelains  ,  fouvenez^vous  que  vous  ferez,  emprijonne  deux  fois  5  & 
co?nme  vous  nous  y  avez^tenus  quarante  jours  ,  vous  y  de m  eurcre ^qua- 
rante femaines.  D'autres  difent  pourtant  qu'il  ne  demeura  que 
lix  mois  dans  la  prifon  de  Vienne.  Ce  qui  joint  avec  les  dix-fept 
femaines  de  fa  prifon  à  Prague ,  fait  à  peu  -  près  les  quarante  de  la 
prétendue  prophétie.  Après  la  détention  de  Wenceflas,  Sigif?nond 
s'avança  en  Bohême  avec  une  armée  de  Hongrois.  Ils  y  firent 
des  defordres  inexprimables  ,  tuant  &  violant  par  tout  où  ils  paf- 
foient.  Ils  enlevoient  fur  leurs  felles  de  jeunes  garçons  &  déjeu- 
nes filles 3  6c  les  vendoient  comme  des  chevreuils.  Sipfmond  ne  fe 
montra  pas  moins  cruel  que  fes  gens.  Ne  pouvant  venir  à  bout  de 
prendre  un  fort  qu'il  avoit  afliégé ,  il  en  cira  fous  de  belles  promef- 

(1)  Ce'toit  l'archevêque  Wolfram  ,  Henri  de  Refis  ,  Ottonàt  Bttrgcvv  de  Eilin,  (  Biliucnfis) 
Jean  de  Krrtffina  de  Lkhtenbourg.  Balb.  Epitom.  p.  410. 
,(  2  )  Ville  royale  fur  la  rivière  de  Mife. 
{$  )  Seconde  prifon  de  fJ'encrJlffs, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  III.  55 
tes ,  le  jeune  Procopc  marquis  dé  Moravie ,  Prince  du  Sang  -,  il  le  fie 
attacher  à  une  machine  de  guerre  qui  étoit  devant  la  muraille, 
afin  que  les  aiïïégez  fufîent  contraints  de  tuer  leur  maître  à  coups 
de  flèches.  Il  n'en  mourut  pourtant  pas  5  mais  Sigifmond  l'ayant 
fait  conduire  à  Brauna ,  l'y  laifla  périr  de  faim. 

XIV.  Au  reûe  Robert  ne  fut  pas  plus  heureux  que  Wenceflas  à  Conduite  de 
réunir  l'Eglife.  Celui-ci  fît  même  davantage s  puifqu'il  fit  tout  S"Çereu* 
ce  qu'il  put  pour  faire  confentir  les  concurrens  à  une  nouvelle 
élection.  Robert  au  contraire  traverfa  de  toutfon  pouvoir  le  Con- 
cile de  Pife  afTemblç  pour  l'extinction  du  fchifme ,  comme  on  l'a 
vu  dans  l'hiftoire  de  ce  Concile.  Après  avoir  vu  l'état  de  la  Bo^ 
hême  avant  que  Jean  Hus  y  fift  du  bruit  3  il  faut  à  prefent  le  voir 
agir. 


Jean  Hus 
commence  à 
Relater. 


HISTOIRE 

DELA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET      D  y 

CONCILE    DE    BASLE- 

LIVRE      IV, 

Eux  cara&éres  donnoient  beaucoup  d'autorité  à 
Jean  Hus  dans  Prague  3  celui  de  Prédicateur  dans 
la  chapelle  de  Bethléhem,.(i)  &  celui  de  Confef- 
feur  de  la  Reine  Sophie.  Wolfram  écoic  alors  Arche- 
vêque de  Prague.  Il  mourut  en  1402.  &  il  eue  peur  fùccefîèur 
JNicolas  Puchnik,  qui  flégea  tout  au  plus  un  an.  On  rapporte  dp 

J{  1  )  Sur  cette  chapelle  voyez  les  Hijl.  des  Gjncihs  de  Pife  fê  de  Ctnfl,  'Jcça  liui  y  fucceda  à 
^tienne  dc.Cologne.  Styfrid.  p«g.  iQ. 

lui 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  IAv.  IV.       57 
lui  une  particularité  qui  peut  découvrir  Ton  caractère.  Wenceflas 
qui  connoifloit  l'avarice  infatiable  de  ce  Prélat,  le  fit  appeller 
un  jour,  6c  lui  donna  permilhon  de  prendre  dans  ion  thréfor 
autant  d'or  qu'il  en  pourroit  porter.  Il  en  remplit  tellement  fa 
robe  6c  Tes  botines,  qu'il  ne  pouvoit  remuer  de  la  place.  Le  Roi 
en  rit  de  tout  fon  cœur ,  6c  l'ayant  fait  décharger  de  fon  far- 
deau ,  le  cha (Ta  de  fa  préfence  fa).  A  Huchnik  fuccéda  en  1403.    (»|  Tahric. 
Sbinko  dç  Hafembourg ,  fameux  par  fon  zèle  contre  le  Huflitif-  ^";fain 
me  qui  étoit  encore  dans  le  berceau.  Jufqu'ici  on  n'en  a  vu  que  Batt.p.+iu 
les  femences  jettées  de  loin  à  loin  -y  on  en  va  voir  la  naiiïance 
&  l'accroiiTemenr.  Le  fchifme  y  contribua  beaucoup.  On  accu- 
fa  même  Jean  Ht  s  d'avoir  dit  que  depuis  ce  temsl'Eglife  n'ayant 
plus  de  vrai  chef,  il  falloitvivreàla  Grecque.  D'autre  côté  Sigif- 
mond  irrité  contre  Boniface  IJf.  qui  fbutenoit  Ladiflas  fon  con- 
current au  royaume  de  Hongrie,  écrivit  en  1405.  aux  Grands 
de  Bohême  des  lettres  très-fortes  contre  ce  pape  ,  défendant  fé- 
vérement  d'envoyer  aucun  argent ,  fous  quelque  prétexte  que 
ce  fut ,  en  Italie  (b).  Wcnceflas  de  fon  côté  n'a  voit  pas  lieu  d'être    (bj  £*/£.p. 
plus  content  de  ce  Pontife,  parce  qu'il  avoit  été  l'infligateur  de  4I2, 
fa  dépofîtion.  Dans  cette  fituation  les  prédicateurs  avoient  un 
champ  libre  pour  prêcher  contre  la  Cour  de  Rome ,  6c  contre 
les  Antipapes  :  Jean  Hus  entr'autres 3  foutenu  par  la  Cour,  6c 
accrédité  dans  l'Univerfité ,  où  en  1401.  il  avoit  été  déclaré 
doyen  de  la  Faculté  de  Théologie ,  ne  manqua  pas  une  occauon 
û  favorable  d'exercer  fon  zèle  contre  la  corruption  générale  qui 
regnoit  en  Bohême.  Il  femble  pourtant  qu'il  n'attaqua  d'abord 
que  le  peuple  6c  les  Grands,  par  un  mot  que  l'on  trouve  à  la  tète 
de  fes  œuvres  :  Pendant  que  maître  Jean  Mus  ne  prêcha  dans  [es 
fermons  que  contre  les  Ordres  féculiers  ,  tout  le  monde  difoit  que  le  faint 
Efprit  parloit  -par  fa  bouche  :  il  n'en  fut  pas  de  même  quand  il  s  *at~ 
taqua  ait  clergé  ',  c 'étoit  mettre  la  main  fur  la  plaie.  Il  ne  prêchoic 
pas  feulement  à  Bethléhem  }  il  le  faifoit  aufîî  dans  des  fynodes 
6c  dans  des  convocations  générales  du  clergé,  6c  c'efl:  apparem- 
ment dans  ces  occafions  que  fon  zèle  éclatoit  contre  les  vices 
ôc  les  mauvaifes  mœurs  du  haut  6c  du  bas  clergé.    On  a  donné 
le  précis  de  ces  fermons  fynodaux  dans  l'hiftoire  du  Concile  de 
Confiance  (c).  A  l'égard  des  fermons  de  la  chapelle  de  Bethléhem,  (0  Tom.  T. 
comme  ils  étoient  prononcez  en  Bohémien  ,  c'eft  là  qu'apparem-  pag*       Z9' 
ijnent  il  cenfuroit  les  mœurs  des  féculiers.  Il  n'en  eft  point  parve- 
nu jufqu'à  nous.  Au  refte  Jlalbin  a  fait  un  parallèle  magnifique 

Tom.  I,  H 


5 8  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

de  cette  chapelle  avec  Ortbage,  &  de  Jean  Hus  avec  Junon , 
qui  préféra  le  féjour  de  Carthage  à  celui  de  Samos.  C'étoit  là, 
dit-il ,  l'arfenal  &c  le  char  de  triomphe  de  Jean  Hus.  Hïcilliusar- 
(  a  )  Baib.  ubi  ma }  /,/f  r«rm  fuit  (a).   Si  ce  n'eft  pas  là  un  trait  d'hiïtoire  ,  c'efb 
^r;pa§-      un  trait  d'hiftorien. 

Livres  de       1 1.  Ce  fut  à  peu  près  en  ce  tems-là  que  quelques  livres  de 
àpCa£ucrtCZ  ffc^/çf  furent  apportez  à  Prague,  la  première  fois  par  un  gen- 
tilhomme de  Bohême  nomme  Faulfifch ,poiiîon  pourri  (i),  qui 
avoit  étudié  à  Oxford  3  &  la  féconde  par  deux  écoliers  venus 
d'Angleterre  3  dont  l'un  s'appelloit  Jacques  bachelier  en  Théolo- 
gie ,  l'autre  Conrad  de  Candelberg  ou  Cantorberi.    On  a  dit  ailleurs 
qu'à  la  première  le&ure  de  ces  livres,,  Jean  HtTs  en  fut  fcandali- 
fé  ,  mais  que  dans  la  fuite  il  y  prit  tant  de  goût ,  qu'il  élevoit  Wiclcf 
jusqu'aux  nues.   On  raconte  que  ces  deux  écoliers  Wiclefites 
prièrent  leur  hôte  de  leur  permettre  de  faire  quelques  peintures 
dans  le  veftibule  de  la  maifon.  Ce  qu'ayant  obtenu  ,  ils  repréfen- 
terent  d'un  côt#J.  C.  entrant  à  Jérufalem  fur  une  ânelîe  fuivi  des 
troupes  à  pied,  &  de  l'autre  le  Pape  monté  fuperbement  fur  un 
beau  cheval  caparaçonné  ,  précède  de  gens  de  guerre  bien  armez, 
de  timbaliers ,  de  tambours ,  de  joueurs  d'inftrumens  3  &  des  Car- 
dinaux bien  montez  &  magnifiquement  ornez.  La  peinture  plue 
(a)  iheob.    fi  fort  à  Jean  Hus ,  qu'il  en  parla  avec  éloge  (à)  dans  quelqu'un  de 
part.  1.  Cap.  ^s  difeours  publics ,  ôcinfpira  à  tout  le  monde  l'envie  de  l'aller 
s«^/i.ubi    voir.  La  ville  fut  partagée  à  ce  fpectacle ,  les  uns  admirant ,  les  au- 
fupr.  p.  22.   tres  criminalifant  le  tableau.  Un  hiftorien  dit  que  ces  deux  éco- 
liers furent  obligez  de  décamper  de  Prague  3  mais  je  croirois  plu- 
tôt que  leur  hôte  leur  donna  congé  ,  &  qu'ils  allèrent  loger  ail- 
leurs _,  puifqu'on  les  voit  encore  fur  la  fcène. 

rrI-TÎCdS  *  ^s  s'accacnerent  ea  effen  f°rC  a  Jean  Hus,  qui  de  fon 
je*»  m*,  côté  fe  plaifoit  beaucoup  dans  leur  converfation.  Ils  propofoienc 
des  queîtions  fort  feabreufes,  comme  celle-ci  :  Si  le  Pape  cft  plus 
quun  autre  prêtre  3  fi  le  pain  de  l'Euchariflie  a  plus  <£ efficace  étant 
confacrè par  le  Pape  ,  que  par  un  autre  prêtre.  L'affaire  fit  tant  d'é- 
clat, que  le  Recteur  fut  obligé  de  les  citer.  D'où  êtes-vous  /leur 
dit  il  ?  Nous  fommes  Anglois  venus  ici  pour  étudier»  Comme  il  y 
a  bien  des  hérétiques  en  ce  païs-là,  repartit  le  Re&eur,  nous  avons 
lieu  de  craindre  par  vos  difeours ,  que  vous  ne  foyez  de  ces  fortes 
de  gens.  C'eft  pourquoi  par  l'autorité  dont  je  fuis  revêtu  ,  je  vous 
défens  abfolument  d'avancer  aucune  pareille  propofition  dans 

^ijC'eftla  lignification  du  mot  Allemand. 


ET  DUCONCILEDE  BASLE..Z/v.  IV.     5* 

cette  Univerfité  j  autrement  on  exécutera  contre  vous  l'édit  de 
Charles  IV.  qui  condamne  au  feu  les  hérétiques ,  fans  en  exceo- 
terlesétudians.  Pour  faire  leur  apologie,  ils  préfenterent  une  at- 
teftation  de  l'académie  d'Oxford ,  en  faveur  de  Wiclif.  'Jean  Hus 
en  ayant  fait  la  lecture ,  en  eftima  encore  davantage  ce  do&eur, 
dont  il  fit  fon  héros.  Cependant  Jean  Hus  aflocié  de  Jérôme  de 
Prètçue  &  de  quelques  autres  ,  alloit  toujours  fon  train,  ne  gar- 
dant prefque  plus  déménagement.  Ceci  fe  pafîa  enrre  1403.  de 
1408  ,  autant  que  j'en  puis  juger  au  travers  de  la  diverfité  des 
dates  de  mes  Auteurs. 

IV.  Ce  fut  environ  ce  tems-là  que  Wenceflas  follicité  par  les   synodeaf- 
moines  &  les  autres  eccléfîaftiques  animez  contre  Jean  Hus ,  or-  fembié  à 
donna  à  l'Archevêque  de  rechercher  par  toute  la  Bohême  les    rasuc* 
hérétiques,  6c  de  les  punir.  Ayant  donc  afîemblé  unfynodepour 

faire  cette  perquifition,  il  déclara  qu'il  n'y  avoit  point  d'héréti- 
ques en  Bohême  (a).  En  1408.  l'Univerfîté  s'afTembla  pour  créer  r^Fabrk. 
un  nouveau  Recteur.   LMiiftoire  dit  que  Wenceflas  fit  donner  cette  Hirt.  Mifn. 
charge  à  fon  maître  de  cuifine  (b) ,  en  attendant  que  l'Univerfîté  LS\  tjL*. 
alors  fort  divifée  put  convenir  d'un  Recteur.  ut»  fupr.p.tf. 

V.  Dans  cette  même  aflemblée  à  la  fbllicitation  de  Jean  Hus ,    Affaire  des 
de  Jérôme  de  Praçue  Ôc  de  quelques  autres ,  on  entama  l'affaire  des  tr°is  v°ix- 

J.  .  P  •  i    •    r  •       a  A  ,1  ,  Editde»7!?»- 

crois  voix ,  que  le  premier  vouloit  raire  oter  aux  Allemands ,  pour  cepas  ^cp. 
les  donner  aux  Bohémiens  ,  qui  n'en  avoient  alors  qu'une.  »  Il  efl  tus. 
»  vrai ,  difoit  Jean  Hus  ,  q-e  quand  Charles  IV.  de  très-heureufe 
»  6c  de  très-fainte  mémoire,  fonda  cette  Univeriïcé,  il  ordonna 
»  que  pour  un  temps  les  maîtres   aux  arts  Allemands  auroient 
»  trois  voix  dans  l'élection  du  Recteur,  6c  dans  les  autres  actes  aca- 
»  démiques,  6c  que  les  Bohémiens  n'en  auroient  qu'une.  Mais  ce 
»  très-louable  Empereur  ne  fit  ce  règlement  que  parce  qu'alors  il 
»  n'y  avoir  que  peu  de  gens  à  Prague  qui  eufïent  reçu  le  degré  de 
«maître  aux  arts,  ou  de  Docteur.  Mais  comme  par  la  grâce  de 
»  Dieu ,  nous  fommes  à  préfent  en  grand  nombre ,  il  efl  jufle  que 
»  nous  ayions  trois  voix  ,  &  que  vous  autres  Allemands  vous  vous 
«contentiez  d'une  feule».  L'afTai  repayant  été  agitée  avec  beau- 
coup d'animofité  de  part  6c  d'autre,  fut  portée  à  Wenceflas,  qui 
ne  la  termina  qu'en  ^oç.enfaveujr  des  Bohémiens  par  cet  Edit 
dont  je  donnerai  le  précis,  parce  qu'on  ne  l'a  pu  faire  dans  l'hif- 
toirc  du  Concile  de  Confiance ,  où  cette  même  affaire  eft  rapportée.  » 
»  Quoiqu'il  taille  aimer  tous  les  hommes ,  la  charité  doit  pourtant 
w  être  réglée  par  les  degrez  de  proximité.  Comme  donc  la  nation 

Hij 


6o  .  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITÊS 
»  allemande  n'eft  point  rcgnicolc  (jure  incolatùs  reqni  Bohemicifror* 
vfuscxpcrs  ,  )  &.  que  cependant  /comme  nous  l'avons  appris  par 
»un  témoignage  très- véritable  ,  elle  s'eit  attribuée  trois  voix 
»  dans  tous  les  actes  de  rUniverfité  de  Prague  ,  au  lieu  que  la  na- 
»tion  Bohémienne  légitime  héritière  de  ce  royaume  n'en  a  qu'u- 
rne j  Nous  considérant  qu'il  efl  fort  indécent  que  des  étrangers 
y»  joiiiilent  des  privilèges  des  naturels  du  pais  9  au  préjudice  de 
«ceux  ci,  ordonnons  abfolument  en  vertu  decesprefentes ,  que 
»>fans  délai  &  fans  contradiction  ,  la  nation  Bohémienne  dans 
»  tous  lesconfeils,  jugemens  &  autres  examens,  élection  &  tous 
»a&es&.  difpofitions  académiques  3  jouilîe  déformais  de  la  pré- 
»  rogative  des  trois  voix  ou  fuffrages  ,  comme  cela  fe  pratique  dans 
»  l'Univerfité  de  Paris ,  dans  celles  de  Lombardie  &  d'Italie ,  fous 
*>  peine  de  aotre  indignation  (i  ).  On  a  vu  dans  l'hiftoire  du  Con- 
cile de  Confiance  quelle  fut  la  fuite  de  cet  Edit,  qui  caufa  la  dé- 
fertion  générale  des  maîtres  &  des  écoliers  Allemands  de  l'Uni- 
verfité  j  on  y  ajoutera  feulement  quelques  particularité?.  On  pré- 
tend qu'avant  que  l'Edit  fût  publie ,  les  Allemands  s'ailemblérenc 
dans  quelque  collège,  pour  délibérer  fur  le  parti  qu'ils  pren- 
droient ,  en  cas  qu'ils  perdiiîent  leur  caufe.  La  refolution  fut  en 
ce  cas-là,  de  fe  retirer  tous  de  Prague  fous  peine  de  perdre  deux 
doigts ,  fi  quelqu'un  y  demeuroir ,  dans  l'efperance  qu'on  les  rap- 
pelleroit.  Il  s'en  retira  même  pluiieurs  fans  attendre  lafentence, 
au  grand  déplaifir  de  leurs  hôtes,  qui  perdoient  beaucoup  à  cette 
évafion.  On  dit  même  qu'après  leur  départ  y  ces  hôtes  irritez 
(a)Weob,  mirent  le  feu  au  collège  de  Théologie^.  La  fentence  rendue  pu- 
P-7-  blique ,  le  refte  décampa.  Il  en  demeura  pourtant  quelques-uns , 

à  qui  apparemment  on  ne  coupa  pas  les  doigts  j  maison  peut  ju- 
ger 3  qu'ils  ne  furent  pas  favorables  à  Jean  Hus  ,  qu'ils  regar- 
doient  comme  le  principal  auteur  de  l'affront  que  prétendoient 
avoir  reçu,  leurs  compatriotes.  D'ailleurs  cette  retraite  générale 
mit  l'allarme  parmi  les  bourgeois  de  Prague,  ôefur  tout  parmi 
les  artifans,  &  les  anima  fort  contre  Jean  Hus.  Tout  cela  joint 
auxemportemens  des  moines  &du  clergé,  ne  pouvoit  manquer 
de  lui  attirer  des  ennemis  enfouie.  Cependant  comme  il  avoit  la 
faveur  de  la  cour ,  l'eitime  &  Pamour  de  ce  qu'il  y  avoit  d'éclairé 

(  i  )  L'Editeft  donne  des  montagnes  de  Cuttenbourg  du  13.  Octobre  140p.  L'infcription 
porte,  Wenceslas/w  lagrace  de  Dieu  Roi  des  Romains  ,  toujours  Angujie ,  <£  Roi  de  Bohême  , 
*ux  honorables  le  Reileur  Ç$  à  tous  les  Maîtres  de  ÏUniverJite ,  nos  dévots  <£  chéris.  Balbin.  ubi 
jupr.  p.  428.  On  voit  par  là ,  comme  il  a  déjà  été  remarqué,  que  IVeticcJlas  ne  fe  dépouilla 
jamais  de  la  qualité  d'Empereur ,  malgré  fadépoiitiou» 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  IV.  61 
dans  la  ville  &  dans  l'Académie  ,  l'orage  fut  bientôt  difTipé.  Lors 
qu'il  fut  queflion  d'élire  un  nouveau  Re&eur,  tous  les  fufFrages 
fe  réunirent  fur  fa  perfonne,  &  il  fut  élu  à  cette  charge  le  1 7  d'Oc- 
tobre 1409. 

V  1. 11  s'en  acquitta  avec  les  applaudiflemens  de  tout  le  monde,  jemjius. 
Dans  ce  nouveau  grade  il  crut  avoir  les  coudées  plus  franches.  Juf-  Recteur. 
qu'alors  il  femble  qu'il  n'eut  approuvé  Wiclef  qu'en  termes  vagues 
&  avec  ménagement ,  &  même  iî  l'on  en  croit  un  Auteur  fort  anti- 
Huffite,  il  avoir  confenti ,  ou  au  moins  fermé  les  yeux  à  la  con- 
damnation de  quarante -cinq  articles  de  Wiclefen  1408.  (  1  )  Il 
n'en  fut  pas  de  même  quand  il  t\n  Recteur.  Quelques  -  uns  difenc 
pourtant  qu'il  ne  foutenoit/^-W^/  qu'en  cachette,,  d'autres  qu'il 
le  faifok  hautement.Je  croirois  plutôt  ce  dernierpar  les  chofesqui 
lui  arrivèrent  dans  la  fuite. 

VII.  Quoique  l'archevêque  S^/0^0  eût  déclaré  qu'il  n'y  avoit   L*archevc* 
point  d'hérétiques  en  Bohême  ,  il  fut  tellement  follicité  par  les  lucd,ePra- 
antagoniftes  de  Jean  Hus ,  qu'il  le  manda  dans  fon  palais ,  ôclui  à^»H«i 
parla  en  ces  termes ,  en  prefence  de  tout  le  chapitre  :  »  Mon  cher 
fils,  j'ai  oui  dire  que  Dimanche  pailé ,  vous  avez  prêché  qu'on 
«pouvoit  enterrer  non  feulement  dans  le  temple ,  mais  dans  les 
»  champs  &  dans  les  bois ,  fans  aucun  danger  defalut.  Vous  n'i- 
«gnorezpas  que  St.  Adalbert  eut  bien  de  la  peine  à  ramener  les 
«Bohémiens  de  ces  fépultures  champêtres  ,  &  fut  obligé  de  les 
«excommunier  pour  cela  3  jufqu'à  ce  qu'en  1039.  le  Duc  Brzgtis- 
»las  s'obligea  &  toute  fa  pofterité  par  un  ferment  inviolable  à 
»obferver  la  religion  Chrétienne,  èc  à  fe  faire  enterrer  dans  les' 
«lieux  deftinez  à  cet  ufaçre.  Jean  Hus  répondit  modeftemenr , 
mais  d'une  manière  vague ,  Que  fi  far  malheur  ou  far  inadvertance 
il  lui  étoit  échappé  quelque  chofe  contre  la  foi  chrétienne ,  il  et  oit  prêt 
de  s'en  corriger.  Dieu  le  veuille ,  répondit  le  Prélat,  aliéné*  ne  $è- 
che^plus  (aj.  Je  ne  comprens  pas  bien  comment  l'archevêque  fe  fajïM.tAi 
borna  acereproche,  après  avoir  exhorté  Jean  Hus  3  comme  on  fupr.p.p. 
dit  qu'il  le  fit  dans  cette  occafion  ,  à  s'éloigner  de  la  doctrine  de  Wi- 
clcf,  &  à  ne  pas  foulever  le  peuple  enclin  aux  nouveauté^  Je  ne  me 
fouviens  pas  fi  Wiclefzvok  enfeigné  ce  dogme  de  l'indifférence    *» 
delafépulture.  Au  moins  cet  article  ne  fe  trouve-t-il  pointparmi 
les  quarante-cinq  rapportez  par  Cochlée.  J'ai  bien  lu  quelque  parc 
que  les  Vaudois  tenoient  qu'il  eft  indiffèrent  où  l'on  foit  enterré  a 
apparemment  parce  qu'on  leurrefufoitlafepulture  dans  les  cime- 
Ci)  Cocblœus  Huifit.  pag.  1 1 ,  1 3 .  Je  ne  trouve  ce  fait  que  dans  cet  Auteur. 

Hiij 


Ci         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

tieres ,  qu'on  appelioic  terre  fainte  ,  ou  parce  que  fous  ce  prétexte 

les  prêtres  gagnoient  beaucoup  d'argenc. 

Livresdem-      VIII.  Ce  fut  il  je  ne  me  trompe ,  dans  cette  même  conjoncture 

clef  bvùlez.  que  sèinko  ordonna  qu'on  lui  apportât  tous  les  livres  de  Wiclef^ 
pour  en  faire  un  facrifice  à  Vulcain ,  comme  on  Ta  vu  dans  Yhiftoi- 
re  du  Concile  de  Confiance.  Il  s'en  fallut  pourtant  beaucoup  que  cet 
ordre  ne  fût  exactement  exécuté.  Il  s'en  conferva  quantité  chez 
des  particuliers ,  qui  ne  jugèrent  pas  à  propos  de  les  facrifîer  au 
zélé  de  l'archevêque.  Jean  Hus  tes  traduifoit  en  Bohémien, 
en  envoyoit  des  copies  aux  feigneurs  de  Bohême  6c  de  Moravie. 
Cochlée rapporte  qu'il  envoya  ijoffe  (i)  marquis  de  Moravie,  la 
traduction  des  trois  livres  du  Trialogue,  dont  on  a  parlé  ample- 

jean  Uns  ré-  ment  dan  s  Yhifioire  du  Concile  de  Pife. 

îiiie  à  l'ar-         jx#  Depuis  ce  temps-là  Jean  Hus  parla  plus  haut  que  jamais. 

public!"6  "  Le  Dimanche  qui  fuivit  l'exhortation  de  l'Archevêque,  il  s'ex- 
pliqua en  ces  termes ,  parlant  à  fon  auditoire  :  »  Mes  chers  Bohê- 
»  miens,  n'eft-ce  pas  une  chofe  bien  étrange,  qu'on  défende  de 
»vous  manifefter  la  vérité  ,  6c  fur  tout  cette  vérité  qui  éclate  en 
»  Angleterre ,  &  en  d'autres  lieux ,  comme,  par  exemple  ;  que  l'u - 
»  fage  des  fepultures  particulières ,  ôc  des  grandes  cloches  ne  fert  à 
»  rien  ,  qu'à  remplir  la  bourfe  des  prêtres  ?  Il  y  a  aufïi  beaucoup  de 
»chofes,  qui  fous  prétexte  d'ordre,  ne  font  propres  qu'à  jetter 
»  de  la  confufîon  dans  la  chrétienté.  Ces  gens.là  abufant  de  votre 
«  {Implicite ,  veulent  vous  brider  par  leur  ordre  defordonné.  Mais 
»  Ci  vous  voulez  montrer  que  vous  êtes  hommes ,  vous  romprez  ai- 
«fément  ces  chaînes,  &  vous  vous  mettrez  dans  une  telle  liber- 
j>té,  que  vous  croirez  être  fortis  de  prifon.  D'ailleurs  n'eït-ce 
«pas  une  honte  &  une  grande  ofFenfe  envers  Dieu  ,  que  contre 

(a)Tbeob. ubî"tout  droit  &  raifon  ,  on  ait  brûlé  des  livres  dépofitaires  de  la 

fupr.  »  vérité,  &;  feulement  &  uniquement  écrits  pour  votre  bien  (a)  ? 

«Tout  ceci,  quoique  tiré  d'un  auteur  proteftant,  ne  fait  point 
»  d'honneur  à  Jean  Hus.  Il  y  paroît  de  la  mauvaife  foi ,  de  l'empor- 
tement ôcdurelTentiment.  Il  avoit  promis  à  fon  Archevêque  de 
fe  corriger  ,&  deux  jours  après  il  recommence  avec  plus  d'éclac 
•  qu'auparavant.  D'ailleurs c'étoit  foulever  le  peuple,  ôcpourainfî 
dire  fonner  le  tocfin  contre  fes  fupérieurs.  Ce  qui  ne  manqua  pas 
d'arriver,  puifqu'on  vit  auffi-tôt  courir  des  fatyres  6c  des  vaude- 
villes contre  Sbinko.  Si  donc  il  trouvoit  que  Wiclefeût  raifon  ,  & 
s'il  fe  croyoit  obligé  de  prêcher  fa  doctrine  3  il  falloir,  le  repréfen- 

jÇi)  Sur  ce  Jûjfe  voyez  fbijt.  du  Concile  de  Pife.  Part.  II.  p.  il. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  IV.     6} 

ter  avec  candeur  &,  avec  refpect  à  l'Archevêque,  ôc  avant  que 
d'éclater,  lui  demander  un  fynode  pour  examiner  l'afFaire.  Ilîe-  (a)«J»fupr. 
roit  encore  plus  blâmable,  comme  le  rapporte  Cocblée  (a),  s'il  P-18- 1$- 
avoir  autorité  des  artifans ,  &  toute  forte  de  gens ,  6c  même  des 
femmes,  à  dogmatifer6c  à  déclamer  contre  le  clergé.  Cet  auteur 
ajoute  qu'il  y  eut  une  femme  qui  compofa  un  livre  où  elle  fou- 
tenoit  qu'à  larefervede7^#/f#j  6c  des  Huffites,il  n'y  avoit  plus 
d'E°-life  fur  la  terre.  Mais  il  y  a  beaucoup  de  choix  à  faire  &  dans 
ce  qu'on  a  dit  contre  Jean  Hus ,  &  dans  ce  qu'on  a  dit  en  fa  fa- 
veur. Quoiqu'il  en  foit,  l'archevêque  en  porta  des  plaintes  au 
roi,  mais  inutilement.  Je  comprens  même  que  ce  fut  alors  que 
ce  monarque  reconcilia  Jean  Hus  avec  fon  prélat.  Réconcilia- 

1  *•  ti on  de  7(\îv» 

X.  Cet  acte  de  reconciliation  fut  fort  folemnel.  Le  Patriar-  hu$  avec 
che  d'Antioche,  l'Evêque  d'Olmutz,  i^r/^nV  Electeur  de  Saxe  ,  r«chcvô- 
Stibor  duc  de  Tranfyivanie,  ambafladcur  de  Sigifmond  Roi  des  4ae 
Hongrois,  qui  pour  lors  étoit  déjà  Roi  des  Romains  (i) ,  toute 
l'Uni verfité  ,  plufieurs  barons,  gentilshommes,  clients,  les  con- 

fuls  de  Prague ,  6c  quantité  de  citoyens  y  étoient ,  &  lignèrent  le 
traité.  L'Archevêque  déclara  publiquement,  qu'il  n'avoit point 
trouvé  d'héréfîe  dans  la  doctrine  de  Jean  Hus ,  ôc  eut  ordre  de  le 
faire  fçavoir  au  Pape  JeanJfJCIII.  On  peut  voir  toute  la  fuite 
de  cette  affaire  dans  les  Conciles  de  Pïfe  6c  de  Confiance.  Avant  que 
de  finir  ce  livre ,  voyons  ce  qui  fe  palîa  ailleurs  dans  cet  intervalle 

X I.  Pendant  que  ces  chofes  fe  paffbient  en  Bohême  y  le  fchif-  Italie  &  Et 
me  occupoit  toute  l'Europe.  On  afîembla  le  Concile  de  Pife  dans  PaSne» 

la  vaine  efpérance  de  le  terminer.  C'eft  ce  qu'on  a  vu  amplement 
dans  rhifioire  de  ce  Concile ,  6c  dans  celle  du  Concile  de  Con- 
fiance. Comme  ces  deux  hifloires  contiennent  les  principaux  éve- 
nemens  de  l'Egli^,  &  du  fiède  depuis  1409.  jufqu'à  141  8.  que 
finit  le  Concile  de  Confiance,  6c  que  commence  la  guerre  des 
Huflites,  nous  parlerons  par  deflus  toutes  ces  années,  pour  voir 
ce  qui  fe  fit  dans  les  païs  étrangers ,  avant  que  de  revenir  en  Bo- 
hême. On  a  vu  dans  l'hifloire  du  Concile  de  Confiance  ,  que 
Martin  V.  fit  quelque  féjour  à  Mantouë ,  &  qu'il  y  expédia  di- 
verfes  affaires.  Entre  autres ,  il  y  négocia  la  paix  entre  Ladi [fias 
Roi  de  Pologne,  &  les  chevaliers  de  l'ordre  Teutonique.  Ce  fus: 
pour  cela  qu'à  la  requifition  des  derniers  il  envoya  les  Evêques 

(i)  Ce  qui  méfait  juger  que  ceci  fe  pafla  en  1410.  qui  fut  l'année  de  l'éle&ion  de  Sigif* 
nwidf  ou  au  conamen cernent  de  141 I.  Sl'inko  cUtxt  mort  cette  année-là. 


64-  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

de  Spolette  &  de  Luques  en  Pologne,,  où  ils  trouvèrent  le  Roi 
fort  difpofé  à  la  paix.  Ils  allèrent  auffi-tôt  notifier  ces  bonnes 
difpoiitions  au  grand  Maître  Michel  Cochmei/ler  qui  étoit  alors 
àThoren.  Pour  mieux  juger  de  ces  démêlez,  ils  demandèrent 
la  communication  des  droits  2c  des  privilèges  de  l'Ordre.  Après 
les  avoir  examinez  ,  ils  prononcèrent  en  faveur  des  chevaliers, 
èc  condamnèrent  le  Roi  fans  l'avoir  entendu  (i).  Le  prince  s'en 
plaignit  amèrement  à  Martin  par  une  longue  lettre  qu'on  peut 
voir  toute  entière  dans  Dlugos.  Le  Pape  irrité  contre  (es  Légats, 
les  rappella.  La  négociation  de  la  paix  fut  continuée  à  Cafchau 
en  haute  Hongrie,  parce  que  Sigifmond  y  avoit  offert  fa  média- 
tion 3  mais  les  chevaliers  n'ayant  pas  voulu  l'accepter,  Sigifmond 
fe  rangea  du  parti  de  Ladifias  3  &  lui  offrit  du  fecours  contre  les 
chevaliers.  Ce  fecours  ne  venant  point ,  Ladifias  fit  une  trêve  de 
deux  ans  avec  les  chevaliers  par  Pentremife  &  Alexandre  Withoud 
grand  duc  de  Lithuaniefon frère  (i).  L'année  précédente  Mar- 
tin V.  avoit  publié  une  bulle  contre  les  Juifs  qui  fe  mêloient  d'e- 
xorcifer ,  6c  de  faire  des  profélytes  parmi  les  chrétiens,  &  qui  exer- 
çaient impunément  une  ufure  excefïîve.  Cette  année  il  prit  en  fa 
prote&ion  les  mêmes  Juifs  opprimez  par  les  Chrétiens,  foit  fous 
prétexte  de  religion,  foit  par  avarice.  La  bulle  qui  cft  dattée  de 
Mantouë ,  mérite  d'être  rapportée 3  parce  qu'elle  efr.  bien  moti- 
vée. »  Comme  les  Juifs  font  faits  à  l'image  de  Dieu  j  que  le  réfidu 
»  en  doit  être  fauve  ;  que  leur  commerce  eft  utile  aux  Chrétiens 9 
»>&  qu'ils  implorent  notre  fecours  &  notre  miféricorde:  Nous, 
»  voulant  marcher  fur  les  traces  de  Calixte  3  d'Eugène ,  d'Alexan- 
?»  dre 3  de  Clément 3  de  Celé fl  in ,  &  Innocent  3  &  Honoré  3  de  Grégoire  3 
»  d'Urbain  3  de  Nicolas  3  &  des  autres  pontifes  Romains  nos  pré- 
»  décefleurs  d'heureufe  mémoire  qui  ont  eu  égard  à  leurs  prières, 
»  comme  cela  paroît  par  plufîeurs  lettres  apoftoliques ,  Nous  or- 
»  donnons  qu'ils  ne  foient  moleftez  par  qui  que  ce  foit  dans  leurs 
»fynagogues,  ôc  qu'on  les  laiffe  jouir  en  toute  liberté  de  leurs 
»  loix ,  de  leurs  droits ,  de  leurs  coutumes  de  de  leurs  inftitutions , 
»  pourvu  que  ce  ne  foit  pas  au  préjudice  des  bonnes  mœurs  &  au 
m  mépris  de  la  foi  Catholique ,  &  qu'aucun  Chrétien 3  de  quelque 
»  condition  qu'il  foit,  n'entraîne  violemment  au  baptême  aucun 

(i)  Dingos  ne  veut  pas  décider  fi  ces  Légats  furent  gagnez  par  prières  ou  par  argent.  Cro- 
tner  dit  nettement  que  ce  fut  par  des  préfens.D/wgvw.  L.XI.  p.  3pf.  Cromer  L.  X VIII.  p.  476» 
jRrt/».  An.  141p.  n.  1. 

(2)  Les  Hiftoriens  de  Pologne  prétendent  qu'il  y  avoit  collufion  entre  les  Chevaliers  &  Si- 
tùfinond ,  &  rendent  la  bonne  foi  de  ce  dernier  fort  fufpefte.  Dlug,  p.  2  \C  400. 

Juif 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  IV.  65 
»  Juif,  de  quelque  âge  qu'il  foie  ;  qu'on  ne  les  empêche  point  d'ob- 
»  ferver  certaines  fêtes  &  certaines  folemnitez  qui  ne  font  pas  dans 
»  leurs  loix ,  s'ils  veulent  le  faire  j  &  que  de  leur  côté  ils  ne  trou- 
»  blent  point  les  Chrétiens  dans  leurs  fetes  &  dans  leur  culte,  (a). 

De  Mantouc  Martin  alla  à  Ferrare,  d'où  il  envoya  l'Evêque  w&qniAi. 

de  Sabine  léeat  à  Venife  pour  y  abfoudreceux  de  cette  Repu-  Ann- 141^* 
,  ,.  .  o  r.        J  ,,  r      Num. z. 

clique,  qui  pouvoient  avoir  encouru  1  excommunication  pen- 
dant le  fchifme.  On  a  vu  ailleurs  que  de  Ferrare  il  alla  à  Flo- 
rence. Pour  s'y  rendre,  il  prit  le  chemin  de  Ravenne  &  de  Forli 
fans  parler  à  Bologne  qui  avoit  fecoué  le  joug  du  fiége  de  Rome, 
&  dont  Antoine  Bentivoglio  s'etoit  rendu  maître.  Le  Pape  recou- 
vra bientôt  après  cette  ville  par  le  fecours  du  général  Braccio , 
après  s'être  reconcilié  avec  lui  à  Florence.  Quoiqu'il  fut  reçu 
à  Florence  avec  grande  pompe,  il  ne  laifl'a  pas  d'efluyer  pluiieurs 
chagrins.  Cependant  il  y  féjourna  un  an  Se  demi,  parce  que  Ro- 
me n'étoit  pas  encore  libre.  C'eft  de  là  qu'il  renouvella  l'excom- 
munication de  Pierre  de  Lune ,  qui  fe  tenoit  toujours  pour  Pape 
dans  fa  forterefle  de  Pénifcola.  C'eft  ce  qu'il  fitfolemnellement 
Te  Jeudi  faint ,  le  comprenant  &.  tous  Cqs  adhérans  dans  la  lifte 
de  tous  les  hérétiques  &  fchifmatiques ,  que  les  Papes  ont  ac- 
coutumé d'excommunier  ce  jour-  là. 

Il  faut  que  Martin  fe  fût  alors  reconcilié  avec  Alphonfe  Roi 
d'Arragon,  puifque  du  confentement  de  ce  dernier  il  fît  divers 
changemens  dans  les  Eglifes  d'Efpagne.  Il  établit  dans  le  royau- 
me de  Valence ,  à  la  requifition  du  même  Roi,  un  inquifiteur  pour 
la  converfîon  des  Juifs  &  des  Maures,  par  une  bulle  dattée  de 
Florence  du  26  d'Avril.  L'inquifition  ne  s'exerçoit  en  ce  temps- 
là  à  Valence  que  par  des  commiflaires  de  l'inquifîteur  d'Arra- 
gon  (b).  Pierre  de  Lune  avoit  fait  une  conftitution  contre  les  Juifs,    (  b  )  Bw. 
par  laquelle  il  leur  défendoit  la  le&ure  des  livres  du  Talmud ,  d'u-  Ann-  ,4*> 
1er  de  paroles  injurieufes  &  ofFenfantes  contre  les  cérémonies  des 
Chrétiens ,  de  bâtir  une  nouvelle  fynagogue  ,  voulant  qu'ils  fe 
contentafîent  d'une  feule  dans  chaque  ville ,  &  d'exercer  aucune 
charge  ni  dignité  dans  la  république.   Une  vouloit  pas  non  plus 
qu'on  permît  à  aucun  de  cette  nation  d'exercer  la  médecine  ou 
la  pharmacie.  Il  défendoit  en  même  temps  aux  Chrétiens  de 
fe  mettre  au  fervice  des  Juifs ,  qu'il  ordonnoit  de  diftinguer  des 
autres  peuples  par  un  ruban  rouge  ou  jaune  que  les  hommes  por- 
teraient fur  Peftomac ,  &  les  femmes  fur  le  front.  Il  leur  étoit  in- 
terdit de  prêter  à  ufure ,  non  pas  même  fous  le  prétexte  artiâ- 
Tom.  I.  I 


U  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

cieux  d'une  vente  fimulée.  Pour  les  Juifs  qui  fe  convertiroienc, 
il  leur  confervoic  le  droit  de  fuccéder ,  6c  de  retirer  la  part  qui 
leur  appartiendroit  de  tous  les  biens  de  patrimoine.  Outre  cela 
la  bulle  les  obligeoit  d'affilier  trois  fois  chaque  année  aux  difpu- 
tes  &  aux  controverfes  fur  les  points  principaux  de  la  Religion. 
On  envoya  dans  toutes  les  provinces  d'Efpagne  des  copies  de 
cette  bulle  3  que  l'on  conferve  encore  dans  les  archives  de  i'Eglife 
(i  )THjioire  d'Arragon  (a).  Martin  V.  en  ht  fufpendre  l'exécution ,  fans  doute 

fEfbawe  t  Parce  cîu'^  ne  vouloit  pas  que  Pierre  de  Lune  fiil  aucun  ade  de 

III.  p.  4$tf.  fbuverain  Pontife. 

&457-  Pendant  que  Martin  V.  ctoit  à  Florence ,  quatre  cardinaux  de 

Pierre  de  Lune  vinrent  l'y  reconnoître.  BalthafarCoJJa  3  aupara- 
vant Jean  XJC1II.  en  fit  de  même.  Martin  V,  pour  l'en  récom- 
penfer  l'aggrégea  au  nombre  des  cardinaux,  &  le  fit  doyen  du 
facré  collège.  Il  voulut  même  que  dans  toutes  les  cérémonies  pu- 
bliques ,  il  fût  le  plus  près  de  fa  perfonne  3  &  fur  un  fiége  plus  éle- 
vé que  tous  les  autres  cardinaux.  Il  ne  joiiit  que  peu  de  temps  de 
cette  gloire,  étant  mort  fix  mois  après  à  Florence,  où  le  grand 
Cofme  de  Medicis  lui  fît  des  obféques  magnifiques.  Au  refle  on 
fb)  Franc,   fait  ce  Pape  auteur  d'un  poème  fur  la  variété  de  la  Fortune,  (b). 

"^Gft         ^a  m^me  ann^e  Martin  publia  une  bulle,  par  laquelle  il  ex- 

pontif.Rom.  hortoit  tous  les  princes  Chrétiens  à  fe  croifer  pour  affilier  'Jean 

t.  iv.  p.  r0j  de  Portugal  dans  la  conquête  de  l'Afrique  ,  Se  en  même 
temps  dans  la  converfîon  des  Maures.  Mais  ces  princes  n'étoient 
guéres  en  état  de  fè  mêler  d'une  affaire  étrangère ,  pendant  qu'ils 
en  avoient  tant  de  domefliques  furies  bras.  L'Italie n'avoit pas 
encore  eu  le  temps  de  refpirer  après  les  horribles  confufions  qu'un 
long  fchifme  y  avoit  caufées.  Les  Efpagnols  n'éroient  pas  non 
plus  en  état  de  rien  entreprendre  pendant  la  minorité  du  jeune 
Roi  Alfhonfe. 

....  XII.  L'Allemagne  étoitdéfolée  par  les  guerres  civiles.  Thierri 

Allemagne.  .      '  ,        6.  .    *  *>  ... 

Archevêque  de  Cologne  en  avoit  une  avec  cette  ville  3  ou  tous 
les  Etats  circonvoifins  furent  intriguez.  'Jean  de  Naffau  Arche- 
vêque de  Mayence  en  particulier  fe  joignit  à  celui  de  Cologne 
contre  ceux  de  Cologne  ;  mais  le  premier  de  ces  prélats  ne  put 
voir  la  fin  de  cette  guerre,  puifqu'il  mourut  cette  année  après 
avoir  fiegé  24  ans.  On  l'a  fouvent  vu  paroître  dans  YHifioire 
du  Concile  de  Confiance.  Les  Turcs  &  les  Bohémiens  donnoient 
allez  d'occupation  à  Sigifmond  Roi  de  Hongrie ,  pour  ne  pas  pen- 
ser à  d'autres  affaires. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  IV.  67 
XIII.  Les  François  &  les  Anglois  étoient  toujours  aux  mains.  France  *• 
La  guerre  incefline  des  princes  de  France  s'étoic  rallumée  avec  nsetertc* 
autant  de  fureur  que  jamais.  Ce  fut  cette  année  que  Jean  duc 
de  Bourgogne,  auteur  du  meurtre  de  Loiiis  duc  d'Orléans 3 fut 
aflMîné  à  Montereau  dans  l'ifle  de  France  par  les  gens  de  Char- 
les dauphin  de  France.  Il  n'eu  pas  de  mon  fujet  de  rapporter 
ici  les  diverfes  opinions  fur  cet  ailaflînat.  Je  me  contenterai  d'in- 
férer la  réflexion  que  fait  le  pereD^»/>/îà-deflus.  Ce  qui  efi  cer- 
tain ,  c'efi  que  cette  déplorable  fin  de  Jean  duc  de  Bourgogne  fut  re- 
gardée comme  un  effet  de  la  Jufiice  divine  ,  qui  avoit  différé  juf que  $ 
a  ce  moment  la  punition  du  dète fiable  affaffinat  commis  environ  douzg 
ans  auparavant.  Le  fouvenir  de  ce  crime  fit  qu 'on plaignit  moins  ce- 
lui qui  en  avoit  été  l'auteur ,  quoique  d'ailleurs  ce  fût  un  prince  deï 
plus  accomplis  de  fon  temps ,  grand  capitaine ,  habile  dans  l'art  de  gou- 
verner 3  dont  une  grande  preuve  efi  l'autorité  qu'il  prit  fur  les  Fla- 
mans  malgré  leur  génie  indocile  ,  aimé  &  redouté  de  la  nobleffe  & 
du  peuple  ,  qui  ne  lui  fit  jamais  la  moindre  peine.  Son  ambition  dc- 
mefurec  mit  la  France  en  combufiion  3  &  a  rendu  fa  mémoire  autfi 
exécrable }  quelle  a  toujours  été  chère  &précieufe  aux  Flamans  (a).  (a)  mû.d* 
En  141  9.  mourut  à  Vannes  en  Bretagne  le  célèbre  Vincent  *ranc:d"  p' 

i-v  •••T-r  iiT-»  itt-1  /\r  Daniel , 

Jerrier ,  Dominicain  Eipagnol  du  Royaume  de  Valence  ,  âge  Tom.  M.p. 

d'environ  6  5 .  ans.  On  a  vu  dans  Phiftoire  du  Concile  de  Conflan-  9°z- 

ce  la  grande  part  qu'eut  ce  moine  aux  affaires  de  ce  temps-là. 

Ltant  tombé  malade  à  Vannes ,  dit  le  P*  Lobineau  dans  fon  hiftoire 

ce  Bretagne  ,  les  cinq  compagnons  de  fon  Ordre  ,  qu'il  avoit  amenez^ 

dEfpagne  avec  lui ,  firent  de  fi  grandes  infiances  pour  lui  perfuader de 

s'en  retourner  finir  fa  carrière  dans  fa  patrie  ,  qu'il  fie  laijfa  emmener. 

24.  ais  à  peine  fut-il  embarqué  que  la  violence  de  fon  mal  £  obligea  de  fe 

faire  rapporter  dans  la  ville.  Son  retour  rendit  la  joye  aux  habitans , 

ctmme  fon  départ  les  avoit  comblez^  de  trifieffe  ,  $•  il  fut  reçu  dans  la 

ville  au  fon  de  toutes  les  cloebes.  Dix  jours  après  il  mourut  dans  une 

naifon  particulière.  Après  quelques  particularitez  miraculeufes  , 

rhiftorien  ajoute  que  Vincent  ne  fut  pas  plutôt  mort,  que  le  Duc 

{^)fit  dire  des  Meffes  à  fon  tombeau  3  comme  on  en  dit  aux  tombeaux 

drs  autres  Saints  ,  &  fut  des  premiers  k  faire  des  informations  de  fa 

vie ,  &  de  fies  miracles  pour  fa  jeanonifation  qui  fe  fit  en  1455.  Ses 

reliques  étoient  gardées  précienfèment  à  Vannes,  6c en  d'autres 

lieux  de  la  Bretagne.  »  Mais  _,  dit  le  P.  Lobineau  ,  la  Bretagne  pen- 

(  1  )  C'efl;  Jean  V.  Duc  de  Bretagne  que  le  P.  Lobineau  reprçfente  plus  d'une  fois  comme  UH 
Prince  de  vot  jufqu'au  fcrupulc. 


68  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
«fa  perdre  ce  tréfor  dans  le  temps  de  la  ligue  ,  lorfque  quelques 
«foldats  Efpagnols  qui  étoient  en  garnifon  à  Vannes ,  &qui  fë 
«trouvèrent  par  hazard  être  de  Valence,  mandèrent  à  la  Cour 
«d'Efpagne  î'occafion  favorable  qu'ils  avoient  d'enlever  fon 
v  corps.  Philipe  II.  approuva  l'entreprife  ,  mais  voulant  faire  la 
«chofe  plus  honnêtement,  il  écrivit  au  Chapitre  le  20.  de  Juii- 
«let  1592.  une  lettre  allez  courte,  dans  laquelle  il  fuppofoit  que 
*le  Chapitre  avoit  offert  de  iui  envoyer  ces  reliques,  ajoutant 
♦>  qu'il  leur  étoit  fort  obligé  de  leur  honnêteté  ,&  que  le  plûtô 
«qu'ils  pourroient  exécuter  leur  promefle,  ils  lui  feroicnt  un 
»  très-grand  plaifir,  dont  illeurferoit  fort  obligé.  Ce  font  à  peu 
«près  Ces  termes.  Mais  comme  les  Efpagnols  s'apperçurent  que 
«  cette  lettre  ne  produifoit  rien  ,  ils  s'aviferent  d'un  ftratagême 
«pour  faire  réiiflir  leurentreprife.  Les  Chanoines  en  furent  aver- 
«tis  fort  à  propos ,  &  quelques-uns  d'entre  eux,  la  nuit ,  &  les 
«portes  fermées,  cachèrent  fî  bien  la  châfle,  qu'elle  a  été^. 
«  ans  inconnue.  Elle  fut  heureufement  trouvée  en  1 6  3 1 .  par  l'Eve- 
»  que  Sébafiien  de  Rofmadec ,  qui  en  fit  la  tranflation  le  G.  de  Sep- 
«tembre,  jour  qui  fe  célèbre  à  Vannes  avec  une  grande  folem- 
(aW-<k»nité  (a). 

Bretagn. Liv.        *_     .y  '  , 

xv.  p.  5jd.      ruiique  nous  en  lommes  a  la  Bretagne,  nous  dirons  que  le  Duc 

5î7»  de  ce  nom,  après  avoir  travaillé  inutilement  à  la  paix  des  deux 

Royaumes,  fît  une  ligue  défenfive  avec  les  Anglois.  Il  s'en  trou- 
va mal ,  car  le  Dauphin  irrité  de  cette  démarche  lui  fufcita  Mar- 
guerite de  Cliflon ,  veuve  de  Jean  de  Blois ,  qui  prétendoit  que  la 
Bretagne  étoit  à  fes  enfans.  Il  fut  arrêté  en  Anjou ,  où  l'aîné  des 
fils  de  Marguerite  l'avoit  fait  inviter,  &  de  la  conduit  en  Poitou, 
Les  Bretons  s'armèrent  aufîî-tôt  pour  la  délivrance  de  leur  Duc. 
L'ayant  obtenu  la  force  à  la  main,  on  fit  le  procès  aux  quatre 

ni/  £a/.ry'  ^s  ^e  Marguerite  ,  &  ils  furent  condamnez  à  mort  (a).  Retour- 

Tom.  xxi,  nous  en  Bohême. 

Part.  II.  p. 
S°2.JoJ. 

lïilfa 

m 


HISTOIRE 

DE       LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE    DE    BASLE. 

LIVRE      V. 

Uo  i  qju  e  les  Huflites  prévalurent  en  nombre ,  il  ne    Origine  da 
paroîc  pas  qu'ils  en  foienc  venus  à  des  voyes  de  fait  au  Tm*at  du'c»? 
moins  éclatantes  avant  le  fuplice  de  Jean  Hus ,  &  de  îkc 
Jérôme  de  Prague.  On  fe  contenta  de  difputer  avec 
beaucoup  d'animoilté  pour  &  contre  la  communion  fous  les  deux 
efpéces.  Si  l'on  en  croit  quelques  Auteurs  y  elle  ne  futquerenou- 
vellée  à  Prague,  y  ayant  déjà  été  prêchée,  mais  bien-tôt  fup- 
primée,  quelques  années  auparavant,  comme  on  l'a  dit  ci-deflus. 
Ce  fut  un  nommé  Pierre  de  Drefden  >  qui  au  raport  à'JEncas  Syl~ 

liij 


(.)H4fc*...7P  HIST-  DE  LA  GUE^^E  E>ES  HUSSITES 
hem.  Cap.  V/|W  ^  ^  en  avifa  jacobel  Prédicateur  dans  l'Eglife  de  S.  Miche!  a 
Prague.  C'eft  ce  qui  a  été  aflez  amplement  rapporté  dans  les  hif- 
toires  des  Conciles  de  Pife  &  de  Confiance.  Mais  comme  on  n'y  a 
parlé  qu'en  paflant  de  Pierre  de  Drefden ,  il  doit  trouver  ici  une 
place  particulière  comme  caufe  innocente  des  troubles  d'alors. 
Je  puis  bien  le  défigner  ainfi  fans  fortir  du  caractère  d'Hiftorien  , 
parce  qu'il  ne  le  fit  pas  dans  la  vue  de  troubler,  mais  dans  celle 
de  rétablir  une  inftitution  qu'il  croyoit  divine.  Il  paroîcque  dès 
(b)  Ville  de  l'an  1409.  Jacques  de  Mife  (b) ,  ou  Jacobel ,  &  Pierre  de  Drefden 
Bohême,  étoient  fort  unis  avec  Jean  Hus ,  de  même  que  Jérôme  de  Prague , 
Jean  de  Jeffinet^  Mathieu  Enguenim  &  Pierre  de  Launy.  Ce  fut 
cette  même  année  qu'arriva  la  défertion  des  écoliers  Allemans 
de  l'Univerfîté  de  Prague  qui  donna  auffi  apparemment  occafion 
à  Pierre  de  Drefden  de  retourner  en  fa  patrie.  (  1  ).  Il  enfeigna  d'a- 
bord les  belles  lettres  à  Drefden,  puis  à  Chemnitz^,  &  enfuiteà 
Zuifkaw.  Mais  comme  il  fe  rendit  fufped  de  HufTitifme ,  qu'v£- 
neas  Sylvius  appelle  la  lèpre  Vaudoife  3  il  quitta  la  Mifnie  pour  re- 
tourner en  Bohême  où  il  fe  croyoit  plus  en  fureté ,  parce  que 
Jean  Mus  y  avoit  un  parti  confiderable.  Il  y  exerça  la  même 
profefîîon  5  fi  ce  fut  en  public  3  ou  en  particulier  ,  c'eft  ce  qui  n'en* 
ni  aifé  ni  important  à  fçavoir.  Ce  fut  alors  que  Jacobel  convaincu 
par  les  raifons  de  Pierre  de  Drefden  prêcha  ôcadminiftra  la  com- 
munion fous  les  deux  efpéces  ,  en  l'abfence  de  Jean  Hus ,  foit  qu'il 
fût  encore  à  H uljînets ,  foit  qu'il  fut  déjà  au  Concile  ,  comme  ce 
dernier  eft  plus  vraifemblable.  Pierre  eut  d'autant  moins  de  pei- 
ne à  perfuader  Jacobel  >  qu'il  y  avoit  encore  alors  plu fieurs  Eglifes 
privilégiées  où  l'on  communioit  fous  les  deux  efpéces  avec  des 
tuyaux  préparez  pour  cela.  C'eft  ce  qu'affirme  Beatus  Rhenanus 
dans  fes  notes  fur  la  Couronne  du  foldat ,  de  Tertullien.  D'ailleurs 
Conrad Pellic an  témoigne  avoir  vu  dans  les  premières  conftitutions 
des  Chartreux ,  qu'il  leur  étoit  défendu  d'avoir  des  vafes  précieux 
àlaréfervedu  Calice,  Se  du  tuyau  dont  les  Laïques  prenoientle 
fang  dej.  C.  (2).  Un  Evêque  de  Lucques  nommé  Fervando,  dit 
dans  une  lettre  qui  fut  envoyée  en  Bohême ,  qu'en  plufieurs  mo- 

• 

(  1  )  Ilpouvoitétre  dans  les  fentimens  de  Jean  Hus  par  rapport  aux  dogmes,  &  dans  le 
parti  des  Allemands  par  rapport  aux  trois  voix. 

(  z)  Beatus  Rhenanus  ad  lertull.  de  Corona  militis  f.  41  3.  Nenpoffum  celare  Jlndiopis  antiqtû- 
tatis  Cbrijlianœ ,  Latcos  olim  cannis  folttos  haurire  Dominicum  Sanguintm  e  Calice ,  qnod  pr.tdem 
tnihi  indicavit  Paulus  Voltzius  Abbas  EugonianiCœnobii.  -  btVatte  Albertina.  -  idem  imper  re- 
perttinCartHjïorum  Conjlitutionibus  Conradus  Pellicanus  -  -  ubi  prnbibetur  ne  quidquam  pretio- 
ferum  Va  forum  poffideant  prêter  Calicem  Argenteum ,  <$  fiftulam  qua  Laici  Dominicum  fqnguiwttf 
exforbeat/t.  Apud  Jacob,  Ihomajtum  de  Petr.  Dresdtnji  §•  5i>-  Litt.  g. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  V.  71 
naftéres ,  foie  par  privilège  ,  foie  par  coutume  3  non  feulement 
l'Officiant,  mais  le  peuple  communioit  fous  les  deux  efpéces  y 
mais  que  p'erfonne  ne  croyoit  que  cela  fût  de  néceffité.  Jean  Hus 
lui-même,  quoiqu'il  approuvât  Pentreprife  de  Jacobel,  regar- 
doit  à  peu  près  la  chofe  fur  ce  pied-là.  Un  Hiftorien  a  même  avan- 
cé qu'il  avoit  écrit  de  fa  pijifon  aux  auteurs  de  cette  entreorife , 
qu'ils  avoient  enfin  trouve  un  Calice  qui  bateroitfia  mort{i  ).  C'efï  ce 
qui  ne  fe  trouve  pas  néanmoins  dans  fes  œuvres.  On  peut  voir 
dans  Yhifioiredu  Concile  de  Confiance  ce  qu'il  penfoit  là-deflus.  C'en: 
que  bien  qu'il  ne  crût  pas  la  communion  fous  les  deux  efpéces 
abfolumentnéceiïaire,  il  croyoit  pourtant  qu'elle  étoit  légitime 
&  très-utile  5  qu'elle  devoit  être  accordée  au  peuple  auiîi-bien 
qu'aux  Prêtres ,  &  qu'il  ne  falloir  troubler  ceux  qui  prêchoienc 
cette  dodrine  (a).  Au  lieu  que  Jacobel  &  Pierre  de  Drefiden  la  HMfi£*L 
croyoient  abfolument  néceflaire ,  parce  que  J. C.  Pavoit  comman-  foi.  x  l  1  i. 
dée  formellement.  Quoi  qu'il  en  foie ,  'Jacobel  incité  yn  Pierre  de  ££Xn& 
Drefiden  publia  des  thefes  en  faveur  de  la  communion  fous  les  deux 
efpéces.  Comme  il  s'appuy oit  principalement  fur  S.JeanVL  5  3  .un 
de  fes  Antagoniftes  nommé  Maître  Elie  lui  repréfènta  qu'il  fe 
trompoit,  parce  que  dans  ce  pafTage  de  S.  Jean  il  ne  s'agit  que  de  la 
manducation  fpirituelle ,  PEuchariftie  n'ayant  point  encore  été 
inftituée.  Oui,  répartit  Jacobel,  mais  quand  J.  C.  l'inftitua ,  il 
commanda  à  tous  de  boire  la  coupe.  Mais  répliqua  le  do&eur  ,  ce- 
la fe  fit  après  fouper  ,  pourquoi  n'imitez  vous  pas  J.  C.  &  ks  Apô- 
tres à  Péeard  de  cette  circonstance  (b)  ?  On  prétend  que  Jacobel    ih)Jhom!t- 

£>  ,  ,     __.       >       •       /•  *.  .1  1    ■  fl-  /««  ubi  iupr. 

acquiefça  pour  lors ,  mais  que  le  Dimanche  luivant  il  ne  lailla  pas  g2  Hagec 
de  prêcher  la  communion  fous  les  deux  efpéces  dans  fa  Paroifîe  Hift.  Boh. 
de  S.  Michel.  Le  lendemain  le  Curé  de  S.  Martin ,  nommé  Sigifi-  p"J£81417' 
mundus  R%epanki ,  difciple  de  Jacobel,  prêcha  la  même  dodrine  , 
&  même  donna  la  communion  fous  les  deux  efpéces.  Je  reviens  à 

Pierre  de  Drefiden. 

Quelques'Hiftoriens  ont  écrit  qu'il  retourna  dans  fa  patrie  en 

141 5.  Mais  le  célèbre  Jacques  Thomafius  dit  fortbien  là-  deiTus , 
quelle  apparence  qu'il  eût  quitté  Prague  qui  paflbit  pour  l'afyle 
des  hérétiques  ,  pour  retourner  en  Allemagne  où  les  bûchers 
étoient  allumez  de  toutes  parts ,  comme  à  W ormes  ,  à  Spire,  à  Ra- 
tifiions ,  à  Gotha ,  à  Berlin ,  à  Sançuerhufie ,  à  Magdebourg  T  à  Stral- 
fiundfi  Pierre  de  Drefiden  mourut  fort  âgé  en  1 440.  C'eft  à  lui  qu'on 

(i)Illos  tiViflcmreperiJJe poculum  tjuodftbi  mortem  accélérant.  Dubrav.  JI'/ï-  Boh.  L,  XXVI, 

p.&tt» 


72         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

attribua  l'invention  de  ces  hymnes  (i)  &  de  ces  chanfons  fpiri. 
ruelles  entremêlées  de  latin  &  d'allemand,  qui  font  encore  en 
m  u^ge  dans  les  Eglïfes  de  la  Confefllon  d'Augsbourg.  Il  les  com- 
fiuvLtofr.  pol'a étant  Recteur,  ou  fimplement  régent  de  quelque  école.  On 
p.Zp.joach.  conje&ure  qu'il  avoit auiïi le cara&ere  de  chantre,  &  qu'il  corn- 
Frat.  Or-  C  P°^a  des  airs  Pour  ^es  hymnes  (a).  Son  defl'ein  étoit  d'abord  de 
fhod.Ecclcs.  les  faire  tout  en  allemand  ,  mais  y  ayant  trouvé  de  l'oppofition, 
Moravia  il  prit  ce  tempéramment  pour  ne  pas  effaroucher  ceux  de  la  re- 
Poion.pag.  ligion  dominante,  qui  n'employoient  que  le  latin  dans  le  cuice 
48,  divin.  On  prétend  même  qu'il  en  obtint  la  permiffion  du  Pape, 

Eclatdu  1 1.  Ce  fut  auffi-tôt  après  le  fuplice  de  Jean  Hus  que  commen- 
Hu  uifmc.  ^a  je  granci  ^clat  du  HufTirifme.  Il  y  avoit  bien  eu  des  l'an  141 1. 
des  querelles ,  &c  même  des  batteries  à  l'occafîon  de  la  Croifa- 
de  que  Jean  JfJTIII.  publia  contre  Ladiflas  de  Hongrie ,  Se 
contre  laquelle  Jean  Hus  prêchoit  publiquement  &.  avec  beau- 
coup de  chaleur.  On  a  vu  ailleurs  qu'on  exécuta  trois  hommes 
pour  avoir  foutenu  Jean  Hus  dans  cette  affaire.  Comme  le  plus 
grand  nombre  étoit  dans  fon  parti,  la  ville  de  Prague  fut  mife 
à  l'interdit  à  la  réferve  de  la  forterefle  de  wifrhade  qui  étoic 
exempte  de  la  jurifdi&ion  du  Pape.  Cet  interdit  obligea  Jean 
Hus  à  fe  retirer  à  Huflînets  3  èc  de  là  à  Cracovit^ ,  dans  le  di$f}& 
de  Prachin  ,  afin  que  le  Service  Divin  ne  fut  pas  interrompu 
dans  la  capitale  à  fon  occasion.  Autant  que  je  le  puisfeavoir^  au 
milieu  d'une  aufîî  grande  obfcurité  qu'eft  celle  de  l'hiftoire  ,  pen- 
dant cet  intervalle  tout  fe  pafTa  afTez  tranquilement  à  Prague  juf- 
qu'au  fupplice  de  Jean  Hus.  Mais  dès  que  la  nouvelle  en  fut  arri- 
vée à  Prague  on  ne  garda  plus  de  mefures ,  ce  fut  un  foulevement 
univérfel  On  a  vu  dans  Yhiftoire  du  Concile  de  Confiance  les  lettres 
pleines  de  reproches  fanglants  que  les  grands  de  Bohême  écrivi- 
rent là-defîus  au  Concile  j  je  remarquerai  feulement  au  fujet  de 
ces  lettres  3  qu'étant  lignées  de  ce  qu'il  y  avoit  de  plusilluftreea 
Bohême,  on  n'a  pu.  avancer,  comme  quelques  Hiftoriens  paf- 
fionnez  Ton  fait,  que  Jean  Hus  n'étoit  fuivi  que  de  la  lie  du  peu- 
ple ,  de  gens  chargez  de  dettes ,  ou  de  crimes ,  d'Ecclé/iaftiques 
<W  ¥v- ubi  mal-contens  &  jaloux  de  n'être  pas  avancez  à  leur  gré  (b).  Le 
fcÇy;ap' •  contraire  paroît  encore  par  le  témoignage  que  l'Univerfité  ren- 
dit à  Jean  Hus  après  fon  fupplice.  Comme  on  n'en  a  pas  parlé  que 

(r)  Le  fçavajit  M.  Chrétien  Schetgen  a  fait  une  DhTertation  curieufe  fur  une  des  Hymnes  où. 
les  Bienheureux  font  reprefertfe*  dans  la  Cour  celelk  arec  des  habits  à  clochettes,  De  polis  m 
pejlitit.  Starrard.  171$. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  V.      73 

je  fçache  dans  Ybi/loire  du  Concile  de  Confiance ,  il  eft  bon  d'en  don- 
ner ici  le  précis. 

I I I.  Ce  témoignage  eft  adrefïé  de  la  parc  du  Recteur,  &  de  Témoignage 
toute  l'Univerfité  unanimement,  h  tous  les  enf ans  de  Sainte  Mère  àe  l'Univer-, 
Eglife  Catholique  répandue  dans   le  monde.  Jean  Mus  y  eft  re-  gueenfk-*" 
prefenté  comme  un  grand  6c  un  faint  homme-,  dont  la  m  émoi-  veurde  lem 
re  eft  très-précieufe  à  toute  i'Univerfité.  »  Il  avoit,  dit-on  dans  Uui' 
«cette  pièce,  unefpric  fupérieur,  une  pénétration  vive  6c  pro- 
fonde 3  nul  n'étoit  plus  prêt  à  écrire  fur  le  champ,  ni  a  faire 

»  des  réponfes  plus  fortes  aux  objections.  Perfonne  n'avoit  un  zèle 
»  plus  véhément  &  mieux  conduit  en  chaire;  on  ne  l'a  jamais  trou- 
»vé  dans  aucun  erreur  ,  que  dans  le  confeil  des  médians  qui  Pont 
«déchiré  à  caufe  de  ion  amour  pour  lajuftice.  O  homme  d'une 
»  vertu  ineftimable  ,  d'une  fainteté  éclatante,  d'une  humilité  6c 
«d'une  pieté  inimitable,  d'un  defintereflement  6c  d'une  charité 
«  fans  exemple  !  Il  méprifoit  les  richeiles  au  fouverain  degré,  il 
>>  ouvroit  (es  entrailles  aux  pauvres  $  on  le  voyoit  fouvent  à  genoux 
«au  pié  du  lit  des  malades  ^  les  naturels  les  plus  indomptables  , 
j>  il  les  gagnoit  par  fa  douceur  ,  &  il  ramenoit  les  impénitens  par 
»  des  torrens  de  larmes  5  il  tiroir  de  l'Ecriture  fainte  enfevelie  dans 
»  l'oubli  des  motifs  puiflans*  6c  tout  nouveaux  pour  engager  les 
»eccléfiaftiques  vicieux  à  revenir  de  leurs  égaremens  ,6c  à  rem- 
»plir  les  engagemens  de  leur  caraélere  ,  ôc  pour  réformer  les 
«mœurs  de  tous  les  ordres,  fur  le  pié  de  la  primitive  Eglife». 
Après  cet  éloge  on  pafle  à  fon  fupplice  en  ces  mots  :  »  Les  oppro- 
bres, les  calomnies,  la  famine,  l'infamie,  mille  tourmens  in- 
»;  humains ,  &  enfin  la  mort  qu'il  a  foufFerte  ,  tout  cela ,  non  feu- 
lement avec  patience  ,  mais  même  d'un  vifage  tranquile  & 
»  riant  :  toutes  ces  chofes  font  un  témoignage  authentique  d'une 
«vertu  à  toute  épreuve  &  d'une  confiance  aufïï-bien  que  d'une  foi 
«oc  d'une  pieté  inébranlables  (a).  Nous  avons  cru  devoir  expofer  (a)  Seyfnj. 
»  toutes  ces  chofes  aux  yeux  de  la  chrétienté  pour  empêcher  que  ubifupr.  p. 
«les  fidèles  trompez  par  de  fauflès  imputations  ne  donnent  quel- 
que atteinte  à  la  renommée  de  cet  homme  jufte,  ni  d'aucun 
»  de  ceux  qui  fuivent  fa  doctrine. 

IV.  Je  trouve  encore  dans  le  même  auteur  une  longue  invec-  invcdîvcdes 
tive  contre  le  Concile  de  Confiance  au  fujet  du  fupplice  de  Jean  trel'ic  Conci- 
Hus.  Elle  eft  fanglante,  6c  emporte  la  pièce  contre  ç£  Concile,  lcdeConfr 
,6c  contre  l'Eglife  Romaine  ,  6c  on  voit  bien  qu'elle  part  de  la  plu-  * 
îte  d'un  des  plus  chauds  amis  de  ce  docteur  de  Bohême.  On  y 

Tom.  I.  K 


tance 


74         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
die  que  le  Concile  a  été  aiïemblé ,  non  par  l'efpric  de  Dieu ,  mais 
par  l'efpric  de  malice,  de  cruauté  &  de  fureur.  Qu'on  y  a  con- 
damné un  innocent  fur  la  dépofîtion  de  perfonnes  infâmes  fans 
vouloir  écouter  des  Evêques ,  des  docteurs,  &  des  perfonnes  de 
tout  ordre  en  Bohême,  qui  rendoient  témoignage  à  fon  ortho- 
doxie &  à  fa  foi.  Cette  aflembîée  y  eft.  traitée  d'ante-chrift  mo- 
derne 5  &  tous  fes  membres  de  fatrapes  de  Fante-chrift ,  &:  on  les 
compare  au  confeil  des  Pharifiens  contre  J.  C.  A  l'égard  de  l'E- 
glife  romaine  elle  y  eft  traitée  fans  détour  de  paillarde  effrontée. 
On  ramaflé  après  cela  tous  les  exemples  de  persécutions  dont 
l'hiftoire  fe  trouve  dans  l'Ecriture  fainte.,  pour  en  faire  l'applica- 
tion à  l'exécution  de  Jean  Hus.  Cette  pièce  courut  toute  l'Alle- 
magne 3  &  on  prétend  qu'elle  irrita  tellement  le  Pape  &;  les  Car- 
dinaux, qu'il  fut  réfolu  de  faire  les  derniers  &  les  plus  violens  ef- 
forts pour  extirper  le  Huftitifme.  Mais ,  dit  notre  auteur,  cétoit 
jetter  de  l'huile  dans  le  feu ,  &  ce  fut  là  l'origine  de  la  guerre  Hufjî- 
(n)  Scyfr.  p.  tique  (a).  Je  croirois  pourtant  que  cet  écrit  eut  moins  de  part  à 
12*.  cette  refolution  ,  que  la  déclaration  que  fit  Jean  Dominique  Car- 

dinal de  Ragufe  &  légat  du  Pape  en  Bohême  où  il  avoit  été  fi  mal 
reçu,  qu'il  écrivit  au  Pape  &  à  l'Empereur  (i)  que  les  Huf/ïtes  ne 
fouvoient  être  ramené 'Z^que  par  le  fer  &  le  feu.  Sigifmond  n'écouta 
pourtant  pas  d'abord  cette  propofition,  jugeant  plus  à  propos 
d'attendre  que  l'orage  fe  diflipât  avant  que  d'en  venir  aux  der- 
nières extrémitez  contre  un  royaume  qu'il  regardoit  comme  fien. 
Mais  les  Iluilites  après  l'exécution  de  leur  docleur  ne  fe  trou- 
vèrent pas  d'humeur  de  plus  garder  de  mefures. 

Ce  n'étoit  que  lamentations  dans  les  maifons  publiques  &  par- 
ticulières fur  la  mort  de  Jean  Hus.  Les  Eglifes  retentifîoient  de 
ies  louanges.  On  établit  même  un  jour  pour  folemnifer  tous  les 
ans  fa  fête  comme  celle  d'un  martyr  (i)  j  ce  fut  le  6.  Juillet  Jour 
de  fon  fupplice.  On  fit  batre  des  médailles  en  fon  honneur. 
Déclaration      y  çe  fLlC  ^  peu  pr£s  dans  ce  même  temps  que  l'Univerfité  qui 
fitédcPngue  étoic  toute  pleine  de  Huflites ,  fit  fa  déclaration  en  faveur  de  la 
en  faveur  de  communion  ..fous  lesdeux  efpeces ,  ayant  pour  Recteur  Jean  Ctr- 
nionfousks^^i  ma*cre  aux  arts  &  bachelier  en  droit.  On  en  a  donné  la 
deux  efpc-    fubftance  dans  Yhifioire  du  Concile  de  Confiance.  Je  la  donne  ici  tou- 
te entière  ,  parce  que  par  rapport  à  cette  hiltoire  il  eft  important 
de  bien  feavoir  &  le  vrai  fentiment  de  ces  docteurs ,  &  les  motifs 

(i)  Voyez  le  cara&ere  de  ce  Prélat.  H//?,  au  Concile deConflance.T.  I. 
(z;  Gette  refolution  fut  r. rifç  k  G-  de  Juillet  1417-  Seyf.p.  174. 


■CCS. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  V\  jj 
qu'on  a  eus  de  les  poufïer  fi  .vivement ,  Se  l'importance  de  Ja 
queftion  en  elle-même.  On  la  donnera  même  mot  à  mot  dans  (on 
ftile  obfcur  &  myftique. 

A  tous  les  fidèles  chrétiens ,  ^ean  Cardinal ,  maître  aux  Arts  6* 
Bachelier  en  droit ,  ^  ft?#/£  PVniverfité  de  Prague }  falut. 

«  Nous  fommes  inftamment  follicitez  par  plusieurs ,  tant  de* 
«o-rands,  que  do  peuple  de  donner  une  pleine  confeiïîon  de  foi 
»  couchant  le  vénérable  facrement  de  l'Euchariftie  ;  fçavoir  *'il 
«eft  expédient  pour  le  falut,  que  félon  la  loi  de  J.  C.  notre  re- 
»  dempteur  ôc  notre  maître,  tous  les  fidèles  chrétiens  prennent 
„  l'Euchariftie  fous  l'une  &  l'autre  efpéce ,  &  fi  le  clergé  la  leur 
»  peut  légitimement  adminiftrer.  Comme  tout  le  monde  eft  obli- 
»gé  d'avancer  de  toutfon  pouvoir  le  falut  du  prochain,  &  d'é- 
«  loigner  les  obftacles  qui  s'y  oppofent ,  êc  principalement  ceux 
«qui  préfident,  nous,  félon  notce  devoir  de  maîtres  6c  de  doc- 
teurs, fans  rien  prétendre  par  témérité  ,  préemption,  Ôcopi- 
»niatreté3fans  vouloir  rien  définir  contre  la  fainte  Eglifecatholi- 
»que  romaine,  6c  introduire  des  nouveautez,  &  proteftant  de 
«  notre  orthodoxie  dans  la  foi,  nous  fommes  prêts  à  répondre  à' 
«leurs  honnêtes  6c  légitimes  inftances,  de  peur  que  les  fidèles  ne 
s>  foient  flottants  &  fufpendus  par  des  doutes  6c  des  fcrupules ,  de 
«pour  n'être  pas  aceufez  de  trahir  la  vérité  par  honte  ou  parti- 
«  midité  ,  félon  cette  parole  de  l'Eccléflaftique ,  Ne  roupjje^point 
r  de  la  vérité  pour  le  falut  de  votre  àme  (a) ,  d'autant  plus  que ,  corn-  (a)  tcchfiafi. 
»  me  on  l'a  dit ,  le  Concile  de  Confiance  qui  fe  tient  àpréfent  a  Chap.IV.  v. 
«reconnu  que  la  communion  a  été  ainfi  inftituée  6c  adminiftrée  4' 
«par  J.C.&  qu'elle  a  été  ainfi  pratiquée  catholiquement(i)  pen- 
«  dant  longtemps.  Nous  donc  pour  répondre  avec  liberté  ôc  avec 
«circonfpection  à  leurs  demandes  3  nous   déclarons  fidèlement 
«  que  notre  Sauveur  pendant  fa  converfation  en  chair  étant  prêt 
«de  quitter  la  terre  pour  aller  au  ciel  nous  préparer  place  dans 
«  le  règne  de  la  terre  de  promifîion  ,  après  avoir  accompli  toutes 
»  les  figures  ôc  tous  les  types  de  la  loi,  voulant  établir  une  nou- 
»  velle  alliance,a  inftitué,  encr'autres  chofes  falutaires  ,  un  mémo- 
«rial  de  fa  pafïîon  glorieufe  pour  l'avancement  de  notre  foi  ôede 
«  notre  pieté  ,  6c  pour  nous  foutenir  dans  le  voyage  de  la  terre  pro- 
«mife.  Ce  facrement  eft  redoutable  6c  admirable  ^  c'eftune  nou- 
»  velle  Pâque  y  c'eft  une  manne  myftique  ,  6c  par  fa  munificence 
«il  la  donne  à  tous  les  chrétiens,  non  fous  une  feule  efpéce. 

Çi)  Catbili<ju;ment ,  cela  fignific  ,  ou  partout,  ou  félon  la  Foi  Catholique. 

Kij 


76  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

»  Quoique  l'on  croye  que  Chrift  eft  roue  entier  fous  Tune  ou  fous 
»  l'autre ,  cependant  pour  la  plénitude  de  la  réfe&ion  de  fa  mao-- 
«nifique  cène,  &  pour  £ "augmentation  du  ?nérite ,  il  a  voulu  que 
»  félon  le  lieu  &  le  temps ,  on  prît  le  fièrement  fous  les  deux  efpé- 
»ces,  engageant  fes  difciples  fous  peine  d'être  exclus  du  royau- 
»  me  des  cieux  à  le  diftribuer  ainfî  pour  annoncer  fa  mort ,  jufqu'à 
5' ce  qu'il  vienne,  comme  cela  paroît  clairement  d'une  manière 
»  irréfragable  par  plufieurs  paflages  de  l'Evangile,  &  par  le  con- 
sentement unanime  de  prefque  tous  les  Sts.  docieurs,  fur  tout 
»  des  anciens ,  enforte  qu'il  n'y  a  nulle  difficulté  à  faire  là-deflus. 
»  C'eft.  pourquoi  fi  Ton  veut  donner  aux  chrétiens  des  inftrudions 
»  vrayes  6c  utiles ,  fi  l'on  veut  avancer  leur  falut ,  fi  l'on  prend  plai- 
«firàce  quieUhonête,    fi  l'ondéfireun  antidote  falutaire  con- 
tre la  fragilité  humaine,  fi  l'on  veut  falutairement  faire  la  com- 
«mémoration  du  Sauveur,  il  faut  fuivre  cette  inftitution.  Nous 
»  conjurons  inftamment ,  par  les  entrailles  delà  miféricorde  de  T. 
»  C.  de  courir  à  ce  facrement  vivifiant  des  deux  efpéces  avec  em- 
t  «preiîement&aiîîduiré,  quoique  ce  ne  foit  qu'un  feul  &  même 
>' facrement  qui  renferme  d'une  manière  incompréhenfible  à  la 
«raifon  humaine  par  un  profond  6c  admirable  confeil  de  Dieu, 
»  la  nourriture  de  l'ame,  dans  lequel  fe  trouve  toute  prérogative 
»de  grâce,  l'augmentation  de  la  foi,  tout  ce  qui  peut  déleder 
»  l'ame  &  l'édifier  pour  l'immortalité.  Nous  exhortons  tous  le3 
«fidèles  de  s'y  préparer  de  toutes  leurs  forces  x  &  de  vaquer  fré- 
quemment 6c  dévotement  à  ce  faint  exercice  plus  déle&able 
«qu'onéreux,  &  qui  renferme  encore  plus  de  félicite,  que  d'util 
«lité;  afin  que  repus  de  ce  falutaire  aliment  de  la  manne  célefte, 
»&  de  ce  très  faint  breuvage  de  h  pierre  qui  eft  Chrift,  ils  puif- 
»  lent  avoir  le  bonheur  d'obtenir  6c  de  mériter  la  vie  divine  de 
«  la  terre  promiiè.  Que  fi  parmi  nos  prédecefleiurs ,  ou  parmi  ceux 
»qui  font  encore  parmi  nous  ;  cette  pratique  n'a  pas  été  obfer- 
»vée  ,  non  feulement  à  l'égard  des  malades,,  mais  auffi  à  l'é- 
» gard  des fains ,  foit  par  ignorance  6c  par  /implicite,  foit  que  la 
«néceifité  impofée  par  une  maladie  ou  quelque  autre  cas  ne 
«permît  pas  de  le  faire  fûrement  6c  commodément ,  nous  efpe- 
«ronsdela  miféricorde  divine  qu'elle  aura  de  l'indulgence  pour 
«leur  (implicite  , ou  pour  la  néceffité  qui  lésa  contraints  d  omet- 
tre cette  pratique.  Que  fi  quelque  conftitution  humaine  qui  le 
«foit  nouvellement  inventée  6c  inconnue  aux  /acrez  Canons 
?(quœ  jam  fridem  infacris  canonibus  nondum  cjt  reperta  nec  de  poft 


y 
ET  DU  CONCILE  DE  B£SLE.  Liv.  V.        77 

»  ut  credimus  affutura ,  )  ou  quelque  puiiïance  infidieufe  &  redou- 
»  cable  ,  ou  quelques  comminations  ou  terreurs  s'oppofoient  à  cet- 
«ce  facrée  constitution  de  J.  C.  rien  ne  fçauroit nous  en  décacher, 
«quand  même  ceferoitun  ange  du  Ciel,  parce  que  ceferoiten- 
«fèigner  autremencquece  que  J.  C.nocremaîcre,  auteur  8c  doc- 
«  ceur  de  ce  facrifice  n'a  faic  &  enfeigné.  Ainfi  il  ne  fauc  avoir  au- 
«cunégardà  ce  dogme  d'invention  humaine,  parce  qu'il  eft  fuf. 
»  pe&  de  entièrement  oppofé  à  la  vérité  évangelique  :  au  contraire 
»il  faut  s'en  tenir  religieulementà  la  doctrine  de  j.  C.  qui  doit 
«  l'emporter  fur  toute  autre  ordonnance,  6c  à  qui  toute  coutume  6c 
«coure  invention  doit  céder.  Donné  à  Prague  le  10.de  Mars  141 7. 
»  en  pleine  affemblèc  des  docteurs  de  P'Vniverfeté,  &  le  fceau  appofê  (  1  ) . 

Je  rapporterai  ici  le  jugement  de  Cochlèe  fur  cette  décifîon 
de  l'Univerfïté.  »  C'elt-là  ,  dit-il ,  la  glu  avec  laquelle  on  attrape 
«lesoifèaux  jee  font  les  filets  où  l'on  (2)  enlace  les  hérétiques.  Il 
»  y  a  déjà  plus  de  100.  ans  qu'une  infinité  d'ames  y  ont  été  prifes 
»  à  leur  éternelle  damnation  3  fur  couc  en  Allemagne  beaucoup 
«plus  vafte  que  la  Bohême  -y  car  les  nouveaux  Huiîites  d'Aile- 
«magne  font  coujours  marcher  à  la  tête  de  leurs  dogmes  celui 
«qu'ils  ont  malheureufemenc  empruncé  des  anciens  Hufîices  de 
»  Bohême. C'eft  à  fa  faveur  qu'ils  introduifent  leurs  autres  dogmes 
«  beaucoup  plus  impies  ôc  moins  probables ,  enforte  que  c'eft  com- 
»  me  la  porte  par  où  entrent  tous  les  articles  des  fchifmatiques  6c 
«  des  hérétiques ,  quelque  impies  &  quelque  abfurdes  qu'ils  foient. 
»  Car  ce  dogme  n'eft  pas  impie  &  erronné  en  lui-même ,  puifqu'il 
«dépend  du  Papeôc  de  l'Eglife  d'ordonner  qu'on  adminiftre  le 
»  vénérable  facrement  aux  laïques ,  foie  fous  les  deux  efpéces , 
»  foie  fous  une  feulement.  Mais  c'eft  une  héré fie  &  une  erreur  de 
»  dire  &l  de  décider  que  l'Eglife  erre  ou  pèche  en  donnanc  la  corn» 
»  munion  fous  une  efpéce ,  &  qu'il  eft  de  néceflité  de  la  ieur  don- 
»ner  fous  toutes  les  deux.  »  Jepaiîe  les  autres  raifonnemens  de 
Cochlèe  contre  cette  (a)  décifîon  3  parce  qu'une  hiftoire  n'eft  pas  u\  çgcf)Uubi 
un  ouvrage  de  controverfe.  fupra. 

VI.  Si  le  rétabliiTement  de  la  coupe  étoit  d'une  afTez  grande  né-  siiaCom- 
cefiité  pour  mettre  en  combuftion  tout  un  royaume ,  ou  fi  le  mê-  munion  fe 
me  rétabliiïement  étoit  un  allez  grand  crime  pour  attirer  une  fi  tion"°!t  par 

O  1  des  Laïques 

(i)Cwî/.HÏft.  HinTit.Liv.IV.  pag.  l$p.  i6*i.  Tbeob.  Bell.  Huflït.p.  64.  6*f.Iiya  bien  chezlesHuf- 
quelques  varierez  dans  les  copies  de  Cochlèe  &  de  Thibaut  i  mais  c'eft  plutôt  dans  les  termes 
que  quant  au  fens.  Voyez  auffi  Bzov.  ann.  1417»  Num.  15. 

(  2  )  Cochlèe  mourut  en  x  5"  5  2.  •  Il  faut  donc  que  la  Communion  fous  les  deux  cfpéccs  fut  en 
ufage  en  Allemagne  long-temps  avant  la  reforme  de  Luther. 

Kiij 


78       HIST.  DE  LÀ.  GUERRE  DES  HUSSITES 

furieufe  tempête  furies  Bohémiens,  c'eft  encore  une  queftion  de 
droit,  une  controverse  de  religion ,  qui  n'eft  pas  démon  reflbrt. 
Mais  fuppofé  ,  comme  on  peut  le  faire ,  que  ce  rétabliilement  fût 
légitime  ,  il  arriva  à  cet  égard  ce  qui  arrive  aux  meilleurs  inftitu- 
tions ,  c'eft  qu'on  en  abuïa  ,  s'il  cil;  vrai  que  les  Laïques  entrepre- 
noient  d'adminiftrer  la  communion.  Je  trouve  pluileurs  auteurs 
qui  l'affirment-,  il  y  en  a  aufli  un  bon  nombre  qui  n'en  difent  mot, 
mais  je  n'en  trouve  point  qui  ait  formellement  defavouc  le  fait.  Il 
eft  vrai  que  l'Evêque  deZytbomils  l'avança  au  Concile  de  Confian- 
ce. Mais  les  feigneurs  de  Bohême  s'en  plaignirent  hautement 
comme  d'une  calomnie  dont  ils  demandoient  réparation.  »Très- 
»  révérend  père  &  feigneur,  il  eft  venu  à  la  connoiiîance  des  fei- 
gneurs gentilshommes  de  Bohême  ici  préfens,  que  les  ennemis 
»  &  calomniateurs  de  l'illuftre  royaume  de  Bohême  ont  rappor- 
té à  vos  paternitez,  que  le  lacrement  du  très-précieux  fahg  du, 
»  Seigneur  fe  porte  en  Bohême  dans  des  vafesnon  confacrez,  & 
»>  que  des  cordonniers  entendent  les  confejjîons  &  administrent  le  facré 
»  corps  de  notre  Seigneur.  C'eft  pourquoi  lefdits  Seigneurs   vous 
»  prient  de  ne  point  ajouter  foi  à  ces  faux  délateurs ,  &  de  nommer 
»  qui  font  ceux  qui  diffament  ainfî  ledit  Royaume  de  Bohême, 
»>afin  qu'ils  en  répondent  devant  vous  &  devant  le  Roi.  »  En  effet  y 
l'Evêque  de  Lythomils  dans  fon  apologie  nia  formellement  d'a- 
voir avancé  que  des  cordonniers  adminiftraflent  la  Communion 
en  Bohême,  quoiqu'il  dît  qu'il  craignoit  que  cela  n'arrivât.  Il  dit 
aufîi  alors  qu'il  avoir  oui  dire  à  des  gens  dignes  de  foi ,  qu'une  fem- 
me de  cette  Secte  avoit  arraché  le  Corps  du  Seigneur  des  mains 
d'un  Prêtre ,  &  s'étoit  communiée  elle  -  même  ,  ailurant  qu'il  en 
falloitufer  ainfî  quand  le  Prêtre  refufoit  la  Communion,  &  qu'en- 
tre plufieurs  erreurs  dont  elle  avoit  été  convaincue,  elle  avoit 
Mviede  affirmé  qu'un  homme  laïque  ou  une  femme  laïque  de  bonne  vie 
7f*«H«Màh  pouvoit  mieux  abfoudre  &  confacrer  qu'un  mauvais  Prêtre  (a). 
o^vm.  Foi.  -De  là  je  tire  les  concluions  Suivantes  j  la  première  eft  3  que  le  fait 
Vjiïr         de  la  femme  n'eft  qu'un  oui  dire  ,  la  féconde,  c'eft  que  l'emporte- 
ment ou  le  fanatifme  d'une  femme  ne  doit  point  tirer  à  çonfé- 
quence  pour  le  général.  La  troifiéme,  c'eft  que  l'Evêque  n'ofa 
foûtenirque  les  laïques  donnaient  la  Communion.  La  quatrième, 
c'eft  que  1  équité  veut  qu'on  s'en  rapporte  plutôt  à  ce  témoignage 
du  temps  où  les  chofesfe  font  pafîées ,  qu'à  celui  d'Hiftoriens  mo- 
dernes &:  pafîionnez.  Cependant  Albert  Krantxius  chroniqueur 
çlu  commencement  du  XVI.  fîécle  3  èc  après  Cochlce  &  Krantxius , 


ET  DU  CONCILEDE  BAS  LE.  Zîv.  V.        79 

les  continuateurs  deHaronius  ont  avancé  deux  faits  que  je  ne  dois 
pas  diffimuler ,  fans  pourtant  vouloir  en  être  le  garant.  Je  les  rap- 
porterai dans  les  termes  du  chroniqueur.  »  Ccmme  le  mal  alloic 
toujours  en  croiflanten  Bohême,,  les  hérétiques  en  vinrent  à  ce 
-j  point  de  témérité  ,  que  confondant  les  ordres  dansl'Eglife,  les 
«laïques  s'ingeroient  d'adminiftrerles  Sacrernens  à  Prague.  Il  y 
«eut  même  un  hérétique  laïque  d'ordre,  &  cordonnier  de  pro- 
fcfeffion,  qui  réfiftant  aux  Prêtres  entreprit  d'adminiftrer  les  Sa-  0>)Kraflt*-ius 
«cremens.  Cet  attentat  réveilla  enfin  Wenceflasdefa.  nonchalance  a  27.  p. 
>»  &  de  fa  léthargie ,  &  il  fit  brûler  cet  homme  facrilége  (a).  H1- 

VII.  Je  ne  prétens  pas  concerter  ce  fait ,  mais  il  me  fera  bien  Simncejias  .1 
permis  de  l'examiner.  On  le  rapporc%à  l'an  141 7.  Il  faut  voir  d'à-  faitcrûier 
bord  la  ficuation  où  fe  trouvoit  Wenceflas  cette  année-là.  Quand  iTer  Huffite". 
l'Univerfité  eut  pris  la  réfolution  de  maintenir  la  Communion 
fous  les  deux  efpéces ,  les  Grands  de  Bohême  s'afîemblerent  pour 
fçavoir  ce  qu'il  y  avoit  à  faire  par  rapport  à  l'Eglife  &  à  l'Etat.  Leur 
conclusion  fut  d'aller  trouver  le  Roi  pour  le  prier  de  venir  mettre 
ordre  à  l'un  ôc  à  l'autre ,  &  ils  lui  envoyèrent  une  députation  d'en- 
tre les  plus  confidérables.  Il  s'étoit  réfugié  contre  les  troubles 
dans  un  château  appelle  Toc^nik  ,  qu'il  avoic  fait  bâtir  fur  une 
montagne  dans  le  dirtri&de  Pôdvvefter.  Dès  qu'il  reconnut  ces 
députez  de  loin  ,  il  en  eut  fi  grand'  peur  qu'il  fit  redoubler  la  garde 
du  château,  craignant  d'être  mis  en  prifon  pour  latroifiéme  fois. 
Il  en  admit  pourtant  quelques-uns  â  l'audience.  Us  le  prièrent  de 
vouloir  venir. faire  fa  réfidence  à  Prague  comme  fes  prédecefleurs, 
pour  appaifer  les  troubles  du  Royaume ,  &  le  purger  des  brigands 
&desalIaiîinsdontil  étoit  infefté.  Il  ne  promit  d'abord  que  d'al- 
ler fe  rendre  à  Ziebrak  petite  ville  du  même  diftrid  ,  où  apparem- 
ment il  étoit  alors  plus  facile  de  délibérer,  ne  diffimulant  pas  fes 
ombrages.  Enfin  â  forces  d'inftances  il  leur  promit  de  fe  rendre  â 
Prague  dans  la  forteretfe  de  Wifrhade,  &  il  y  alla  en  effet  avec 
eux.  Quelques  jours  après  qu'il  y  fut  arrivé,  des  députez  de  la 
ville  avec  quelques  Seigneurs  allèrent  le  fupplier  inftamment 
de  leur  accorder  quelques  Eglifes  pour  enfeigner  le  peuple  à  leur 
manière,  &  pour  donner  la  Communion  félon  l'inftitution  de 
J.  Cilles  leur  promit  d'abord  3  mais  enfuiteil  leur  demanda  du 
temps  pour  y  penfer.  En  attendant  il  fit  dire  à  Nicolas  Seigneur 
de  Hufîinetz  qui  apparemment  étoit  â  la  tête  de  ceux  qui  avoienc 
demandé  des  Eglifes  ,  quilfiloit  là  une  corde  pur  fe  faire  pendre > 
Nicolas  irrité  ôc  en  même  temps  intimidé  par  cette  menace  fere- 


So  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
tira  de  Prague  dans  la  Province  de  Bechin  où.  étoit  "HuJJînet^  dont 
il  étoit  feigneur,  &:  prit  dès  lors  la  réfolution  defe  mettre  avec 
tout  ce  qu'il  y  avoit  deHuffites  dans  la  Bohême  en  bon  état  de  dé- 
fenfe.  Cependant  les  Huiîites  de  Prague  inflftoient  toujours  même 
avec  violence,  Scies  armes  à  la  main,  a  demander  des  Eglifes.  Un 
jour  qu'ils  étoient  au  Palais  royal  pour  folliciter  la  réponfe  du 
Roi,  deux  Seigneurs  de  fes  Confeillers  leur  firent  cette  réponfe ,  Le 
Roi  délibère  encore  là-dejfus.  Il  étoit  ajfezjjorté  à  vous  accorder  votre 
demande  ;  mais  vous  l'en  avezjiétourné  3  parce  que  vous  voulczJ.es  Egli- 
fes y  -pour  ainfi  dire ,  à  main  armée  j  cefi  pourquoi  il  vous  ordonne  k 
tous  de  venir  au  Palais  3  &  de  mettre  bas  toutes  vos  armes  devant  lui. 
Lçfénat  fut  fort  allarmé'de^tte  réponfe.  Il  y  avoit  du  danger  à 
obéïr  j  parce  qu'il  pouvoit  arriver  du  foulevement ,  &  à  ne  pas 
obéir,  parce  que  le  Roi  n'auroit  pas  manqué  d'en  faire  un  chati- 
CaHiv  vi.  menc  exemplaire.  On  peut  voir  dans  l'Hifloire  du  Concile  de  Conf- 
p.  224. 225.  tance  comment  Ziska  les  tira  d'affaire  (a).  Tout  ceci  eft  tiré  de 
(b)ubifupr.  xheobald(b)  à-qui  Balbin  n'a  rien  à  reprocher  que  le  Huflitifme. 

Or ,  pour  revenir  au  fait ,  eft-il  vraifemblable  que  dans  ces  con- 
fulîons  en  Bohême  on  eût  eu  la  liberté  de  faire  tranquillement  le 
procès  à  un  hérétique,  fur  tout  pendant  que  les  Huifites  étoienc 
les  plus  forts ,  ôc  qu'on  mettoit  tout  à  feu  6c  à  fang  de  part  &  d'au- 
tre ?  Voici  comme  s'en  explique  l'auteur  de  la  Perfécution  des  Egli- 
fes de  Bohème ,  qui  parparenthèfene  met  point  le  cordonnier  H  uf- 
fiteaurang  de  [qs  martyrs  (i),ce  qu'il  n'auroit  pas  manqué  de 
faire ,  fi  le  récit  de  KrantQus  étoit  véritable.  Cefi  ainjï^  dit  cet 
auteur  fur  cette  année  3  que  le  Concile  ayant  armé  les  Bohémiens  les 
tins  contre  les  autres ,  le  feu  augmentoit  tous  les  jours  h  on  ne  voyoit  que 
difputes ,  que  querelles  &•  que  haines  mutuelles.  Les  prêtres  lancoient 
leurs  excommunications  contre  les  Muljîtes ,  &  inventoient  toute  forte 
de  ftratagèmes  pour  les  rendre  odieux  au  peuple  en  toute  manière.  En- 
tre autres  ils  enduifoient  de  boue  les  cierges  dont  ils  fe  fervoient  dans 
leurs  excommunications  '■>  &  comme  ils  s* kteignoient  lorfque  la  flamme 
étoit  parvenue  a  la  boue ,  ils  faifoient  croire  que  Dieu  opérait  ce  miracle 
pour  montrer  que  ces  maudits  hérétiques  étoient  ennemis  de  la  lumière  3 
(c}  p-  3  3*  &  ^  ies  chajfoientde  l'Eglife  (c).  Il  eft  donc  clair  que  le  filence  de  tous 
les  hiftoriens  de  Bohême  3  de  des  contemporains  des  autres  na- 
tions ,  eft  un  argument  négatif  très-fort  contre  le  témoignage 
d'un  feul  que  quelques  modernes  ont  fuivi  aveuglément.  Je  me 

Ci)Ilne  met  point  de  Martyrs  en  1417.n1  en  1418.  fon  Martyrologe  ne  commençant 
qu'en  £419. 

*  ,  fuis 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zlv.  V.     Si   # 

fuis  arrêté  à  ce  fait,  non  tantàcaufe  defon  importance,  cjue  pour 
faire  voir  que  cette  communion  donnée  par  les  laïques,  pourroit 
bien  être  une  impofture  inventée  pour  animer  le  Concile  qui  étoic 
encore  aiîemblé ,  ou  que  fi  queiques-uns  le  pratiquoient  ainfi ,  c'é- 
toit  fans  aveu.  En  effet  les  Huffites  ayant ,  comme  on  Ta  déjà  dit, 
demandé  des  Eglifes,  parce  que  la  chapelle  de  Bethléem  ne  pou- 
voit  plus  fuftîre ,  c'en:  une  marque  qu'ils  vouloient  qué*l'£ucharif~  m 
tie  s'adminiftrât  d'une  manière  légitime  &  canonique,  &  qu'ils 
ne  prétendoient  pas  qu'elle  rut  profanée  en  l'adminiltrant  par  tou- 
tes fortes  de  gens ,  &.  en  toutes  fortes  de  lieux.  On  verra  pourtant 
dans  la  fuite  de  cette  hiltoire ,  qu'il  y  eut  depuis  parmi  les  Huffites 
des  gens  qui  ne  defipprouvoient  pas  que  la  communion  fût  admi- 
niflrée  par  des  laïques ,  mais  ce  n'étoit  pas  le  fentiment  des  purs 
Huiîîtes. 

VIII.  Il  paroît  par  les  hiftoriens  de  Bohême  de  l'un  &  de   Etat  de  u 
l'autre  parti,  qu'à  quelques  émeutes  populaires  prés,  les  chofes  Bohême  en 
furent  allez  tranquilles  en  Bohême  pendant  toute  l'année  141 7.       J 
Les  Huffites  ayant  leurs  Eglifes  à  part ,  il  y  avoir  moins  d'occa- 
fions  de  tumulte  &  d'hoftilitez.  Balbin  (a)  dit  que  les  Grands  fe    fa]  Balb.  E- 
tenoient  dans  un  (îlence  irrite ,  méditant  leur  vengeance  ,  &  Thi-  [,tRer* 

J  '  o  J  hem. p.  t. 


Bo 


p.  420. 


batit{b)  que  les  Seigneurs  de  Rofenberg,  devenus  depuis  peu  Huf-  (b)  uf//.  n«f 
fites  (  1  ) ,  retenoient  le  peuple  en  attendant  l'ilTue  du  Concile.D'ail-  fu-P'  67m 
leurs  Sigifmond  étant  encore  à  Confiance  3  écrivit  aux  Grands  de 
Bohême  3  dont  il  y  en  a  quatre  de  nommez,  une  lettre  très-forte 
qui  peut-être  les  tint  quelque  temps  dans  lerefpecl.  Le  ftile  en 
elt  doux  &  piquant  5  en  voici  la  fubftance.   1.  Il  leur  représente    Lettre  âc 
que  leur  ligue  eft  d'autant  plus  dangereufe,  que  la  Bohême  eft  en-  J*[-§JJJê, 
vironnée  de  voifins  qui  ne  demandent  qu'une  occafïon  de  s'en  miens. 
emparer.   2.  Que  de  pareilles  ligues,  ou  conjurations,  font  un 
attentat  fort  criminel  contre  l'autorité  fouveraine ,  &  par  con- 
féquent  contre  fon  féréniffime  &  très-cher  frère  Wencc/las,  à  qui 
il  appartient  de  vuider  leurs  différends  félon  le  droit ,  fans  en 
venir  à  des  guerres inteilines.  3.  Sur  le  fujet  du  fupplice  de  Jean 
Mus ,  dont  la  plupart  d'entre  eux  foutenoient  le  parti ,  &  vou- 
loient vanger  la  mort ,  il  leur  protefte  de  fon  innocence  à  cet  é- 
gard.  »  Dès  que  JeanHus,  leur  dit-il,  commença  défaire  du  bruit 
»  en  Bohême  ,&  que  nous  apprîmes  qu'à  fon  occafïon  il  y  avoir 
»  des  divifions  &  des  partis  différens ,  nous  en  eûmes  beaucoup  de  ^ 
«  douleur,  parce  que  nous  prévoyions  bien  les  fuites  fu nèfles  de  w 

(  1)  Voyez  leur  changcmcijt  Hifl.  du  Cwile  de  Confl.  L.  V.  F'  57*  &  Bt*^«  Epk  P-  43  °» 

Tom.  I.  L 


* 


8 2  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
»ces  divifions.  Nous  apprîmes  avec  joie  qu'il  venoit  au  Concile 
»  dans  l'efpérance  qu'il  fc  juflifieroit ,  &  qu'on  pourroit  y  réuffir  à 
y>  pacifier  la  Bohême.  Il  vint  donc  à  Confiance  iorfque  nous  étions 
»  fur  le  Rhin ,  ôc  comme  vous  le  fçavez ,  il  y  fut  arrêté.  Mais  s'il  fût 
»  venu  nous  trouver,  &  qu'il  nous  eût  accompagné  à  Confiance , 
»  peut-être  fon  affaire  auroit-elle  pris  un  autre  tour.  Et  Dieu  fçait 
«que  nous*h'avons  vu  fon  malheur  qu'avec  une  douleur inexpri- 
»  mable.  Tous  les  Bohémiens  qui  étoient  alors  avec  nous ,  ont  pu 
«remarquer avec  quel  empreflement  nous  nous  fommes entremis 
»en  fa  faveur,  jufqu'à  fortir  plufieurs  fois  du  Concile  en  fureur. 
«Et  même  nous  aurions  quitté  Confiance,  fi  les  pères  du  Con- 
«  cile  ne  nous  avoient  parlé  en  ces  termes  ;  Si  vous  ne  voulez^  pas  que 
»  l'on  procède  félon  la  jufiice  dans  le  Concile ,  que  faifons-nous  ici  /De 
»  forte  que  nous  n'eûmes  plus  la  liberté  de  rien  dire ,  ni  de  rien 
»  faire  davantage  à  cet  égard,  parce  que  le  Concile  fe  feroit  féparé. 
»  4.  Il  leur  repréfènte  que  le  Concile  étant  compofé  ,  non  de  quel- 
»  que  peu  d'ecclefiafliques,  mais  desambafîadeurs  des  Rois  6c  des 
»  Princes  de  toute  la  chrétienté  ,  &  parfaitement  uni  depuis  Pac- 
«  cefîîon  des  Rois  6t  des  Princes  du  parti  de  Pierre  de  Lune ,  on  ne 
«  doit  point  douter  que  tout  ne  s'y  pafTe  avec  ordre  6c  avec  jufiice, 
»  5.  Qu'ils  ne  fçauroient  continuer  à  foutenir  le  parti  de  Jean  Mus, 
«fans  s'oppofer  à  toute  la  chrétienté  repréfentée  dans  le  Con- 
»  cile.  Nous  apprenons  cependant  que  vous  avez  déjà  commen- 
»  ce  à  le  faire  par  des  lettres  munies  de  plufieurs  fceaux  ,  où  vous 
"Confondez  ôi  calomniez,  cette  afïémblée  au  fujet  de  Jean  Mus. 
«  Vous  l'avez  tellement  irritée  par  ces  lettres ,  qu'elle  vous  a  ci- 
»  tez  pour  rendre  compte  de  cette  contradiction.  Peut-être  qu'on 
»  procédera  contre  vous  félon  la  rigueur  du  droit.  Et  en  cas  que 
»  vous  n'ayez  pas  une  obéiflance  filiale  3  vous  pourrez  bien  vous 
*  attirer  une  croifade  qui  feroit  f uivie  de  grands  f candales  &  de  pé- 
«rils  extrêmes ,  auxquels  il  ne  nous  feroit  plus  pofîïble  dereme- 
»dier  par  notre  entremife.  C'efl  pourquoi  nous  vous  prions  tous 
»  affeclueufement  par  l'intérêt  de  votre  confeience  6c  de  votre  hon- 
«  neur  ,  de  bien  pefer  s'il  efl  honnête  6c  raifonnable  d'expofer  tout 
pun  royaume  à  une  totale  défolation  pour  les  raifons  que  vous 
«alléguez.  6.  Il  leur  offre  fes  bons  offices  pour  examiner  &  tâ- 
*>  cher  de  terminer  l'affaire  à  l'amiable ,  proteflant  néanmoins  de 
«  vouloir  adhérer  conflamment  à  la  communion  de  PEglife ,  &  de 
9  «  rejetter  toute  nouveauté ,  comme  il  efpere  la  même  chofe  de  fon 
»  frère.  7.  Comme  le  Huflkifme  avoit  pour  principal  fondement 


I 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  V.  S3 
»>  les  déréglemens  du  clergé ,  voici  ce  qu'il  die  des  Eccléfîaftiques. 
»  Quanta  l'état  du  clergé ,  nous feavons  ce  qui  s 'eft pratiqué  a  cet  égard 
»par  nos  prédéceffeurs ,  &  nous  voulons  nous  y  tenir.  Qu'ils  Ce  corrigent 
»  entre  eux ,  comme  ils  f cave  nt  qu'il  faut  le  faire.  Ils  ont  des  fupérieurs 
»  à  qui  cette  correïtion  appartient  de  droit.  Outre  cela  ils  ont  l'écriture  Ç*  )C«K 
»fainte  devant  les  yeux  ',  &  c'efi  à.nous  autres  gens  fïmplcs  a  qui  il  nefl  L  L  rv"  p. 
»>  ni  permis  nipofjîble  de  l 'approfondir  (a).  i5<î.  158. 

IX.  Je  trouve  dans  Cochlée  XXIV.  articles  arrêtez  par  le  Con-   Articles  di 
cîle  contre  les  HufTites.  Quoique  je  ne  les  aye  pas  vus  dans  les  ac-  Concile  dc 
tes,  je  les  rapporterai  pourtant,  parce  que  tout  paffionné  qu'eft  contre"» 
cet  Auteur,  il  a  puifé  dans  de  bonnes  fources.  I.  Que  le  Roi  de  Huflites- 
Bohême  jure  de  conferver  l'Eglife  Romaine  &  les  Eglifes  de  fa 
domination  dans  leurs  libertez ,  6c  qu'il  ne  molefte  point  le  clergé 
&  les  Rejiçieux  3  fuivant  les  principes  de  Wiclefàc  des  Huffites. 
II.  Que  tous  les  dodeurs  &  les  prêtres  qui  onc  femé  dans  le  royau- 
me 6c  chez  les  étrangers ,  des  erreurs  et  des  héréfies ,  en  particu- 
lier celles  de  JViclefàc  de  Jean  Hus  3  condamnez  par  ce  facré  Con- 
cile 3  les  abjurent  publiquement,  &  approuvent  la  condamnation 
de  la  doctrine  6c  des  personnes.  III.  Que  ceux  qui  aceufez  d'héré- 
fie ,  ôc  citez  à  ce  fujet ,  n'ont  pas  voulu  comparoître,  foient  obli- 
gez de  fe  rétrader  5  ôc  que  ceux  contre  qui  on  a  procédé  depuis 
une  ou  plufïeurs  années,  6c  qui  ont  méprifé  les  cenfures  6c  les 
clefs  de  l'Eglife ,  foient  punis  félon  le  droit.  IV.  Que  même  les 
féculiers  qui  ont  adhéré  aux  Wicléfîtes  6c  aux  Huffites,  qui  les  onc 
défendus  6c  protégez  ,  jurent  de  ne  le  plus  faire,  Se  au  contraire  de 
les  pourfuivre,&  approuver  la  condamnation  que  le  Concile  a  fai- 
te,  tant  des  perfonnes  que  de  la  dodrine.  V.  Que  les  féculiers 
qui  ont  dépouillé  le  clergé ,  foient  contraints  de  reftituer ,  6c 
qu'ils  jurent  defje  plus  violer  les  libertez  eccléfîaftiques.  VI.  Que 
ceux  qui  ont  été  chaftez  de  leurs  bénéfices  y  foient  rétablis ,  6c  les 
autres  chaflez  &  punis.  Les  deux  articles  fuivans  renferment  à  peu 
près  le  même  fens.  IX.  Que  les  reliques  &  les  autres  chofes  ec- 
cléfîaftiques enlevées  du  thréfor  de  Prague,  foient  reftituées, 
comme  les  biens  meubles, &  les  revenus  de  cette  Eglife  6c  des  au- 
tres j  tant  en  Moravie  qu'en  Bohême.  X.  Que  l'Uni  verfîté  de  Pra- 
gue foit  réformée  ,  qu'on  en  chafte  les  Wicléfites  ,  6c  qu'on  les 
punifle.  XI.  Que  les  principaux  héréfîarques  de  cette  fede  foient 
obligez  de  comparoître  devant  le  fîégeapoftolique  :  tels  que  font 
Jean  Jejîemt^  Jacques  de  Mife  (  1)  ,  Simon  de  Tyfna  3  Simon  de  Roc- 

(1)  Autrement  Strxjbre  ville  royale  dans  le  dïûri&dc  Filfe». 


$4  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

ki^a?ie(\),  Chrifiian  de  Prakatit^  (2),  cJean  Cardinal ,  Zdenko  de 
Loben  prévôt  de  l'Eglife  de  tous  les  Saints  3  zdiflas  de  Smertit^ 
&  Michel  de  Czasko.  XII.  Que  tous  ies  féculiers  qui  ont  commu- 
nié fous  les  deux  efpéces ,  ou  qui  ont  obligé  les  autres  à  le  faire  ^ 
fur  tout  depuis  la  défenfè  du  Concile  ,  foient  obligez  d'abjurer 
cette  héréfie,  6c  jurent  d'empêcher  cette  pratique  de  tout  leur 
pouvoir.  XIII.  Que  les  prêtres  6c  autres  eccléfiaftiques  ordonnez 
(a)  Conrad,  par  Merman  fufîragant  de  l'Archevêque  de  Prague  (a)  ,&:  arrêtez 
par  le  feigneur  zbenko  de  Wartenberg  ,  foient  renvoyez  au  fiége  apo- 
îtolique.  XIV.  Que  les  traitez  de  Wiclef&  autres  contenant  des 
hérelies  3  qui  ont  été  traduits  par  Jean  Mus  6c  Jacobel  (3  ) ,  foient 
remis  entre  les  mains  du  Légat  ou  de  l'Ordinaire ,  fous  peine  d'ex- 
communication, aufîi  bien  que  le  Traite  (4)  dsjean  Musy condam- 
né par  le  Concile ,  6c  les  traitez  de  Jacobel  fur  la  communion  fous 
les  deux  efpeces ,  de  Y Antc-Chrifi ,où  il  traite  le  Pape  d'Ante, 
Chrift,  6c  fon  Traite  par  lequel  il  prétend  que  le  pain  demeure 
après  la  confecration  (5).  XVII.  Que  toutes  les  chanfons  faites 
contre  le  Concile  &  contre  les  Eccléfiaftiques  qui  ont  réfifté  aux 
Wicléfites  6c  aux  Huffites ,  ou  celles  qui  font  à  la  louange  de  Jean 
Mus  Se  de  Jérôme  de  Prague ,  foient  défendues  fous  de  groiles  pei- 
nes dans  toutes  les  villes,  bourgs 3  villages  &  autres  demeures. 
XVIII.  Qu'on  défende  aux  Eccléfiaftiques  de  prêcher  fans  voca- 
tion des  Ordinaires.  XIX.  Que  \qs  Ordinaires  6c  autres  Prélats 
ayant  jurifdiction,  ne  foient  pas  traverfez  par  les  féculiers ,  fous 
peine  d'excommunication.  L'article  XX.  ne  diffère  guéres  des 
précédens.  XXI.  Que  toute  ligue  des  féculiers  6c  des  Eccléfiafti- 
ques contre  le  Concile ,  le  fiége  apoftolique  3  &  l'Eglife  Romaine , 
en  faveur  de  Jean  Mus ,  de  Jérôme  de  Prague ,  èc  des  Prédicateurs 
de  leur  fecte,  foit  difîîpée  6c  défendue  fous  de  groiT»s  peines. XXII. 
Qu'on  obferve  tous  les  rites  6c  toutes  les  cérémonies  de  la  religion 
Chrétienne  dans  le  culte  divin ,  à  l'égard  des  Images  6c  des  Reli- 
ques ,  6c  que  les  tr.anfgrefreurs  foient  punis.  XXIII.  Qu'on  brûle 
tous  les  fauteurs  du  Huffitifme  depuis  fa  condamnation  ,  comme 
relaps,  6c  que  les  féculiers  affilient  les  Eccléfiaftiques  dans  cette 
pourfuite.  C'eft  le  XXIV.  &  dernier  article  qu'on  a  joint  avec  le 
XXIIL 

(1)  C'eft  Rochixjme  ville  royale  dans  le  diftriâ:  de  Tilfett. 

\ij  Ville  royale  dans  le  d  ftrid  de  Becbin. 

('3  )  C'eft  le  même  que  Jacques  de  Mife. 

(  4  )  C'eft  le  Traité  de  l'Eglife.  Ceci  fait  le  XV.  &  le  XVI.  articles  ,  mais  on  les  a  joints  en- 
femble. 

(5;  Ces  Traitez  font  dans  le  III.  Tome  du  recueil  de  Vonder  Hardt,  à  la  referve  de  celui  de 
l'Ante-Cliriit. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  V.  85 
Comme  il  eft  parlé  dans  le  XIII.  de  ces  articles  d'un  certain 
Hmw^fuffragant  de  Conrad  Archevêque  de  Prague  ^  il  faut  inf- 
truire  le  le&eur  de  cette  affaire.  Herman  étoit  Evêque  titulaire 
de  Nicopoli ,  c'eft-à-dire ,  félon  le  ftile  Romain  3  in  partibus  Infi- 
delium  ,  &  vicaire  général  de  l'Archevêque  de  Prague.  (Vicarius 
generalis  in  Pontificalibus.)  On  ne  dit  pas  pofitivement  qu'il  eût 
embraflé  le  Huflitifme  ,  on  foupçonne  feulement  qu'il  y  penchoir. 
Les  Hulîites  qui  ne  pouvoient  3  &  qui  apparemment  n'auroienc 
pas  voulu  recevoir  l'ordination  des  Evêques  de  l'Eglife  Romaine  , 
profitèrent  decesdifpofitions,&  fe  firent  ordonner  par  Herman. 
Mais  l'Archevêque  caila  fon  fuffragant,  &  annulla  toutes  les  ordi- 
nations qu'il  avoit  faites ,  par  un  mandement  daté  du  1 5.  Mars  ^  CochL  ub{ 

141  7-  (a)  fupr.p.  169. 

X.  Il  eft  parlé  dans  l'article  XV 1 1.  des  chanfons  compofées     invcôîvc 
par  les  Hulîites  contre  le  Concile  ,  &  en  faveur  de  Jean  Hus  &  de  c° nf^eele9 
Jérôme  de  Prague.  Comme  ces  chanfons  furent  défendues ,  il  n'é- 
toit  pas  auffi  aifé  d'en  avoir  des  copies ,  que  de  celles  que  les  Ca- 
tholiques faifoient  contre  leurs  difciples  &  leurs  docteurs.  Çochlée 
en  rapporte  une  que  je  mettrai  ici  en  latin  3  parce  que  ces  fatyres 
réciproques  ne  contribuèrent  pas  peu  à  la  guerre  dont  on  fait  ici 
rhiftoire  (b).  Comme  ce  font  des  jeux  de  mots  en  latin  barbare ,  il  XPefl^' 
eflimpoifible  de  les  rendre  en  François.  158. 15^.* 

1 .  Credunt  namque  ijli  malè: 
Perhos  virus  eft  létale 
In  Bohemos  effufum 

2. .  Per  cunBa  mundi  climata 
JEtfingula  idiomata. 
Et  turpiter  confujum 

3 .  Studium  famojîMmum  : 
Regnum  chriftianiffïmum 
Sic  eft  infamatum. 

4.  Privilégia  franguntur , 
Teutonici  expelluntur  y 
Fit  ftudium  defolatum. 


5 .  Vos  fcientia  inftati  , 
In  fuperbiam  elati , 
JTonputaftis  babcrs 


1.  ïi] 


86        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

6.  In  orbe  v  obi  s  pares , 
Tarn  fubtiles  fcbo  lares. 
Frandati  efiis  verè. 

7 .  Suntjïgna  magna  fatis 
pîœc  veftrœ fatuitatis  : 
Egifiis  inconfultè. 

8 .  2fain  aufu  temerario  y 
Frivolo  3  nefario , 
Damnabiliterfiultè 

9 .  Pro  libro  decreviflis  : 
Prafumptus  diffînifiis 
Vtpopulus  laïcalis 

I  o .  Subfpecie  hic  utraque 
In  regno  circumquaque 
Utftatus  clericalis , 

i  T .  Débet  communie  are  : 
Ho  cfecifiis  prœconizare , 
Patent  ubique  plané 

1 2.  Kami  prœcife putridi 
A  jlipite  vivP^  viridi. 
Vos  tam  efiis  utique. 

Si  l'on  croit  Krantzjus,i\  faut  rapporter  a  1417-  une  avanture 
tragique  arrivée  à  Cuttenberg  (  1  ) ,  qui  découvre  aiïez  la  difpofîtion 
des  efprits.  Un  gentilhomme  H uffite,,  efeorté  d'un  bon  nombre 
d'eftafiers,,  étant  entré  dans  PEglife  pendant  qu'on  difoit  la  Méfie, 
enleva  le  calice  de  demis  l'autel ,  &  s'en  alla  le  boire  au  cabaret 
avec  {es  camarades.  Le  prêtre  confus  6ç  pénétré  de  douleur  de 
cette  profanation ,  s'en  alla  trouver  un  frère  qu'il  avoit  dans  la  vil- 
le ,  &  qui  étoit  homme  de  main.  Celui-ci  accompagné  des  ouvriers 
(n)Krantx.  qui  travailloient  aux  mines ,.  alla  attendre  le  Hufftte  au  fortir  du 
Lib.  xPp.     cabaret ,  &  lui  paflà  fon  épée  au  travers  du  corps ,  &  on  aflomma 
ê4i-  une  vingtaine  de  fes  gens  qui  vouloient  venger  fa  mort  (a). 

Sededes        X  I.  La  plupart  des  Hiftoriens ,  &  entre  autres  Balbin  3  placent 
fjf/frdfi       à  141  8»  l'arrivée  de  certains  Sectaires  qu'on  appelloit  Picards }  oc 

(1)  Cuttenberg  ville  de  Bohême  à  quelques  lieues  de  Prague  fur  une  des  montagnes  de  ce 
/lom  où  il  y  a  des  mines  d'argent» 


ET   DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  V.       87 

c'eft  là  auffi  qu'on  les  a  placez  dans  YHiftoire  du  Concile  de  Confian- 
ce ,  où  Ton  n'a  pii.  en  parler  qu'en  paflant.  Comme  les  fentimens 
font  partagez  fur  leur  fujet,  je  les  rapporterai  fans  en  juger 9  laif- 
fantau  Lecteur  cette  liberté  3  &  je  commencerai  par  les  Auteurs 
de  la  Communion  de  Rome.  Le  plus  ancien  Auteur  que  je  fçache 
qui  en  ait  fait  mention,  c'eft  ÂZneas  Sylvius.  Il  mérite  d'autanc 
plus  d'attention  qu'il  étoit  contemporain  :  voici  donc  ce  qu'il  en 
«dit  dans  fon  Hiftoire  de  Bohême.  Dans  ces  entrefaites  il  s'éleva 
»en  Bohême  une  nouvelle  héréfle  pernicieufe  6c  inouïe  jufqu'a- 
«  lors.  Un  certain  Picard  de  la  Gaule  Belgique  (  1) ,  ayant  pénétré 
»  d'Allemagne  en  Bohême  fe  fit  d'abord  quelques  partifàns  par  fes 
»  preft  iges,£c  en  peu  de  temps  attira  une  grande  multitude  d'hom- 
»mes  6c  de  femmes  qu'il  appella  Adamites ,  parce  qu'il  leur  or- 
»donnoit  de  marcher  nuds.  S'étant  emparé  d'une  certaine  Ifle 
«baignée  par  la  rivière  de  Zufinitx^,  il  fe  difoit  l 'ils  de  Dieu  6c  fe 
»  faifoit  appeller  Adam.  Les  femmes  étoient  communes  parmi 
«eux,,  quoiqu'il  ne  fut  pas  permis  d'en  prendre  fansleconfente- 
»  ment  &  Adam.  Quand  quelqu'un  fe  fentoit  de  l'inclination  pour 
«une  femme  ,  il  lui  prenoit  la  main  pour  aller  trouver  le  Chef; 
»  Mon  efprit ,  difoit -il  3  seft  échauffé  pour  celle-  ci.  A  quoi  le  Chef  ré- 
«pondoit,  allez^,  croijffe^  multiplie^  &  rempli]] c-/J a  terre.  Il  pré- 
«tendoit  que  tout  le  reffce  des  hommes  étoient  des  efclaves }  6c 
»  qu'il  n'y  avoit  de  libre  que  lui ,  6c  ceux  qui  naiifoient  de  fa  fecte. 
«lien  fortit  un  jour  40.  de  l'I lie  qui  forçant  les  villages  voiilns, 
»  maiïacrerent  à  coups  d'épée  plus  de  200.  païfans,  les  appellanc 
»  enfans  du  Diable.  Ziska ,  tout  fcélerat  qu'il  étoit ,  en  apprenanc 
«  cette  nouvelle  en  eut  horreur.  Car  tel  eft  le  naturel  des  hommes , 
53  qu'ils  remarquent  mieux  les  vices  des  autres  que  les  leurs  propres $ 
»  outre  que  les  grands  crimes  ne  demeurent  pas  long-temps  impu- 
»nis,ôc  qu'ils  trouvent  fouvent  pour  vengeurs  des  hommes  eux- 
«  mêmes  fort  fcélerats.  Il  fe  mit  donc  à  la  tête  d'un  corps  d'armée, 
»&  les  ayant  alliégez  dans  leur  Ifle,  il  s'en  rendit  maître,  &  paflà 
»  tous  les  Adamites  au  fil  de  i'épée  ,  àlaréferve  de  deux  de  qui  il 
«vouloitapprendre  quelle  étoit  leur  fuperflition.  Lorfque  j'étois 
^en  Bohême,  continue  Sylvius  3  j'aiotii  dire  à  Vlric  de  Rofes  Sei- 
» gneur  de  mérite  3  qu'il  avoit  eu  chez  lui  prifonniers  des  hommes 
»  6c  des  femmes  de  cette  fecle,  6c  que  les  femmes  difoientpublique- 
«ment  que  ceux  qui  portent  des  habits,  6c  principalement  dQS 
«calleçons,  ou  des  hauts  de  chaufles  {Femoralibus)  ne  font  pas 

(1)  C'eft-à*difc  de  la  licardie. 


3  8  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

»  'libres.  ïlajoutoic  qu'elles  avoienc  accouché  chez  lui  dans  la  pri- 

»fon,  et  les  ayant  tous  fait  brûler ,  ils  foufïrirent  lefeuenriant  £c 

f;.)  mji.  Boh.  »  en  chantant  (a). 

cap.  41.  p.  Aprcs^ËneasSylvius  je  neconnois  point  d'Auteur  plus  ancienqui 
4'  *'  ait  parlé  des  Picards ,  que  Jean  SchleBa  (  1  ) ,  Secrétaire  de  Zadi/las 
Roi  de  Bohême ,  homme  fçavant  &  bel  efprit ,  fur  la  fin  du  XV. 
&;  au  commencement  du  XV I.  fiécle.  lien  parle  allez  amplement 
dans  une  Lettre  qu'il  écrivit  à  Erafme  en  1  5  1 9.  Comme  c'en:  un 
morceau  rare,  j'en  donnerai  ici  tout  ce  qui  eft:  du  fait."  Tout  le 
«peuple  de  Bohême  ôcdu  Marquifac  de  Moravie  eft  partagé  en 
»  trois  fe&es.  La  première  eft  de  ceux  qui  fuivent  en  tout  le  Pontife 
«Romain,  &:  qui  le  reconnoifîént pour  le  vrai  Vicaire  de  J.  C. 
»  comme  font  les  Allemands  &  les  autres  nations  qui  lui  obéïflent 
*>  comme  au  vrai  pafteur  de  la  bergerie  du  Seigneur.  Dans  ce  rang 
«font  la  plupart  des  grands  ôede  la  noblefle,  auffi-bien  que  phw 
»  fleurs  Villes  royales ,  avec  les  Monafteres  de  divers  Ordres  ,  au- 
trefois fort  opulens ,  à  préfent  démolis  &  dépouillez  en  grande 
»  partie.  La  féconde  fe&e  eft  de  ceux  qui  adminiftrent  l'Euchariftie 
wfous  les  deux  efpéces.  Ils  ont  dans  leur  parti  quelques  grands 
»  Seigneurs ,  beaucoup  de  Gentilshommes,  &  à  peu  -  près  30. 
«Villes  royales.  Ils  tiennent  tous  les  Sacremens  de  PEglife  ,  fes  ri- 
»  tes  ôefes  cérémonies  comme  les  Romains,  &  ils  n'en  différent 
«que  par  l'ufage  de  la  Communion  ,  ôc  en  ce  que  dans  le  culte  pu- 
?>  blic  leurs  prêtres  chantent  l'Epître  &  l'Evangile  en  langue  du 


«pais. 


»  La  troifiémefede  eft  de  celle  qu'on  appelle  Pighards  (.2)  ,  qui 
«  ont  pris  leur  nom  d'un  transfuge  de  cette  nation  (  la  Picardie) 
»  qui  vint  en  ce  pais  il  y  a  environ  9  7  ans  (3  )  dans»ie  temps  que  Zis- 
«  ka  homme  facrilége  &  feelerat ,  déclara  la  guerre  à  tout  le  Cler- 
»gé,  &.  s'empara  de  tous  les  biens  ecclefîaftiques.  Ce  Picard  fe 
*>  joignit  à  lui  (4) ,  &  l'infecta  du  poifon  de  fa  doctrine,  &  toute 
«  fbn  armée  qu'il  avoit  ramafîée  de  brigands  ,  d'homicides  s  de 
?»  proferits ,  &  de  toute  forte  de  gens  perdus  delà  lie  du  peuple. 


(  1  )  Sur  Scbleiïa  /oyez  la  vie  de  Bobujlas  de  Lobcovitz.  de  Haljenfteitt.  Biblioth.  Germ.  Tom. 
XIV. 

(z)  C'eft  une  faute  pour  dire  Picards. 

(3)C'efl:en  1422.  au  lieu  que  les  autres  mettent  l'arrivée  des  Picards  en  1418.  De  forte 
quM  faut  qu'il  y  ait  faute  dans  la  lettre  ,  ou  dans  la  relation  des  autres. 

(4}  Cela  eft  contraire  à  la  relation  précédente,  qui  porte  que  Zisfy  défît  les  Picards. 


ET  DU  CONCILE  DE  RÂSLE.  Lvv.  V.  89 
*>  Ces  gens-là  ne  parlent  du  Pape,  des  Cardinaux  ,  des  Evêques  141  8. 
»  &  des  autres  Ecclefiaftiques  que  comme  des  manifestes  Ante- 
>>  Chrifis.  Ils  appellent  le  Pape  lui-  même  tantôt  la  bête,  tantôt  la 
»  proitituce  de  l'Apocalypfe ,  6c  ils  tiennent  que  tout  ce  qui  fe  fait 
>»  par  les  Ecclefiaftiques  de  Rome  n'eft  d'aucune  vertu,  ni  d'aucune 
»»  autorité  5  qu'entre  leurs  mains  il  n'y  a  rien  de  facré,  ni  aucuns 
*>  Sacremens  ;  qu'au  contraire  ce  ne  font  qu'exécrations  6c  qu'abo- 
»  minations:  C'eft  pourquoi  ils  fe  font  des  Prêtres  &  des  Evêques 
«  d'entre  les  Laïques ,  gens  ignorans  6c  fans  lettres  ,  qui  ont  fem- 
»»  mes  6c  enrans ,  6c  qui  s'entr'apellent  frères  &.  fœurs  Ils  ne  recon- 
»»  noiiîent  que  l'autorité  du  vieux  ôc  du  nouveau  Teftament  3  & 
»  n'ont  aucun  égard  aux  Docteurs  tant  anciens  que  modernes. 
»  Quand  leurs  Prêtres  célèbrent  la  Méfie  ,  ils  n'ont  que  leurs  ha- 
«  bits  ordinaires  _,  ôc  ils  ne  difent  point  d'autres  prières  que  l'O- 
»  raifon  Dominicale  avec  laquelle  ils  confacrent  du  pain  levé.  IJs 
»  ne  croyent  rien ,  ou  fort  peu  ,  des  Sacremens  de  l'Eglife.  Ceux: 
»  qui  embrailent  leur  héréfiefont  contraints  de  fe  faire  rebaptifer 
*>  dans  l'eau  toute  fïmple  ^  ils  n'y  employent  ni  fel ,  ni  eau ,  ni  huile 
»  confacrée.  Ils  ne  croyent  pas  qu'il  y  ait  rien  de  divin  dans  le  Sa- 
»  crement  de  l'Euchariftie ,  affirmant  qu'il  n'y  a  que  le  pain  ôc  le 
»  vin  confacré  ,  qui  par  quelques  lignes  fecrets  repréfèntent  la 
»  mort  de  J.  C.  ôcils  foutiennent  que  ceux  qui  rléchiiîent  le  genou, 
*  &  qui  adorent  le  Sacrement  font  des  idolâtres  ,  ce  Sacremenc 
*»  n'ayant  été  inftitué  que  pour  faire  la  commémoration  de  fa 
«mort,  ôc  non  pour  être  porté  de  côté  ôc  d'autre,  ÔC  pour  être 
»  élevé  aux  yeux  dji  peuple  3  parce  que  J.  C.  qui  eft  celui  qu'il  faut 
»  adorer  6c  honorer  du  culte  de  latrie  eftaiïis  à  la  droite  de  Dieu  le 
»  Pere^Ils  traitent  de  vanité  ôc  de  ridicule  les  fuffrages  des  Saints 
»  Ôc  les  prières  pour  les  morts,  auffi-bienquela  Confeiïîon  auricu- 
laire ôc  la  pénitence  impofée  par  les  Prêtres.  Ils  difent  que  les 
«vigiles  &  les  jeûnes  font  le  fard  de  l'hypocrifie  5  que  les  fêtes  de 
»  la  Vierge  Marie ,  des  Apôtres  ôc  des  autres  Saints  font  des  inven- 
tions de  gens  oififs.  Ils  célèbrent  pourtant  les  Dimanches  6c  les 
»  Fêtes  de  Noël  6c  de  la  Pentecôte  (a).  Il  paroît  de  ce  fragment ,  ('a|>E^, 
1.  Que  les  Picards  fubfifloient  encore  en  Bohême  en  1  519.  2.  xPiv!Epul, 
Que  Schlefta  qui  ne  peut  être  fufped  dans  cette  affaire  ne  leur  im  -  xxi. 
pute  ni  extravagances ,  ni  obfcénitez,  nicruautez.  3.  Qu'il  les 
repréfente  comme  de  pursVaudois,  quoiqu'il  ne  les  nomme  pas 
ainfî.  4.  SchleHa ,  un  peu  avant  les  paroles  qu'on  vient  de  rappor- 
ter ,  témoigne  qu'il  y  avoiten  Bohême  des  IsficokïteS)  c'eft-à-dire^ 
Tom.  I,  M 


5)0  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1A.1 8     ^es  §ens  ^u*  croyenc  ^a  communauté  des  femmes ,  ce  qu'il  ne  die 
point  des  Picards. 

Wenceflas  Hagec ,  Hiftorien  de  Bohême 3  aaufîî  parlé  des  Pi- 
cards en  plufieurs  endroits  de  fonhiffcoire,  mais  d'une  manière  fî 
confufe  &  fi  peu  éclairée ,  qu'on  ne  doit  pas  faire  grand  fond  fur 
fa  relation.  La  première  fois  qu'il  en  parle 3  c'elt,  à  la  page  }  59 
fous  SobieflasIJ.XXU.  Duc  de  Bohême.  Ilfak  venir  les  Picards 
dans  ce  Royaume  en  1 176.  ia  même  année  que  les  Vaudois.  Com- 
me cela  eft  contraire  à  toutes  les  relations 3  il  eft  clair  que  Hagec 
les  a  confondus  enfemble,  Se  a  diftingué  les  Picards  des  Vaudois, 
que  les  autres  hiftoriens  du  fiége  de  Rome  ont  tâché  de  confondre 
avec  eux  pour  les  rendre  odieux.  Dans  ce  même  endroit  Hagec 
fait  d'autres  bévues  qui  le  rendent  indigne  de  foi ,  comme  quand 
il  met  Rouen  en  Picardie.  Sur  l'an  5421.1e  même  hiftorien  par- 
tant des  Picards  les  appelle  nouveaux  Taborites  3  &  fait  un  mélan- 
ge confus  des  opinions  des  anciens  Vaudois  avec  les  infamies 
qu'on  imputoit  aux  Picards.  Tout  cela  eft  confus ,.  èc  même  con- 
tradictoire. 1.  Selon  le  propre  aveu  de  Hagec 3  Ziska  chef  des 
Taborites  détruifit  les  Picards.  2.  Il  paroît  par  la  fuite  de  cette 
hiftoireoù  l'on  verra  la  Confefîionde  Foi  desTaborites  3  que  ces 
derniers  étoient  purement  Vaudois,  &  entièrement  innocens  des 
prétendues  impuretez  picardes. 

'Jean  Dubrauski  ou  Dubravius  Evêque  d'Olmutz^fait  defeendre 
les  Picards  des  Vaudois  en  droite  ligne  dans  un  endroit  de  fon 
(,.)Lb.  xiv=  hiftoire  (a)  de  Bohême  ',  mais  dans  un  autre  endroit  il  en  fait  des 
p-  3^4-  Adamites ,  &  il  leur  attribue  des  opinions ,  &  une  conduite  qu'on 
{bjubifufr.  n'apoint  attribuée  (b)  aux  Vaudois  r  comme  on  le  peut  prouver 
p*  par  JEneas  Sylvius ,  qui  d'ailleurs  ne  leur  étoit  point  favorable ,. 

(cjiïjyt.Bflh.  puifqu'il  appelle  leur  feue  folle  &  impie  (c).  Quoiqu'il  en  foit_,  cet 
dp.xxxv.  Auteur  dit  des  Picards  les  mêmes  chofes  qu'^Eneas  Sy  foins  à  quel- 
que différence  près.  1 .  Il  les  fait  venir  de  Moravie 3  &  il  les  con- 
fond avec  les  Taborites  3  dont  il  fera  parlé  amplement  dans  la 
fuite.  Ces  derniers  3  dit-il,  navoient point  encore  pénétré  dans  la  Mo- 
ravie  h  a  la  fin,  ils  fe  cantonnèrent  dans  une  ifle  que  forme  la  rivière 
de  Mora  ,  au  de  Morava  près  de  Strafnitz^.  La  ils  ajoutèrent  à  leurs 
erreurs  3  les  erreurs  étrangères  des  Picards  3  f  avoir  de  ne  fe  point  mettre 
4  genoux  devant  le  Sacrement  3  parce  que  le  Corps  de  J.  C.  riy  efi  pas  y 
ayant  été  élevé  dans  le  Ciel  en  corps  &  en  ame ,  $•  quilny  a  que  le  pain 
O*  le  vin  dans  l'Eucbariftie  3  le  [quels  qui  que  ce  foi  t  du  peuple  peut  con- 
facrer  &  prendre  aujji- bien.  queU  Prêtre  dont- la,main.ri  eft  pas  plus  di- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  V.  91 
?7ie  quunc  autre.  1.  Il accu fe  les  uns  &  les  autres  d'avoir  commis  des  r  v  z  g 
ravages  &  des  maffacres  en  Aforavie ,  d'avoir  pillé  un  riche  monaf- 
tere  appelle  Wellegrade,  &d'en  avoir  bridé  l'Abbc  avec  plufieurs 
autres  Religieux.  3.  Il  raconte  que  Jean  furnommé  de  Fer  Evêque 
de  Lithomils ,  (  ou  d'OlmutzQ.en  Moravie  les  attaqua  à  main  armée 
dans  leur  iile>  &  les  en  chaiîa  ,  &  quedelàilspalîërent  en  Bohê- 
me qu'il  appelle  l'égoût  de  toutes  les  fe£fces  (a)  comme  ^£neas  (av«wjM 
Sylvius ,  retenant  le  nom  de  Picards.  4.  Outre  les  impuretez  mar- 
quées par  JEneas  Sylvius ,  il  dit  qu'ils  s'accouploient  en  public 
comme  des  bêtes,  &  qu'une  femme  étoit  obligée  de  rendre  à  Ton 
mari  le  devoir  conjugal  dans  quelque  lieu  qu'il  le  demandât.  5. 
Que  ziska en  fit  briller  50  tant  hommes  que  femmes,  entre  les- 
quels il  y  avoit  deux  Prêtres  (  1  ). 

Le  Jefuite  Jlalbin  Bohémien  a  aufll  parlé  des  Picards,  mais  fans 
faire  nulle  mention  des  Vaudois,  &;  fans  leur  imputer  ni  crimes , 
ni  extravagances.  Voici  ce  qu'il  en  dit.  Z 'arrivée  des  Picards  en 
141  8.  accommoda  fort  la  Cette  perverfe  des  Taborites ,  &  contribua 
■peut-être  à  leur  origine.  Ils  étoient  40.  hommes  ave:  leurs  femmes  & 
leurs  enfans  3  venans  de  France.  Ils  furent  reçus  avec  joie  par  des  gens 
très  avides  de  nouvelles  Religions.  Ils  f ai  [oient  d 'abord  en  cachette  des 
af emblée  s  nombreufes  dans  la  maifon  d'un  particulier  (i).  Deux  ans 
aprè  s  ils  furent  difjîpcz^{  b  )  Je  trouve  auiïî  beaucoup  de  confufion  (i,)  b«/*.  «h 
dans  ce  récit,  car  fi  les  Taborites  s'entendoient  fi  bien  avec  les  %•  P-43*» 
Picards  3  ces  derniers  n'avoient  pas  befoin  de  fe  cacher,  puifque 
les  premiers  étoient  prefque  les  maîtres.  D'ailleurs  cette  diiïîpa- 
tion  des  Picards  au  bout  de  deux  ans  fait  allez  comprendre  qu'ils 
étoient  differens  <\q$  Taborites  qui  fe  foutinrent  pendant  plufieurs 
années.  ' 

XII.  C'eft  un  fentiment  affez  général  parmi  le;  hiftoriens  pro-   Scntîmens 
teftans,  que  les  Picards  n'étoient  autre  chofe  que  les  Vaudois  d.es  H*J*°" 
malicieusement  défigurez,  &  à  qui  l'on  imputoit  des  obfcénitez  tans  fur  le 
&des  impiétez  pour  les  rendre  odieux.  Stranski(c)  les  confond  fuiy  des  Pt~ 
avec  les  Taborites  qui  étoient ,  félon  l'opinion  commune ,  les  def-  (cj  Kf?.  Bob, 
cendans  des  Vaudois  ,&  qui alloient plus  loin  quen'avoitété  Jean  Cap.vi.  p. 
Hus.  Car  il  y  avoit  alors  trois  teâQs.  Les  Catholique  romains  qu'on  2  4* 
appelloit  papifies  ;  les  Calixtins  qui  ne  s'éloignoient  pas  fort  de  l'E- 
glife  romaine,  à  la  réferve  de  quatre  articles ,  dont  le  premier 
étoit  la  communion  fous  les  deux  efpéces  qu'ils  foatenoient ,  d'où. 

(1)  Lih.  XXVI.  p.  6%6.  6Zj.  Cette  relation  cfl  prefque  toute  tirée  d'Hagec, 
(  2  )  Il  fe-nommoit  ZmrOikonis, 

M  ij 


c>2         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

14.1  8.  ^s  eurenc  Ie  nom  d-e  Calixtins ,  ou  parti  fans  du  Calice.  Le  1 1.  la  li- 
bre prédication  de  fa  parole  de  Dieu.  Le  III.  la  punition  des  pé- 
chez publics.  Par  le  IV.  ils  vouloient  qu'on  ôtâtauxEccléfiafli- 
ques  toute  poflefTion  &  tout  domaine  des  biens  temporels.  Ces 
IV.  articles  feront  difcutez  dans  la  fuite.  On  les  appella  auffi  Huf- 
[  a  )  Stransk.  fites  clochans  (à)3  parce  qu'ils  avoient  abandonné  Jean  Hus  en  plu- 
ubi  fupr.  fieurs  chofes.  La  3 c  fecle  étoicnt  les  Taborites  dont  on  vient  de  par- 
ler. L'hiffcorien  anonyme  delaperfécution  des Eqlifes de  Bohême ^  par- 
le des  Picards  d'une  manière  équivoque  dans  ion  chapitre  desmar- 
(b)Cap.XVL  tyrs  fous  les  faux  Huffitcs(h).  Comme  le  livre  n'eft  pas  commun ,  je 
P.51.5L  /apporterai  le  paflàge  tout  entier.  »  Il  faut  venir,  dit  cet  auteur , 
»au  fchifme  de  ceux  qui  faifoient  profeflîon  du  Hufficifme.  La 
«principale  partie  d'entre  eux  dégénéra  &  perfécuta  les  vrais  fi- 
»  deles.  Ils  avoient  pourtant  la  même  ardeur  que  Jean  Hus  de 
»  combattre  lA'nte-chrift.  Mais  après  la  mort  de  ce  docteur ,  n'a- 
»yant  pas  de  chef,  qui  par  fa  prudence  &  fa  fermeté  pût  conte- 
»  nir  un  peuple  fort  animé ,  ils  fe  partagèrent  en  des  radions  qui 
»>fe  déchiroient  cruellement.  Le  gros  du  peuple  &  du  clergé, 
»  content  de  la  communion  fous  les  deux  efpéces ,  d'où  ils  furene 
»  appeliez  Calixtins ,  ne  fe  mettoit  pas  beaucoup  en  peine  des  au- 
»  très  dogmes  de  Jean  Hus.  Mais  les  Taborites  ,  entre  lefquels  fe 
«  fîgnalérent  deux  excellens  perfonnages  3  Wenceflas  Coranda  6c 
^Nicolas  Epifcopius  (1) ,  ceux-là,  dis- je  avec  quelque  peu  d'au- 
»  tresiniiftoient  fortement  pour  la  pureté  3  ôc  la  (implicite  delà 
v  religion  6c  des  cérémonies.  Les  premiers  crioient  au  contraire 
»  qu'il  ne  falloir  pas  entièrement  s'éloigner  des  cérémonies èc  des 
»  rites  de  l'Eglife^les  autres  crioient  qu'il  ne  falloit  tolérer  au- 
cune fuperftition.  Il  fe  mêloit  avec  eux  des  perfonnages  maf- 
»quez,  f  c'eft-à-dire  ^  de  faux  frères)  qui  pour  avancer  les  intérêts 
»  du  Pape  &  de  l'Empereur }  fomentoierot  la  divi  fîon  ,  &  animoienc 
»  le  peuple  contre  les  partifans  de  la  pure  religion,  leur  donnant 
»  le  nom  odieux  de  Picards.  Or  ils  donnoient  le  nom  de  Picards  aux, 
a  Vaudois ,  qui  chafiez^  de  France  depuis  quelque  temps  s'étoient  ar- 
»rètez^en  Autriche  s  &  et  oient  déjà  connus  fous  le  titre  des  plus  infa- 

»mes  hérétiques.  Ainfï  tout  fe  pafloit  tumultueufement Il  s'en 

«trouva  même  qui  prirent  tant  d'afeendant  fur  ziska  chef  des 
»  Taborites ,  qu'ils  l'engagèrent  à  prendre  le  parti  des  Calixtins  3 
j>  &  à  perfécuter  par  le  fer  &  par  le  feules  Picards  tout  de  même 
«  que  les  Papiftes. 

(1)  Je  crois  que  c'efr.  le  même  Prêtre  Tahorite  qui  efl;  appelle  ailleurs  Nicolas  B;s\ypec  ,  & 
e^xjEneai  Sylvitts  a  pris  pour  l'Evêque  des  Taforites,  comme  on  le  verra  ailleurs. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  tiv.  V.  93 
Il  ne  paroît  point  que  Joacbim  Camerarius  (a) ,  aufti  auteur  pro-  î  4 x  °« 
teftant,  ait  confondu  les  Picards  avec  les  Vaudois.  Alors  3diz-i\ ,  J^tff$£* 
s'éleva  la  Cette  des  Adamites ,  dont  on  dit  qu'un  certain  Picard  étoit  def.Tratr.or- 
l 'auteur ,  /*//  ^#7/  eût  nom  Adam  ,  y*//  qu'il  renouvellàt  l'ancienne  f°fox\J/iIk/ 
impiété  des  Adamites.  Ziska  extermina  vigoureufement  cette  fecle.  Je  <$  Poian.  p. 
finirai  cette  difcuilîon  par  le  témoignage  de  Zacharie  Thibaut ,  48- 
auteur  fort  exact  félon  le  témoignage  du  Jéfuite  Balbin.  Il  eft  fi 
éloigné  de  confondre  les  Taborites  avec  les  Picards,  qu'il  dit  que 
ce  fut  un  prêtre  Taborite  qui  dénonça  les  Picards.  »Un  prêtre 
»Taborite  3  dit-il ,  nommé  Nicolas  ,  Ôc  M.  Gitzin  écrivirent  à  Pra- 
»>gue  pour  donner  avis  qu'il  étoit  arrivé  de  France  un  certain 
s>  homme  nommé  Picard,  qui  entraînoit  beaucoup  de  monde  dans 
»fes  héréfïes  -7  que  leur  principal  prêtre  s'appelloit  Martin  de  Mo- 
»ravct  j  qu'il  enfeignoit  publiquement  &  hardiment  que  le  pain 
»ôcle  vin  de  l'Euchariftie  n'étoitpas  le  vrai  corps  &  le  vrai  fàng 
>?de  J.  C.  mais  un  figne  tout  nud ,  qu'ainll  il  nefallcit  lui  rendre 
»  aucun  autre  honneur  qu'à  la  manne ,  c'eft-à-dire,  comme  à  du 
>îpain  confacré  &  fanctifïé  (  qui  publiée  3  nihil  neeveritus  nec  rêve- 
»  ritus  doceret  panem  non  effe  verum  corpus ,  atque  fanguinem  Chrifti , 
»Jèd  nudumjîgnum  y  ideoque  nullum  ei  alium  honorem  nifimanna ,  id 
»  eft ,  confecrato  }  fanltificatoque  pani  exhibendum  effe  }  que  chacun 
a  le  pouvoit  prendre  de  fa  main  fur  la  table ,  &  le  diftribuer  aux 
«autres  3  parce  que  la  main  d'un  prêtre  ne  vaut  pas  mieux  que 
«  celle  d'un  particulier ,  ôc  que  c'eft  la  parole  qui  confacré  t  Ôc  non 
c.  pas  la  main  ',  que  l'homme  ôc  la  femme  pouvoient  en  tout  temps 
»  fe  rendre  le  devoir  conjugal ,  &  même  dans  l'Eglife,  *  qu'on  peut 
»  communier  auffi-tôt  après  l'acte  conjugal  j  qu'il  n'eft  pas  nécef- 
55  faire  de  fè  mettre  à  genoux  dans  l'Eglife  >  que  l'homme  ôc  la  fem- 
»  me  peuvent  fe  féparer  en  cas  de  ftérilité ,  de  difpanté  d'âge ,  ôc 
»  pour  d'autres  raifons,  ôc  fe  remarier  j  que  les  habits  n'étoienc 
»  pas  néceflaires  3  ôc  qu'on  pouvoit  aller  nud ,  pourvu  que  le  froid 
.jn'en  empêchât  pas  ;  que  ce  n'étoit  ni  une  honte ,  ni  un  crime  , 
»  que  le  père  eût  affaire  avec  fa  tille ,  ôc  la  mère  avec  le  fils.  Thi^ 
»  haut  ajoute  que  les  Taborites  réfutèrent  grièvement  ces  dogmes 
«diaboliques  ,  ôc  avertirent  ceux  de  Prague  de  s'éloigner  de  ces 
»  diables  fous la  figure  d'hommes ,  de  peur  que  le  monde  ne  jugeât 
a  mal  du  royaume  ôc  delà  dodrine  de  Bohême.  L'Académie  prie 
«aufîi  l'affaire  en  confidération  ,  &  dans  toutes  les  chaires  on  dé- 
pendit de  recevoir  ces  gens  nulle  part ,  fous  peine  d'êcre  brûlé.  En 

Miij 


94         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.18     «effet il  y  eut  un  cordonnier  (1)  qui  fut  brûle  pour  n'avoir  pas  dé- 
»  nonce  au  fénat  quelques-uns  de  ces  gens  qu'il  avoit  eus  chez  lui. 
»  Ziska  fit  au/Ti  brûler  tout  autant  de  Picards  qu'il  en  pût  décou- 
(i)Beii.Hnf-  »  vrir(a)».  Ce  même  auteur  dans  un  autre  endroit  leur  impute  des 
y/r.cnp.  44.   crimes  horribles  comme  celui  de  fodomie.  »  Z/V&z ,  dit-il  ayant 
<©?p.  ioy!'  «appris  que  les  Picards  faifoient  leurs  aiïemblées  fodomitiques 
«dans  un  certain  village  (2)  ;  que  pour  fe  défendre  ils  s'étoient 
«  emparez  d'une  ifle  (3)  où. ils  ailoient  tout  nuds  j  qu'ils  s'étoienç 
»  fait  un  Dieu  d'un  forgeron  nommé  Rohan  (4)  qui  habitoit  aupa- 
»  ravant  dans  un  bourg  appelle  Wefela  ,  6c  que  de  nuit  ils  avoienc 
(bj  Prticct.  »  pris  d'aflaut  une  ville  (bj ,  où  ils  avoient  tué  environ  400.  hom- 
»mes,  ziska  l'ayant  appris  s'en  alla  les  attaquer  avec  fes  Tabou- 
lés. Les  Picards  fe  défendirent  d'abord  comme  des  lions.  Ce- 
«  pendant  les  gens  de  ziska  s'étant  jettez  fur  eux  avec  fureur ,  tout 
«  fut  taijlé  en  pièces.  Ils  eurent  toutes  les  peines  du  monde  à  tuer 
»\eur  Dieu  Rohan  fur  qui  les  flèches  ne  faifoient  pas  plus  d'efFec 
»  que  fur  des  murailles.  Enfin  on  l'alTomma  à  coup  de  fléaux. 
jugement       XIII.  Il  eft  bien  mal  aifé  de  rien  conclure  de  certain  parmi  une 
fur  ces  diffe-  f]  grande  di verfité  d'opinions.  On  peut  pourtant  conje&urer  vrai- 
£fons,S  Rcla"  femblablement ,  r .  Que  les  hiftoriens  qui  ont  écrit  de  ces  faits  n'y 
ont  pas  vu  bien  clair ,  ou  qu'il  y  a  eu  beaucoup  de  pafTion  6c  de  cré- 
dulité dans  leur  jugement.  2.  Que  ceux  d'entre  les  proteftans  qui 
ont  pris  les  Picards  pour  les  Vaudois ,  ont  regardé  les  abfurditez 
6c  les  crimes,  dont  on  a  chargé  les  premiers ,  comme  de  fauiîes 
imputations  3.  Que  les  Hiftoriens  catholiques  romains  moder- 
nes ,  qui  confondant  les  Picards  6c  les  Vaudois  ont  repréiènté  ies 
uns  6c  les  autres  ,  comme  des  Nicolaïtes ,  des  Cyniques  impudens  5 
des  brigands ,  des  aflàfîins  ,  des  gens  de  fac  6c  de  corde  ,  l'ont  fait 
contre  le  témoignage  des  hiftoriens  contemporains,  &  très-ca- 
tholiques ,  6c  qui ,  comme  on  l'a  déjà  dit,  ont  parlé  tout  autre- 
ment des  Vaudois.  4.  Que  dans  uneaufTi  grande  confufion  qu'é- 
toit  alors  non  feulement  la  Bohême,  mais  toute  l'Europe,  tant 
par  rapport  au  temporel ,  que  par  rapport  au  fpirituel ,  il  pou- 

.(  1  )  Il  s'appelloit  PJ'achJlovv* 

(l)  Strœcinga  quipagus  non  longe  à  Regino  Graditis  diflat.  ubi  fupr. 

{3  )  Jnter  GraditTJum  ç£  We%jil»m ,  jn  Albi. 

(4)  J'avoue  que  je  ne  trouve  aucune  vraifemblance  à  ce  fait.  Et  je  foupçonnç  qu'il  y  a 
faute  ,  &  qu'au  lieu  de  Deum ,  Dieu  ,  il  faut  lire  ,  Dttcem ,  Chef.  A  l'égard  de  la  Sodomie  elle 
n'eft  impute'c  nulle  part  aux  Picards ,  mais  on  a  pris  apparemment  pour  Sodomie  les  obfcenitez 
dont  on  les  aceufoit.  Il  femble  que  Thibaut  bon  Luthérien  ne  les  aime  pas,  parce  qu'ils 
riioient  la  preTence  réelle  dans  PEuchariftie.  Au  relie  ce  cordonnier  pourroit  bien  être  celui 
de  Kranti ,  dont  ou  vient  déparier, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv>  V.  95 
voit  bien  s'élever  en  divers  endroits  des  fanatiques  6c  des  enthou-  141g, 
fîaftes,  fur  tout  parmi  le  peuple  qui  ne  fçait  jamais  tenir  un  jufbe 
milieu,  5.  En  confrontant  toutes  ces  relations,  il  femble  que  le 
plus  fureftdene  point  confondre  les  js'audois  ni  les  Taborites  avec 
les  Picards ,  &  de  faire  de  ceux-ci  une  faction  à  part  pour  ces  deux 
raifons.  La  1.  c'efl:  que  les  Huflites  n'eurent  jamais  honte  de  de- 
voir leur  origine  aux  Vaudois  j  au  lieu  que  ,  comme  on  vient  de 
le  voir,  ils  pourfui  virent  vivement  \qs  Picards.  La  2.  raifon  eft: 
digne  d'attention  ,  c'efl  la  févérité  de  Ziska  envers  les  Picards  y 
qui  de  l'aveu  de  tous  les  hiftoriens,  les  pourfuivit  fans  miféri- 
corde  par  le  fer  6c  par  le  feu.  Si  donc  les  Taborites  6c  les  Picards 
euflent  été  les  mêmes  gens ,  c'eût  été  à  Ziska  une  conduite  tout- 
à -fait  contradictoire,  puifqu'ilétoit  l'auteur  du  Taborifme,  com- 
me on  le  verra  dans  fon  lieu.  On  parle  différemment  de  la  ma- 
nière dont  Ziska.  défit  les  Picards ,  les  uns  difant  qu'il  les  fît  brû- 
ler ,  les  autres  qu'il  les  pafla  au  fil  de  l'épée.  Ce  peut  être  l'un  6c 
l'autre  en  des  temps  différents ,  comme  cela  paroît  par  la  relation 
de  Thcobald. 


HISTOIRE 

DE      LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

E  T       D  U 

CONCILE     DE     BASLE 


J4'8- 


LIVRE      VI. 


N  peut  regarder  les  années  précédentes  comme  ces 
jours  3  où  l'on  voit  s'aflembler  les  nuages  pour  for- 
mer une  longue  6c  grofle  tempête.  On  la  verra  fon- 
dre à  grands  éclats  les  années  fuivantes.  LeConci- 


1419. 

Arrivée  de 
Jean  Domini- 
que en  Bohê- 
me, le  dé  Conftance  ayant  fini  au  mois  de  May  de  1 4 1  8.  le  Cardinal 

Jean  Dominique  ne  tarda  pas  à  s'acquiter  de  fa  légation  en  Bohê- 
me,  comme  on  a  déjà  eu  occafion  de  le  dire.  Mais  non  content 
des  exhortations  Ôc  de  la  voie  de  la  perfuafion  qui  feule  convenoic 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  VI.    9? 

à  fon  caraclere ,  il  employoitaufïï  les  voies  de  faic.  Il  étoic  aflif-     J,l  » 
té  en  cela  de  l'A  rchevcqae  Conrad  qui  n'a  voit  pas  encore  embraf-     I4.IQ 
ië  le  HufTitifme.  On  place  au  1 i.  de  Juin  une  exécution  que  fie 
ce  Cardinal  à  Slane ,  ville  royale  de  Bohême  dans  la  Province  de 
ce  nom.  Etant  entré  dans  l'Eglifc  de  cette  ville ,  il  jecta  par  terre 
un  coffre  qui  étoit  fur  l'autel  (a),  donna  la  communion  fuivant  le   (^)iheob. 
décret  du  Concile  de  Confiance,  c'efl-à-dire  fous  une  feule  efpé-  part*  '•  caP* 
ce ,  6c  fît  brûler  un  eccléfiaftique  5c  un  féculier ,  qui  fans  doute  s'y  attend.  iLf- 
étoient  oppofez  (i).  C'eft-là  qu'on  peut  marquer  le  commence-  fak* 
ment  du  plus  grand  éclat.  Depuis  ce  temps-là  ce  ne  fut  plus  que 
mafïacres,  qu'incendies,  que  brigandages,  fous  prétexte  de  re- 
ligion. Parens,  amis,  compatriotes  ,  tout  devint  indiftindemenc 
l'objet  d'une  populace  irritée. 

^amque  faces  &faxa  volant ,  furor  arma  minifirat. 

Les  magiftrats  tentèrent  en  vain  d'appaifer  cette  rage  effrénée; 
ils  en  furent  eux-mêmes  la  victime,  comme  on  le  verra  tout  à 
l'heure.  Wenceflas  nefètrouvoit  pas  lui-même  en  fureté  parmi 
ces  troubles ,  où  il  ne  pou  voit  contenter  perfonne.  Quoiqu'il  Tem- 
blât  favorifer  les  Huflïtes  3  on  raconte  néanmoins  que  ces  der- 
niers mécontens  de  ce  qu'il  ne  prenoit  pas  leur  parti  autîi  chau- 
dement qu'ils  l'auroieiit  voulu,  délibérèrent  entre  eux  d'élire  un 
autre  Roi.  Cependnnt  un  de  leurs  prêtres  nommé  Wenceflas  Co- 
randa(i) ,  plus  fage  &  pius  éclairé  y  d'ailleurs  fort  éloquent ,  les 
détourna  de  cette  révolte  par  ce  difeours  :  Mes  fiers  s ,  quoique 
nous  ayons  un  Roi  ivrogne ,  &  fainéant ,  cependant  Jl  nous  jettons 
les  yeux  fur  tous  les  autres  princes  ,  il  ne  s"  en  trouvera  point  qui  lui 
foit  préférable ,  &  on  peut  même  le  regarder  comme  le  modelé  des  prin- 
ces ,  parce  quil  ejl  paifible  3  bénin  3  &  que  de  plus  il  nous  aime  (  }). 
Car  qui  ejl-ce  qui  ofera  nous  attaquer  fous  fon  récrie  7.  il  nous  laijje  vi- 

(i)Ilya  apparence  que  dans  ce  coffre  étoicntles  Calices  pour,  communier  le  peuple.  Au 
refte  on  a  vu  dansl'Hijloire drt  Concile  de  Confiance  que  Dominique  n'ayant  pu  réùiïïr  en  Bo- 
hemes'en  alla  en  Hongrie  où  le  Hullitifme  a  voit  pénétré,  &  qu'il  y  mourut  en  1419. 

(  2  )  Wenceflas  Cjranda  étoit  Profelfeur  en  Théologie  à  Prague.  Il  fut  de  l'ambalTadc  que  le 
Roi  George  Vodiebmd  envoya  à  Pie  IL  II  mourut  en  151p.  âge'  de  p; .  ans.  On  lui  fit  cette  Epi-» 
taphe. 

Artibus  exaiïis  Coranda  verendus  £>  annis  , 

Nunc  vyv'%%  Cljrijlo  ;  vixerat  aute  libris, 

Ii  y  a  de  lui  en  Bohême  quelques  ouvrages  de  pieté  manuferits.  Lttpac.  t.  Février. 

(  l  )  Je  ne  fçai  comment  accorder  ceci  avec  les  horribles  cruauté?  qu'on  attribue  à  Wenceflas. 
Il  faut,  ou  qu'il  n'ait  pas  été  fi  cruel,  0.1  qu'on  ait  mal  retenu  la  harangue  de  Çoranda.  Ceperi* 
jdant  ce  font  des  Auteurs  Catholiques  qui  le  font  parler. 


9  8  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSÎTES 

1 4 1  o .    vrefclon  notre  dèjïr  y  s'il  rieft  pas  de  notre  fentiment  fur  la  religion ,  il 
ne  nous  trouble  pas  dans  notre  culte ,  &  il  ne  permet  pas  qu'on  nous  y 
trouble.  C efi  pourquoi  je  trouve  qu'il  efi  jufte  de  prier  Dieu  four  fa. 
confervation  ,  parce  que  c^efi  fon  indolence  qui  fait  notre  falut  &  notre 
tranquilité.  Ce  dilcours  tranquilifa  les  efprits  du  peuple,  6t  celui  de 
Wenccflas  que  cette  émeute  avoic  fort  allarmé.  Un  autre  auteur 
fait  tenir  à  Coranda  un  langage  un  peu  différent.  Nous  avons  ,  leur 
dit- il,  un  Roi  3  &  nous  n'en  avons  point.  Jl  efi  Rordenom,  il ne  l' 'efi 
pas  d'effet.   Ce  ne  fi  que  comme  une  peinture  fur la  muraille.  L'un  & 
l'autre  nous  efi  avantageux  fi  nous  voulons  maintenir  &  fortifier 
notre  parti.  Car  i.  fon  titre  de  Roi  des  romains  efi  pour  nous  d'une 
grande  force  contre  la  faïlion  romaine  qui  n'ofera  rien  entreprendre 
contre  les  Bohémiens  ,  quand  elle  verra  le  Roi  dans  leurs  intérêts  (  i  ). 
Et  que  peut  faire  contre  nous  un  Roi  qui  efi  mort  en  vivant7.  Que  fi 
nous  choifîffons  un  particulier  pour  notre  roi  ,  dès  le  moindre  péril ,  /'/ 
n'aura  pas  affez^dc  force  pour  nous  défendre  &pour  fefoutenirlui-me- 
(a)  T)nh-civ.  *»f  f  a  J .  On  dit  que  depuis  ce  temps  Coranda  eut  beaucoup  de  parc 
Lib. xxiii.   àfes  bonnes  grâces (b).  Non  feulement  Dominique  ne  réùfiitpas 
%)  Mn.Syiv.  en  Bohême  ,  mais  il  y  reçut  millejnfultes ,  &;  on  l'y  menaça  mê- 
Hift.Boh.     me  delemaflacrer  3  s'il  n'enfortoit  au  plutôt.   Oeil  ce  qui  i'obli- 
*,lp"        '  gea  à  aller  en  Hongrie  trouver  l'Empereur  ,&  l'animer  contre  les 
Hufîites,  difant  qu'il  ne  falloit  plus  balancer  d'employer  contre 
eux  le  fer  &  le  feu.  Ce  Cardinal  mourut  en  Hongrie  en  141 9, 
Après  fa  mort  Martin  V.  avoit  envoyé  Branda  de  Chatillon  car- 
dinal de  Piaifance  en  Bohême  &  en  Hongrie  nour  y  réduire  les 

c->  A  J 

HuiTites  qui  avoient  aum  pénétré  dans  ce  dernier  royaume,où  l'on 
prétend  qu'il  fut  plus  heureux  qu'en  Bohême.  Pendant  le  féjour 
qu'il  y  fit,  il  fe  préfentaà  fon  zélé  un  objet  toutfmgulier.  C'étoic 
un  certain  Bachelier  aux  arts  libéraux,  qui  après  avoir  fait  îes  étu- 
des à  Vienne  3  &:  reçu  l'ordre  de  prêtrife  étoit  allé  en  Hongrie  où 
il  prêchoit&adminiftroit  les  facremens  félon  l'ufage  de  l'Eglife 
romaine  :  fi  d'abord  ,  ce  fut  de  bonne  foi,  ou  non  ,c'eftcequ'onne 
dit  pas.  Quoi  qu'il  en  foit ,  voulant  approfondir  les  myfteres  dont 
il  étoit  le  minifîre ,  il  lui  entra  dans  l'efprit  que  ce  n^toit  que  des 
rêveries,  n'épargnant  ni  le  vieux  ni  le  nouveau  Teftament  qu'il  re- 
gardoit  comme  des  fables.  En  un  motc'étoit  un  pur  déifie ,  dont 
toute  la  religion  febornoit  à  la  lumière  naturelle  qui  nous  apprend 
qu'il  y  a  un  premier  principe  de  toutes  chofes.  Cérémonies ,  facre- 

(1)  Ceraifonncment  eftfaux,  car  la  faftion  Romaine  ne  regardent  plus  K'encrfas  coranaç 
Roi  des  Romains ,  Lonifau  IX.  ayant  tté  le  folliciteur  de  fa  dcpoûtkm* 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VI.       95 
mens  j  pères  3  docteurs  3  glofes,  il  faifoic  main  bafFe  fur  tout  cela,     i±iq 
difant  pourtant  toujours  la  Meiîe  à  bon  compte.  Mais  un  jour  dans 
ia  ferveur  de fon  naturalifme , il infulta  un prêtre  qui  fedifpofoità 
célébrer  la  Méfie,  &  blafphema  contre  Jeius-Chrift  en  des  termes 
qui  font  frémir  d'horreur  (  1).  Quand  la  Méfie  fut  achevée,  le  prê- 
tre lui  alla  reprocher  [qs  blafphêmes  j  mais  bien  loin  de  s'en  dédi- 
re,  il  y  ajouta  de  nouvelles  impiecez.  On  le  dénonça  à  l'Evêque 
qui  le  fît  mettre  en  prifon  ;  &  après  l'avoir  examiné  ,  il  trouva  qu'il 
ctoit  tel  qu'on  i'avoit  dépeint.  Le  Cardinal  légat  qui  fe  rencontra 
là  _,  voulut  le  vifiteravec  trois  do&eurs  en  théologie  &  en  droit 
canon  pour  tacher  de  le  ramener.   On  le  fonda  fur  le  fujet  des  Sa- 
rafins ,  des  Juifs  3  des  Ariens  3  des  Vaudois ,  des  Wiclefites ,  des  Bo- 
hémiens 3  il  fe  moqua  également  destins  &  des  autres.  Après  cet 
interrogatoire  on  l'entreprit  par  la  difpute:  il  fe  défendit  fubtile- 
ment ,  mais  non  fans  paroître  quelquefois  fort  embarrailé.  Ces 
entretiens  durèrent  trois  jours  pendant  lefquels  le  prifonnier  dé- 
clara jufqu'à  la  fin  qu'il  vouloit  mourir  dans  fa  fciencc  (2).  Enfin  on 
infînua  àl'officialde  l'Evêque  de  le  refîerrer  plus  étroitement  de 
de  le  faire  attacher  à  un  poteau  pour  voir  fi  cette  poflure  lui  ouvriront; 
l'entendement.  Ce  qui  fut  dit,  fut  fait,  &  le  remède  opéra  bien- 
tôt après.    On  l'alla  vifiter ,,  il  cria  miféricorde,  demandant  la 
mort  comme  une  grâce.   Comme  on  le  vit  ébranlé,  après  quel- 
ques remontrances  fur  la  foiblefïe  de  l'efprit  humain  ,  on  lui  laifla 
encore  du  temps  pour  faire  fes  réflexions.  Enfin  le  lendemain  il  fe 
rendit ,  fe  rétracta  publiquement ,  6c  demanda  d'être  mis  dans  un 
monaftére  des  Religieux  de  St.  Paul  (I'aulitarum)Qn  Hongrie.  Si 
la  prifon  de  le  pilori  ne  s'en  étoient  mêlez ,  j'en  croirois  plus  volon- 
tiers ceux  qui  ont  attribué  ce  changement  à  une  infpiration  divine. 
Je  tiens  ce  fait  de  Jean  Nider{&)  célèbre  dominicain  de  ce  fiécle  (a)N;<krde 
là 3  Inquifiteur  de  la  foi ,  qui  I'avoit  oui  raconter  à  un  des  docteurs  m10"^?»1" 
qui  examinèrent  ce  déifie.   On  verra  dans  la  fuite  Jean  A7 /^em- 
ployé par  le  Concile  de  Bafle  à  la  réduction  des  Hufïïtes. 

1 1.  Si  dans  cette  violente  fermentation  desefprits ,  on  ne  ref-   znka  bâtit 
pectoit  pas  même  les  têtes  couronnées  3  comment  les  Magiltrats  Tabor* 
auroient-ils  eu  afîez  d'autorité  pour  arrêter  le  torrent  ?  C'efl  de 
quoi  on  peut  juger  par  une  des  plus  tragiques  feenes  de  ce  malheu- 
reux fiécle.  Les  hiftoriensde  l'un  de  de  l'autre  parti  s'accordent 
fort  bien  fur  lé  fond  de  l'affaire  ^  ils  varient  même  pe^kns  les  cir~ 

(i)T/y  ne  iterum  cotijecrare  fittuœfiliuml 
{  X  )  Se  ;«  fcicntiafun  mort  velle, 

Nij 


i4i?' 


ioo       HÎST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

confiances  eflentielles  3  fur  tout  ils  détellent  unanimement  ces  fu- 
reurs,  fous  quelque  prétexte  que  ce  foit.  Mais  avant  que  d'en- 
trer dans  le  détail,  il  eil  bon  de  prendre  les  chofes  d'un  peu  plus 
haut.  On  a  vu  dans  l'hifloire  du  Concile  de  Confiance ,  que  Ziska 
(  i  )  chambellan  de  Wencejlas  3  s'étoit  engagé  à  vanger  la  mort  de 
'Jean  Mus.  Il  y  en  a  même  qui  ont  prétendu  que  Wencejlas  le  mu- 
nit de  fon  fceau  pour  l'autorifef  dans  cette  entreprife.  Que  ce  fut 
férieufement ,  ou  non ,  cette  patente  du  prince  ne  laifîa  pas  de  lui 
attirer  beaucoup  de  monde  (2).  Ayant  donc  ramafîé  un  bon  nom- 
bre de  gens  de  toute  forte  3  il  couroit  la  campagne ,  &  mettoit  tout 
àfeu&àfang.  Sa  première  courfe  fut  dans  la  province,  ouledif- 
trict  de  Pilfen  (3  )  à  quelques  milles  de  Prague  au  couchant  de  cet- 
te métropole.  S  étant  emparé  de  la  capitale  du  même  nom  il  fe 
rendit  aifément  maitre  de  tout  le  pays ,  d'où  il  chafTa  les  prêtres 
&  les  moines,  6c  s'enrichit  des  dépouilles  des  monafleres  &  des 
Eglifes.  Il  y  établit  par  tout  la  communion  fous  Iqs  deuxefpéces 
par  le  miniflere  du  docteur  6c  prêtre  Coranda  dont  on  vient  de 
parler.  Mais  comme  il  craignoit  d'être  furpris  dans  quelque  em- 
bufcade ,  n'ayant  aucune  ville  où  il  pût  fe  retirer  en  cas  de  befoin, 
il  réfolut  de  fe  pourvoir  d'une  place  de  fureté  pour  lui ,  &  pour  les 
fiens.  Il  choifit  pour  ce  defîein  dans  la  province  de  Bèchin  un  en- 
droit fort  par  fa  fîtuation  3  où  il  y  avoit  eu  autrefois  une  bonne  for- 
terefle  (4)  qui  fut  détruite  par  les  guerres.  En  attendant  qu'on  y 
pût  bâtir  une  ville ,  il  ordonna  à  fes  gens  de  drefler  des  tentes  dans 
les  endroits  où  ils  voudroient  avoir  leurs  maifons.  Et  c'efl  là  l'o- 
rigine du  célèbre  Tabor  (  5  ) ,  mot  qui  en  Bohémien  lignifie  une  ten- 
te ,  ou  un  camp  félon  le  témoignage  des  hifloriens  du  pays.  Ce  fut 
apparemment  alors  qu'il  fe  joignit  à  Nicolas  feigneur  de  HuIJinet^ 

(  1  )  Jean  Ziska ,  ainfi  appelle ,  parce  qu'il  étoit  borgne  ,  ce  que  lignifie  le  mot  Ziska  en  Bo- 
hémien ,  étoit  un  Gentilhomme  né  dans  un  baurg  de  Bohême  appelle  Trwsywsw  dont  il  por- 
toit  le  nom  ,  avant  que  de  s'appellcr  Ziska.  Ce  bourg  eft  fitue'  auprès  d'une  ville  appellée  Jjo- 
rovdnnidzns  le  (fiftricl:  de  Béchin  ,  dans  laquelle  il  y  a  un  beau  Couvent  de  Chanoines  régu- 
liers. On  dit  que  Ziska  l'épargna,  parce  que  Troctnovv  fa  patrie  apgartenoit  à  ce  monaftere. 
Zisk.a  prenoit  auffi  le  nom  de  Ziska  du  Calice ,  (  Ziska  de  Calice.) 

(2)  haqite  (  juxta  quofdam  )  ut  contumeliam  iftam  vindicare  ip/i  concèdent  à  ~Rege  inflanter  pe- 
tiijje,  idque  à  Rege  affedatam  ip/ius  Jimplicitatem ,  veram  panpcrtatem ,  tenues  opes  jtve  amicos 
refpiciente  perjocumeoncedi ,  figiiloque  injuper  confirmait  quod  ille  accipere ,  eeque  pado  multos  ad 
fe  clam  allicere  atqueattrahere.  Theobald.  Cap.  XXVIII.  p.  62. 

(3)  Voyez  la  defeription  de  cedirtrict.  Balb.  Mifcell.  Lib.  III.  Cap.  IV.  p.  16.  27.  Pilfen  efl; 
une  ville  royale  de  Bohême  fur  la  Mife  à  quelques  milles  de  Prague  au  couchant  fur  les  fron- 
tières de  la  Bavière. 

(4)  Elle  sapÉJÊkùtHradiftie. 

(5)  Cette  villWïï-ihfte  encore.  On  y  voit  une  tour  que  Ziska  avoit  bâtie  pour  y  faire  un  ma- 
Çafin.  Dans  cette  tour  étoit  l'effigie  de  Ziska  tenantde  la  main  gauche  un  moine  raie  ,  &  de  la 
main  droite  une  mafiuê'pour  L'aflommer-  Balb,  Mifcell.  Lib.  UI.  Cap-  III.  §.  $. 


TMuul  fcufy 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  VI.     ici 

qui  s'étoit  retiré  de  Prague  fur  la  menace  que  lui  avoit  fait  le  Roi    1410, 
de  le  faire  pendre  ,  parce  qu'on  Paccufoit  d'avoir  afpiré  à  la 
royauté. 

III.  Ilsavoientun  fi  grand  nombre  de  partifans,  qu'il  fe  trouva  AffcmbUc 
plus  de  40000.  perfonnes  (  1  )  qui  communièrent  fous  les  deux  ef-  de  4°o°°- 
péces  dans  la  ville  royale  d'Auft ,  proche  la  montagne  deTabor.  ^°"om- 
L'on  drefta  3  00.  tables ,  où  il  y  avoit  du  vin  &  des  calices  de  bois,  munier  fous 
Jtîagec  met  des  enfans  dans  cette  multitude ,  mais  il  ne  dit  point  k(fceds^ux  ei' 
qu'ils  communièrent.  Il  dit  que  les  prêtres  n'avoient  point  d'ha- 
bits facerdotaux,&  que  tous  ces  communians  s'approchèrent  de 
la  table  fans  avoir  été  à  confefle  ,  &  fans  nulle  préparation  ,  com- 
me des  profanes  ,  ayant  des  épieux ,  des  a^balettes ,  des  maiïuë's , 
&  d'autres  armes  qui  étoient  alors  en  ufage(a).  Cette  affaire eft  (a)  a™. 
racontée  en  gros  par  tous  les  hiftoriens  de  Bohême  3  mais  comme  H^-p  ^7°« 
elle  eft  importante ,  elle  mérite  bien  un  plus  grand  détail.  Balbïn 
nous  la  donnera  fur  les  mémoires  d'un  Auteur  contemporain  (b)  (b)  £««$«/ 
qui  avoit  vu  les  chofes  de  Ces  propres  yeux  ,  &  qui,  félon  lui ,  a  deHtnumtvr 
parlé  le  plus  exactement  de  la  guerre  des  Hufïïtes.  Il  avoit  vu  & 
entendu  Jean  Hus  ,  &.  l'avoit  foutenu  vivement  dans  l'affaire  des 
trois  voix  contre  les  Allemands.  Quoiqu'il  fût  hérétique ,  Balbin 
rend  pourtant  témoignage  à  fa  fidélité  dans  i'hiftoire.  Voici  donc 
comme  il  raconte  l'affaire.  »  En  1 4 1  9 .  le  jour  de  la  Saint  Michel , 
»  il  s'attroupa  une  grande  multitude  de  peuple  dans  une  vafte  cam- 
»  pagne  appellée  les  Croix  (c)  (  Cruces)  en  allant  de.  Benechau  à    (c)  Autre- 
«Prague.  Il  y  avoit  des  gens  de  plufîeurs  villes  &  villages  5  mais  meut  cv/dty. 
»il  yen  avoit  plus  des  villes  de  Prague  ,  alors  fort  peuplées,  les 
»  uns  à  pied,  les  autres  en  chariot.  Ce  peuple  avoit  été  invité  dans 
»  cette  plaine  par  trois  prêtres ,  fçavoir  M.  Jacobel,  M.  Jean  Cardi- 
»  nal ,  M.  Matthieu  de  Toczenic^,  Car  lorfque  Wencejlas  vivoit  en- 
core, le  peuple  fe  donnoit  rendez-vous  fur  quelques  montagnes 
»  auxquelles  on  donnoit  les  noms  d'Oreb ,  de  Beraneck ,  de  Tabor  y 
»  &c.  pour  y  communier  fous  les  deux  efpéces.  Donc ,  dans  cette 
»  campagne  M.  Matthieu  fit  drefler  une  table  fur  trois  tonneaux 
«vuides  que  ces  gens  avoient  bus,  &  donna  PEuchariftie  au  peu- 
»  pie  fans  nul  appareil  ^  la  table  n'étoit  pas  même  couverte,  éc  ils 
»  n'avoient  point  d'habits  facerdotaux.  Sur  le  foir  toute  cette  foule 
»  partit  de-là  pour  Prague ,  &  arriva  pendant  la  nuit  à  la  clarté  des 
»  flambeaux  à  Wifrhade.  Il  eft  furprenant  que  dans  cette  occafion 

(i)Dubrausk.  ubi  fupr.  p.  624.  Dali/.  Epitom.  p.  43  I .  /£neas  Sylv.  &.Cocbl.  n'en  comptent 
«[i.'cawon  J 0000 .  ïbeoù.  p.  y  1 . 

Nii> 


ici     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1419.  »  ^s  ne  s'emparèrent  pas  de  cetce fortereffe,  dont  la  conquête  leur 
»  coûta  depuis  tant  de  lang.  Mais  il  n'y  avoir  point  encore  de 
»  guerre.  Le  prêtre  Coranda  curé  de  Pilfin  fe  rendit  auffi  dans  ce 
»  même  endroit  avec  une  grande  troupe  de  l'un  6c  de  l'autre  fexe 
»  portant  l'Euchariftie.  Avant  que  de  partir  des  Croix  ,  un  gentil- 
»  homme  ayant  exhorte  le  peuple  à  dédommager  un  pauvre  hom- 
a>  me  dont  on  avoit  gâté  les  bleds  ,  il  fe  fit  une  (1  bonne  collecte  que 
»  cet  homme  n'y  perdit  rien.  Car  il  ne  le  faifoit  aucune  hotlilké  , 
»  les  troupes  marchoient  comme  des  pèlerins  avec  un  baron  feule- 
>»  ment  j  mais  les  chofes  changèrent  bien- tôt  de  face.  En  partant, 
»  les  prêtres  avertirent  le  peuple  de  s'y  rendre  avant  la  St.  Martin. 
»  Mais  toutes  les  garnifcns  qu'avoir  alors  Sigifmond  dans  les  villes 
»  6c  dans  les  châteaux ,  fe  joignirent  enfemble  pour  s'oppofer  à  cet 
*»  attroupement.  Ce  qui  donna  lieu  à  plufieurs  fanglants  combats. 
»  Car  ceux  de  Pilfen,  de  clattau ,  de  Taufcb  ,  6c  de  Sufficz^  qui 
?>  étoient  en  chemin  pour  aller  au  rendez-vous ,  ayant  été  avertis 
»  de  l'embufeade  par  Coranda,  prirent  dej  armes,  &  donnèrent 
»  de  toute  part  le  même  avis  :  de  forte  qu'il  fe  forma  bien-tôt  une 
»  armée  con  fidérable.  Quand  ils  furent  arrivez  à  une  certaine  ville 
3»  appellée  Cnin  ,  ils  reçurent  des  lettres  des  habitans  d'Attfi,  dans 
3>  le  diftrict  de  Béchin  non  loin  deTabor,  par  lefquelles  on  les 
»  prioit  de  leur  donner  du  fecours  pour  aller  à  Prague  ,  parce  que 
»  les  Impériaux  les  traverfoienr  dans  cette  route.  Ils  leur  envoyé- 
»  rent  donc  cinq  chariots  avec  des  gens  bien  armez.  A  peine  ces 
»gens  avoienc  palîé  la  Moldave ,  qu'ils  apperçurent  devant  eux 
*  deux  corps  d'armée, l'un  de  cavalerie,  &  l'autre  d'infanterie. 
»  L'un  étoit  commandé  par  Pierre  S ternberg  feigneur  Catholique, 
V  Préfident  delà  monnoyeà  Cuttenberg.  L'autre  étoit  une  troupe 
»  d'environ  400  perfonnes,  tant  hommes  que  femmes,  qui  alloient 
»  comme  en  pèlerinage  d'Aufi  à  Prague.  Ceux  qui  avoient  été 
»  envoyez  de  Cnin  au  lecours  de  ces  derniers ,  y  écrivirent  auiTi-tôt 
;>  pour  donner  avis  que  l'ennemi  approchoit ,  6c  qu'ils  avoient  be- 
»?  foin  d'un  prompt  fecours ,  6c  continuèrent  leur  route  vers  ceux 
»  d'Aufi  qui  s'étoient  portez  fur  une  petite  éminence.  Ils  furent  at- 
»  taquez  là  6c  défaits  par  S  ternberg,  ava.ni  que  ceux  de  Cnin  puiTent 
»  les  joindre.  Il  y  en  eut  pourtant  quelques-uns  qui  fe  fauvérent 
»  par  la  fuite,  &  allèrent  joindre  ceux  de  Cnin  qui  s'étoient  aufTî 
»  placez  fur  une  petite  montagne.  Ceux-ci  attaquez  par  Stemberg 
:»  fe  défendirent  lî  bien ,  qu'ils  obligèrent  ce  Général  à  fe  retirer  à 
w  Cuttenberg.  Après  cette  victoire  ceux  de  Cnin  demeurèrent  tout 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VI.,      103 

»  le  jour  dans  l'endroit  où  ceux  & Auft  avoient  été  battus ,  enterré-     141  o, 
»  rent les  morts, 6c firent  célébrer  le  fervice  divin  par  leurs  pré- 
»  très.  De-là  ils  allèrent  à  Prague  chanter  victoire,  où.  ils  furent 
»  reçus  joyeufement  par  leurs  confrères  (1). 

IV.  Thibaut  rapporte  à  cette  occafion  une  lettre  de  Ziska     Lettre  de 
aux  habitans  &  au  Seieneur  ou  Gouverneur  de  Taufck  ou  Tilla  1z';k;1  au* 

-ni?  //  j>    \  hurtans  de 

dans  la  province  de  Piilen.  Au  vaillant  Capitaine  &a  toute  la  ville  Taufch. 
d£Tifia.  »Mes  très-chers  frères,  Dieu  veuille  par  fa  grâce  que 
»  vous  reveniez  à  votre  première  charité ,  &  que  faifant  de  bonnes 
»  œuvres,  comme  de  vrais  enfans  de  Dieu,  vous  perfiftiez  en  fa 
»  crainte.  S'il  vous  a  châtiez  Se  punis,  je  vous  prie  enfonnomde 
»  ne  vous  pas  laifler  abattre  par  l'affliction.  Ayez  égard  à  ceux  qui 
»  travaillent  pour  la  foi ,  &  qui  fouffrent  perfécution  de  la  part  de 
»  fes  ad  verfaires,  fur  tout  de  la  part  des  Allemands,  dont  vous  avez 
»  éprouvé  l'extrême  méchanceté  ,  à  caufe  du  nom  de  J.  C.  Imitez 
»  les  anciens  Bohémiens  vos  ancêtres,  qui  étoient  toujours  en  état 
»  de  défendre  la  caufe  de  Dieu  ,  6c  la  leur  propre.  Pour  nous, 
«mes  frères ,  ayant  toujours  devant  les  yeux  la  loi  de  Dieu  ,  6c 
»le  bien  de  la  République,  nous  devons  être  fort  vigilants,  6c 
»  il  faut  que  quiconque  efl  capable  de  manier  un  couteau,  de 
»  jetter  une  pierre  ,  &  ,de  porter  un  levier  (  vetiem  geflare ,  une 
»  barre,  une  mafluc  )  fe  tienne  prêt  à  marcher.  C'eft  pourquoi , 
«mes  chers  frères,  je  vous  donne  avis  que  nous  aflemblons  de 
«tous  cotez  des  troupes  pour  combattre  les  ennemis  de  la  véri- 
»té,&les  deftructeurs  de  notre  nation,  6c  je  vous  prieinftam- 
»ment  d'avertir  votre  prédicateur  d'exhorter  le  peuple  dans  fes 
»  fermons  à  la  guerre  contre  l'Ante-  Chriffc  ,  &  que  tout  le  monde  i 
»  jeunes  &  vieux,  s'y  difpofe.  Je  fouhaite  que  quand  je  ferai  chez 
«vous,  il  ne  manque  ni  pain,  ni  bière,  ni  alimens,  ni  pâtura- 
»  ges ,  &  que  vous  faffiez  provifion  de  bonnes  armes.  C'eft  le 
»  temps  de  s'armer  non  feulement  contre  ceux  du  dehors,  mais 
»aufli  contre  les  ennemis  domeftiques.  Souvenez-vous  de  votre 
»  premier  combat,  où  vous  étiez  peu  contre  beaucoup  de  mon- 
»  de  ,  6c  fans  armes  contre  des  gens  bien  armez.  La  main  de  Dieu 
»n'eft  pas  raccourcie,  ayez  bon  courage,  6c  tenez- vous  prêts. 
"Dieu  vous  fortifie.  ZiskA  du  Calice,  parla  divine  efpérance 
»  Chef  des  T  aborites  (  2  ). 

fi)  BaîL  Epit.  Rer.Bohem.p.  435".  436.  Cet  h-iftorien  témoigne  que  ce  morceau  d'hiftoire 
lie  le  trouve  pas  dans  les  livres  imprimez. 

[i]  La  lettre  cfl  datée  de  WitVien.  ou  Routiez. petite  ville  non  loin  de  *ÏAbor.  Cette  lettre  a  été; 


io4      HIST-  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
r  Quoique  ziska  fe  fût  déjà  mis  à  la  tète  des  Hufïîtes ,  ce  ne  fut 

qu'en  ce  temps-là  qu'ils  le  déclarèrent  leur  chef  folemncllement. 
Il  femble  pourtant  par  la  fuite  de  l'hiftoire ,  qu'il  les  comman- 
doit  fous  Nicolas  Huffînctz^  A  l'inflant  il  les  mena  à  Prague  au 
nombre  de  4000.  qui  par  ion  ordre  s'emparèrent  du  monaflére 
de  hmiAmbroife^  dont  ils  avoient  déjà  chaflé  les  moines ,  &  là 
ils  communièrent  fous  les  deux  efpéces ,  ayant  porté  l'Euchariffie 
dans  un  ciboire  de  bois.  D'abord  ceux  de  Prague  leur  propoiérent 
de  détruire  la  forterefle  de  Wifrhade  &  celle  de  Wencefias ,  6c  de  ne 
jamais  recevoir  Sigifmond.  Mais  quelques  gens  plus  fàges  s'y  étant 
oppofez  ,  l'enrreprife  fut  différée. 
Défection  V.  Comme  on  vient  de  parler  de  la  ville  &  forterefle  deTa- 
de  Taber.  kor  ^  j[  eft  bon  j'en  donner  la  defeription  qu'en  a  fait  Aineas  Syl- 
vius.  telle  qu'il  la  vit  de  fon  temps  vers  le  milieu  du  XV.  fiécle. 
»  Quoique  cette  ville  3  dit-il ,  fût  défendue  par  des  rochers  efear- 
»  pez  ,  Ziska  ne  laifTa  pas  de  l'enfermer  de  murailles  &  d'un  avant- 
»  mur  (  1  ).  Elle  eu:  baignée  en  partie  de  la  rivière  de  Lufinitn^,  &  en 
»  partie  d'un  gros  torrent  qui ,  arrêté  par  un  rocher ,  eft  contraint 
x  de  fe  détourner  à  droite  pour  entrer  dans  la  rivière  à  l'extrémité 
»>  de  la  ville.  L'efpace  pour  aller  dans  la  ville  par  terre  (  car  les 
»  deux  rivières  en  font  une  peninfule  )  eft  à  peine  de  3  o  pieds.  Là 
«il  y  a  un  folié  fort  profond ,  &  une  triple  muraille  ,  fi  épaifle 
«qu'elle  étoit à  l'épreuve  de  toutes  les  machines  de  guerre.  Les 
»  Taborites  maîtres  dans  l'art  de  prendre  les  places ,  avoient  bâti 
"plufieurs  tours  6c  plufieurs  remparts  le  long  des  murailles  dans 
»  les  endroits  les  plus  néceflaires.  C'étoit  là  le  refuge  de  tous  les 
»  hérétiques.  Ziska  le  conftruifit  le  premier  $  ceux  qui  le  fuivirenr, 
v  en  augmentèrent  les  fortifications  chacun  félon  fon  génie.  Nous 
9  la  décrivons  telle  que  nous  l'avons  vue.  On  t  rouve  dans  la  rivié- 
»  re  de  Zujîmtzjdes  grains  d'or  de  la  grofleur  d'un  pois ,  qui  n'ont 
«pas  befoin  d'être  purifiez.  Le  même  Auteur  ajoute  que  jufqu'a- 
*>  lors  les  Taborites  n'avoient  point  eu  de  cavalerie  3  parce  que  c'é- 
»  toit  des  gens  de  la  lie  du  peuple,  qui  fembloient  moins  embraf- 
»?  fer  une  nouvelle  foi ,  qu'éviter  la  juflice  &  les  prifons  (2).  Voici 
»  comment  il  dit  qu'ils  acquirent  des  chevaux.  Un  certain  Préfi- 
»  dent  de  lamonnoye  nommé  Nicolas  9  que  Sipfinond  avoit  en- 

trouvée  en  1541.  dans  la  Maifon  de  ville  de  Prague.  Iheobali  dit  qu'il  l'a  vue  ,  &  qu'il  y  avoit 
avec  cette  lettre  un  Hymne  Bohémien  dont  fe  fervoient  \cslaborites.  p.  71. 

(  1)  Atitenutrale.  L'Auteur  du  redoutable  aveugle  traduit  des  contrefearpes. 

(z  )  On  a  fait  voir  ci-deflus  le  contraire  par  le  grand  nombre  de  grands  .Seigneurs  qui  ccrivî- 
joit  à  Sigijnxmd  &  au  Concile  de  .Confiance ,  pour  fe  plaindre  du  fupplicç  de  'Jean  Hus. 

wvoyç 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VI.     105 
•w  voyé  pour  prendre  foin  des  affaires  delà  Bohême,  voulant  s'op-    14.1g 
«pofëraux  mouvemens  des  Hufîîtes,s'étoit  poftéavec  1000.  che- 
«  vaux  dans  un  village  nommé  Vogi^e.  Ziska  en  ayant  eu  avis, 
»>  l'alla  furprendre  de  nuit  la  veille  de  Pâques ,  lui  ôta  les  armes 
»>  &  ies  chevaux  ,  les  fit  monter  à  Tes  gens,  &  leur  apprit  l'exercice 
«du  manège  (  1  ).  Il  brûla  le  village,  &  Nicolas  fe  fauva  dans  le  u^ma  j^,, 
«château.  Depuis  ce  temps-là  Ziska  ne  marcha  plus  lans  cava-  cap. XL.  p. 
»lerie(a).  4' 

VI.  W'encefl.is  pendant  ces  troubles,  intimidé  par  plus  d'une  Djverfesrc* 
fâche ufe  expérience  ,  s'étoit^retiré  dans  la  fbrterefle  àtWifrhade,  m^eÛM. 
léparée  de  la  ville  par  la  Moldave  :  il  fera  fou  vent  parl^  de  cette 
fbrterefle  de  la  nouvelle  ville  de  Prague.  Le  Prince,  àfcn  départ, 

avoit  ordonné  aux  Magiftrats  d'empêcher  lesHuilites  de  porter 
en  pompe  i'Euchariftie  dans  les  rues.  Hagec  raconte  ici  .ine  parti- 
cularité que  je  n'ai  pas  trouvée  ailleurs.  Un  Bourgeois  de  la  nou- 
velle ville,  nommé  Nicolas  Gans^,  apparemment  Huflite ,  puif. 
qu'il  recommandoit  la  communion  fous  les  deux  efpéces ,  ayant 
parlé  infolemment  du  Roi  ,il  le  fit  mettre  en  prifon  j  ma:s  les  Hu£ 
ïites  ayant  demandé  fa  grâce,  il  le  mit  en  liberté,  à  condition 
qu'il  s'abfenteroit  des  villes  de  Prague.  Cet  homme  fe  re:ira  donc 
chez  les  Taboritcs ,  qu'il  animoit  contre  le  Roi  par  fés  difeours  fé- 
ditieux.  i^g^rajoure  que  peu  de  temps  après  il  courut  un  bruit 
que  les  Taboritcs  vouloient  fe  foulever  contre  Wcnccflas ,  &  choifir 
pour  Roi  Nicolas  Gansz^  Ce  qui  n'allarma  pas  peu  ce  Prince.  C'efl 
fans  doute  ce  qui  l'obligea  à  fe  retirer  dans  une  autre  forteref- 
fe  (b)  qu'il  avoit  fait  bâtir  à  une  lieuë  de  Prague,  fous  le  nom  (b)  utifupr, 
de  nouvelle  Fortereffe  ou  de  Chàtcauneuf (1)  {Arx  nova). 

VII.  Ziska  ne  manqua  pas  de  profiter  des  allarmes  &  de  la    Ziska  entre 
fécurité  de  Wenceflas.  Tufoues-là  il  s'étoic  contenté  de  quelques  ,  ns  PraS"e 

■  '  J        1  ,  11  les  armes  a 

courfes  ,  remportant  toujours  quelques  petits  avantages ,  dreflanc  la  main. 
peu  à  peu  [qs  gens  à  la  difeipline  militaire ,  5c  les  encourageant  par 
fes  libéralitez.  Mais  la  conjoncture  étoit  trop  favorable  pour  ne 
s'en  pas  prévaloir.  Animé  par  les  confeils  de  Nicolas  de  Hufjinefz^ 
il  rentra  dans  Prague  ,  où  la  plus  grande  partie  de  la  ville  l'ar- 
tendoit  avec  impatience.  Les  HufTites  fortifiez  par  la  prefence 
de  leur  Chef,  bien  loin  d'avoir  égard  aux  défenfes  des  Magif- 
trats ,  n'en  firent  que  plus  d'éclat  (c).  Ils  alloient  inf ultant  les  egli-  Çc)  ***• 
fes  &  Iqs  monaflcres  par  leur  affectation  de  porter  le  calice.  Le  rv.p.  117. 

(i  )  L'Auteur  du  Redoutable  Aveugle  dit  qu'il  fut  depuis  General  d'année. 
(2  )  La  ville  où  étoit  bâti  ce  Château  s'appelloit  Kotiradicie, 

Tom.  I.  O 


10É     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1419.    premier  coup  de  leur  fureur  fut  fur  le  couvent  des  Carmes  (1), 
à  ce  qu'on  prétend  3  parce  que  les  moines  de  cet  Ordre  avoienc 
porté  de  nouvelles  accufations  contre  Jean  Hus  &  Jérôme  de  Pra- 
gue à  Confiance,  comme  on  l'a  vu  dans  l'hiftoire  de  ce  Conci- 
(i)  jheob.ÏQ  (a).  De  cette  églife  ils  allèrent  à  celle  de  St.  £//>#«<?,  paflant 
«bifupr.p.   par  plufi-urs  ruës  &  par  plufîeurs  églifes,  bien  armez.    Quand 
ils  y  furent  arrivez,  ils  commencèrent  par  piller  la  maifon  d'un 
Prêtre,  qui  fans  doute  voulut  s'oppofer  àleur  entreprife  de  com- 
munier fous  les  deux  efpéces.  C'elt  tout  ce  qu'en.dit  Alneas  Syl- 
(b)  H;)?.  Bob.  vius  (b).  Mais  Thibaut,  tout  Proteftsnt  qu'il  eft ,  Se  après  lui  Bal- 
caP-  hin~  dit  nettement  que  Ziska tua  ce  Prêtre,  après  l'avoir  dépouil- 

XXXVII  •  .  *■ 

p.  m.  77.  le  de  fes  habits  facerdotaux.  Balbin  ajoute  qu'il  le  pendit  aux  fe- 
nêtres. Si  ce  fut  parce  que  ce  Prêtre -là  avoit  alors  abufé  de  la 
fœur  de  Ziska,  c'en:  ce  que  les  hiftoriens  n'ofent  pas  affirmer  (1), 
D'autres  difent  que  ce  fut  un  moine  qui  commit  cette  impureté  fa- 
crilege  ;  car  la  fœur  de  Ziska  étoit  religieufe. 
Les  Séna-      V 1 1 1.  De-là  ils  s'en  allèrent  en  fureur  à  la  Maifon  de  Ville , 

tcurs  de  Pra-    ^  -j   fcavoienc  que  le  Sénat  étoit  afïemblé  pour   prendre  des 

gue  maffa-  1  1  ,  r        ,    f  , 

crczparks  mefures  contre  eux.  Onze  d  entre  les  Sénateurs  échappèrent  a 
Huffitcs.  }eur  fureur  par  la  fuite.  Ils  fe  faifirent  de  ceux  qui  reffcoienc ,  Se 
les  jettérent  par  les  fenêtres  avec  le  Juge  &  quelques  citoyens  (  3  ). 
La  populace  en  furie  recevoit  leurs  corps  avec  des  lances ,  des 
broches  &  des  fourches ,  pendant  que  "Jean  de  P  remontré ,  nou- 
vellement HufTite,  &  que  l'on  reprefente  comme  un  homme  au- 
dacieux &c  capable  de  tout  entreprendre,  montroit  avec  often- 
tation  un  tableau  où  étoit  peint  le  calice,  pour  animer  davan- 
tage un  peuple  qui  ne  l'éroitdéja  que  trop.  Le  Chambellan  du 
royaume  étoit  forti  du  château  avec  trois  cens  chevaux  pour  ap- 
paifer  le  tumulte  :  mais  il  fe  trouva  fort  heureux  de  pouvoir  fe 
retirer  &  fauver  fon  monde.  On  prétend  que  Ziska  fut  préfent 
&  même  acteur  dans  toute  cette  horrible  fcène ,  irrité  de  ce  que 
le  Sénat  avoit  défendu  de  porter  publiquement  l'Euchariftie  ,  ou 
ce  qu'ils  appelloient  la  monflrance  (4)  du  corps  de  Chrift.  C'efl  ce 
(c)Mifceii.  qu'affirme  Dubravius ,  &  après  lui  Balbin  (c).  Cependant  tous  les 

lïob.  San3. 

h.  IV.  p.i  17.       C1)  Ce  Monaftere  avoit  été  fondé  par  Charles  W.  en  1347. 

(zj  Nefcio  qtta  de  caufa  ,  Ji  tamen  res  ha  febabet.  Ditbravins  cnimLib.  214.  dubitatttfr  ea  de  rt 
feribit  quod  forori ipjùtî  vitium  obtuliffet.  Theob.  ubi  fttp.  p.  69.  On  a  vu  dans  Yhifioire  du  Qm- 
cile  de  Cinftar.ee  que  c'étoit  une  des  raifons  qui  avoient  rendu  les  Ecclefiaftiques  odieux  à  ZisSM 

(3)  Les  uns  en  marquent  fept-,  les  autres  onze  en  comptant  le  Juge,  &  ion  valet.  11  arriva 
une  même  fcéne  l'année  précédente  à  Brcflau  ,  mais  les  mieux  informez  ne  croyent  pas  que  jc 
lut  pour  affaire  de  Religion. 

(4)  SanSum  Chrijlt  iorpus  in  mctjfîrantia, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VI.     107 
autres  Auteurs ,  tant  proteftans  que  catholiques  qui  ont  rapporté    l^l  » 
ce  fait,  n'y  font  point  intervenir  Ziska.  Il  y  a  entr'autres  un  ma- 
nufcrit  allégué  par  Bulbln  3  où  cette  affaire  efl:  racontée  fans  que 
Ziska  y  paroifle.  Je  rapporterai  ici  fur  la  foi  de  Balbin  les  paroles 
de  ce  manufcrit,  parce  que,  félon  lui  3  il  eft  d'un  Auteur  contem- 
porain, &  qu'il  y  a  des  circonflances  particulières.  »  L'an  141 9. 
»iour  de  Dimanche  ,  fête  de  faim  Abdon  >  il  fe  fit  une  Proceflion 
»  folemnelle  de  l'églife  de  fainte  Marie  adNives  à  celle  de  Saint 
»  Etienne.  Ayant  trouvé  cette  églife  fermée ,  ils  en  rompirent  les 
»  portes ,  ils  dirent  la  Méfie  3  6c  communièrent  fous  les  deux  efpé- 
»  ces.  En  revenant  de  la  proceffion,  ils  s'arrêtèrent  un  peu  à  la  Mai- 
son de  ville,  6c demandèrent  au  Sénat  l'élargifîement  de  quel- 
»  ques  gens  qui  avoient  été  emprifonnez  à  caufe  de  i'ufage  du  cali- 
»  ce.  Le  Sénat  répondit  avec  fermeté  qu'il  ne  pouvoit  le  faire.  Ce- 
»  pendant  on  jetta  du  palais  une  pierre  lur  un  Prêtre  hérétique  (1  ) , 
»  qui  dans  la  proceflion  avoit  porté  devant  le  peuple  ce  qu'on  ap~ 
«pelle  hmonfirance.  La  proceflion  en  ayant  été  troublée,  on  rit 
»  irruption  dans  la  Maifon  de  ville  ,  6c  on  fe  jetta  d'abord  fur  le 
»  Bourgmeftre,  6c  enfuite  fur,  tous  les  Sénateurs ,  6c  fur  le  Juge  , 
»  dont  le  valet  fut  afïommé  dans  lacuifine  (1).  Tous  ces  gens -là  , 
»  èc  plufieurs  autres  furent  inhumainement  jettez  par  les  fenêtres, 
»  6c  reçus  en  bas  par  la  populace  fur  des  pointes  de  javelots ,  de 
»  broches,  d'épées  3c  de, poignards.  Ceux  qui  tombèrent  encore 
»  en  vie,  on  les  tua  avec  des  fouets  ferrez  ».  Balbin  ajoute  que  l'Au- 
teur du  manufcrit  impute  toute  cette  tragédie  à  Ziska  ^  mais  il  ne 
dit  pas  qu'il  y  fût  prçlent ,  c'eft  au  fond  la  même  chofe  (a).  Le  ma-   (a)  Mifieii. 
nuferit  de  Siléfie,  dont  l'auteur  étoit  Huiïite,  aceufe  formelle-  ub'Mr- 
ment  ziska  d'avoir  eu  part  à  ce  malîacre  (3  ) ,  auiïï-bien  que  Hagec 
quiluiallocieun  nommé  Zibr^d.  La  fureur  n'en  demeura  pas  là. 
Comme  ceux  de  la  vieille  ville ,  contre  leur  parole  ,  ne  fe  joigni- 
rent point  à  ceux  de  la  nouvelle,  ces  derniers  allèrent  ce  même 
jour  attaquer  la  vieille  ville ,  dans  le  deiîein  d'y  mettre  tout  à  feu 
ôcàfang.  Ils  ne  vinrent  pourtant  pas  à  bout  de  leur  defïein:  mais 
ils  fe  retirèrent  pleins  de  fureur ,  6c  il  y  eut  ce  jour-là  beaucoup 

(  1)  Comme  Balbin  dit  que  l'Auteur  du  manufcrit  étoit  herctique  lu'-méme ,  il  faut  qu'il  em- 
ployé le  mot  d'hérétique  félon  1-e  fens  de  l'Eglife  Romaine.  Ce  Prêtre  hérétique  e'toit  facs  dou- 
te le  moine  de  Premotlire  dont  on  a  p:;rlé  tout.ù-l'heure. 

(  1  )  Le  manufcrit  les  nomme  nom  par  nom  jufqu'au  valet. 

(l)  Die  men/is  Julii XXX.  Maçijier  Qui  uni  ,  £j  Cmfules  nltqtti  ri&va  Civitatis  cum  Subjudice      < 
Commun ianis  jub  utrxqne  izmuli  f'untde  prœtoria  nova  Ctvitaf.s  enormner  dejeçti ,  £>  atrocïttr  muc- 
tati  fer populum ,  ^Jjhanncm  Ziskam  Régis  Bohemix  fami(iaretn, 

Oij 


io8         HÎST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSlTES 

i  a  i  o .    de  ^anS  répandu.  Depuis  ce  temps-là  les  deux  villes  furent  prefqut 
(aj  Hagtc    toujours  animées  l'une  contre  l'autre  (a). 

Ur  t-upr*H  ^"  ^~*cs  ^e  ^endemain  la  troupe  iéditieufe  alla  fondre  fur  les  au- 

plufiews      très  monaftéres  de  la  nouvelle  ville  où.  elle  n'ignoroitpasqu'ily 
naftércs  de   avoit  bonne  capture  à  faire  3  Se  fur  tout  de  bon  vin  àc  de  bonne 
r  Su  •        bierre  dont  ils  fe  régalèrent  à  merveille.  C'efl;  ce  qu'ils  firent  au 
monafterede  Zderazjituè  dans  la  nouvelle  ville,  ils  y  mirent  le  feu 
après  l'avoir  pillé.  Delà  ils  palîerent  avec  la  même  fureur  dans 
la  belle  Chartreule  de  la  vieille  ville  connue  fous  le  nom  de  Jardin 
de  <  M  trie  ,  &  fondée  en  i  341.  par  Jean  furnommé  ï 'Aveugle  Roi 
de  Bohême,  père  de  Charles  IV.  Le  Prieur  étoit  alors  un  nommé 
Jlfarquard  de  Wurtemberg  qui  avoit  été  un  des  plus  ardens  ennemis 
Ôc  aceufateurs  de  Jean  Hus ,  &.  queBalbin  appelle  le  fléau  des  hé- 
rétiques.  Les  HuHites  étoient  tellement  animez  contre  lui,  que 
rie  ie  trouvant  pas  en  fureté  pour  fa  vie  dans  fon  monaftere  ,  il  fe 
retira,  par  le  confeil  de  fes  amis  à  Bruna  en  Moravie.  L'expérience 
fit  voir  que  fes  amis  l'avoient  bien  confeil  lé.  Les  pauvresChartreux 
furent  traitez  le  plus  indignement  du  monde.  On  les  mena  en 
fpeclacle  dans  la  vieille  ville  avec  *des  couronnes  d'épines  fur  la 
tête.  On  prétend  qu'un  conful  de  la  vieille  ville  nommé  Jean 
Bradati  3   inftigateur  de  ces  infultes ,  avoit  apoffcé  un  tanneur 
(b)  Baib.  e-  de  la  nouvelle  ville  pour  marcher  devant  les  Chartreux  en  habits 
&%*K4y^  facerdotaux,  fautant  &  triomphant  le  calice  à  la  main  (b).  Quand 
Sans.  §.     '  on  fut  arrivé  au  pont  de  Prague  ,  il  y  eut  un  grand  débat  entre  les 
lxiv.         Huffites ,  les  uns  criant  qu'on  jercât  les  Chartreux  dans  la  rivière , 
les  autres  s'y  oppofant.  On  fe  querella,  on  fe  battit,  plulleurs  fu- 
rent bleilez ,  &  il  y  en  eut  deux  de  tuez.  Enfin  les  Chartreux  fu- 
rent traînez  en  prifon  dans  la  maifon  de  ville  de  la  vieille  cité.   Les 
magiftrats  firent  couper  la  tête  au  tanneur,  comme  au  principal 
auteur  du  tumulte,  malgré  Bradati  qui  l'avoit incité.  Quelques 
hiitoriens  débitent  que  trois  de  ces  Chartreux  difparurent  mira* 
cuîeufement  parlefecours  des  prières  de  leurs  confrères  3  &  que 
les  magiftrats  touchez  de  ce  miracle  ,  mirent  les  autres  en  liber- 
jth./iTub  rez  3  &  leur  donnèrent  bonne  efeorte  &  de  l'argent  pour  les  con- 
1.  p.  9-  H*,  duire  en  Moravie  (c).  Un  autre  hiftorien  a  jugé  plus  vraifembla- 
S%ï\^Bato.   élément  °lue  ce  miracle  fut  pieufement  fuppofé  par  les  magiftrats- 
£eéem.Satià.  pour  fauver  les  Chartreux  de  la  fureur  du  peuple  (d).  Il  y  a  en 
MfceiLL,     e£ret  t|ans  cette  hjftoij-e  atfez  de  chofes  incroyables ,  quoique 

vbiiupr.cap.       CO  H  pourrait  être  de  la  famille  du  Baron  Marquardde  Wurtemberg  grand  guerrier  mort  en 
XXIX.  p.        XÏ9Z-  Lupac.  zz.  Otfobr. 


ET  DÛ  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VI.  109 
vrayes,  fans  fuppofer  des  miracles  fort  fufpects.  Ces  Chartreux  14.1c 
n'allèrent  pourtant  pas  tous  en  Moravie.  Ayant  trouvé  beau- 
coup d'holpitalité  chez  les  moines  de  l'ordre  de  Cifteaux  dans 
leur  monafterede  Sedlitz,  quelques-uns  s'y  arrêtèrent.  Maison 
ne  les  y  laifla  pas  long-temps  en  repos  3  ce  monaftére  fut  fàccagé 
peu  de  temps  après  parles  Huffites  qui  exercèrent  des  cruautez 
horribles  contre  les  Chartreux ,  8c  contre  les  propriétaires  du 
couvent  ,  oomme  on  le  verra  dans  la  fuite. 

X.  Dès  que  la  nouvelle  du  mafïacre  des  Magiftrats  de  Prague     Monde 
&  des  défordres  arrivez  enfuite ,  fut  portée  au  Roi ,  il  en  fut  ex-     nM^u 
trémement  ému,  6c elle  caufa  une  confternation  générale  dans 
toute  fa  cour.  Pendant  que  chacun  faifoit  fes  réflexions  là-defîus, 
il  échappa  à  fon grand  echanfon  de  dire,  quil  avoit  bien  prévît 
tout  cela  (1).   Le  Roi  à  ce  mot,  foit  qu'il  en  fut  piqué,  comme 
d'un  reproche  de  fa  négligence,  foit  qu'il  le  foupçonnât  d'avoir 
trempé  dans  le  complot,  ou  qu'il  lui  fût  mauvais  gré  de  ne  l'en 
avoir  pas  averti ,  le  prit  par  les  cheveux  ,  le  jetta  par  terre ,  &.  lui 
auroit  enfoncé  un  poignard  dans  le  fein ,  h*  ceux  qui  étoient  pré  - 
fens  ne  lui  avoient  retenu  le  bras.  Dans  ce  même  infiant  le  Roi 
fut  faifî  d'un  accès  d'apoplexie,  ou  félon  d'autres  de  paralyiie 
qui  l'enleva  au  bout  de  18.  jours,  âgé  de  5S.ans,fanslaifîerd'en- 
fans  (2) ,  quoiqu'il  eût  été  marié  deux  fois.  Balbin  met  fa  mort  le 
16.  Août  de  14.19.  &  lemaiïacre  arriva  le  30.  Juillet.   Il  yapour-  (a)  Manufcr. 
tant  des  hiftoriens  de  Bohême  (a)  qui  difent  que  WenceJIas  mourut  fY'vin 
fur  le  champ  d'apoplexie  3  mais  comme  ils  mettent  aufïï  fa  mort  Lupac.  Ephe- 
le  1  6.  d'Août,  il  s'enfuit  de  Là  qu'il  ne  fut  pas  faifî  d'apoplexie  {""•  Rtl- 
le  30.  Juillet,  lorfqu'il  fe  mit  fi  fort  en  colère ,  ou  que  le  1 6.  d'Août  <^'. 
fut  une  nouvelle  attaque  dont  il  mourut.  Ces  mêmes  auteurs  ajou- 
tent quelques  particularitez  qui  feroient  voir  que  WenceJIas  ne  de- 
meura pas  dans  l'inaction.  »  Après  cette  action  ,  dit  le  manufcrit  de 
"Brcflau^  tous  leshabitans  de  la  nouvelle  ville  de  Prague,  tant 
«ceux  du  pays  que  les  étrangers,  fur  tout  les  adverfaires  de  la 
«communion  fous  les  deux  efpéces,  furent  mandez  à  la  maifon  de 
»  ville ,  fous  peine  de  la  vie ,  ou  de  l'exil ,  par  ceux  qui  avoient  maf- 
»facré  les  fénateurs,  avec  ordre  d'y  porter  leurs  armes.  Lesen- 
»nemis  des  Huilites  allarmez  de  cet  ordre  prirent  la  fuite.   Cepen- 

(  l)  Quelques-uns  lui  font  dire  qu'il  y  avoit  trois  jours  qu'il  le  fçavoit  ',  cequieft  fort  diffé- 
rent. Dubrav.  ttbifnpr.  p.  6l~j. 

(i)  Un  Hirtoriende  Bohême  dit  qu'il  avoit  été  rendu  fterile  par  lesenchantemens.  Bail/,  p. 
4$  2.  Je  l'attribuè'rois  plutôt  au  poilon  qu'on  lui  avoit  donné,  comme  le  témoigne  la  grande 
C.ironique  Belgique.  Ldit.  Trancf,  ad  Mœn.  h.\\n.  itf^.p.  1x6. 


iro       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
Jf  4- 1 9.    „dant  la  communauté  fe  choifk  quatre  capitaines  jufqu'à  Télec-r 

»  tion  desëchevins  qui  devoit  fe  faire  bien-tôr,  leur  donna  le  iceau 
,.  6c  les  autres  marques  du  confulat,  &  fit  mettre  grofle  garde  dc- 
»vantla  maifon  de  ville.  Le  Roi  irrité  6c  concerné  de  ces  mou- 
„  vemèns  propofa  d'extirper  tous  les  Huffites  (  i  ) .  &  fur  tout  leurs 
»  prêtres;  mais  quelques  uns  de  fes  confeillersqui  étoient  dans  le 
»  parti  de  Jean  Mus  3  avec  les  Sénateurs  de  l'ancienne  ville  lui  pro- 
»  pofcrent  un  accommodement.  Il  fut  donc  conclu  que  la  commu- 
»  nauté  (des  Huflires  )  demanderoit  pardon  au  Roi  du  maiïacre 
»  des  Confuls  ,  6c  que  le  Roi  conlirmeroit  l'éle&ion  des  nouveaux 
»  qu'elle  cliroit.  Le  i  6.  Aoufl  le  Roi  Wenceflas  frappé  d'apoplexie 
»  mourut  fur  le  champ  dans  fon  château  de  Prague,  jettant  de 
»  grands  cris  ,  &  rugiflant  comme  un  Lion  (  i). 

X  I.  Tous  les  Hifloriens  ont  afTe&é  de  nommer  rugiffement  le 
mcnTVur2  "  cri  que  Wenceflas  fit  en  mourant,  6c  ils  ont  relevé  ce  fait  comme 
WençejiAs.  quelque  chofe  de  fort  remarquable  6c  de  fort  lîgnificatif.  Pour 
moi  je  ne  crois  pas  qu'un  le&eur  équitable  6c  éclairé  puilîe  tirer 
aucune  conféquence  d'une  chofe  auflî  naturelle,  6c  je  n'y  ferois 
pas  plus  d'attention  qu'à  ce  qu'on  dit  qu'il  falit  les  foncs  baptif- 
maux  £c  l'autel  fur  lequel  il  fut  couronné.  Mais  on  aura  peut-être 
occasion  d'en  parler  ailleurs.  Il  faut  rendre  ici  juftice  à  la  modé- 
ration d'Alneas  Sylvius  qui  n'a  point  infulté  aux  mânes  de  Wences- 
las ,  comme  ont  fait  prefque  tous  les  autres  hiftoriens  qui  l'ont  re- 
prefenté  comme  un  homme  monftrueux  ,  comme  un  Sardanapale, 
comme  un  Therfite  6c  un  Copronyme.  Voici  ce  qu'en  dit  Cochlèe 
après  avoir  raconté  la  mort  de  ce  Prince.  Telle  fut  la  fin  de  Wen- 
ceflas XII.  Roi  de  Bohème ,  d'une  tige  très-noble  3  mais  d'une  vie  toute 
oppofèc.  On  peut  dire  de  lui  eec^e  S  allufledxx.de  beaucoup  de  gens, 
qu'ils  font  adonnera,  leur  ventre  &  au  foynmeil ,  qu'ils  "vivent  comme 
s'ils  nevivoientpas ,  paffant  leur  vie  dans  l'ignorance  &  dans  la  grof- 
fiereté  3  dont  le  corps  efi  efclave  de  la  volupté  >  à  qui  l'ame  cfl  à  charge , 
($-  dont  on  ne  peut  pas  plus  cflimerLi  vie  que  la  mort.  J'ai  trouvé  dans 
un  ancien  manuferit,  qu'un  jour  fon  cuifinier lui  ayant  refufé  à  man- 
ger ,  il  le  fit  embrocher  &  rbtir.  llfîtjettcrdans  la  rivière  un  Docleur 
en  Théologie ,  pour  avoir  dit  quilny  a  de  vrai  Roi  que  celui  qui  rè- 
gne bien.  Mais,  ditlà-deiïus  Cochlée,  ces chofes paroifent cruelles . 

X  i  )  Mngas  Sylv.  témoigne  qu'avant  fa  mort  il  avoit  fait  une  lifte  des  Hérétiques  qu'il  vou- 
loit  qu'on  fit  mourir  ,  &  qu'il  imploroit  fans  ceiTe  le  fecours  de  fon  frerc  &  de  fes  autres  amis. 
ueifit.fr.  cap.  XXVIII. 

(2)  Ceci  eft  tiré  du  manuferit  de  Breflau,  fol.  vil.  vin.  dont  l'Auteur  allure  qu'il  n'avance 
rien  qu'il  n'ait  vu  &  oiii.  Voi.  la  Préfae.  fur  ce  Manuferit.  [La  mortde  M,  l'Enfant  l'a  empéy 
ché  de  faire  la  Préface  qu'il  annonce  par  cette  Note.  } 


ET  DU  CONCILEDE  BAS  LE.  Liv.  VI.  ni 

On  trouve  dans  le  même  livre  qu'il  aimoit  p  abonnement  un  chien 3  parce  \a\c\ 
qu'il  mordoit  tous  ceux  qui  lui  montr oient  le  doigt.  On  dit  auflî  qu'il 
av oit  toujours  à  [on  cote  un  bourreau  pour  intimider  les  gens  ,  &  qu'il 
i'appelloitfon  compère  ,  parce  qu'il  avoit  été  parrain  d'un  des  cnfans 
de  cet  Exécuteur.  Je  ne  [ai  3  dit  Cochlée  ,  jitout  cela  cfl  vrai.  Mais 
tout  cela  même  efi  encore  peu  de  chofe  en  comparaifon  des  maux  extrêmes 
que  fouffrit  par  fa  nonchalance  l'illuflre  Royaume  de  Bohème  qu'il 
avoit  reçu  très-floriffant  des  mains  defon  père.  On  ne  vit  depuis  qu  hè- 
re''fie 'S 3  que  [éditions,  que  [acrilcges ,  que  guerrespque  ma ([acres ,  & 
que  ne  vit-  on  pas  1  Et  certainement  quand  il  nauroit  fait  que  ce  mal  3 
qui  par  oit  pourtant  petit  au  prix  des  autres  ,  de  dêfoler }  comme  il  fit , 
lafayneufe'Univerfitè  de  Prague ,  c'en  étoit  aflez^pour  rendre  fon  nom 
odieux  à  la  pofleritc.  Il  faut  pourtant  moins  lui  imputer  cette  perte 
qu'a  Jean  Hus  qui  le  fur  prit  malicicufement.  Ce  Roi  néanmoins  fut 
affczqcncreux  &  a /fez  confiant  pour  ne  point  abandonner  la  Religion  S^Cot}1' 
de  Jes pères ,  maigre  Les  artifices  des  Hérétiques  (a).  Lib.  iv.  p. 

XII.»  C'eft  la  coutume  des  Bohémiens ,  die  ^Eneas  Sylvius ,  l?s- 
»  d'embaumer  les  corps  de  leurs  Rois,  ôc  de  les  porter  ainfî  en  i^efllt 
«pompe  pendant  huit  jours  dans  les  Eglifes  delà  Ville  pour  les 
«pleurer  îblemnellement.  Cette  cérémonie  fut  négligée  à  l'égard 
«de  Wenceflas ,  parce  que  la  reine  Sophie  n'ofoit  pas  entrer  dans 
«la  Ville  neuve  où  tout  étoit  en  combuftion.  On  porta  donc  le 
«corps  du  Roi  dansl'Eglife  de  St.  Vit  (i),  &de  là  dans  la  Bafili- 
«  que  de  la  Cour  Royale  (2)  (  Aula  Regia  Konigsfaal  )  où  il  avoir. 
«  ordonné  qu'on  l'inhumât.  Mais  ce  monaffere  ayant  été  (comme 
«on  le  verra  dans  la  fuite  )  détruit  par  les  hérétiques ,  qui  déter- 
«rérent  les  Rois  de  Bohême,  &  les  firent  jetter  dans  la  rivière, 
«un  certain  pêcheur  nommé  Mufcha  qui  avoit acoutumé  de  ven- 
«dredu  poiflbn  à  Wenceflas 3  &  qui  avoit  affectionné  ce  Prince, 
«  enleva  ïecrettement  fon  corps  3  &  le  cacha  dans  fa  maifon.  QueL 
«  que  temps  après  les  affaires  étant  rétablies,  il  le  rendit  pour  20 
«ducats  d'or,  &  il  fut  enterré  avec  les  cérémonies  accoutumées 
«  dans  le  tombeau  de  les  ancêtres  (3  ). 

(1)  Cette  E.llfe  eft  dans  le  château  appelle  c!e  St.  Wenceflas ,  parce  que  ce  Roi  y  repofe 
(  Cctjirtitn  Saniïi  IVenceflai  )  Cétoitla  réiidence  des  anciens  Rois  de  Bohême.  Balfr.  Mifceil.  L. 
IlI.C.lX.p.  rao. 

(2)C'clU'Eglifede  Sainte  Marie.  Elle  e'toit  entourée  de  fept  chapelles  dont  chacune  étoit 
àc  li  jufte  grandeur  d'une  Eglife.  Ces  chapelles  avoient  été  conftruites  par  ordre  de  la  Reine 
EiZAhcth  mère  de  Charles  IV.  Balb.  ubifttfr.  p.  133.  C'étoit  la  fépulture  des  Rois  de  Bohême. 

{3  )  Mn.  Sjlv.  cap.  XXK  VU.  Les  autres  Hirtoriens  ont  raconté  la  chofe  de  la  même  maniè- 
re. Ibibastd  dit  que  le  Pécheur  rendit  le  corps  à  Sigifmond,  ce  qui  neput_arriver  qu'allez  long» 
temps  après. 


m         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
I4I9«         XIII  La.  mort  de  Wence/las  fat  faivie  d'un  loue  interrègne  (i). 

Interrègne.  ,        '  „  •  ,  i  i    V 

La  fucceffion  à  ce  Royaume  appartenoïc  naturellement  a  ion 
frère  S igifmond  roi  des  Romains  &  de  Hongrie ,  le  fécond  des  fils 
deCharles  11^.  Il eft  vrai  que Balbin  témoigne  avoir  vu  dans  les 
archives  des  rois  de  Bohême  ,  qu'en  i  3  S  t.parun  exemple  rare  fur 
tout  entre  les  Rois  3  Sigifmond^»»^  un  témoignage  d'amour  frater- 
nel ,  en  cédant  à  [on  cher  frère  Jean  Duc  de  Gorlicx^  Marquis  de 
Lu face ,  Province  qui  appartenait  alors  à  la  Bohème  ,  tout  (on  droit  k 
(a)B*#.  e-  la  Couronne  en  caWqueW enceflas  mourut  fans  enfans  (x).  Mais  les 
th.  p.  196.    ci10fes changèrent  depuis  par  la  mort  de  ce  frère,  puifque  dans 
toutes  les  lettres  que  Sigifmond  écrit  depuis  cette  ceiîion,  il  k  nom- 
me toujours  comme  fuccefleur  de  Wznceflas.  Et  c'elt  auiîi  à  Sigif- 
mondque  Sophie  de  Bavière  veuve  de  Wmceflas  s'adrefTa  de  même 
qu'aux  autres  Princes  fes  voifins  &  alliez,  pour  avoir  du  fecours 
dans  ces  violentes  extrémitez  ;  mais  inutilement.  Sigifmond  étoit 
trop  occupé  en  Hongrie  contre  les  Turc  pour  pouvoir  porter  Ces 
foins  ailleurs.  Je  ne  fçai  fi  jEneas  Sylvius  a  eu  raifon  de  l'en  blâmer. 
»  x»  L'envie  le  prit,  dit-il ,  d'aller  contre  les  Turcs  qui  l'avoient  dé- 
»ja  dépouillé,  au  lieu  de  palier  en  Bohême.  S'il  fût  allé  à  la  tête 
»  d'une  armée  àPrague  avant  que  les  Hérétiques  enflent  eu  letems 
»de  s'y  fortifier,  on  n'auroitpas  vu  le  feu  allumé  en  Allemagne  , 
£pf  "'  Syh'  »  comme  on  l'a  vu  depuis.Mais  pendant  qu'il  va  harceler  iesTurcs, 
xxxix.      0  il  perd  la  Bohême ,  &  il  ne  défend  pas  la  Hongrie  (b), 
u  Reine  fe      XIV.  Cependant  Sophie  deftituée  de  fecours  le  fortifia  comme 
fortifie  dans^jg     c  Da  ch4teau  de  Wisrhade  qui  eft  dans  la  nouvelle  Ville 
fttaqucrZiï-  elle  s'étoit  transportée  dans  le  fort  de  St.  W enceflas  dans  le  petit 
**•     .  .      côté  (c),où  elle  pouvoir  être  plus  en  fureté,  parce  que  ks  habitans 
sinla:!mi     de  ce  côté-là  ne  s'étoient  point  encore  afl'ociez  avec  ceux  de  la 
vieille  &  de  la  nouvelle  Ville ,  &  retenoient  fort  &  ferme  l'an- 
cienne religion.  C'eft  pour  cela  que  par  le  confeil  du  Seigneur 
UlricdeRofenberg  elle  fit  mettre  des  garnifons  dans  les  principaux 
endroits,  comme  à  l'Eglife  de  S*.  Thomas,  au  Palais  épifeopai , 
&càSaxenhaufen(Mù(ondeSaLxe)  pour  fe  mettre  elle-même  èc 
les  habitans  du  petit  côté  à  couvert  des infultes  de  .l'ennemi.  On 
rapporte  à  cette  année  une  tentative  que  fit  cette  Princefle  pour 
furprendre  Ziska ,  qui  étoit  alors  dans  le  diftrict  de  Pilfen.  Afîiftée 
du  Seigneur  de  Schwambew  elle  rarnafia  quelques  troupes,  alU 
attaquer  Ziska  ,  &Tenveloppa   fi  bien  par  deux  fois    qu'elle 

(1)  Sur  cet  interrègne  voyez  DuWav.Ub.XXlV.  F-  m°  6l  o.theob.  le  fait  durer  18.  ans. 
(thi  [upr*  cap.  XXX.  p.  72«  1, 

J  r     ■  F  t  \  aurojt 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Llv.  VI.    k'rj 

l'auroic  faic  prifonnier  fans  ce  ftratagême  donc  il  s'avifa.  *4i<^ 

XV.  Se  trouvant  inverti  par  la  cavalerie,  il  trouva  moyen  de     Rufe  de 
gagner  un  lieu  marécageux ,  où  elle  ne  pou  voit  aller.  Mais  comme  suerrc  de 
il  n'y  put  pas  long-temps  demeurer  non  plus ,  il  fut  encore  enfer-  Zis  * 
mé  dans  un  endroit  où  il  n'eut  point  d'autre  retraite  qu'une 
colline ,  où  il  n'y  avoit  que  pierres  &  brofîailles ,  jugeant  bien  que 
l'armée  ennemie  qui  coniïltoic  prefque  toute  en  Cavalerie  feroic 
obligé  de  fe  battre  à  pied.  C'en:  ce  qui  arriva.  Les  cavaliers  des- 
cendirent de  cheval ,  6c  tout  bottez  &  épronnez  allèrent  attaquer 

Ziska  ^  efpérant  d'en  venir  aifément  à  bout ,  parce  qu'il  avoit  peu 
de  monde.  Ils  y  furent  trompez.  Ses  foldats  J^/^mwavoient  leurs 
femmes  avec  eux.  ziska  leur  commanda  d'étendre  toutes  leurs 
robes,  &  leurs  voiles  à  terre.  Cela  fait,  les  éperons  s'embarafTé- 
rent  tellement, que  cette  Cavalerie  démontée  fut  prefque  toute 
taillée  en  pièces.  On  ne  dit  pas  ce  que  devinrent  la  Reine  &  fon 
Général.  L'Hiftorien  rapporte  feulement  que  ce  qui  échapade 
cette  cavalerie  qui  avoit  manqué  foncoup,  s'alla  retirer  à  Pil- 
feny  où  elle  fut  fort  bien  reçue,  parce  qu'on  étoit  irrité  contre 
Ziska  de  ce  qu'il  avoit  détruit  les  monafteres  de  cette  Ville  ;  èc 
même  ce  qu'il  y  avoit  defes  gens  en  furent  chailèz.  Pour  ziska 
lui-même  il  fe  retira  à  Taborfa/  On  verra  tout-  à-1'heure  que  ces  (a)T^.ubî 
précautions  ne  furent  pas  d'un  grand  fecours.  Maisii  fautaupara-  xxxn13" 
vant  parler  de  la  défblation  des  Eglifes  6c  des  Monaltéres.  7j . 

XVI.  On  peut  juger  qu'un  interrègne  n'étoit  pas  propre  à  met-  Ruine  totale 
trelecalmeen  Bohême.  Quoiqu'il  n'y  eut  pas  beaucoup  de  ref-  dfs  Monaf- 
fource  dsiïisWenccflas  3  il  ne  laifloit  pas  de  tenir  quelquefois  les  Eglifes,  tant 
efprits  en  bride  par  l'ombre  d'autorité  qu'il  y  polîcdoit  encore. À  Prague  que 
Les  HuiTites  avoient  été  obligez  d'implorer  fa  clémence  après  le  jju^  e  "" 
malïacre  desMagiftrats,fans  quoi  il  étoit  réfolu  d'en  faire  un  exem- 
ple par-'unmaiîacre  général. Il  n'eut  pas  plutôt  les  yeux  fermez  que 

la  populace  HuiTitique,déjamife en  haleine,couroit  de  toutes  parts 
à  bride  abbatuc, comme  des  chevauxqui  ont  pris  le  mord  aux  dents. 
Elle  s'alla  ruerfur  les  Monafteres  8c  leurs  Eglifes,  pillant,  brûlant  8c 
mafïacrant  tout  avec  une  fureur  &  une  profanation  fans  exemple. 
Ils  alléguoient  pour  prétexte  de  toutes  ces  horreurs,  que  les  moi- 
nes n'etoient  que  des  ventres  pareiîeux,  de  vrais  pourceaux  ,  8c* 
que  les  couvens  leur  fervoientd'étables.  On  brifa  les  images  8c 
îesftatuës,  on  leur  arracha  indignement  les  yeux,  on  leur  coupa 
le  nez  &  les  oreilles.  Les  orgues  furent  mifes  en  pièces.  Des  vête- 
;nens  facerdotaux  6c  des  chafubles  ils  en  faifoient  des  habits  a  leur 
Tom.  J.  P 


n4      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

141 9.  ufegeJ  ou  des  drapeaux.  Et  pour  ce  qu'il  y  avoic  de  plus  précieux, 
comme  les  ftatuës  d'or  6c  d'argent ,  les  rofaires,  les  ciboires  ,  les 
coupes,  ils  l'emportoient  chez  eux.  On  ajoute  qu'ils  le  fervoient 
du  chrême  pour  grailler  leurs  fouliers  6c  leurs  bottes.  Onjetta  de 
la  boue  6c  de  l'ordure  fur  les  grands  tableaux  aufquels  on  ne  pou- 
voir atteindre.  En  un  mot,  on  vit  tous  les  horribles  excès  qu'on 
peut  attendre  d'un  interrègne  arrivé  dans  un  temps  de  trouble  6t 
de  fchifme ,  où  chacun  veut  s'emparer  du  gouvernement  ',  6c  tout 
cela  à  l'inftigation  de  Ziska  6c  de  fes  adhérans ,  comme  le  rappor- 

ubifupr!cap.  tentles  deux  Auteurs  Proteftans  qui  ont  fait  cette  tragique  def- 

xxxi.  cription  (a). 

Defcrîptîon       XVII.  Ziska ,  comme  on  l'a  vu ,  étoit  fort  prévenu  contre  les 

de.  Monafic-  Ecclé fiaftiques  féculiers  6c  réo-uliers.  D'ailleurs  ils  avoient  le  plus 

j  es  de  bjuc-  •?       <  r         »•  1  *■ 

me.  contribue  au  lupphce  de  Jean  Hus  6C  de  Jerbme  de  Prague ,  par 

leurs  aceufations  au  Concile  de  Conftance.  Les  Eglifes  6c  les  Mo- 
naftéres furent  donc  les  premiers  objets  de  fa  vengeance.  Tous  les 
Hiftoriens  nous  donnent  une  idée  magnifique  des  Monaftéres  6c 
des  Eglifes  de  Bohême.  ^Eneas  Sylvius  Italien,  qui  par  conféquent 
devoir  être  jaloux  de  la  gloire  de  fa  patrie,  parle  avec  admiration 
desEglifès  6c  des  monaftéres  de  ceRoyaume,où  il  avoir  été  envoyé 
comme  on  le  verra  dans  la  fuite  ,  6c  il  ne  fait  pas  difficulté  de  lui 
donner  l'avantage  fur  tout  les  pais  de  l'Europe,tant  par  rapport  au 
nombre,  que  par  rapport  à  la  magnificence,  non  feulement  à  Pra- 
gue,mais  dans  toutes  les  villes  de  la  Bohême ,  fans  en  excepter  les 
villages.  On  peut  voir  au  bas  delà  page  la  defeription  qu'il  en- 
fait  (\).  Il  parle  entr'autres  de  la  magnificence  du  monaftere  de  la 
Cour  royale.  Il  y  av  oit,  &\t-\\  y  un  jardin,  autour  de  s  mur  ailles  du- 
quel è  toit  écrite  fur  de  belles  planches  toute  £  Ecriture  fainte  en  lettres 
majufcules  depuis  la  Genefejufquà  £  Apocalypfe.  Les  lettres  croijfant 
infenfiblement à  proportion  de  la  hauteur  de  la  planche ,  de  forte  quon 
pouvoit  lire  depuis  le  bas  jufqu  en  haut.  Mais  après  la  mort  de  ^en- 
ceflas  cet  ornement  fut  détruit  parla  rage  des  Huffîtes. 
MoraftlTreT  xvl11-  ^  felloic  en  effet  qu'il  y  eut  une  quantité  prodigieufe 
ruinezà  Pra-  d'Eglifes  6c  de  Monaftéres  en  Bohême ,  puifque  les  Hrftoriens  en 
gue-  comptent  jufqu  a  550  détruits  par  Ziska  (b).  On  peut  juger  que 

Ann.  Bojor.  ( l)  Nttllumego  ~Ragnum  mate  niflra  in  tota  Europa  tam  frequentibus  ,  tam  artguflis ,  tam  orna- 
Lib.  VII. cap.  *'s  Remplis  dicatrtmfuijft  ,  quamBohemicumreor.  lempla  in  cœlttm  ereiïa  3  longitudine  atque  am~ 
XXIV.  p.  flitudihe  tnirakHi ,  firnicihm tegebantur  lapidas  :  altaria  in  fublimi  pojitcf,  anro^  argento ,  qno 
778.  Iheob.  fan^orum  Reliqitiœ  tegebantur  ,  onufia  :  Sacerdowm  vefles  margaritis  texttz  :  otnatus  omnis  dives  : 
p.  yA.Balb.  Pret>°J*JBmn  fuppellex  :  fenefirx  aluz  cttqite  ampLJJtwii i,  confpicuo  vitro  ,  £?  admirabili  opère  hteem 
Epit.p.  4?  3  .  ¥r*fob*nt.  Nequebœctantumin  ogpïdis ,  mque  ttrbibus  }jed  invillis  quoque  admïrari  luebat*caç>. 
XXXVI.  p.74.  7$. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VI.     115 
iranc  de  richenes  qui  fe  trouvoienc  dans  les  Eglifes  en  or ,  en  argent 
î&  en  pierreries ,  écoienc,  &ime  bonne  reffource  pour  foûnenirla 
guerre,  &  une  grande  amorce  pour  le  foldac.  On  a  déjà  parlé  de 
celui  de  zderax^  &  de  celui  des  Chartreux  qui  furent  pillez  &;  brû- 
lez à  Prague ,  foie  immédiatement  avant  la  mort  de  Wènceslas ,  foie 
auificôc après ,  caries  Auteurs  varient  là-deffus.  Outre  ces  deux 
là,  BalbinQn  compte  quatorze  détruits  à  Prague  en  141 9.  ceux 
des  Bénédiflins ,  des  îsfortbertiyis  de  l'Ordre  de  Prémontré ,  des 
Ermites  de  St.  Auguftin  3  des  Chevaliers  de  Malthe  3  des  Vejlales  de 
la  Pénitence  de  S  te  Marie  Magdelaine.  Tous  ceux-là,  fijene  me 
trompe,  étoient  dans  le  petit  coté  de  Prague.  Ceux  de  la  vieille 
Ville  &  de  la  nouvelle  Ville  ne  furent  pas  plus  épargnez.  Il  y 
avoit  entre  autres  celui  des  Dominicains  ou  Frères  Prêcheurs  ,  celui 
des  Filles  de  Ste  Claire  de  l'Ordre  de  St.  François  ,  un  autre 
d'hommes  du  même  Ordre,  un  des  Bénédictins ,  un  des  Cheva- 
liers Tcutoniques.  Tout  cela  fut  pillé  ,  &  impitoyablement  réduit 
en  cendres.  On  n'eut  pas  plus  de  pitié  des  perfonnes  que  des  édi- 
fices. On  maflacratout  ce  qu'il  y  eut  de  gens  de  l'un  6c  de  l'autre 
fexe ,  qui  ne  purent  échapper  à  la  fureur  populaire  en  fe  réfugiant 
chez  leurs  parens&  leurs  amis3  ou  qui  ne  voulurent  pas  adhérer 
auxHuilîtes.  Quelques-uns  obtinrent  difficilement  que  la  peine 
de  mort  fut  changée  en  celle  de  banniiïement.  Le  monaftére  de 
St.  Jérôme  dans  la  nouvelle  Ville  s'étant  déclare  pour  eux  fut  con- 
fervé,  L'Abbé  de  ce  couvent  nommé  Paul  alla  au  devant  d'eux 
avec  fes  moines  les  fupplier  à  genoux  d'épargner  le  monaftére , 
promettant  de  donner  la  Communion  fous  les  deux  efpéces.  En 
effet  à  l'inflant  il  la  donnaà  une  vingtaine  de  Taborites,  qui  la  re- 
çurent avec  leuffc  arcs.,  leurs  halebardes  3  leurs  mafluës  ,  leurs 
feorpions  ,  leurs  catapultes ,  machines  de  guerre  de  l'ancienne 
milice ,  dont  on  peut  voir  la  defeription  dans  Vegèce  (a).  Ce  Cou-  (a.)Cmme*tt 
vent  fubuftoit encore  dutemps  deTheobald(\uicn  rapporte  ainfî  kÇg»-p» 
l'origine.  Charles  JV '.  dit-il ,  ayant  bâti  la  nouvelle  ville  de  Prague  en 
1 348.  voulut  l'orner  de  fomptueux  édifices  &  de  beaux  monaflére  s. 
Entre  autres  3  il  fit  bâtir  un  M onafl ère  auquel  il  donna  le  nom  de  St.  Jé- 
rôme (1)  ,  &y  établit  des  moines  Bènèdiïtins  Efclavons.  Il  obtint  en- 
fuite  de  ClementVI.  le -privilège  défaire  le  Service  divin  enLangue  Ef- 
clavonnedansce  couvent,  ce  que  le  pape  Grégoire  Vil.  avoit  refufé 
au  Duc  Wrarislas,  comme  on  l'a  vu.  Au  refle  ,  pour  le  dire  en  pal- 
/ant ,  ces  moines  fe  vantoient  de  pofleder  un  Diplôme  à'Alexan* 

(î)  Mtuajîerium  Hieronymi  ad  S.  Sovctnnm.  Ce  Couvent  s 'appelle  auffi  Emaus.  Theob.  p.  'JXt 

/  P  ij 


n6  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
141  9.  dre  le  Grand  en  faveur  des  Efclavons ,  pour  l'avoir  fidèlement  fèrvi,' 
fa)  Mifeeii.  Mais  Balbin  a  démontré  que  c'eft  une  pièce  fuppofêefa).  Tous  ces 
xxVn  ravages  font  atteliez  unanimement  parles  Hiftoriens  de  l'une  & 
g.viii.  de  l'autre  Communion.  On  n'épargna  pas  plus  les  Eglifes  à  la 
campagne  que  celles  de  la  ville.  Onavoit  déjà  commencé  les  bri- 
gandages dès  qu'on  eut  appris  l'exécution  de  Jean  Mus.  Comme 
elle  avoir  extrêmement  animé  le  peuple  ,  plufïeurs  brigands  fe 
fervoient  de  ce  prétexte  pour  pêcher  en  eau  trouble.  Il  en  faut 
donner  quelques  exemples. 
Dîgreflions.  XIX.  Il  y  avoit  dans  la  forterefle  de  Frawenberg  (  1) ,  fituée 
lyjhi  fameux  dans  le  diftricî:  de  Pilfcn,  fur  une  haute  montagne  efearpée  de  tous 
ngln  cotez  3  &;  prefque  inaccefîible ,  un  certain  Gentilhomme  3  nommé 
Jean  Tyfia ,  d'une  ancienne  famille  de  Bohême ,  maisinfîgne  bri- 
gand. Cet  homme  profitant  de  l'émotion  des  efprits  dans  cette 
province  >  en  ravagea  impunément  la  campagne  &  les  villes.  Il  y 
fit  de  fi  grands  ravages ,  que  Wenceflas  tout  indolent  qu'il  étoit  r 
fe  mit  en  devoir  de  le  ranger.  Il  y  envoya  pour  cet  effet  quelques 
officiers  avec  environ  miile  chevaux, qui  fe  partageant  en  plufïeurs 
petits  corps,  s'allèrent  pofter  à  l'entrée  de  la  nuit  en  divers  en- 
droits au  pied  de  cette  montagne.  On  n'ignoroit  pas  qu'à  ces  heu- 
res-là ces  brigands  fe  donnoient  à  cœur  joie  de  leur  butin.  Ils  fu- 
rent en  effet  furpris ,  les  uns  y  vres ,  les  autres  dormant  profon- 
dément ,  les  autres  jouant  &  danfant  au  fon  de  la  mufîque.  Il  y  en 
eut  environ  3  50.  de  pris  fans  nulle  réfiflance.  Leurs  chevaux  8c. 
toutes  leurs  dépouilles  furent  partagées  entre  les  foldats ,  &:  on  les 
conduifit  à  Prague  où  ils  furent  tous  pendus.  On  raconte  qu'il  y 
avoit  dans  cette  troupe  trois  frères  d'une  grande  beauté ,  éc  que 
plufïeurs  intercédèrent  pour  euxj  mais  on  ne  dit  pis  s'ils  obtinrent 
leur  grâce.  A  l'égard  de  Tyfia  il  entendit  bien  le  bruit,  mais  n'o- 
fant  fe  mettre  en  défenfe  contre  tant  de  gens ,  il  demeura  caché, 
dans  quelque  endroit  de  fureté.  Irrité  de  la  défaite  de  fon  monde^, 
il  s'aflbcia  d'autres  brigands ,  &  fe  mit  à  piller  plus  que  jamais». 
Mais  ayant  appris  qu'on  vouloir  l'afliéger  de  nouveau,  il  prévint 
le  coup,  &:  fit  fa  paix  avec  le  Roi  _,  fous  promefle  qu'il  n'exerceroit 
plus  le  métier  de  brigand.  Au  refte  Theobald  a  fait  une  descrip- 
tion fort  exacte  de  cette  ancienne  forterefîè  qui  n'efl:  plus  qu'une 
vafte  mafure.  Ce  qu'il  dit  fur  tout  de  fon  origine  ,  mérite  bien  une 
digreflïon  ,  quand  ce  ne  feroit  que  pour  délafîèr  le  ledeur  de  tant 

{ 1  )  Ce  mot  en  Allemand  lignifie  montagne  des  Femmes;  fans  doute  à  caufe  de  l'^vanturcs 
qu'on  ya  raconter- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VI.     117 
de  fpe&acles  lugubres,  quoiqu'il  y  aie  auffi  du  tragique  dans  ce  que     1410. 
je  vais  raconter. 

XX.  On  trouve  dans  les  Annales  d'Allemagne  que  Henri  I.   Avanture 
furnommé  YOifeleur,  avoit  une  fille  d'une  grande  beauté  nom-  amoureufe 
mée  Hélène.  Le  comte  Albert  dAltenbourg  en  devint  amoureux , 
&  s'en  fit  aimer.  Comme  il  n'y  avoit  nulle  apparence  qu'ils  obtinf- 
fent  de  l'Empereur  la  permifîîon  de  fe  marier ,  ils  prirent  la  réfolu- 
tion  de  fe  retirer  enfemble  dans  quelques  forêts  inacceflibles.  Pour 
y  réuffir_,  le  Comte  fe  mit  d'abord  au  fervice  de  l'Empereur  y  afin 
d'avoir  le  temps  de  vendre  fes  biens.  Quand  il  eut  amaflé  une  afTez 
grande  fomme  pour  fe  mettre  en  état  de  fubfifler  avec  fa  maîtreflè 
dont  il  vouloit  fairefon  époufe ,  il  demanda  congé  pour  un  certain 
temps  3  fous  prétexte  de  quelque  voyage  pour  fes  affaires.  Il  jetta 
d'abord  les  yeux  fur  la  Bohême  pais  de  montagnes  ôc  de  forêts,  011 
il  efl  aifé  de  fe  retrancher.  Ayant  trouvé  un  endroit  favorable  à 
fon  defléin  ,  il  s'y  arrêta  ,&  y  fit  bâtir  la  forterefTe  dont  il  s'agit, 
Il  fit  en  même  temps  pour  plufieurs  années  une  bonne  proviiion 
de  toutes  les  chofes  néceilaires  à  la  vie.  Il  n'oublia  pas  plus  l'arfe- 
nal  &:  les  armes, que  les  magaflns.  Le  fort  achevé 3  il  afTembla 
tous  fes  ouvriers  &.  leurs  familles ,  fous  prétexte  de  leur  faire  bâtir 
une  ville  au  pied  de  la  montagne  où  étoit  le  château.  Ils  rnirens 
en  effet  la  main  à  l'œuvre^  mais  l'ouvrage  fut  bien-tôt  interrompu, 
parce  o^x  Albert  craignoit  avec  raifon  que  tes  ouvriers  s'en  retour- 
nant chez  eux,  ne  révélaffent  fon  fecret.  Il  prit  donc  le  cruel  parti 
de  les  faire  tous  brûler ,  après  les  avoir  enyvrez.  Cette  horrible 
exécution  faite,  il  retourna  plus  paffionné  que  jamais  à  la  Cour , 
où  il  avoit  laifTé  la  belle  Hélène.  Quel  moyen  de  l'obtenir  ?  Il 
n'y  en  avoit  point  d'autre  que  de  l'enlever  s  comme  ils  en  étoienc 
convenus.  Il  lui  propofa  donc  un  jour  de  faire  avec  des  dames  une 
partie  de  promenade  à  la  campagne  dans  un  certain  endroit  qu'il 
lui  avoit  marqué.  La  compagnie  arrivée  au  fecret  rendez-vous  , 
Je  Cavalier  prit  la  Dame,  &  l'enleva  à  la  vue  des  autres,  fuyanc 
au  grand  galop.  Après  une  allez  longue  courfe ,  ils  arrivèrent  à 
leur  château ,  où  Hélène  fut  ravie  en  admiration  de  fe  voir  reçue 
iî  fplendidement.  Beaux  jardins,  appartemens  commodes  &  ma- 
gnifiques ,  charmante  vue,  munitions  de  guerre  &;  de  bouche ,  ô£ 
for  tout  une  entière  liberté  à  leur  pafîion  réciproque.  Pendant 
ce  temps-là  PEmpereur  avoit  été  occupé  à  la  guerre  de  Hongrie* 
En  étant  revenu  victorieux,  il  établit  fa  réfidence  à  Ratisbonne 
qui  n 'eft  pas  éloignée  de  la  Bohême*  Comme  il  étoit  fort  paf- 

P  ni 


1 1 8         HIST.  DE*  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
fionné  pour  la  chafle ,  l'ardeur  i'emportoit  fouvent  dans  les  forêts 
de  Bohême.  Il  s'y  engagea  un  jour  fi  avant  qu'il  s'égara  ,  6c  rue 
long-temps  fans  içavoir  où  il  étoit.  Enfin  découvrant  de  la  fumée 
il  donna  des  deux  vers  cet  endroit,  où  il  n'arriva  qu'avec  peine 
la  nuit,  tant  les  chemins  étoient  impratiquables.  Il  n'eut  pas  moins 
de  peine  à  fe  faire  ouvrir,  tant  tout  étoit  clos  &  bien  o-ardé.  Al- 
bert ayant  demandé,  Qui  va  là  ?  Ayez^pitiè  3  dit  Henri ,  d'un  voya- 
geur qui  s3  étant  égaré  3  n'a  ni  bu  ni  mangé  depuis  trois  jours.   Il  y  a  voit 
long-temps  que  nos  amans,  ou  nos  époux,  n'avoient  vu  l'Empe- 
reur ,  &  apparemment  il  avoir  beaucoup  changé  depuis  ce  temps- 
là  ,  de  force  qu'ils  ne  le  reconnurent  pas ,  pour  fon  bonheur ,  com- 
me on  va  le  voir.  Hélène  curieufe  de  voir  un  homme,  ce  qui  ne 
lui  étoit  pas  arrivé  depuis  cinq  ans ,  à  la  réferve  du  fien ,  le  pria  in- 
ftamment  de  recueillir  cet  étranger.  On  le  reçoit  amiablement, 
on  lui  allume  du  feu  3  6c  on  lui  donne  les  rafraichùTemens  nécef- 
faires.  L'Empereur  reconnut  d'abord  fon  gendre  &;  fa  fille ,  mais 
il  n'eut  garde  d'en  faire  femblant.  Il  fit  accroire  qu'il  étoit  un 
gentilhomme  qui  après  avoir  beaucoup  dépenfé  à  vifiter  plufieurs 
Cours  de  l'Europe,  s'en  retournoit  chez  lui  fort  court  d'argent. 
Sur  cela  Hélène  lui  demanda  des  nouvelles  de  l'Empereur  Henri. 
Quoi  3  dit-il ,  vous  ne  fçavez  pas  qu'il  y  a  déjà  un  an  qu'il  eft  mort? 
Ha  y  dit-elle  3 l 'agréable  nouvelle  que  vous  m'apprenez^!  en  reconnoif- 
fance  je  veux  de  ma  propre  main  faire  votre  lit ,  &  vous  coucher  molle* 
ment.  Je  voudrois  que  tout  le  rejle  de  ma  famille  fut  éteint ,  pour  recou- 
vrer ma  liberté  &  celle  démon  cher  ami  que  voilà.  Mais  3  dites-moi, 
je  vous  prie ,  Madame,  y£  vous  aviez^  à  préfent  l'Empereur  entre  vos 
mains  3  comme  vous  m'avez^,  que  luiferiez^vous  ?  Nous  ferions  en  forte 
qu'il  ne  pafferoit pas  le  jour.  Après  de  femblables  entretiens  on  ac- 
compagna l'Empereur  dans  fa  chambre ,  &  le  lendemain  il  retour- 
na à  Ratifbonne  au  grand  contentement  de  fa  Cour  qui  étoit  fort 
en  peine  de  lui.  Comme  tout  le  monde  le  félicitoit  :  Trêve  de  com- 
plimens  3  dit-il  aux  Seigneurs  qui  l'entouroient ,  foi  une  prière  a 
vous  faire  :  cefi  de  vous  armer  incejfammcnt  contre  un  ennemi  que  j'ai 
découvert.  Ce  qui  fut  dit  fut  fait.  On  fe  met  en  marche  en  bonne 
pofture ,  on  commande  des  ouvriers  pour  abattre  les  arbres,  &  ap- 
planir  les  chemins  jufques  à  la  forterefle.  Cependant  ces  Seigneurs 
voulurent  fçavoir  qui  étoit  donc  cet  ennemi  qu'ils  alloient  com- 
battre. C'efimonfcélérat  de  gendre ,  dit-il  3  &  mon  indigne  fille  qui 
font  dans  ce  château  que  vous  voyez^  A 'llez^l 'envahir ,  &  me  les  ame- 
né z^prifonni  ers.  A  Imitant  on  marche  droit  à  la  forterefle  ?  &  on 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VI.     119 

en  demande  l'entrée.  Albert  al  larme  de  ce  tumulte  inopiné,  de- 
mande qui  c'eft.  C'eft  3  lui  cria-t-on ,  l'Empereur  Henri  qui  a  été 
chez^vous  ces  jours  pajfez^,  &  qui  nous  commande  de  vous  amener  à) 
lui  mort  ou  vif.  Aulîi-  rôt  il  le  mie  en  état  de  défenfe  ,  mais  les  cor- 
des de  Ton  arc  étant  pourries ,  il  fallut  fe  fervir  de  pierres.  Hélène 
cependant  jettoit  des  cris  pitoyables.  J  e  ne  furvivrai  pas  3  dit-elle, 
une  heure  à  mon  époux ,  tuez^moi ,  ou  je  me  tuerai  moi-même.  Les  chefs 
de  l'armée  touchez  de  compafïîon ,  prièrent  Henri  de  leur  faire 
grâce.  Il  le  fit ,  non  fans  quelque  combat.  Le  traité  conclu  ,  la  for- 
terelle  fut  ouverte  à  Parmée,  les  coupables  demandèrent  pardon 
à  genoux  3  &  l'obtinrent.  Ils  ouvrirent  leurs  tréfors  cachez  en  terre 
ious  la  porte  de  la  chambre  où  l'on  mangeoit.  Après  quoi  ils  ac- 
compagnèrent l'Empereur  à  Ratisbonne  3  &  depuis  ce  temps-là  le 
château  fut  négligé  pendant  long-temps.  C'eft  ce  qui  arriva  en 

93o(i). 

XXI.  Voici  un  autre  exemple  de  ces  brigandages ,  tiré  du  me-  Aventure  de 
me  Auteur ,  mais  d'une  nature  différente.  C'eft  le  pillage  du  mo-  olZovitl.  * 
naftére  <¥  Opatovitz^proche  Konigs-Gratz^  Ce  couvent  de  Béné- 
dictins fondé  fur  la  fin  de  l'onzième  liécle  par  Wratiflas  premier 
Roi  de  Bohême,  étoit  un  des  plus  riches  de  tout  le  royaume, 
parce  qu'on  n'y  recevoit  que  des  perfonnes  de  qualité  qui  y  appor- 
toient  tous  leurs  biens.  On  raconte  qu'en  1 3  59.  l'Empereur  Char- 
les IV.  ayant  oui  dire  qu'il  y  avoit  de  grands  tréfors  cachez  dans 
ce  couvent,  voulut  l'aller  vifiter  pour  en  voir  les  richeffes.  Pour 
cela  il  prit  avec  lui  une  trentaine  de  fes  courtifans  fous  prétexte  de 
faire  une  promenade.  Etant  arrivé  à  Konigs-Gratz^,  il  y  laifla  fon 
monde  ,  de  ne  prit  avec  lui  que  deux  de  les  chambellans  pour  l'ac- 
compagner à  Opatovitz^  Il  y  fut  fort  bien  reçu  &  bien  régalé  par 
l'Abbé  oui  ne  le  connoiflbit  pas  3  mais  qui  voyoit  bien  à  fa  mine 
que  c'étoit  quelque  grand  Seigneur.  Après  le  repas,  l'Abbé  PayanG 
prié  de  lui  dire  fon  nom  ,  il  promit  de  le  dire  pourvu  qu'il  pût  en- 
trer dans  l'Eglife  avec  lui ,  &  deux  des  plus  anciens  moines ,  en  qui 
il  avoit  le  plus  de  confiance  :  ce  qui  lui  fut  accordé  avec  plaifir. 
Quand  il  fut  entré  dans  l'Eglife,  Charles  dit  à  l'Abbé  '.Révérend 
Abbé ,  puifque  vous  v ouïe z^fc avoir  mon  nom  ,  apprenez^  que  je  fuis 
Charles  Empereur  des  Romains  &  Rot  de  Bohême  votre  fouverain, 
A  ces  mors  l'Abbé  recula  quelques  pas  en  arriére  tout  efFrayé ,  &, 
s'exeufa  de  n'avoir  pas  connu  l'Empereur  ,  fur  ce  qu'il  étoit  fi  mal 

(ï)lbcnb.  ubi  f;;pr.  cap.  XXVI.  p.  Cl.  64..  Au  refte  cette  avinturea  été  ajoutée  par  Jaques 
Dupont  de  Hcidelbtir  d;ij:s  la  Traduction  latine  de  Thibaut,  Elle  n'eft  point  dans  l'Allemand, 


no        HIST.  DE  LA  GUERRE  bES  HUSSITES 

efcorté.  fai  laiffè  mon  monde  à  Graditz^,  dit  l'Empereur ,  pour  m'en* 
tretenir  plus  confidemment  avec  vous  3  mes  chers  pères ,  fur  les  chofes 
que  j'ai  à  vous  dire.  Mais  dites-moi  3  je  vous  prie  3  fi  les  pères  qui  font 
ici  prcfens ,  font  ceux  de  vos  confrères  en  qui  vous  avezje  plus  de  con- 
fiance. L'Abbé  l'en  ayant  allure ,  je  vous  dirai  franchement ,  die 
l'Empereur  3  ce  qui  m'amène  ici.  On  m'a  dit  que  vous  avezjLms  ce  lieu, 
un  très-riche  tréfor.  Si  cela  efl3  ne  m'en  refufez^pas  La  vue  à  moi  qui  fuis 
votre  maître  &  votre  prote'céeur ,  &  je  vous  promets ,  foi  d'Empereur, 
que  je  ne  prendrai  abfolument  rien,  &  que  je  ne  foujf rirai  pas  que  perfon- 
ne  en  prenne  la  moindre  chofe.  La  proportion  furprit  les  moines. 
Ayant  obtenu  du  temps  pour  en  délibérer ,  l'Abbé  tint  ce  langage 
au  Rv>i  :  Très-clément  Empereur ,  pnifque  vous  fouhaitez^d' être  infor- 
mé des  tréfors  de  notre  monaft  ère , nous  vous  dirons  que  de  do  Reli- 
gieux que  nousfommes  ici ,  il  n'y  a  que  nous  trois  qui  ayons  connoifsance 
de  ce  trèfor  qui  nous  a  été  confié  à  nous  feuls.  Quand  il  en  meurt  un  des 
trois ,  on  confie  le  fecret  à  un  autre,  &  nous  fomme s  de  ferment de  ri  ou- 
vrir le  tréfor  à  ame  vivante.  D'ailleurs  l'accès  en  eft  fort  dangereux , 
&  ne  convient  point  à  votre  Majeftè.  L'Empereur  après  y  avoir  un. 
peu  penfé ,  demanda  qu'ils  l'aflociaflent  lui  quatrième  à  eux  trois, 
offrant  auflî  de  prêter  le  ferment.  La  propofition  paroiflant  fufpe- 
&e  &  artificieufe  aux  moines  défiants  3  ils  délibérèrent  encore ,  & 
firent  enfin  cette  réponfe  à  l'Empereur.  ~N ous  ri o ferions  ni  accorder 
ni  refufer  abfolument  à  notre  protefleur  ce  que  vous  propofez^  Ayez^donc 
la  bonté  de  choifir  de  ces  deux  chofes  l'une 3  ou  de  voirie  lieu  fans  voir  le 
trèfor^  ou  de  voir  le  trèfor  fans  voir  le  lieu.  Montrez^moi  feulement  le 
tréfor,  dit  l'Empereur,  &  je  ferai  content.  Jlfaut  donc  3  dirent  les 
moines ,  que  vous  vous  abandonniez^  à  notre  conduite  (  i  ).  Mes  chers 
pères ,  répondit  l'Empereur,  ma  vie  eft  entre  vos  mains ,  je  ferai 
tout  ce  que  vous  ordonnerez,.  Là-defîus  ils  prennent  l'Empereur  par 
La  main,  le  mènent  dans  un  enclos  obfcur  {conclave')  pavé  de  bri- 
ques ,  allument  deux  cierges  3  lui  mettent  un  capuchon  à  l'envers 
fur  la  tête  3  en  forte  qu'il  ne  pouvoit  voir  que  ce  qui  étoit  devant 
fes  pieds  (2).  Enfuite  ks  moines  ayant  ôté  quelques  briques,  l'Em- 
pereur apperçut  confufément  une  caverne  très-profonde ,  où  il 
lui  falloit  defeendre  jufqu'au  bas.  Quand  il  y  fut  arrivé ,  les  moines 
le  tournèrent  &  retournèrent,  jufqu'à  ce  qu'il  en  fût  étourdi. 
Alors  ils  le  conduifirenr  dans  une  cave  fouterraine  longue  de  deux 

(  i)  Si  quidem  artgujîa  Majcflas  tua  bue  eligit  ,  oportet  ut  ex  noflro  prœfcripto  vhas. 
(2)  Vejïem  monajïicMnfHtnerewverfamip/iinduerfi,  quitubil  vïderg  poffet  pertnde  atque  qux  ifp 
\iwbrii  n}icct,  mji  qua  atite pedes  tram, 

rues, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  VI.     nr 

m'es.  Là  ils  lui  ôterent  fon  capuchon  ,  &  lui  montrèrent  une  gran-    14.1  «. 
de  chambre  toute  pleine  de  lames  ou  de  barres  d'argent,  puis  ils 
Je  menèrent  dans  une  autre  remplie  d'une  grande  quantité  d'or 
en  barre  ,  &  enfin  dans  une  troiliéme ,  où  il  y  avoir  grand  nombre 
de  croix  d'or,  de  paix,  {pacificalia)  ôc  autres  ornemens  d'Eglife 
enrichis  de  pierreries }§L  de  quantité  d'autres  fortes  de  joyaux. 
Sire ,  dit  alors  l'Abbé ,  tous  ces  tré fors  font  à  vous  >  on  les  garde  pour 
vous  &  Pour  vos  légitimes  fùcccffeurs  j  ainfi  vous  pouvez^  en  prendre 
tout  ce  qu  il  vous  plaira.  Dieu  me  pré ferve  y  dit  l'Empereur,  de  rien 
emporter  des  biens  eccléfiaftiques.  il  ne  fera  pas  dit ,  repartit  l'Abbé , 
que  votre  Majeflè  s'en  retourne  a  vuide  de  ce  tréfor,  &  quelle  n'empor- 
te pas  d'ici  quelque  marque  de  fouvenir.    Il  lui  mit  alors  au  doigt 
une  bague ,  où  étoit  enchaffé  un  précieux  diamant  que  l'humidité 
n'avoit  point  terni.  L'Empereur  le  reçut  avec  plaifïr,  &  promit 
de  le  porter  toute  fa  vie,  &  même  de  le  faire  enterrer  avec  lui. 
Quand  il  fallut  s'en  retourner ,  ils  remirent  fur  la  tête  de  l'Empe- 
reur le  capuchon  qu'on  lui  avoit  ôté  pour  voir  le  tréfor ,  de  le  pi- 
rouéterent  encore ,  afin  qu'il  perdît  le  fouvenir  de  l'endroit.  Etant 
arrivé  dans  la  première  chambre ,  où  il  avoit  été  d'abord ,  on  lui 
ota  fon  capuchon ,  il  fe  mit  à  genoux  devant  un  autel ,  remercia 
Dieu ,  &.  parla  ainfi  aux  moines  :  Je  vous  remercie ,  mes  chers  pè- 
res ,  de  m  avoir  montré  ce  tréfor  ;  mais  y  dites-moi ,  oferois-je  dire  feu- 
lement  à  mes  plus  confidents  amis  3  quily  a  un  tel  tréfor  dans  mon  royau- 
me 3  fans  marquer  le  lieu  ?  Ils  répondirent  qu'il  en  pourroit  ufer 
comme  il  jugeroit  à  propos.    Lorfqu'ii  fut  de  retour  à  Konigs- 
Gratz^,  il  ne  manqua  pas  de  faire  à  table  le  récit  de  ce  qu'il  avoit 
vu ,  &  la  defeription  du  tréfor ,  fans  dire  où  il  étoir.  On  s'en  infor- 
ma des  Chambellans  quil'avoient  accompagne.  Ils  dirent  qu'ils 
avoient  été  avec  l'Empereur  au  monaftere  d'Opatovitz^,  de  qu'il 
avoit  été  fort  long-temps  en  converfation  avec  l'Abbé,  &  deux 
des  plus  vieux  moines.  Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  éventer 
la  mine  (1). 

XXII.  Pour  revenir  donc  de  ces  digreffions  dont  j'efpére  qu'on   Mi.fiecx.ki 
ne  me  fçaura  pas  mauvais  gré,  un  certain  Gentilhomme  deBohê-    ,g 
me ,  nommé  Jean  Mieftcczki ,  d'une  famille  distinguée,  mais  qu'il 
deshonora  par  fes  brigandages ,  ayant  appris  qu'il  y  avoit  à  Opato- 
ivV^un  fl  riche  tréfor,  rélolut  de  s'en  emparer  ,  au  moins  d'en 

(1)  Iheobald  dit  que  l'Empereur  rftîma  ce  tréfor  quntre  mil1  ions  de  florins,  nbiftpr.  p.   $J. 
$ctlb.  Epit.  p.  434.  Miffill.  Bob.  SattS.  §.  IXl.Uagec.  Hift.  Bohcm.  Ann.  i  J  $9.  p.  $91  •  5P4- 

Tom.  I.  Q, 


m     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

tirer  bon  parti.  Pour  y  réuffir,  il  monte  à  cheval  avec  deux  ê€ 
fes  camarades  3  fous  prétexte  d'aller  vifiter  l'Abbé  qui  s'appelloic 
Pierre  Laczure.  Le  brigand  fut  fort  bien  reçu  &  bien  traité  (  i  ).  Au 
bout  d'une  heure  il  vint  deux  autres  eftarîers ,  &  enfin  le  nombre 
multiplia  jufqu'â  3  o  3  qui  comme  autant  de  dogues  détachez  par 
leur  maître,  tuèrent  tout  autant  de  moines  qu'il  leur  en  tomba 
fous  la  main.  Le  Maître  de  fon  côté ,  pendant  qu'on  étoit  à  table, 
fe  jetta  fur  l'Abbé  &  fur  trois  ou  quatre  des  plus  vieux  moines,  leur 
commandant  le  poignard  à  la  gorge  de  leur  dire  où  étoit  le  tréfor. 
Les  moines  le  refuferent  conftamment  5  l'Abbé  fut  mis  à  la  tortu- 
re j  &  ne  voulut  rien  révéler.  Ainfi  le  tyran  fe  retira  fort  irrité  de 
ne  pouvoir  découvrir  le  tréfor.  Cependant  il  emporta  S  000.  flo- 
rins que  l'Abbé  avoit  en  fon  pouvoir  y  &  pour  2000.  florins  de 
vafes  facrez.  L'Abbé  mourut  peu  de  temps  après  de  fes  bleiTures, 
ScBalbin  n'a  pas  fait  difficulté  d'en  faire  un  martyr.  A  l'égard  de 
Miefteczjii  il  s'en  alla  chez  lui  3  &  régala  fplendidement  de  fon  bu- 
tin fes  amis  de  l'un  6c  de  l'autre  fexe  pendant  plufieurs  jours.  Du 
reftede  fa  proie  il  acheta  le  château  &  la  ville  &Opokz,no  dans  le 
diftrict  de  Konigs-Gratz^  Il  fut  cité  par  l'Empereur ,  mais  il  ne  vou- 
lut point  paroîrreàlacour,  que  quand  l'affaire  fut  ailoupie.  Je 
confens  qu'on  mette  l'Abbé  au  rang  des  martyrs ,  comme  un  autre 
faine  Laurent (i)\  mais  je  ne  crois  pas  qu'on  doive  mettre  fur  le 
compte  des  Hufiites  le  pillage  de  ce  monaftere.  Il  ne  paroît  point 
que  ce  bandi  fût  alors  Hulfice.  Au  contraire  Balbin  témoigne 
qu'il  voulut  expier  ce  facrilége  en  faifant  rude  guerre  aux  Huf- 
fites  étant  dans  fon  château  neuf de  JJcbtembourg.  Ileftvrai  que 
cet  Auteur  ajoute,  qu'on  vit  pendant  long-temps  le  drapeau  de 
ce  brigand  pendu  à  un  gibet  à  Prague ,  parce  qu'il  leur  avoit  faufîé 
(a>fi«lt'.ubi  fa  foi  (a) ,  comme  portoit  Pinfcription.  Cela  ne  lignifie  pourtant 
furr-  pas  qu'il  eût  abjuré  le  Huffitifme,  mais  qu'ayant  traité  avec  les 

Huffites ,  il  ne  leur  avoit  pas  tenu  parole.  Quoi  qu'il  en  foit ,  quand 
la  ville  de  Chruâim  où  il  s'étoit  renfermé ,  fe  rendit  aux  Huffites, 
il  fe  joignit  à  eux  par  force.  Depuis  i-1  rentra  en  grâce  avec  5/- 
gifmond.  Ce  monaftere  fut  depuis  pillé  par  les  Taborites  3  mais  on 
ne  dit  pas  s'ils  enlevèrent  le  tréfor. 
Monaftere*  XXIII.  Je  reprens  le  fil  de  l'hiftoire  pour  pafler  aux  monafteres 
ruinez  hors  rafez  &  brûlez  ,  &  aux  moines  mafTacrez  par  les  Huffites  hors  de 

de  Prague.  A 


(  1  )  Iheobuld  dit  que  ceci  fe  paiïa  la  nuit.  Balbin  que  ce  fut  à  l'heure  du  dîner. 
(z)  On  prétend  qu'il  fut  martirifé  dans  le  III.  hécle  fous  Voler ien  pour  n'avoir  pas  voulu 
découvrir  les  trefors  de  l'Egaie  à  cet  Empereur. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  VI.     123 

Prague.  Balbin  compte  entre  les  premiers,  Iemonaffcere  des  Do- 
minicains de  la  ville  royale  de  Plfek  (  1  )  dans  le  diftnct  de  Prachin. 
Les  habitans  de  cette  ville  déjà  favorables  aux  Hufïïces ,  y  mirent 
tout  à  feu  &  à  fang ,  tuèrent  6c  afforamcrent  les  prêtres  &:  les  moi- 
nes iàns  quartier,  6c  chaflerent  les  communians  fous  une  feule 
efpece.  Ce  même  Hiflorien  raconte  que  les  Huflîtes  propoferent 
à  ces  moines  l'alternative,,  ou  de  la  communion  fous  les  deux  ef- 
peces ,  ou  de  la  mort ,  ,&:  qu'ils  choilïrent  courageufement  le  der- 
nier parti  (a).  Ils  furent  en  effet  maflacrez ,  6c  le  monaftere  brûlé. 
Plusieurs  couvents  eurent  le  même  fort  en  diverfes  provinces  à 
peu  près  dans  le  même  temps.  Il  eft  fort  mai  aifé  de  bien  diftin- 
guer  les  temps  £c  les  lieux ,  parce  que  les  Auteurs  du  pais  n'en  par- 
lent eux  mêmes  que  confufèment-  ce  quin'eftpas  furp tenant  dans 
iirfe  fituation  auiTi  turbulente.  On  peut  mettre  dans  le  nombre  des 
monafteres  détruits  cette  année,  celui  des  Dominicains  de  Glat- 
tau }  ville  du  cercle  de  Pilfen ,  dans  laquelle  les  HuiTites  avoient  le 
deflus.  Comme  ils  fçavoient  qu'un  de  ces  moines  avoit  été  à  Con- 
ftance  iorfque  Jérôme  de  Prague  y  fut  brillé,  jugeant  par  lui  de  tous 
les  autres,  ils  les  mirent  en  prifon,où  ils  les  laiflerent  périr  de 
faim  (b). 

(ï)  Ville  royale  dans  le  diftritt  de  Prachin,  non  loin  de  Trachcttitt» 


H1?- 


(a)     MifcelL 
ubi  f'ipr. 
Tbeoh.  ubi  fit» 
pr.p.71. 


(  b)  Bali. 
E]  :t-434. 
C%.echor. 
MarsMoravy 


fiij 


1410. 

La  ville 
d'Auft  dé- 
truite- 


HISTOIRE 

DELA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE    DE    BASLE- 
LIVRE      VIL 


|1  A  l  b  1  n  place  au  commencement  de  l'an  1420.  la 
jîdeftruction  de  là  ville  à'Auft  (1).  Cette  ville  fituée 


au  pied  du  mont  Tabor  avoit  pour  Seigneur  Ulric 
\de  Rofemberg ,  alors  zélé  Catholique  Romain^  &  fort 
animé  contre  les  Hufîites.  Ziska  craignant  que  ce  Gouverneur 
n'inquiétât  les  Taborites,  &  ne  les  empêchât  de  bâtir  leur  ville, 
alla  furprendre  cette  ville  la  nuit  dans  le  temps  du  carnaval ,  &; 

£  'J  Elle  s'appelle  autrement  SeJ'emi, 


ET  DÛ  CONCILE  DE  BAS  LE.  Liv.  V2I.    125 
en  l'abfence  du  Gouverneur.  Comme  ces  jours- là  font  des  jours     jaio, 
de  débauche,  tout  le  monde  étoit  endormi}  la  ville  lut  prife  avant 
cn'on  s'aoperçût  qu'elle  étoit  attaquée.  Tous  les  habitans  furent 
paflez  au  ril  de  l'épée ,  ou  écralez  ious  les  ruines  de  leurs  maifons , 
ou  de  leurs  murailles.  Le  monaftere  des  Dominicains  fut  rafé,  & 
on  ne  fit  aucun  quartier  aux  moines  (  1  ).  Quelques-uns  néanmoins 
fe  retirèrent  au  voifinage  dans  la  fortereflé  de  SedlitzJ^à) ,  où  étoit   (a)  Dans  le 
alors  Vlric.  Mais  les  Taborites  allèrent  auffi  furprendre  cette  pla-  ç^fj* 
ce.  Elle  fut  réduite  en  cendres  ,  les  pauvres  moines  maflacrez,  & 
Ulric  aflommé  à  coups  de  fléaux  :  on  lui  coupa  après  fa  mort  les 
pieds  &  les  mains  3  &  on  les  jecta  au  feu  avec  le  refte  de  fon  corps  ^)  Ueoh  p. 
(b).  Cette  défolation  fut  fui  vie  de  celle  d'un  couvent  de  Religieux  77* 
de  Prémontre  à  Milovitz^  Magec  témoigne  que  ces  moines  echa- 
perent  à  la  faveur  de  la  nuit.  Balbin  parle  de  deux  couvents  dé- 
truits à  Launy ,  l'un  de  Religieufes  de  Premontrê ,  l'autre  de  Bcne- 
diciins  (c).  Ce  dernier  fut  auffi  réduit  en  cendres  avec  les  moines  (-)  B«/f.  ubî 
qui  y  étoient  au  nombre  de  cent ,  &  une  bibliothèque ,  la  plus  ri-  ul  r"  ^' 
che  en  manuferits  qui  fût  en  Bohême.  Il  en  fut  de  même  de  celui 
àeBenefchaw.  Les  moines  de  l'ordre  de  Cifteaux  eurent  à  peu  près 
le  même  fort  à.  2f  épomuk ,  auffi-bien  que  les  Religieufes  du  même 
Ordre ,  &  du  même  lieu.  On  met  auffi  à  ce  temps  l'incendie  de 
quelques  autres  monafteres  de  Prague ,  outre  ceux  dont  on  a  déjà 
parlé.Je  me  difpenferai  de  faire  rénumération  de  ceux  fur  lefquels 
on  ne  dit  rien  de  particulier.  Je  rapporterai  dans  les  termes  de 
Balbin  une  particularité  qui  regarde  le  monaftere  des  Servîtes  (2) 
dans  la  nouvelle  ville  de  Prague.  »  Dans  ces  conjonctures ,  dit-il, 
5>  toutes  périlleufes  qu'elles  etoient  3  la  Providence  permit  que  les 
»  Servîtes  afïemblaflént  leur  Chapitre,  comme  lî  elle  eût  voulu 
»  leur  procurer  la  gloire  du  martyre.  La  plupart  étoient  des  plus 
-»  nobles  familles  de  Florence  &  de  Sienne  [à). Pendant  qu'ils  étoient   (d)  Balh. 
«aflemblez,  les  Taborites  allèrent  fondre  fur  eux  ,  leur  deman-  Mîfceii.ubi 
»  dant  s'ils  vouloient  ligner  les  quatre  Articles.  Comme  ils  prote-  lxix. 
»ftérent  de  vouloir  perfévérer  dans  leur  religion  3  on  mit  le  feu 
»>  au  couvent ,  8c  on  alluma  des  bûchers  pour  brûler  les  moines  qui 
"fouffrirent  gaiement  le  fuppliceen  chantant  leTeDeum  ».  Il  en 
périt  64.  dans  les  flammes.  Balbin  ajoute  ici  un  miracle  dont  je 
laifle  le  jugement  au  lecteur.  C'eft  que  les  âmes  de  ces  moines  for- 

(  1  )  L'Auteur  dit  qu'il  a  pleuré  fur  les  vefliges  de  cette  Ville  &  de  ce  Monaftere ,  &  que  ce 
tfeltplus  qu'un  champ  où  on  féme  du  bled. 

(z)  Ordrede  Religieux  de  St.  Augitflin  de'vouez  particulièrement  à  h  Vierge.  Sporide  en 
tnec  la  fondation  en  izj  3 .  par  des  banquiers  de  Florcacc» 


ïi6  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1420.  tirent  des  bûchers  pour  s'envoler  vers  le  ciel ,  &:  que  les  Taborites 
eux-mêmes  les  virent.  Après  avoir  détruit  tous  les  monatteres  de 
fond  en  comble  à  Prague,  les  Taborites  voulant  en  faire  autant 
des  autres  Eglifes ,  tant  de  Prague  que  d'ailleurs  3  ceux  de  Prague 
prièrent  Ziska  d'épargner  tant  d'édifices  confierez  au  Service  di- 
vin. Mais  cette  prière,  loin  de  le  toucher  ,  ne  fit  que  l'irriter  da- 
vantage. Il  fortit  de  Prague  avec  Coranda  dans  la  refolution  de  ne 
rien  épargner, 
Ruine  du       II.  Balbin  rapporte  à  ce  temps- ci  la  deftruction  d'un  monade- 

Monartcre  re  aufli  de  l'ordre  de  Cifteaux  à  Gradit^  *>  Les  Orébites  (  1  ) ,  dit- 
»il ,  ayant  à  leur  tête  Hinek  KruJJina  de  Zichtenberg,  homme  de 
y>  tête  &c  de  main ,  mais  qui  avoit  pris  le  mauvais  parti ,  détruifirenc 
»  le  magnifique  couvent  de  Gratz^(i)  dans  la  province  de  Baies- 
»  lavie  3  animez  par  les  confeils  d'un  prêtre  facrilege  nommé  Am- 
»broife,  &  d'un  autre  apoftat  nommé  Matthieu  Lupacius  3  ôc  en 
>?  emportèrent  toutes  les  dépouilles  ,  dont  leur  Chef  payoit  fes 
«troupes.  Ce  ne  fut  pas  un  combat,  mais  une  boucherie.  Lemo- 
>;  naftere  fut  réduit  en  cendres,  &  les  moines  périrent  par  le  fer 
(z)Tutib.    »  &  par  le  feu  (a).  Theobald  qui  a  rapporté  le  même  fait  avec  quel- 

M'fteUan.     ques  auCres  circonftances ,  le  place  à  Tan  14195  mais  peut-être 

lxx?/  que  ^  même  chofe  eh:  arrivée  une  féconde  fois  dans  ce  même  en- 
droit ,  ou  qu'il  a  confondu  deux  villes  à  peu  près  de  même  nom. 
Quoi  qu'il  en  foit,  il  dit  que  les  habitans  de  Gratz^  ayant  pour- 
fuivi  Hinek,  lui  enlevèrent  tout  fon  butin ,  tuèrent  beaucoup  de 
les  gens,  en  emmenèrent  plufieurs  prifonniers  dans  la  ville  pour 

„,Be//H  .  les  faire  pendre ,  6c  qu'un  prêtre,  auteur  de  cette  tragédie ,  fut 

jà.p.iis.     brûlé  (b). 
Ruine  de  h      III.  Quelques  jours  après  les  mornes  de  l'ordre  de  Cifteaux 

Cou.-  royale  fubirent  le  même  fort  dans  leur  monaftere  de  la  Cour  royale  (3  ), 

mgsrSfMi.  tf"  Plnfieurs  de  ces  moines  furent  brûlez.  On  épargna  pourtant  un 
certain  Jacques ,  furnommé  le  Scholafiique ,  qui  avoit  été  Recteur 
de  l'Univeriité  de  Prague.  Il  étoit  alors  Prédicateur  dans  PEglife 
de  7V/;z ,  où  il  exhortoir  le  peuple  à  recevoir  le  facrementdel'Eu- 
chariftie  avec  refpect ,  &  fans  doute  félon  la  pratique  de  l'Eglife 
Romaine.  Le  Sénat  obtint  que  fa  peine  fût  changée  en  exil  à  caufe 

(c)  Bçib.  ubi  de  fa  grande  éloquence  (c).  Theobald  dit  que  ziska  fut  le  chef  de 

Çupr, 

(1)  Les  Hufînes  svappelle'rent  auflî  de  ce  nom,  d'une  montagoe  de  Cuttetiberg  qu'ils  an» 
pelloient  Oreb. 

(2)  Cette  Ville  s'appelloiiauffi  Graditx.. 

O  )  C'eft  un  monafte'rc  proche  Bagni ,  Ville  royale  fur  la  Mifç  ,  dan*  le  diftrift  de  VoH< 
yerther, 


Et  DU  CONCILE  DE  BASLE,  Liv.  VU.    117 
€etreenrrepri(e(a).  La  fortereile  fut  pillée  &  brûlée,  aufïï-bien     1420. 
que  lemonailere.  Le  corps  de  Wenceflas  fut  déterré,  éc  indigne-  (a)TW.p. 
mène  traité.  On  a  vu  ailleurs  comment  il  fut  mis  à  couvert  de  leurs  8*' 
infultes, 

IV.  Dans  le  même  temps  3  ou  à  peu  près ,  ziska  alla  mettre  le  Ziska  perd 
jfiége  devant  la  forterefle  de  Raby  dans  le  dictrid  de  Prachin  3  ôc  uafli^uhfié' 
la  prit  d'aflaut.  Mais  cette  conquête  lui  coûta  cher.  Car  comme  gC<" 

il  etoit  fur  un  arbre ,  d'où  il  regardoit  de  encourageoit  [es  gens ,  il 
tomba  tout  à  coup  une  bombarde  qui  fracatfa  l'arbre,  dont  il  fe 
détacha  un  éclat  qui  lui  creva  l'œil  qui  lui  reftoit  (1  ).  Il  fallut  aller 
le  faire  panfer  à  Prague.  Cependant  le  fort  de  Raby  fut  réduit  en 
cendres.  Ilneparoîtpas  qu'il  y  eûtlàde  monailere.  Mais  Balbin 
dit  que  huit  à  dix  moines  qui  y  avoient  fauve  leurs  effets ,  furent 
jettez  dans  le  feu  aux  grandes  acclamations  des  Taborites.Theo- 
bald  ne  parle  là 3  ni  de  monafleres  ni  de  moines. 

V.  Un  incendie,  ou  un  maflacre  n'attendoit pas  l'autre.  Pra-  DertrutUon 
chatitz  fumoic  encore  du  fang  de  la  fureur  Huffitique  ,  que  ziska  d!un  M°n*fr 
partit  de-là  pour  enfanglanter  d'autres  lieux.  Il  y  avoit  près  de  c^mLlv 
Cromlovv ,  ou  Cromavv,  lur  les  terres  des  feigneurs  de  Rofemberg ,  dansle  dif- 
imvafleôc  riche  monaftere  de  Cifteaux  que  le  monde  alloic  voir  JJia/ 
par  curiofité.  Les  Taborites  fe  fervirent  de  ce  prétexte  pour  l'aller 
détruire.  Les  uns  difent  qu'ils  avoient  à  leur  tête  Ziska ,  les  autres 
ViciorinBoc^ekde Kunftad ,  père  de  George  de Podiebrad 3  qui  fut 

depuis  roi  de  Bohême.  L'Abbé  nommé  Rudger  avoit  réfolu  de  s'y 

défendre  jufqu'à  la  dernière  extrémité.  Balbin  qui  rapporte  ce 

fait,  die  qu'il  a  vu  dans  laMaifondevillede^a^x/z'^une  lettre 

de  cet  Abbé  par  laquelle  il  demandoit  du  fecours  (b).  Il  en  vint  s   (b)  B*Mft** 

mais  trop  tard.  L'Abbé  eut  bien  de  la  peine  à  fe  fauver  dans  les rm* 

bois  voifins ,  avec  ceux  de  [es  Religieux  qui  purent  le  fui vre.  Ceux 

qui  relièrent  furent  pendus  à  des  tilleuls.  MiracleiDepuis  ce  temps 

les  feuilles  des  tilleuls  de  cet  endroit ,  (ont  comme  des  capuchons 

de  moines.  Balbin  dit  qu'il  en  a  vu ,  6c  qu'on  les  montroit  comme 

une  merveille  (c).  On  a  parlé  en  paflant  des  Orébites.  C'étoit  des  (c)  ubifupr. 

troupes  de  payfans  qui  étoient  au  fond  dans  les  mêmes  fentimens 

que  lesTabontes 7xï\ais  ils  avoient  leurs  armes  à  part,  &  ils  venoient 

au  fecours  les  uns  des  autresdans  le  befoin.Lespremiers  (èpiquoient 

de  ne  point  céder  en  zélé  à  leurs  confrères,  6c  c'étoit  entre  eux 

une  émulation  de  furieuiès  hoftilitez.  Il  eft  confiant  par  le  récit 

fi  )  Il  avoit  perdu  l'autre  des  f*  jcmicffe  en  jouant  avec  des  cnfaui*  J>*lb.  ubi  fupr.Ji. 
tXXy.  Ibcobt  ubi  fupr.  p.  oit 


nS       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSÎTES 

14.10.    ^es  Auteurs  catholiques  ,  hulTites  6c  proteftants,  qu'ils  exercè- 
rent des  cruautez  inexprimables  ,  brûlant ,  noyant  6c'  mutilant 
impitoyablement  les  pauvres  Religieux.  Les  Relations  font  il 
confufes  là-deflus  3  qu'on  ne  fçauroit  entrer  dans  aucun  détail.  Ils 
commirent  desinhumanitez  horribles  à  Graditz^dont  les  habitans 
Huffitesfê  joignirent  à  eux  pour  brûler  un  monaftére  appelle  St. 
Champ.  Ceci  fe  paffa  en  1420.  Revenons  de  cette  digrefîion. 
LcsHuiïites       vi.  Nous  avons  ïaifTé  la  reine  Sophie  avec  Rofemberg,  fe  re- 
deTforti  tranchant  de  fon  mieux  dans  le  petit  côté  de  Prague.  Pendant  ce 
reiïede^^r-  temps-là  plufieurs  des  habitans  de  la  vieille  &  de  la  nouvelle  Ville, 
bnfc,  invitez  parles  Calixtins  ,  qui ,  comme  on  l'a  dit  ailleurs,  fe  bor- 

noient  au  privilège  de  la  Communion  fous  les  deux  efpéces,  ôc  aux 
crois  autres  articles  dont  on  a  parlé  3  allèrent  à  Tabor  où.  il  y 
avoitdéja  une  quantité  prodigieufe  de  Taborites ,  communiants 
fous  les  deux  efpéces  en  toute  liberté.  Ces  derniers  tinrent  ce  lan- 
gage aux  Praguois.  Nous  vous  plaignons  de  n  avoir  pas  la  liberté  de 
communier  fous  les  deux  efpéces ,  parce  que  vous  êtes  conimandez^par 
deux  fortereffes  (1)  Si  vous  voulez^  accepter  notre  fecours ,  nous  irons 
les  démolir  ,  nous  abolirons  le  gouvernement  monarchique ,  &  nous 
C\)Dubrav.  ferons  de  la  Bohème  une  République  (a).  On  accepte  les  offres, 
ubi  fupr.  jes  Xaborites  fe  joignent  aux  Praguois  &  aux  Calixtins  ,  ayant 
à  leur  tête  Nicolas  de  Huffinctz^,  6c  vont  aiîieger  Wifrhade.  Ils 
l'emportent  d'allaut ,  parce  qu'il  n'y  avoit  qu'une  foible  garni- 
fon.  Delà,  fortifiez  par  la  jondion  de  ziska^  ils  vont  attaquer  le 
petit  coxé  par  Saxenhaufen  ou  Mai  fon  de  Saxe  y  qui  gardoit  le 
pont,  6c  fermoit  les  avenues.  Le  combat  fut  fanglant,  6c  dura 
long-temps.  Les  afïïégeants  effrayez  par  les  bombardes ,  ôc  par 
d'autres  machines  d'autant  plus  terribles ,  qu'elles  étoient  nou- 
vellement inventées  ou  plutôt  employées  en  Bohême  (2)  différè- 
rent de  continuer  leurs  attaques  jufqu'à  la  nuit,  où  les  coups  ne 
font  pas  (1  fûrs.  Ce  fut  alors  qu'étant  entrez  de  vive  force  dans  la 
place ,  on  en  vint  aux  mains  à  coups  d'épées  ;  les  Taborites  dem  cu- 
rèrent les  maîtres  du  champ  de  bataille  ^  mais  non  fans  perdre 
beaucoup  de  monde.  Un  Auteur  qui  fut  témoin  oculaire  de  l'ac- 
tion ,  dit  qu'on  ne  vit  jamais  rien  de  plus  horrible  que  le  carnage 
quife  fît  dans  ce  combat  nocturne.  Ils  s'emparèrent  dePEglife  de 
St.  Thomas ,  du  Palais  épifcopal ,  6c  de  la  M.iifon  de  Saxe ,  où  il  y 
avoit  des  garnifons.  Il  y  eut  encore  là  beaucoup  de  fang  répandu 

(1)  Celle  écWifrhade  dans  la  nouvelle  Ville,  &  celle  de  St.  Wencejlcts  dans  le  petit  côté. 
(2.)  On  en  attribue  communément  l'invention  à  un  moine  Allemand  nommé  SchwartZi 
D'autres  les  croyent  beaucoup  plus  anciennes.  Struv,  ad  Carol,  IV.  $.  XXXVII. 

de 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  Vil.  n9 

de  part  &  d'autre  j  mais  les  Taboritcs  eurent  l'avantage,  &  allé-  1420* 
rent  attaquer  la  rorterefle  de  St.  Wenceflas ,  où.  s'étoit  réfugiée  la 
Reine  ,  qui  fut  conduite  fort  difficilement  ailleurs  par  Rofemberg. 
Cependant  comme  Sigismond  y  avoit  envoyé  fecretement  du  fe- 
cours  pour  fortifier  la  garnifon  ,  après  un  fîege  fort  opiniâtre  ,  les 
H uffi tes  furent  repouilez  dans  la  ville  dont  ils  fe  feroient  rendu 
maîtres,  fi  par  l'entremife  de  quelques-uns  des  Grands  de  Bohê- 
me 3  on  n'eût  conclu  une  trêve  de  quatre  mois  3  avec  ces  condi-  Trêrc* 
tions  j  qu'il  y  auroit  liberté  de  part  &  d'autre  de  communier,  ou 
fous  les  deux  efpéces ,  ou  fous  une  feule  j  &  qu'on  ne  troubleroic 
perfonne  dans  l'un  ni  dans  l'autre  ufage  y  que  les  Huflites  ne  chaf- 
îeroient  point  les  Religieux  &  les  Religieufes  de  leurs  couvents ,  &: 
qu'ils  rendroient  Wifrhade.JEneas  Sylvius  qui  parle  de  cette  trêve 
dit  qu'elle  fe  fît  par  la  médiation  des  ambafîadeurs  de  Sigismond , 
qui  étoient  venus  prendre  les  rênes  du  gouvernement  en  l'atten- 
dant (ij.  Il  ajoute  qu'une  des  conditions  du  traité  étoit  que  ziska 
reftitueroit  Pilfen ,  &  les  autres  places  dont  il  s'étoit  emparé. 

VII.  Cette  trêve  donna  quelque  répit  à  Prague.  Les  Huffites    Les  Hoftili- 
étrangers  fortirent  de  la  ville.  Le  Sénat  reprit  ks  fondions.  Les  ^eiicent"1 
Catholiques  qui  étoient  fortis  de  la  ville  n'oférentpourtant  y  ren- 
trer, craignant  la  fureur  du  peuple.  Ilsattendoient«S:g//5«<W  qui 

avoit  promis  de  venir  bientôt  à  leur  fecours.  Mais  comme  il  avoit 
écrit  qu'à  fon  arrivée  il  gouverneroit  le  Royaume  de  la  même  ma- 
nière que  Charles  IV.  fon  père ,  cette  lettre  produifit  un  très- 
mauvais  effet  dans  l'efprit  des  Huffites ,  parce  que  Charles  avoit 
fait  des  Edirs  très-féveres  contre  les  hérétiques ,  comme  on  l'a  dit 
ailleurs.  Cette  nouvelle  fervit  de  prétexte  aux  Taborites  pour 
continuer  leurs  ravages  hors  de  la  ville.  Comme  ils  étoient  fupé- 
rieurs  en  nombre,  ilsrépandoient  par  tout  la  terreir  ,  non  fans 
être  pourtant  quelquefois  vigoureufement  repoufe.  Us  eurent 
fur  tout  beaucoup  à  fbufFrir  des  montagnards  de  Cu:temberg  qui 
travailloientaux  mines.  Ces  gens-là  comme  des  dogues  alloient    (a)  Dufcav* 
à  la  chafle  des  Huffites  ,  &.  tout  autant  qu'ils  en  pouvohnt  trouver,  jjjj^" PJj* 
ils  les  jettoient  dans  des  puits  profonds.  Il  y  en  eut  600.  qui  furent  fupr.cap. 
traitez  de  cette  manière ,  dans  ces  conjonctures  (a).  xxxii. 

VIII.  Sigifmond  voulant  remédier  à  ces  défordres  alla  tenir  une   D,etc  * 
J)iéte  à  Braun  ou  £  ri  nny  capitale  du  diftricl:  de  ce  nom  en  Mora- 

(1)  y£».  Syh.aip.  XXXIX.  D'autres difent que  la  Reine  avoit  la  régence  avec  quelques 
Seigneurs  de  Bohême-,  mais  aufond  le  gouvernement  e'toit  entre  les  rnaius  dj  plus  fort,  c'eft- 
,à-dire,  d'une'populace  indomptable. 

Tom.  /,  R. 


i3o      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

»4io.    yie->  °IU*  ^t0*c  auffi- agitée  par  les  troubles  de  la  Bohême.  Le  15I 
de  Décembre  il  s'yrenditaccompagné  delà  Reine  Sophie  fa  belle- 
foeur,  d'un  Légat  du  Pape,  de  quelques  Evêques  Hongrois,  Se 
de  quantité  de  Grands  Seigneurs.  Afon  arrivée  les  choies  chan- 
gèrent tout  à  coup  de  face  dans  cette  province.  On  vit  en  un  inf- 
tantfuccéder  le  calme  à  l'orage*  Tous  les  Ordres  de  la  Province 
lui  promirent  à  l'envie  de  facrifler  leur  fortune  &  leurs  enfans  pour 
fa  defenfe  ,  pourvu  qu'il  prît  celle  delà  religion  de  leurs  ancêtres, 
fa)  cvchor.  6c  que  Phéréfie  fût  extirpée  de  la  Province  (a)  Il  écrivit  de  là  à  la 
xA<  Çu]BaiT.    n°klefle  6c  aux  magiftrats  de  Prague  de  s'y  rendre  inceiîamment. 
Epitom.  p.    Ils  y  entrèrent  avec  toute  forte  de  démonîtration  de  joie  ,  6c  y  fu- 
437*  rent  reçus  de  même.  Cependant  on  put  comprendre  dès  le  len- 

demain de  leur  arrivée ,  lur  quel  pied  ils  avoient  deflein  de  traiter, 
puifque  les  Prêtres  qu'ils  avoient  amenez  avec  eux  donnèrent  la 
Communion  fous  les  deuxefpéces  dans  un  poêle  à  quiconque  la 
vouloit  recevoir  3  malgré  les  exhortations  des  Prélats  à  éviter  cet 
{b)  v,eoh  ubi  éclat  (b).  Le  manuferit  de  Breflau  porte  même  qu'à  caufe  de  cette 
iupr.  entreprife  l'interdit  fut  mis  à  Braun  pendant  le  fejour  qu'ils  y  fi- 

rent. Ils  eurent  audience  quelques  jours  après  j  ils  demandèrent 
d'abord  pardon  au  Roi,  6c  promirent  de  le  reconnoître.  Ils  pref- 
foient  même  inftamment  Sigifmond  devenir  fans  délai  prendre 
pofTeiïion  du  Royaume  ,  pour  en  appaiferles  troubles.  Mais  Thco- 
bald  dit  qu'ils  ajoutèrent  à  leur  foumiffion  des  conditions  qui  ne  fu- 
rent pas  du  goût  de  l'Empereur.  C'etoit  de  leur  laifîer  la  liberté 
de  confeience  ',  que  fans  égard  aux  traditions  humaines,  ils  puf- 
fent  célébrer  l'Euchariftie  félon  l'inftitution  de  J.  C.  &  que  leurs 
Eccléfiaftiques  ne  fe  mêlaflent  point  d'affaires  fèculieres.  Ils  ajou- 
toient  à  cela  de  grands  éloges  de  Jean  Mus,  &des  plaintes  de  fa 
fin  tragique ,  par  laquelle  ,  difoient-ils ,  il  a  plus  mérité  de  grâce  de- 
vant Dieu  que  St.  Pierre  lui-même.  L'Empereur  ne  fit  que  fourire 
de  ces  prétentions  qu'il  trouvoit  exhorbitantes ,  &  de  ces  difeours 
téméraires  6c  hors  de  propos.  Mes  chers  Bohémiens  ,  leur  dit-il, 
laijfe^celaàpart ,  cenefi  point  ici  un  Concile ,  il  falloit  faire  ces  de- 
mandes a  Confiance.  Mais  puifque  vous  voulez^quc  je  règne  fur  vous, 
je  vous  expliquerai  ma  penfée  par  écrit.  La  fu  bilan  ce  de  cet  Ecrie 
étoit»  qu'il  donneroit  une  amniftie  générale,  fans  jamais  marquer 
«aucun  refTentimcntdu  pafTé ,  pourvu  qu'ils  le  reconnurent  pour 
«leur  fouverain  :  qu'ils  ôtaflènt  les  chaînes  6c  \qs  barricades  des 
«rues  de  Prague  ;  qu'ils  portaient  toutes  les  barres  6c  les  colom- 
»nes,  de  autres  machines  dans  la  Forterefle  >  qu'ils  abbatiflent 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.VII.    131 
:>  tous  les  remparts  &  retranchemcns  qu'ils  avoienc  dreilez  vis-     \a±q 
»  à-vis  de  la  Forterefle  après  la  mort  de  Wenccjlas  \  qu'ils  laiilailenc 
»en  repos  les  Religieux  &  lesReligieufes  j  qu'ils  dégageaflent  de 
»  leur  ferment  tous  les  gouverneurs  &  commandants  qu'ils  avoienc 
jo  mis  dans  les  Places ,  6i  qu'ils  y  reçuflènt  les  fiens  5  fur  tout  qu'au 
„ Heu  du  gouverneur  (a)  qui  occupôit  la  Forterefle  Caroline^  ils  y  (tfjeanW. 
«reçuflènt  pour  gouverneur  celui  qu'il  leur  nommeroit(b)  ».  Aces  lJc.\  _.  „ 
conditions  il  leur  promit  de  venir  a  Prague  pour  y  gouverner  en  Tiux*»sB*rc. 
père  de  la  patrie ,  fur  le  pied  de  Charles  If.  fon  père  ,  &  non  autre-  ***«*««  >  o« 
nient  (c).  Les  députez  s  en  étant  retournez  chez  eux  ,  on  ht  la  lec-     f  c j  Tiwj# 
t Lire  des  ordres  de  Sigfmond  3  &:  on  les  exécuta  de  point  en  point,  ubîfupr.p. 
Les  Catholiques,  &  fur  tout  les  Allemands  qui  iè  trouvoient  à  74'7** 
Prague ,  en  triomphoient,  &  chantoient  victoire  contre  ceux 
qu'ils  appelloient  les  Hérétiques.  Les  chanoines  ,  les  curez,  les 
prêtres  &  les  moines  que  la  crainte  des  Huflites  avoit  fait  fortir  de 
Prague  y  revinrent ,  fur  ce  que  le  Roi  avoit  publié  qu'on  leslaif- 
fât  entrer  fïb  rement,  &  que  perfonne  ne  criât  fur  eux  VfakfUfak, 
comme  on  faifoit  toutes  les  fois  qu'il  pafloit  un  Moine. 

IX.  Mais  les  Taborites  &  les  Huflites ,  qui  n'avoient  point  paru  Usiafontee 
à  la  Diète  ,  ayant  appris  cette  nouvelle  en  furent  extrêmement  qjlttc*nt  1>ra* 
confternez.  Ilsfortirent  de  Prague  lur  le  champ,  ce  allèrent,  les  portent  une 
uns  trouver  ziska  à  Tabor ,  les  autres  Nicolas  de  Hnljinetzi.  Sudo-  yi<a°ire,  f?.r 

_.   '  ,  .  i  /^  1       1     t»        les  Cathou- 

mirtx^  Us  furent  attaquez  en  chemin  par  quelques  Cj  rancis  de  Bo-  ques. 
hême  fidèles  au  Roi.  Le  combat  fut  longée  rude  j  mais  on  prétend 
que  l'avantage  demeura  aux  Huflites  (1).  De  là  ils  allèrent  atta- 
quer Auft  >  Sedlitz^,  Milcwfcov  yBenefchaw ,  Launy  ^  comme  on 
l'a  déjà  vu  dans  l'énumération  des  monaftéres  ruinez.  Ziska  étoit 
à  cette  action,  à  ce  que  quelques-uns  prétendent.  Depuis  ce 
combat  perfonne  n'ofa  plus  attaquer  les  Taborites jufqu'à  l'arrivée 
de  l'Empereur.  Ce  Prince  ayantappris  la  retraite  des  Taborites  &. 
la  foumiflion  de  ceux  de  Prague ,  écrivit  au  Burgrave  de  Wartem~ 
lerg&i  tous  les  gouverneurs  3  pour  les  remercier  de  leur  obeïf- 
fance  ,  leur  enjoignant  févérement  de  ne  rien  céder  aux  Wiclèfites 
&  aux  Taborites ,ôc  de  les  exterminer  abfolument  s'ils  ne  vouloient 
pas  voir  périr  toute  la  Bohême.  (1)  Il  n'en  falloit  pas  d'avantage 
pour  enflammer  les  catholiques  Romains  fort  ulcérez  de  tant  de 

(1)  Eagcc  a  prétendu  que  ce  furent  les  Huflites  qui  eurent  du  Acftourimï-.s'Iheobctld  &  Lupa- 
cvts  croyent  le  contraire  plus  vraifemblablement  fur  d'anciens  MSS.  Balùiu  pour  accorder 
ces  Auteurs  conjecture  que  l'avantage  fut  douteux.  Balb.  Epitom.  p.  ^l^.lheob.  ubi  fupr.  L«- 
fMÏus.  z$ .  M:irs. 

(  2  J  Hifi omnemdithmmvctfjtutam  vellcnt, 

Rij 


^^.to. 


532  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
pertes  qu'ils  avoienc  faites ,  6c  de  tant  de  maflfacres  &c  d'incendies 
qu'ils  avoient  foufferts.  Ils  fe  jettérent  avec  fureur  fur  tout  ce 
qu'ils  purent  rencontrer  de  Huffites  tant  dans  la  ville  qu'ailleurs. 
On  a  déjà  vu  plufieurs  échantillons  de  ces  cruautez  réciproques. 
Car  on  peut  juger  par  le  paflé  que  les  Taborites  ne  furent  pas  plus 
modérez. 
Prophétie  X.  Ils  fe  mêloient  même  de  prophétifer  ,  en  difant  3  par 
Bttï«£rrifft«.  exemple  ,  qucj.  C.  viendrait  bientôt  juger  le  monde ,  &  que  par  les 
armes  des  Taborites,  il  établiroit  un  nouveau  règne  fur  les  ruines  de 
tous  les  royaumes  de  toute  la  terre  j  que  toutes  les  villes  de  Bohême 
feroient  englouties  fous  la  terre  a,  la  réferve  de  cinq  qui  leur  étaient  les 
f  lus  favorables  (\).  L'Auteur  du  manufcrit  de  Breflau  3  qui  étoic 
feulement  Calixtin ,  &  non  Taborite  ou  Huffite  outré,  n'a  garde 
d'approuver  ces  téméraires  prophéties.  Je  rapporterai  fes  paroles. 
Ces  prédictions  rirent  une  telle impreffion  fur  quelques  villes ,  fur 
tout  fur  celle  de  Pilfen  (2)  où  la  Communion  fous  les  deux  efpé- 
ces  étoit  reçue ,  qu'elles  ne  vouloient  plus  avoir  aucune  corref- 
pondance  avec  leurs  adverfaires  en  ce  point.  Car  ces  Taborites  8c 
leurs  prêtres  afrolloient  le  peuple  dans  le  diftricr,  de  Bechin  6c 
ailleurs  3  en  répandant  pluiïeurs  opinions  erronées  6c  contraires 
à  la  Foi  chrétienne,  interprétant  les  prophéties  de  l'Ecriture  à 
leur  fan taifîe,  &  méprifant  les  faints  Docteurs.  Ils  exhortoient 
le  peuple  à  éviter  la  colère  de  Dieu  qui  alloit  fondre  dans  peu 
fur  tout  l'univers ,  Ôc  à  quitter  villes ,  châteaux,  bourgs,  à  l'e- 
xemple de  Loth  s  pour  fe  retirer  dans  les  cinq  villes  de  refuge. 
Ces  drfcours  frivoles  portèrent  pluiïeurs  (Impies  de  Bohême  6c 
de  Moravie  à  vendre  leurs  biens  à  vil  prix ,  &  à  s'en  aller  avec 
leurs  femmes  6c  leur.s  enfans  en  porter  l'argent  aux  pieds  des 
r  Prêtres. 

m    t  XL  Sigifmond  ne  trouvant  pas  de  fureté  à  aller  fi  tôt  à  Pra- 

exécutions    2;ue  3  parmi  tant  de  troubles ,  s'en  alla  à  Breflau  capitale  de  la  Silé- 
de  Sivfmond  flC  ^J  \\  y  fignala  le  (ejour  qu'il  y  fit  par  des  exécutionsbien  fan- 
glantes.  On  a  parlé  ailleurs  d'une  fédition  arrivée  l'année  précé- 
dente ,  où  les  habitans  de  Breflau  avoient  jette  le  Magiitrat  par  les 
fenêtres  de  la  Maifon  de  ville.  Ceux  du  païs  témoignent  que  ce  ne 


à  Breflau. 


(r)  Pilfen  qu'ils  appelloient  le  Soleil  ;  Zafe\ capitale  dudiftridtde  ce  nom  qu'ils  appelloient' 
Segor  ;  Launi  qu'ils  appelloient  la-  Lune  ;  Slan capitale  dudirtridde  ce  nom  qu'ds  appelloient 
YétoiU ;  Glato  qu'ils  appelloient  X aurore.  Balb.  Epit.  Rer.  Bob.  p.  427. 

(2)  On  verra  dans  la  fuite  cette  ville  redevenue  Catholique. 

(  1  )  11  appelloit  Brejlavv  fa  féconde  rcfidence,  &  la  féconde  capitale  de  la  Bohême.  Balb,- 
«bi  iupr, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VU.  133 
fut  point  pour  caufe  de  religion  3  comme  quelques  Auteurs  l'ont  142  o^ 
dit ,  mais  pour  quelque  affaire  civile.  Quoi  qu'il  en  foit,  l'Empe- 
reur en  fit  mourir  douze  des  plus  coupables.  II  y  avoit  alors  à  Bres- 
lau  un  Hutîite  de  Prague  nommé  Jean  Crafi  qui  prêchoit  la  com- 
munion fous  les  deux  efpéces ,  &  préconifoit  Jean  Mus  ,  blâmant 
hautement  le  Concile  de  Confiance  qui  l'avoit  fait  brûler.  Les 
Religieux  de  Breflau  l'avoient  fait  mettre  en  prifon  avec  un  étu- 
diant de  Prague  qui  étoit  dans  les  mêmes  fentimens ,  &  que  ceux 
de  Prague  avoient  envoyé  à  l'Empereur  pour  lui  offrir  de  le  recon- 
noître ,  s'il  vouloit  leur  permettre  la  communion  fous  les  deux  ef- 
péces. Jean  de  Crafa  fut  tiré  à  quatre  chevaux  dans  les  rues ,  mais 
l'étudiant  fe  fauva  la  vie  en  fe  rétractant  (  1  ).  Dans  ce  même  temps 
Ferdinand  évëquQ  de  Zucques ,  nonce  du  pape  3  fît  publier  &  affi- 
cher à  Breflau  la  croifade  de  Martin  V.  contre  les  Huflites,  &  ceux 
de  Breflau  promirent  à  Sigifmond  de  lui  donner  du  fecours  contre 
ces  derniers. 

XII.  Cette  nouvelle  irrita  extrêmement  les  Bohémiens.  Ils   LesBohe- 
étoient  animez  principalement  par  un  moine  nommé  'te an  de  Pre-  mifns  fc  re'-' 
montré,  qui  avoit  embrafTé  leur  doctrine .,  6c  qui  s'etoit  déjà  fignalé  trcSigif»»nd+ 
dans  cetee  guerre  intefline.  Ce  prêtre  prêchant  le  Carême  à  Pra- 
gue 3  élevoit  jufqu'aux  nues  Wiclefêt  Jean  Mus3  déclamoit  contre 
1  Empereur,  6c  l'appelloit  le  cheval  roux  de  l'Apocalypfe.  Mes  chers 
Praguois  3  difoit-iî,  ne  voyez^vous  pas  de  quel  efprit  l'Empereur  efi 
forte  a  votre  égard .?  Il  e[i  ennemi  juré  du  Calice.  Cefl  lui  qui  nous  a. 
fait  excommunier.  Croyez^vous  quil  vous  traite  autrement  que  ceux 
ds  Breflau  f  Là-deflus  le  peuple  de  Prague  aflembla  la  bourgeoifie 
&  l'Univerfité  (a).  Ils  jurèrent  tous  de  ne  jamais  recevoir  Sigifmond  (a)  Le  %. 
pour  leur  Roi,,  de  défendre  la  communion  fous  les  deux  efpéces  d'Avri1- 
jufqu  a  la  dernière  goutte  de  leur  fang,  &  ils  recommencèrent 
leurs  hoftilkez  à  la  ville  6c  à  la  campagne  (b).  Ils  écrivirent  des  let-   (b)  ibeaî* 
très  circulaires  par  tout  le  royaume ,  pour  exhorter  les  villes  à  n'y  "£.  fe^ 
point  laiffer  entrer  Sigifmond.  Ils  le  repréfentoient  comme  un  en^  3.  Avril-.- 
nemi  de  la  langue  Efclavonne  3  qui  n'avoit  point  d'autre  vue  que 
ds  perdre  le  royaume ,  qui  avoit  engagé  à  l'Ordre Teutonique  un? 
piïs  appartenant  à  la  Bohême  (2) ,  aliéné  la  Marche  de  Brande- 
bourg, &  qui,  après  avoir  fait  brûler  Jean  Mus  6c  Jérôme  de  Pra~ 

(i)Tbeob.  ubifupr.  p.  76".  Ht]},  perfec.  Eccl.  Bob.  p.  3  3.40.  Cet  Auteur  anonyme  met  Crafa 
crtre  les  martyrs  de  Bohême.  Manufcr.  de  Brejl. 

(z)  Qui  Dalmatica  lingua  boftis  effet ,  necalitt  cura  teneretur  qttam  perdendi  regni ,  qui  anti~ 
qmm  Prutenorumcivitatem  (  alias  Marcbiam  novam  Prutenorufn  fâc.  J  Ordinijtire  pignoris  obli~ 
gflf.t.  An.  Sylv.  ubifupr.  cap.  XXXIX.  p.  81. 

Rii) 


134         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

t  J.  10.    %ue  j  vouloir  encore  exterminer  leur  do&rine.  C'eft  ce  qui  fît  rç- 

Coudrç  S igifmond  à.  leur  faire  une  guerre  ouverte.  JEneas  Sylvius 

prétend  que  fi  ce  Prince,  au  lieu  d'aller  à  Breflau ,  eût  marché 

tout  droit  à  Prague,  après  la  dictte  de  Braun  3  il  n'auroit  pas  été 

obligé  d'en  venir  à  cette  extrémité.  Quoi  qu'il  en  foit,  voyant 

qu'il  ne  pouvoit  rien  gagner  ni  par  promefles ,  ni  par  menaces ,  il 

leva  des  troupes  dans  tout  l'Empire,  dans  la  Hongrie,  dans  la. 

Siléfie  6c  dans  la  Luface. 

Avantages      XIII.  En  attendant  que  toute  l'armée  arrivât  ,  l'Empereur  en- 

dc  Zisha  fur  vova  je  Siléfie  4000.  chevaux  courir  la  campagne  en  Bohême. 

les  troupes  J  ~  ri  u  1 

impériales.    Ces  troupes  lurent  renforcées  par  d  autres  de  Moravie  &  d  Au- 
triche, qui  avoientà  leur  tête  Albert  archiduc  d'Autriche  ,  6c  le 
(a)  ihnri de  Capitaine  de  Moravie  (a).  Ziska  remporta  fur  ces  troupes  une 
&w*r%,.      victoire  confidérable  à  Voticz^ViXxt  Tabor  &  Prague.  Cette  petite 
ville  fut  réduite  en  cendres.  En  même  temps  les  Taborites  qui  s'é- 
toienç  emparez  de  la  nouvelle  ville  pour  empêcher  ceux  de  Wif- 
jrhade  d'y  faire  irruption  ,  rirent  faire  un  long  6c  large  folié  depuis 
l'endroit  appelle  Botitz^,  jufques  à  la  Moldave.  Pour  hâter  l'ou- 
vrage, on  y  employa  nuit  6c  jour  les  femmes  6c  les  enfans.    La 
garnifon  impériale  qui  étoit  dansWifrhade,  fe  moquoit  de  ces 
travaux.  Que  vous  êtes  foux  ,  difoient-ils  ,  croyez-vous  que  desfojfez^ 
fuifjent  vous  fêparer  de  l' Empereur  ?  Vous  f crie  z^bien  mieux  de  vous 
occuper  a  cultiver  la  terre.  On  a  déjà  eu  occafion  de  parler  de  la 
deftru&ion  du  monaftere  de  Sedliz  dans  le  cercle  de  Czajlau.   On 
ajoutera  feulement  une  particularité,  c'eft  que  fix  qui  s'étoient 
battus  comme  des  lions ,  ayant  échappé  du  maiïacre  général,  Zis- 
ka promit  la  vie  à  celui  des  fix  qui  tueroit  les  cinq  autres.  &\ors  ils 
fb)  T/.v*&.p.  fé  jetterent  comme  des  dogues  les  uns  fur  les  autres  (b).  Il  n'en  re- 
fta  qu'un  qui  s'étant  déclaré  Taborite ,  fe  retira  à  Tabor ,  6c  com- 
munia fous  les  deux  efpéces  en  témoignage  de  fidélité. 
Le  Château       XIV.  Ce  fut  à  peu  près  dans  ce  même  temps  que  le  Burgrave 
àca"eftceM  Czenko  de  Wartenberg,  qui,  à  ce  que  quelques-uns  prétendent, 
Hjffitès.       étoit  Huflite  dans  le  cœur,  rendit  aux  Hulîîtes  la  forterefle  de 
[Z)Cochi.mft.  Wenceflas  ,  après  avoir  pillé  l'églife  6c  brûlé  les  reliques  (c).  D'au- 
Huffit.  Lib.    très  Auteurs  racontent  l'affaire  tout  autrement ,  èc  d'une  manière 
•P*  «  °-    beaucoup  plus  honorable  à  ce  gouverneur.  Ils  difent  que  ce  gou- 
verneur ayant,  par  ordre  de  l'Empereur,  chaflè  delafortereiîè  de 
Wencejlas  les  Communians  fous  les  deux  efpéces,  ceux  de  Prague 
irritez  de  cette  violence,  lui  coupèrent  tous  les  vivres ,  l'empêchè- 
rent de  réparer  le  mur  qui  çtoit  tombé ,  &  lui  envoyèrent  des  gens 


ET  DU  CONCILE  DE  BAS  LE.  Ziv.  VII.  1 3  5 

pour  lui  propofer  deux  chofes,  l'une  de  communier  fous  les  deux  , .  2 a 
efpéces ,  l'ancre  de  rendre  la  place.  Il  répondit  que  ce  feroitune 
légèreté  honteufe  de  pafler  ainfi  tout  à  coup  d'une  religion  à  l'au- 
tre 3  &  demanda  quinze  jours  pour  y  penfer,  leur  faifant  efpérer 
de  fe  rendre  après  ce  terme.  Ayant  obtenu  ce  délai ,  il  envoya 
fecretement  de  Tes  gens  à  l'Empereur  pour  demander  du  fecours , 
promettant  de  tenir  bon  jufqu'à  ce  qu'il  fût  arrivé.  L'Empereur 
n'y  manqua  pas.  Il  y  envoya  aufTi-tôt  deux  de  Ces  Généraux  avec 
quelques  troupes.  Wartenberg  leur  remit  la  place,  &  fe  retira  char- 
gé de  riches  dépouilles ,  dans  une  forterefle  qu'il  avoit  près  de  la 
ville  de  Gitcbin.  Ceux  de  Prague  en  furent  fî  irritez  3  qu'ils  pendi- 
rent [es  armes  à  la  potence  ,  où  elles  demeurèrent  jufqu'à  l'année 
fui  vante  qu'il  fe  réconcilia  avec  eux  (  1  ).  Mais  ils  ne  fe  rebutèrent 
pas  pour  ce  mauvais  fuccès  :  comme  de  cette  forterefle  on  peut 
voir  tout  ce  qui  fe  pafle  dans  la  vieille  6c  dans  la  nouvelle  ville ,  ils 
l'attaquèrent  de  nouveau.  Ils  avoient  même  déjà  gagné  les  de- 
hors -y  mais  croyant  le  fort  moins  gardé  qu'il  n'étoic^ils  furent 
repouflez  avec  perte  jufqu'à  un  certain  endroit  3  où  il  fe  vengèrent 
fur  des  monafteres.  Ceux  de  Prague  apprenant  leur  defaftre ,  vin- 
rent à  leur  fecours  avec  fept  cens  hommes  feulement  :  ce  renfort 
n'eût  pas  été  fuffifant ,  fi  Ziska  n'y  eut  accouru  de  Piifen  où  il  étoic 
alors.  Quoiqu'il  n'eût  amené  avec  lui  que  trente  chevaux  3  fon  ar- 
rivée releva  tellement  le  courage  des  affiégeans^u'ils  fe  rendirent 
maîtres  de  la  forterefle  défendue  par  Plavven  à  qui  Wurtemberg 
l'avoir  remife(2).  Aigris  d'avoir  manqué  plus  d'une  fois  leur  coup, 
ils  fe  difpofoient  à  réduire  tout  en  un  monceau  de  pierres  comme 
ils  l'avoient  promis  à  ziska.  Car  on  raconte  que  Ziska  rencontra 
dans  fon  chemin  quelques  Taborites  près  de  Prague  occupez  à  dé- 
truire un  couvent ,  &  à  en  infulter  les  moines  ;  ces  gens  lui  deman- 
dèrent :  Frère  Jean,  comment  vous  fiait  le  régal  que  nous  f ai  fon  s  à  ces 
comédiens  facrezj  (inun&os  fanniones  )  Il  leur  répondit  3  en  leur 
montrant  la  bafilique  du  château  de  Wenceflas,  Pourquoi  avez- 
vous  épargné  cette  boutique  de  chauves  !  (  calvitia  officina  )  défîgnant 
par- là  les  moines  ou  les  prêtres  à  caufe  de  leurtonfure.  Hélas ,  ré- 
pondirent-ils ,  nous  enfumes  honteufement  repouffez^hier  ;  mais  fî  elle 
retombe  entre  nos  mains ,  nous  ri  y  laijferons  pas  une  pierre  fur  l'autre 

(\)Theob.  ubifup.  Cet  Auteur  après  Lrtpacins  place  cette  adion  au  7.  de  Mai.  ubifup.  p.  80. 
Balb.  la  met  au  mois  d'Août,  Epit.  p.  442- 

(x)  Je  fuis  la  Relation  de  Tbeobaldp  80.  Balbin  dit  que ^Tlavven  battit  les  Praguois.  Mais 
cette  Place  fut  iî  fouvent  attaquée  avec  de  fi  difFerens  fuccès,  que  les  Hiitoriens  du  pais  eux- 
mêmes  ont  de  la  peine  à  débrouille*  ks  faite. 


13  6       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1410.  (a)  î  c'e^  ce  ^  ne  manqua  pas.  La  magnifique  chapelle  de  falnt 
(a)  Vnob.  ubi  Wenceflas  toute  bâtie  de  jafpe  enchaffé  dans  de  l'or ,  fut  pillée  & 
frpr>  démolie  à  coups  de  marteaux  &  de  maiîuës  (  1  ).  La  forterelie  qui 

pouvoit  pafîer  pour  une  ville  par  fa  grande  étendue,  6c  fa  belle 
bafilique  auroient  eu  le  même  fort  _,  fi  quelques  officiers  de  la  vieil- 
le ville ,  touchez  de  ce  fpe&acle  affreux ,  n'euflent  amené  du  mon- 
de pour  en  ch  aller  les  Taborites.  Ce  fecours  arrivé ,  la  garnifon 
reprit  courage ,  &  les  Taborites  furent  repoufïez.  Les  officiers  qui 
gardoient  le  château,  remercièrent  ceux  de  la  vieille  ville  de  les 
avoir  fecourus  fi  à  propos,  &:  leur  promirent  de  le  faire  fçavoir  à 
l'Empereur ,  6c  de  lui  recommander  leurs  intérêts.  Ce  qui  leur  fit 
plaifir.  On  ne  remarque  ces  petites  particularitez,  que  pour  mieux 
faire  connoître  la  fituation  des  chofes  dans  Prague. 
Zi^vaau  XV,  Ziska  ,  après  avoir  promis  à  ceux  de  Prague  de  les  affi- 
fecoursdes  fter  de  toutes  (es  forces ,  s'en  alla  à  Tabor ,  d'où,  il  écrivit  des  let- 
PrazueT a  tres  circulaires  à  ceux  de  fon  parti ,  pour  les  exhorter  à  fecourir 
Prague  contre  l'Empereur ,  dont  on  attendoit  à  tout  moment  l'ar- 
rivée. Il  n'en  falloit  pas  davantage  pour  les  tenir  tous  à  lerte.  Un 
des  capitaines  (z),Taborite ,  ayant  levé  en  diligence 400  hommes 
.dans  le  diftricr,  de  Hradicz^ou.  Gratz^{}) ,  marcha  vers  Prague, non 
/ans  commettre  de  grandes  inhumanitez  en  chemin.  Il  brûla  en- 
tr'autres  la  petite  ville  &  le  monaftere  de  Hradifiie  dans  le  diflrid 
de  Boleflavv.  Etant  entré  dans  Prague  avec  fon  monde,  il  alla 
d'abord  attaquer  Wifrhade  _,  mais  il  y  fut  repouffé  avec  perte ,  8c 
il  y  aurojt  fuccombé  fi  Ziska  ne  fût  venu  à  fon  fecours  avec  l'élite 
de  fes  troupes.  Comme  il  n'alloit  Jamais  nulle-  part  fans  laiffer  des 
grâces  fanglantes  de  fon  paffage  ,  c'eft:  ce  qui  ne  manqua  pas  dans 
cette  occafion.  Il  brûla  en  paflant  la  petite  ville  6c  le  beau  monaf- 
tere de  Benefchavv  entre  Tabor  6c  Prague.  De4à  ayant  fait  alte 
dans  une  plaine  fur  le  bord  de  l'Elbe, il  fut  attaqué  par  un  corps 
de  cavalerie  Impériale ,  qui  s'étpit  mis  en  embufcade  dans  un  tail- 
lis j  mais  elle  fut  vjgoureufement  repouffée  par  l'infanterie  Tabo- 
rite  mieux  portée  pour  combattre.  Il  fut  reçu  à  Prague  à  bras  ou- 
verts. Le  Clergé  ,1e  Sénat, la  Bourgeoifie  allèrent  au-devant  de 
Jui  :  les  foldats  Taborites  avec  leurs  femmes  6c  leurs  enfans ,  furent 

(1)  Voyez-cnladefcriptîon  dans  les  Mifcellanees  de  BalbinL. III.  C.  IX.  §.  î. 

(z)  Hinko  de  Pndiebrad  oncle  de  George  de  Podicbrad  qui  naquit  cette  année ,  &  qui  fut  Roi  de 
Bohême  en  14$%.  quoique  Huffitc.  Lupacitts  2.  Mart. 

X  3  )  H  y  a  en  Bohcme  deux  villes  de  ce  nom  ,  l'une  fur  l'Elbe  appcllce  Kgnigsgratx.  qui 
.éUoitJTappanage  des  Reines  de  Bohême,  l'autre  eftdans  le  diftrid  de  Bechin,  &  appafrtcnojt 
autrefois  aux  Seigneurs  de  Roftmbcrg.  Je  crois  que  c'eft  celle  dont  il  s'agit  ici. 

régalez 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zlv.  VU.  i37 
régalez  des  provisions  des  monaftéres  qu'on  avoir  pillez.  Après  . 
s'être  bien  gorgez,  ils  courenr  les  rues  de  Prague,  coupent  les 
mouftaches  de  tout  ce  qu'ils  rencontroient  de  Catholiques,  dé- 
pouillent ,  décoè'fent  les  femmes,  &  (e  conduifent  en  un  mot  avec 
rant  d'infolence,  que  les  chefs  furent  obligez  de  les  menacer  du 
gibet  s'ils  continuoient  leurs  violences.  Cependant  un  Seigneur 
du  parti  Catholique,  nommé  Jean  Michalecs ,  fe  mit  en  devoir  de 
fecourir  Wifrhade  avec  de  la  cavalerie  &  de  l'infanterie,  &  de 
bonnes  munitions  de  guerre  &  de  bouche  3  mais  les  Taborites 
l'ayant  attendu  au  pailage  dans  l'ifle  voifine ,  il  y  fut  battu  à  plate 
couture ,  &  eut  bien  de  la  peine  à  fe  fauver  lui  quatrième  dans  la 
fortereiïe.  On  ne  dit  point  ce  que  devint  alors  le  fîége  de  cette 
place  fouvent  prife  &c  reprife. 

XVI.  Pendant  que  ces  chofes  fe  paiTbient  à  Prague 3  quelques   Confédfra- 
villes ,  comme  Zatec  (  i) ,  Launy  (  2)  Slan  (3  )  fe  liguèrent  pour  la  tion d\?lUCh 
défenfe  des  HufTites  3  ôcinfefterent  la  campagne  par  desmaflacres  Bohême  en 
&  des  incendies.  Après  ces  courfes  les  Taborites  entrèrent  dans  favc"5des 
Prague  (a)  où  ils  furent  reçus  au  chant  des  hymnes  &;  des  pfeau-  (aJLeaî.dc 
mes.  Leurs  femmes ,  non  moins  aguerries  que  leurs  maris  allèrent  M  "• 
fondre  fur  le  couvent  de  Ste.  Catherine ,  dans  la  nouvelle  ville ,  6c 

le  démolirent  prefque  entièrement  j  mais  comme  elles  s'y  pre- 

noient  avec  trop  d'ardeur,  il  y  en  eut  vingt-fept  d'écrafées  fous 

les  ruines.  Les  maris  s'étant  mis  en  devoir  d'aller  déterrer  leurs 

femmes  de  deilbus  ces  ruines  furent  obligez  de  s'en  retourner, 

craignant  d'y  périr  eux-mêmes  ;  une  partie  du  couvent  futeonfer* 

vée  par  là  (b).  Theobald  qui  raconte  ce  fait ,  dit  que  de  fon  tems  la     CW  P-  7*» 

tour  fubfiltoit  encore,  quoiquelle  n'eût  point  de  toit. 

XVII.  Comme  on  avoir  avis  que  l'armée  de  l'Empereur  s'a-  CcuxdePra- 
vançoit  à  grands  pas ,  ceux  de  Prague  réfolus  de  ne  le  point  rece-  g^^retran- 
voir,  firent  des  lignes  depuis  ce  couvent  jufqu'à  la  Moldave,  &  mi- 
rent garnifon  dans  les  endroits  d'où  l'on  pouvoit  fournir  des  vi- 
vres à  Wifrhade.  D'autre  côté  ceux  des  grands  qui  tenoient  pour 
Sipfmond ,  tachoient  de  détacher  du  parti  Taborite  les  villes  qui 

y  étoient  engagées.  Dans  cette  vue  le  Seigneur  Guillautne  de  Ha- 
femberg  accompagné  de  (es  vaflaux  &  de  quelques  gentilshommes, 
alla  à  Slan  pour  eiîayer  de  gagner  cette  ville  royale,  parce  que 
c'etoit  une  place  de  grande  importance.  Pour  y  rétuTir ,  il  répan- 

(1)  Capitale  du  diftriftdecenom  fur  l'Egre. 
(  z  )  V  lie  royale  dans  le  méinc  diftriâ:. 
(3;  Capitale  du  diftrid.de  ce  nom. 

Tom.  /,  S 


*42°. 


138       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES. 

dit  le  bruic  que  Prague  s'étoit  rendue  à  l'Empereur.  Les  habi- 

tans  allarmez  de  cette  nouvelle,  6c  deftituez  de  fecours  5c  de 

confeil ,  furent  obligez  de  fe  rendre  6c  de  chafler  leurs  prêtres 

HufTites  pour  en  recevoir  de  Catholiques ,  6c  on  mit  une  bonne 

garnifon  dans  la  ville.   Le  même  jour  les  Taborites  s'allèrent  pof- 

ter  en  un  certain  endroit  dans  le  deflein  d'affieger  la  forterefle  de 

(0  Dan*le  -Hatfchin  (a),  6c  celle  de  St.  Wenceflas  (b)  3  comme  ils  le  firent, 

P(h)  Dans  la  Ceux  de  Prague  de  leur  côté  coupèrent  tous  les  arbres  de  l'arche- 

vieille  vaie.  vêché ,  afin  que  les  ennemis  ne  pufTent  s'y  cacher. 


H  I  S 


r 


OIRE 


DE       LA 


GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET        DU 

CONCILE    DE     BASLE- 

LIVRE    VIII. 

E  1 1.  de  Juin  il  vint  un  meflager  donner  avis  que    142.9. 
l'Empereur  s'avançoit  avec  une  girofle  armée,  &t Approche'de 
qu'il  avoir,  envoyé  devant  lui  quatre  mille  chevaux  1Arn|JcIra" 

r  1      /•  a  pénale. 

pour  faire  lever  le  fiége  de  Ratfchin  &  du  château 
de  St.  Wencejlas.  Ceux  de  Prague  en  effet,  lesTϝorites  ,  &:  les 
citoyens  de  Zatec&c  dcLauni,  levèrent  le  iîége  de  ces  deux  places, 
&  fe  fortifiant  avec  leurs  chariots  qui  leur  fervoient  de  remparts , 
fe  mirent  en  état  de  dcfenfe,  fufpendus  entre  l'efperance  &  la 
crainte.  Les  Impériaux  qui  vouloient  épargner  le  fang  dans  la 

Sij 


Ho     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.10.    ville,  allumèrent  un  grand  feu  loin  du-camp  pour  attirer  ceux  de 
Prague,  qui  en  effet  voyantla  fumée  &  s 'imaginant  que  l'enne- 
mi étoit  là  ,  y  coururent  pour  le  combattre.  Aufîi-tôt  les  Impé- 
riaux ,  qui  s'étoient  cachés  fort  loin  de  cet  endroit,  allèrent  en 
diligence  s'emparer  de  la  forterefle  avant  que  ceux  de  Prague 
puflent  le  fçavoir.  Mais  ceux-ci  l'ayant  appris  allèrent  en  furie 
rafer  prefque  tout  entier  le  petit  coté  de  la  ville  ,  &;  fe  retirèrent 
avec  ceux  de  Zatec  &  de  Launi  dans  la  vieille  ville ,  où  ils  avoient 
À     beaucoup  de  correfpondance ,  comme  les  Taborites  en  avoient 
82.  dans  la  nouvelle  (a). 

Arrive.-  de      H.  Enfin  une  partie  de  l'armée  de  Sigifnond  arriva  au  mois  de 
L'Armée.'      Juin.  La  plupart  des  Hifioriens  de  ce  temps-là  difent  quequand 
elle  futcomplette,  elle  étoit  de  plus  de  140000  hommes.  On 
peut  voir  ce  qu'en  dit  Thèobald(\).  Il  s'y  trouva  plu  fleurs  princes 
&crrands  Seigneurs  -,  1.  Frideric  électeur  de  Brandebourg.  (57- 
gifmond  lui  avoit  donné  l'inveftiture  de  cet  Ele&oratà  Confian- 
ce ,  à  condition  qu'il  lui  fourniroit  des  troupes  en  cas  de  befoin.  ) 
2.  Guillaume,  êc  Frideric  furnommé  le  Belliqueux  }  marquis  de 
Mifnie  j  le  dernier  s'étoit  retiré  mécontent  de  Confiance  fur  le 
refus  que  lui  avoit  fait  Sigifmond  de  lui  donner  quelques  villes 
de  Bohême  qu'il  avoit  conquifes  3  mais  ils  fe  réconcilièrent.  On 
voit  une  lettre  des  magiftrats  de  Prague  6c  des  barons  de  Bohê- 
me à  ce  Prince,  où  ils  lui  font  de  grands  reproches  d'avoir  four- 
ni contr'eux  des  troupes  à  Sigifmond,  &  l'exhortent  de  fe  reti- 
rer, s'il  ne  veut  pas  être  damné  avec  Sigifmond 3  lui  repréfen- 
tant  que  Sigifmondn'cioM^s  de  les  amis,  &  qu'il  ne  fe  fer  oit  point 
(b)Çochi.  reconcilié  avec  lui  s'il  n'eût  eu  befoin  de  fon  fecours  (b)  jlaJet- 
Beii,  Huflit.  treeft  dattéede  141 1.  3.  Albert  V.  archiduc  d'Autriche  qui  fut 
'p'  9  '  depuis  Empereur.  4.  Les  Princes  de  Bavière,  fçavoir  Henri  de 
Landshut ,  Guillaume  de  Munie  ,  &  Jean  frère  de  Louis  d'Jngolflad. 
Ces  Princes  avoient  eu  de  grands  démêlez  enfemble,  comme  on 
l'a  vu  dans  l'hiftoire  du  Concile  de  Confiance  5  mais  ils  fe  réuni- 
rent pour  la  caufe  commune. 
Sigtfmondc&      m.  L'Empereur  fut  reçu  dans  la  ville  de  Konigsgratz  (2) ,  où 
^sgraat^°"  il  y  a  une  bonne  fortereffe!  De  là  il  envoya  des  lettres  à  Prague 

(1)  Cœfarianos  milites  150000  Cttthenos ,  alii{  quodfidem  excedit)  300000.  Bagens  de  nnno 
144 \.eos  $0000.  numéro 'fuijje  feribunt }  Germanos  I2JOOO  C.tfarianis  jam  antea  40000  addu- 
xijje  iti  antiquo  qitodam  manujeripto  legi.  A  Germants  140000  numéro  Cafarimis  fuppetiits  latum 
nddttllos  effe  Martintts  Boreck  Vratijlavienjis  memoria prodidit.  Theob.  ubi  f*pr.  p.  3  $ . 

(  1  )  Cette  Ville  eft  fituée  entre  la  Sik'lic ,  &  le  diftrift  de  Çbrndhn  fur  l'Elbe.  C'ctoit  Kappa* 
jaage  des  Reines  de  Bohême, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VIII.  141 
pour  fommer  les  habkans  de  tenir  leur  parole,  &  de  le  reconnoî-  14.10. 
tre  pour  Roi  de  Bohême.  Il  leur  ordonnoit  en  même  tems  d'ôter 
incelîamment  toutes  les  barricades,  &  de  porter  leurs  armes  les 
uns(i)  dans  la  forterefTe  de  St.  Wenceflas  ^  les  au  très  (2)  dans  cel- 
le de  ^ifrhade.  Ces  lettres  furent  lues  à  Prague  le  24  Juin  } 
mais,  au  lieu  d'y  répondre,  on  redoubla  les  gardes  &  les  barrica- 
des. De  Konigsgratz ,  l'Empereur  alla  à  Cuttemberg  &  enfuite  à 
Litomeritz  (3)  où.  les  habitanslui  fournirent  abondamment  des 
vivres  3  &  lui  offrirent  du  fecours.  Ayant  appris  dans  cette  ville 
qu'on  avoit  brûlé  à  Prague  quelques  moines  qui  refufoient  de 
changer  de  religion,  il  fit  jetter  dans  l'Elbe  24  Huffites  qu'il  y 
rencontra.  Apres  avoir  campé  là  autour  pendant  quelques  jours 
avec  ce  qu'il  avoit  de  Hongrois,  d'Allemands  &  de Cuttembour- 
geois ,  il  alla  à  Bolcflaw  (4)  en  antendant  le  refte  de  l'armée.  De- 
là il  alla  à  Milnik  ville  royale  à  quatre  milles  de  Prague,  puisa 
Slan  que  Hafemberg  avoit  furprife.  Il  y  fut  reçu  fplendidement  3 
mais  comme  il  ne  fe  fioitpasàdes  ennemis  tout  récemment  re- 
conciliés ,  il  alla  camper  ailleurs.  Il  profita  de  ce  loiiîr  pour  al- 
ler vifiter  quelques  fortereiîes,  comme  Ziebrah  dans  le  diftricl  de 
Podwerth,  Toccenic ,  Carl/iein  (5)  dans  le  même  diflrid ,  où  il  al- 
la vifiter  les  tréfors  que  Wenceflas  fon  frère  lui  avoit  laifîez.  Delà 
il  alla  campera  Beraume  fur  la  Mile  dans  le  même  cercle,  ôcy 
fit  faire  diverfes  fortifications. 

IV.  On  a  vii  ci-defïus  que  \qs  Seigneurs  de  Rofemberg  avoient  aba„aonne^ 
embraflé  le  Hufîîtifme.  ÎJlricde  ce  nom  allarmé  de  la  préfence  les  Buffites, 
de  l'Empereur  changea  tout  à  coup  de  parti,  abandonna  les  Ta-  &cft-battu' 
borites ,  envoya  leurs  prêtres  prifonniers  en  divers  châteaux,  &, 
obtint  l'abfolution  du  Légat  du  Pape.  D'autre  côté  plufieurs  fei- 
gneurs  Hufîites  ayant  ramaflé  un  grand  nombre  de  payfans  al- 
lèrent a  Konigsgratz  où  ils  furent  bien  reçus  des  habitans  ,qui  n'i- 
gnoroient  pas  les  difpofitions  de  Sigifmond  à  l'égard  de  la  reli- 
gion. On  y  communia  librement  fous  les  deux  efpeces.  L'auteur 
du  Mars  Moravique  nous  fait  part  d'une  anecdote  à  l'occafion 

(1)  Ceux  de  l.i  vieille  Ville. 
(  2  )  Ceux  de  la  nouvelk  Ville. 

(3)  Ville  royale  de  la  Bohême  fur  l'Elbe  à  quatre  milles  de  Prague. 

(4)  C'eft  nue  des  plus  anciennes  villes  de  la  Bohême.  Elle  eft  (huée  au  milieu  de  ce  Royau- 
me lu r  l'Elbe.  Elle  fut  bâtie  par  le  Duc  Bolejlas  vers  le  milieu  du  X.fiécle.  Balbifi  qui  avoit  été 
fur  les  lieux ,  dit  que  ce  n'étoit  plus  qu'un  cadavre  de  ville. 

(5)FortereiTebatie  fur  une  fort  haute  montagne  par  l'Empereur  Charles  IV.  l'an  1348.  à  J* 
milles  de  Prague.  Wencejlas  y  fit  bâtir  depuis  un  château  qu'on  appelloit  Chàte au-neuf,  ott 
Conr  .xàiit, 

Siij 


i4i  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
de  ce  Seigneur.  Il  dit  qu'ayant  des  terres  dans  le  diftrict  de  Be- 
chin  où  dogmatifoit  Jean  Hus  après  fa  retraite  de  Prague,  il 
s'engagea  dans  le  Huiiitifme  étant  encore  fort  jeune  3  mais  qu'il 
s'en  repentit  bien-tôt  après ,  en  partie  rebuté  par  les  défordres 
des  Huffites ,  en  partie  frappé  d'un  fange  fort  étrange.  Jefus- 
Chrift  lui  apparut  enfanglanté  &  fe  plaignant  que  les  prêtres  l'a- 
voient  ainfi  traité  en  voulant  feparer  fon  fang  de  fon  corps. 
Notre  Seigneur  ayant  difparu  ,  Jean  Husfe  preienteà  lui  fur  un 
étang  avec  une  torche  ardente  à  la  main  ,  mais  à  l'inftant  &  la 
torche  &Jean  Hus  font  dévorez  par  un  chien.  LàdeflusoY  Wen~ 
ceflas  fe  montre  &  demande  à  Rofemberg  s'il  a  vu  le  chien  &  le  fal- 
lût. J'ai  vu  l'un  &  l'autre,  dit-il,  mais  je  nefçaicequecelapréfà- 
ge.  Dieu  ,  dit  le  Saint ,  a  juré  de  punir  la  Bohême  par  divers  erreurs 
pendant  deux  cens  quarante-fcpt  ans.  En  même  temps  il  voit  un, 
grand  homme  affreux  qui  met  le  feu  à  un  gros  monceau  de  paille. 
Là-deflus  le  Saint  lui  dit  :  Souvenez^vous  de  Dieu  ,  de  moi ,  de  St. 
u4delbert ,  &  n  abandonne  z^p  a  s  votre  première  foi ,  féconde  en  grâces 
divines.  Aulîî-tôt  après  la  vilîon  ,  Rofemberg  s'en  alla  avec  cinq- 
cens  chevaux  trouver  le  légat  du  Pape  à  Ziebrac ,  fortereflfe  appar- 
tenante aux  Rofembergs ,  fit  fon  abjuration  ,  alla  enlever  aux  Huf- 
fa)  cachot  ^tes  la  v*^e  ^e  Wodnian  dans  le  diftrict  de  Prachin  (a)  6c  en  fit  ab- 
MarsMorav.  batre  les  murailles,  afin  qu'elle  ne  leur  fervît  plus  de  retraite. 
p,  458.  Théobald  met  au  fixiéme  de  Juillet  de  cette  année  la  défaite  du 

même  Rofemberg  devant  Tabor  où.  il  avoitmislefiége  par  ordre 
de  l'Empereur  •  mais  Nicolas  de  Huffïnetz, ,  à  qui  Ziska  avoit  con- 
fié cette  importante  place,  avec  la  fleur  de  Ion  armée,  fit  une  fï 
yigoureufe  fortie ,  qu'il  mit  les  affiégeans  en  déroute  après  en 
avoir  fait  un  grand  carnage.  Balbin  témoigne  avoir  entre  (es 
mains  trois  lettres  de  i'Empereurà'L'/r/V  de  Rofemberg.  Dans  la 
première  écrite  de  Hongrie,  il  lui  ordonne  de  fe  joindre  avec 
Rogirz^de  Landeflein  gouverneur  deBudweis  pour  afîïéger  Tabor. 
Dans  la  féconde,  écrite  du  campaumonaftere  de  Cladro  dans  le 
diftrict  de  Pilfen ,  il  lui  commande  de  craverfer  les  Huflîtes  dans 
la  conftruction  de  leur  Tabor ,  &  lui  donne  avis  qu'il  lui  envoyé 
des  troupes  de  Bavière  &.  d'Autriche.  Dans  la  troifiéme  il  confo- 
<b)  Baih.  e-  je  ce  Général  de  fa  défaite  qu'il  imputoit  aux  troupes  Autri- 
44*.  chiennes  (b). 

Siège  de  Pn-  y  Le  refte  de  l'armée  étant  arrivé  le  30.  de  Juin,  elle  campa 
iroupcsim-  devant  Prague  dans  des  endroits  qu'il  eft  inutile  de  marquer ,  par- 
tiales,     çequelespomsenfontrrop  barbares  ôctropinconnus.Lespremier* 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  VIII.  143 
jours  fe  pafTerent  en  efcarmouches ,  oùilyeut  beaucoup  defang  14.20, 
xépandu  de  parc  &,  d'autre.  Le  onzième  de  Juillet,  l'Empereur 
fît  former  le  fiége  en  trois  ou  quatre  endroits  devant  la  vieille  & 
Ja  nouvelle  ville  de  Prague.  On  a  peu  de  détail  de  ce  premier  fiége, 
qui  tourna  mal  pour  les  troupes  impériales,  quoique  l'Empereur 
eût  garni/on  dans  la  forterefle  de  Wencejlas  d'où  on  pouvoir  bat- 
tre la  vieille  Ville,  &  dans  celle  de  Wifrhade  qui  commandoit  la 
nouvelle.  Les  Taborites  qui  fe  battoient  en  défefperés,  comme 
pour  leurs  autels  &;  leurs  foyers,  eurent  bien-tôt  repouflé  les 
affiégeants  de  la  nouvelle  ville.  La  vieille  ville  eut  plus  à  foufFrir, 
quoiqu'elle  fut  mieux  fortifiée,  parce  que  les  Impériaux  avoienc 
fait  entrer  beaucoup  de  troupes  par  le  petit  coté  dont  ils  étoient  les 
maîtres.  Les  Hongrois  s'étoient  poftez  dans  le  grand  enclos  du 
Palais  épifcopal ,  d'où  ils  lançoient  leurs  traits  jufques  dans  la 
vieille  ville.  Cependant  les  Taborites  étant  venus  au  fecours  des 
afliégez,  ils  chaflerent  les  Impériaux  de  la  ville  &  les  pourfuivirenc 
jufqu'à  la  Moldave. 

VI.  Les  Allemands  voyant  qu'il  feroit  impoflible  devenir  à  bout   Ziskadé&it 
de  la  vieille  Ville ,  fi  l'on  ne  challoit  ziska  d'une  haute  montagne  mands  fur  fa 
à  l'orient  de  la  nouvelle  ville  près  du  gibet  de  Prague  ,  &  qu'on  montagne, 
appelle  encore  la  montagne  de  Ziska  t  dont  il  s'étoit  emparé  3  &où 
il  s'étoit  retranché  jufqu'aux  dents,  prirent  la  réfolution  de  l'y 
aller  forcer.  L'attaque  fe  fit  d'abord  alïez  heureufement  5  les  trou- 
pes Saxonnes  avoient  déjà  forcé  les  retranchemens  malgré  la  ré- 
fiftance  des  afîiegez ,  entre  lefquels  il  fe  trouva  deux  femmes  & 
une  fille  les  armes  à  la  main,  qui  aimèrent  mieux  périr  que  de  fe 
rendre.  L'infanterie  ayant  arraché  les  hayes,  coupé  les  fafeines , 
comblé  les  foflez  pour  frayer  le  chemin  à  la  cavalerie,  on  étoic 
au  fommet  de  la  montagne.  Ziska  lui-  même  étoic  aux  abois  fî 
les  Taborites  de  la  nouvelle  ville  ne  fufTent  accourus  à  fon  fecours. 
Ils  avoient  à  leur  tête  un  prêtre  Taborite  (a)  qui  au  lieu  d'étendart  (a)  Vitîts  li~ 
portoit  le  ciboire.  A  ce  lignai  le  combat  commença  avec  une*"* 
nouvelle  furie.  Les  troupes  Allemandes  furent  repouiîèes  &mi- 
£qs  en  déroute ,  quoi  qu'elles  fuflent  fans  celle  rafraîchies  par  des 
détachemens  que  leurenvoyoit  l'Empereur.  Les  Hiftoriens  don- 
nent beaucoup  d'éloges  à  la  valeur  d'un  vigneron  nommé  Robyk 
homme  erofïier,  mais  robufte  &:  courageux,  qui  avec  Ziska  fie   „„_,   ,  , 

ai  1  •  >>    i>         •     ■>        1        ~r     /       •         ,1   .    t         t  •  (bjlheoltai- 

urer  le  combat  juqu  a  1  arrivée  des  Taborites  (b).  Les  Impériaux  j„Sp.  g4. 

perdirent  plus  de  1 500.  hommes  à  cette  action  qui  dura  tout  le  Balb-  EP;t* 

jour.  Ziska  y  perdit  la  moitié  de  fcs  meilleurs  Taborites,  Il  fut  lui-  do^p'^Z 


i44       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
f4.20.    m^me  abbattu  par  terre,  mais  il  en  fut  quitte  pour  une  légère 
bleflure.  On  trouva  entre  les  morts  les  deux  femmes  6c  la  fille 
(a;  Le  iP.  dont  on  vient  de  parler.  Quelques  jours  après  (a)  cette  défaite, 
de  juillet,     il  arriva  un  autre  défait re  -y  le  feu  ayant  pris  par  un  grand  vent 
dans  le  camp  impérial ,  confuma  quantité  de  richeffcs  &  d'effets 
de  grand  prix  j  mais  fur  tout  les  échelles  pour  le  fiége.  On  dit 
que  le  feu  y  fut  mis  par  une  femme  de  Prague  qui  rodoit  incognito 
(b)  Bail,  ybi  dans  le  camp  (b).  Le  fiége  cependant  continuoit  toujours  au  grand 
fuPr-  defavantage  des  Impériaux  ,  fort  maltraitez  par  lesnnachines  de 

guerre  de  ceux  de  Prague.  Il  reftoit  encore  deux  rnonafteres  à 
Prague  que  les  Taboritcs  brûlèrent ,  parce  qu'ils  les  incommo- 
doient. 
L'Empereur  VIL  Enfin  le  3  o  de  Juillet  de  cette  année  Sigifmond  levaleflége 
levé  le  îiege,  de  l'avis  de  tous  les  chefs  de  l'armée.  Il  dura  à  peu  près  un  mois  > 
&fcf"litcou"  pendant  lequel  ceux  de  Prague,  pour  montrer  qu'ils  n'avoienc 
pas  peur  ,  ne  fermèrent  les  portes  ni  jour  ni  nuit.  Cependant  com- 
me Sigifmond  étoit  encore  maître  du  petit  côté  où  ét<oit  laforte- 
relTede5^.^/c»^77^,ils,y  fît  couronner  le  même  jour  (1)  par  l'ar- 
chevêque Conrad ,  qui  ne  s'étoit  pas  encore  déclaré  Huffite,  6c 
créa  félon  la  coutume  plufieurs  Chevaliers.  Comme  ce  prince 
manquoit  toujours  d'argent,  il  enleva  les  tréforsque  fon  père  èc 
fon  frère  avoient  cachez  à  Carlftein  &  ailleurs  ,  les  lames  d'or  àç 
d'argentdont  les  tombeaux  des  Saints  étoient  couverts  dans  laba- 
filique  de  St.  ^«f^jj  il  engagea  plufieurs  villes  de  Bohême  aux 
Ducs  de  Saxe ,  pour  payer  leurs  troupes  3  les  joyaux  de  la  couron- 
ne à  des  banquiers,  6tles  reliquesimpérialesaux  Nurembergeois 
pour  une  grofTe  fomme  d'argent.  Les  Hijloriens  catholiques  (  die 
Balbin  )  3  ont  remarqué ,  il  y  a  long-temps ,  que  cet  argent  a  étèfuneflc 
à  plufteurs ,  g5*  qu'il  na  de  rien  f'ervi  ni  à  Sivifmond ,  ni  à  aucun  Roi 
M**1-**0-  de  Bohème  {,) 

Première  dé-  V 1 1 1.  L'on  rapporte  peu  d'exemples  d'une  défaite  auiïi  corn- 
rereur  en  plette  que  le  fut  celle  de  Sigifmond  cette  année  :  ce  ne  fut  pas  feu- 
«ui^me.  lement  devant  Prague  qu'il  fut  battu  ,ille  fut  par  toutou  il  voulue 
pénétrer  depuis  en  Bohême.  On  ne  peut  en  avoir  un  meilleur  té- 
moin que  Henri  de  Zandsbut^duc  de  Bavière  qui  y  étoit,  &  qui 
eut  bonne  part  à  la  déroute  générale.  Voici  comme  il  en  parle  dans 
une  lettre  qu'il  écrivit  de  Prague  cette  même  annéeà  fon  Chance- 
lier.   ~Nous  avons  attaque  la  Bohème  par  cinq  fois  j  &  tout  autant  de 

(i)C'e{lainfi  que  Balbin  le  rapporte.  Thibaut  marque  ce  couronnement  le  20.  de  Juillet, 
fcCzecborodk  28. 

fiif 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zlv.  VI II.   145 
fois  nous  avons  été  défi  il  s  avec  Perle  de  nos  troupes ,  de  nos  armes  ,  de    jaiq; 
nos  machines  &  inf  rumens  dé  guerre  ,de  nos  provisions ,  de  nos  valets 
d'armée.    La  plus  grande  partie  de  nos  gens  a  penpar  le  fer ,  &  Tant  re  '  A^;[  \ 
dans  la  fui  te.  Enfin  par  je  nèfeai  quelle  maligne  fatalité  nous  avons  L.  vu.  p. 
toujours  horileufcment  tourne  le  dos ,  même  fans  avoir  vu  F  ennemi  (a).  7°°;c**cbor. 

I  X.  Enfin  Siyfmond  fi  opiniâtrement  pourfuiyi  par  la  fortune  Retrait  de 
n'eut  point  d'autre  parti  à  prendre  que  de  le  retirer  en  Moravie  êC  l'EmPereur' 
de  là  en  Hongrie ,  après  avoir  licentié  ce  qui  lui  reftoit  de  troupes 
Allemandes,  de  laiffé  des  garnifons  dans  les  deux  forterefïes  de 
Prague.  En  s'en  allant  il  palîa  à  Litomeritz  pour  s'ailurer  de  la  fi- 
délité de  cette  ville.  Etant  à  Kuttemberg  il  partagea  les  Hon- 
grois en  deux  bandes ,  avec  ordre  d'aller  fourager  les  terres  de 
quelques  feigneurs  Huffites ,  en  qui  il  avoit  trouve  plus  de  réfiftan- 
ee(i;. 

X.  Quelque  fanglant  qu'eût  été  le  fiége  de  Prague,  ce  qui  fe    Suite  de  h 
pafla  depuis  cette  année  ne  le  fut  pas  moins.  Les  uns  enflez  de  leur  «  ")°ire. des 
victoire  ,  les  autres  irrites  de  leur  deraite ,  us  le  ruoient  les  uns  lur  Nouveau  Uti- 
les autres  avec  une  fureur  inoiiie.   ziska  ayant  quelque  répit  £c,c  s  w,ifr" 

1  •    ■     1         .■  ./•         i  c  c       hade  parles 

par  la  retraite  de  Sigifmond  ,  en  prohta  pour  mettre  tout  ivexptabmtif. 
&à  fang  en  Bohême.  Sa  fureur  fe  déchaîna  fur  tout  furies  monaf- 
teres(i).  Ce  qui  fe  fit  de  plus  mémorable  depuis  la  retraite  de 
l'Empereur  furent  deux  lièges  de  Wifrhade  entrepris  par  les  Huf- 
fites. La  première  tentative  fut  faite  par  quelques  Taborites  Ôc 
parles  habitansde  la  nouvelle  ville  ;  mais  elle  ne  leur  réufTit  pas. 
Car  la  garnifon  du  château  voyant  les  feux  &c  les  lanternes  des 
aiîiégeants  9  ne  fît  femblant  de  rien  3  jufqu'à  ce  qu'ils  faflent  près 
de  forcer  la  porte  de  la  fortereiïe.  Alors  elle  fît  une  fortie ,  fe  jet- 
tafur  les  Taborites  ôcentua  un  grand  nombre.  Les  fuyards  eu- 
rent bien  de  la  peine  à  échaper ,  parce  que  la  porte  de  la  nouvelle 
ville  fut  fermée  par  ordre  du  Sénats  &ilsauroient  tous  péri  fi  la 
garnifon  craignant  une  fortie  de  la  nouvelle  ville  ne  fe  fût  retirée 
dans  le  château.  Les  Taborites  s'en  plaignirent  au  Sénat  comme 
d'une  hofbilité  ,  difant  qu'il  n'avoit  fait  fermer  les  portes ,  qu'ariti 
qu'ils  périiTent  ieuls,  &  menacèrent  defortir  de  la  ville.  Cette 
menace  allarma  ceux  de  Prague ,  qui  deftituez  de  ce  fecours  ne  le 
poavoient  défendre  contre  l'Empereur  s'il  revenoit  les  attaquer, 

'  i  )  C'c'toient  les  comtes  Hinko  &  Vifterin  de  BocxMon  de  CknfîfU  Seigneur  de  Podiebrad,  ville 
fur  i  Elbe  qui  a  donné  un  Roi  Huffite  a  la  Bohême  ,  fils  de  ce  /  'idorm.  Balbin  Mpit.  p.  44  r. 

2)  On  a  ramâfle  ailleurs  à  part  toutes  lesde'ibl/it'onsdecouvens,  &  les  mafia  cres  de  Prêt  pef 
arrivez  en  des  temps  différais  ;  mais  on  a  change  demiéthode,  &  ou  les  mettra  chacun  îh  U 

nlace  &  dans  fon  temps. 

fom,  Jz  J 


î46      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

j  0  comme  il  le  fie.  Là-defïus  les  prêtres  8c  les  citoyens  de  la  ville  s*at- 
femblerent  pour  prévenir  le  danger  commun.  Il  fut  réfoludans 
cette  aiiemblée  d'engager  les  Taborites  à  ne  les  point  abandonner. 
Ils  ne  purent  pourtant  II  bien  faire  qu'il  n'en  fortît  un  grand  nom- 
bre avec  leurs  drapeaux  où  ils  avoient  peint  des  calices^  s'allèrent 
joindre  à  Ziska  <\u\  failoit  tous  les  jours  de  nouvelles  conquêtes, 
renforcé  de  nouvelles  ifSupes, 
PrifeckRt/V-  xi.  Ce  Général  voulant  éprouver  leur  valeur  les  mena  à  une 
•j£*i«trt!  petite  ville  nommée  Rzjczan  où  il  y  avoit  une  forterefle  jon  ne 
fçait  dans  quel  dillricT;.  Il  emporta  l'une  &  l'autre  &:  y  brûla  fepe 
prêtres  après  les  avoir  garrotez  &  enfermez  dans  un  poêle  ardent, 
De-là  il  marcha  à  Prachacitz.  En  chemin  faifant  il  fit  noyer  Her- 
man  évêque  de  Nicopoli ,  &  fuffragant  de  l'archevêque  de  Pra- 
gue 5  avec  deux  prêtres.  On  prétend  qu'il  avoit  ordonné  des  prê- 
tres Taborites  ,  comme  en  effet  il  en  futeenfuré  par  l'archevêque 
Conrad  y  que  même  il  donna  la  communion  fous  les  deux  efpeces , 
mais  que  s'en  étant  repentit  il  avoit  fait  fa  paix.  C'eft  pour  cela 
qu'il  fut  traité  comme  transfuge  &  apoftat  par  les  Hulîîtes.  Quel- 
ques jours  après  Ziska  arriva  devant  Prachaticz  ,  dans  le  difbicl 
de  Prachin  ,  où  l'on  a  dit  que  Ziska  avoit  fait  [es  premières 
études.  Ilfomma  d'abord  la  ville  de  fe  rendre,  &  de  chafîer  les 
Catholiques ,  alTurant  les  habitans  de  fa  protection  en  ce  cas-là. 
Mais  les  Catholiques  animez  par  leurs  prêtres  n'écoutèrent  point 
fes  proportions  }  &fe  difpoferent  à  fe  bien  défendre,  lui  difant 
qu'ils  n'avoient  rien  à  craindre  d'un  petit  gentilhomme  comme 
lui.  Irrité  de  ce  mépris ,  il  invertit  la  ville  de  tous  cotez.  Elle  ne 
reiifta  pas  long -temps.  Des  le  premier  afTaut  ils  demandèrent 
quartier.  Ziska  n'étoit  pas  d'humeur  à  leur  en  faire  après  en 
avoir  été  infuité.  Il  entra  dans  la  ville  &  y  fit  un  grand  carnage. 
On  compte  qu'il  y  eut  13  5.  hommes  d'égorgez,  félon  l'ordre  qu'il 
en  avoit  donné  (1)  -,  ce  qui  faifoit  la  plus  grande  partie  des  habi- 
tans. Les  prêtres  qui n'avoienc  pas  pris  les  armes,  &  le  peuple 
avec  les  femmes  &  les  enfansfe  réfugièrent  dans  l'Eglife,  où-dS- 
(à)  dp.  neas  Sylvius  dit  qu'il  les  fît  tous  brûler  fa).  D'autres  racontent  la 
XLII#  chofe  d'une  manière  tant  foitpeu  moins  tragique.  Ils  difentque 
Ziska  ayant  fait  fortir  les  femmes  &:  les  enfans  de  la  ville ,  fît 
mettre  le  feu  à  TEglife,  &  qu'il  y  eut  plus  de  800.  perfonnes 

(b)Kaib.Mij:  confumées  dans  cette  incendie  (b).  Pendant  ce  temps-là  lesTa- 
J.LXXVI.  v  '  .  r     . 

{ 1  )  Tbeobald  dit  qu'il  a  voit  ordonné  à  fes  gens  de  tuer  15  o.  citoyens,  p.  8$.  %6*  D'autres 
«lifent  qu'il  en  pe'rit  poo. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zfo.  VIII.  147 

borites  qui  étoient  reftez  à  Prague ,  s'étant  partagez  en  deux  ban-     \aio\ 
des  allèrent  piller,  les  uns  fur  les  terres  du  feigneur  de  Rofemberg> 
les  autres  en  Luface. 

XII.  Cependant  le  1 5.  de  Septembre  ceux  de  Prague  joints    Autre  fiége 
aux  Orebites,  aux  Taborites&àux  villes  de  Gradit^,  de  Zatec ,  dc  f^i*?e 
de  Zauny&c  de  Slan  qui  avoient  quitté  le  parti  de  l'Empereur,  rîtes?* 
recommencèrent  le  fiege  de  Wîfrhade.  Toutes  ces  troupes  liguées 
avoient  à  leur  tête  des  chefs  d'une  valeur  éprouvée.  Sipfmond 

de  retour  de  Hongrie  étoit  à  Cuttembcrg ,  fort  mortifié  de  ces  nou- 
velles quoiqu'il  tâchât  de  divertir  ion  chagrin  avec  des  inftrumens 
de  mufique,  Spemvultù  fimulat  3  frémit  altum  corde  dolorem.  Pour 
ne  point  céder  iziska  en  incendies  &en  maflacres,  il  infeftoic 
tous  les  environs  avec  fes  Hufîars.  Il  mit  tout  à  feu  &  à  fans  au- 
tour  de  Boleflau  ,  capitale  du  diftricl:  de  ce  nom ,  n'épargnant  ni 
les  femmes,  ni  les  enfans.  Les  afîiégez  réduits  à  l'extrémité  lui 
députèrent  pour  lui  demander  des  vivres,  fans  quoi  ils  ne  pou- 
voientpas  tenir  plus  d'un  mois.  Il  leur  promit  de  leur  en  envoyer 
dans  trois  femaines  au  plus  tard.  En  même  temps  il  écrivit  en 
Moravie  pour  en  tirer  du  fecours  5  en  attendant  il  prit  des  me- 
fures  &  donna  des  ordres  pour  faire  venir  des  vivres  parterre  Se 
par  eau  aux  afîiégez  ;  mais  Nicolas  de  HuIJinct^ l'ayant  feu,  al- 
la s'emparer  avec  un  corps  de  Taborites ,  de  l'Ilîe  qui  eft  au  pied 
de  Wifrhade ,  afin  de  pouvoir  couper  les  vivres  en  bouchant  la 
rivière  avec  des  chaînes  &  des  fafeines. 

X I I I.  Pendant  que  ces  chofes  fe  pafioient ,  quelques  Seigneurs  On tentevaû 
afîemblésà  Graditx^ écrivirent  â  l'Empereur  pour  lui  répréfen-  aCec^mô'de. 
ter  l'état  déplorable  où  étoit  tout  le  pays  ,  &lui  offrir  leurs  foins  ment. 
pour  quelque  accommodement  amiable  avec  ceux  de  Prague. 
L'Empereur  répondit  favorablement  &  promit  d'oublier  cour  le 

paflé  fi  on  le  vouloitreconnoîtrepour  Roi.  Ces  Seigneurs  por- 
tèrent aufii-tôt  ces  nouvelles  à  ceux  de  Prague.  Ceux-ci  ayant 
pris  du  temps  pour  en  délibérer,  fe  déchaînèrent  d'abord  con- 
tre Sigifmond,  comme  contre  leur  ennemi  déclaré,  ainfi  qu'il  l'a- 
voit  fait  paroître  parlefiége  de  leur  ville.  Ils  difoient  d'ailleurs 
qu'il  vouloit  opprimer  leur  religion ,  &  que  fi  Dieu  ne  les  en  eût 
préfervez  il  feroit  arrivé  ce  que  Charles  IV.  avoit  prédit  avant 
fa  mort ,  que  l'un  defes  deux  fils  perdroit  Prague  (1).  Cependant 

(1)  Hagec  raconte  qu'en  1 3  yj.  Charles  IV.  étant  à  la  fenêtre  de  fon  appartement  à  Jiïfrbade 
d'où  il  regardoit  la  Villc?fc  mit  à  pleurer.  Le  Gouverneur  lui  en  ayant  demande' h  caufe  :  Je 
fçai  ,  dit-il,  que  mes  deux  fils  feront  ennemis  de  ce  Royaume ,  Ç$  que  l'un  d'eux  abîmera  Prague  i 
fiais  jije  fçavois  lequel  c'efî  des  deux  ,  je  le  tuerais  Je  ma  propre  mam.  Theob.  p.  87. 


t48        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
J410.    ^s  conclurent  que  Ci  l'Empereur  vouloir  permettre  une  confèv 
rence  de  fes  Théologiens  avec  ceux  de  Prague  fur  les  quatre  arti- 
cles de  religion  dont  Ziska  étoit  convenu, ils  confentiroientàuii 
accommodement.  La  réponfe  portée  à  l'Empereur  qui  etoit  alors 
à  Berone.,  il  donna  les  mains  à  une  conférence  où  il  vouloir,  af- 
filier lui-même  ■  mais  il  ajoutoit  qu'il  falloit  auparavant  faire  une 
trêve  &  fe  retirer  de  devant  Wifrhade.   Ceux  de  Prague  au  con- 
traire déclarèrent  qu'ils  ne  cefîeroient  point  d'agir  jufqu'à  ce  que 
l'Empereur  entendît  leurs  théologiens  &  leur  cédât  lui-  même  vo- 
lontairement Wifrhade.  L'Empereur  en  colère  renvoya  cette 
demande  aux  calendes  yeques.  Toutes  les  avenues  de  Wifrhade 
étant  fermées  par  terre  6c  par  mer  ,  la  garnifon  fut  contrainte  de 
capituler  après  un  fiége  de  plus  de  cinq  femaines,  où  l'on  man- 
gea flx-vingt  chevaux  ,.  des  rats ,.  des  chiens  &  des  chats.  On  en- 
voya de  part  &  d'autre  des  officiers  pour  parlementer.  La  con- 
vention fut  que  fî  dans  quinze  jours  l'Empereur  ne  délivroit  pas 
fa  place ,  ou  n'y  envoyoit  pas  des  vivres  dans  la  quinzaine ,  elle  fe 
rendoit  fans  nulle  oppofition. 
Seconde  de-      XIV.  Le  3 1 .  d'Octobre  l'Empereur  fe  difpofa  à  faire  lever  le' 
fiitedel'Em-  fiége  de  Wifrhade  avec  une  armée  qui  lui  étoit  venue  de  Mora- 
vie. En  même  temps  il  ordonna  â  la  garnifon  du  château  defain? 
Wenceflas  d'aller  attaquer  la  Maifon  de  Saxe  affiégée  par  ceux 
de  Prague  dans  la  petite  ville,  &  de  la  brûler,,  s'il  fe  pouvoir  y 
pendant  qu'il  iroit  devant  Wifrhade  attaquer  les  Taborites.  Mais 
fes  lettres  ayant  été  interceptées,  ceux  de  Prague  fe  mirent  en 
état  de  le  bien  recevoir,  il  pofta  fon  armée  fur  une  haute  colline , 
d'où  il  fe  montra  aux  affiégez  l'épée  à  la  main ,  comme  pour  leur 
faire  ligne  de  charger  l'ennemi  -y  mais  il  étoit  trop  tard  j  le  temps 
auquel  ils  avoient  promis  de  fe  rendre ,  étoit  expiré  depuis  plus 
d'un  jour.  De  forte  que  les  affiégez  en  gens  de  parole  ne  tirèrent 
pas  même  l'épée.  Les  Impériaux  voyant  que  la  garnifon  ne  faiV 
Soie  pas  la  moindre  défenfe ,  &  que  d'ailleurs  ceux  de  Prague  s'é- 
toient  trop  bien  retranchez  pour  les  pouvoir  forcer ,  avertirent 
l'Empereur  de  ne  pas  s'expofer  3  lui  &  fon  armée.  Non  ,  non  3  dit^ 
il  _,  je  veux  hasarder  le  combat  avec  ces  Porte-fleaux.  Un  de  fes  Gé- 
néraux (  1  )  lui  ayant  repréfenté  que  ces  fléaux  étoient  fort  redou- 
tables :  Vous  antres  Moraves  3  repartit-il ,  vous  nêtes-  que  des  -poL* 
irons.  Auffi-tôt  les  cavaliers  defeendant  de  cheval,  Vous  allez^voir^ 

(  1  )  Defpeta  Plmnlovijeus  Cravaftius  capitaine  de  Moravie.  Il  fut  tue'  dans  cette  action. 


ET  DU  CONCILE  DE  BAS  LE.  Liv.VUl.  149 

dirent-ils,  que  nous  irons  où  Votre  Majeftê  n  ira  pas.  A  Pinflant     1j1g 

s'étant  jetrez  avec  furie  en  divers  endroits ,  ils  furent  par  tout 

raillez  en  pièces ,  ou  aiîommez  à  grands  coups  de  ces  fléaux  que 

l'Empereur  avoit  fifort  meprifez.  Les  Hongrois  ayant  voulu  les 

défendre,  ils  eurent  à  dos  ceux  de  Zatec ,  de Launy  ScdeSlan, 

qui  en  paflérent  au  fil  de  Pépée  un  grand  nombre,  mirent  en 

fuite  les  autres.  L'Empereur  lui-même  fut  du  nombre  des  fuyards. 

Ceux  de  Prague  qui  etoient  dans  d'autres  retranchemens ,  voyant 

cette  déroute  ,  fe  jetteront  fur  les  Moraves ,  &  fans  faire  quartier 

à  aucun  ,  ni  s'amulèr  à  faire  des  prifonniers  3  les  aflommérent  avec 

leurs  fléaux  de  fer.    La  victoire  ne  fut  pas  moins  complète,  ni 

la  défaite  moins  générale.  La  plus  grande  partie  de  la  noble/Te 

de  Moravie  y  demeura.  On  peut  voir  les  noms  des  principaux 

dans  Theobald  -,  Balbin  ,  ôc"  C^echorod.  Un  des  Généraux  échapé 

de  cette  boucherie ,  qui  a  décrit  cette  action ,  dit  qu'il  y  périt  trois 

cens  ou  environ  des  Grands  Seigneurs  Bohémiens  du  parti  de 

l'Empereur.  Leurs  corps  demeurèrent  quatre  jours  fansfépulture 

en  proie  aux  chiens ,  ce  qui  caufa  une  telle  infection ,  que  la  place 

n'etoit  pas  tenable.  Enfin  un  des  Généraux  touché  decompafîion  ul^ùmfi' 

du  fort  malheureux  de  tant  de  braves  gens ,  les  fît  enterrer  à  fes  38.  Baihn. 

dépens  dans  le  cimetière  de  faim  Pancrace  voifin  du  champ  de  ba-  ?*  •?'^£^*, 

taille.  On  voyoit  encore  leurs  noms  dans  ce  cimetière  du  temps  c.  vii.p.* 

AeTheobald.^).  44*- 

XV.  Le  même  jour  que  fe  donna  la  bataille,  les  Impériaux  Laforterefle 
rendirent  Wifrhade  à  ceux  de  Prague  avec  les  catapultes  3  les  mor-  ^molic-  * 
tiers  &.  autres  machines  de  guerre ,  à  la  réferve  de  leurs  propres  ar- 
mes,, félon  la  capitulation.  Ils  témoignèrent  une  grande  recon- 
noiilance  à  la  garnifon  de  ce  qu'elle  avoit  lî  fïdellement  tenu  fa 
parole  3  &  leur  donnèrent  libéralement  tout  ce  qui  lui  étoit  nécef- 
faire  pour  fe  retirer  en  bon  ordre.  Les  jours  fuivans  furent  em- 
ployez à  démolir  la  forterefîe  &  à  piller  les  églifes.  On  en  compte 
quatorze  de  ruinées  dans  ce  temps-là.  A  cette  occafion  on  ra- 
conte que  pendant  le  fiége  les  afïïégeans  manquant  de  grofTes 
pierres ,  briférent  les  colomnes  &  les  piiliers  d'une  églife  pour  les 
jetter  par  monceaux  contre  la  place  avec  leurs  catapultes.  Le  troi- 
ficme  de  Novembre  qui  étoit  un  Dimanche ,  ceux  de  Prague  fu- 
rent en  proceflion  dans  l'endroit  où  ils  avoient  remporté  la  vidoi- 
re,  pour  en  rendre  grâces  à  Dieu  folemnellement  au  chant  de  leurs 
jjvmnes  en  Bohémien. 
'  XVI.  Ainfi  périt  la  fuperbe  forterefîe  de  Wifrhade ,  qui  avoit  d/™2ïia 

Thj 


15©         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

14.10.    ^  *e  féjour  des  Ducs  &  des  Rois  de  Bohême.  Elle  étoit  plus  arW 
cienne  que  la  ville  de  Prague ,  ayant  été  fondée  en  6  8  3 .  par  Crocus 
fécond  Duc  de  Bohême.  Quelques  années  après  elle  avoir,  été 
mieux  munie  par  LibuJJa fille  de  ce  Duc  qui  avoir  le  gouvernement 
de  Bohême.  Przimiflaus  troifiéme  Duc  de  Bohême  fut  le  premier 
qui  l'appella  Wifrhade ,  mot  Bohémien  qui  lignifie  lieu  élevé.  Il 
n'en  reftoit  plus  que  quelques  monumens.  C'etoit  un  jardin  pota- 
(a)  Theobaid.  ger  du  temps  de  Theobald.  Et  campos  ubi  Troja  fuit  (a).  L'Eglife 
p.  88.  Baib.  C0Hégiale  de  cette  fortereffe ,  fondée  dans  l'onzième  fiecle  par  le 
dtwiïr  *      duc  Brzftiflas ,  &  enfuite  ornée  magnifiquement  par  le  duc  Sobie^ 
Mars  Mo-     }as  ^  avoit  de  grands  privilèges  accordez  par  Alexandre  IL  Elle 
rav,  p.  iq  .   reievojc  immédiatement  du  Pape.  Le  Prince  &  Chancelier  de  Bo* 
hême  en  étoit  le  Prévôt  perpétuel.  Le  Prévôt,  le  Doyen,  ïçs  Cha- 
noines avoient  le  privilège  de  porter  la  micre  dans  les  jours  folem-. 
nels,  ôc  même  le  Diacre  quand  on  célébroit  la  Méfié  devant  le 
Duc. 
Eavag«  que      XVII.  L'Empereur  voulant  fe  vanger  en  quelque  forte  de  la, 
font  les  im-   perte  de  Wifrhade ,  s'alla  jetter  fur  les  terres  de  Victorin  de  Podie- 
fetr'Te'trake!  brad,  &  de  Henri  fon  frère,  parce  qu'ils  avoient  aflifté  ceux  de  Pra, 
gue,  &  il  porta  la  défolation  par  tout  ;  mais  un  autre  Seigneur 
(b)  Pochais  ^e  la  Maifon  de  Podiebrad  (b) ,  qui  auparavant  avoir  été  l'ennemi 
fodiefoad.     capital  des  Praguois ,  irrité  de  cette  irruption  contre  ceux  de  fa 
Maifon ,  confpira  avec  eux  contre  l'Empereur  ,  6c  fe  rangea  dans 
le  parti  des  Calixtins.  L'Empereur  avec  (ts  Huflars  exerça  les  mê- 
mes violences  dans  tout  le  territoire  de  Prague  3  il  brûla  3  pilla 
tout,  8c  fit  mener  des  vivres  dans  le  château  de  Wenceflas  fitué  dans 
la  vieille  ville. 
Horribles      XVIII.  Dans  ce  même  temps  plufieurs  payfans  s'afîemblérenc 
pruautez  des  fuf  une  montagne ,  qu'ils  appellérent  Oreb  (  1  ) ,  entre  Zedeczjia.ns 
le  diftricl:  de  Czatzjavver ,  6c  la  forterefle  de  Lipnïch  dans  le  diftrift 
de  Zeitmerit^.  De-là  ils  faifoient  des  courfes  dans  tout  le  voifina- 
ge ,  principalement  aux  environs  de  Graditz^,  pillant,  mafïacrant, 
brûlant,  fur  tout  les  moines.  Ceux  qu'ils  ne  brûloient  pas,  ils  les 
(c)  c'étoitau  mettoient  enchainez  fur  la  glace  pour  les  faire  périr  de  froid  (c), 
mois  de  No-  On  rapporte  d'eux  des  chofesaufTi  infâmes  qu'inhumaines. Us  cou- 

yembre.  -M  i  i  o    i    '    i  j     • 

poient  a  quelques-uns  les  parties ,  ce  les  leur  pendoient  au  cou ,  au 
lieu  à'amuletes.  Les  Bohémiens  eurent  tant  d'horreur  de  cette  bar- 
barie,qu'ils  entreprirent  de  s'en  défaire,quoiqu'ilss'enfufIent  bien 

Cl)  D'autres  difent  qu'elle  t'appelloit  ainfi.Quoi qu'il  enfoitj  c'eflt  de  là  qu'il*  furent  ap»; 
peliez  débites.  ' 


ET  DÛ  CONCILE  DE  BASLE.Zlv.  VUI.  151 

têt  vis  au  ffége  de  Wtfrhade.  LesOrébites  enayanteule  vent,pri-  \ai®< 
i-ent  le  parti  de  fe  retirer  à  Tabor  auprès  de  Ziska.  Ce  que  les  Hu£ 
fars  de  l'Empereur  ayant  fçû ,  ils  fe  campèrent  dans  un  certain 
ilieu  en  embufcade  j  mais  les  Orébites  avoient  pris  un  autre  che- 
jmin  '.  ils  furent  pourtant  atteints  par  les  Huiïars  dans  un  taillis  où 
ils  fe  défendirent  fi  bien,  qu'il  n'y  en  eut  que  quatorze  de  *uez 
à  coups  de  flèches.  De  ce  nombre  ètoit  leur  prêtre  qui  fut  renver- 
fé  avec  le  vafè  où  il  portoit  l'Eucharittie ,  qu'il  èlevoic  en  guife  d'é- 
cendart.  Ils  portèrent  ce  vafe  à  Tabor  où  ziska  les  prit  en  fa  pro- 
tection (a),  Ils  firent  depuis  de  grands  ravages  en  Moravie  &  en  ubfiw^a*! 
Silefle.  On  en  pourra  parler  dans  fon  lieu.  xli. 

XIX.  Après  la  conquête  de  Wifrlvide ,  ceux  de. Prague  ne  pou-  Divific 


ion  cn- 


vant  rien  attendre  que  de  funefte  de  la  part  de  Sigifmond  confus  &  pre  ceux  de 
irrité  de  la  défaite  3  d'ailleurs  obftiné  à  leur  refufer  le  libre  exerci-  ies  irrites. 
ce  de  leur  religion ,  ne  penferent  plus  qu'à  fe  choifir  un  autre  Roi. 
Les  principaux  Seigneurs  d'entre  eux  s'étant  ailemblez  (  i),  ils  jet- 
térent  les  yeux  fur  Jagellon  roi  de  Pologne ,  qui  avoit  embraiîé  le 
chriftianifme  en  1389.  ôtréfolurent  unanimement  de  lui  offrir  la 
Couronne,  pourvu  qu'il  les  laiflât  communier  fous  les  deux  ef- 
peccs  ^  mais  [çsTaborites  s'oppoférent  vivement  à  ce  deffein.  Ils 
difoient  qu'il  leur  falloir  un  Roi  Bohémien,  &  qui  eût  fes  terres 
dans  le  païs.  Nicolas  de  Huf/tnetx^  fur  tout  éclata  ouvertement 
contre  une  telle  proportion.  ^4 peine  avons-nous  chajffe  3difok- il , 
un  Roi  étranger ,  que  vous  voulez^en  appeller  encore  un.  Voyant  qu'il 
ne  gagnoitnen  par  Ces  remontrances ,  il  fit  forcir  de  Prague  tous 
\tsTabontes ,  &  s'en  alla  avec  eux  joindre  les  autres  qui  étoienc 
occupez  à  quelques  lièges  (2). 

XX.  Nicolas  de  Hufïïnetz  feignant  de  vouloir  reprendre  la  Ki/V^«rcn- 
petite  ville  de  Rz^czan  fur  les  Catholiques  tout  proche  de  Prague,  p"Aj^*  de 
envoya  des  députez  dans  cette  capitale  pour  attirer  ceux  de  Pra- 
gue, &:  fe  faciliter  par-là  l'entrée  dans  la  ville.  L'artifice  réuffit. 
Ceux  de  Prague  allèrent  au-devant  des  Taborites ,  portant  avec 
eux  l'Euchariflie  en  grande  pompe.  A  leur  arrivée  ,  comme  leurs 
prêtres  fe  difpofoient  à  communier  avec  leurs  ornemens ,  les  Ta- 
borites, hommes  &  femmes ,  fe  jettérent  fur  ces  prêtres.  4 quoi [er~ 
vent,  difoient-ils ,  ces  habits  de  comédiens  ?  quittez^les  &  communie^ 
Jans  ces  ornemens ,  ou  nous  vous  les  arracherons.  Mais  les  plus  fages  de 

(î)Hinsk?,  ou  Henri  de  Kruftbin }  Viiïorin ,  Boiïo  &  Henri  de  Vediebrctd.  Thcobaldt  ni* 
fupr.y.Zp. 

(1)  ïropovviti»  &.  Lejîna, 


i5z       HÏST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

i4io.  ^>un  &  ^c  i?aLUre  Parc^  ^es  accommodérenCjà  condition  que  de  part 
&  d'autre  on  ne  fe  traverleroit  point  dans  ie  culte.  Cependant* 
Huffïnetz^entrii  dans  Prague  avec  quelques  prêtres,  &  propjfa 
avec  menaces  à  la  Communauté ,  que,  félon  leur  pro  méfie,  ii  y  eue 
un  égal  nombre  de  Taborites,  que  de  ceux  de  Prague,  dans  la  Mai, 
fon  de  ville  &  pour  la  garde  des  tours.  Ceux  de  Prague  s'écant  af- 
femblez  pour  en  délibérer ,  répondirent  que  l'ennemi  étant  éloi- 
gné, ils  n'avoient  plus  befoin  d'une  li  forte  garde ,  &  que  quand  il 
feroit  néceiTaire,  ils  ne  refuferoient  pas  de  s'unir  à  eux  pour  le  bien 
commun.  Ainfi  Huf/înetz^s'cn  retourna  à  l'armée.  Le  château  de 
JL%ic%an  fe  rendit  à  ceux  de  Prague ,  à  condition  que  tout  ce  qu'il  y 
avoir  de  monde  auroit  la  vie^uve,  ôf  qu'hommes  &  femmes  au- 
roient  la  liberté  de  fe  retirer  avec  ce  qu'ils  pourroient  emporter 
fur  eux.  Mais  quelques  Taborites  s'étant  fourrez  avec  ceux  qui 
avoient  été  commandez  pour  faire  fortir  paifiblement  les  ailiegez, 
fe  jettérent  fur  ces  derniers  3  &  les  fouillant  par  tout ,  leur  prirent 
ce  qu'ils  avoient  de  meilleur ,  non  feulement  leurs  habits ,  leur  or 
leur  argent ,  mais  leurs  ornemens ,  leurs  ceintures  d'or  &.  d'argent, 
les  exhortant  à  fe  joindre  à  eux  pour  fuivre  la  loi  de  Dieu,  ziska  fe 
montra  encore  plus  cruel  que  fes  Taborites.  Car  ayant  fait  arrêter 
ceux  qui  étoient  fortis  de  la  fortereilé ,  il  les  livra  à  des  fondeurs 
qui  les  brûlèrent  inhumainement ,  quoiqu'ils  ofFriflent  de  fe  faire 
inftruire. 

Ter/  XXI.  Cependant  quelques  Seigneurs  Calixtins  vinrent  à  Pra~ 

pour  la  réu-      e  DOUr  cenrer  un  accomriîodement  entre  les  Calixtins  &  les  Ta- 

JIM.'.'l       UCS  i~>  X 

Jcuxpswtis.  borites  s  ils  afiemblérent  pour  cet  effet  les  deux  villes  à  l'Eglife  de 
faint  Ambroife.  On  donna  ordre  que  chaque  ville  auroit  fa  place 
à  part,  &;  que  les  Taborites  auroient  aufîi  leur  place  particulière, 
fans  être  confondus  avec  ceux  de  la  vieille  &  de  la  nouvelle  ville. 
On  défendit  en  même  temps,  fous  de  certaines  peines,  qu'il  ne 
ié  trouvât  là  ni  femmes,  ni  prêtres,  de  peur  que  les  prêtres  par 
leurs  fuggeitions  ,  &;  les  femmes  par  leurs  clameurs  n'aigrifîent  les 
efprits ,  &  ne  caufallent  de  la  confuflon.  Cette  difpofition  déplai- 
fant  à  HufinetzjLclé  Taborite ,  qui  efperoit  d'avoir  un  grand  parti 
fi  tous  les  Corps  e.ulîent  été  mêlez  enfemble ,  il  fe  retira  fort  mé- 
content &  bienréfolude  n'y  plus  retourner.  Il  ne  voulut  pas  mê- 
me fe  trouver  à  un  repas  auquel  il  avoit  été  invité  par  les  Confuls 
dans  la  Maifon  de  ville  avec  ziska  &  les  autres  Seigneurs,  craû 
gnant,  difoit-il,  d'y  êtreafïafhne.  Cependant  il  fut  obligé  d'y  re- 
venir malgré  lui,  Ayant  eu  la  jambe  caflée  par  la  chute  de  fon 

cheval 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  VlIItift 
cheval  dans  une  fofle,  il  fallut  qu'il  s'allât  faire  pan  fer  à  Prague.  IA  à 
Mais  la  gangrène  le  mit  dans  fes  bleflures ,  &  il  en  mouru  t  le  jour 
de  Nocl  dans  la  maifon  de  Rofemberg.  Cette  mort  mit  la  confier-  fa£deH"^ 
nation  chez  les  uns ,  &  la  joie  chez  les  autres.  Les  Taborites  per- 
doient  un  grand  appui, &  les Calixtins  un  redoutable  ennemi. Quoi- 
que les  Taborites  eud^nt  reconnu  Ziska  pour  leur  capitaine,  c'étoit 
pourtant  H:i(]înct^\\x\  commandoit  en  chef.  Ziska  lui  fuccéda. 

XXII.   L'Aflemblee  avoit  été  mandée  dans  l'Univerfité  au  Conférence 
collège  de  Charles  iy '.  mais  les  Taborites  déclarèrent  qu'ils  ne  s'y  des  T«*#r«w 
rendroient  pas  ,  craignant  fans  doute  d'être  opprimez  par  l'Uni-  ^Jc$  C*1'*' 
verfité  toute  Calixtine.  On  leur  accorda  donc  un  autre  endroit 
dans  la  ville.  Les  prêtres  &  les  docteurs  de  l'un  &  de  l'autre  parti 
s'étant  aflemblez ,  les  barons  voulurent  que  l'on  commençât  l'acte 
par  la  célébration  de  la  Méfie.  Mais  le  .Recteur  del'UniveVfité  die 
qu'ilfalloit  préalablement  examiner  certains  articles  des  Tabo- 
rites fort  préjudiciables  au  royaume  de  Bohême.  Là-defTus  Pierre 
de  Maldonovit^(i)  alors  prédicateur  à  faint  Michel^  lut  ces  arti-  - 
clés  en  Latin  &  en  Bohémien,  avec  leurs  qualifications.    i.Que   Articles  de* 
cette  année  i42  0.feroitlaconfornmationdu  fîécle&lafïndetous  T<***"t«. 
les  maux  3&  que  dans  ces  jours  de  vengeance  &  de  rétribution 
tous  les  ennemis  de  Dieu  &  tous  les  pécheurs  du  monde  péri- 
roient ,  fans  qu'il  en  reftit  aucun  3  par  le  feu,  par  le  fer,  par  les 
fept  dernières  plaies ,  par  la  famine ,  par  les  dents  des  bêtes ,  par 
les  ferpens ,  les  feorpions ,  Se  par  la  mort ,  comme  cela  eft  dit  Ec- 
clefiafiique  XXXIX.  34.  36.  2.  Que  dans  ce  temps  de  vengeance 
il  ne  faut  avoir  aucune  compaflion  des  ennemis  de  Dieu  ,  ni  imi- 
ter la  douceur  de  J.  C.  parce  que  c'eft  le  temps  du  zèle  ,  de  la  fu- 
reur 3  &  de  la  cruauté.  3 .  Que  tout  fidèle  eft  maudit  s'il  ne  tire  fon 
épée  pour  répandre  lefàng  des  ennemis  de  J.  C.  &  pour  y  trem- 
per (es  mains ,  parce  que  bienheureux  eft  celui  qui  rendra  au  dou- 
ble à  la  grande  proftituée  le  mal  qu'elle  a  fait.  4.  Que  dans  ce 
temps  de  vengeance,  &  long-temps  avant  le  Jugement  dernier , 
toutes  les  villes  ,  bourgs ,  châteaux ,  &c  tous  les  édifices  feront  dé- 
truits comme  Sodôme,  &  que  Dieu  n'y  entrera  point ,  ni  aucun 
jufte.   5.  Que  dans  ce  temps  il  ne  reftera  que  cinq  villes  où  les  fi- 
dèles feront  obligez  de  fe  réfugier ,  auffi-bien  que  dans  les  caver- 
nes &  dans  les  montagnes  où.  font  aflemblez  les  fidèles,  &que  Pra- 
gue fera  détruite  comme  Sodôme.   6.  Que  les  fidèles  aflemblez 
.dans  ces  montagnes ,  font  le  corps  mort  où  s'aflembleront  les  ai- 

<  1)  Il  étbitauflî  Notaire ,  &  avoit  foutenu  Jean  Httt  à  Confiance. 

Tom.  J.  V 


i54      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
*■   r  ltJ.1©     gies ,  c'eft-à-  dire,  les  armées  du  Seigneur,  pour  exécuter  fes  juge- 
mens.  7.  Que  tout  feigneur,  vaflal ,  payfan  qui  n'adhérera  pas 
aux  quatre  articles,  fçavoir  la  liberté  de  prêcher  toute  forte  de  ve- 
ritcz ,  d'avancer  la  loi  de  Dieu ,  &  de  détruire  les  pécheurs,  qu'un 
tel  homme  fera  foulé  aux  pieds  comme  Satan ,  6c  comme  le  Dra- 
gon ,  6c  qu'on  pillera  fes  biens  aufll-bien  que  tous  ceux  des  ennemis 
de  j.C.  8.  Que  l'Eglife  militante  dans  ce  nouvel  avènement  de 
J.  C.  fera  réparée  jufqu'au  dernier  jugement ,  6c  qu'il  n'y  aura  plus 
nul  péché,  nul  fcandale,  nulle  abomination,  nul  menfonge,  & 
que  les  fidèles  feront  brillans  comme  le  foîeil ,  fans  tache ,  c'eft-à- 
dire ,  fans  nul  mélange  de  méchans.  9.  Que  dans  cette  réparation 
les  élus  reflufciteront  de  la  première  réfurre&ion ,  jufqu'à  lafecon- 
de  qui  fera  générale ,  6c  que  J.  C.  descendra  du  Ciel  avec  fes  élus  5 
qu'il  converfera  fur  la  terre ,  que  tout  œil  le  verra ,  qu'il  donnera 
un  grand  feftin  fur  les  montagnes,  qu'il  regardera  les  conviez, 
qu'il  jettera  les  méchans  dans  les  ténèbres  extérieures ,  &:  qu'il 
confumera  en  un  moment  ceux  qui  ne  fe  trouveront  pas  fur  les 
montagnes.    1  o.  Qu'avant  cette  première  réfurrection  ,  ceux  qui 
avoient  été  enlevez  dans  le  ciel  ne  mourront  pas ,  mais  qu'ils  vien- 
dront avec  J.  C.  fur  la  terre,  6c  qu'on  verra  accomplir  ce  qui  eft 
prédit  Jfaie  LXV.  &  Apocal.  XXL   1 1 .  Que  dans  cette  réforma- 
tion il  n'y  aura  plus  ni  perfécution ,  ni  fouffrance  ,  ni  oppreffion  , 
ni  impôts,  ni  domination  féculiere ,  6c  qu'il  ne  fera  point  permis 
aux  fidèles  de  s'élire  un  Roi ,  parce  que  Dieu  feul  régnera ,  6c  que 
le  Royaume  fera  donné  au  peuple  de  la  terre ,  6c  que  la  gloire^  de 
ce  règne  fera  plus  grande  que  celle  de  la  primitive  Eglife.  1  2 .  Que 
dans  ce  règne  chacun  n'enfèignera  point  fon  frère ,  mais  qu'il  fera 
enfeigné  de  Dieu  j  qu'il  n'y  aura  plus  de  loi  écrite ,  que  la  Bible  fe- 
•    ra  détruite ,  parce  que  la  loi  étant  écrite  dans  tous  les  cœurs  -9  il  ne 
faudra  plus  de  docteurs ,  6c  que  tous  les  pafîages  où  l'Ecriture  pré- 
dit des  perfécutions ,  des  fcandales  ,  des  erreurs ,  n'auront  plus  de 
lieu.   1  3 .  Que  dans  ce  règne  les  femmes  enfanteront  fans  douleur, 
14.  Qu'après  la  réfurredion  générale  les  hommes  engendreront 
fils  ôl  filles.  1  5 .  Que  dans  le  nouveau  règne  les  femmes  ne  rendront 
point  le  devoir  conjugal  à  leurs  maris ,  parce  qu'elles  enfanteront 
fans  cela.  1 6.  Que  dans  ce  jour  de  vengeance  les  femmes  pourront 
quitter  leurs  maris  &  leurs  enfans,  pour  fe  retirer  fur  les  monta- 
gnes ,  ^>c  dans  les  villes  de  refuge.   17.  Que  dans  cette  réparation 
de  l'Eglife  on  démolira  jufqu'aux  fondemens  toutes  les  églifes, 
les  autels 3  les  baftliques,  les  chapelles  &  autres  femblables  édifi- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VIII.  155 

ces  5  qu'on  détruira  tout  de  même  toutes  les  maifons  des  prêtres  3  14.1a. 
comme  étant  infectées  d'héréfies.  1  8.  Que  les  prêtres  évangeli- 
•ques  ne  pofîederont  point  de  biens  temporels.  1  9.  Qu'il  n'y  aura 
point  de  facremens ,  point  d'habits  facerdotaux ,  qui  ne  font  que 
des  mommeries,  6c  que  les  jupes  {joppœ  )  des  laïques  6c  autres  ufa- 
ges  impertinens  n'auroient  plus  de  lieu,&:  qu'on  retrancheroit 
toute  fuperfluité  dans  les  habits,  parce  que  les  femmes  qui  s'en 
ièrvent ,  ne  font  autre  chofe  que  des  courtifanes  parées.  2$.  Que 
les  prêtres  qui  célèbrent  la  MeiTe  autrement  qu'on  ne  faifoit  dans 
la  primitive  Eglife,  ne  font  pas  des  prêtres,  mais  des  hypocrites 
qui  prient  par  o  (tentation ,  6c  qu'il  ne  faut  pas  entendre  leur  Mefîe. 
Qu'on  peut  faire  le  Service  divin  en  plein  air ,  dans  les  maifons  s 
dans  les  tentes,  auffi-bien  que  dans  les  maifons  deftinées  à  cela. 
2  1 .  Que  Judas  n'a  pas  communié  ,  &  qu'il  n'eut  pas  le  pouvoir  de 
faire  le  facrement.  22.  Que  J.  C.  n'en:  pas  corporellement  6cfacra- 
mentellement  dans  l'Euchariftie ,  6c  qu'il  ne  faut  pas  l'y  adorer ,  ni 
fléchir  les  genoux  devant  le  Sacrement  3  ni  donner  aucune  mar- 
que de  culte  de  latrie.  Qu'il  n'eft  point  permis  de  garder  le  Sacre- 
ment pour  le  lendemain  ,  afin  de  s'en  fervir  pour  le  culte  divin. 
Qu'il  ne  faut  point  l'élever.  Qu'on  prend  auiïi-bien  le  corps  6c 
le  fang  de  J.  C.  dans  le  repas  ordinaire  que  dans  l'Euchariftie  3 
pourvu  qu'on  foit  en  état  de  grâce.  Qu'on  ne  fçauroit  dire  la  Mef- 
feplus  d'une  fois  en  un  jour  dans  toutes  les  paroiffes.  Qu'un  laï- 
que peut  fe  communier  lui-même.  23.  Qu'il  ne  faut  rien  croire 
que  ce  qui  eft  contenu  dans  l'Ecriture  fainte.  Qu'il  faut  abolir 
abfolument  toutes  les  traditions  humaines,  comme  on  fépare  la 
paille  du  bon  grain.  Qu'il  nefaut  point  lire  les  écrits  des  anciens 
do&eurs ,  comme  Denys ,  Origene ,  Cyprien ,  Chryfoflbmc ,  Jcr'omc  , 
Auytflin ,  ni  les  alléguer  pour  confirmer  l'Ecriture.  24.  Que  le 
Baptême  &  l'Euchariftie  ,  autïï-bien  que  les  autres  facremens ,  ne 
fubfifteront  pas  dans  l'Eglife  jufqu'à  ce  que  J.  C.  vienne.  Qu'il  ne 
faut  point  confacrer  l'eau  du  Baptême.  Qu'il  ne  faut  point  bap- 
tizer  les  enfans  par  queftions  6c  par  réponfes,  ni  avoir  des  parrains. 

25.  Qu'il  ne  faut  faire  aucun  cas  de  la  confeffion  auriculaire.  Qu'il 
ne  faut  point  impofer  de  fatisfaclions  aux  pénitens ,,  mais  feule- 
ment leur  dire ,  Va ,  &  ne  pèche  plus.  Et  qu'il  ne  faut  point  em- 
ployer le  chrême  pour  oindre  les  malades  &  les  enfans  baptifez. 

26.  Que  les  prêtres,  fans  être  évêques,  peuvent  confacrer  des 
evêques.  27.  Qu'il  ne  faut  point  invoquer  les  Saints  ,  parce  qu'ils 
ne  prient  point  pour  nous  dans  le  ciel.  1 8 .  Qu'il  ne  faut  point  ob~ 

V  ij 


i$6  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.10.  fervër  le  Carême,  &  qu'on  peut  manger  de  tout  ce  qu'on  veut 
dans  ce  temps-là.  Qu'il  ne  faut  pas  célébrer  d'autre  fête  que  le 
Dimanche.  1 9 .  Qu'il  ne  faut  point  croire  le  Purgatoire ,  ni  prier 
pour  les  morts.  30.  Qu'il  faut  abolir  les  hymnes  ôcles  chanfons 
fpirituelles.  3  1.  Qu'il  n'eft  pas  permis  aux  chrétiens  démanger 
10  Mnnufcrit  de  la  viande  étouffée ,  ni  d'aucun  animai  avec  fon  fang  (a) 


de  ISrcilau. 


fêté  par  l'Écriture  dans  des  théfes  publiques.  Quelques  Tabori- 
tesles  foutintent  tous  véritables.  D'autres  plus  modérez  en  ex- 
ceptèrent quelques  articles  où  ils  trouvoient  du  venin  ,  &  qu'ils 
difoient  leur  avoir  été  fauflement  imputez.  Au  Concile  de  Conf- 
tance }  dit  l'un  d'entr'eux  ,  on  na  mis  fur  notre  compte  que  quaran^ 
te  articles  hérétiques  }  &vous  nous  en  impofèz^plus  de  feptante.  Orr 
demanda  copie  de  ces  articles  pour  y  répondre.   Cependant  un 
certain  Nicolas  Hifcupecque  lesTaborites  avoient  pris  pour  leur 
principal  prêtre,  prenant  la  parole  :  Nous  n'agiterons,  dit-il ,  pour 
le  préfent  que  cette  queftion ,  fçavoir  lequel  eft  le  mieux  de  faire 
la  cène,  cœnam  conficere ,  en  habits  facrdotaux  >  ou  avec  l'habit 
ordinaire.   Pour  nous,  nous  croyons  que  les  prêtres  des  Taborites- 
font  mieux  de  donner  la  communion  en  habits  tout  fimples ,  que 
ceux  de  Prague  avec  leurs  ornemens  3  parce  que  Jefus-Chrifl 
&  (es  Apôtres  ne  s'en  font  point  fervis ,  6c  que  c'eft  une  invention 
des  Papes,  introduite  plufieurs  fiécles  depuis.  Il  reprocha  aufll 
aux  prêtres  de  ceux  dePiague  de  n'avoir  pas  encore  tout-à-fait 
renoncé  à  la  donation  de  Confiant  in ,  &  de  polîèder  des  biens  fécu- 
liers.  Jean  Hus  avoit  fort  infifté  contre  ces  donations  des  Empe- 
reurs &  contre  lapoiîeilion  des  biens  temporels  par  des  Ecclé- 
fiaftiques.   Après  que  celui- ci  eut  parlé  ,  Jacobclte  leva  pour  lire 
un  long  cahier  qui  fe  réduifoit  à  ces  chefs. 
Articles  des    •  X  X 1 1 1.   i .  Que  dans  PEglife  il  y  a  des  chofes  efîentielles  au 
toltxiw.      fa]Llt  s  comme  de  lire  les  paroles  delà  confecration  fur  le  pain  &  le 
vin,  &  d'autres  accidentelles,  telles  que  font  celles  qui  regar- 
dent les  ornemens.  2.  Que  perfonne  ne  peut,  ni  ne  doit  changer 
les  premières  -7  mais  que  pour  les  autres  on  peut  les  omettre  félon 
les  temps 3  les  heures,  lanécefîîté  3  qu'on  doit  pourtant  les  obfer- 
ver  quand  cela  fe  peut.  3.  Qu'il  en  eft  même  des  inftitutions  des 
faints  docteurs ,  quand  elles  ne  font  pas  contraires  à  la  loi  de  Dieu,, 
ou  qu'elles  ne  mettent  point  d'obftacleà  fa  pratique.  Quyfi>à\z- 


£T  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  VTII.itf 

il  3  les  frères  Taborites  veulent  imiter  Jcfus-Chrifi  en  tout  dans  la  cène,  1420. 
qu'ils  lafafjent  le  foir  après  fou pè  &  quils  lavent  les  pieds  de  ceux 
qui  doivent  communier.  Après  avoir  parlé ,  Jacobel  remit  fôn  ca- 
hier encre  les  mains  du  Seigneur  de  Maifon  neuve  pour  le  gar- 
der 3  &  on  fie  Ravoir  aux  Taborites  ques'iis  avoient  quelque  cho- 
feàpropofer  ,ils  pouvoient  le  faire  dans  un  certain  terme,  afin 
que  conférant  ces  divers  écrits  on  pût  mieux  éclaircir  la  vérité. 
Ainfi  finit  la  conférence. 

Ce  fut  à  peu  près  dans  le  même  temps  que  le  clergé  s'afîem- 
bla  pour  tâcher  d'accommoder  les  différends  de  religion.  Thèê* 
bald  prétend  que  cette  aflemblée  n'aboutit  pas  à  grand  chofe , 
parce  que  chacun  vouloir  avoir  la  raifon  de  fon  côté  3  comme 
cela  arrive  d'ordinaire  dans  ces  fortes  de  conférences  où.  l'on 
cherche  plus  la  victoire  ,  que  la  vérité.  Cependant  l'auteur  du 
manuferit  de  Breflau  raconte  l'affaire  autrement  &  avec  plus  de 
circonftances.  Après  avoir  parlé  aflez  amplement,  mais  d'une 
manière  fort  embrouillée ,  de  la  défunion  de  ceux  de  Prague  avec 
les  Taborites ,  entre  lefquels  il  y  avoit ,  dit-il ,  des  Picards ,  il  rap- 
porte ce  qui  fe  pafla  dans  ce  fynode.  Le  8.  de  Juillet  commen- 
ça Paflèmblée  du  Clergé  dans  la  vieille  ville  au  collège  de  Char- 
les JV.  &c.Voyez  dans  ce  manuferit  la  fuite  qui  finit  par  ces  mots 
par  une  relation  générale. 

XXIV.  Comme  Sigifmond  perfiftoit  à  refufer  à  ceux  de  Pra-     Dîvérfe» 
gue  l'ufage  de  la  communion  fous  les  deux  efpéces3  ils  tinrent  Ambaffadea 
aufîî  leur  réfolution  de  ne  le  point  recevoir,  &  d'appeller  le  Roi  J"gnc  pour 
de  Pologne,  malgré  les  Taborites.  Ils  avoient  déjà  envoyé  une  luioffnria 
ambafîade  à  ce  monarque  pour  le  fonder.  Elle  fut  fort  bien  reçue  ^Bohême, 
mais  le  Roi  fe  contenta  de  répondre  pour  lors  ,  qu'il  vouloit 
avoir  l'avis  de  fon  Confeil ,  avant  que  de  donner  fa  réfolution  fur 
une  affaire  de  cette  importance.  Ilinfinuoiten  même  temps  qu'il 
falloir  aufîi  fçavoir  fous  quelle  condition  les  grands  de  Bohême 
lui  faifoient  cette  offre  (a).  Ils  lui  envoyèrent  peu  de  temps  après     W  Dl,isff° 
une  ambafîade  plus  folemnelle  ,  fçavoir  de  la  part  des  Grands  >  \0ln°[\  xi" 
Hinko  de  Colftein  ,  de  la  part  de  la  NoblefTe  Jean  Stlas ,  deux  Con-  p-  4*&- 
fuis  delà  part  de  la  bourgeoifie,  &:  deux  Eccléfiaftiques ,  Jean 
Cardinal  3  &  Pierre  F  Anglais.  Avant  leur  arrivée  Wladijlas  ayant 
tenu  confeil  là-defîus  ,  il  fut  unanimement  réfolu  que  le  Roi  n'ac- 
cepteroit  point  la  couronne  de  Bohême,  par  ces  raifons.  1.  A 
caufe  de  l'héréfie  dont  la  Bohême  étoit  infectée.  2.  A  caufe  de 
la  guerre  imeffcine  dont  elle  étoit  déchirée.  3.  Parce  que  Si£if> 

V  iij 


158     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

jAzo.    monâ  ctoit  l'héritier  légitime  du  royaume  de  Bohême,  outre 

d'autres  confidérations  moins  importantes.  On  convint  pourtant 

que  le  Roi  ne  s'ouvriroit  point  aux  nouveaux  ambaffadeurs  qui 

dévoient  venir,  &  de  les  laiiler  autant  qu'il  fepourroit  dans  l'efpé- 

rance,afin  de  tenir  en  bride  Sipfmond  alors  ennemi  de  la  Pologne. 

Harangue      XXV.  Ces  ambaflàdeurs  arrivés,  ils  tinrent  ce  difeours  au 

dcs-Anibaf-   „  j^0j#  Sire,  quoi  qu'après  la  mort  de  Wenccflas  notre  roi,  nous 

Bohême  au   »  eufhons  envoyé  une  ambafîade  foiemnelle  au  Roi  des  Romains 

Roi  de  Polo-  })g£  je  Hongrie,  pour  le  prier  humblement,que  comme  héritier  Se 

«fuccefTeur  du  royaume,  il  vînt  en  prendre  poiïeffion  5  noncon- 

«  tent  de  méprifer  nos  inftances,  il  nous  a  donné  pour  toute  ré- 

«  ponfe ,  animé  par  les  Allemands  nos  ennemis ,  qu'il  ne  viendroit 

»  point  en  Bohême  fi  nous  ne  remettions  entre  les  mains  de  Tes  of- 

»  fteiers  toutes  les  armes  de  Prague,  &  fi  nous  n'abbattions  un  mur 

«delà  ville  pour  y  faire  fon  entrée.  Vous  pouvez  juger,  «Sire, 

«  quelle  fut  notre  indignation  ôc  notre  furprife  à  l'ouïe  de  cette  pro- 

*  pofition.  Il  s'eft  mis  en  effet  en  état  d'exécuter  Tes  menaces ,  ne 

«  méditant  que  la  ruine  du  royaume  de  Bohême.  Il  y  eft  entré 

«  avec  une  grofïe  armée  qu'il  avoit  levée  chez  la  plupart  des  Prin- 

«ces  d'Allemagne  nos  ennemis,  &  après  avoir  ravagé  tout  le 

«pays,  il  a  formé  le  fiége  de  Prague.  Voyant  qu'il  ne  pouvoit  ve- 

»  nir  à  bout  de  la  prendre  ,  il  a  enlevé  la  couronne  royale  ,  les  re- 

«  liques  des  Saints ,  les  tréfors ,  les  livres ,  les  joyaux  de  la  Couron- 

'    »  ne  ramaflez  depuis  long-temps ,  &  les  a  diffipez  ou  portez  en 

«Hongrie.  C'efl:  pourquoi,  bien-loin  de  reconnoître  un  Roi  fi 

«cruel ,  un  homme  fi  profane  ,  nous  fommes  réfolus  au  contraire 

«de  lepourfuivre  jufqu'à  la  mort  comme  un  ennemi  capital  de 

*>  notre  langue  (  languagii  )  &  de  notre  nation.  Si  donc  ,  Sire ,  votre 

»  Sénérité  veut  bien  accepter  l'offre  que  nous  lui  faifons  du  royau- 

«mede  Bohême,  nous  en  avons  commiffion  de  tous  les  barons, 

«gentilshommes,  citoyens,  feigneurs  &c  fujetsde  ce  royaume, 

«  pourvu  que  Votre  Majeflé  nous  donne  fa  parole  royale  de  nous 

«défendre  contre  nos  ennemis ,  &  deconfentir  aux  quatre  arti- 

»  clés  de  notre  religion  ,  fçavoir  la  communion  fous  les  deux  cfpçces , 

«  la  correHion  publique  des  crimes ,  la  libre  prédication  de  la  parole  de 

«  Dieu  par  tout ,  &  quon  bte  aux  Eglifes  &  au  Clergé  la  pojfe.fjion  des 

»  biens  feculiers.  Votre  Sénérité  ne  doit  point  fe  figurer  que  n'ac- 

«ceptant  pas  le  royaume  de  Bohême,  elle  puifïe  jouir  en  paix  de 

«celui de  Pologne,  ou  le  conferverque  par  une  grande  efflifion 

«defang.  Sipfmond  eft  notre  ennemi  commun,  &  quand  il  aura 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  VT1J.  159 
«détruit  ou  au  moins  fore  affoibli  le  royaume  de  Bohême,  ilaf-  1420. 
a>pirera  à  celui  de  Pologne.  On  en  peut  aifément  juger  par  lafen- 
-->ten ce  inique  qu'il  a  portée  à  Breflaw  contre  votre  Excellence 
»  &  fon  royaume  en  faveur  des  chevaliers  de  l'Ordre  Teutonique. 
.-'Onfcaitque  depuis  long-temps  il  anime  ces  Chevaliers  contre 
»  vous'fc  votre  royaume ,  &  qu'il  les  foutient  par  tes  armes  ôc  ks 

»  intrigues. 

XXVI.  Le  Roi  répondit  à  cette  harangue  en  ces  termes  :  Me  fi  Réponfe  du 
(leurs,  (  Viri  Nob'ùes)  nous  apprenons  avec  douleur  que  vos  démélezj^oldcï>olo~ 
avec  Sieifmond  Roi  de  Hongrie  vont  toujours  en  augmentant  ;  nous  ne  a 
fommespas  moins  fenfibles  à  vos  pertes  quaux  nôtres  ,  &  fur  tout  la 
ruine  de  Prague  nous  afflige  fenfiblement  3  &  nous  offrons  d'employer 
tous  nos  bons  offices  ,  fi  vous  les  voulez  accepter  3  pour  négocier  une  bon- 
?ie  réconciliation.  Mais  comme  la  propofition  que  vous  nous  fontes  d\ic- 


fi' 

Alexandre  \\^ithoud  duc  de  Lithuanie .  C'efi  pour  cela  que 

Ions  lui  envoyer  une  ambaffade ,  afin  de  convenir  d'un  lieu  où  nouspuif 
fions  nous  aboucher  &  en  délibérer  cnfemble.  En  même  temps  deux 
des  ambaffadeurs  de  Bohême  partirent  pour  la  Lithuanie  afin  de 
corn  muniquer  l'affaire  au  Duc.  A  l'égard  des  deux  autres ,  le  Roi 
les  rit  conduire  à  Micpotomixe  avec  ordre  de  les  traiter  honora- 
blement. C'efl  un  endroit  fequeftré  &  prefque  inhabité.  La  rai- 
fon  de  cette  précaution  étoit  que  Martin  V.  avoir  mis  un  inter- 
dit fur  tous  les  endroits  où  féjourneroient  les  Huffites.  De  forte  ^  DU(re$ 
que  s'ils  avoient  demeuré  davantage  dans  des  lieux  fréquencez  ,  abifopr.f. 
le  peuple  auroit  été  trop  long-temps  privé  du  fervice  divin  (a).      434- 

XXVII.  Ladiflas  peu  de  temps  après  afTembla  une  diète  à    Diète  à  Lu- 
Lublin  pour  délibérer  avec  fon  frère  Withoud  fur  les  offres  de  Jb£l࣠
la  Bohême.  Les  ambafladeurss'y  étant  rendus, on  leur  fit  cette  Bohême, 
réponfe.  »  Il  ne  nous  eft  pas  permis  à  nous  qui  fommesdesPrin- 
»ces  chrétiens  &:  qui  voulons  être  réputez  tels  ,  d'accepter  le 
»  royaume  de  Bohême  3  que  vous  nous  offrez,  fur  tout  Sigifmond 
»  roi  des  Romains  en  étant  l'héritier  légitime.  Car  bien  qu'il  ait 
»  violé  ks  droits  de  l'amitié  &  du  fang  par  fa  fentence  arbitrale 
»contre  nous  (1),  nous  remettons  notre  caufe  entre  les  mains 
»  de  Dieu  qui  eft  le  vangeur  des  injures.  Nous  ne  refufons  pour- 
»  tant  pas  nos  bons  offices  au  royaume  de  Bohême.  Si  vous  vou- 
liez renoncer  à  vos  erreurs  qui  font  condamnées  par  tonte  TE- 

(i)En  faveur  de  l'Ordre  Teutonique. 


iCo       HIST.  DE  LA  GUERPvE  DES  HUSSITES 

1420.  "  g^^eî  nous  ^rons  enforte  de  pacifier  votre  royaume  fans  que 
»  votre  honneur  en  fouffre.  C'eft.  dans  cette  vue  que  nous  envoyons 
»des  ambafladeurs  à  Sigifmond  ,  pour  délibérer  avec  lui' des 
«moyens  deyous  ramener  à  la  Foi  catholique,  6c  de  vous  récon- 
»  cilier  avec  l'Eglife.  Nous  écrirons  en  même  temps  au  .Siège  apof- 
^tolique,  pour  y  négocier  en  votre  faveur  un  retour  honorable 
»  6c  une  réunion  avantageufe.  D'ailleurs  comme  Sigifmond  a  dé- 
»jadeux  royaumes,  &  qu'il  lui  feroit  fort  difficile  de  vaquer  à 
»  l'adminiftration  d'un  troifiéme  ,  peut-être  que  voyant  votre 
»  converfion  ,  il  voudra  bien  céder  ion  droit  héréditaire ,  &  vous 
«laifler  celui  devouschoifir  un  autre  Roi  qui  vous  convienne.  En 
»  ce  cas ,  l'un  de  nous  deux  pourroit  accepter  vos  offres ,  &  fe  char- 
>;  ger  du  gouvernement }  Ôc  même  en  cas  de  refus  de  la  part  de  Si- 
»gifmond.  Ci  vous  voulez  abandonner  vos  erreurs,  nous  ne  ferons 
»pas  difficulté  d'accepter  le  royaume,  avec  ieconfentement  du 
(a)  Di*g. ubi  „  Siège  apoftoliqne  (a). 

Hoftiiitetlé-    XXVIII.  Le  refte  de  cette  année  fe  pafla  comme  le  commence- 
cipoques.     ment  en  brigandages  3  en  incendies  3  en  maffacres.,  en  profanar 
tions  &enfacriléges.  On  raconte  une  a&jon  des  plus  inhumai- 
nes &  des  plus  impies  commife  à  7^/0#z/>(i)  parle  capitaine  delà 
garnifon  que  les  Impériaux  avoient  dans  la  forterefle.  Le  peu- 
ple de  la  ville  s'étant  aflemblé  pour  prier  Dieu  ,  &  pour  commu- 
nier fous  les  deuxefpéces,  cet  officier  furvintàTimpourvû  5  il  en 
maiTacra  un  grand  nombre  dans  i'Eglife,  donna  une  partie  du 
vin  de  l'Euchariftie  à  fes  chevaux  ,  &  fit  répandre  le  relie  à  terre 
(b)i«/w.  (k)«  A  peu  près  en  même  temps  Hinko  de  Po die brad  Huilîte ,  fie 
i5.  Dccem.  unea&ion  fort  barbare  dans  une  efearmouche  qu'il  eut  avec  quel- 
poTSm'a  <îues  troupes  de  Silène  &  de  Luface  proche  de  la  ville  de  Nym- 
oublie  ce      bourgRxr  les  frontières  de  la  Siléfie.  Ayant  eu  le  defTus  dans  une 
idit'  adion  }  il  fit  couper  les  mains ,  le  nez  èc  les  oreilles  aux  prifonniers, 

&  les  renvoya  dan.s  cet  état  3  mais  il  en  porta  bien-tôt  lapeme.  La 
garnifon  impériale  de  Nymbourghù  drefTa  une  embufeade  3  &  le 
mit  en  fuite  ayee  perte  de  pluueurs  de  fes  gens. 
Conraditz      XXIX. Quelques  jours  après  ceux  de  Prague  affiégerent  le  nou- 
pris,  & brûlé  veau chàteau^^WçÇonra^it^  bâti ç&rJVence/Ias ern  3  9 1 .  La  gar- 
Prague!*0     n^on  impérialefedéfenditvaillammentpendant  un  mois.  Le  Gou- 
verneur ne  pouvant  plus  tepir  ,  fe  rendit  à  condition  que  la  garni- 
fon pourroit  fe  retirer  en  toute  fureté  à  Kaurfchim  capitale  du  dif- 
tricl:  de  ce  nom  à  quelques  milles  de  Prague  3  &  qu'on  leur  four- 

(i)  Ville  de  Bohême  fondée  au  commencement  du  fiécle  onzième  par  le  Duc  de  ce  nom. 

niroJE 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Llv.Vlll.  161 

niroic  des  chariots  pour  emmener  ce  qu'ils  avoienc  de  plus  pré-     ia.iq^ 
cieux.  Ce  qui  fut  accordé  6c  même  juré  furies  faines  Evangiles. 
Cependant  quand  la  garnifon  qui  ne  pouvoit  foupçonner  les  af- 
iiégeans  d'infidélité  iortit  avec  tous  [es  bagages ,  le  peuple  de  Pra- 
gue alla  fejetter  fur  leurs  chariots  &  piller  tout  ce  qu'ils  avoienc. 
La  garnifon  irritée  de  cette  mauvaise  foi  rentra  dans  la  forterefîe 
avec  ferment  defe  défendre  jufqu'àla  dernieregoute  de  leur  fang. 
Mais  ceux  de  Prague  voyant  bien  que  les  affiegez  nepourroienc 
tenir  leur  ferment,  puisqu'ils  s'étoient  déjà  rendus  une  fois,  re- 
mirent le  h*ege  devant  la  forterefîe  6c  la  battirent  plus  fort  que 
jamais.   Les  afîicgez  fe  défendant  en  défefperez  ,  tuèrent  d'abord 
cinq  cens -cinquante  fept  hommes  à  ceux  de  Prague  ;  de  forte 
que  ces  derniers  ne  refuferent  pas  un  accommodement.  Les  af- 
fiegez ayant  fait  mine  de  l'accepter  ,  ceux  de  Prague  leur  envoyè- 
rent pour  parlementer  un  officier  qui  leur  tint  ce  langage  ?  Mef~ 
ficurs  nos  bons  amis  ,  nous  fommes  fort  furpris 3  que  défi  tu  ez^  comme 
vous  êtes  de  toute  efpcrance  de  fecours  3  vous  vous  défendiezjivcc  tant 
d'opiniâtreté.  A  in fï  pendant  qu  il  en  efl temps  encore  rendezjvous  ,  & 
acceptez^  la  grâce  quon  vous  offre.  Un  officier  de  la  garnifon  répon- 
dit de  la  part  du  Gouverneur  ;   Voici  la  rèponfe  que  notre  Gouver- 
neur nous  a  ordonne  de  vous  faire.  Comment  ètes-vous  étonnez,  que 
nous  nous  défendions  avec  tant  de  vigueur  ?  Une  telle  défenfe  nyefi-  elle 
pas  né  ce  [faire  contre  des  perfides  \  Vous  nous  avez^promis  toute  forte 
de  fureté  avec  ferynent  fur  les  faints  Evangiles ,  gr*  vous  nous  avez^ 
manqué  de  parole.   Qui  efl-ce  qui  vous  croira  déformais  !  Nos  gens  en 
ont  ufê  plus  honnêtement  dans  lafortereffe  de  Wif  rhade.  Sachezjlonc 
que  nous  aimons  mieux  mourir  que  de  nous  fier  à  vous.  Là-deflus  ceux 
de  Prague  fe  mirent  à  miner  la  Place  ^  mais  les  afîiégez  ayant  faic 
fauter  les  mineurs  par  une  contre-mine  ;  il  en  fallut  venir  à  une 
cranfadion  ,  à  la  réquifition  même  de  ceux  de  Prague ,  par  la- 
quelle les  affiégez  fortirent  de  la  place  à  cheval.  J'ai  rapporté  ce 
fait  fur  la  relation  de  Theobald  -y  la  chofe  fe  raconte  un  peu  autre- 
ment dans  le  manuferit  de  Breflau.  On  n'y  parle  point  de  l'infidé- 
lité de  ceux  de  Prague  ^  mais  on  y  ajoute  que  le  gouverneur  du 
Château  ayant  mis  fur  un  chariot  plufieurs  manuferits  qui  appar- 
cenoienc  à  la  Couronne,  le  peuple  les  enleva  -y  que  cette  populace 
même  écanc  encrée  dans  le  Château  pénétra  jufques   dans  une 
voûte ,  où  il  y  avoit  encore  plufieurs  livres  qui  furent  aufîi  enlevez  ; 
que  toutes  ces  dépouilles  furent  vendues  à  vil  prix  par  la  populace 
i  Prague ,  &  que  le  lendemain  la  forterefîe  fut  brûlée. 

Tm.  I,  X 


HISTOIRE 

DE       LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET        DU 

CONCILE    DE     BASLE- 

LIVRE    IX. 

E  commencement  de  l'année  141 1.  amena  Jes  mê- 
mes fpe&acles  d'horreur.  Ziska  forcit  de  Prague 
pour  aller  vifiter  les  moines  dudiftrict  de  Pilfen^qu'il 
_  appel  loit  par  dérifion  fes  bons  amis  &  fes  beau-frères? 
Il  y  avoir  déjà  fait  auparavant  une  fi  cruelle  moiiîon  ,  qu'il  ne  pou- 
t«}7beob.r>.  voit  plus  guéres  qu'y  glaner  (a).  Il  parut  qu'il  n'en   vouloit  pas 


14.11.    ï. 

Incendie  & 
pillage  de  di- 
vers monaf- 
teres. 


moins  aux  religieufes  qu'aux  moines  par  l'incendie  du  couvent  de 
Cotifchau ,  où  écoient  des  religieufes  de  Prémontré,  Elles  firenc 


ET  DU  CONCILE  DE  BAS  LE.  Liv.  13T.    163 

pourtant  allez  de  réfiftance  par  le  fecours  des  foldats  qu'elles     r^1I# 
avoientfaitvcnirà  leurs  dépens.  On  ne  dit  point  quel  fut  le  fort 
de  ces  Nones  (a).  De  là  ziska  s'alla  jetter  fur  le  monaftére  de  Cla-     (a)  b*/*m. 
draw  appartenant  aux  Bénédictins  dans  le  même  diftrict  près  de  Mifceii.«« 
îa  ville  de  Mife.  Il  en  échapa  cependant  plufieurs  moines  qui  ■'**' ' F* 77# 
ayant  eu  le  vent  de  cedeilein  emportèrent  leurs  archives,  &  ce 
qu'ils  avoient  de  plus  précieux  pour  fe  fauver  à  Ratisbonne  dans 
un  monaftére  de  leur  Ordre.  Ceux  des  plus  courageux  qui  réitè- 
rent, après  s'être  bien  défendus  avec  une  garnifon  qu'on  leur 
avoit  envoyée ,  périrent  enfin ,  obligez  de  céder  au  nombre.  Zis- 
Lt  libéral  du  bien  d'autrui  fit  préfent  de  Cladraw  &  de  tout  le 
territoire  du  monaftére  à  un  Préfident  de  la  Monnoie  ,  bon  offi- 
cier (ij.  Celui-ci  après  avoir  bien  fortifié  ce  couvent  &  celui  dont 
on  vient  de  parler,  en  donna  la  garde  à  un  homme  de  qualité  (2) 
qui  depuis  le  défendit  vaillamment  contre  l'Empereur.  Baiera 
rapporte  ici  la  ruine  de  quelques  autres  couvents,  comme  celui 
de  Plaffen  de  l'Ordre  de  Cifteaux  dans  le  même  diftrid  ;  celui  de 
Teplit^dzns  le  cercle  de  jLitmeritx^  où  il  y  avoit  des  religieufes  du 
même  Ordre  ,  fut  démoli  &  confumé  dans  les  flammes.  L'Abbefle 
de  ce  monaftére  voulant  le  fauver  reçut  le^s  Taborites  avec  toute 
forte  de  marques  de  bienveillance,  &  les  régala  de  fon  mieux.  Ils 
firent  d'abord  mine  d'en  vouloir  ufer  humainement  ;  mais  ils  ne 
furent  pas  plutôt  ralîafiez,qu'ils  fe  jettérent  fur  une  proie  qu'ils  dé- 
voroient  depuis  long-temps  des  yeux.  Ayant  tiré  les  religieufes  du 
couventils  le  pillèrent,  &  le  réduifirent  en  cendres.  On  dépouilla 
les  religieufes,  &  on  en  noya  quelques-unes.  Comme  TeplitzjzR. 
un  lieu  connu  à  caufe  de  la  falubrité  de  fes  eaux  ,  on  ne  fera  peut- 
être  pas  fiché  d'en  trouver  ici  l'origine.  Ce  fut  des  pourceaux  qui 
en  découvrirent  la  fource  en  fouillant  la  terre,  fur  la  fin  du  dou- 
zième fiécle.  Judith  femme  du  KoiWladiJlas  y  bâtit  un  couvent 
de  religieufes  Bénédi&ines ,  &  leur  en  fit  préfent  avec  tout  le  ter- 
ritoire. Les  Hufîites  l'ayant  détruit ,  quelques  Gentilshommes 
(b)  bâtirent  un  château  dans  la  même  place,  ôten  1467.1e  roi   rb)  Equit(S 
George  de  Podiebrad  leur  en  fit  donation  à  perpétuité.  muÇovaii. 

Le  manuferit  de  Brejlaw  &  Theobald  difent  qu'en  ce  temps-ci ,  *  j^-/* 
eu  à  peu-près,  ziska  s'avança  vers  Mife  ville  royale  fur  la  rivière 
de  Mife,  fondée  en  1 13  1.  par  le  Duc  Bolejlas.  Comme  c'étoit  la 

(1)  Tierre  SmirtJk.  de  Svoytfw*.  II  cft  appelle  Magifler  Monetét.  Je  crois  que  c'eft  lui  qui  ayoit 
Ja  direction  des  mines. 

[z)  C&vwtWdelaMaifon  dç  Rirpickj* 

!X  ij 


i64      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.11.    Patr^e  de  Jdcobel,  on  ne  doit  pas  être  furpris  quQZiskay  ait  été 
bien  venu.  Il  y  avoir  au  voiflnage  une  forterefle  appellée  Schwam- 
berg^àont  le  Seigneur  étoit  fort  ennemi  des  Taborites.  ziska  appre- 
nant  qu'il  vouloir  l'aller  attaquer  devant  Mifè,  s'avança  vers  lui 
avec  fes  Taborites  ëc  mit  le  fiége  devant  fa  forterefle.  Elle  fe  rendit 
par  capitulation  après  fîx  jours  de  réfiflance.  Le   Seigneur  de 
Schwamberg  fe  retira  dans  une  forterefle  voiflne,  dont  le  comman- 
dant eut  bien  de  la  peine  aie  garentir  des  violences  des  Taborites. 
Il  fut  même  contraint  dele  tenir  prifonnier.  Il  ne  faut  pas  oublier 
ici  la  petite  ville  de  Roc ki fane  dans  le  diftrict  de  Pilfcn,  non  tant 
pour  l'importance  du  lieu,  que  parce  qu'elle  a  donne  naiflànce  au 
fameux  'Jean  de  Rockifane  ,  dont  il  fera  fouvent  parlé  dans  cette 
Hiftoire.  ziska  y  fit  pendre  quelques  Chanoines  réguliers  de  St. 
jiuytftinfiL  brûler  dans  de  la  poix  un  prêtre  vénérable  par  fon  âge 
autant  que  par  fon  caradére.  La  chofe  effc  aflez  touchante  d'elle- 
même  3  fans  y  ajouter  le  miracle  que  Balbin  y  ajoute.  J'ai  oui  dire , 
dit-il ,  aux  Pères  de  notre  So cietè ,  qu'en  1614..  lorfquils  ramenèrent 
Us  habitants  de  cette  ville  a  la  foi  Catholique  far  leurs  -prédications  , 
(a)  uhifitpr.  l'endroit  ou  ces  faints  hommes  avaient  fouffert  le  martyre  exhaloit  une 
§.  lxxviI.  odeur  fi  douce  ^  quils  croy oient  être  dans  le  ciel  (a), 
incendie  &        1 1.  Le  même  Auteur  met  au  1 6.  de  Mars  de  cette  année  la  tra- 
Commotau.  g^die  de  Commotau ,  aflez  belle  ville  du  diftrid  de  Sat^.  Les  Au- 
teurs racontent  différemment  cette  adion ,  mais  ils  conviennent 
tous  qu'elle  fut  des  plusfanglantes.  Il  paroît  que  la  ville  étoit  déjà 
affiegée  depuis  quelques  jours,  &  qu'elle  fut  prife  ce  jour.  Un  Au- 
teur dit  qu'elle  fut  furprife  par  la  trahifon  d'un  fentinelle  qui  gar- 
doit  un  porte,  &  qui  fe  laifla  gagner  fur  la  promefle  d'un  chapeau 
plein  d'argent  qu'il  reçut  en  effet  par  un  trou  de  la  muraille  3  mais 
rw  Defcript.  ^e  même  Auteur  ajoute  que  le  traître  fut  le  premier  exécute  (b), 
de  laBoh.  en  Outre  i'efperance  d'un  grand  butin  dans  un  beau  pais,  ziska  avoit 
Allemand        jus  (jL>[ine  rajfon  d>en  vouloir  aux  habitans  de  cetre  ville.  On  rap- 

par  un  Ano-  r  r 

nymep.  88.  porte  que  pour  l'infulter  les  femmes  avec  les  enfans  parurent  fur 
fapxïl?é]t'  ^es  murailles  toutes  nues  (  i  ) ,  lui  montrant  ce  que  la  pudeur  veut 
pik.  chez  qu'on  cache  priais  fon  principal  grief ,  comme  le  témoigne Balbinr 
je.™  Ziegem  c'eft-  que  ]es  Catholiques  de  cette  ville  avoient  brûle  plufieurs 

en  1^1  z. 

Taborites,  &  entr'autres  un  Seigneur  (%)  avec  deux  prêtres  Huf- 
fîtes.  Dubrawski  raconte  l'affaire  un  peu  autrement.  »  A  peu  -  près 

(i)  Lupac.  C-lend.  16.  Mart.  Je  crois  plutôt  que  cefut  pour  exciter  fa  compaiTion  qu'elle» 
parurent  toutes  nues. 

(2)  Urom.ylk*  du  Gijlebricxj.  Bail?.  E/>».  ver.  Bob.  p»4<J4r 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  IJT.    165 

en  ce  temps-là  les  Taborites,  dit-il,  eurent  du  deflbus.  Ilss'é-     \àii  ) 
toient  emparez  des  villes  de  Chotiebor^(i)  6c  de  Przglauez^i) 
qu'ils  avoient  bien  fortifiées  3Ôc  d'où  ils  incommodoient  beaucoup. 
ceux  de cbrudimer($)  &de  Cuttemberg.  Un  Maître  de  la  mon. 
noie  de  ce  dernier  endroit  nommé  Flafca  leur  enleva  ces  deux 
places ,  en  tua  beaucoup  3  &  en  fit  plufieurs  prifonniers.  A  Cot- 
tiburg  il  en  demeura  plus  de  1000.  fur  la  place,  ôc  leur  chef 
nommé  Hromada  fut  conduit  à  Crudim  avec  trois  prêtres  qui  fe 
moquoient  des  vêtemens  facerdotaux ,  &,  ils  furent  brûlez  en 
place  publique.  Ceux  de  Cuttemberg  jettérent  dans  des  puits  225 
Taborites  qu'ils  trouvèrent  à  Przglaucz^  (a)  Quoi  qu'il  en  foit,  (a)  bubrav. 
Ziska  s'étant  rendu  maître  de  Commotau,  n'épargna  ni  les  fem-  Hift.Boh.L. 
mes,  nilesenfans.  Onpaflaau  fil  de  l'épée  deux  ou  trois  mille  ^5. 585. 
citoyens  3  Lupatius  en  met  220003  mais  Balbin  dans  fon  Abrégé 
foupçonne  que  c'eft  une  faute  d'impreffion  3  quoique  dansfes  M  if- 
cellanèes  il  dife  que  la  chofe  n'eft  pas  impoflible  en  comptant  les  fem- 
mes &  les  enfans,  outre  les  troupes  étrangères  qui  étoient  venues 
de  Mifnie  pour  renforcer  la  garnifon  de  la  ville  (b).  On  fie  aufîî   (b)  B*ih.  E- 
brûlerun  bon  nombre  de  prêtres, de  eentilshornmes,&;  d'ouvriers.  flt-Kcr-  B^ 

r      c  1  hem.  p. 445. 

Dubrawski  rapporte  que  les  femmes  Taborites  ayant  emmené  les  Mifieii.  ubi 
femmes  &  les  filles  Catholiques  hors  de  la  ville  fouspromefîé  de  SKviu 
leur  donner  la  vie ,  on  les  fit  briller ,  même  fins  épargner  les  fem- 
mes grottes  (c).  Balbin  témoigne  que  comme  la  plupart  de  ces    (c)Dafo-av. 
crueiles  exécutions  s'étoient  faites  dans  Péçlife  &  dans  le  cime-  ubi  fuPr<  P- 
tiére  3  on  n'y  avoit  plus  enterré  perfonne  depuis  ce  temps-Là.  Je 
rapporterai  dans  les  termes  de  cet  Hiftorien  une  particularité  qui 
tient  du  prodige.  »  J'ai  appris  ,  dit -il  ,  âes  concierges  de  cette 
«Eglife  ,  &  j'ai  vu.  moi-même  une  chofe  bien  merveilleufe  ,  Se 
«  dont  ni  eux  ni  moi,  n'avons  pu  encore  trouver  la  raifon.  C'efl:  que 
»  dans  le  cimetière  de  cette  Eglife  ,  il  y  a  une  fi  grande  quantité  de 
»  dents  humaines ,  qu'on  diroit  que  comme  dans  la  fable ,  on  les  a 
»  femées  exprès  en  terre  :  fur  tout  quand  il  pleut  3  on  peut  amaifer 
«desdents  toutes  pures^fi  vous  enfoncez  le  doigt  dans  la  terre, vous 
»  trouverez  des  eiîains  de  dents.  J'ai  trouvé  moi-  même  des  dents 
«dans  les  fentes  des  murailles  du  cimetiére,que  j'ai  montrées  à  ceux 
»  de  nos  pères  qui  y  étoient  avec  moi.  Peut-être  cela  étoit-il  arrivé 
«parce  que  plufieurs  qui  furent  maflacrez  dans  cette  occafion 

(  1  )  Dans  le  diflrid  de  Cnctflctu. 

(2  j  Petite  ville  dans  le  dillrid  de  Chrudimer  fur  l'Elbe, 

(  J  )  Dans  le  diftr kl  de  ce  nom. 

Xiij 


raii.'ic 


166  HIST.  DE  LA  GUERÎIE  DES  HUSSÏTES 
1411.  »  n'ayant  point  été  inhumez,  félonie  rapport  des  habitans  3  leurs 
»  dents  fe  font  ainfî  difperfées ,  les  dents  ie  corrompant  beaucoup 
«plus  tard  que  les  autres  os  dans. les  cadavres.  J'en  laide  le  juge* 
«mentàlafàgacité  du  lecteur  »»}  6c  moi  auffi. 
PrifedeB*  III.  Les  Taborites  fe  piquèrent,  au  rapport  de Balbin,  d'une 
plus  grande  humanité  à  Beraune  qui  fut  afîîegée  quelques  jours 
après.  Mais  félon  fon  récit  &  celui  de  Theobald  ,  cette  humanité 
n'alla  pas  fort  loin.  Beraune  étoit  une  ville  royale  à  trois  lieues  de 
Prague,  fort  attachée  à  l'ancienne  religion.  Elle  étoit  fervie  par 
un  bon  nombre  de  prçtres ,  èc  pourvue  d'un  bon  tréfbr  éccléfiafti- 
que  ,  ce  qui  n'étoit  pas  une  petite  amorce.  Les  Catholiques  fe  dé. 
fendirent  durant  trois  jours  avec  une  valeur  incroyable,  &  tuèrent 
aux  afîlégeants  environ  deux  cens  cinquante  hommes.  La  ville 
prife,  quelques  habitans  fe  retirèrent  dans  la  tour,  où  ils  fe  dé. 
fendirent  en  défefperez  pendant  tout  un  jour.  Enfin  la  tour  fur, 
forcée.  On  palla  au  fil  de  l'épée  ce  qui  reftoit  d'habitans.  Leur 
chef  Jean  de  Chablitz,  fut  précipité  de  la  tour  &  reçu  en  bas  à  coups 
de  fléaux  comme  fi  c'eut  été  une  gerbe  de  bled.  Le  curé  nommé 
Jarojlaus  avec  trente-fept  autres ,  tant  prêtres  que  moines ,  furent 
brûlez  auffi  bien  que  quelques  Seigneurs  &  quelques  Dodeurs  de 
Prague,  pour  n'avoir  pas  voulu  fe  faire  Huffites.  C'eft  le  récit  de 
(*)uhjfupr.  Theobald s  celui  de  Balbinù)  eft  un  peu  différent.  Il  dit  1.  qu'on 

cm.  XLV.  r  -L/T  *    l»        J«        ■  r  , 

p.  91.  ne  ht  point  main  balle ,  comme  a  1  ordinaire  ,  fur  tout  ce  qu  on 

rencontra ,  &c  que  les  chefs  commandèrent  d'épargner  le  fang. 
%.  Qu'il  n'y  eut  que  le  commandant  de  la  tour  qui  fut  précipité, 
&  traité  comme  on  vient  de  le  dire.  3.  Qu'on  offrit  la  vie  à  ceux 
qui  voudroient  fouferire  aux  articles  qu'il  appelle  hérétiques  ,'ôc 
qu'on  eut  avec  eux  des  conférences  3  où  on  les  exhorta  à  avoir  pi- 
tié d'eux-mêmes  &  des  leurs,  à  céder  au  temps,  &ànepas  irriter 
le  vainqueur.  4.  Qu'ayant  obtenu  un  jour  pour  délibérer ,  &  qu'é- 
tant demeurez  inflexibles  aux  careflès  &  aux  menaces ,  on  en  vint 
aux  fupplices.  5.  Qu'on  fit  \qs  exécutions  dont  on  vient  de  parler. 
fàMiftelian.  jSa/bm  (b)  obferve  au  refteici  en  pafîant  pour  marquer  la  richefle 
LKX|x;       de  Beraune,  qu'en  1 63  2.  les  Saxons  enlevèrent  à  cette  Eglife  3  8 
calices  d'or  &  d'argent  enrichis  de  pierreries,  avec  d'autres  orne- 
mens  d'Eglife.  Les  habitans  de  Melnik  (1)  ayant  appris  ce  qui  fe 
pafîoit  à  Beraune  envoyèrent  des  députez  à  Prague  pour  fe  mettre 
fous  la  protection  de  cette  ville ,  &  accepter  les  articles  des  Tabo- 

(  1)  Petite  ville  avec  un  château  fur  une  haute  montagne  dans  le  diflrivt  de  Ljtttmritt  où  U 
Moldave  &  l'Elbe  le  joignent.  Ibeob.  ubifupr.  f.  _oz. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  uxr.     167 
rites.  Ils  furent  bien  reçus,  6c  on  leur  donna  un  Seigneur  pour  les    r,n 
commander. 

IV.  De  Béraune  ziska  fe  rendit  à  Broda  de  Bohême  (  i  )  :  il  alla  prife  &  maC 
d'abord  camper  devant  Taufcb  ville  royale  avec  une  forterefle  facre  dc  Lro- 
dans  le  diftrid  de  Pilfen.  La  garnifon  fe  rendit  après  avoir  tenu 

trois  jours.  Ziska  la  renforça  de  quelques-uns  de  fes  gens  ,  &  s'en 
alla  mettre  le  fiége  à  Broda.  Il  fut  repouflé  par  deux  fois  avec 
perte  -y  mais  les  afliégez  ne  pouvant  tenir  plus  long-temps ,  fe  reti- 
rèrent ,  les  uns  dans  la  tour  ,  les  autres  dans  l'eglife.  Auffi-tôt  les 
Taborites  ayant  rompu  les  portes,  toute  l'armée  entra  dans  la 
ville  :1a  garnifon  qui  s'étoit  retirée  dans  la  tour,  implora  vaine- 
ment la  compaffiûn  des  vainqueurs.  On  mit  le  feu  à  la  tour,  &on 
emmena  les  loldats  hors  de  la  ville ,  où.  ils  furent  brûlez  ou  aïïom- 
mez  contre  les  loix  de  la  guerre.  Les  habitans  qui  s'étoient  retirez 
dans  YèglifedefàintGodar,  ne  furent  pas  plus  épargnez.  Il  en  fut 
brûlé  plus  de  deux  cens  avec  l'églife  qui  fut  auifi  mife  en  cendres. 
Il  y  eue  une  vingtaine  de  prêtres  enveloppez  dans  cet  incendie. 
Mais  un  certain  Nicolas  KFavarra,  fecretaire  du  Chapitre  de  la 
métropole  de  Prague  3  fut  plus  maltraité  que  les  autres ,  parce 
qu'il  étoit  ardent  ennemi  de  'Jean  Hus  &  des  HuiTites.  C'étoit  à 
qui  le  déchireroir,  comme  pour  le  facrifier  aux  mânes  de  Jean 
Hus.  Cependant  les  chefs  de  l'armée  Taborire  jugèrent  plus  à  M-îfcrf.  UM 
propos  de  lui  conferver  le  peu  de  vie  qui  lui  reftoit ,  pour  le  confu-  fapr.  Bait. 
mer  dans  les  flammes.  L'ayant  emmené  hors  de  la  ville  ,  ils  le  jet-  ^lfcelI*  ubl 
térent  dans  un  tonneau  de  poix  ardente  (a).  lxxxi. 

V.  Des  conquêtes  fi  rapides  obligèrent  plufîeurs  villes  à  faire  piufieurs  vît 
leur  paix,  à  l'exemple  de  la  ville  de  Melnitz.  Les  habitans  de Kaur-  lesCathoii- 
fcbim(i) ,  capitale  du  diftricl:  de  ce  nom  ,  envoyèrent  des  députez  dentàVux" 
à  ceux  de  Prague  3  avec  offre  de  fe  joindre  à  eux.  Aufli-tôt  ces  der-  de  Prague, 
niers  en voyérent  quelques  troupes  à  Kaurfchim  recevoir  le  ferment 

des  habitans,qui  promirent  d'embrafler  leur  religion.  En  exécu- 
tion du  traité  3  ils  allèrent  attaquer  le  monaftere  de  Cifteaux ,  le 
mirent  en  cendres ,  &  jetterent  cinq  prêtres  dans  le  feu.  L'exem- 
ple de  ceux  de  Kaurfchim  fut  imité  par  ceux  deColin  ou  Colonia(i). 
On  y  envoya  des  troupes  de  Prague  qui  brûlèrent  le  couvent  des 

(  i  )  Il  y  a  deux -villes  en  Bohême  qui  s'appellent  Broda,  l'une  la  Bohémienne  ,  l'autre 
l'Allemande  j  l'Allemande  eftdu  côtédela  Moravie,  &  la  Bohémienne  cft  à  J.0U4»  milles 
de  Prague.  Il  y  a  aufli  un  Broda  en  Hongrie. 

(2)  C'eft  une  des  plus  anciennes  villes  de  Bohême  ,  ayant  été  bâtie  en  6$  3 . 

(3  )  C'eftunc  ville  royale  bien  fortifiée  dans  le  diftri&dc  Cxaflcw  fur  l'Elbe.  Il  y  a  à  pré- 
fent  uû  château  dans  l'endroit  où  e'toient  les  Dominicains.  Les  Capucins  y  ont  un  monaftc'jfSy 


i6%  HIST.  DE  LA  GUERilE  DES  HUSSITES 
X4.li  Dominicains  avec  fîx  moines.  A  l'égard  du  doyen  qui  étoit  nu 
homme  de  qualité  ,  ils  le  jeccérenr  dans  de  la  poix  ardente.  Balbia. 
mec  à  ce  temps  l'expédition  deChrudim  (i }  capitale  dudiitrict  de 
ce  nom.  Cette  conquête  ne  donna  pas  de  peine  à  Zisk.iy  leshabi- 
tans  ayant  déjà  pris  les  devans  pour  avoir  bon  quartier.  Ils  fe  fi- 
gnalérent  même  par  une  expédition  qui  dut  être  fort  agréable 
aux  Taborites ,  en  s'emparant  d'un  monaftere  dont  ilsmaiîacré* 
rent  les  moines  avec  pluiîeurs  citoyens.  Des  que  Zisk.i  fut  entré 
dans  la  ville,  on  courut  au  monaftere  des  Dominicains,  où  l'on 
mit  le  feu.  Il  y  eut,  félon  quelques-uns,  huit,  félon  d'autres ,  dix- 
huit  moines  brûlez.  Balbin  dit  que  paiïant  par-là ,  on  lui  montra 
la  place  du  couvent  &  des  bûchers.  La  conquête  de  RœudnitzJ^i) 
ne  donna  pas  plus  de  peine  à  ziska.  Conrad  (3)  archevêque  de 
Prague ,  qui  favorifoit  déjà  les  HufTites ,  lui  en  facilita  l'entrée ,  & 
donna  même  fort  largement  des  rafraîchiilemens  à  fon  armée.  La 
ville  n'en  fut  pas  mieux  traitée  pour  cela.  Dès  que  les  foldats  eu- 
rent bien  bû  6c  bien  mangé  ,  ce  fut  à  qui  pilleroitle  mieux.  Ils 
fe  jettérent  d'abord  fur  le  couvent  des  Chanoines  réguliers  de  St. 
Auyijiln ,  où.  il  y  avoit  une  très-belle  églife.  L'Abbé  Allemand 
nommé  Voldemar  ayant  voulu  faire  quelque  réfiftance ,  fut  mafia- 
cré  des  premiers.  Pluiîeurs  chanoines  eurent  le  même  fort.  Quel- 
ques-uns fe  fauverent  dans  les  fouterrains.  Quand  on  eut  dépouil- 
la) Baibin  lé  ce  couvent  6c  Péglife  3  on  brûla  l'un  6c  l'autre  (a).  Je  patte  plu- 
Lxxxiii      fieurs  autres  monaftéres  de  moindre  importance ,  dont  Balbin  ne 

rapporte  la  ruine  qu'en  paflant. 
çeuxdeKut-      VI.  On  a  déjà  dit  quelque  part  que  les  habitans  de  la  montagne 
temberg  fe    je  cuttemberp;  avoient  en  pluiîeurs  occafions  fort  maltraité  les 

réconcilient  b  g     r 

avec  ceux  de  Taborites.  Je  rapporterai  la-deflus  les  paroles  de  l  Auteur  delà 

Prague»        ferfècution  des  -Eglifes  de  Bohème  fur  l'an  141  9.  »  Les  Taborites 

(b)Gciiius  »  ayant  envoyé  deux  députez(b)  à  ceux  deCuttemberg  qui  étoifenc 

Petftennus  &  n  pQur  ]a  p]ûpart  venus  d'Allemaene  pour  travailler  aux  mines,  6c 

fins.  »  par  confequent  dans  le  parti  de  1  Empereur  j  ceux-ci  au  lieude- 

»  coûter  des  propofltions  de  paix,  s'en  faiiirent  &  les  jettérent  dans 

a»  des  puits  profonds.  La  même  chofe  arriva  peu  de  temps  après  à 

(e)  Jean     "  un  pafteur  (c)  de  Garim  ,  ville  où  l'on  avoit  aufîi  reçu  des  Aile- 

çkodekj        »  mands,  6c  à  pluiîeurs  autres  tant  prêtres  que  féculiers.  Ils  ache- 

»  toient  les  Taborites ,  donnant  cinq  florins  pour  un  prêtre ,  6c  uq 

(i)C'efl  une  villç  royale  auprès  de  la  rivière  de  Cbrudimkg.  Elle  fut  bâtie  p*r  umtQcici) 
duc  nommé  Crud. 

{ i)  C'cft  une  grande  ville  avec  un  château  dans  le  diftriû  de  Schlancr  fur  l'Elbe. 
1 3  )  Voyez  PHiliêirt  du  Concile  de  Confiance  fur  cet  Archevêque, 

0  florin 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  IX.  169 
«florin  pour  un  féculier  :  ce  qui  caufa  une  horrible  boucherie».  14.21; 
On  trouve  ce  qui  fuie  dans  un  certain  manuferic ,  félon  le  témoi- 
gnage de  Thermanus.  »  En  1420.  on  jetta  dans  la  première  mi- 
»niére  environ  1700  hommes,  dans  la  féconde  1308,,  dans  la 
"troifiéme  1334.  C'eft  pourquoi  le  18.  Avril  on  célèbre  tous  les 
»  ans  la  mémoire  des  martyrs  dans  ce  même  endroit,  où  il  y  a 
»  uneéglife  qui  fub  fille  encore.  Celas'efl  pratiqué  jufqu'en  1  6  1  3. 
»  que  le  Prélident  de  la  monnoie  (  Wrefowetz^)  voulut  l'empêcher^ 
»*  mais  inutilement.  La  perfécution  augmentant,  cette  pratique 
»  céda  en  1 6  2  1  (a)  Je  ne  veux  pas  contredire  le  fait  $  mais  il  y  au- 
roit  plus  d'une  réflexion  à  y  faire  :  car  pourquoi  ces  Taborites  al-  (a)P-37-î8. 
îoient-ils  par  milliers  à  Cuttembers;  ?  On  ne  va  pas  en  fi  grande 
foule  pour  des  affaires  particulières.  Si  donc  c'étoit  pour  attaquer 
les  Cuttembergeois,  on  ne  doit  pas  les  mettre  au  rang  des  mar- 
tyrs. D'ailleurs  quelle  apparence  que  ceux-ci,  dont  la  plupart 
étoient  Allemands  Catholiques  6c  Impériaux  ,  eufTent  foufFerc 
pendant  tout  un  fiécle  que  l'on  célébrât  chez  eux  la  mémoire 
de  ces  prétendus  martyrs  ?  Pour  accommoder  l'affaire  ,  il  faudroic 
donc  dire  que  ceux  de  Cuttemberg  étant  devenus  Huffites ,  com- 
me il  paroît  qu'il  y  en-avoit  parmi  eux  ,  regardèrent  comme  des 
martyrs  les  premiers  Taborites  que  leurs  pères  avoient  ou  noyez 
ou  brûlez  j  mais  c'elf  la  coutume  des  hrftoriens  de  ces  temps-là 
de  mal  circonftancier  ,  &  de  faire  des  hifloires  borgnes  où.  l'on 
ne  voit  qu'à  demi. 

Quoi  qu'il  en  joit,  ceux  de  Cuttemberg,  pour  prévenir  l'orage 
qui  les  menaçoit,allerent  au  devant  de  ceux  de  Prague  qui  étoient 
pofiez  près  du  monaftere  de  Sedlitz^  dans  le  diftricSt  de  Czaflaw  , 
non  loin  de  cette  montagne.  Ils  faifoient  marcher  devant  eux 
des  prêtres  qui  portoient  l'Euchariftie.  Quand  ils  rurent  arrivez 
ils  fe  mirent  à  genoux  pour  demander  grâce  ,  repréfentant  à  ceux 
de  Prague  les  anciens  traitez  qu'il  yavoit  entre  les  deux  villes  j 
qu'on  devoit  les  confiderer  comme  deux  feeurs  ;  que  Cuttem- 
berg étoit  par  ks  mines  d'argent  le  tréfor  de  tout  le  royaume, 
&qu'ainfi  en  les  épargnant  ils  s'épargnoient  eux-mêmes ,  6c  la 
patrie.  Il  y  eut  un  prêtre  Taborite  qui  leur  reprocha  fommaire- 
ment  les  maux  qu'ils  avoient  faits,  les  exhortant  à  n'y  plus  re- 
tomber 3  après  quoi  il  leur  annonça  la  paix  de  la  part  de  ceux  de 
Prague.  Balbin  rapporte  qu'une  l\qs  conditions  du  traité  ,  fut  que 
ceux  qui  ne  voudroient  pas  changer  de  religion  auroient  trois 
mois  de  terme  pour  vendre  leurs  biens,  6c  fe  retirer  où  bon  leur 

Tom.  /.  Y 


17?      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

142 1.    femblcroit.  Cet  auteur  ajoute  qu'on  ne  leur  tint  pas  parole,  &que 
plufieirs  catholiques  de  Cuttemberg  voulant  forcir  avec  leurs 
effets  furent  dépouillez  par  les  foldats  de  Prague  ;  qu'ils  coupè- 
rent aux  uns  les  mains }  aux  autres  le  nez ,  aux  autres  les  oreilles , 
(n)  lupacitts  6c  les  traînèrent  en  cet  état  dans  la  ville  (a).  A  l'égard  du  monaf - 
7  May        tere  fc  Sedlitz.  (  1  )  dont  on  vient  de  parler ,  voici  ce  que  Phiftoire 
96.  Eaib.      en  dit:  Ziska  qui  n  en  menageoit  aucun  voulant  épargner  celui-ci 
Mifceii.  §.    à  caufe  de  fa  beauté .  avoit  défendu  de  l'endommager  en  aucune 
façon.  Cependant  un  de  ks  gens  y  mit  le  feu,  apparemment  la 
nuit.  Ce  Général  feignant  d'en  être  bien  content,  rit  publier  que 
fi  celui  qui  avoit  fait  ce  coup  vouloit  fe  déclarer,  il  lui  donne- 
roit  une  bonne  fomme  d'argent.  L'incendiaire  auffî  avare  que 
cruel  rut  la  dupe  de  fon  avarice,  il  fe  déclara  ôc  reçût  l'argent  ; 
(b)  Tbeobaii.  mais  en  le  lui  fit  avaler  fondu  (b)  j  en  même  temps  il  défendit  de 
«bi„fuP!.\.     mettre  le  feu  nulle  part  fans  fon  ordre.  Si  l'on  en  croit  quelques 

EaIu. Mil.  r  \  r  vii  -r  1        ^t-?  1 

6eil,  §.        auteurs,  les  ordres  turent  mal  exécutes y  puilque  les  Tabontes 
lxxxv.     maflacrerent  500  Religieux  du  couvent  des  Chartreux  de  Pra- 
gue &  de  Podiebrad  qui  s'y  étoient  retirez  comme  dans  un  lieu  de 
fureté.  Delà  Ziska  s'en  alla  à  Chrudim  où  commandoit  Jean 
Micfteces  dont  on  a  parlé.  Il  fe  rendit  à  condition  qu'il  n 'entre- 
mit ni  Praguois ,  ni  Taborites  dans  la  ville.  De  fon  côté  il  commu- 
nia fous  les  deux  efpéces,  fouferivit  aux  quatre  articles  des  Huf- 
lites  &  fe  joignit  à  eux  pour  exercer  un  métier  qu'il  fçavoit  bien  : 
«Mfupr*^"  ^  ^c  ra^er  un  monaftére  dans  la  ville ,  brûler  huit  prêtres  &  piller 
5>5.  tous  les  vafes  6c  ornemens  facrez  qu'il  remit  à  ziska  (c). 

DigreflTon  V I.  Puifqu'on  a  parlé  de  Cuttemberg ,  c'eft  ici  Poccafion  d'en 
au  fujet  de  marquer  Porigine  après  Thcobald.  La  Bohême  avoit  eu  autrefois 
u  cm  erg.  ^  fG^tenir  l'effort  de  plufieurs  puifïans  ennemis ,  6c  ce  fut  pour  fe 
mettre  à  couvert  de  leurs  irruptions  que  les  Rois  de  Bohême  pla- 
cèrent des  payfans  dans  la  forêt  dont  ce  royaume  eft  environné. 
Leur  occupation  étoit  de  défricher  &  de  cultiver  le  pays  3  mais  il 
falloic  qu'ils  fuflent  toujours  prêts  à  prendre  les  armes  au  premier 
befoh.  On  leur  donna  de  grands  privilèges ,  le  droit  de  pêche  y 
de  cliaiïe  >  &  autres  droits  royaux.  On  les  affranchit  de  toute  for- 
te d'impôts  &  de  fervitudes,  &  ils  ne  relevoient  d'aucun  Seigneur 
que  du  Roi.  Ils  rendirent  de  grands  fervices  a  la  Bohême  dans 
Poccafion  que  je  vais  raconter.  Le  duc  Br^ewetiflaus  dix-neuviéme 
Duc  de  Bohême  (2)  3  pour  vanger  les  outrages  qu'on  avoit  faits  à 

(1)  Li  Fortereffe  de  Sedl't?.  avoitdeja  été  rnfée ,  mais  le  Monaftére  fut  épargné  alors., 
(z)  Quelques-uns  difent  Le  22.  Il  e'toit  appelle  ÏAibiUc  de  h  Bohême. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  IJT.  171 
Boleflas  III.  fon  grand  père  en  Pologne  (1) ,  ayant  fait  irruption  1a1  I: 
dans  ce  royaume  en  chulla.  Cafîmir,ôc  étant  entré  dansCxacovie, 
il  en  emporta  des  tréfors  im  me  m'es  en  Bohême ,  8c  y  emm  ena  pri- 
fonniers  plufieurs  milliers  d'hommes.  Le?  Polonois  eurent  recours 
au  Pape  pour  en  avoir  raifon.  Les  Bohémiens  &  principalement 
le  Duc  furent  citez  en  Cour  de  Rome.  Mais  le  Duc  y  ayant  envoyé 
des  ambafladeurs  avec  une  bonne  fomme  d'argent ,  il  en  fut  quit- 
te pour  bâtir  la  belle  Eglife  de  St.  Wencejlas  à  Prague.  Les  Polo- 
nois ne  trouvant  point  de  reflource  à  Rome ,  s'adreflerent  à  l'Em- 
pereur Henri  III.  quin'aimoitpas  les  Bohémiens.  Ce  Prince  ne 
demandant  pas  mieux  qu'une  occasion  de  continuer  la  guerre 
que  l'Empereur  Conrad  fon  père,  prévenu  par  la  mort,  n 'avoit 
pu  achever ,  envoya  des  ambafladeurs  en  Bohême  pour  redeman- 
der  tout  ce  que  le  Duc  avoit  enlevé  aux  Polonois.  Br^etiflaus  ré- 
pondit qu'il  avoit  toujours  été  fort  fournis  &  fort  fidèle  à  l'Empe- 
reur ;  qu'il  avoit  exactement  payé  le  tribut  que  Charles  leGros  avoit 
impofé  à  laBohême  en  titre  d'hommage  (1),  &  qu'il  n'étoit  pas 
obligé  à  davantage.  L'Empereur  envoya  une  nouvelle  ambaflade 
en  Bohême  pour  faire  la  même  demande  &.  menacer  de  la  guerre 
en  cas  de  refus.  Que  l 'Empereur -vienne,  dit  le  Duc,  il  ri  amènera -point 
tant  de  cavalerie  quil  ri  y  ait  de  la  place  pour  l'enterrer.  L'Empereur 
irrité  de  cette  réponfeleva  une  grofle  armée  &;  alla  fondre  fur  la 
Bohême.  Le  Duc  de  fon  côté  ne  s'endormit  pas.  Il  pofta  Ces 
troupes  entre  Ronsberg  &Taufch  (3),  &  il  y  fut  bien-tôt  fuivi 
d'une  nombreufe  multitude  de  Bohémiens  que  la  crainte  des  Al- 
lemands faifoit  courir  à  lui  comme  les  mouches  ci  miel  courent  après 
lethim,  dit  l'hiftorien.  Le  Duc  choifit  dans  cette  troupe  500  paï- 
fans  pour  aller  couper  dans  la  forêt  de  Bohême  tout  le  bois  entre 
Schonfelds  (4)  &  Ratifbonne ,  leur  ordonnant  de  jetter  les  arbres 
derrière  eux.  Les  Bohémiens  étant  épouvantez  de  cet  ordre  ,  qui 
fembloit  frayer  le  chemin  à  l'ennemi  :  Quoi ,  leur  dit  le  Duc ,  vous 
ave^peur  des  AÎIcmans  avant  que  de  les  avoir  vus  ?  Que  les  poltrons 
fe  retirent ,  &  que  ceux  qui  font  fidèles  a  la  patrie  demeurent  avec 
moi.  Nous  avons  des  èpees  de  fer  &  non  des  fourreaux ,  des  armes  d'ai- 
rain 3  &  non  de  bois ,  comme  les  Allemans.  Cependant  l'Empereur 
fit  avancer  fun  armée  entre  la  Bavière  &  la  Bohême ,  &;  donna  le 

(  1  )  Après  une  paix,  conclue  on  lui  creva  les  yeux  &  on  maflacra  fes  gardes,  Balb.  Epit.  L* 
JII.C  II. 

(z)  C'étoit  no.  bœufs  &  foo.  marcs  d'argent. 

(])  Dans  le  dfflriit  de  Pilicn  ,   non  loin  de  Cuttemberg. 

(4^  Vieille  ville  fur  uac  montagne  dans  le  diilrid  de  Ebbogner  où  il  y  a  une  mine  d'argent. 

y  ij 


i72  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1411»  fîgnal  du  combat  3  mais  ayant  appris  que  les  Bohémiens  s'étoient 
poftez  de  manière  qu'on  ne  pouvoit  les  attaquer  qu'à  pied ,  il 
ordonna  à  fa  cavalerie  de  mettre  pied  à  terre ,  pour  aller  chercher 
l'ennemi.  Les  Bohémiens  s'étoient  fi  bien  retranchez  dans  l'abatis 
de  bois  qu'on  avoit  jette  au  pied  de  la  montagne,  qu'il  étoitim- 
poflible  de  les  y  forcer.  La  plus  grande  partie  de  l'armée  de  l'Em- 
pereur mourut  de  travail,  delaflltude  &  de  foif,  fans  coup  ferir, 
La  plupart  de  ceux  qui  refterent,&  entre  autres  le  Marquis  de  Bade 
accablez  du  poids  de  leur  corps  fe  tenoient  appuyez  fur  des  arbres 
fans  pouvoir  remuer.  Dans  cette  fituation  les  Bohémiens  en  eu- 
rent bon  marché.  Tout  fut  paflé  au  fil  de  l'épée.  Les  Cuttember- 
geois  en  tuèrent  un  grand  nombre  avec  leurs  crocs ,  &  jetterent 
leurs  dépouilles  dans  une  large  &  profonde  folle ,  où  on  jetta  aufïi 
les  corps  morts.  Cette  action  ie  palîa  en  1 040.  Le  Duc  Br^etiflaus 
fît  bâtir  là  un  monaftere  en  l'honneur  de  la  Vierge ,  où  il  mie  des 
hermites  de  St.  Attqjiflin.  Depuis  ce  temps-là  les  Cuttembergeois 
eurent  de  grands  privilèges ,  &  une  exemption  générale  de  toute 
v»,   ,  ,,  forte  d'impôts.  Ils  ont  dans  leurs  armes  un  croc  avec  des  étoiles. 

(a)  Iheobald.   _       .  L  .  . 

ubi  fupr.     On  leur  engagea  quantité  de  terres,  ils  ont  encore  vingt  Sena- 
cap.  xxxv.  teurs ,  qui  tiennent  leur  Sénat  dans  leur  vieille  forterefle  _,  en  par- 
p- 17  •  x79-  tlQ  br^lée  depuis  quelques  années  (a). 
Autrescruel-      V  I  I.  De  Cuttemberç  ziska  s'en  alla  à  Tabor ,  où  l'on  dit  qu'il 

les  execu-  .  ,  -ni  »  •  •     •  _,    ,        *. 

tions  de  zh-  extermina  quelques  Picards  qui  s  croient  joints  aux  Taborites 
k.'}-  (b).  De  là  il  s'en  alla  ravager  £t  brûler  la  campagne  &.  la  faire  ruif- 

MiTceiL  fol.  -*^er  ^e  ^lng  fansdiltinction  d'âge  ni  de  fexe.  On  compte  plus  de 
lxxxv.  trente  monaileres  détruits  dans  cette  courfe,,  foitpar  le  fer  3  foie 
par  le  feu.  On  ne  s'arrêtera  qu'à  ce  qu'il  y  a  de  plus  mémorable, 
ou  plutôt  de  plus  digne  d'être  à  jamais  effacé  de  la  mémoire  des 
hommes.  Paflàntà  Sezemitz,  endroit  non  loin  de  Gratz^,  où  il  y 
avoir  un  couvent  de  Religieufes  de  l'ordre  de  Cifteaux  ,  il  en  fit 
prendre  13  (on  croit  que  les  autres  moururent  de  frayeur  )  & 
ordonna  qu'on  les  jettât  dans  la  rivière.  Ceux  qui  alloient  exécu- 
ter cet  ordre  rencontrèrent  par  bonheur  des  gens  de  Prague ,  qui 
moins  inhumains ,  quoique  Huifites ,  les  réclamèrent  &;  les  ren- 
voyèrent à Konigsgratz^fans  leur  faire  aucun  mal.  La  conquête 
de  Jaromir  (  1  )  ne  fut  pas  ii  facile  que  celle  de  beaucoup  d'autres 
endroits ,  parce  qu'elle  avoit  été  bien  fortifiée,  tant  par  les  Bo- 
hémiens, que  par  les  Moraves.   Les  habitans  qui  s'étoient  bien 

(1)  C'eft  une  ville  royale  dans  lediftriA  de  Konigsgratt.  Elle  fut  bâtie  au  commencement 
«ta  iitr'cle  XI-  par  "Jaromir  duc  de  Bohême»- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  IX.    173 
munis  de  pierres  &.  de  flèches,  firent  d'abord  beaucoup  deréfif-     I^1  lt 
tance  ,  &  tuèrent  beaucoup  de  monde  aux  afliégeans ,  moitié  Ta- 
borites,  moitié  de  Prague.  Quand  on  eut  battu  la  chamade ,  on 
ouvrit  la  porte  pour  capituler.  Les  conditions  furent  que  les  habi- 
tans  pourroient  emporter  tous  leurs  bagages  &fe  retirer  où  ils  vou- 
droient  ;  mais  comme  ils  avoient  déclaré  que  c'étoit  à  ceux  de 
Bohême  qu'ils  vouloient  fe  rendre,  &:  non  aux  Taborites,  ceux- 
ci  contre  leur  parole,  fe  jetterent  en  fureur  fur  les  habitans ,  en 
maiïacrérent  tout  autant  qu'ils  en  rencontrèrent ,  dépouillèrent  foDubrav*. 
les  femmes  &  les  filles  &  les  jetterent  dans  l'Elbe.  Le  Gouverneur  ^  y'v  i'1' L 
(  1  )  de  la  place  fut  emmené  prifonnier.  Les  prêtres  au  nombre  de  6\9.  lùoL 
18.  qui  ne  voulurent  pas  embrafler  la  dodrine  des  Taborites  fu-  ubifup.cap. 
rent  brûlez.  Trois  autres  qui  changèrent  de  religion  eurent  U.MHceii.ubi' 
vie  fauve  (a).  fupr.f 

VIII.  On  place  à  cette  même  année  une  violence  faite  à  Pra-   violences 
gue.   On  avoit  julqu'alors  épargné  dans  la  vieille  ville  le  couvent  faites  à  Pra- 
de  St.  George  où  étoient  des  filles  de  qualité,  dont  Vrfule  fœur  ^Te:i  £^% 
du  Burgrave  de  WartembergètoiX.  Abbeffe(i).  Jean  de  Ptèmontrk  Rciigieufes 
profelyte  Hulfite,  dont  on  a  déjà  parlé,  étant  entré  avec  fès  gens  dcSt-Georie' 
dans  ce  monaftere  follicita  l'Abbefîe  d'embralTer  le  Huilitifme  , 
lui  promettant  la  vie  en  ce  cas-là;mais  la  menaçant  de  la  per- 
dre  fi  elle  refufoir.  Urfule  ayant  déclaré  qu'elle  vouloit  perfé- 
vérer  dans  fa  religion  ,  ils  la  traînèrent  &  trente  (3)  de  fès  Reli- 
gieufes ,  dans  les  lieux  les  plus  fréquentez  de  la  ville,  où  ces  pau- 
vres filles  étoient  expofées  aux  infultes  &  aux  huées  de  la  popula- 
ce. En  partant  fur  le  pont ,  quelques-uns  propofoient  de  les jetter 
dans  la  Moldave  -y  mais  les  moins  furieux  s'y  étant  oppofez  on  fe 
contenta  de  la  reléguer  à  Graditz^  Peu  s'en  fallut  qu'il  n'y  eût 
une  grande  efearmouche  à  cette  occafion  (b).  Comme  je  ne  doute  (h)  lUoUU. 
point  quecenefoit ce  même  7?;*»  que  l'auteur  de  la  Perfécution^"^'^~ 
de  Bohème  met  entre  £bs  martyrs  >  puifqu'il  l'appelle  Jean  de  Ze li- 
ma de  Prémontré  ,  je  rapporterai  ici  fon  cara&ere ,  fon  hiftoire  2c 
ià  fin  tragique,  quoiqu'elle  ne foit arrivée  qu'en  1412. 

I  X.  On  l'a  déjà  vu- en  141 9.  dans  le  mailacre  des  confuls  d^CarafteVe  & 
Prague  animant  les  Hufîites  par  la  montre  du  Calice.  En  1420.^^ 
Martin  V '.  ayant  fait  publier  à  Breilaw  fa  croifade  contre  les  Huf-  montré* 
Jites ,  Jean  de  Prémontré  prêchant  à  Prague  fur  quelque  pafiàge 

(i)Il  e'toit  de  Moravie. 

(2)  Elle  portoft  le  titre  de  Pn'ncefie. 

(})  Selon  Balbin  ilbcobaldriea  met  que  treize» 


i74      HÏST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES. 
[421.    de  l'Apocalypfe  fe  mit  fur  les  louanges  de  Jean  Hus  &  de  Wiclef, 
C\  comparant  l'Empereur  Sigifmond  au  cheval  roux  repréfenté  par 

St.  'Jean ,  &  animant  le  peuple  contre  ce  prince  comme  contre  un 
perfide  qui  n'avoit  point  de  parole ,  &  qui  vouloir  les  livrer  au  pa- 
pifme.  Ce  fut  là-deilus  que  ceux  de  Prague  prirent  laréfolution 
&  jurèrent  de  défendre  le  Hufïîtifme  au  péril  de  leurs  biens  &  de 
leurs  vies,  à  l'exemple  de  plufieurs  autres  villes  (  1  )  qui  avoient  déjà 
pris  le  même  para.  Ils  établirent  quatre  chefs  de  milice ,  deux  à  la 
vieille ,  deux  à  la  nouvell&ville,  à  qui  le  Sénat  donna  le  fceau  &,  les 
clefs  du  tréfor  èc  des  archives.  Il  leur  joignit  enfuite  40.  autres 
perfonnes  pour  leur  fervir  de  confeil.  Cette  réfolmion  orife,  ils 
écrivirent  par  toute  la  Bohême  des  lettres  fanglantes  contreoV- 
gifmond^  comme  contre  un  ennemi  delà  patrie  &  de  la  religion. 

La  mçme  année  lesTaborites  joints  à  ceux  de  Prague  avant 
eu  du  deflous  dans  le  fiége  de  Wifrhade ,  ceux-là  parloient  de  for- 
tir  de  la  ville  ,  craignant  l'irruption  de  Sigifmond.  Ceux  de  Prague 
en  étoient  fort  confternez,  parce  qu'ils  ne  pouvoientfefoutenir 
fans  le  fecours  des  Taborites  5  mais  Jean  de  Prémontré  alTembla  le 
Sénat  des  deux  villes  où.  il  fut  réfolu  par  fon  confeil  d'engager  les 
Taborites  à  demeurer  dans  la  ville.  Quelque  temsaprès  il  compofa 
un  Sénat  de  Picards  qui  l'avoient  nommé  pour  leur  chef  3  &  il  rît 
chafler  de  la  ville  le  curé  de  St.  Michel ,  l'accufant  d'être  trop  at- 
taché au  papifme ,  de  ne  vouloir  pas  donner  l'Euchariftie  aux 
enfans,  &  de  ne  pas  faire  chanter  dans  fon  églife  des  hymnes  en 
Bohémien.  Il  étoit  de  toutes  les  délibérations  tant  eccléfiaftiques 
que  civiles  &  militaires.  Il  fe  trouva  le  1 9.  Aouft  de  cette  année , 
dans  l'armée  que  ceux  de  Prague  avoient  levée  pour  chafler  les 
Allemans  de  la  Bohême.  Dans  une  diète  qui  fe  tint  à  Broda  à 
peu  près  en  ce  même  temps  pour  traiter  d'accommodement  , 
quelques  Seigneurs  de  Bohême  (2)  ayant  invité  ceux  de  Prague  «à 
y  envoyer  des  députez,  Jean  de  P  remontré  confulté  là-deflus  dé- 
conseilla fortement  cette  députation  qu'on  avoit  promife.  Ces  Sei- 
gneurs ,  difoit-il  3  nagifjent  pas  avec  affez,  de  franchi  fe  &  de  candeur , 
ils  rfembraffent  pas  entièrement  nos  quatre  articles  (  3  )  >  &  ils  font 
plus  portez^pour  l'Empereur  que  pour  vous  &  pour  la  patrie.  A  ces 
mots  le  peuple  fe  divifa ,  les  uns  voulant  qu'on  tînt  parole  aux 

(i)I«««,  Statt,  Glntavv ,  7 liftait. 

(z)Vlric  de  Rôfemberg,  Cmco  de  Wcirtemherg  ,  WanvtcHi  de  Maifoti-Neuve  avec  quelques 
autres. Ibenh.  cap.  I.  p.  10$. 

(3)  Apparemment. ils  n'e'toient  que  fimples  Calixt ins  ,  c'eft-à-dire  que  contents  de  la  Com- 
munion fous  les  deux  efpc'ces  ,  ils  s'eloignoientpeu  de  l'Eglife  Romaiuçdans  le  relie, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  IJT.  iyf 

Seigneurs ,  les  autres  qui  faifoient  le  plus  grand  nombre  refufanc     142 1. 
avec  chaleur  d'avoir  rien  à  faire  avec  ces  Seigneurs  qu'ils  trai- 
toienc  d'inrldeles.  Jean  de  Prêmontré  craignant  qu'il  n'arrivât  une 
fédition  porta  cette  Sentence  :  Qu'on  enverroit  deux  citoyens  de 
Prague  ,  non  à  Broda ,  mais  à  Colin  (  1  ) ,  &  que  les  députez  qu'on 
leur  enverroit  de  Broda  n'iroient  point  les  trouver  à  Colin  ,  mais 
fè  tiendroient  à  Cuttembcrg(i)  ,  &  que  toute  la  négociation  fe  fe- 
roit  par  meflage.  Les  Seigneurs  ayant  eu  avis  de  cet  ordre  de  Jeany 
envoyèrent  à  Prague  Rofemberg  ôc  Wartemberg  pour  exhorter  les 
habitans  à  fe  joindre  aux  Seigneurs  &  à  la  Noblefle ,  afin  de  pren- 
dre unanimement  de  bonnes  mefures  contre  l'Empereur;  mais 
Jean  quifaifoit  toujours  le  maître  dans  le  Sénat,  n'y  vouloitpoinc 
entendre.  Cependant  fon  oppofition  ne  prévalut  pas.  On  nom- 
ma Jean  Pr^ibram ,  Procope  Pr^enski  ôc  quelques  autres  3  pour 
conférer  avec  ces  Seigneurs.  On  verra  dans  la  fuite  ce  qui  fut 
conclu  dans  cette  alîémblée.  Cependant  le  moine  de  Prêmontré 
mécontent  de  ce  qu'on n'avoit  pas fuivi  fon  avis,  fit  condamner 
&;  challer  de  la  Ville  Pt%ibram  quand  il  eut  rendu  compte  de  fa  né- 
gociation.   Son  collègue  de  députation  étoit  mort  de  la  pefte  qui 
étoit  alors  en  ce  païs-là.  Les  violences  de  Prêmontré  ne  fe  bornè- 
rent pas  là ,  il  aceufa  un  gentilhomme  nommé  Jean  Sadlo  de  Çofte- 
let^,  d'avoir  trahi  ceux  de  Prague  dans  un  combat  contre  les 
Allemands ,  &  dans  une  conférence  tenue  à  Cuttemberg.  Sadlo  , 
pour  fe  juftirler  3  écrivit  au  Sénat  qui  étoit  de  l'éleclion  de  Jean. 
Le  Sénat  répondit  qu'il  pouvoit  venir  en  toute  aflurance.,  &  qu'on 
le  metrroit  à  couvert  de  toute  violence.  Sur  cette  parole  il  vient 
à  Prague ,  comparoît  dans  le  Sénat  -y  mais  auffi-tôt  après  on  fe  faifie 
de  lui  la  nuit ,  £c  il  eut  la  tête  coupée  dans  la  Maifon  de  Ville  de  la 
vieille  Prague.  Ceux  de  l'un  &  de  l'autre  parti  ont  prétendu  que 
Sadlo  étoit  des  leurs.  Les  Catholiques  en  faifant  un  bon  Catho- 
lique, comme  Jean  de  Prêmontré  l'en  aceufa  pour  le  rendre  odieux,, 
&  fur  ce  pied- là  Balbin  ne  feroit  pas  éloigné  d'en  faire  un  martyr. 
Les  Taborites  ont  foutenu  qu'il  favorifoit  les  Calixtins ,  &  qu'il 
tommunioit  fous  les  deux  efpéces.  On  ne  fçauroit  mieux  faire 
que  de  laiiïer  la  chofe  enfufpens,  comme  a  fait  judicieufemenc 
Balbin.  Hagec  rapporte  quec'étoitun  homme  de  bien  &  de  pieté  5. 
qu'il  avoir  été  confeiller  privé  de  Wencejlas  ,  qu'il  défira  fort  uit 
confefleur  à  ia  mort,  &  qu'il  n'en  put  obtenir.  Il  fut  enterre 

.(  i  )  Cette  ville*  eR  à  3 .  Hclîc's  de  Broda, 
(1)  A  i»i  mille  de  Colin, 


i76       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

t  4 1 1  dans  l'Egiife  de  St.  Nicolas  derrière  la  Maifon  de  Ville  de  la  vieille 
fa)  L.w/;.Mif-  Prague  (a).  Enfin  Jean  de  Prémontré  en  fie  ranc ,  que  ceux  de  Pra- 
ycr§'  gue  le  déférèrent  comme  \mPicard.  Ils  l'accuierent  de  palier  les 
bornes  de  fa  vocation  ,  &  de  s'ingérer  tellement  dans  les  affaires 
politiques,  qu'il  avoit  fait  exiler  £c  tuer  des  gens  diftinguez  par 
leur  pieté,  leur  fçavoir  &  leur  prudence,  comme  cela  étoit  ar- 
rivé à  Przj-bram  6c  à  Sadlo.  Sur  cet  avis  ,  le  Sénat  tint  une  déli- 
bération fècrette  -,  mais  elle  ne  pût  l'être  allez  pour  échaper  à  la 
connoiiïance  du  Moine.  Il  alla  donc ,  fans  y  être  mande (i) ,  dans 
le  Sénat ,  accompagné  de  dix  autres ,  querella  les  Sénateurs  ,  leur 
déclarant  qu'il  s'en  alloit  aiîembler  les  citoyens,  èc  qu'il  feroit 
jetter  par  les  fenêtres  le  Sénat  &  fon  Juge.  Là-deilus  on  fe  faille 
du  Moine  &  de  Ces  compagnons ,  on  fit  venir  le  bourreau ,  8c  après 
avoir  bien  fermé  la  chambre,  il  eut  la  tête  coupée  avec  fes  ca- 
marades. Il  arriva  que  les  Licieurs  en  lavant  la  chambre  laiilérenc 
couler  du  fang  dans  la  rue.  Le  peuple  à  ce  fpe&acle  accourut  à 
la  Maifon  de  Ville  &  enfonça  la  porte.  Voyant  la  tête  du  Moine 
ils  fe  jettérent  en  fureur  fur  les  Confuls&fur  le  Juge  &  les  maf- 
facrerent.  Un  prêtre  Picard ,  èc  Jacobel}  ayant  mis  dans  un  plat  la 
tête  du  Moine  ,  la  portèrent  dans  les  rués,  exhortant  le  peuple 
à  vanger  fa  mort  (2).  Le  peuple  animé  par  ces  prêtres  pilla  les 
maifons  des  Sénateurs  :  les  Juifs  qui  n'y  avoient  nulle  part  n'y  fu- 
rent pas  épargnez.  On  s'empara  du  collège  de  Charles  IV.  &  des 
autres  Collèges  &  on  emmena  prifonniers  les  moines  comme 
hs  inftigateurs  du  fupplice  de  Jean  de  Prémontré  qu'ils  regardoient 
comme  un  apoflat.  On  brûla  la  bibliothèque  du  Collège  qui  paf- 
fok  pour  fort  riche.  Cinq  des  principaux  de  la  vieille  Ville  & 
&  deux  de  la  nouvelle  Ville  furent  exécutez  à  mort ,  parce  qu'ils 
avoient  été  ennemis  de  Jean.  On  prétend  que  J.tcoèel  fit  porter 
pendant  15.  jours  dans  les  rues  les  têtes  du  Moine  de  de  fes  com- 
pagnons ,  expofées  en  pompe  fur  une  bière  ,  &  qu'ils  chantoient 
avec  la  foule  l'hymne  qu'on  chante  à  la  mémoire  des  martyrs., 
Jfti  funtfantti  qui  ,&c.  Je  n'examine  point  ici  quelle  étoit  la  dociri- 
rte  de  Je 'an  de  Prémontré.  Je  fuppofe  même  que  ce  fut  l'Evangile 
tout  pur  5  mais  je  ne  fçai  fi  un  homme  auffi  violent ,  auffi  feditieux 
v&  auiîi  perfide  qu'on  reprefente  ce  moine ,  peut  être  mis  au  rang 
fk)p-4P-*0-  ^es  marcyrs,  comme  l'a  fait  l'auteur  de  Yhifloire  des  ferfécutions 
des  Eglifes  de  Bohème  (-b).  Cet  auteur  ajoute  que  les  corps  de  ces 

(  1  )  /Entas  Sylv.  Hijl.  Bob.  dit  pourtant  qu'il  y  fut  mandé. 

(  2  )  Ce  revit  eft  de  Theobald  ;  mais  JEncto  Sylv.  ne  parle  ni  de  Jacobel  ni  de  Picards  dans 
cette  aûion  qu'U  attribue  à  des  femmes,  ubifufr.  Xheob.  cap.  52.  p.  .107. 

décapitez 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.   IJT.    177 

décapicez  furent  enfevelis  folemnellement  dans  une  Eglife ,  &c 
qu'un  prédicaceur  qui  n'eft  pas  nommé  ,  fit  leur  oraifon  funèbre 
iur  ces  paroles:  Des  hommes  peux  cnfcvclirent  Etienne.  AcSt.  VIII. 
z.  ôc  qu'il  exhorta  le  peuple  après  le  fermon  à  perfeverer  dans  la 
do&rine  que  ce  fidèle  maître  iuiavoit  enfeignée  pendant  que  lui 
&.  tout  le  peuple  fôndoic  en  larmes.  Quand  je  confidere  tout  ce- 
ci, j'ai  du  penchant  à  foupçonner  que  Tbecbalds'en  eft  trop  lé- 
gèrement rapporté  aux  auteurs  anti-Huiîites ,  comme  Jtïaysc  &c 
JEneas  Sylvius ,  &  que  Jean  de  Prêmontrè  n'étoit  pas  fi  médiane 
qu'on  le  fait.  C'eft  de  quoi  je  laille  le  jugement  au  lecteur. 

X.  Balbin  attribue  au  même  Jean  de  Prêmontrè  la  deftru&ion    Manaftérea 
de  plu  fleurs  monafteres ,  comme  celui  desreligieufes  de  Prêmontrè  nnftigation 
à  Doxan  (1).   Il  y  eut  dans  ce  même  diftrid  plufieurs  monafteres  àePrénu»- 
pillez  &  brûlez.  Quelques  Religieux  fe  fauverent  dans  les  bois  j  trs' 
mais  ayant  voulu  rentrer  dans  leurs  couvents  quelques  années 
après,  ils  eurent  le  même  fort  que  les  autres.  Plufieurs  tant  prê- 
tres qu'autres  Catholiques  s'étoient  retirez  dans  une  ville  appel- 

l.ée Bilin{z).  Ceux  de  Prague  s'emparèrent  d'abord  de  ïa  ville; 
la  garnifon  s'étoit  retirée  dans  le  château  avec  ce  qu'il  y  avoit  de 
prêtresj  mais  ayant  été  pris  par  trahifon,  il  y  eut  une  grande  quan- 
tité de  gentilshommes  &  de  prêtres  brûlez. 

XI.  Ce  ne  fut  pas  la  même  chofe  à  Prix  (3  )  où  il  y  avoit  une  L-s  Taborf* 
forterefîe.  I/Eiec)eur  Frfderic de  Saxe  &  le  Duc  de  Mtfnie  à  qui  deVaaPt°Bdk! 
appartenoit  cette  ville,  vinrent  à  fon  fecours  avec  quelques  Sei- 
gneurs de  Bohême,  6c en  chaiferent  les  Taborites  avec  perte  de 

2000.  hommes  (a).  Us  avoient  commencé  l'attaque  de  cette  ville    (aj  Merian, 
parle  monaftere  des  religieufes  de  l'Ordre  des  Frères  Pénitens  de  T'fw-  lhh- 
Marie  Mayielaine{\).  Sept  de  ces  Religieufes  s'étoient  fauvées  a 
dans  les  bois  voifins  ;  mais  n'y  pouvant  fubfifter ,  elles  retournè- 
rent dans  leur  couvent.  Elles  y  furenc  cruellement  mallacrées  aux 
pieds  de  l'autel.  L'hiftoire  dit  que  la  terre  trembla  à  ce  maflacre , 
que  la  ftatuë  de  la  Vierge  Marie  détourna  la  tête,  &  que  l'enfant 
jefus  qu'elle  portoit  lui  mit  le  doigt  fur  la  bouche  (b).  (MB*tf  wc- 

Si  ce  miracle  trouve  des  incrédules  3  au  moins  feront-ils  bien-  cdi.  Dccad. 
aifes  de  voir  là-defïus  les  vers  de  Pontanus ,  car  ils  font  beaux.         lv**'  x  c ■• 

(1)  Petite  ville  furTEgre  dans  le  diftrid  de  Slcin. 

.(2)  C'eft  une  des  plus  anciennes  villes  de  la  Bohême  dans  le  d.ftr.'d  de  Leut»urit%. 

(3  )  Ou  Brux  ville  royale  dans  le  diftrid  de  Leutmeritx.. 

^4)  Voyez  l'inftitutiou  de  ce  mouaftere ,  Balb.  Epitom.  rer.  Bohem.  p.  4^2 . 

Tom.  Io  Z 


* 

17*       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

lAn,  Mi  (  Hîeretici  )  ira  moti claujïrum  Vefialibus  aptum 

Jnvadunt  :  medio  templi  feptem  ordine facras 

Ji  filvaque  domum  reduces ,  quo  exegerat  ingens 

Ante  timor ,  revocarat  amor  claufirique  bonique 

Afartyrii ,  lettas  dextris  adfidera  vertas. 

JHLeu  mi  fer  è  maïtant  partim  cervice  recisà  ; 

Partim  tranfatio  tenera  in  prœcordiaferro 

Spmnantes  halant  animas  3  &  labra  fatigant 

Ultimafurreîiis  adfidera  vultibus  amne 

Sanguinis  irriguo  :  fcelere  hoc  terra  ipfa  tremifcit: 

Santta  JDei  Genitrix ,  hune  declinantis  ad  infiar 

iHuni ,  fe  fletfit ,  l<eva  digitum  ingerit  ori 

JWaterno  puer  ipfefinu  geftatus  Je  Jus , 

fi) lîtftë.Epit.  Ut  monimenta  docent  &  tefles  Numinis  ara  (a), 

j.  448.44p. 

Digreffion  XII.  Balbin  témoigne  qu'il  n'a  rien  trouvé  dans  les  Auteurs 
lavv.  e  "  touchant  le  fort  de  la  ville  de  Boleflavv(i)  dans  ces  violentes  con- 
jonctures. Il  la  repréfente comme  une  ville  très-catholique  5c mê- 
me iacerdotale,  au  moins  toute  pleine  deprêcres.  Etant  comme 
elle  l'étoit  environnée  de  Taborites ,  il  étoit  furpris  de  ne  trouver 
nulle-part  qu'elle  eût  été  prife  &  pillée  par  eux ,  comme  les  autres 
villes ,  d'autant  plus  qu'elle  avoit  depuis  peu  reçu  Sigifmond.  Enfin, 
après  bien  des  recherches  il  a  trouvé  dans  un  manuferit  ,  que  Bo- 
Icflavv  s'étoit  rendue  fous  certaines  conditions  à  ceux  de  Prague , 
qui  n'en  uferent  pas  avec  tant  d'inhumanité  qu'ailleurs ,  tant  par 
cette  raifon ,  qu'en  mémoire  de  St.  Wenceflas  fon  fondateur ,  dont 
ils  confervoient  encore  le  culte,  6c  dont  ils  avoient  épargné  le  tem- 
ple à  Prague.  Il  y  avoit  dans  ftoleflaw  une  Eglife  collégiale  de  Cha- 
noines réguliers,  dont  on  remarque  avec  éloge  qu'aucun  d'eux  ne 
changea  de  religion ,  quoique  plufîeurs  prêtres  l'eufîent  fait ,  foit 
par  crainte ,  ou  par  intérêt,  foie  par  perfuafîon.  Mais  s'ils  épargnè- 
rent Boleflaw ,  il  n'en  fut  pas  de  même  d'une  forterefle  voiiine  ap- 
partenante à  un  Seigneur  (2)  à  qui  ils  en  vouloient  pour  plus  d'une 
raifon  ,  fur  tout  parce  qu'il  étoit  zélé  Catholique,  6c  bon  Impé- 
rialiste. Quelques  années  auparavant  ce  Seigneur  fprt  dans  les  in- 
térêts du  Roi  3  avoit  mis  en  fuite  Nicolas  de  Huffirptz^  6c  d'autres 
chefs  des  Taborites  dans  un  endroit  appelle  Sudomir.  En  une  autre 
occafion  il  avoit  fait  un  grand  carnage  de  Taborites  à  Prague ,  en 

(1)  Capitale  du  diftrittdece  nom.  Elle  fut  fondée  en  03  7.  par  St.  Wencefcts. 

(z)  "Jean  de  Mkbalcvitx. ,  ou  de  Muhelsberg.  Cette  fortereilc  s'appelloitLi».' ,  ou  lait/en, 


Czaslayv. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.   MT.     179 
t>aflanc  à  gué  la  Moldave  avec  fes  croupes  par  un  lieu  qui  lui  étoic     iah. 
connu.  La  forterefle  fut  emportée  après  crois  jours  de  réfiftance. 
Pour  s'en  venger,  Michalovitz^aWa.  accaquer  vigoureufemenc  la 
vieille  ville  de  Boleflaw  j  mais  il  fuc  repoufle  par  ceux  de  Prague 
qui  vinrenc  au  fecours  de  la  place  (a),  ziska  ayanc  à  plufieurs  fois  (a)B*/*.Epît. 
inucilemenc  cencé  de  s'emparer  d'une  Commanderie  de  Cheva-P-4J°« 
liersdeMalthe ,,  qui  fuc  vigoureufemenc  défendue  par  la  valeur 
de  Henri  de  M  ai  [on- Neuve  Grand  Prieur  des  Chevaliers  Teuto- 
niques ,  s'alla  rabaccre  fur  les  villes,  les  châteaux  &  les  monafleres 
du  voifînage.  Il  détruifit&  brûla  entr'autres  un  monaitere  de  Re- 
ligieufes  à  HorafdovvitzJ^  1  ). 

XIII.  Ce  fuc  au  commencement  du  mois  de  Juillet  de  cetee  an-     Dicte  de 
née  que  ceux  de  Prague  enflez  de  leurs  vidoires,  aiïemblerent  une 
diète  de  tous  les  Etats  de  Bohême  à  Czaflaw  capitale  du  diftrid  de 
ce  nom  (2).  Ils  écrivirent  en  même  temps  à  ceux  de  Moravie  pour 
leur  demander  deux  chofes.  La  première ,  de  ne  porter  plus  les  ar- 
mes contre  le  royaume  de  Bohême,  comme  ils avoienr  faic, mena- 
çant que  s'ils  concinuoient,  ils  iroient  mettre  tout  à  feu  &  â  fang 
chez  eux.  La  féconde ,  d'envoyer  inceflamment  leurs  députez  à  la 
diète.  Ils  y  envoyèrent  en  effet,  quoiqu'un  peu  tard ,  une  ambaf- 
fade  compofée  de  plufieurs  gentilshommes  de  la  province.  On  mie 
d'abord  fur  le  tapis  les  quatre  articles  dont  tous  les  Bohémiens 
étoient  convenus ,  fans  en  excepter  même  la  nobleile  Catholique , 
dont  la  plus  grande  partie  chanecloit  entre  l'Empereur  6c  les  Bo- 
hémiens. Mais  à  ces  quatre  articles  ils  en  ajoutèrent  un  cinquième, 
qui  ctoit  d'abandonner  S igifmond,&  denereconnoître  pour  Roi 
que  celui  qu'ils  éliroient.  La  réponfe  des  Moraves  fuc ,  que  pour 
les  quacre  articles  ils  s'y  rangeroienc  aifémenc  -y  mais  qu'ils  ne  pou- 
voienc  accepter  le  cinquième  avec  honneur ,  avant  que  d'être  dé- 
gagez du  ferment  qu'ils  avoient  prêté  à  Sipfmond.  Cependant , 
pour  ne  pas  rompre  tout-à-fait,  ils  demandèrent  du  temps  pour 
en  délibérer  avec  les  Etats  de  Moravie.  A  l'égard  de  l'archevê- 
que Conrad  qui  étoit  préfent  à  cette  diète,  comme  il  penchoic 
pour  le  Huffitifme ,  il  ne  fie  nulle  difficulté  de  recevoir  les  quatre 
articles.  C'eft  depuis  ce  temps-là  qu'on  marque  fa  rupture  ouverte 
avec  le  déçe  de  Rome.  Le  manuferit  de  Breflaw  le  met  à  la  tête 
des  Seigneurs  de  la  diète ,  au  lieu  que  Theobald  y  met  le  Seigneur 

f\  )  Cette  V^Ilccfl:  connue  par  la  mort  de  Rodolphe  roi  de  Bohême  qui  y  mourut  en  1307. 
pour  avoir  mange'  trop  de  melons.  Gérard  Roo  hift.  Auftr.  L.  II.  p.  6%.  Balù.  Epit.  p.  3  \6. 

(z)  Le  marinier. t  de  Breflaw  nomme  les  principaux  Seigneurs  de  Bohême  qui  s'y  trouvè- 
rent ,  &  met  à  leur  tête  l'archevêque  Qamcid. 

Zij 


le. 


ïSo  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
£411.  Vlric  de  Rofembcrg ,  fans  donner  aucun  rang  à  Conrad.  On  ne  dis 
pas  ce  qu'il  penfoit  fur  le  cinquième  article.  Enfuice  les  villes,  fur 
tout  ceux  de  Prague,  infiftérent  à  élire  pour  roi  Sigifmond  Cori- 
but 3  fils  d'Alexandre  Withoud  Grand  Duc  de  Lithuaniefi).  Les 
Grands ,  après  quelques  difficultez ,  fe  rendirent  enfin  à  cet  avis , 
&  on  nomma  douze  d'entre  eux  pourl'ambafiade  de  Lithuanie, 
Voici  quel  fut  le  réfultat  de  la  diète. 
Rc^iutîon      „  XIV.  Nous  Ulric  de  Rosemberg  ,  &c.  Sçavoir  fai- 

tic  cette  eue-      f  '   r  %  r  <  ^  .  .     ■* 

«Ions  ce  qui  fuit  par  ce  prefent  écrit.  Confiderant  les  malheurs 
«extrêmes,  les  (éditions ,  les  incendies,  l'oppreiïion  générale 
«  dont  le  royaume  de  Bohême  eft  affligé  depuis  long-temps  à  loc- 
»  canon  des  véritez  révélées  dans  l'Ecriture  fainte,  &  voulant, 
»  autant  qu'en  nous  eft,  apporter  du  remède  à  ces  maux,  appai- 
»  fer  ces  troubles ,  de  remettre  fur  un  bon  pied  le  Royaume ,  com- 
-  me  notre  devoir  nous  y  engage  5  avons  reçu  unanimement  dans 
»  cette  diète  générale  les  articles  fuivans,  réfolus  de  lesfoutenir 
*>&  de  les  défendre  envers  &.  contre  tous,  à  moins  que  peut-être 
»  on  ne  nous  enfeigne  mieux  par  l'Ecriture  fainte  5  ce  que  les  doc- 
teurs &  les  prêtres  de  l'Académie  de  Prague  n'ont  encore  pu 
»  faire. 

1 .  Que  la  parole  de  Dieu  foit  annoncée  par  tout  librement  par  les 
-prêtres  chrétiens  dans  le  royaume  de  Bohème  &  dans  le  marquifat  de 
Moravie. 

2.  Que  le  vénérable  facrement  du  corps  &  du  fang  deJcfus-Chrifi 
foitadminifîré  fous  les  deux  efpeces  aux  adultes  &  aux  jeunes  gens, 
a  in  fi  que  jcfus-Chnfl  t'a  infiituè. 

3 .  Quonbte  aux  prêtres  &  aux  moines ,  dont  plufieurs  s'inqjrcnt 
dans  le  gouvernement  de  la  République  ,  les  biens  temporels  qu'ils  po[ 
fedent  en  grande  quantité  ,  &  qui  les  détournent  de  l'office  facerdotal, 
é*  qu'on  nous  les  reftitue  yafin  que  félon  la  dottrine  de  l' Evangile  & 
la  pratique  des  Apbtres  ,  nous  étant  fournis ,  &  vivant  dans  la  pau~ 
vreté ,  ils  [oient  aux  autres  en  exemple  d'humilité. 

4.  Que  tous  les  feche^  publics  qu'on  appelle  mortels ,  &  tous  les 
autres  déreglemens  contraires  à  la  loi  de  Dieu  3  [oient  réprime^  félon 
les  loix  &  d'une  manière  convenable  dans  t  eut  es  fortes  de  perfonnes , 
par  ceux  qui  en  ont  la  charge  3  afin  d'effacer  dans  le  royaume  de  Bo^ 

(i)Lemanufcritde  Breflavv  ne  parle  point  de  Coribnt  ;  mais  feulement  de  Ladif  as  roi 
de  Pologne,  ^d'Alexandre  JVirthoud  fon  frère.  Ce  même  manuferit  ajoute  qu'il  fut  réfolu  à 
la  Dicte  qu'elle  ne  feroit  point  au  préjudice  du  choix  qu'on  a  voit  fait  du  roi  de  Pologne,  ou 
de  i un  frère. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  IJT.  181 

hemc  &  dans  le  marquifat  de  Moravie  3  la  mauvaife  réputation  oà  ils     ja%j 
font,  de  tolérer  le  de  [ordre  (i  ). 

*>  5 .  Que  de  notre  vie ,  à  moins  que  Dieu  par  quelque  fatalité 
3d  fecrete  ne  femble  le  vouloir  ainfl,  nous  ne  recevrons  pour  no- 
»tre  Roi  Sigifmond,  parce  que  par  les  confeils  de  fes  adhérens 
»  ii  nous  a  trompez  3  qu'il  a  fait  mille  maux  à  la  Bohême  par  fes 
«cruautez,  &  qu'il  s'eft  rendu  indigne  delà  fucceflion  au  Royau. 
»  me  ,  Se  de  l'héritage  qui  lui  venoit  de  droit.  Telle  a  été  la  ré- 
«folution  unanime  des  députez  de  Prague,  des  citoyens  de  Ta- 
»  bor  y  de  toute  la  Noblefle  dQs  villes  &  des  autres  communautez 
»  qui  ont  reçu  les  quatre  articles  ci-defïus  mentionnez  -y  parce  que 
»ce  Roi  méprife  ouvertement  les  véritez  révélées  dans  l'Ecritu- 
»rQ3dc  qu'il  ne  tend  qu'à  perdre  le  Royaume.  Que  fi  quelques 
»  Seigneurs ,  Gentilshommes  ou  Villes  fe  détachent  de  nous  pour 
»  adhérer  audit  Roi ,  ou  le  ravoriler ,  après  en  avoir  ete  convain- 
»  eus  par  des  témoignages  fuffîfans ,  &  avertis  ,,.ils  fubiront  les  pei- 
»  nés  marquées  ei-dejffous, 

»  6.  D'un  confentement  général  nous  avons  élu  vingt  perfonnes 
»  graves  ôc  intégres,  pour  adminiftrer  le  Royaume  fendant  la  va- 
»  cance ,  ( quatre  Confuls  des  villes  de  Prague ,  cinq  d'entre  les  Sei- 
«gneurs,  ièpt  d'entre  les  Gentilshommes,  à  la  tête  defquels  eft 
Ziska,  &  cinq  autres ,  on  ne  dit  pas  de  quel  ordre  )  (2  ). 

»  Nous  leur  donnons  plein  pouvoir  3  comme  aux  Régens,  de 
»  gouverner  le  pais  y  &  d'y  entretenir  l'ordre  &  la  tranquilité.Touc 
»  ce  qu'ils  réfoudront  &  nous  ordonneront  d'une  commune  voix , 
»  fur  tout  pour  le  bien  du  Royaume ,  nous  l'exécuterons  de  bon- 
»  ne  foi  fans  balancer  &  fans  biaifer.  S'il  y  a  quelqu'un  qui  y  con- 
trevienne ^  ils  ont  le  pouvoir  de  l'y  contraindre,  &  nous  les  ap- 
«puieronsen  cela  de  toutes  nos  forces.  Quelque  part  qu'ils  nous 
»  commandent  démarcher ,  nous  irons }  à  moins  qu'il  n'y  ait  quei- 
»  que  obffcacle  invincible.  En  tout  cas  nous  fournirons  nos  troupes 
«auxiliaires  :  fi  quelqu'un  des  Régens  déplaît  aux  autres ,  ou  aux 
»»  villes  de  fa  direction ,  on  en  fubfticuera  un  autre.  Quand  il  y  aura 
«  quelque  cas  grave  &  difficile  que  les  Régens  ne  pourront  pas  dé- 
»  cider ,  ils  s'aiTocieront  deux  prêtres ,  &.  fur  tout  Maître  Jean  de 
»  przj,bram ,  pour  les  afîîlter  de  leurs  confeils  :  lefdits  Régens  ne 
»  pourront  exercer  le  pouvoir  que  nous  leur  donnons ,  que  jufqu'à. 
» la  faint  Wenceflas  (a).  Que  fi  pendant  ce  temps-là  la  Providence  ,faJ  te*fc 

J  ^  *  1  de  Septera» 

(1)  Ce  font  là  les  4. articles  dont  on  a  fouvent  parle, &  qui  furent  agitez  au  Concile  de  Balle.    1C* 
{z\  Ils  font  nommez  dans  Ibeobatd* 

Ziij 


H*1 


Dicte. 


181  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

»  nous  donne  un  Roi ,  chacun  rentrera  dans  Ton  ordre  &  dans  Ton 
»  rang,  &  jouira  de  les  privilèges.  Cependant  les  quatre  articles 
»  feront  maintenus  dans  leur  force  &  teneur ,  à  moins  que  d'un 
»  confentement  général  on  ne  fafle  quelqu'autre  convention.  La 
»  peine  des  contrevenans  fera  la  confiscation  de  leurs  biens,  l'exil 
(,}TW;.oap.  „  &  l'infamie  (a). 

Lrttredc  Si-      XV.  Dbs  que  Sigifmond  eut  eu  avis  de  cette  diète,  il  envoya 
gifmoni*U   des  ambafladeurs  (  i  )  avec  des  lettres  de  créance.  Ayant  été  ad- 
mis à  l'audience  avec  beaucoup  de  peine ,  ils  s'étendirent  d'abord 
avec  profufion  fur  les  louanges  de  l'Empereur.  Mais  Vlric  de  Ro- 
femberg  préfident  de  la  diète,  à  qui  ce  début  ne  plaifoit  pas , in- 
terrompit l'orateur  pour  lui  demander  Ces  lettres  de  créance  de  Si- 
vifmond.  Elles  étoient  conçues  en  ces  termes.  «Sigismond  Em- 
>  pereur  des  Romains  >roi  de  Hongrie ,  de  Bohème ,  de  Dalmatie ,  de 
Croatie ,  &c.  A  tous  les  Seigneurs ,  Chevaliers ,  Gentilshommes ,  a. 
toutes  les  Villes ,  &  à  tous  les  habitans  de  Bohème.  Nous  vous  fai- 
fons  fçavoir  qu'ayant  appris  qu'il  fe  tient  une  diète  en  Bohême, 
nous  y  envoyons  deux  de  nos  confeillers  &  fidèles  miniftres, 
pour  vous  inffcruire  de  nos  intentions.  Elles  ont  toujours  été, 
&  feront  encore  à  l'avenir ,  que  le  pais  foit  gouverné  par  de  bon- 
nes loix ,  &  que  vous  entreteniez  l'ordre  &  la  tranquilité  -,  fur 
tout  que  vous  preniez  notre  parti  contre  ceux  qui ,  pour  des  om« 
brages  &;  des  aceufations  fans  fondement ,  nous  dépouillent  de 
notre  droit  héréditaire ,  comme  vous  y  êtes  obligez  envers  votre 
Souverain.  Dieu  nous  eft  témoin  combien  nous  avons  de  dou- 
leur de  voir  la  Bohême  en  proie  à  tant  de  maux.  C'eft  pour- 
quoi nous  avons  toujours  différé  &  nous  différons  de  défendre 
nos  droits  far  aucune  hoflilitè ,  parce  que  nous  ne  voudrions  pas 
donner  occafion  à  des  étrangers  de  venir  ruiner  le  Royaume. 
Quant  aux  quatre  articles  pour  lesquels  vous  nous  avez  fouvent 
follicité,  demandant  d'être  ouïs  là-deffus,  nous  vous  l'avons 
toujours  accordé ,  &  même  nous  vous  déclarons  que  chacun 
peut  demeurer  en  pofîeflion  de  ce  dont  il  jouit ,  félon  Dieu , 
Ôc  félon  la  juftjce& l'équité,  en  forte  que  chacun  demeurant  à 
couvert  de  toute  oppreffion ,  nous  puiffions  vivre  enfemble  tran^ 
quillement.  Que  s'il  femble  à  quelques-uns  que  nous  avons  été 
la  caufe  de  quelque  confufîon  dans  le  pais ,  ce  que  certainement 
nous  ne  croyons  pas,  nous  y  apporterons  du  remède  avec  plaifir, 
nous  remettrons  Içs  chofes  dans  l'ordre ,  &  nous  recevrons  les 

(  i)  Ahfch  de  Stemberg  &  Puta  de  Cx.eJltvvitH,. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  IX.     18$ 
»  avis  qu'on  nous  donnera ,  afin  d'éloigner  de  nous  ce  blâme.Vous     tA.lt  ^ 
«  fçavez  cous  outre  cela ,  que  même  du  vivant  de  notre  très-cher 
«frère  Wenccflas  d'heureufe  mémoire,  nous  avons  toujours  été 

*  prêts  à  marquer  nos  bonnes  intentions  pour  le  pais ,  6c  que  nous 
»  avons  etfuyé  beaucoup  de  travaux  &  fait  beaucoup  de  dépenfes , 
»  afin  que  chacun  pût  vivre  en  liberté  félon  fes  loix  (k  privilèges , 
»  comme  à  l'ordinaire.  Que  s'il  fe  trouve  des  gens  qui  ne  veulent. 
»  pas  accepter  les  offres  que  vous  avez  toujours  déftrées  vous- 
»  mêmes ,  &  qui  entreprennent  d'expofer  le  pais  à  une  entière 
«defolation,  6c  de  nous  exclure  contre  tout  droit  &  équité  de 
»  notre  Royaume  héréditaire  ,  nous  fommes  réfolus  de  ne  le  plus 

*  fouffrir  :  nous  implorerons  le  fecours  de  nos  amis  &  de  nos  voi- 
»  fins ,  &  nous  nous  employerons  avec  vigueur  à  remédier  à  ces 
»  defordres  généraux  ,  6c  à  nous  maintenir  dans  notre  droit,quand 
»  même  nous  fçaurions  que  cela  ne  fe  pourroit  faire  fans  que  vous 
"en  fouffrifîîez  des  pertes  irréparables  pour  vous  6c  pour  votre 
»  poftérité  ,  6c  fans  un  deshonneur  qui  vous  expoferort  aux  raille- 
ries mordantes  du  public.  C'eft  ce  que  vous  expliqueront  nos 
»  ambafîadeurs ,  aufïi  -  bien  que  le  refte  de  nos  intentions  5  6c  vous 

»  leur  donnerez  à  tous  deux ,  ou  à  l'un  d'entr'eux  ,  la  même  créan-  (a)  lUot.  p, 
»  ce  qu'à  nous  mêmes  (a).  pp.  100. 

XVI.   Les  Bohémiens  répondirent  à  cette  lettre  en  ces  termes.  Réponfe  des 

*  Très-illuirre  Prince 6c  Roi,  puifque  Votre  Augufte  Majefté  nous  \ffr^^ * 
•y  promet  par  fes  lettres ,  que  fi  elle  a  été  la  caufe  de  quelque  trou- 

»  ble  6c  de  quelque  confufion  en  Bohême ,  elle  eft  difpofée  à  y  re- 
»  médier  ^  voici  les  griefs  que  nous  avons  à  vous  propofer.  1  .Vous 
^avez  permis,  au  grand  deshonneur  de  notre  patrie,  qu'on  brû- 
>-  lât  maître  Jean  Hus  qui  étoit  allé  à  Confiance  avec  un  fauf-con- 
»duic  que  vous  lui  aviez  donné.   2.  Tous  les  hérétiques  qui  s'é- 

*  loignoient  de  la  foi  Chrétienne ,  ont  eu  la  liberté  de  parler  au 
»  Concile  de  Confiance  :  il  n'y  a  eu  que  nos  excellens  hommes 
"  à  qui  on  l'a  refufée.  Outre  cela,  pour  y  aggraver  encore  l'a£ 
»  front  fait  à  la  nation  Bohémienne ,  vous  avez  fait  brûler  maître 
»  Jérôme  de  Prague  homme  de  mérite,  qui  étoit  allé  à  peu  près 
«de  même  fous  la  foi  publique  ( fub  fîmili  fide ,  pari  fide  public a.) 
»  3 .  Dans  le  même  Concile  Votre  Majefté  a  fait  proferire ,  frap- 
»  per  d'anathême  bc  excommunier  la  Bohême  par  une  Bulle  d'ex- 
«communication  que  le  Pape  a  lancée  contre  les  Bohémiens 6c 
»  leurs  prêtres ,  ou  plutôt  leurs  prédicateurs  ,  pour  les  extirper 
->  tous  jufques  à  la  racine.  4,  Vous  avez  fait  publier  certe  Bulle  à 


i§4     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

2421.  »  BreflaWj  à  la  honte  de  la  Bohême,  6c  à  la  ruine  de  tour  le  royali- 
sme. 5.  Par  cette  publication,  Votre  Majefté  a  excité  &  ameuté 
«  contre  nous  tous  Iqs  païs  circonvoiiins ,  comme  contre  des  hé- 
»  rétiques  publics.  6.  Ces  Princes  étrangers  que  Votre  Majefté 
»a  détachez  contre  nous,  ont  mis  la  Bohême  à  feu  &  à  fano-, 
*  fans  épargner  ni  âge,  ni  fexc,  ni  condition,  8c  fans  diftin&ion 
»  du  féculier  6c  du  religieux.  7.  Vous  avez  fait  tirer  par  des  che- 
»  vaux  6c  brûler  à  Breilaw  un  de  nos  citoyens  nommé  JcanCrafa, 
«parce  qu'il  approuvoit  la  Communion  fous  \gs  deux  efpéces. 
»  8.  Vous  avez  fait  trancher  la  tête  à  quelques  citoyens  de  Bres- 
»law  pour  une  faute  qu'à  l'a  vérité  ils  avoient  commife  envers 
"Wencejlas ,  mais  qui  avoit  été  pardonnée  -y  6c  vous  avez  envoyé 
»  les  autres  en  exil.  9.  Votre  Majefté  a  aliéné  le  duché  de  Brabant 
»{i)  que  Charles  IV.  avoit  acquis  par  de  grands  travaux,  Hercu- 
y»  leis  laboribus ,  à  grands  frais ,  6c  a  engagé  la  Marche  de  Bran- 
»  debourg  ïàns  le  confentement  du  Royaume  6c  des  Grands.  1  o. 
«Contre  fes  engagemens  ,  elle  a  fait  tranfporter  hors  du  Royau- 
«  me  la  couronne  de  Bohême,  fans  l'agrément  des  Grands,  de  la 
«nobleffe  6c  des  citoyens,  comme  pour  nous  expofer  au  mépris 
«  6c  aux  railleries  du  monde.  1 1 .  Elle  en  a  fait  de  même  des 
»  faintes  Reliques  de  l'Empire,  acquifes  aufîl  par  de  grands  tra- 
»  vaux  6c  avec  beaucoup  de  dépenles  par  le  même  Prince ,  6c  qui 
«faifoient  tant  d'honneur  au  Royaume.  1  2.  Outre  cela,  Elle  a 
«fait  emporter  de  l'Eglife  de  Carleftein  divers  joyaux  ramaftez 
«par  nos  ancêtres  avec  grand  foin  6c  dépenfes,  auffi  -  bien  que 
*>  d'autres  monafteres  où  il  y  en  avoit  de  cachez.  1  3.  Elle  a  en- 
« corexaliené  tout  de  même,  contre  nos  droits  6c  coutumes,  la 
*>  menfe  (i)de  la  Province  ou  du  Royaume ,  6c  l'argent  qui  y  étoit 
»  gardé  pour  l'entretien  des  veuves,  des  orphelins ,  ôc  de  quan- 
tité de  gens  de  bien.  14.  En  un  mot  Votre  Majefté  a  violé  6c 
»  enlevé  tous  nos  droits  6c  nos  privilèges,  tant  en  Bohême  qu'en 
«  Moravie ,  6c  par  ces  raifons  elle  eft  la  caufe  des  confusions  de 
»  la  Bohême.  Ainlî  nous  prions  Votre  Majefté,  1.  de  nous  refti- 
»  tuer  toutes  ces  chofes ,  6c  d'ôter  cet  opprobre  de  deflus  la  Bo- 
«phême  6c  la  Moravie.  2.  De  rendre  au  Royaume  les  trois  Pro- 

(r)  On  voit  ailleurs  des  plaintes  des  Bohémiens  fur  l'aliénation  de  la  Luface  pour  la  donner  à 
l'Electeur  de  Brandebourg,  à  condition  de  leur  faire  la  guerre,  fansqu'ily  foit  parlé  du  Bra- 
dant. 

(x)  Menfe ,  Menfa ,  Table.  C'eft  un  terme  d'Eglife  pour  dire  le  revenu  d'un  Evêché  >>u  d'une 
Abbaye.  La  menfc  royale  étoit  apparemment  un  treibr  public  deftinepar  les  Rois  de  Bohème 
u  des  aumônes» 

»  vinces 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  IX.  185 
évinces  qui  en  ont  été  détachées  à  ï'infçû  des  crois  Ordres  du  14.21, 
«Royaume.  3.  De  rcftituer  la  couronne  de  Bohême ,  les  chofes 
»  facrées  de  l'Empire ,  Imperii facra  (  1  ) ,  les  joyaux ,  la  menfe  roya- 
»  le,  les  lettres  publiques,  les  diplômes,  &  tout  ce  qui  a  été  enlevé 
»  à  Carleflein.  4.  D'empêcher  les  nations  voifines ,  &  fur  tout  cel- 
»  les  qui  font  corrrprifes  dans  la  Bohême  (1),  de  nous  troubler  6c 
»  de  répandre  notre  fang.  5 .  Nous  prions  auffi  Votre  Majefté  de 
»  nous  faire  fçavoir  fa  réfolution  claire  &  nette  furies  quatre  ar- 
»  ticles(3)  ,dont  nous  fommesabiolumentréfolus  de  ne  nous  point 
»  départir ,  non  plus  que  de  nos  droits ,  constitutions ,  privilèges 
»  &  bonnes  coutumes ,  dont  le  Royaume  de  Bohême  &  la  Moravie 
»  ont  joui  fous  vosprédécefleurs. 

XVII.  L'Empereur  ne  tarda  pas  à  répondre  à  une  déclara-  Réplique  de 
cion  auffi  nette,  6c  auflî  vigoureufe.  Sa  réponferouloit  fur  ces  chefs,   £mPeceur- 
>i  1.  Qu'il  étoic  innocent  du  fupplice  de  Jean  Hus&cde  Jerbmcdc 
»  Prague  3  £c  des  troubles  arrivez  en  conféquence  ;  qu'il  avoit  pris 
»  en  main  au  Concile  la  défenfe  de  fon  frère  Wencefïas  &  du  royau- 
»  me  de  Bohême  ,  &  que  même  cette  intercelîion  lui  avoit  attiré 
»  des  chofes  fort  dures  à  digérer.  1.  Que  la  Bohême  en  elle-même 
»  n'avoit  âbé  ni  flétrie  ni  condamnée  5  mais  feulement  des  gens  qui 
»  après  avoir  honteufement  dillipé  leurs  biens,  s'étoient  jettez  fur 
»  les  monafteres  6c  fur  les  temples  confacrez  à  Dieu  ,  &  bâtis  avec 
«tant  de  peines  &  de  dépenfes ,  pillant,  tuant,  brûlant,  facca- 
»  géant  par  tout,  foulant  aux  pieds  les  chofes  faintes,,  6c  envelop- 
pant dans  ces  maiïàcres  6c  ces  incendies  indistinctement  toutes 
«iortes  de  gens,  religieux  ,  moines,  prêtres  ,  hommes  &  femmes, 
»  méchans  &  gens  de  bien  ,  avec  une  cruauté  £c  une  avidité  infa- 
»  tiable  de  fang  6c  de  butin.  3.  Que  c'étoient  cqs  fureurs  6c  ces  im- 
»  pietez  qui  avoient  attiré  contre  eux  les  Princes  voiilns,  6c  qu'ainfî 
»  c'étoit  à  ces  gens-là  qu'il  falloit  imputer  les  malheurs  de  la  Bo- 
»  hême.  Qu'il  n'y  avoit  nulle  apparence ,  6c  que  perfonne  ne  pour- 
voit croire,  qu'il  eût  voulu  défoler  ainfi  fon  Royaume  hérédi- 
»  taire  ,  dont  au  contraire  il  plaignoit  infiniment  le  fort.  4.  Qu'il 
»  n'avoit  enlevé  la  Couronne  6c  les  autres  chofes  facrées  que  pour 
«les  conferver  au  .Royaume,  &  empêcher  que  tout  cela  ne  fût 
*  détruit  èc  pillé  comme  le  rêfte.  Qu'à  l'égard  de  la  menfe  du 
»  royaume,  il  en  avoit  fait  enlever  les  tréfors  du  confentemenc 

(i)  Il  faut  entendre  pnr  là  les  Reliques  ,  les  vafes,  ciboires  &  autres  ornemens  d'Eglifc, 
(  2  )  LeBrabant ,  la  Lufacc,  le  Brandebourg  ,  la  Moravie ,  la  Silclie, 
(3)  Ils  font  répétez,. 

Tem.  /.  A  a 


tU       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

T42  1.  "  des  Grands,  qui  les  avoient  fait  tranfporter  ailleurs  munis  de 
»  leurs  féaux.  5 .  Qu'il  remettoit  à  Parbicrage  des  Princes  6c  des  Sei- 
»  gneurs  voifins  les  défordres  6c  les  troubles  dont  ils  prétendoienc 
»  qu'il  étoit  la  caufe ,  6c  ceux  dont  ils  l'étoient  eux-mêmes ,  afin 
«que  chacun  redreflât  le  mal  dont  on  jugeroit  qu'il  avoit  été  i'au- 
«teur.  6.  Quant  aux  quatre  articles  aufquelsiUetoient  /I  réfolus 
»  de  fe  tenir ,  il  répond  qu'il  n'a  jamais  tenu  à  lui  qu'on  n'en  fît  la 
»  difcuffion  j  mais  qu'avant  que  d'en  venir  là ,  ils  avoient  tout  mis  à 
«  feu  6c  à  fang  dans  fon  Royaume ,  6c  dans  le  leur.  7.  Qu'à  l'égard 
«de  leurs  droits  ôcde  leurs  privilèges,  fon  intention  n'a  jamais 
«été  d'en  enfreindre  aucun,  &  qu'il  eft  encore  difpofe  à  les  con- 
»Hrmer,  6c  même  à  les  augmenter. 

«  C'eft  pourquoi,  dit-il  pour  conclujton  de  fa  lettre ,  c'eft  à  vous 
«  de  bien  pefer  qui  c'eft  qui  a  violé  vos  droits.  Confiderez  les  let- 
»  très  par  lefquelles  vous  vous  êtes  obligez  les  uns  envers  les  au- 
»  très,  6c  vous  verrez  fi  c'eft  par  vous,  ou  par  d'autres  que  vos 
«droits  ont  été  enfraints  (1).  Nous  avons  appris  auffi  que  vous 
«avez  brifé  les  «Statues  de  pierre,  enlevé  celles  d'argent,  6c  brû- 
»  lé  celles  de  bois  dans  PEçlife  de  St.  Vit  de  la  forterefle  de  St. 
»  Wencejlas.  Certainement  je  ne  fçai  pas  Ci  c'eft  par  l^que  vous 
»  prétendez  confirmer  vos  privilèges  (  2  ).  Vous  voulez  encore  dé- 
«  truire  la  forterefle  même  que  vous  n'avez  point  bâtie,  avec  les 
»  belles  Eglifes  dédiées  à  l'honneur  de  Dieu  :  cJeft  pourquoi  nous 
«  vous  prions ,  au  nom  de  Dieu ,  de  ne  point  détruire  ni  laifler  dé- 
«  truire  ces  temples.  Vous  n'avez  déjaque  trop  deshonoré  ce  païs 
«en  détruifant  Wifrhade ,  cette  célèbre  réfidence  du  royaume, 
«  avec  le  temple  augufte  de  St.  Pierre  6c  de  St.  Paul ,  6c  quatorze 
»  belles  églifes  qui  dépendoient  de  cette  forterefle.  Que  fi  vous  dé- 
«truifez  l'autre,  vous  vous  attirerez  &  devant  Dieu  6c  auprès  de 
«tous les  Princes  voifins .,  une  confufion  Se  une  ignominie  érer- 
»  nelle.  Vous  les  animerez  contre  vous.  Dieu  lui-même  vous  les 
«  détachera  &  vous  livrera  à  la  honteufe  dérifion  de  tout  le  mon- 
«  de  6c  à  une  ruine  irréparable  j  car  vous  n'ignorez  pas  que  ce 
»  temple  eft  la  plus  grande  gloire  de  la  Couronne  de  Bohême. 
a»  Là  font  inhumez  St.  Wencejlas  Se  les  autres  Saints  nos  patrons  , 
«  aufli-bien  que  l'empereur  Charles  notre  feigneur  &  père  de  très- 

(i)Etant  héritier  légitime  du  Royaume,il  regardoit  comme  une  fédition  la  ligue  qu'ils  avoient 
faite  contre  lut. 

(xj  Ces  chofes  e'toient  à  la  Couronne ,  &  par  confluent  inviolables. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  IX..    187 
»heureufe&de  très-fainte  mémoire,  avec  quelques  autres  Rois     1411, 
«&  Princes (i)&c. 

XVIII.  Pendant  cette  diète  ,  une  armée  d'environ  20000  irruption d<* 
Siléfiens  lie  irruption  en  Bohême  aux  environs  des  villes  de  Na-  s'li[\cns  en 

1  -         Bohême. 

cod(z)  &de  Trautenau  (3  ) ,  &  de  Polit \(4) ,  ou  ils  commirent  de 
grands  défordres.  Mais  ayant  appris  que  ziska  venoit  pour  leur 
donner  la  chafle  ils  fe  retirèrent,  félon  Tbeobald.  Le  manuferit 
de  Brefîaw  entre  dans  un  grand  détail.  Il  dit  que  ces  Siléfiens  maf- 
facrerent  un  grand  nombre  de  perfonnes  de  l'un  &  de  l'autre  fexe , 
qu'ils  epupérent  les  pieds ,  les  mains ,  ôc  le  nez  à  plufieurs  enfans. 
Il  ajoute  qua  cette  nouvelle ,  il  fut  conclu  que  tous  les  Seigneurs 
avec  leurs  troupes,  les  païfans  du  voifinage  &  la  communauté 
de  Graditz,  iroient  fondre  fur  les  Siléfiens  ;  mais  qu'ils  ne  les  at- 
tendirent pas.  Cependant  ces  derniers  encore  au  voifinage  allar- 
mez  de  cet  armement,  écrivirent  aux  barons  de  Bohême,  qu'ils 
étoient  difpofez  à  entrer  encompofition  ^c'efl:  ce  qui  obligea  le 
Seigneur  Cz^nko  de  Wurtemberg  à  commander  à  Ces  gens  de  ne  pas 
pouiïer  les  Siléfiens  ^  mais  un  certain  Ambroife  chef  6c  curé  de 
Graditz^ouleva.  tellement  le  peuple  contre  ce  commandement, 
que  les  Grands  auroient  été  aiîommez  par  les  paifans  avec  leurs 
fléaux  ferrez,  s'ils  ne  s'étoient  retirez.  En  même  temps  le  mê- 
me prêtre  Ambroife  fe  rendit  à  Prague  pour  aceufer  Czjnko  d'in- 
fidélité, puifqu'on  auroitpû  conquérir  toute  la  Siléfie.,  s'il  n'a- 
voit  pas  commandé  à  fes  troupes  de  ne  pointagir  j  mais  quelques 
Seigneurs  jufrifiérent  fa  conduire. 

XIX.  Ziska  cependant  chef  des  Taborites  (5)  pourfuivit  à  Supplice  des 
trance  la  fe&e  des  Picards  ,  faifant  brûler  tous  ceux  qui  ne  p,cards- 

vouloientpas  changer  defentiment.  Entre  ces  Picards  étôit  un 
prêtre  nommé  Martin  Loquis  ,  qui  avoit  été  arrêté  prifonnier 
par  un  Seigneur  nommé  Vlric  deVavac ,  &  enfuite  relâché  à  la 
prière  des  Taborites.  Ce  Prêtre ,  pour  échaper  dts  mains  de  ceux 

(  1  )  Le  manuferit  de  Breflavv  dit  que  dans  cette  diète  Conrad  indiqua  un  fynode  provincial 
»k  fe  pourrait  trouver  tout  le  Clergé  ami  ($  ennemi ,  tant  de  Moravie  que  de  Pologne ,  pour  traiter 
de  l'unité  de  i"Eglife  &  de  £  avancement  de  la  lot  de  Dieu.  Je  ne  trouve  point  les  attes  de  ce  Syno- 
de. Balbin  en  marque  un  aflemblé  à  Prague  par  Conrad  le  7.  Juillet  1 4.x  1 .  où  la  Communion 
fous  les  deux  cfpéces  fut  réfoluë  ;  le  domaine  féculier  ôté  aux  Ecclcfiaftiques  ,  &  la  jurifdic- 
tion  fur  le  Clergé  donnée  aux  4.  Seigneurs  nommez  fii-deSus.  Balti».  Epitom.ubi  fupr.  p. 
447.  448. 

(2)  Ville  Seigneuriale  fur  une  haute  montagne  dans  lediftriâ  de  Konigsgratz, 

(])  Dans  le  même  d'flriâ ,  c'étoit  la  patrie  de  Jean  Zisk*> 

{4)  Dans  le  même  diftrift. 

($  )  C'eft  aififi  qu'.l  eft  appelle  dans  le  manuferit  de  Breflavv,  ce  qui  femble  f-u're  voir  que 
Jcs  Taborites  étoient  des  gens  différents  des  Picards. 

Aaij 


ou 


iSS         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

de  Prague  ,  s'en  alla  en  Moravie  fa  patrie  ■  emmenant  avec  lui  un 
autre  prêtre  borgne  qui  étoit  de  fa  fe&e.  En  paflant  par  chrudim , 
le  Capitaine  de  la  ville  les  arrêta  &  les  rit  attacher  à  un  poteau. 
Pendant  qu'il  les  tenoitainfi  il  les  interrogea  fur  la  religion  ,leur 
demandant  entre  autres  chofes  ce  qu'ils  croyoient  fur  le  facre- 
ment  de  l'Euchariftie.  Martin  répondit  que  le  corps  de  Jefus- 
Chrift  étoit  dans  le  ciel ,  parce  qu'il  n'en  avoir  qu'un ,  &  qu'il  ne 
devoit  pas  y  avoir  plufieurs  hofties  fur  Pautel  (  i  ).  Le  capitaine  fut 
fi  irrité  de  cette  propofition  ,  qu'il  donna  un  grand  coup  de  poing 
à  Martin  &  l'auroit  fait  brûler ,  fi  le  prêtre  Ambroife  n'avoit  inter- 
cédé pour  lui.  Ces  prifonniers  ayant  été  remis  entre  les  mains 
à'Ambroife ,  il  les  emmena  liez  à  Gradit^,  ou  pendant  environ 
i  5  jours  ,  il  tâcha  de  les  ramener  à  {es  fentimens.  Mais  n'en  pou- 
vant venir  à  bout  il  les  conduifit  à  Raudnitz^  où  étoit  l'archevê- 
que Conrad^  qui  les  fit  mettre  dans  un  cachot ,  défendant  au  peu- 
ple de  les  vifiter,  de  peur  qu'il  n'en  fût  infecté  ,  comme  parle 
l'Auteur  du  manufcrit  de  Breflaw.  Conrad  acres  les  avoir  retenus 
près  de  huit  mois,  fans  rien  obtenir  fur  leurefprit,  les  envoya  à 
Prague  à  la  réquifition  de  Ziska  qui  vouloit  les  y  faire  brûler  pour 
l'exemple  }  mais  les  Confulsde  Prague  craignant  qu'il  n'arrivât 
quelque  fédition  dans  la  ville,  parce  que  Martin  y  avoit  beau- 
coup de  partifans,  envoyèrent  un  Conful  à  Raudnitz^avec  un 
bourreau  ,  afin  que  Conrad  punît  à  fon  gré  les  prifonniers.  Cet  Ar- 
chevêque leur  fit  donner  la  torture  pour  leur  faire  déclarer  leurs 
fentimens  &  pour  fçavoir  s'il  y  avoit  à  Prague  des  gens  de  leur  fec- 
te.  Ils  en  nommèrent  dans  les  tourmens  quelques-uns  qui  étoienc 
dans  leurs  fentimens  fur  l'Euchariftie  (2).  L'Archevêque  les  ex- 
hortant à  revenir  à  l'unité  de  l'Eglife  &  à  renoncer  à  leurs  erreurs: 
Ce  ne  fi  pas  nous ,  dirent-ils  en  fouriarit  ,  qui  fommes  fèduits ,  cefi 
vous  qui  trompez^  par  le  clergé  3  vous  vous  mettez^  à  genoux  devant  la 
créature ,  c'efl- à- dire  devant  le  pain  de  l'Euchariftie.  Enfin  ils  fu- 
rent conduits  au  fupplice  environnez  d'une  grande  foule  de  peu- 
ple. Comme  on  les  exhortoit  à  fe  recommander  à  fes  prières  : 
Cenefipas  nous ,  dirent- ils,  qui  avons  befoin  de  prières  '•>  que  ceux 
qui  en  ont  befoin  en  demandent.   Ils  furent  tous  deux  jettez  dans  un 

(i)  L'Auteur  du  manufcrit  de  Siléik  traite  cette  propofition  de  blafphéme.  Il  étoit  Ample- 
ment Calixtin. 

(2)  CVtoit  marchandée  fort  mêle'e  à  Prague.  Il  y  avoit  des  Hnjjites ,  c'était  le  nom  gênera} 
des  Taboritcs,  quoiqu'ils  allaiTent plus  loin  c\ucJeanHu<  n'avoit  été,  comme  orrle  voit  par 
leur  déclaration  ci-dciTus  \  des  Picards  que  les  Taboritcs  fcmblcnt  quelquefois  favoriier  &  que 
d'autres  fois  ils  femblent  avoir  en  horreur,  &  enfin  des  Qilixtins  qui  faifoient  le  plus  grand 
nombre.  Conrad  paroit  avoir  été  de  ces  derniers. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  7Jt.  189 
tonneau  plein  d'huile  ou  de  poix  ardente.  L'auteur  du  manufcric  I4.1I# 
de  Breflaw  témoigne  beaucoup  d'horreur  pour  les  fentimens  de 
ces  gens-là  &  félicite  même  l'Eglife  d'en  avoir  été  délivrée.  Ce 
même  manufcrit  rapporte  qu'après  cette  exécution  on  arrêta 
prifonniers  à  Prague  quelques  prêtres  Taborites  entre  lefquels  il 
met  Procope  Rafe  (  1)  ôc  un  autre  nommé  Abraham,  qui  ne  vouloir 
pas  qu'on  allumât  des  cierges  devant  le  iacrement  de  l'Eucharif- 

tie. 

X  X.  A  la  nouvelle  de  cette  exécution ,  ceux  d'entre  les  Pi-  Sédition  à 
cards  qui  fetrouvoient  a  Prague  ,  fur  tout  dans  la  nouvelle  ville  ,  Pra§ue- 
allèrent  trouver  Jean  de  P remontré  (aj  qui  pafloit  pour  Picard,  (0 voyez 
afin  d'en  délibérer  avec  lui.  Sétant  allemblez  dans  un  cimetière  ,  cuddTus.'rC 
ils  feplaignirent  hautement  de  la  tyrannie  de  ziska3  &  du  Sénat 
des  deux  villes  contre  ceux  de  leur  religion  ,  ôt  aufon  de  la  clo- 
che Jean  de  Prémontré  rè[o\ ut  de  former  un  nouveau  Sénat  com- 
pofé  pour  la  plus  grande  partie  de  ces  Picards  qui  étoient  venus 
le  trouver.  Enfuite  il  les  amena  dans  la  maifon  de  la  vieille  ville 
de  Prague,  où. après  avoir  accufé  d'infidélité  &  d'autres  crimes 
l'ancien  Sénat ,  ils  le  caiïerent  &  élurent  quatre  Picards  pour  gou- 
verner l'une  &  l'autre  ville  dont  ils  ne  firent  qu'une,  en  atten- 
dant la  création  dçs  nouveaux  confuls ,  laquelle  création  fe  fis 
bien-tôt  après.  Cependant  cette  élection  faite  violemment  con- 
tre les  privilèges  de  la  ville  déplaifoit  aux  plus  fenfez,  &  à  ceux 
qui  avoient  quelque  bien  dans  la  ville.  On  dit  même  qu'il  y  eue 
un  armurier,  fans  doute  Picard,  qui  ne  voulut  pas  accepter  le 
confulat  par  cette  raifon.  Il  falloit  que  cet  armurier  fût  aftrolo- 
çue  ,  puiicjue  de  la  conjonction  de  la  Lune ,  qui  félon  lui  défignoit 
le  peuple ,  avec  la  planète  de  Mars  qui  défigne  la  guerre ,  il  augu- 
roit  que  cette  éledion  allumeroit  une  diviilon  parmi  le  peuple 
(LA  C'eft  dommage  qu'on  ne  feache  pas  le  nom  d'un  homme  qui  (b)Miinufcr. 

1       •         r\_-  •       >i  C  m'a  r*  1    1^    ;  1       de  Breflavv, 

devina  fi  bien  ,  quoiqu  il  ne  fallut  pas  être  grand  devin  pour  cela. 
En  effet,  auffi- tôt  après  cette  élection  factieufe,  Jean  de  Pré?non- 
tré  adreffà  ce  difeours  à  la  communauté  de  Prague  afïemblée 
dans  la  Maifon  de  Ville.  »  Vous  autres  féculiers  ,  vous  ne  faites 
«qu'un  corps  &  un  même  peuple.  Si  vous  voulez  donc  que  le 
»  corps  éccléfiaftique  &;  vous  ne  failent  non  plus  qu'un  corps ,  & 
»  que  le  peuple  ne  foit  plus  partagé  par  leurs  divifions  ,  il  faut 
»que  vous  chafllez  maître  Chrétien  curé  de  l'églife  de  St.  Michel 
«dans  la  vieille  ville,  &fes  autres  prêtres  qui  ne  s'accordent  pas 

(1}  Il  y  en  cul  un  de  ce  nom  qui  fucceda  ixZiskj) ,  comme  on  le  rerra  dans  U  fuite. 

A  a  iij 


i9o       yiST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
.  «avec  nous  j  mais  qui  retiennent  encore  ces  mommeries  (  enten- 

»dant  par  là  les  rites  &  les  ornemens  Romains)  qui  ne  veulent  pas 
»  communier  les  enfans,  ni  chanter  les  hymnes  en  Bohémien  3  & 
»que  vous  fouffriez  qu'on  leur  en  fubftituë  d'autres.  La  popu- 
lace applaudit  à  cette  propofition  en  difant  en  Bohémien ,  tack, 
tack,  ce  qui  fîgiiirle  oui  3  oui  (a).  Ce  qui  fut  exécuté  en  plu  (leurs 
[al  iheohai'..  églifes  malgré  les  Confuls  &  les  principaux  de  la  ville ,  qui  n'ofé- 
p.  ioj.  renc  pas  j'y  oppofer  ouvertement  de  peur  d'être  malTacrez  par 
le  peuple.  L'auteur  du  manufcric  de  Breflaw  raconte  qu'il  y  eut 
des  femmes  &  des  filles  qui  furent  plus  courageufès.  Voyant  la 
timidité  des  conducteurs ,  elles  aflemblérent  danslaMaifon  de 
Ville  les  mieux  intentionnez  (i)  pour  porter  leurs  plaintes  aux 
Confuls ,  &  une  fille  d'entr'elles  lut  mot  à  mot  l'écrit  qu'elles 
avoient  dreflé.  Ces  Confuls  irritez  de  cet  écrit  qui  leur  repro- 
choit  l'irrégularité  de  leur  élection,  les  arrêtèrent  toutes ,  or- 
donnant qu'on  mît  les  femmes  mariées  &  les  filles  dans  des  en- 
droits à  part,  afin  d'en  venir  plutôt  à  bout  par  leur  défunion  j 
mais  comme  elles  s'oppoferent  vigoureufement  à  cette  féparation 
(i),  les  Confuls  demandèrent  qu'on  leur  remît  cette  lettre.  On 
la  leur  refufaôcils  fe  retirèrent  retenant  les  femmes  renfermées 
dans  une  chambre  pendant  deux  heures,  au  bout  defquelles  on 
les  laifTa  aller.  Leur  lettre  ayant  été  lue  par  la  plus  faine  partie 
de  la  ville ,  elle  fut  approuvée  (  3  )  ;  mais  on  ne  dit  pas  quel  en  fut 
le  fuccè§. 

En  ce  temps-là  les  Taborites  &  les  Orébites  s'aflemblérent  au- 
tour de  Cuttemberg  ,  &  s'emparèrent  de  la  ville  àQPrzgîautzi  fur 
l'Elbe.  L'Empereur  qui  étoit  alors  à  Cuttemberg  apprenant  que 
Ziska  faifoit  de  grands  ravages  à  Pilfen,  en  décampa  pour  aller 
fecourir  cette  Province ,  lailîant  le  foin  de  chafîerde  PrzeLtutzj 
les  ennemis  au  nom  de  Jean  de  Miefteczjzi  qui  avoir  pillé  le  mo- 
naftere  â'Opatovitz^  Ce  dernier,  en  effet,  avec  les  mineurs  de 
Cuttemberg  &  quelques  troupes  auxiliaires,  furprit  PrzelautzJ , 
y  tua  beaucoup  de  monde,  en  fit  125  prifonniers  qu'il  fit  jetter 
dans  les  minières.  Ce  même  capitaine  ayant  appris  que  la  petite 
ville  de  Çbutifor2voitété furprife  par  les  Taborites,s'y  en  alla  avec 
fon  monde ,  les  en  chafla  avec  perte  de  mille  hommes  9  &  fit  brû- 
ler leur  commandant  avec  deux  prêtres. 

(1)  Omties  veritati  fervitntes. 

(2)  Mulieres  depofito  timoré  virum  ijiàuHnt ,  <$  nullatenus  ab  invictmfepArari  vélum» 
(j)  Cette  particularité  eft  tirée  du  manufçrit  Je  Breflaw. 


H  ISTOIRE 

DE       LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE    DE     BASLE. 

LIVRE     X. 

N  a  vu.  que  l'année  précédente  le  Roi  de  Pologne  3 
&  le  Duc  de  Lithuanie  avoient  offertaux  Bohémiens 
leur  médiation  pour  les  reconcilier  avec  Sipfmond. 
En  effet ,  le  Roi  de  Pologne  avoit  envoyé  dans  cette 
vue  des  ambafladeurs  à  l'Empereur.  Outre  les  proportions  de 
paix  entre  la  Bohême  &  Sigifmond 3  les  ambafladeurs  dévoient 
offrira  ce  dernier,  que  fî  les  Bohémiens  refufoient  de  s'accom- 
modera des  conditions  raifonnables .,  le  Roi  leur  maître  fejoin- 


14-21. 

Négocia- 
tions des  Bo- 
hémiens 
avec  la  Polo- 
gne. 


i9i  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.-»  i.  droit  à  l'Empereur  pour  les  réduire  par  les  armes ,  à  condition 
que  l'Empereur  de  fon  côté  s'uniroic  avec  lui  concre  les  Cheva- 
liers Teutoniques ,  félon  leur  convention.  L'ambaflade  fut  fore 
bien  reçue  ,  &:  même  S ipfmond  offrit  plus  qu'on  ne  lui  deman- 
doit,  puifqu'il  lui  propofa  un  mariage,  ou  avec  fa  fille,  ou  avec 
la  veuve  de  Wencejlas ,  à  qui  il  promettoit  de  donner  pour  dot  la 
Siléfieavec  iooooo  florins.  Le  Roi  de  Pologne  trouvant  ce  der- 
nier mariage  plus  avantageux ,  envoya  un  ambaiîadeur  à  Sigif- 
mond  pour  en  traiter.  Mais  cet  ambafladeur  ayant  fuivi  Sigifmond 
dans  fon  expédition  de  Bohême,  fut  arrêté  parlesHufïïtes ,  &  em- 
mené à  Prague  où  il  demeura  long-temps  prifonnier ,  ce  qui  em- 
pêcha la  négociation  du  mariage.  'Cependant  quelques  mécon- 
tentemens  étant  furvenus  entre Sipfmond  d'un  côté,  le  Roi  de 
Pologne  6c  fon  frère  le  duc  de  Lithuanie  de  l'autre  ,  ce  dernier  ré~ 
folut  d'envoyer  Coribut fon  neveu  ,  ou  fon  coufin  germain ,  pour 
prendre  pofleffion  du  royaume  de  Bohême  en  fon  nom.  Mais  au- 
paravant il  voulut  prévenir  les  Bohémiens  par  une  ambailade  , 
tant  pour  leur  donner  avis  que  leurs  ambafladeurs  avoient  été 
arrêtez  en  Siléiie  par  Jean  duc  de  Troppaw ,  &  envoyez  à  Sigif- 
mond,  que  pour  leur,  faire  agréer  Or/fequiétoit  déjà  fur  lesfron- 
(a)  Crpmef&c  tieres  avec  fes  troupes  -y  il  leur  demandoit  outre  cela  du  fecours  en 
Lib.xvin.  cas  d'oppofltion.  Ceux  de  Prague  répondirent  qu'ils  le  rece- 
p.  43 1.434.  vroient  avec  plaifir  ,  mais  que  pour  des  troupes  ils  ne  pouvoient 

IheobaU.  ubi  ,     .  r  '  n  ,    ,f         ,       .  r  .f,  r 

fupr.  p.  Pas  lui  en  envoyer ,  parce  quelles  etoient  occupées  ailleurs,  lur 
104. 105.     quoi  i'ambafïadeur  iè  retira  (a). 

Divers  mou-  II.  Cependant  ceux  de  Prague  s'avancèrent  vers  la  ville  de  Bie- 
ceuxd!  Pra-  ^*  C1  )  >  °ù  commandoit  le  Seigneur  M^chalecc.  Mais  ce  dernier  , 
gue.  pour  faire  diverfîon  ,  et  oit  allé  afïïéger  fur  le  chemin  la  vieille 

ville  de  Boleflau  occupée  par  ceux  de  Prague,  bien  afluré  delà 
prendre  _,  fi  on  ne  venoit  pas  promptement  à  fon  fecours.  C'eftà 
quoi  les  troupes  de  Prague  ne  manquèrent  pas.  Faifant  mine  de 
quitter  l'entreprife  de  Bicla  3  elles  coururent  à  Boleflau  &  en  fi- 
rent lever  le  fiége ,  puis  reprenant  leur  deflèin  ,  elles  retournèrent 
affiéger  Bicla.  Mais  la  garnifon  n'attendit  pas  Paflaut  s  eHefe  fau- 
va  de  nuit  &  laifla  la  place  vuide  aux  affiégeans.  Dans  ce  même 
temps ,  Albert  duc  d'Autriche,  gendre  de  l'Empereur  ,  emporta 
la  forterefle  deGenifcowit^ ,  &  fit  la  garnifon  prifonniere. 
rEmpereur  m  L'Empereur  faifoit  avancer  ies  troupes  en  Bohême.  Quand 
heme."    '  il  fe  arrivé  fur  la  frontière,  il  envoya  des  faufeonduits  àquel- 

[  1]  En  Allemand  H'aifvvajfer.  Elle  eft  dans  le  diftr.it  de  Bolcflavv. 

ques 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  A".  193 
ques  Seigneurs  (1)  qu'il  fçavoic  bien  intentionnez  avec  ordre  de  x  . ,  r# 
venir  le  trouver  à  Iglavv ,  ville  de  Moravie  qui  confine  à  la  Bohê- 
me. Dbs  qu'ils  y  furent  arrivez  3  ils  prêtèrent  hommage  à  S/g^ 
#2072^,  &  promirent  delereconnoîtrepour  leur  Roi.  Le  2  S  No- 
vembre l'armée  de  ce  Prince  ayant  campé  à  Zcdec  dans  le  dif- 
tndt  de  Czailau ,  il  s'y  rendit  pour  reconnoître  lui-même  le  terrain 
&  donner  ordre  à  toutes  choîès. 

IV.  Ceux  de  Prague,allarmez  de  la  reconciliation  des  Seigneurs  zhhtcnttck 
avec  Sigifmond)  implorèrent  le  fecours  de  Ziska.   Ce  Général  ne  Prague  & 
manqua  pas  de  s'y  rendre  dès  le  1  de  Décembre  avec  Ta  cavale-  [r„£"bonno 
rie  êc  fon  infanterie,,  &  tout  ce  quiétoit  néceiïaire  pour  foutenir  défcnfc. 
un  fîége.  Il  y  fut  reçu  avec  de  grandes  acclamations  -y  les  prêtres 

&  la  jeunefTe  de  la  ville  allèrent  au  devant  de  lui ,  comme  au  de- 
vant d'un  héros.  A  fon  entrée  on  fonna  toutes  les  groflès  cloches 
de  la  ville ,  &  il  n'y  eut  régal  que  l'on  ne  fît  à  lui  &  à  tout  fon  mon- 
de. Après  y  avoir  demeuré  huit  jours  pour  donner  les  ordres  né- 
ceiïaires  ,  il  alla  munir  quelques  places  importantes  ,  comme 
C^aflovv  et  Cuttemberg. 

V.  La  garnifon  de  Prague  apprenant  que  l'Empereur  amenoit    i!  remporte 
une  grofle  armée,  s'écouloitinfenîlblement.  ziska  lui-même  ne  f^3^3^ 
fe  fiant  point  à  ceux  de  Cuttemberg ,  qui  n'avoient  jamais  été  fin-  impériaux 
cerement  pour  lesTaborites,  alla  fe  fortifier  fur  une  montagne  *uPrl"s  .de 

1  .     ,  .     r  -iir  •      1        j  »  Cuttemberg. 

voifine  (a) ,  où  retranche  juiqu'aux  dents  il  obiervoit  les  demar-  (aj  Turgna- 
ches  de  l'armée  de  Sigifmond.  Ce  Prince  de  fon  côté  allas'empa-  §°- 
rer  de  Cuttemberg ,  Ôcdelà  attiéger  ziska  fur  fa  montagne.  Mais 
à  peine  le  iiége  eut-il  duré  deux  jours  ,  que  Ziska  avec  fes  Tabori- 
tes  ,  ayant  pendant  la  nuitpaflèau  fil  de  l'épée  toutes  lesfenti- 
nelles  ,  s'ouvrit  le  paflage  au  travers  de  l'armée  3  &  fe  rendit  à  Co- 
lin^  1)  avec  fon  monde  &  fon  bagage  pour  attendre  de  pied  ferme 
l'ennemi.  Sigifmonda.ya.nz  quitté  la  campagne  à  caufe  du  froid  ex- 
trême qu'il  faifoit  alors ,  ziska  profita  de  fa  retraite  pour  faire 
lever  des  troupes  à  Gitfchin  dans  le  diftrid  de  Konigsgratz  Se  à 
Turnau  afrvoifinage  de  la  Siléfie.  Le  froid  s'étant  ralenti  à  Noël , 
ce  Général  afTembla  tout  fon  monde  four  aller  mefurer  fes  armes , 
difoit-il ,  contre  celles  de  l'armée  Impériale. 

L'Empereur  de  fon  côté  ne  s'endormoit  pas.  Bien  réfolu  d'at- 
taquer Ziska  3  il  alla  prendre  pofte  à  Cuttemberg  dont  ce  Général 

(  1  )  Henri  de  Rofemberg ,   Ceitco  de  Wartemberg ,  Guillaume  de  Hafenberg ,  Jean  Miefteci\,  Se 
Vnta  Cti.ïftalovicz.  a  vec  plutieurs  autres  Seigneurs  &  Gentilshommes.  Ibeebald.  p.  ioô". 
(i)  A.  un  mille  de  Cuttemberg  ,  &  A  fix  de  Prague. 

Tom.  I.  Bb 


ï94       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

.  ±1 1      n'étoit  pas  éloigné.  Mais  apprenant  qu'il  venoît  un  gras  de  crou- 
pes auxiliaires  3  il  brûla  la  ville  ,  afin  qu'elle  ne  fervit  pas  d,e  re- 
traite à  ion  ennemi.  Les  Hongrois  qu'il  avoit  avec  lui  y  paflerenc 
tout  au  fil  de  l'épée  fans  épargner  même  les  enfans  au  berceau 
(.)iupac.   (a).  Après  cette  cruelle  expédition  3  Sigifmond  alla  en  toute  di- 
6.  janv.      Ijgence  attaquer  B roda  l'Allemande.  Ziska  l'ayant  atteint  le  len- 
demain ,  tailla  une  partie  defon  armée  en  pièces,  &  pourfuivit 
les  fuyards  trois  îieuës  durant.   On  enleva  140.  chariots  de  ce 
qu'il  y  avoit  de  plus  précieux.  Il  y  en  avoit  trois  entre  autres  pleins 
délivres  Hébreux  ,  Grecs  &  Latins,  dont  les  Hongrois  avoienc 
dépouillé  les  Eglifes  de  Bohême.  Le  butin  fut  partagé  également 
entre  les  Taborites.  Le  lendemain  Ziska  alla  mettre  le  iiége  de- 
vant Broda.  Les  aifiégcz  fe  défendirent  fi  bien  d'abord,,  que  les 
aiîiégans  perdirent  environ  3000.  hommes.  Les  derniers  irritez 
de  cette  réfiftance  fe  battirent  le  lendemain  comme  des  démons , 
c'eft  ce  que  porte  ma  relation.  Eu  vain  la  ville  voulut  fe  rendre , 
elle  fut  brûlée  &  détruite  à  un  tel  point,  que  pendant  14  ans  il 
n'y  habita  ame  qui  vive.  Après  cette  victoire  ziska  aflîs  fur  les 
drapeaux  Impériaux  ,  fit  quelques  Chevaliers  parmi  les  Tabori- 
tes. A  l'égard  de  l'Empereur ,  il  n'eut  point  d'autre  parti  à  pren- 
{K)ïhtobaid.  dre  3  que  de  fe  retirer  à  grande  hâte  en  Hongrie.  Le  Général  Pipo 
P-,10?-     ,  Florentin  l'ayant  voulu  fuivre  fe  noya  malheureufement  avec  en- 
CotK.dePife.  viron  i  500.  nommes  qu  il  commandoit ,  voulant  palier  la  rivière 
Tome  11. P.  â'Iglawfar  la  glace  (b).  En  141  2.  ce  Général  avoit  bien  fervi 

Sipfmond  contre  les  Vénitiens  (c). 
in  Moravie*      ^-  ^  ^auC  P^acer  *  cette  année  ce  qui  fe  pafla  en  Moravie  par 
au  fuje*  du  rapport  à  la  religion.  Ce  fut  dans  le  dixième  fiécle  que  la  Moravie, 
Huflïtifmc.   qUj  auparavant  étoit  un  Royaume ,  devint  une  Province  partagée 
entre  les  Hongrois ,  les  Polonois  8c  les  Bohémiens.  Dans  le  fiôcle 
fuivant  le  àwc  Brzettjlas ,  appelle  Y  Achille  de  la  Bohême ,  la  con- 
quit toute  entière ,  &  l'unit  au  Royaume  de  Bohême  fous  le  nom 
de  Marquifat.  On  a  déjà  remarqué  que  la  Moravie  avoit  eu  les 
mêmes  Apôtres  que  la  Bohême,  c'efl-à-dire,  les  defrx  moines 
Grecs ,  Cyrille  &  Methodius ,  qui  la  convertirent  au  chriftianifme 
avant  que  de  pénétrer  en  Bohême.  Il  faut  donc  faire  à  l'égard  de 
la  Moravie  les  mêmes  obfervations  qu'on  a  faites  dans  le  premier 
Livre  de  cette  Hiftoire ,  fur  les  divers  changemens  arrivez  dans  la 
(d)  Cxjttbor.  religion  en  Bohême.Quoiqu'un  Hiftorien  de  Moravie  (d)  ne  mette 
ubi  fupr.       qU>£  ]>an  1/^ll  pentrée  du  Huffitifme  dans  cette  Province ,  il  pa- 
roît  pourtant  qu'il  y  avoit  fait  plufleurs  années  auparavant  des 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  X.  195 
progrès  confidérables,  puifque  les  lettres  qui  furent  écrites  de  Bo-  i±nt 
hême  à  Confiance ,  avant  &  après  le  fupplice  de  Jean  Hus ,  font 
écrites  au  nom  du  Royaume  de  Bohême ,  &  du  Marquifat  de  Mo- 
ravie ,  6c  que  même  la  Bulle  de  Martin  V.  défîgne  l'un  6c  l'autre. 
Quoi  qu'il  en  (bit ,  n'ayant  point  d'autres  mémoires ,  je  m'en  tiens 
àladatedecetHiflorien.  Il  raconte  qu'en  142  1.  deux  prêtres  (a)  foBeéxicfo 
s'étant  emparez  d'une ifle  de  la  Moravie,yafTemblerent  une  erofle  ieJZa%*kb,s> 

,r  iii-i  î  •         •  1  1  Y  &  Thomas  de 

troupe  de  gens  de  la  lie  du  peuple ,  qui  prirent  le  nom  de  Taborites  munies, 
à  l'exemple  des  Bohémiens.  Pour  fubfifler  dans  cette  ifle,  ils  fau 
foient  des  courfes  continuelles  aux  environs ,  pillant  bourgs ,  châ- 
teaux &  monafleres.  Ils  pillèrent  entr'autres  le  beau  couvent  de 
Welehradàz  l'ordre  de  Cifteaux,  où  ils  brûlèrent  l'Abbé  6c  fept 
moines.  Les  Grands  de  Moravie  allarmez  de  ces  mouvemens, 
s'aflemblerent  à  Bruna  3  pour  engager  le  Capitaine  de  la  province 
(b)à  en  prévenir  les  fuites.  On  envoya  en  même  temps  ijean  de  (b) Pierre  de 
Prague  évêque  d'Olmut^  pour  lui  demander  des  troupes.  C'efb  le  ^rnjicm. 
même  prélat  qui  étant  évêque  de  Lytomils ,  dénonça  Jacobel  au 
Concile  de  Confiance.  Il  s'étoit  retiré  à  Rome  pour  éviter  la  fu- 
reur de  Wenceflas  qui  le  haïfloit  mortellement.  Mais  ayant  appris 
la  mort  de  ce  Prince ,  il  retourna  dans  fon  diocèfè ,  dans  lequel  il 
avoit  été  confirmé  par  le  Concile  de  Confiance ,  malgré  Wenceflas 
qui  l'avoit  conféré  à  un  autre.  Lorfque  l'Archevêque  Conrad  eut 
embrafîé  le  Hufîîtifme ,  Jean  fut  adminiflrateur  de  l'Archevêché 
de  Prague.  On  le  repréfente  comme  un  homme  de  tête  6c  de 
main,  &  pour  ainfi  dire,  au  poil  6c  à  la  plume.  Quand  il  avoit 
dit  la  Méfie ,  il  quittoit  fes  habits  facerdotaux  pour  en  prendre 
de  militaires ,  êc  montoit  à  cheval  armé  de  toutes  pièces ,  le  cafque 

entêre,  l'épée  à  la  main ,  6c  la  cuirafTe  fur  le  corps.  Ennemi  juré  ,  .  .     A 

'       *  .  '  r  1         (c)  AHvitfiui. 

de  Yherefie  ^  il  faifoit  gloire  de  n'épargner  aucun  HufTite.  Ilcnpé-  Brun.  Cita!. 
rit  plufieurs  milliers  par  fes  foins  &  par  fes  armes  3&  il  en  tua  lui-  Epifc*(Ç1;i" 
même  deux  cens  de  fa  propre  ynain.  Il  mourut  Cardinal  en  1430  (c).  d&»r.  Mars 
On  peut  juger  à  ce  portrait  qu'il  ne  fe  fit  pas  prier  pour  aller  au  Morav.p. 
fecours  de  la  Province.  11  avoit  même  déjà  par  avance  aflèmblé,  p^Jp.  i£l 
de  fon  propre  mouvement ,  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  gens  en  fa  dif-  L.lli.  p.  64. 
pofition  à  Kremfritx^,  place  qui  lui  appartenoit ,  pour  faire  la  guer-    *" 
re  à  l'œil.  Kremxritt< 

Toutes  ces  troupes  s'étant  rendues  dans  la  forterefîe  deBuklow,  Bukiow. 
après  avoir  délibéré  fî  l'on  iroit  d'abord  attaquer  l'ifle  3  ou  fi  Ton 
attendroic  des  troupes  auxiliaires  d'Autriche  6c  de  Hongrie 3  il 
fut  réfolu  unanimement  de  ne  point  perdre  de  temps,  de  peur 

Bbij 


ï96      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES. 

142 1.  que  les  Taborices  de  Bohême  ne  vinfTent  au  fecours  de  ceux-cL 
L'ifle  fut  attaquée  par  trois  endroits  5  mais  les  infulaires  fortifiez 
de  quelques  Gentilshommes  de  leur  fecte ,  s'étoient  fi  bien  retran- 
chez ,  6c  fe  défendoient  fi  vaillamment,,  qu'il  n'y  avoit  nulle  ap- 
parence de  les  pouvoir  forcer.  Cependant  le  courage  des  aflié- 
geans  fut  bien  relevé  par  la  nouvelle  de  l'arrivée  des  fecours  de 
Hongrie  &  d'Autriche.  En  chemin  faifant,  Pierre  Perrin  l'un  des 
Généraux  qui  commandoient  les  troupes  auxiliaires,  alla  par  or., 
dre  de  Sigif?nond  ravager  les  terres  de  quelques  Seigneurs  (  1  ) ,  qui 
foucenoient  les  afîîégez.  Les  autrichiens  &  les  Hongrois  s'étant 
donc  joints  aux  Moraves,  on  recommença  l'attaque  de  l'ifle.  L'ar- 
mée le  difpofoit  déjà  à  pafîer  la  rivière  fur  un  pont  de  batteaux 
que  l'évêqued'0/w#/^ avoir,  fait  conftruire,  lorfque  les  afîîégez 
l'ayant  appris ,  décampèrent  la  nuit  pour  fe  retirer  dans  les  forêts 
&  fur  les  montagnes  voifines.  Elles  furent  inaccefiibles  à  la  ca- 
valerie qui  voulut  les  pourfuivre.  L'infanterie  même  n'y  put  grim- 
per fans  beaucoup  de  peine  êc  de  danger ,  les  fuyards  lançant  fur 
elle  continuellement  de  gros  éclats  de  rocher.  On  atteignit  pour- 
tant quelques-uns  qui  furent  mafiacrez.  Le  reflefefauvaenBo- 
00  Cucbor.  hême ,  6c  lé  joignit  aux  Orébites  (a). 

p.  471. 473 .  Cette  même  année  deux  d'entre  les  Grands  de  Bohême  entrè- 
rent à  main  armée  en  Moravie,  où  ils  avoient  de  bons  corref- 
pondans  parmi  lanoblefTe  de  cette  province.  L'un  étoit  Borzek 
Dobalitz^,  qui  l'année  précédente  s'étoit  emparé  de  Litomijl  ville 
épifcopale  de  la  Moravie.  L'autre  étoit  Viïtorin  de  Podiebrad^z- 
re  de  George ,  qui  fut  depuis  Roi  de  Bohême.  Comme  ils  n'avoient 
point  de  plus  ardent  ennemi  que  l'evêque  d'Olmut^  ils  allèrent 
attaquer  ce  valeureux  Prélat ,  6c  mirent  {qs  troupes  en  déroute. 
Kremfr.  j)Q.\^  i\s  entreprirent  le  fiége  devant  la  ville  de  Kremfir  3  6c  s'em- 
parèrent delà  ville  après  deux  jours  de  fiége.  Mais  la  fortereile 
fut  fi  bien  défendue  par  deux  vaillans  capitaines  (1)  qui  y  com- 
mandoient ,  que  les  Hufiites  furent  obligez  de  décamper  avec 
quelque  perte ,  fans  pourtant  abandonner  leur  deflein.  Ils  recom- 
mencèrent en  effet  l'attaque  peu  de  temps  après  avec  beaucoup 
de  vigueur,  6c ils  furent  reçus  de  même.  Mais  dès  que  les  aflie- 
geans  apprirent  que  l'evêque  d'Olmutz^&C  l'archiduc  Albert  ve- 
noient  au  fecours  avec  une  grofTe  armée,  ils  fe  retirèrent  en  di- 
ligence en  Bohême ,  fans  être  pourfui vis.  Il  n'en  fut  pas  de  même 

(  1  )  Pierre  de  Str<t%.ttics ,  Haffltonis  d'Ojlrow  ,  $  Bocxkonis  le  jeune  de  Ktinftut. 
(1)  Jean  Herbert  de  lulflein ,  £>  Mladota  de  PrttJJî-novvitz.. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.    Jï.     197 

de  ceux  qui  les  avoient  appuyez  dans  leurentreprife.  Il  y  avoir     1411, 
parmi  eux  des  gens  de  la  première  noblefle ,  cous  Huffices,  ou  pen- 
chans  de  ce  coté-là  (1  ).  On  réfoluc  de  les  pourfuivre  à  toute  ou- 
trance. Mais  l'Archiduc  étant  rappelle  en  Hongrie  par  l'Empe- 
reur fon  beau-pere,  il  chargea  l'Evêquc  de  cette  expédition ,  lui 
laiiïant  un  bon  corps  de  cavalerie  qu'il  avoit  amené  de  Hongrie. 
L'Evêque  fans  perdre  de  temps  s'en  alla  attaquer  Boc-^kon  de  Kun- 
ftat  dans  la  fortereiîe  de  Wiskowit^,  Mais  ce  Seigneur  en  ayant  eu 
avis    ne  l'y  attendit  pas.  Il  fe  retira  dans  une  autre  fortereiîe  (a)     (A  »"««- 
qu'il  avoit  auparavant  bien  pourvue  de  toutes  les  choies  neceiiau 
respourfoutenirun  liège.  Outre  que  fituée  fur  une  haute  mon- 
tagne ,  elle  pouvoitfe  défendre  long-temps  3  comme  elle  le  fit  en 
effet ,  fi  bien  qu'il  fallut  abandonner  l'entreprife.  L'Evêque  fut 
plus  heureux  dans  l'attaque  de  la  fortereflè  deit^vXaPParce- 
nanteau  Seigneur  de  Cravar^.  Elle  fe  rendit  enfin  après  une  vi- 
goureufe  réfiftance.  Le  Général  de  Fulftein  fut  bleffé  à  mort  dans 
cette  attaque.  L'Evêque  vouloit  encore  attaquer  une  autre  place 
voifine ,  nommée  Château-neuf 'ou  Neufchàtel^  fituée  fur  un  roc 
efcarpé  entre  des  bois  &  des  montagnes ,  où  un  Seigneur  (b)  Huffi-     fb)  Cvtrn* 
te  avoit  laide  garnifon  en  s'en  retournant  en  Bohême.  Mais  corn-  Uor«< 
me  la  faifon  étoit  fort  avancée  3  il  fuivit  le  confeil  qu'on  lui  donna 
de  remettre  l'entreprife  au  printemps  prochain ,  Se  de  mettre  fes 
troupes  en  quartier  d'hyver.  De  fon  côté  il  fe  retira  à  Kremfir 
avec  un  régiment  de  fantaffins  pour  obferver  ks  ennemis. 

VII.  Avant  que  de  m'engager  dans  l'année  142  2.  il  faut,  félon     Affaires  c- 
notre  plan,  voir  en  gros  ce  qui  s'eft  palîé  dans  l'Eglife  pendant  £^^Er. 
les  deux  années  précédentes.  Martin  V.  partit  de  Florence  le  1  1 .  pagnc. 
de  Septembre  de  142  o.  &  arriva  à  Rome  le  2  2.  Il  y  fut  reçu  com- 
me un  Dieu  tutelaire.  Cette  capitale  avoit  en  effet  grand  befoin 
d'un  puilTant  réparateur  de  ks  brèches  :  ayant  été  toujours  en 
proie  au  premier  occupant  depuis  le  fchifme ,  perfonne  ne  fe  met- 
toit  en  peine  de  tenir  en  bon  état  une  place  qu'il  faudroit  aban- 
donner tôt  ou  tard.  A  peine  y  reconnoifloit-on  la  forme  d'une 
ville.  Les  maifons  étoient  des  mazures  3  les  églifes  tomboient  en 
ruine,  l'herbe  croiiîoit  dans  les  rues  dénuées  d'habitans,  &  les 
vivres  y  étoient  rares  &  chers.   Martin  V.  touché  d'un  fi  trifte 
fpe&acle ,  fe  mit  en  devoir  de  rétablir  Rome  dans  fon  ancienne 
fplendeur,&  d'en  réformer  les  moeurs,  qui  fe  reflentoient  bzzu- 

(1)  MnceflasdeCurnaHira.Bôcikfn  de  Kunjlat.irencejlas  de  Cravart.  &  le  Bavarois  de 
Pemjliin.  Czechor.  ubifurr.  p.  481. 

Bbnj 


i98       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.2  1.    couP  de  la  ruine  générale.  Ce  qu'il  exécuta  en  effet  avec  tant  de 
fuccès ,  qu'on  le  regardoit  à  Rome ,  non  feulement  comme  le  vrai 
(a)  vutin.  Pontife ,  mais  comme  le  Père  de  la  patrie  (a).  Etant  fur  le  point  de 
Martin  v.     fortir  de  Florence ,  Martin  V.  avoit  publié  une  croifade  contre 
p.  i  i.  4    .    p-crre  fa  £une  ^  (îégeanc  toujours  comme  Pape  à  PenifcoU.  Après 
avoir  inutilement  employé  les  cenfures  eccléfiaftiques  par  le  mi- 
niftere  du  Cardinal  Allemand,  Martin  jugeant  qu'il  n'y  avoit  plus 
de  reflburce  que  dans  la  voie  des  armes ,  envoya  le  cardinal  Pierre 
de  Fonfeca  en  Efpagne  pour  y  faire  exécuter  fa  croifade.  La  corn, 
million  étoit  des  plus  difficiles.   La  France  toujours  divifée  par 
les  anciennes  factions ,  avoit  de  plus  fur  les  bras  la  guerre  avec 
l'Angleterre.  Le  Portugal  étoit  occupé  contre  les  Maures  j  on 
içait  l'état  où  étoit  l'Allemagne  ,  &  tout  le  Nord  s'en  refîentoit. 
La  Caflille  étoit  déchirée  par  des  concurrens  pour  le  Gouver- 
nement pendant  la  minorité  _,  &  ces  mouvemenstenoienttour  le 
refte  de  l'Efpagne  en  échec.  Ce  fut  pour  les  aiîoupir  que  Martin  V. 
envoya  l'é vê que  de  vWW^tf?  à.  Jean  roi  de  Caflille  pour  négotier 
un  accommodement. 
La  France  &      VIII.   On  vient  de  voir  en  paflant  quel  étoit  alors  l'état  de  la 
l'Angleterre.  France.  Elle  ne  fut  pas  pacifiée  par  le  fameux  Traité  de  Troye,où 
Henri  V.  roi  d'Angleterre  époufà  Catherine  de  France,  à  condition 
qu'il  fuccederoit  à  la  couronne  de  France  après  la  mort  de  Charles 
VI.  à  l'exclufion  du  Dauphin.  Je  trouve  dans  l'hiftoire  de  France 
du  P.  Daniel  cette  particularité  qui  regarde  l'Eccléfiaitique.  il 
■paroit ,  dit-il ,  que  dès  ce  temps-la  le  roi  d  Angleterre ,  le  duc  de  Bour- 
gogne ,  &  la  Reine  firent  agir  à  Rome  pour  faire  approuver  par  le  Pape 
Martin  V.  ce  qui  s'étoitpaffé  en  France  contre  le  Dauphin ,  &  que  ce 
Prince  l'ayant  feu  ,  il  écrivit  à  ce  Pape  pour  l'empêcher  de  rien  faire 
contre  fes  intérêts.  Il  y  a  au  Tbrcfor  des  Chartres  une  Lettre  écrite 
au  Dauphin  en  forme  de  Bulle  3  par  laquelle  le  Pape  l'afjuroit  quil 
ri  avoit  jamais  eu  le  deffein  de  préjudicier  en  rien  au  droit  que  fanai /; 
(b)  Tom.  ni.  fance  lui  donnoit  au  royaume  de  France  (b).  Il  eft  certain  que  le 
p. 6o$.        Pape  s'entremêla  beaucoup  dans  ces  guerres,  foit  pour  en  tirer 
du  profit ,  foit  pour  les  pacifier.  On  voit  une  Lettre  de  lui  à  Henri 
V.  pour  l'engager,  comme  il  en  donnoit  l'efpérance,  à  faire  ré- 
tablir en  France  &  en  Angleterre  fur  l'ancien  pied,  les  droits  que 
le  liège  deRomeprétendoity  avoir.  Il  y  adeux  Lettres  du  même 
Pape ,  Tune  au  même  Roi, l'autre  au  Dauphin  ,  pour  les  exhorter 
à  la  paix ,  fur  tout  dans  des  conjonctures,  où  l'héréfîe  ravageoit  le 
Septentrion ,  &  où  les  Turcs  infeftoient  l'Orient.  Il  avoit  envoyé 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.    Jf.    190     r.,¥ 
pour  cette  négociation  le  cardinal  Nicolas  Al&ergati  èvëque  de     (a)  R«y<*. 
Bologne.  Mais  elle  fut  interrompue  par  la  mort  des  deux  Rois  ÎJ""I4*i' 
d'Angleterre  6:  de  France ,  arrivée  l'année  fuivante,  comme  on  leggs.  Par- 
le verra  (a).  ffr?f;L" 

IX.  En  parlant  des  affaires  d'Italie,  on  a  oublié  de  parler  de     Napic*.' 
celles  de  Naples.  Ces  troubles  inteftins  de  la  France  avoient  em- 
pêché Louis  III.  duc  d'Anjou  d'en  tirer  les  fecours  nccefïaires 
pour  entrer  en  poflefîion  du  royaume  de  Naples.  Le  Concile  de 
Pife  &  Alexandre  V.  Pavoient  adjugé  à  Louis  Ion  père.  Jean  XXÎll. 
avoir  confirmé  ce  jugement,  &  au  rapport  de  Platine  (b),  Martin  (b)  ubi  fupr. 
V.  lui  avoir  promis  l'inveftiture  de  ce  Royaume  après  la  mort  de 
J:anne.  Cependant  ce  n'étoit  pas  une  conquête  ailée  à  faire.  Les 
obftacles  n'étoient  pas  pourtant  du  côté  de  Jaques  d'Anjou  époux 
de  Jeanne  II.  reine  de  Naples  _,  puifqu'il  avoit  abandonné  toute 
prétention  aux  Couronnes  de  la  terre ,  pour  prendre  le  froc  dans 
l'ordre  de  faint  François.  Il  s'agiffoit  donc  de  dépofleder  Jea nne , 
qui  n'étoit  pas  d'humeur  aie  foufFrir.  D'ailleurs  après  la  mort  de 
Jeanne,  il  y  avoit  d'autres  prétendans  à  cette  couronne,  comme 
u4lphonfe  roi  d'Arragon  que  cette  Princeflè  avoit  adopté  pour  fon 
fils  &  Ion  fuccellèur  (c).  Cependant  Louis  3  dans  Pefperance  d'être  (c)  RaptaU. 
appuyé  par  le  pape ,  par  le  duc  de  Milan ,  &  par  les  Florentins  qui ann<  "A*0, 
lui  avoient  promis  du  fecours ,  s'avança  dans  le  royaume  de  Na-  vm. 
pies  avec  delîein  d'en  afTiéger  la  Capitale.  Dès  qu Alphonft -en  eue 
la  nouvelle ,  il  lui  envoya  une  ambafïade  pour  le  détourner  de  cet- 
te entreprife ,  ou  pour  lui  déclarer  la  guerre ,  s'il  y  pefiftoit.  Il  en 
alléguoit  pour  raifons  d'un  côté  certaines  prétentions  qu'il  for- 
moic  fur  le  royaume  de  Naples ,  &:  de  l'autre  fes  engagemens  avec 
la  reine  Jeanne  fa  mère.  Louis  répondit  que  perfuadé  de  la  juftice 
de  fa  caufe ,  il  ne  doutoit  point  que  Dieu  ne  la  favorisât ,  &  qu'ainfî 
il  étoit  réfolu  de  la  foutenir ,  fans  craindre  les  menaces  d'un  ufur- 
pateur.  Comme  il  n'avoit  point  de  port  à  Naples  en  fa  difpofition, 
&que  d'ailleurs  il  n'avoit  pas  affez  de  vaifleaux  pour  l'attaquer  par 
mer ,  il  i'afliégea  par  terre  avec  allez  de  fuccès.  Pendant  le  fiége, 
Sforce  fon  général  alla  attaquer  les  villes  &  les  châteaux  voifins, 
pour  empêcher  qu'il  n'entrât  du  fecours  &  des  vivres  dans  la  ville. 
Il  s'empara  d'abord  de  la  ville ,  &:  du  fort  à'Averfa,  à  huit  milles 
(1)  de  la  Capitale,  d'où  il  faifoit  des  courfes  fort  avantageufes. 
Comme  les  fecours  promis  par  le  roi  d'Arragon  ne  venoient  point, 
les  citoyens  étoient  prêts  à  fe  foulever ,  lorfque  la  Reine  envoya 

(1  )  Milles  d'Italie  qui  font  de  mille  pas. 


203  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
jAllt  dos  Ambafladeurs  à  Alpbonfe  pour  les  hâter.  Mais  le  Roi  répon- 
dit qu'il  n'iroit  point  en  Italie ,  que  Braccio  général  de  la  Reine 
ne  fe  mît  en  campagne  pour  le  foutenir.  Cette  nouvelle  fit  fou- 
lever  la  plus  grande  partie  du  Royaume  3  où  Louis  fut  prefque 
par  tout  déclaré  roi  de  Naples ,  fans  fe  mettre  en  peine  de  Jeanne, 
qui  n'étoit  regardée  que  comme  une  Reine  en  peinture.  Il  ne  man- 
quoit  plus  que  la  conquête  de  Naples  pour  rendre  complet  le 
triomphe  de  Louis  :  mais  un  accident  imprévu  changea  tout  à 
coup  la  face  des  chofes.  Quelques  mécontens  avoient  offert  à 
S  force  de  lui  ouvrir  une  des  portes  de  la  ville,  qui  avoit  été  né- 
gligée ,  parce  qu'on  la  croyoït  fuffîfamment  munie  d'ailleurs.  Il 
s'y  rendit  en  effet  la  nuit  avec  quelques  cavaliers  pour  y  entrer, 
6c  un  corps  de  troupes  qu'il  pofta  au  voifinage  pour  les  foutenir. 
On  trouva  la  porte  ouverte  félon  les  conventions.  Mais  une  pou- 
tre qui  traverfoit  la  porte,  empêchant  les  chevaux  de  pafîèr,  il 
fallut  mettre  pied  à  terre  j  ce  qui  ne  put  fe  faire  fans  bruit.  Les  fen- 
tinelles  de  la  ville  réveillées  par  ce  mouvement ,  £c  par  le  hennif- 
fement  des  chevaux ,  on  cria  aux  armes.  Aufli-tôt  Chriftophe  Caje- 
tan courut  au  fecours  avec  un  corps  de  cavalerie,  6c  chafîa  ceux 
des  ennemis  qui  étoient  déjà  entrez  dans  la  ville.  Ce  coup  man- 
qué, Sforce  remena  fon  monde  à  Averfa.  Dans  ce  même  temps 
Braccio  fi  long- temps  attendu }  vint  enfin  à  la  tête  de  3000.  che- 
vaux. Après  avoir  remporté ,  chemin  faifant,  un  avantage  con- 
fldérable  fur  les'  troupes  de  Sforce  3  il  alla  fe  porter  devant  Naples. 
Mais  ayant  appris  que  cette  ville  manquoit  de  vivres,  il  s'ouvrit 
un  pafîage  dans  la  Lucanie  6c  dans  la  Calabrc,  provinces  qui  paflenc 
pour  les  greniers  de  l'Italie.  Sforce  averti  de  fà  marche  ,  le  fuivit  à 
la  tête  de  fa  cavalerie ,  comptant  fur  une  victoire  certaine.  Il  l'au- 
roit  en  effet  remportée  fans  la  noire  trahifon  du  capitaine  Tarta- 
lia ,  que  le  Pape  avoit  envoyé  avec  1 000.  hommes  armez  de  tou- 
tes pièces  (Cataphratli)  au  fecours  du  duc  d'Anjou.  Ce  traître 
donna  avis  fi  à  propos  à  Braccio  que  Sforce  le  pourfuivoit  chaude- 
ment, que  celui-là  eut  encore  le  temps  de  repafTer  le  Sarnau  en 
grande  précipitation  ,  6c  d'échapper  à  un  danger  inévitable.  Mar- 
tin &  Louis  n'en  furent  pas  moins  mortifiez  que  Sforce  lui-même. 
Tartalia  eut  la  tête  coupée.  Comme  Martin  V.  craignoit  que 
cette  guerre  en  tirant  en  longueur  ne  devint  fatale  au  fiége  de 
Rome,  il  envoya  deux  Légats  à  Naples  pour  négocier  la  paix  en- 
tre les  concurrents.  A  Ipbonfe  n'écouta,  pas  ces  Légats  ^  parce  qu'il 
avoit  bien  des  raifons  defç  délier  du  Pontife  3  qui  en  effet  avoit 

envoyé 


ET  3U  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.   'X.  101 

envoyé  du  fecours  à  Louis.  Mais  ce  dernier  3  au  grand  étonne-     ia.h, 
ment  de  tout  le  monde  ,  confcntiràunc  trêve,  faute  d'argent,  ou 
peut-être  décourage,  6c  ayant  mis  fes  places  en  fequeftre  entre 
les  mains  des  médiateurs  3  il  fe  retira  auprès  du  Pape  ne  huilant 
pas  fort  bonne  opinion  de  lui.  Ilfembloit  que  cette  retraite  dut 
pacifier  les  troubles  de  Naples.  Maisil  s'éleva  de  nouvelles  brouil- 
leries  entre  le  Pape  6c  la  Reine  Jeanne.  L'adoption  qu'elle  avoit 
faiced'^//?/^;^  d'Arragon  pour  luifuccéder  au  Royaume  de  Na- 
ples ,  donnoit  beaucoup  d'ombrage  à  ce  Pontife ,  qui  avoit  deftiné 
ce  Royaume  à  Louise  Anjou.  D'ailleurs  cette  Princefle  ne  payoic 
pointa  la  chambre  Apoftolique  le  revenu  annuel  auquel  elle  s'jé- 
toit  engagée  par  fon  couronnement.  Elleempêchoit  de  plus,  au- 
tant qu'elle  pouvoit,  l'entrée  des  vivres  à  Rome,  tant  par  terre^ 
que  par  mer.  De  forte  que  Martin  V.  fut  obligé#d'adrefIèr 
une  Bulle  aux  Archevêques,  Evêques,  Eccléfiaftiques  6c  Magif- 
trats  du  Royaume  de  Naples,  de  ne  payer  à  Jeanne  aucun  tribut 
ni  redevance,  jufqu'àcequ'elleeûtfatisfaitàla  chambre  apofto- 
lique.  D'autre  côté,  il  furvint  desbrouilleries  entre  Jeanne  6c  Al- 
phonfe fon  fils  adoptif.  Ce  dernier  ne  fondoit  pas  feulement  (qs  n 
prétentions  au  Royaume  de  Naples  fur  l'adoption  de  J^nne.  Il 
prétendoit aufli  qu'il  lui appartenoit  par  droit  de  fucceffion  ,  par 
Mainfroy  Roi  de  Sicile,  qui  dans  le  XIII.  fiécle  avoit  époufé  la. 
fille  de  Pierre  III.  Roi  d'Arragon.  Il  eu:  vrai  que  R.tynaldus  ob- 
ferveque  les  ancêtres  d*  Alphonfe  avoieiu  renoncé  à  ce  droit  pour 
le  Royaume  de  Sardaigne  6c  de  Corfe ,  mais  Alphonfe  ne  laifloit 
pas  de  renouveller  (es  prétentions,  comme  font  ordinairement 
les  Princes,  quand  ils  en  ont  l'occafion  favorable.  De  forte  que 
Jeanne  6c  Alphonfe ,  dans  des  défiances  réciproques  l'un  à  l'égard 
de  l'autre,  ne  cherchoient  que  les  occafions  de  fe  détruire  (a)  (a)  R«r*aW. 
Mais  les  Légats  de  Martin  V.  rirent  fi  bien  que  tout  fe  pacifia.  A  ^j,'^ 
laperfuafion  de  ce  Pape,  Louis  d'Anjou  reftitua  à  Alphonfe  &  à 
Jeanne  les  places  qu'il  avoit  mifes  en  fequeftre.  Les  Généraux 
Braccio  6c  Sforce  fe  réconcilièrent ,  6c  il  fut  permis  à  chacun  d'eux, 
en  cas  qu'il  arrivât  quelque  rupture  entre  Jeanne  ôc  Alphonfe ,  de 
fervir  le  premier  des  deux  qui  imploreroit  fon  fecours.  Jeanne ^  de- 
meura en  poflefïion  du  Royaume,  6c  Alphonfe  fe  contenta  du 
droit  à  la  fucceffion.  Quoique  Martin  V.  ne  fût  pas   content, 
comme  on  l'a  dit ,  de  l'adoption  que  Jeanne  avoit  faite  d' Alphonfe , 
il  aima  mieux  le  fouffrir  ,  6c  abandonner  Louis  £  Anjou  ^  que  d'à- 
voir  toujours  à  dos  le  Roi  d'Arragon ,  qui  pouvoit  continuer  le 
Tom.  /,  Ce. 


îoî     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

14.11.  fchifme  en  faveur  de  Pierre  de  Lune  qu'il  avoit  repris  fous  fa  pro- 
tection depuis  le  Concile  de  Confiance.  Cet  anti  Pape  en  effet 
agifToit  toujours  comme  vrai  Pape  dans  fonifle  de  Pcnifcola.  Il  ne 
manquoitpasmêmede  partifansquidéclamoient  contre  le  Con- 
cile de  Confiance  qui  l'avoit  dépofé.  C'efl  ce  qui  paroîcparune 
bulle  de  Martin  V.  au  Patriarche  de  Jérufalem  ,  administrateur 
de  l'Eglife  de  Barcelone.,  ôc  aux  Chanoines  de  cette  Eglife,  par 
laquelle  il  leur  ordonne  d'excommunier  folemnellement(i)  deux 
des  principaux  auteurs  de  cette  faction,  &  de  les  faire  mettre  en 
prifon^  eux  Scieurs  partifans.  Il  donna  les  mcmesxjrdres  aux  Ar- 
chevêques de  Sarragofieôc  dçTarragone ,  &.  à  l'Evêque  des  Iiles 
Baléares.  Il  envoya  aulîi  dans  cette  vue  l'Evêque  de  St.  Papoul, 
t  Légat  dans  les  provinces  méridionales  de  France,  pour  éteindre 
les  refles*du  fchifme,qui  fubflfloient  encore  dans  quelques  en- 
(a)  R/ïy».ubi  droits  (a). 

fupr.  ann.         x.  On  a  parlé  ailleurs  de  la  fe&e  des  Fraticelles.  Quoique  ces 
Fraticclles!  gens  enflent  été  déjà  condamnez  plus  d'une  fois ,  il  y  en  avoit  en- 
core de  répandus  dans  l'Italie ,  ôc  fur  tout  dans  la  Marche  d'An- 
cone.   Le  Pape  y  envoya  deux  Cardinaux  pour  les  exterminer  par 
la  voy^des  armes.  C'efl  de  quoi  ces  Prélats  s'aquiterent  vaillam- 
ment. Ils  mafïacrerent  ces  pauvres  gens  3  &  mirent  tout  à  feu  &; 
àfang  dans  les  lieux  de  leurs  habitations.  Ce  qui  en  échappa  fe 
(b)Antgm-  retira  en  Grèce  (b).  Us  ne  furent  pourtant  pas  tellement  exter- 
Tît! ^xi. '  mmez  qu'il  n'en  reitât  encore  en  plufieurs  endroits  de  l'Europe , 
cap.  vu.  $.   puifqu'en  1426.  le  Pape  donna  a  Jean  de  Capiftran  de  l'Ordre  des 
1  v'  Frères  Mineurs  lacommilfion  d'en  purger  l'Italie.  Ilparoît  aufïi 

qu'il  y  en  avoit  en  Efpagne  dansce  même  temps,  par  l'ordre  que 
(c)  TLayn.      Martin  donna  à  deux  moines  de  travailler  à  leur  converfion  (c). 
ann.  14Z5.    Ceci  appartient  aufîi  à  l'Italie,  &  avoit  été  omis. 
Allemagne.       X  I.  Le  Concile  de  Confiance  avoit  ordonné  de  tenir  tous 
candie  de   les  trois  ans  des  Conciles  provinciaux.  En  exécution  de  cet  ordre 
s*t%j>ourg.    Eicrbayû^  archevêque  de  Saltzjtourg  en  tint  un  cette  année.  La 
plupart  des  Canons  de  ce  fynode  tendoient  à  corriger,  fur  le  plan 
du  Concile  de  Confiance,  les  abus  qui  s'étoient  gliflez  dans  la 
difciplineeccléfiaflique,  par  rapport  à  l'ufage  de  l'Eglife  Romai- 
ne.Quelques-uns  de  cesCanons  regardent  les  mœurs&  la  doctrine. 
Il  y  en  a  un  fort  févere  contre  le  concubinage  des  prêtres,  qui , 
dit-on  dans  ce  Canon,  avoit  fort  augmenté  pendant  le  fchifme, 

(1)  Fejîis  diebus  adflante  circnmfufapopuli  multitudine ,  pulfatis  tatnpnnis  ,  $$  fctciluts  accenfa 
0c  de  m  Je  in  terrant  prijeiïis.  Raynald.  ubifupr.  nutn.  III.  . 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JT.  203 
&  qui  n'étoit  pas  fans  exemple  dans  ce  diocèfe.  Le  décret  du  i±i\t 
Concile  de  Confiance  à  cet  égard,  yefl  confirmé.  Dansunau- 
tre  Canon ,  on  permet  aux  pères  6c  aux  mères  de  baptifer  leurs 
propres  cnfans ,  dans  une  grande  nécefîité  ,  àlaréferve  de  l'huile 
fur  la  poitrine  ,  &  fur  les  épaules ,  ôc  du  crème  fur  la  tête ,  qui  doi- 
vent erre  donnez  par  les  prêtres.  Le  Canon  contre  les  ajufte- 
mens  fuperflus  des  femmes  eft  conçu  en  ces  termes  :  »  Nous  avons 
»  appris  de  divers  lieux  avec  douleur ,  &  nous  l'avons  vu  nous-mê- 
«  mes  en  partie  de  nos  propres  yeux, .qu'en  plufleurs  endroits  de 
»>  laProvince,  les  femmes  fe  mettent  immodérément,  ayant  des 
»  queues  en  forme  d'afpics  ,  &c  d'autres  ornemens  d'une  fomptuo- 
»fîtéexcefîive.  Il  y  en  a  qui  avec  leurs  voiles,  leurs  cheveux,  Se 
»  aucres  ornemens  de  tête ,  fe  font  des  têtes  monflreufes  par  de- 
«vant  &  par  derrière.  Confiderant  donc  que  ces  fortes  de  vani- 
»tez  caufent  du  fcandale  dans  l'efprit  des  fimples ,  &c  donnent 
«lieu  à  des  médifahees  -,  que  par  là  on  fe  ruine,  &  qu'après  avoir 
»épuifé  fon  patrimoine,  on  volé  &  on  pille  pour  fournir  à  ces 
»  dépenfes  5  que  d'ailleurs  ce  luxe  donne  lieu  à  des  fpeclacies ,  qui 
»  provoquent  la  concupifcence  :  Nous,  par  l'approbation  du  Con- 
»cile,  conjurons  au  nom  de  Dieu,  &  fous  peine  d'excommunica- 
tion, tous  les  laïques  de  notre  Province  de  contenir  leurs  fem- 
»  mes  ôc  leurs  filles  ,  &  toutes  celles  qui  font  à  leur  fervice ,  dans  les 
>  bornes  de  lamodeflie,  évitant  toute  forte  de  fuperrluité.  Tout 
»  de  même  fous  peine  d'excommunication,  nous  ordonnons  aux 
»  femmes  d'obéir  à  leurs  maris ,  priant  les  Puifïances  féculiéres 
y>  de  tenir  la  main  à  l'exécution  de  cette  ordonnance  (a).  Quoique  (a)  Coucii. 
le  Concile  de  Confiance  eût  fait  brûler  Jean  H#.f,&anathema-  ^L'J'iz7. 
tifé  fes  fentimens,  il  nelaifïbit  pas  d'avoir  Ces  fe&ateurs  hors  de 
la  Bohême,  &en  particulier  en  Allemagne,  &:  dans  le  diocèfe 
de  Saltzbourg.  C'efl  pourquoi  le  fynode  renouvelle  là-deflus  les 
Sentences  du  Concile  de  Confiance,  &;  ordonne  uneinquifidon 
exacte  &  févere  contre  les  Hufïïtes&  leurs  fauteurs,  de  quelque 
ordre  &de  quelque  condition  qu'ils  foient.  C'étoit  la  coutume 
de  diflinguer  par  quelque  marque  extérieure  les  Juifs  d'avec  les 
Chrétiens.  Le  légat  de  Bologne  Nicolas  Alberqatiwoxx.  ordon- 
né dans  fon  diocèfe  qu'on  les  distinguât  par  quelques  marques 
jaunes  fur  la  tête  (bV  Un  autre  légat  en  Allemagne  avoit  ordon-  M  Se&s* 
ne  qu'on  diflinguât  les  juifs  d'avec  les  Chrétiens ,  par  un  bone-t  DûCt.  l.  m. 
cornu ,  &  les  Juives  par  une  cloche  fonnante.  Le  Synode  confïr-  p.  69. 
me  cet  ufage.  On  défend  dans  ce  même  Synode  aux  Eccléfiaf- 

Ccij 


204      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
142  i .    tiques  de  tenir  des  tavernes  chez  eux  ,  de  les  fréquenter  ailleurs ,' 
d'aller  à  des  fefkins ,  d'avoir  chez  eux  de  jeunes  femmes  ou  filles 
pour  fe  fervir ,  d'aller  à  la  chafîe ,  de  nourrir  des  chiens  6c  des 
©ifeaux  de  chafle  3  &  de  jouer  aux  dez. 

Il  paroît  par  l'hiftoire  Eccléfiaftique  que  ce  dernier  abus étok 
fore  commun  dans  ce  fiécle-là.  Il  y  avoic  alors  en  Italie  un  prédi- 
cateur célèbre  nommé  Bernadin  de  Sienne  3  qui  avoit  fignalé  fon 
zélé  avec  beaucoup  de  fuccès  contre  le  jeu.  Prêchant  un  jour  à 
Bologne  fur  les  mauvaifes  cqnféquences  du  jeu  ,  il  s'exprima  ainfï  : 
Que  le  joueur  ne  s'imagine  pas  de  ne  commettre  que  ce  péché.  Un  hom- 
me qui  fe  plaît  a  ce  métier ,  s'engage  dans  toute  forte  de  crimes.  <Je 
ne  parle  pas  même  de  la  perte  irréparable  du  temps  dont  on  rendra 
compte  à  Dieu.  Non  feulement  ce  joueur  mange  fon  patrimoine  ,  & 
prodigue  un  bien  defiiné  à  fon  entresien  3  à  fe  procurer  une  vieillcffe  corn- 
mode ,  a  aljîfier  les  pauvres  ,  mais  il  ravit  le  bien  &  autrui  y  il  bte  à 
un  bon  cytoyen  ,  quelques  fois  à  fon  meilleur  ami ,  ce  qui  luiferoit  né- 
cefjaire  Jînon  pour  le  prêfent ,  au  moins  pour  l'avenir ,  &pou?  la  né- 
cefjîté.  S' il  gagne,  ilejl  infultant  :  s'il  perd ,  il  eft  furieux.  Au  lieu, 
d'exercer  fa  colère  contre  lui-même ,  il  la  décharge  fur  fa  femme  qui  en 

7ibiiupr?p!   efl  innocente.  Quelquefois  plus  criminel  encore ,  il  s'en  prend  à  Dieu  , 

70.  &  aux  Saints  dont  il  brife  les  Images  (zj. 

Bulle  de        XI'I.  Je  trouve  dans  Raynaldus  ,  l'un  des  Continuateurs  de 

Marti»  v.     £ aronius ,  une  Bulle  de  Martin  V.  datée  de  cette  année  ,  concer- 

contre  un  ^  •    -  _ .      »       0  •        1  1      r. 

Hufïite  des  nant  un  certain  Nicolas  àerrurarius  hermice  de  àt.  AuQuftin  ,  qui 
Païs-bas.  répandoit  le  Hufïïtifme ,  £c  d'autres  opinions  partic/Ticre^  dans 
le  Pays-bas.  Je  rapporterai  le  précis  de  cecte  Bulle.  I.  Elle  expofe 
la  doctrine  de  ce  docteur  à  peu  près  en  ces  articles  que  j'abrege- 
rai.  1 .  La  charité  a  Dieu  pour  objet ,  6c  le  prochain  ,  &  non  pas 
foi-même.  i.  Les  Prêtres  en  concubinage  public  n'ont  pas  l'au- 
torité d'abfoudre,  &  le  Service  Divin  eft  nul  entre  leurs  mains. 
Ils  font  excommuniez  ,  6c  pires  que  Judas  qui  nourriiîoit  fa  concu- 
bine 6c  Ces  bâtards  de  la  bourfe  des  Apôtres.  Ceux  qui  commu- 
nient avec  eux  fon  excommuniez  aufîi.  3.  On  ne  doit  prier  que 
Dieu  3  Se  nullement  les  Saints.  4.  Les  Moines  mendians  font  les 
vrais  curez  6c  les  vrais  confelïeurs ,  qui  ne  doivent  point  être  tra- 
verfez  par  les  Curez  ordinaires.  .5.  Dès  qu'on  a  commis  un  péché 
mortel,  il  faut  le  confeiTer  au  premier  confefleur  quife  trouve, 
avant  que  de  l'avoir  oublié.  6.  Une  femme  n'a  point  befoin  de  pu- 
rification y  c'efl  judaïfer.  7.  C'eft  une  idolâtrie  que  de  rendre  au- 


ET  DU  CONCILE  DE  BAS  LE.  Ziv.  Lr.     205 

cun  honneur  à  la  bière  de  6"  t.  Antoine  (1).  C'efl  un  péché  mortel    tj, 
de  donner  à  manger  aux  porcs  qui  portent  la  clochette  de  St.  An- 
toine. Nicolas  Serrurarius  s'ètonnoit ,  dit  la  Bulle ,  que  les  Prélats 
fujfent  [ouffrir  qu'on  portât  dans  le  pays  la  bière  de  St.  Antoine  pour 
quelques  préfères  que  ces  Moines  leur  faifoient.  Ceux  qui  font  char- 
qez^  de  porter  cette  bière  ne  font  que  des  impofieurs.  (trompatores  6c 
abufacores ,  hoc  ell  impoftores.  )  //  ne  croyoit  pas  qu'il  fut  vrai  que 
les  Papes  enflent  donné  aucune  concef/ïon  aux  Moines  de  St.  Antoine 
de  recevoir  quelque  chofe  pour  eux  &  pour  leurs  pourceaux ,  parce 
au  aucun  Pape  n'a  donné  des  indulgences  pour  nourrir  des  animaux. 
Ces  Religieux  dèputez^pour  exercer  cette  mendicité  nobtenoient  rien 
que  par  la  crainte ,  fur  tout  dans  les  villages ,  que  St.  Antoine  n'y 
mette  le  feu ,  comme  on  les  en  menace ,  s'ils  ne  donnent  rien.  Ce  fi  pour- 
quoi ces  pauvres  gens  donneraient  jufqu'au  dernier  denier.  II.  La  Bulle 
die  que  Serrurarius  parut  au  Concile  de  Confiance  (2)  pendant  la 
vacance  du  fiége ,  &  que  fon  affaire  fut  donnée  à  examiner  au  Pa- 
triache  de  Conftantinople.  Ce  Patriarche  aHembla  ks  Arche- 
vêques ,  les  Evêques ,  êc  les  Docteurs  pour  en  connoître.  Il  fe  trou- 
va par  cet  examen  que  Serrurarius  avoitimbu  de  fa  doctrine  ceux 
de  Tournay ,  &  de  Cambrai.   Le  jugement  fut  que  cet  hermite 
de  St.  Auguftin  n'approcheroit  de  fa  vie  ces  contrées-là  de  plus 
de  trente  lieues  3  que  s'il  le  faifoit,  il  feroit  liv«ré  au  Magiftrat, 
mais  que  s'il  donnoit  des  témoignages  de  repentance,  il  feroic 
rétabli  à  la  paix  de  l'Eglife ,  à  condition  qu'on  lui  donneroit  pour 
prifon  le  monafteredes  Auguftins  à  Metz }  fans  avoir  communi- 
cation aveeperfonne,  qu'avec  les  Religieux.  Ce  Jugement  etoit 
bien  modéré  en  comparaifon  de  celui  de  Jean  Hus ,  quoique  ce 
dernier  fût  moins  hérétique  que  l'autre  au  fens  de  l'Eglife  Romai- 
ne. Mais  comme  la  Bohême  avoit  été  troublée  à  î'occafion  de 
Jean  Hus  ,  ôc  qu'il  attaquoit  plus  directement  le  Siège  de  Rome  $ 
il  en  falloir  faire  un  exemple.  Quoi  qu'il  en  foie,  la  Bulle  porte 
III.  Que  Serrurarius  fe  rétra&a  folemnellement  ,  déteflant  en 
particulier  le  Wiclefifme  &le  Huffitifme.  IV.  Cependant  com- 
me il  demeuroit  toujours  reclus ,  quelques  Auguftins ,  Domini- 

(1)  C'efl:  Antoine  de  Padoue,  vulgairement  de  Pade,  autrement  de  Portugal,  Moine  de 
l'Ordre  de  St.  François  dans  le  XIII.  fiéclc.  Comme  félon  la  Légende  les  porcs  lui  étoient 
confacrez ,  fes  Moines  en  entretenoientpar  le  moyen  des  quêtes  qu'ils  faifoient,  portant  une 
efpéce  de  bière  de  St.  Antoine,  àquron  rendoit  un  culte  religieux.  Voyez  la  curieufe  Difler- 
tation  du  célèbre  Hermatt  Conritigius  fur  une  Neuvainc  de  St  Antoine  imprimée  ù  Helmftadt 
en  1725» 

(2)  Je  n'ai  rien  trouvé  de  cette  affaire  dans  les  adtesde  ce  Concile,  ni  dans  aucun  autre  Au- 
teur. Raynaldus  allègue  u-t  Manufcrit  qu'il  ne  fait  point  connoître. 

C  C  i.ij 


zoC     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
141 1.    cains,  Frères  Mineurs,  &  Carmes  s'étant  plaines  de  la  rigueur  de 
(a)ÎÊyna!d.  ce  jugement  3  Martin  V.  le  confirma  par  cette  Bulle  datée  de 
1420.11.17.  Florence  (aV 

Allemagne      XIII.  Ce  fut  environ  ce  temps  que  fe  conclut  le  mariao-e  de 
&  Pologne,   frideric  marquis  de  Brandebourg,  fils  aîné  de  Fride/ic  Ele&eur  de 
ce  nom,  avec  Hedwige  fille  de  Wladiflas  Roi  de  Poloo-ne.  Les 
premières   propofitions  s'en  firent  à  Tanguermunde  (  1  )  dans  la 
moyenne  Marche  de  Brandebourg ,  où  le  Roi  de  Pologne  avoic 
envoyé  quelques  Seigneurs  Polonois  pour  délivrer  des  prifon- 
niers  de  cette  Nation  ,  que  l'Electeur  avoit  faits  pendant  la  guer- 
re avec  les  Ducs  de  Stettein.  Les  conditions  du  mariage  étaient 
que  fi  Wladiflas  n'avoit  point  d'enfans  mâles  ,  fon  gendre  lui 
.     fuccéderoit  5  que  la  partie  de  la  Saxe  3  &  le  territoire  de  Lebus  > 
aliénez  delà  Pologne,  y  feroient  réunis,  &  que  Hedwige  auroic 
100000  florins  de  dot.  Cette  Princeflé  mourut  en  i43i.avanc 
que  le  mariage  fût  confommé.  Le  Roi  de  Pologne  &  l'Electeur 
de  Brandebourg  firent  en  même  temps  une  ligue  6fïen  fi  ve&dé- 
fenfive  contre  leurs  ennemis,  âf  en  particulier  contre  les  Che- 
valiers Teutoniques  que  Wladiflas  avoit  deilein  d'attaque'r  incef- 
iamment.  Mais  l'Electety:  l'engagea  à  continuer  la  trêve  encore 
un  an.  La  même  année  le  Roi  de  Pologne  déjà  décrépit  épou- 
fala  Duchefîe  Stnca  nièce  de  fon  frère  Withoud 3  PrincefTe  à  la 
ibyDiugos.  *?eur  de  ^on%e-  Comme  elle  étoit  Grecque  ,  il  la  fit  rebapti- 
ann.  i4zi.'  fer,  &  elle  fut  nommée  Sophie  (b). 

Mort  de  XIV.  On  marque  à  141 1.  la  more  de  Philebert  de  Nailiac  > 
Faiiiac  grand  Maître  de  Rhodes.  On  l'a  vu  entre  les  Gardes  du  Con- 
Ielhoîes.re  cIave  au  Concile  de  Pife ,  où  fut  élu  Alexandre  V.  &  à  celui  de 
Confiance  où  fut  élu  Martin  V.  Mais  comme  par  une  faute  d'im- 
preilïonqui  fe  trouve  dans  tous  les  Actes  de  ces  Conciles  où  il  eil 
mal  nommé,  on  n'en  trouvoit  de  nouvelles  nulle  part,  on  n'a 
pu  rendre  lajuftice  qui  efr.  diic  à  un  perfonnage  de  cette  impor- 
tance. C'eft  ici  l'occafion  de  le  faire  en  fuivant  les  mémoires  que 
nous  en  fournit  l'illuftre  Abbé  de  Vcrtotàms  fa  belle  hifloire  des 
Chevaliers  de  Malte.  Philebert  (  car  il  l'appelle  ainfi)  de  NaiUac\ 
Grand  Prieur  d'Aquitaine  fut  élu  Grand  Maître  de  Rhodes  en 
1397.  Il  eut  grande  part  aux  affaires  politiques  &  éccléfiaftiques , 
aulli-bien  qu'aux  guerres  de  fon  temps.  Son  ordre  fut  d'abord 

(0  Cette  Ville  a  donne'  la  nailTance  à  des  Empereurs,  des  Eletleur?,&  d'autres  Princes.  On 
rapporte  qu'après  Prague  l'Empereur  Charles  IF.  ne  prenoit  plus  de  plaifir  nulle  part  qu'à 
Tanguermunde.  Voyez  des  Mémoires  curieux  fur  cette  Ville  par  Mr.  George  Godefroy  ¥Luflcr  , 
imprimez  à  Brandebourg  en  172*, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.   jf.   207 

engagé  dans  une  ligue  contre  Baja^t  I.  qui  menaçait  la  Hon-    I/Llî 
grie  fous  le  règne  de  Sigifmond  de  Luxembourg  qui  fut  depuis  Em-  ' 

pereur.   Le  Grand  Maître  avec  les  principaux  des  Commandeurs 
&  des  Chevaliers  fe  trouva  en  1 397.4  la  fameufe  bataille  de  iV/- 
copoli,qui  fut  fi  fatale  aux  Chrétiens  par  la  témérité  Ôtlaméfin- 
telJigence  des  Chefs  3  &  par  la  licence  du  foldat.  Sigifmond  lui- 
même  qui  étoit  à  la  tête  de  cent  mille  hommes  entreprit  le  Siéo-e 
de  cette  importance  place.  Mais  d\e  fut  fi  bien  défendue  ,  qu^il 
fallut  le  lever  pour  aller  au  devant  des  Turcs  qui  venoient'à  fon 
fecours  avec  une  grofîe  armée.  La  déroute  des  Chrétiens  fut  fî 
générale  3  que  le  Roi  &  le  Grand  Maître  auroient  eu  le  mè?ne  fort 
fi  dans  ce  de  [ordre  ils  ri  eurent  trouve  par  hasard  au  bord  du  fleuve 
la  barque  d'un  pécheur  dans  laquelle  ils  fe  jetterent  5  &  malojè  une 
nuée  de  flèches  que  ces  barbares  tiroient  contre  eux ,  ils  s'èloianerent 
du  rivage ,  &  fi  lai  fiant  aller  au  courant ,  ils  gagnèrent  l'embouchure 
du  fleuve  ,  d'où  ils  découvrirent  la  flotte  Chrétienne  qui  rien  étoit  pas 
éloignée.  Ze  Roi  &  le  Grand  Maître  accable^  de  douleur ,  prirent 
une  des  galères  de  la  Religion  .  qui  les  porta  heureufiment  à  Rhodes 
(a).  Quelques  années  après  le  Grand  Maître  de  Rhodes  avec  fes  (a)  l,v.  vi. 
Chevaliers  fe  trouva  engagé  dans  une  guerre  avec  Tamerlan    P- "7- 
qui  après  avoir  dompté  Bajaçet  vouloits'aiïujettir  tous  les  Prin- 
ces de  YAnatolie.  Ce  Conquérant  mourut  peu  de  temps  après 
avoir  pris  Smirne  (b) ,  où  les  Chevaliers  3  félon  notre  Auteur ,  fi_  (h;  en  1435. 
gnalerent  leur  valeur ,  &  après  avoir  fait  la  paix  avec  un  Roi  des 
Indes ,  qui  étoit  entré  en  Perfe  à  main  armée. 

Pendant  ks  guerres  que  fe  faifoient  ces  Princes  infîdelles  le 
grand  Maître  prit  des  mefures  pour  la  feureté  des  Ifles  de  la  Reli- 
gion, &  dans  cette  vue  il  fe  rendit  maitre  d'un  ancien  Château  Ci. 
tué  en  terre  ferme  à  1.1  milles  de  Zango ,  l'une  des  Ifles  qui  appar- 
tenoient  aux  Chevaliers.  Il  monta  lui-même  fia  flotte  3  courut  les  cotes 
de  la  Carie ,  aborda  dans  le  golfe ,  entra  dans  le  Port  par  un  vent  de 
fud-oueft ,  ou  de  lebe fiche ,  débarqua  fies  troupes  ,  furprit  &  attaqua  une 
garnifon  de  Tartares  que  Tamerlan  avoit  laifièe  dans  cette  place  & 
s'en  rendit  maître  h  mais  en  ayant  reconnu  lafoiblcffc  3  ilenfitconftruire 
une  nouvelle ,  quilfit  bâtir  fur  le  roc  a  la  pointe  d'une  prefqu'lfle  qui 
-  s'avancoit  dans  la  mer  $  /'/  la  nomma  le  Château  de  St.  Pierre  &  les 
Turcs  l'appellèrent  depuis  Bidrou{c).  Depuis  ce  temps-là  Jean  le  fc)p.ip, 
Meingre  Maréchal  de  Boucicaut^  qui  commandoit  dans  Gènes 
pour  le  Roi  de  France,  ayant  paflé  à  Rhodes  pour  aller  fecourir 
lamagoufte  attaquée  par  le  Roi  de  Chypre  ,  qui  voulok  l'enlever 


io8  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSS1TES 
14.21.  aux  Génois  ^  le  grand  Maître  l'accompagna  dans  cette  expédi- 
tion pour  y  négocier  la  paix  entre  le  Roi  de  Chypre  6c  les  Génois , 
&il  y  réuflic.  Avant  que  de  s'en  retourner  à  Rhodes  ,  ils  allèrent 
courir  les  côtes  de  Syrie  Se  de  PaleftinejufquesàTripoli,  pour  ci- 
cher  de  délivrer  les  chrétiens  de  ces  régions ,  opprimez  par  les 
Sarrafins.  Quoique  Naillac  &  Boucicaut  n'euflènt  qu'environ 
3000.  hommes  ils  fe  battirent  avec  une  prodigieufe  valeur  contre 
plus  de  1 5000.  de  ces  barbares ,  qui  défendoient  les  bords  de  la 
mer,  Se  les  repouflérent  jufques  dans  Tripoli.  Mais  les  Généraux 
chrétiens  n'ofant  attaquer  cette  place  trop  bien  défendue  fe  rem- 
barquèrent pour  palier  à  Baruth  ville  de  la  Phénicie  très  -confidé- 
rable  dontilss'emparérent.  Après  ces  courfes  affez  heureufes ,  le 
grand  Maître  prit  la  route  de  Rhodes  ,  Se  Boucicaut  celle  de  Farna- 
goufie.  Dans  ce  même-temps  le  Sultan  rechercha  la  paix  avec  ks 
Chevaliers  de  Rhodes  fous  6qs  conditions  fort  favorables  à  l'Or-. 
(OjK  /"V-fïie  (a). 

Mais,  dit  ici  notre  Historien,  »  quelles  auroient  été  les  forces 
»  de  ce  Corps  redoutable,  fi  elles  n'avoient  pas  été  divifées  par 
»  le  malheureux  fchifme  qui  déchiroit  alors  l'Ordre  auffi-bien  que 
»PEglifeUniverfelle.  Nous  avons  dit  qu'il  fe  trouvoit  en  même- 
»  temps  dans  l'Eglife  deux  Papes,  qui avoient  chacun  différentes 
«Nations  dans  leur  Obédience,  &  dans  l'Ordre  deux  Supérieurs 
»indépendans  l'un  de  l'autre.  Le  couvent  de  Rhodes,  les  Cheva- 
lliers qui  étoient  en  Orient,  ceux  de  France,  de  Caftille  Se  d'E- 
%»cofTe,  &  d'une  partie  de  l'Allemagne  reconnoifîoient  l'autorité 
vdu  grand  Maître,  qui  adhéroit  à  Benoît  S£I  II.  fuccefleur  de 
»  Clément  VII.  ôc  les  Papes  fuccefleurs  ^Urbain  VI.  pour  retenir 
«dans  leur  Obédience  les  Chevaliers  Arragonois,  Italiens  ,  An- 
»glois,  ceux  des  Royaumes  du  Nord,  de  Bohême  Se  deHon- 
?'grie,  leur  avoient  donné  pour  chefs  des  Commandeurs  Italiens, 
»  qui  fous  le  nom  de  Lieutenans  du  Magiflere ,  Se  comme  fi  la  gran- 
»  de  Maîtrife  eut  été  vacante,  gouvernoient  cette  partie  de  T'Or- 
»dre  ,  fans  aucune  relation  avec  le  grand  Maître  de  Rhodes.  On 
»  peut  juger  du  préjudice  qu'une  fi  funefie  divifion  caufoit  dans 
»  cette  Ifle ,  qui  voyoit  fes  forces  partagées ,  6c  qui  depuis  long- 
temps ne  droit  plus  aucun  fecours  des  PrieurezSe  des  Comman- 
/W».  170.  "  deries  qui  s'étoient  féparées  du  corps  del'Ordre  (b). 

Ce  fchifme ,  comme  on  l'a  vu.  ailleurs ,  donna  lieu  au  Concile 
de  Pife,  où  fe  trouva  le  grand  Maître  de  Rhodes  accompagné 
de  feize  Commandeurs.  Des  c^u  Alexandre  V.  y  fut  élu,  le  grand 

Maître 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JT.    209 

Maître  plein  d'efpérance  de  voir  les  Princes  chrétiens  réunir  leurs     14.2 1  ' 
forces  contre  les  Turcs ,  envoya  une  ambaiïade  de  la  part  de  l'Or- 
dre à  la  plupart  des  Souverains  de  la  chrétienté ,  pour  leur  repré- 
senter combien  la  conjoncture  préfente  ètoit  favorable  pour  faire  la, 
guerre  aux  Turcsique  le  trbne  de  Bajazet  étoitbien  ébranlé  par  la  chute 
de  ce  Prince  >&par  les  victoires  de  Tamerlan  ,  &  qu'il  falloit profiter 
des  guerres  civiles  allumées  entre  les  enfans  du  Prince  Turc  qui  fe  dif- 
futoient  fa  fucce.flîon,  &  les  débris  de  fon  empire.  Le  Pape  approuva 
ce  projet,  &  donna  une  Bulle  par  laquelle  il  déclaroit  Philebert 
de  Naillac\tiQ\x{  légitime  grand  Maître  de  tous  les  Chevaliers 
de  l'Ordre  de  St.  Jean  de  je ru fa lem  (à).  Ce  fut  en  vertu  de  cette  (aj  P.  t7^; 
Bulleque  7W//7/^aiïembla  un  Chapitre  général  à  Nice  ,  &:  puisa 
jiix  en  Provence,  pour  réunir  tous  Tes  Religieux.  Il  ne  put  s'y  trou- 
verlui-même,  parce  que  le  Pape  le  nomma  AmbaiTadeur  auprès 
des  Rois  de  France  èc  d'Angleterre  pour  négocier  la  paix  entre 
eux.  On  peut  voir  dans  notre  Auteur  les  réglemens  de  ce  Chapi- 
tre^). Le  fchi/me,  comme  on  fçait ,  ne  fut  point  éteint  par  le  (bj  P.  ij$. 
Concile  de  Pife.  Jean  JfJTIII.  allez  connu  par  les  Hifloires  de  l77- 
Pife  Se  de  Confiance,  8c  d'après  elles  par  M  l'Abbé  de  Vertot ^ 
fùccéda  à  Alexandre  V.  pendant  que  Benoit  Jf IIP  ôc  Grégoire 
JCII.  fe  maintenoient  Papes. 

L'Ordre  ,  dit  cet  Abbé  ,  fe  vit  a  la  veille  d'être  anéanti  (c)  par  la  (<0  p.  18 r* 
fîmonie  qu'y  exerçoit  JcanA'A^III.  ainfi  que  par  tout  ailleurs. 
C'eft  ce  qui  engagea  le  Confeil  de  Rhodes  à  écrire  à  ce  Pape  une 
lettre  forte  ôc  touchante,  dent  notre  Hiftorien  a  donné  le  précis 
avec  fa  netteté  ordinaire.  Mais  l'Ordre  ne  tira  de  cette  lettre  qu'-  • 

une  fatisfaction  très-legere.  Le  Concile  de  Confiance  ayant ,  au. 
moins  en  partie,  terminé  le  fchifme ,  le  Grand -Maître  voulut 
aufli  le  terminer  dans  fon  Ordre  fort  divifé  &  fort  appauvri.  C'eft 
dans  cette  vue  qu'il  convoqua  à  Aviqnon  une  affcmblée  des  Prieurs  > 
des' Receveurs ,  &  des  plus  anciens  Commandeurs  de  France  ,  d'Efpagne 
&  de  Savoye.  Le  Grand-Maître  leur  propofa  Iq  fujet  de  cette  convo- 
cation particulière  ;  &  après  qu'on  eut  ouvert  differens  avis ,  on  en  re- 
vint à  celui-ci  qui  é toit  conforma  au  Gouvernement  républicain  de  l'Or- 
dre ?  c'eft  qu'il  falloit  convoquera,  Rhodes  un  Chapitre  gênerai }  y  invi- 
ter par  une  citation  le  plus  grand  nombre  de  Prieurs  &  d'anciens  Com- 
mandeurs qui  pourroient  s'y  rendre  ,  &  fur  tout  prévenir  par  une  dé- 
flation particulière ,  les  Prieurs  de  Lombardie ,  de  Venifc ,  de  Rome 
&  de  Pife  ,  qui  jufqu  alors  av oient  paru  les  plus  éloignez^de  reconnaître 
l'autorité  du  Grand- Maître  j  afin  que  Leur  réunion  au  corps  entier  de 
Tom.  I.  Dd 


no       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

î±i  I.  l'Ordre  3  fut  dut  or  i [ce  far  les  décrets  d'un  Chapitre  gênerai ,  ou  que 
cette  augufie  afjemblée ,  dans  laquelle  réfidoit  la  puiffance  fouveraine 
de  l'Ordre  j  décernât  les  peines  quelle  juger  oit  à  propos  contre  les  def 
obéiffans  &  les  refraïlaires. 

Pour  exécuter  heureufèment  ce  projet,  Naillac  envoya  un  des 
Chevaliers  nommé  Jean  de  Patru  3Tré(onQr  conventuel,  fous  le 
titre  de  Vifiteur  6c  de  Correcteur ,  dans  les  quatre  Prieurez  de 
Lombardie ,  de  Vernie ,  de  Rome ,  &  de  Pife.  Ces  Chevaliers  Ita- 
liens ayant  reconnu  Martin  V.  fe  fournirent  aufîi  au  Grand  Maître 
confirmé  par  ce  Pape.  Tous  les  autres  fui  virent  leur  exemple ,  à  la 
referve  d'un  feul  (i)  qui  fe  rendit  pourtant  à  la  fin.  Le  Chapitre 
s'afîembla  donc  à  Rhodes  ,  &  tout  s'y  pafla  à  la  fatisfa&ion  com- 
mune, &  au  contentement  du  Grand  Maître.  Il  y  avoit  longtemps 
qu'il  ne  s'en  étoit  tenu  aucun  fi  célèbre  3foit  par  le  nombre  des  Capi- 
iulans ,  ou  par  l'importance  des  affaires  qu'on  y  traita.  On  y vit  pour 
la  première  fois  la  plupart  des  Chevaliers  3  qui  auparavant  s' et  oient 
engagez^  dans  le  fchtfme ,  &  qui ,  fans  s'en  apperccvoir ,  $•  avec  de 
bonnes  intentions ,  s'étoient  trouvez^infenfiblement  hors  des  bornes  de 
leur  devoir.  Ils  y  rentrèrent  tous  ;  les  Prieurs  &  les  Baillis  d'Italie , 
d' Angleterre  3  des  Royaumes  du  Nord  3  de  Bohème  3  de  Hongrie  3  & 
d'Arragon,  reconnurent  folemnellement  le  Grand -Maître  pour  leur 
chef  &  leur  feul  fuperieur  :  il  n  étoit  plus  que/iionde  fchifme  que  pour 
le  détefier.  Les  Chevaliers  qui  avoient  été  fous  différentes  obédiences ,. 
s'embraffoient  avec  joie  pour  célébrer  leur  réunion ,  (^  les  uns  &  les 
autres  qui  la  regardaient  comme  le  fruit  de  la  fageffe  du  Grand  Maî- 
tre 3  s'emprefjoient  de  deviner  &  de  prévenir  fe  s  intentions  pour  s'y  con- 

(*)  p.  18p.  former  (a.) Il  envoya  les  attes  de  ce  Chapitre  au  Pape  qui  les  con- 

i?0'  firma  par  fon  autorité.  Ce  fut  le  fceau  que  mit  cefage  Pontife  à  la  paix 

&  à  l'union  de  l'Ordre ,  £?*  ce  fut  auffi  la  dernière  a  fi  ion  qui  fe  paffa 
fous  le  magiftere  de  ce  Grand-Maître.  Il  fembloit  qu'il  n'en  attendit  la 
nouvelle  que  pour  quitter  la  vie  avec  plus  de  fatisfaïlion.  Peu  de  temps 
après  avoir  reçu  le  bref  du  Pape  ,  il  tomba  malade  :  &  fans  autre  pré- 
paration que  celle  d'une  fainte  vie  3  il finit  fes  jours  avec  une  tranquil- 
lité qu'on  peut  regarder  comme  un  préfage  de  la  félicité  que  le  Ciel 
lui  deftinoit.  Sa  place  fut  remplie  par  Frère  Antoine  Fluvian  ou  de 
la  Rivière  3  du  Prieuré  de  Catalogne ,  Drapier  de  l'Ordre  3  &  Grand 
Prieur  de  Chypre  3  ou  Grand  Confervateur  ,  &  Lieutenant  de  fon  Pré- 
deceffeur. 

( i)  Frère  "jetrn  Tigncuclli  Commandeur  de  St.  tt'itnne  de  Monopoli. 


GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE     DE     BASLE- 

LIVRE    XL 

j|U  commencement  de  cette  année  les  Taborices  fi-  r>i2, 
renc  la  conquête  de  la  ville  de  Sobicflavv  à  deux  Coquet 
lieues  de  Tabor.  Cet  avantage  étoit  confidérable,  ^sTa-Wi- 

,.,  •       i-      i      •         mi  •  i  '  tes  en  BoIk 

m  parce  qu  il  y  avoit  dix-huit  villages  qui  en  depen-  mc. 
doient,  &;  qu'elle  fourniiloit  beaucoup  de  poiiion,par  le  grand 
nombre  d'étangs  qui  étoient  dans  ce  territoire.  Un  Hiftorien  té- 
moigne qu'il  y  avoir  trois  fortes  de  religions  dans  Sobiejlaw ,  Ra- 
voir i .  les  Huljîtes  qui  faifoient  le  plus  grand  nombre  -,  i.  les  Ta- 
bçrifeSyQWt  cet  Auteur  appelle  Frères ?  qu'on  nommoit  aufïî^K 

Ddij 


ii2        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

141 1.    cards  3  Reformez  ,  &  Wiclefîtcs ,  &  qui  ne  vouloient  pas  qu'on  ies* 
(ajÀfan/;.  appellât  Picards  ',  &  3.  les  vieux  Picards  {a).  Quoi  qu'il  en  foit, 

MeriaHl  b°"  ^en  ^ue  ^a  v*^e  ^  ^uC  renc^uë>  on  ne  lâîfla"  pas  d'y  brûler  quel- 
hem.Morav.  ques  prêtres ,  apparemment  des  vieux  Picards ,  que  Ziska  n'épar- 
&  Silef.  p.     gnoic  point  (b).   On  met  à  cette  année  une  courfe  que  ziska  fit  en 
7{b)ibeob.    Autriche  3  où 3  à  fon  ordinaire ,  il  Te  fignala  par  des  brigandages. 
ubi  fupr.  p.   A  fon  arrivée  les  gens  de  la  campagne  (e  fauverent  3  les  uns  dans 
les  villes  &.  dans  les  forterefîes  avec  leurs  effets ,  &  les  autres  dans 
les  bois  &  dans  les  deferts.  Quelques-uns  mirent  leur  bétail  fur 
des  radeaux  pour  les  tranfporter  dans  une  ifle  du  Danube,  mais 
Ziska  s'avifa  d'un  ftratagême  pour  enlever  ce  butin.  Il  fit  conduire 
des  cochons ,  des  veaux ,  des  agneaux ,  &:  d'autres  beftiaux  fur  le 
rivage.  Les  animaux  de  la  même  efpece  qui  étoient  de  l'autre  cô- 
té ,  entendant  mugir ,  bêler  êc  grogner ,  fe  mirent  à  la  nage  pour 
(c)y€»«w  jes  joindre,  6c  furent  enlevez  comme  le  reflefcY  Ce  fut  dans  ce 
Bohcm.  cap.  même  temps  que  ceux  de  Prague  le  défirent  du  moine  Jean  de 
xliv.  iheob.  premontrè ,  comme  on  l'a  dit  ailleurs.  Il  arriva  aufîi  à  peu  près  en 
upr'      ce  temps  un  incendie  dans  une  forterefle  nommée  Burglos  (1  ) ,  où 
s  etoient  retirez  les  Catholiques  de  Prague  3  parce  que  Siytfmonâ 
y  avoit  une  garnifon.  Ceux  qui  purent  échaper  de  l'incendie ,  fe 
retirèrent  à  Pilfen. 
irruption        1 1.  Cette  même  année  les  Taborites  parlèrent  dans  la  Marche 
des(*ZalJ°rI"  de  Brandebourg ,  pillant ,  brûlant  &  maflacrant  tout  fur  leur  paf- 
Marchc  de    &ge.  Us  allèrent  aftiéger  Francfort  fur  l'Oder ,  &  brûlèrent  d'a- 
Brande-        bord  les  fauxbourgs ,  &  la  Chartreufe.  Mais  les  bourgeois  ayant 
,ur^         fait  une  fortie ,  les  mirent  tous  en  fuite.  S'étant  retirez  dans  une 
forterefle  appellée  Landfcron  3  c'eft-à-dire ,  Couronne  du  païs ,  ils 
recommencèrent  le  fie^e  de  Francfort  avec  de  nouvelles  forces  „ 
mais  ils  furent  encore  repouflez ,  &  contraints  de  quitter  le  païs. 
En  même  temps  ceux  de  Francfort  allèrent  devant  la  forterefle  de 
Landfcron  ,  &  s'en  étant  emparez ,  ils  la  raferent  par  ordre  de  Si- 
pfmond.  Ceux  de  Prague  mirent  dans  le  même  mois  le  iîége  de-- 
vant  la  ville  de  Luditz^  la  prirent,  &  y  mirent  tout  à  feu  &  à  fang. 
S'étant  retirez  de-là  dans  un  bourg  voifin ,  ils  fe  battirent  pour  le 
butin  ,  &  il  y  en  eut  environ  70.  de  tuez ,  &.  plufieurs  de  blellez  qui 
furent  transferez  à  Prague. 
Arrivée  de      ni.   Cependant  Siq-ifmondCorihnt  fit  fon  entrée  à  Prague  avec 

ConbutÀ  1      L  Tl    r  i-l  1  • 

Prague.        5000.  chevaux.  II  raut  remarquer  qu  il  y  avoit  alors  trois  partis 
politiques.  Les  Grands  3  au  moins  pour  la  plupart ,  tenoient  pour 

(1)  JLneas  Syhius  l'appelle  Purgelhnutru 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  JF7.     n3 

Sigifinond.  Les  Taborites ,  &  Ziska à  leur  tête,  ne  vouloient  point    ja1z: 
de  Roi.  Mais  ceux  de  Prague  vouloient  avoir  un  autre  Roi  que 
Sigifinond.  On  ne  dit  point  au  refte  fi  Withold  Grand  Duc  de 
Lithuanie  envoya  Coribut  Ton  proche  parent  pour  prendre  pof- 
fetfion  du  Royaume  en  fa  place  ,  ou  fi  Coribut  devoit  lui-même 
être  Roi.  Quoi  qu'il  en  foit ,  il  fut  très-bien  reçu  à  Prague.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain  ,  c'en:  que  Martin  V.  écrivit  à  Withoud  une 
lettre  très-forte  pour  le  détourner  d'aflîfter  les  Bohémiens  (a),    [a]  mibr** 
Dès  que  Coribut  fut  arrivé,  on  le  fît  notifier  dans  toutes  les  villes  die%" 
de  Bohême  ,  afin  qu'elles  envoyaflent  leurs  Députez  pour  le  cou- 
ronnement. Les  Grands  de  Bohême  en  ayant  eu  avis ,  afiemble- 
rent  toute  la  noblefie ,  &  déclarèrent  qu'ils  ne  pouvoient  recevoir 
Q?r/^pourRoiparcesraifons.   i.  Que  le  Royaume  appartenoic 
à  Sigifinond  par  le  droit  héréditaire,  en  qualité  de  fils  de  Charles 
IV.  &  de  frère  de  Wencejlas.  i.  Qu'il  avoit  déjà  été  couronné  3  &c 
qu'il  ne  leur  étoit  pas  permis  de  prendre  un  autre  Roi  de  fon  vi- 
vant. 3.  Que  quoique  la  première  députation  au  Duc  Withold 
n'eût  pas  été  faite  à  leur  infçû,  n'ayant  point  eu  de  part  à  la  fe^ 
condeniàlatroifiéme,  ils  ne  vouloient  point  y  déférer.  4.  Que 
Coribut  n'avoit  point  été  baptifé  au  nom  de  la  Trinité,  puifqu'il 
étoit  RuJJe  èc  ennemi  du  nom  Chrétien  (  1  ).  Mais  ceux  de  Prague  ré- 
pondirent que  bon  gré  mal  gré ,  il  falloit  qu'ils  acceptaflent  Cori- 
but pour  Roi.  Les  Grands  auffi-tôt  ayant  tenu  confeil  envoyèrent 
ordre  de  tranfporter  la  Couronne  &  les  autres  ornemens  royaux 
nécefîaires  pour  le  couronnement,  de  la  chapelle  de  St.  Wencejlas 
à  la  forterelîe  de  Carl/lein.  Enfuite  apprenant  que  ceux  de  Prague 
avoient  delîein  d'afliéger  Carlftein ,  ils  firent  tranfporter  la  cou-    [b]  Xap* 
ronne  dans  un  autre  endroit  (b)  avec  bonne  efcorte.  ann.  i4iz. 

IV.  En  effet  Coribut  à  la  tête  de  ceux  de  Prague,  &  de  quelques  "siège  de 
troupes  auxiliaires  des  autres  Villes,  mit  le  fiége  devant  Carlflein  c*rfyû«yV** 
où  Sigifinond  avoit  garnifon  (1).  La  place  fut  attaquée  par  quatre 
endroits,  à  chacun  defquels  on  pofta  6000.  hommes  avec  les  ma- 
chines de  guerre  nécefîaires  pour  la  bien  battre.  Theobald  remar- 
que que  de  fon  temps  on  gardoir  encore  dans  un  monaftére  de  Bo- 
hême (c)  les  Catapultes  dont  on  fe  fervit  à  ce  fiége ,  &  que  depuis  [c]  suVVMi9 
aucun  ouvrier  n'en  avoit  pu  faire  d'une  fi  belle  invention.  Après 
s'être  bien  retranchez  pendant  deux  jours  devant  la  place  ,  on 

(1)  Il  y  avoit  pourtantdcja  quelques  années  que  les  Lithuaniens,  &  fur  tout  leurs  Princes, 
ctoient  Chrétiens  ,  mais  à  la  Grecque. 

(%)  Fortereffe  à  trois  lieues  de  Prague  bâtie  par  Charles  IV.  en  13.48.  fur  une  haute  mon- 
tagne* 

Cdiii 


114-  HÎST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES  \ 
i  4.1 2.  commença  à  la  battre  d'une  G.  terrible  force, que  les  forêts  voîfines 
en  retentifloient.  Lesaffiégezdeleur  côté  incommodoienc  extrê- 
mement les  affiégeans  avec  leurs  machines  de  guerre  (i)  ,  &  i 
grands  coups  de  pierres  &  de  briques  qu'ils  détachoient  des  toitsl 
D'ailleurs  avec  des  fafcines  qu'ils  faifoient  de  nattes  &  de  branche* 
de  chêne, ils  trouvoient  moyen  d'empêcher  l'effet  des  coups  qu'on 
iançoic  contre  eux  avec  des  frondes  &  des  Bœliiftes (2).  En  effet, 
on  remarque  qu'il  fut  tiré  jufqu'à  1931.  coups  fans  endommager 
ni  les  murailles  ni  les  tours.  Les  aiTiégeants  voyant  donc  que  tous 
leurs  efforts  étoient  inutiles  contre  une  place  il  bien  fortifiée  de  fa 
nature,  d'ailleurs  munie  de  tout  ce  qui  étoit  néceflaire  pour  foiU 
tenir  un  fiége,  6c  défendue  par  des  gens  fort  braves,  ils  s'aviférenc 
de  ce  ftratagême.  Ce  fut  de  jetter  avec  leurs  machines  2000; 
tonneaux  pleins  d'excrémens  6c  de  cadavres ,  dans  la  place  même. 
Ce  qui  caufa  une  fi  horrible  puanteur ,  que  les  pauvres  foldats  en 
périiloient.  Les  dents  tomboient aux  uns,  6c elles  étoient  ébran- 
lées aux  autres ,  quoiqu'ils  employaient  beaucoup  de  chaux  vive, 
5c  d'arfénic  préparé ,  pour  empêcher  que  cette  puanteur  ne  les  in- 
fectât, il  n'y  eut  pas  moyen  d'en  venir  à  bout.  C'eftce  qui  les  obli- 
gea à  confentirà  à  une  trêve  de  1  5.  jours  pour  fè  médicamen- 
ter. 

Ce  terme  expiré ,  on  recommença  l'attaque  avec  une  nouvelle 
vigueur.  On  raconte  que  les  allégeants  arrachèrent  des  colonnes 
de  pierre  d'une  Eglife  de  Prague  pour  en  faire  des  boulets  qu'ils 
lançoient  dans  la  place ,  6c  fur  tout  fur  une  tour  qui  les  incommo- 
doit  beaucoup  ,  parce  que  de  là  oncouvroitceuxdela  Viile  qui 
alloient  chercher  de  l'eau  à  une  certaine  fontaine  hors  des  murail- 
les ,  6c  on  donnoit  avis  aux  aiTiégez  de  cequife  pafloit  chez  les 
affiégeants.  Pendant  qu'ils  battoient  cette  tour,  un  des  habitans 
de  la  vieille  Prague  tomba  entre  les  mains  des  afllégez  ;  l'ayant  ga- 
rotté,  ils  le  poftérent  en  un  endroit  de  cette  tour  où  il  étoit  fort 
expofé  aux  coups  des  aiTiégeants  ^  ils  lui  donnèrent  un  bâton ,  au 
bout  duquel  il  y  avoit  une  queue  de  renard  ,  lui  ordonnant  par  dé- 
rifion  de  bien  chaflfer  les  mouches.  Ilss'étoient  avifez  de  ce  cruel 
ftratagême  ,  dans  l'efpérance  que  par  pitié  pour  leur  compatriote, 
ceux  de  Prague n'agiroient  point  de  ce  côté-la.  Ils  s'y  trompèrent 

{1]  Sclopetorum ,  atque  tormtntorum  iïïibtts. 

(z)  Voyez-en  la  figure  dans  Godefcalc.  Stevvech.  fur  Vegeu  p.  44  J\  446*.  Theobald  remarque 
que  l'ufage  de  l'Arc  n'e'toit  pas  encore  inventé.  Il  veut  dire  apparemment  qu'on  ne  s'en  fervoit 
pas  encore  en  Bohême.  J'ai  entre  les  mains  des  Arcs,  dont  on  pre'tend  que  les  rjuflites  fc 
fer  virent  au  liège  de  Bernau  dont  on  parlera  dans  la  fuiteP 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XI.    ir?    ,, 

pourtant  $  car  les  affiegeants  prenant  cela  pour  une  infulte  3  n'eir  (a]  j£tie»& 
battirent  que  plus  vigoureufement  la  place.  Cependant  aucun  s^-  ubl  iu" 
coup  ne  porta  iur  le  malheureux  citoyen  de  Prague ,  Scies  afïïégez  xuvfp.  m. 
eux-mêmes,  voyant  que  fa  bonne  fortune  l'avoit  fauve  3  le  délié-  ^7.^3. 
rent,  &  le  laiiTerentaller(a).  Ulh        * 

V.  Le  fiége  duroit  encore  lorfque  l'armée  Allemande  arriva  L'armevi-n- 
en  Bohême.  Les  Archevêques  de  Mayence ,  de  Trêves ,  de  Colo-  Sèïcv^t 
gne  ,  les  Electeurs  du  Palatinat ,  de  Saxe ,  de  Brandebourg  ,  le  Duc  Zatec. 
de  Brunfwick,  le  Duc  de  Mifnie  y  avoient  envoyé  leurs  troupes , 
&  le  Prince  de  Plavven  (i)  commandoit  l'armée.  Ce  Général 
croyant  faire  lever  le  fiége  de  devant  Carlflein  alla  afîiéger  Zatec 
(b)  capitale  du  diftrict  de  ce  nom  ,  où  s'étoient  retirez  quantité    [bjle  27. 
de  gens  de  la  campagne  3  aufli-bien  que  dans  d'autres  Villes  3  pour  d'Aout' 
éviter  la  fureur  du  foldat  Alleman  ,  qui  n'épargnoit  rien  furfon 
pafïage.  Après  avoir  avancé  toutes  leurs  machines  de  guerre ,  ils 
battirent  d'abord  la  place  avec  beaucoup  de  fureur  3  mais  ellefe 
défendoit  avec  tant  de  valeur  que,  Plavven  craignant  pour  le  fuc- 
cès  3  s'avifa  de  ce  ftratagême.  Il  fit  ramailer  quantité  de  pigeons 
ôc  de  moineaux ,  &  leur  ayant  attaché  à  la  queue  de  la  poix  ,  &  du 
fouffre  ardent,  il  les  lâcha  dans  la  ville,  croyant  y  mettre  le  feu  ; 
mais  les  aifiégez  firent  fi  bien  qu'ils  s'en  garantirent.  Cependant 
comme  il  y  avoit  alors  plus  de  monde  qu'à  l'ordinaire  dans  la  vil- 
le 3  craignant  d'y  être  affamez,  ils  rirent  une  fortie  (c),  pafTerent   [c]Le  ij. 
aufildel'épéelesfentinelles,  &fe  retirèrent  après  avoir  tué  50.  d'0(a°brc* 
hommes,  ôc  fait  plusieurs  prifonniers.   Le  Général  en  fureur  fit 
lancer  en  un  jour  70.  boulets  contre  la  ville  ,  fans  qu'il  pérît  per- 
fonne  qu'une  vieille  femme  qui  étoit  fur  un  four.  On  voulut  en- 
core tenter  une  fois  le  flratagême  des  moineaux  3  mais  le  Géné- 
ral en  fut  la  dupe.   Il  y  eut  un  de  ces  oifeaux ,  qui  mit  le  feu  à 
une  tente  de  paille.  Pendant  que  les  foldats  couroient  ça  ôc  là  , 
pour  éviter  le  feu  ,  l'incendie  gagna  un  fi  grand  nombre  de  ten- 
tes que  tout  le  camp  étoit  en  flammes.  Les  affiégez  profitant  de 
cette  confternation,  s'allèrent  jetter  fur  les  afliegeants  _,  les  mirent 
en  fuite ,  &  les  chaflérent  de  la  Province(d).  Un  autre  Hiflorien    [d]  ^  *9> 
de  Bohême  convient  bien  de  cette  déroute  totale  des  Allemans  ,  j^^'bc 
mais  il  ne  parle  point  de  l'incendie  arrivé  par  les  oifeaux  foufFrez.  fupr. 
Il  dit  que  ce  furent  les  afliegeants ,  qui  mirent  le  feu  à  leur  camp  , 
fur  la  nouvelle  que  ziska  accouroit  au  fecours  de  la  ville  avec  une  [e}D»fov*r. 
grofîe  armée  (e).  ,  £b?xxvT 

{1}  Ville  de  la  Mifnie  en  haute  Saxe  ,  elle  eft  capitale  du  Yo;gt!a.id.  p.  tfptf» 


ii G      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

Vrocofe  Rafe    VI.  Sigifmond  cependant  défefpérant  de  pouvoir  conquérir  la 
entre  en  Mo- Bohême,  abandonna  cout-à-fait  cette  entreprife,  &  comme  les 
Moraves  s'étoient  joints  aux  Bohémiens  contre  lui ,  il  rît  préfene 
de  cette  Province  à  l'Archiduc  Albert  (on  gendre,  à  condition 
de  la  réduire.  Ce  Duc  entra  en  effet  en  Moravie  à  main  armée , 
aflîfté  de  quelques  troupes  auxiliaires  de  l'Empereur.  Il  afliégea 
d'abord  la  ville  de  Jutemberg  (i  )  ,  qui  avoit  embraiïé  le  Hufîitif- 
nie.   Les  Jutembergeois  ayant  appelle  ziska  à  leur  fecours ,  il  leur 
envoya  Procope  Rafe  furnommé  le  Grand,  avec  un  bon  corps 
d'armée.  Comme  ce  Capitaine  fucceda  à  ziska  dans  le  comman- 
dement des  troupes  Huflites,  c'eftici  l'occafion  de  le  faire  con- 
noître.  C'étoit  un  Gentilhomme  Bohémien ,  apparemment  de 
médiocre  fortune.  Il  fut  adopté  par  fon  oncle  maternel ,  qui  le 
fit  étudier,  le  fit  voyager  en  France ,  en  Italie,  en  Efpagne,  & 
dans  la  Terre  Sainte.  A  fon  retour  il  le  fit  tondre,  6c  ordonner 
prêtre,  ace  qu'on  prétend  malgré  lui,  ce  qui  lui  fit  donner  le 
nom  de  Rafe.  Mais  lorfque  la  guerre  des  Hufïites  s'alluma ,  il 
(  a  )  jEnm.  quitta  la  robe  pour  l'épée  &  s'attacha  entièrement  à  ziska  qui  en 
Syis/'  53  fU  foifbit un  cas  tout  particulier.  Ses  exploits  militaires  lui  rirent  don- 
£<?.  ner  depuis  le  furnom  de  Grand.  A  fon  arrivée  en  Moravie  ,  il  fe  fie 

ihcb.  ubi  fu-  paflw  l'epée  à  la  main  au  rravers  de  l'armée  des  afîîéeeants ,  en- 

pr.  p.  no.    r  t»  r  .  i      /T  rr      1» 

m.Baib.    tra  dans  Juttemèerg,  la  pourvut  de  vivres  ,&  chaiia  enfin  i  armée 

Epitom.  p.  ennemie.  Ce  fiége  dura  trois  mois  (a). 

45si'cge  de        VIL  Pour  revenir  au  fiége  de  Carlfiein ,  les  afliégez  ayantob- 

Carijhink-  tenu  une  Trêve  de  quelques  jours  en  automne,  invitèrent  quel- 
ques-uns des  affiégeants  à  leur  venir  rendre  vifite.  Ils  les  régalè- 
rent fplendidement  pendant  4.  jours,  &  quoiqu'il  y  eût  grande 
difette  dans  la  place  ,  ils  fe  vantoient  d'avoir  encore  aiîez  de  vi- 
yres  pour  tenir  3,  ans ,  parce  ,  difoient-ils ,  qu'on  leur  apportoit 
tous  les  jours  du  gibier  frais ,  &  d'autres  femblables  vi&uailles. 
Les  Officiers  de  Prague  les  en  crurent  de  bonne  foi,  s'imaginant 
qu'ils  faifoient  venir  des  vivres  par  des  conduits  fouterrains.  Ce- 
pendant comme  il  faifoit  dès-lors  grand  froid  ,  les  affiégeants 
demeuroient  prefque  dans  l'inaction  auprès  de  leurs  foyers,  at- 
tendant fans  doute  l'été  St.  Martin^  comme  le  dit  l'Hiftorien. 
A  cette  nouvelle  les  affiégez  envoyèrent  des  députez  devant  la 
ville  ,  pour  demander  une  trêve  d'un  jour,  feignant  d'avoir  une 

(0  Autrement  Ju/ienbourg.  Le  Traduûcur  latin  de  Theebald  appelle  cette  Ville  Virunrtm, 
mais  apparemment  c'eft  une  erreur ,  puifqu'ilya  dan»  l'Allemand  "Judenbùurgy  &  (\\.\  JLntus 
Sylvius ,  &  BalhiHits  l'appellent  l'un  Jtttetiberg ,  Vautre  Judenberg.  D'ailleurs  Virunam,  autre- 
ment Vïlcmarcl^,  eft  une  Ville  de  Ja  Carinthje. 

noce 


J  Ji  7S575L  ScuJp. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XI.    nj 

noce  à  célébrer.  La  trêve  accordée,  on  n'enrendoic  que  flûtes,  1412: 
que  bruit  de  gens  qui  fautoient&danfoient,  quedémonftrations 
dejoye,  quoiqu'il  n'y  eût  ni  époux  ni  époufe,  &  qu'ils  n'euflent 
pas  même  du  pain  noir  à  manger.  Ils  n'avoient  pour  toute  ref- 
îource  qu'un  bouc  qui  alloit  errant  dans  la  forterefle  :  l'ayant 
tué  pour  en  manger ,  ils  en  envoyèrent  la  peau  au  Commandant 
de  ceux  de  Prague  qui  étoit  un  tailleur,  pour  le  remercier  de 
fa  trêve.  Là-deffus  ceux  de  Prague  fe  figurant  que  les  afliégez 
avoient  encore  beaucoup  de  vivres ,  que  le  diable  les  fafje  crever , 
dirent- ils  ,  de  faim  &  de  foif\  four  nous  ,  nous  n'en  viendrons  jamais 
à  bout.  Sur  quoi  ils  levèrent  le  fîége ,  èc  s'en  retournèrent  à  Pra- 
gue le  jour  de  la  St.  Martin ,  au  grand  contentement  des  affié- 
gez,qui  en  fignede  joye  du  bon  office  que  leur  avoit  rendu  le 
bouc,  firent  plu  fleurs  décharges  de  leurs  machines  (r).  Ce  fiége 
dura  6.  mois  pendant  lefquels  la  garnifon  Impériale  donna  des 
marques  extraordinaires  de  valeur  &  de  confiance  à  fbufFrir  toute 
forte  de  travaux.  Coribut  fut  fort  mortifié  de  ce  mauvais  fuccès, 
mais  il  fallut  bien  qu'il  foufFrît  ce  qu'il  n'avoit  pas  eu  la  force 
ou  le  courage  d'empêcher. 

V  1 1 1.  Une  des  principales  raifons  qui  obligèrent  ceux  de  Pra-  irn.ptio» 
gue  à  décamper  ,  fut  l'avis  qu'ils  reçurent  que  les  Taborites  ^sZn^Pra- 
avoient  fait  irruption  dans  cette  capitale.  Ils  s'étoient  en  effet  gue. 
emparez  pendant  la  nuit  de  trois  maifons  dans  la  vieille  ville  ,  &  fè 
difpofoient  à  mettre  tout  à  feu  &  à  fang.  Mais  les  citoyens  ayant 
promptement  pris  les  armes,  fondirent  fur  eux  fî  à  propos,  ôc 
avec  tant  de  vigueur,  que  l'orage  fut  conjuré  en  peu  de  temps. 
Plufîeurs  furent  partez  aufildel'épéc,  les  autres  furent  faits  pri- 
fonniers,  &  il  y  en  eut  beaucoup  de  noyez  dans  la  Moldave,  n'a- 
yant pu  gagner  le  gué  dans  l'obfcurité.  ziska  cependant  ne  man- 
quoit  pas  d'inquiétude.  D'un  côté  les  Grands  tenoient  pour  Si- 
pfmond,  de  l'autre  la  ville  de  Prague,  &  toutes  les  villes  de  Bo- 
hême, ayant  reconnu  Coribut  pour  Roi,  il  craignoitdefuccom- 
ber.  D'ailleurs  la  dernière  entreprife  des  Taborites  fur  Prague  , 
pouvoit  lui  être  imputée  comme  à  leur  Chef.  Il  y  envoya  donc 
des  députez  pour  fe  juftifïer  de  cette  action ,  &  pour  exhorter 
ceux  de  Prague  à  ne  point  accepter  Coribut ,  fe  faifant  fort  de  les 
défendre  contre  l'Empereur  &  contre  tous  les  Grands  de  Bohême 
fans  qu'il  fût  befoin  qu'un  peuple  libre  s'afîujettît  à  un  Roi.  Ceux 

(1  )  Ikeobald  rapporte  ce  fait  fur  la  foi  de  Hagec  fans  vouloir  en  être  le  garant ,  comme  on  le 
voit  dans  l'Allemand  ,  quoique  le  Tradutfeur  latin  nci'aitpas  dit.  Cap.  L.  III.  Part.  I.  p.  z  19. 

Tm.  I.  Ee 


2i §       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

jA.li.    ^e  Prague  répondirent  qu'ils  écoienc  bien  aifes  qu'il  n'eût  poinC 
de  parc  à  la  dernière  irruption ,  6c  que  même  il  la  défaprouvât , 
mais  qu'ils  étoient  étonnez  qu'il  les  exhortât  a  renoncer  à  Cori- 
but ,  &  qu'il  ne  voulut  pas  lui-même  l'accepter  pour  Roi,  puif- 
qu'il  n'ignoroit  pas  que  toute  République  a  befoin  d'un  Chef.  A 
cette  réponfe.,  ziska  levant  fon  bâton  de  commandant  ,jW3  dit-il, 
délivré  par  deux  fois  ceux  de  Prague ,  mais  je  fuis  rèfolu  de  les  perdre , 
wbi  fupr.        &  )s  ferai  voir  que  je  puis  également  3  &  jauver  &  opprimer  ma  pa- 
trie (2l). 
1423.         IX.  Incontinent  après,  il  s'alla  jeccer  far  les  terres  des  Seigneurs 
CeuxdePra-  du  parti  de  Sigifmond ,  maflacrant,  pillant,  brûlant  par  tout,  6c 
îcn^avec     exerçant  toutes  fortes  de  cruautez,  fur  tout  fur  les  terres  de  C^'«- 
Zis\a,  ko  de  Wartemberg.   Quelques  jours  après,  il  voulut  furprendre 

Graditz^ pendant  la  nuit,  mais  (es  gens  fatiguez  d'une  longue 
traite ,  par  une  pluye  continuelle ,  refuferent  de  marcher  dans 
les  ténèbres.  Cet  aveugle ,  difoient-ils  3  croit  que  nous  ne  voyons  goûte 
non  plus  ,  &  que  le  jour  &  la  nuit  nous  font  égaux  comme  à  lui.  Ce- 
pendant Ziska  fie  fi  bien  par  Ces  belles  paroles,  qu'ils  reprirent 
courage ,  de  forte  que  s'étant  fait  nommer  le  village  voiiîn  ,  allez^ 
dit-il ,  j/  mettre  le  feu  pour  nous  éclairer.  Cet  ordre  exécuté  ,  ils  con- 
tinuèrent leur  route,  aufli-bien  que  leurs  mafTacres  6c  leurs  bri- 
gandages. Quelques  Seigneurs ,  entre  lefquels  étoit  Wartemberg , 
allèrent  à  fa  rencontre  pour  lui  livrer  combat.  Il  fut  fanglant,  6c 
l'avantage  fut  incertain  pendant  3  heures,  mais  enfin  la  victoire 
fe  déclara  pour  ziska.  Plufieurs  Grands  Seigneurs  demeurèrent 
dans  cette  action.  Après  cette  victoire  Ziska  alla  attaquer  une 
fortereiTe  ,  où  il  y  avoit  une  garnifon  Catholique  qu'il  pafla  au 
fil  de  l'épée.  Ayant  appris  que  le  Gouverneur  de  Graditz^  étoit  al- 
lé en  Moravie,  pour  foutenir  Procope  contre  V Archiduc ,  il  mar- 
cha vers  cette  ville  ,  où  il  fut  bien  reçu  ,  parce  que  les  habitans 
avoient  une  inclination  fecretre  pour  lui.  Comme  toutes  les  villes 
de  Bohême  s'eroient  confédérées  avec  la  Capitale  en  faveur  de 
Coribut ,  ceux  de  Prague  pour  fe  vanger  de  l'infidélité  de  ceux  de 
Gradit?^,  allèrent  l'attaquer,  ayant  à  leur  tête  fon  Gouverneur 
Borzek  qui  avoit  rebroufïé  chemin  pour  la  reprendre.  Le  combat 
s'étant  donné  au  faubourg  ,  ceux  de  Prague  furent  battus ,  6c  le 
Gouverneur  eut  bien  de  la  peine  à  fe  fauver  dans  une  forterefle 
qui  lui  appartenoit.  Ceux  de  Prague  étant  allarmez  de  cette  dé- 
faite des  leurs,  les  Magiflrats  avoient  réfolu  d'envoyer  à  Ziska 
pour  lui  demander  la  paix  }  mais  quelques  Seigneurs  confédérée 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JTI.    ir? 

de  cette  ville  les  détournèrent  de  cette  démarche  en  leur  repré-     14.!» 
fentant  que  l'armée  n'étoit  pas  tellement  diffipée  qu'on  ne  pût  en 
rallier  une  bonne  partie  j  qu'il  y  avoit  à  Prague  une  florifîante 
jeunefïe ,  des  foidats  vétérans ,  des  armes ,  &  de  l'argent  qui  eit  le 
nerf  de  la  guerre.  Qu'ils  ne  manquoient  pas  de  bons  Généraux  , 
&  que  les  villes  alliées  feroient  toujours  prêtes  à  les  foûtenir.  Raf- 
fermis parcesraifons ,  les  choies  demeurèrent  dans  cet  étatjuf- 
cju'à  l'année  fuivante,  où  la  guerre  feraluma  entre  ces  deux  par- 
tis (a).  De  Gradit^ ,  ziska  alla  attaquer  Cçafldw  ,  &  s'en  rendit 
maître ,  en  partie  par  compofidon ,  en  partie  par  ftratagême.  Ceux    fa)  B*tf>  t* 
de  Prague  etoient  allez  avec  des  troupes  pour  la  défendre  .  mais  P':t,P-  4-Jï- 
inutilement.  Apres  quelques  eicarmouches  avec  lesTabontes ,  fUpr.p.482. 
ils  allèrent  à  Cuttemberg  pour  empêcher  Ziska  de  s'en  emparer. 

X.  Ziska  après  avoir  prisfes  mefures  pour  tenir  en  bride  les  ziskancn 
Seigneurs  de  Bohême  6c  la  ville  de  Prague,  refolut  d'aller  en  Moravie. 
Moravie.  Mais  avant  que  de  raconter  ce  qu'il  y  fit ,  il  faut  voir  ce 
qui  s'étoit  pailé  auparavant  dans  cette  Province.  L'année  précé- 
dente nous  avons  laiiïé  l'Evêque  d'Olmut^dans  fa  forterefîe  de 
Kremfiren  attendant  le  printems  pour  attaquer  Château -neuf. 
Mais  la  garnifon  de  cette  fortereiîe  l'avoit  déjà  prévenu  ,  &  s'étoic 
avancée  jufqu'au  territoire  de  Bruna ,  portant  la  terreur  par  tout 
aux  environs  par  le  fer  &  par  le  feu,  quelques  efforts  que  flfîenc 
ceux  de  Bruna ,  pour  arrêter  le  cours  de  ces  violences.  C'eft  ce  qui 
engagea  l'Evêque  à  raiîembler  tout  ce  qu'il  put  de  troupes.  Outre 
celles  qu'il  avoit  en  quartier  d'hyver,  il  lui  en  vint  de  plufieurs 
endroits  Catholiques.  Il  écrivit  aufli  à  l'abbé  de  Trebitx^  nommé 
Bcneffî  3  homme  de  qualité-,  plus  propre  à  la  guerre  qu'au  bréviai- 
re,de  venir  à  fon  fecours  avec  un  bon  renfort.  Outre  cela,il  lui  vint 
de  l'infanterie  d'Autriche,  avec  des  armes  6c  des  machines  d'une 
fabrique  toute  nouvelle  ,  &  d'une  énorme  grandeur,  qui  avoienc 
été  depuis  peu  inventées  en  Allemagne  (1).  Quand  cette  armée 
fut  raflemblée  près  de  Bruna ,  les  Chefs  délibérèrent  fur  ce  qu'il 
falloir  entreprendre  le  premier.  L'avis  d'attaquer  Château-neuf  ■ 
l'emporta.  Mais  comme  la  fituation  de  cette  place  nepermettoit 
pas  d'y  employer  beaucoup  de  monde,  &  que  pour  la  prendre  il 
falloir  plus  d'adrciïeôc  d'artifice  que  de  force,  onréfolut  en  mê- 
me temps  d'attaquer  uneautre  fortereiîe.  L'une  &  l'autre  entre- 
prife  reufïït.C^r/?^  Hora  futprife  après  une  très-  vigoureufe  rcfif- 

(  1  )  Novnrnm  armartwi  génère  ,  non  itx  pridem  in  Germania  conferipto  ,fareis  nempe  jijlulk 
%ua,$  àfonituBtmbardas,  £>  Scleposvocamtts ,  hiftrucli.  Cicchor.nbiJHpr.p.  48?. 

Eeij 


220        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

jAi*      tance  ,  &  Château-  neuf  fe  rendit  fans  coup  ferir,  le  Gouverneur 
s'étant  laiiTé  corrompre.  Les  gens  de  l'Evêque  fè  difpofoientà  at- 
taquer une  autre  fortereiTe  d'un  Seigneur  Huffite.Mais  fur  le  bruit 
qui  courut  que  Viiïorin  de  Podicbrad,&  Borzgk  Dobalitz^yenoÏQnt 
la  fecourir  à  la  tête  d'un  corps  d'armée  confidérable,  ils  fe  reti- 
rèrent à  Bruna.  Ce  renfort  de  Huflkes  n'arriva  pourtant  que 
quinze  jours  après.  S'étant  emparez  de  plusieurs  villes  &  châteaux^ 
ils  allèrent  recommencer  le  liège  de  Kremfir  qui  avoit  été  inter- 
rompu l'année  précédente,  attirez  par  quelques  Mufjîtes 3  qui 
s'étoient  habituez  dans  cette  ville  de  l'Evêque.  La  conquête  n'en 
coûta  pas  fort  cher.  Les  Hufîites  ayant  battu  les  troupes  que  l'E- 
vêque avoit  envoyées  au  fecours  ,  la  ville  compofa  après  dix 
jours  de  fiége.  La  garnifon  fortit  honorablement  avec  armes  & 
bagages }  6c  les  habitans  eurent  la  liberté  de  demeurer  dans  la 
ville,  ou  de  fe  retirer  où  ils  voudroient.  Ce  qu'il  y  avoit  de  Huf- 
iîtes  y  demeura,  les  autres  fe  retirèrent  à  Olmut^i Bruna  ,  &  à 
Hraditz^  Les  vainqueurs  fedifpofoient  a  attaquer  une  autre  forte- 
(a)KuaxJe.  relie  (a)  pour  couvrir  Kremfir  ,  lorfque  le  bruit  fe  repandit  que 
Gradit^ds  Bohême  ,  dont  Borzgk  s'était  emparé  de  nouveau  ,  ôc 
(b)SHetrx.kb.  donc  il  avoit  confié  la  garde  à  fon  frère  (b)  commençoit  à  chance- 
ler ,  comme  on  en  pouvoit  juger  par  les  fréquentes  entrevues  entre 
Ziska  &  la  ville.  Cette  nouvelle  donna  une  grande  allarme  dans  le 
camp ,  où  fe  trouvoient  beaucoup  de  gens ,  qui  avoient  leurs  biens, 
leurs  femmes  ,  &:  leurs  enfans  à  Graditz^  Mais  le  Gouverneur  qui 
ignoroit  la  correfpondance  de  la  ville  avec  Ziska  3  ayant  écrit  que 
tout  étoic  tranquille,  on  continua  le  ilége  ,  qui  fut  levé  quelques 
jours  après,  fur  la  nouvelle  qu'en  effet  ziska  s'étoit  emparé  de 
Graditx^y  les  Orèbit-es&Borzçk lui-même,  avec  les  autres  Bohé- 
miens ,  s'en  étantretournez  en  Bohême  pour  fecourir  leurs  gens. 
CeuxdePm-      XI.  Depuis  ce  temps-là  Borzek  avec  ceux  de  Prague  déclaré- 
vilnc'lzis-  renc^a  guerre  à  ziska.  Ils  allèrent  d'abord  attaquer  Graditz^  où 
\*.  ce  Général  étoit  encore.  D'abord  tous  les  villages  voifins,  &  les 

dehors  de  la  ville  furent  brûlez  &  faccagez.  Mais  la  garnifon  ayant 
vu  des  murailles  que  lesafïïégeans  s'amufoient  à  butiner,  fit  une 
fortie.  Procope Rafe écoità  la  tête  de  cette  garnifon,  fort  impa- 
tient de  voir  l'ennemi  piller  &  ravager  tout  jufqu'aux  murailles  de 
la  ville.  Le  combat  fut  d'abord  fanglant.  Mais  ceux  de  Prague  , 
enveloppez  de  tous  cotez,  &  ayant  perdu  lapins  grande  partie 
de  leur  monde ,  furent  obligez  de  prendre  la  fuite.  Il  y  eut  200. 
hommes  de  tuez ,  &  2  00.  de  bleflèz.  de  la  part  des  alTiégeans.  pra- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASILE.  Liv.  JèTI.    m 

cope  Rœfetua  de  fa  propre  main  un  de  leurs  Chefs ,  qui  tàchoit  à     I4l  ,  ■ 
rallier  &  à  relever  tes  gens.  Borsçk  lui-même  eue  peine  à  échapper 
tour  meurtri  de  mafles  d'armes,  &  comme  noyé  dans  fon  fang  de 
dans  celui  des  autres.  Cependant  ilfefauva  dans  un  château  qui 
lui  appartenoit  (a).  Cette  défaite  allarma  tellement  ceux  de  Pra- 
gue qu'ils  réfolurent  d'envoyer  des  Députez  à  ziska  pour  lui  de-  p^w'p? 
mander  la  paix.  Mais  quelques  grands  Seigneurs  de  leurs  alliez  448- 
leur  ayant  relevé  le  courage ,  la  guerre  continua. 

XII.  L'Evêque  d'Olmut^ne  manqua  pas  de  profiter  de  cette    Expédition 
retraite  pour  tâcher  de  recouvrer  Kremfir  y  pendant  que  FArchi-  de  l'Evêque 
duc  alîiégeoit  Zuntenbourg.  Ce  Prélat ,  avant  que  d'attaquer  la  dolmutx" 
place  ,  envoya  des  hérauts  d'armes  pour  la  fommer  de  fe  rendre 
promettant  à  ceux  de  religion  contraire,  l'impunité  &  la  liberté 

de  fe  retirer  où  ils  voudroient.  Mais  les  voyant  réfolus  à  fe  bien 
défendre,  &  craignant  qu'il  ne  leur  vînt  du  fecours  de  Bohême, 
il  mit  fans  différer  le  fiége  devant  la  ville.  On  rend  ce  témoigna- 
ge à  fa  modération  ,  qu'il  ordonna  aux  foldats  d'épargner  non 
feulement  les  femmes  &  les  enfans ,  mais  même  les  citoyens  qui 
ne  feroient  pas  trouvez  les  armes  à  la  main  -y  &  à  fa  valeur ,  qu'on 
le  vit  toujours  dans  les  premiers  rangs  en  calque  &  en  cuirafle.  Les 
aiïiégez  firent  d'abord  une  fi  vigoureufe  refiftance,  qu'ils  obli- 
gèrent plus  d'une  fois  les  affiégeans  à  reculer.  Enfin  au  bout  de 
huit  jours,  réduits  â  la  dernière  extrémité  &  fans  efperance  de 
fecours ,  il  fallut  capituler.  Ils  envoyèrent  trois  des  plus  confi- 
dérables  d'entre  eux  à  l'Evêque  ,  pour  en  obtenir  bonne  compofî- 
tion.  L'Evêque  qui  ne  demandoitpas  mieux  que  de  rentrer  en 
polTeflion  de  fa  ville ,  fans  qu'il  fut  befoin  d'une  plus  longue  atta- 
que ,  leur  accorda  tout  ce  qu'ils  fouhaitoient.  Les  citoyens  eu- 
rent la  vie  fauve ,  on  épargna  leurs  biens  &  leurs  maifons  ;  ceux 
qui  voulurent  rentrer  dans  le  fein  de  FEglife  Romaine ,  eurent 
la  liberté  de  demeurer  dans  la  ville ,  &  les  autres  celle  de  fe  retirer 
ailleurs.  La  garnifon  forcit  avec  armes  &  bagages, pour  aller  où 
elle  voudroit. 

XIII.  Il  n'en  fut  pas  de  même  de  Zuntenbourg  aiïïégé  depuis  Progrès  des 
long-temps  par  l'Archiduc.  C'étoit  une  place  très-importante,  Taboritcgca 
parce  que  confinant  à  la  Hongrie  &  à  l'Autriche, on  en  pouvoit 

tirer  du  fecours  de  ces  provinces.  Cependant  l'Archiduc  ne  voyant 
point  d'apparence  d'en  jouïr ,  à  moins  que  de  l'affamer ,  il  condui- 
sit lentement  l'attaque.  Mais  ce  fut  cette  lenteur  qui  lui  fit  man- 
quer fon  coup.  Car  pendant  c^ue  fon  armée  négligeoit  de  faire 

E  e  iij 


» 


m  HIST.  DE* LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
*4*3-  bonne  <*arde ,  Procope  Rafe  furvint  à  l'improvifte  avec  un  gros 
corps  deTaborites  envoyez  par  ziska  3  força  les  pafïagcs,  pafja 
au  fil  de  l'épée  tout  ce  qui  reïlfta ,  &  encra  dans  la  place  avec 
de  bonnes  munitions  de  guerre  &  de  bouche.  Les  afliégez  ainll 
renforcez  ,  défoloient  le  camp  par  des  forties  continuelles.  Mais 
ce  qui  acheva  d'y  mettre  l'allarme  3  ce  fut  la  nouvelle  de  l'arrivée 
de  Ziska  avec  toute  l'armée  desTaborites.  Alors  l'Archiduc  crai- 
gnant d'être  enveloppé,  décampa  fècrereménr,  de  fe  retira  en 
Autriche  3  laiflanr  des  garnifons  dans  les  places  les  plus  expofees. 
Sylvius  rapporce  que  l'Empereur  étoit  alors  dans  l'armée  du  Duc, 
&  qu'Eric  VHP  roi  de  Dannemarck  l'y  étoic  venu  crouver  pour 
accommoder  par  fon  encremife  les  différends  qu'il  avoir  avec  les 
ducs  de  Slefwich  ôt  de  Holfiein  3  au  fujec  de  la  Jutlande  ou  cher- 
foncfeC imbrique.  Quelques  Hiftoriens  difenr  que  dans  cetre  oc- 
caflon  Eric  offrir  du  fecours  à  Sigifmond  contre  Iqs  Huiïites ,  mais 
que  ce  fecours  n'eue  pas  lieu  à  caufe  des  croubles  qui  furvinrenn 
en  Dannemarck.  Cependant  les  Hiftoriens  deDannemarck,com- 
me  Huitfeld  &  Jean  Ifaac  du  Pont  >  ne  difenr  poinr  qiïErzc  eut  pro- 
mis aucun  fecours  à  l'Empereur  ,  quoique  le  dernier  parle  du  voya- 
ge du  Roi  de  Dannemarck  en  Moravie  en  1414.  Mais  un  [çavanc 
de  Dannemarck  que  j'ai  confulté  là-defîus  ,  trouve  beaucoup  de 
vraifemblanceà  cer  engagemenr ,  par  cesraifons.  1.  L'Empereur 
&  le  roi  de  Dannemarck  étoient  proches  parens.  Ce  dernier  ap- 
pelloir  le  premier  fon  oncle  &  fon  frère  dans  fes  lettres.  1.  Com- 
me Eric  avoir  befoin  de  Sigifmond  dans  fes  démêlez  avec  les  ducs 
de  Slejwich  ,  &  que  même  ii  prononça  en  fa  faveur  ,  il  y  a  beau- 
coup d'apparence  qu'il  ne  lui  refufa  pas  un  fecours  donr  il  avoir 
grand  befoin,  3 .  Comme  Sigfmond  étoir  accompagné  des  Légars 
deRome,c'étoir  une  occalion  bien  naturelle  de  négocier  cerre 
fainte Ligue,  fur  rour  Eric  fe  difpofanr  au  voyage  de  Jérufalem. 
Notre  fçavanr  nous  apprend  qu'il  différa  fon  voyage  pour  accom- 
pagner l'Empereur  qui  alloir  en  Pologne  aux  noces  de  Wladijlas 
Jatrellon  avec  la  reine  Sophie.  Eric  revint  de  fon  voyage  de  Terre- 
{ainte  en  141  5.  Le  même  Sylvius  témoigne  que  pierre  infanr  de 
Portugal,  frère  du  Roi,  s'y  trouva  auflï,  &  lui  offrir  du  fecours 


Hift.Dan,    pe>i'Afie,&  l'Afrique,  &  qu'il  avoir  donné  des  preuves  de  fou 
57V  ' ?'   fçavoir  par  des  écrits  en  profe  &  en  vers  (a). 


* 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  'JTI.     223 

XIV.  Zùka  cependant  n'ayant  pu  venir  à  bout  de  prendre     Succès  de 
Jglaw 3  alla  fourager  par  tout  dans  cette  partie  de  la  Moravie  qui  z^,KnMo- 
confine  la  Bohême.  Comme  la  plupart  des  châteaux  apparte-  ravK" 
noient  à  des  Hunites,  on  venoit  le  rendre  à  lui  de  tous  cotez. 

JMais  il  exerçoit  des  cruautez  horribles  dans  les  lieux  où  il  ren- 
controit  la  moindre  réfiftance.  C'eft  ce  qui  arriva  à  Evanczjtz^  où 
ce  qui  fè  trouva  de  prêtres  &  de  citoyens  Catholiques ,  fut  inhu- 
mainement brûlé  ou  noyé.  Il  fe  joignit  aufîï  à  lui  plufieurs  grands 
Seigneurs,  fuit  par  principe  de  religion  _,  foie  pour  n'être  pas  rui- 
nez. De  ce  nombre  fut  le  feigneur  Hinko  de  Zippa  gouverneur  de 
Kromlovv.  Il  fortit  de  cette  Place  pour  aller  faire  hommage  à  zis- 
ka 3  lk  lui  offrir  ks  fervices.  Ce  dernier  lui  donna  un  régiment  de 
Taborites  pour  garder  cette  Place,  d'où  II  chafla  Iqs  prêtres  Ca- 
tholiques a  ayant  embrafle  le  HufTïtiime. 

XV.  De  Moravie  ziska  palla  en  Autriche  3  où  il  mit  d'abord    z»sk»vzgn 
le  fiége  devant  Ret^.   Cependant  il  en  décampa  bien-tôt  pour  ^vient'en  & 
pénétrer  plus  avant  dans  la  province.  Il  s'empara  d'abord  d'une  Moravie  & 
place  nommée  Pulkavv  3  &  il  y  mailàcra  tout  ce  qu'il  y  trouva  de  cn  Bohtme- 
monde.  De-là  tirant  vers  le  Danube  3  il  mettoit  tout  à  feu  &  à 

fang.  Quelques  Seigneurs  ayant  quitté  Zuttenbourg,  en  faifoient 
autant  d'un  autre  côté.  Mais  Ziska  ayant  appris  qu'il  venoit  du 
fecours  de  Hongrie  à  l'Archiduc ,  décampa  fecretement  pour  re- 
tourner en  Moravie.  Après  y  avoir  pris  quelques  places ,,  il  tenta 
vainement  de  s'emparer  de  Crem*ir  :  car  l'Evêque  d'0/»^/^appre- 
nant  que  les  gens  de  ziska  s'amufant  à  piller ,  poufloient  fort  né- 
gligemment le  fiége  ,  alla  les  attaquer  à  l'improvifte  fur  le  foir.  II 
mit  une  telle  coniternarion  dans  l'armée ,  que  l'intrépide  Ziska  en 
fur  lui  même  effrayé.  Pour  railurer  (es  Taborites ,  il  leur  envoya 
Procope  avec  un  régiment  de  troupes  d'élite  qu'il  avoit  toujours 
auprès  de  lui  pour  la  garde,  &  qu'il  appeîloit  fa  cohorte  fraternelle. 
Comme  on  apprit  au  Général  aveugle  que  la  nuit  empêchoit  d'a- 
gir ,  il  fit  brûler  un  village  voifin  pour  éclairer  l'armée.  Mais 
cette  lumière  ne  fut  pas  moins  favorable  à  l'armée  ennemie.  Les 
armées  étant  venues  aux  mains  à  la  faveur  de  cet  incendie,  lesTa- 
bontés  eurent  d'abord  du  deflous  j  Procope  lui-même  fut  bleue  au 
vifage  5  mais  s'étant  couvert  de  fon  cafque  pour  empêcher  que  le 
fang  ne  parût ,  il  ne  s'en  battit  qu'avec  plus  de  courage ,  &:  força 
l'avant-garde  de  l'Evêque.  Il  s'y  prenoitavec  tant  d'ardeur,  que 
Ziska  lui-même  fut  obligé  de  la  reprimer,  craignant  qu'il  ne  s'en- 
gageât trop  avant.  Ain  fi  api  es  avoir  donné  bon  ordre  aux  corps 


ii4         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1413.    de  garde,  il  fit  former  la  retraite,  ôc  couvrit  fon  armée  avec  des 
chariots  pour  attendre  le  jour.  L'Evêque  de  ion  côté  fe  retira  à 
Olmutx^  pour  recommencer  le  combat  avec  de  nouvelles  forces. 
Mais  ziska  ayant  appris  qu'il  venoit  des  troupes  d'Autriche  pour 
fe  joindre  à  l'Evêque ,  réfolut  de  s'en  retourner  en  Bohême.  Ce- 
pendant pour  fe  venger  en  quelque  forte  de  l'affront  qu'il  avoit 
reçu  devant  Crem^ir  3  il  alla  fàccager  en  s'en  retournant  toutes  les 
(a)  ctechor.  terres  de  i'Evêque,  brûlant  &  maiîacrant  tout  fans  miféricorde  (a), 
p.  4P3.4pp.  j)ès  qu'il  y  fut  arrivé  ,  il  marcha  droit  à  Gradit^_ pour  reprendre 
cette  place  qui  lui  avoit  été  enlevée  pendant  fon  abfence.  Quel- 
ques Seigneurs  Catholiques  l'ayant  appris ,  lui  drelTerent  une  em- 
bufcade  auprès  de  Jaromir  3  mais  il  fe  défendit  fi  bien  >  qu'ils  fu- 
rent obligez  de  prendre  la  fuite.  De  forte  qu'il  arriva  iGraditx^ 
après  avoir  brûlé  &:  pillé  quelques  places  en  paflant.    Il  avoic 
envoyé  devant  lui  un  Capitaine  nommé  Badina  en  Bohême  avec 
une  partie  de  fon  armée.  Ce  Capitaine  ayant  attaqué  une  forte- 
refle  qui  appartenoit  au  feigneur  Jean  de  Maifon-neuve ,  en  fut  re- 
pouiïé  avec  beaucoup  de  perte.  Il  ne  fut  pas  plus  heureux  dans 
un  combat  qu'il  eut  à  foutenir  contre  les  feigneurs  de  Maifon- 
(a)  Jean,  &.  neuve  (b).  Il  leur  fît  pourtant  acheter  cher  la  victoire ,  &  l'action 
HemrL       fut  fî  fanglante ,  qu'on  appella  l'étang  auprès  duquel  elle  fe  pafîa, 
d'un  nom  qui  fignifie  lieu  de  fang. ,  Comme  Badina  avoit  com- 
mis ces  hoftilitez  contre  la  confédération  que  ziska  avoit  faite 
avec  ces  Seigneurs ,  ils  lui  en  écrivirent  pour  lui  en  faire  des  re- 
proches. Ziska  en  fit  de  féveres  réprimandes  au  Capitaine ,  Se 
lui  défendit  abfolument  de  rien  entreprendre  contre  les  feigneurs 
de  Rofemberg  &  de  Maifon-neuve  ,  avec  qui  ils  avoient  intérêt  de 
demeurer  unis ,  parce  que  leurs  biens  étant  dans  le  diftrid  de  Be- 
thin  ,  ils  pouvoient  ou  couvrir  ou  incommoder  Tabor. 
Ravages,  &      XVI.  Les  commencemens  de  cette  année  fe  paflerent  comme 
^£enBo-^es  autres  e&  hoftilitez,  Ziska  attaquant  plufieurs  villes,  les  unes 
hêmci         avec  plus  ,  les  autres  avec  moins  de  fuccès.  Il  fut  repouffé  devant 
(;UcT*'^C  *'  Hoftinnàit)  vMe  appartenante  aux  feigneurs  de  Turgavv ,  &  il 
s'en  vengea  fur  un  monaftére  voifin  qui  appartenoit  aux  Che- 
valiers de  Rhodes.  Theobald  raconte  qu'y  ayant  eu  trêve  la  veille 
de  Carême-prenant,  les  bourgeois  de  la  ville  régalèrent  fî  bien 
lesTaborites,  qu'il  en  creva  une  centaine.  Ziska  ayant  pris  la  for- 
tereiîe  de  Mla^ovvit^  fit  mettre  en  pièces  le  Gouverneur  qui 
stoit  Catholique  $  il  détruifit  de  fond  en  comble  le  monaftére 

des 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  jri.  nj 

des  Dominicains  deTurnav  (i).  Après  avoir  roue  fouragé  aux     14.24., 
environs,  il  s'alla  jetter  dans  le  diftrid  de  Lithomeritz ,  que  le 
paflage  de  l'Elbe  &  la  jonction  de  l'Egre  rend  agréable  6c  abon- 
dant en  toutes  chofes.  Il  y  avoit  dans  cette  province  une  petite 
ville  (a)  appartenante  à  Nicolas  de  Hafenbcrg  frère  de  l'Archevê-  (a)  ubocbav- 
que ,  qui  avoir  été  empoifonné  à  Presbourg  allant  demander  du  fe-  ^f~- 
cours  à  l'Empereur  contre  les  Huifices.  Comme  Paverfîon  pour  le 
Hufîitifme  écoit  héréditaire  dans  cette  famille ,  ziska  rafa  la  ville, 
&  en  brûla  le  Seigneur  avec  quelques  autres  perfonnes  démarque, 
tant  prêtres  que  féculiers.  Quelques  jours  après  il  pafla  dans  le 
diftricl:  de  Pilfin ,  baigné  par  les  rivières  de  Mifc  &  de  Watto  3  où. 
il  exerça  les  mêmes  fureurs,  fur  tout  contre  les  Catholiques.  Il 
détruiiït  la  ville  de  Przfsftitz^yauv  avoir  reçu  des  prêtres  &  des  u|Jfu~  "' 
moines ,  &  y  fit  un  grand  mailacre  (b).  ^9. 

XVII.  Enfin  les  Gentilshommes  du  voifinage  ne  pouvant  plus    z;sk,t  att*. 
foutenir  ces  hoftilitez,  6c  las  de  voir  un  (1  beau  païs  en  proie  à  la  quéparquel- 

d,"        1  1      -  .  »  •  •  1      r  •  •  1  r  r,     ques  Sei- 

un  brigand  3  n  epargnoient  ni  le  laint  ni  le  profane ,  6c  gneUrsdcB». 

confondoient  les  conféderez  avec  les  ennemis.  Ils  avoient  à  leur  kême. 
tête  un  Gentilhomme  (2)  qui  paiîoit  pour  un  héros  en  ce  temps- 
là,  &:  qui  avoit  fignalé  fa  valeur  pa.' piufieurs  faits  militaires.  S'é- 
tant  donc  aflociez  quelques  Seigneurs ,  ils  allèrent  avec  un  corps 
de  troupes  de  Pilfen  attaquer  Ziska  à  Zuditz^,  petite  ville  que  Zis- 
ka avoit  reprife  fur  ceux  de  Prague  -y  mais  ne  fe  trouvant  pas  allez 
fort ,  il  fe  retira  dans  un  autre  endroit,  où  il  fut  aufîi  pourïuivi.  Il 
n'y  attendit  pas  fes  ennemis,  ayant  gagné  un  endroit  inacceflible. 
De  forte  qu'il  fe  retira  en  toute  fureté  avec  fon  monde  à  Zatck  ca- 
pitale du  diftricl  de  ce  nom,  où  il  trouva  du  renfort.  Cependant 
les  Gentilshommes  conjurez  contre  Ziska ,  ayant  appris  que  ceux 
de Klattaw  lui  avoient  donné  du  fecours  contre  ceux  de  Prague, 
pour  ne  pas  avoir  pris  les  armes  en  vain ,  allèrent  fe  jetter  dans  ce 
diftricl:  j  &  y  firent  de  grands  ravages.  Ziska  renforcé  par  les  trou- 
pes dont  on  vient  de  parler ,  6c  par  celles  de  Launi  6c  de  Schlan  en- 
tre Launi  6c  Prague ,  ne  refpiroit  plus  que  vengeance  contre  ceux 
de  Prague ,  parce  qu'ils  s'opiniâtroient  à  recevoir  Coribut.  Il  s'a- 
vança donc  ]u{qu'2LKoJ?eletz^ fur  l'Elbe  (3),  mais  il  s'en  fallut  peu 
qu'il  n'y  fût  furpris  par  ceux  de  Prague  qui  étoient  allez  Py  affié- 
ger.  En  ayant  eu  avis  par  le  Seigneur  de  Confiât ,  il  repaila  prom- 

(j)  Dans  le  diftriAdeBoleflavv. 

(2)  Hannjfde  Krnjfovj ,  autrement  de  Kollovvr*tt. 

(  1  )  Dans  le  diftrid  de  Kaurfim.  On  y  verra  dans  la  fuite  une  Dicte. 

Tow.  I>  ï  f 


n6        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1424.    ptement  la  rivière  pour  fe  retirer  à  Colini  fîx  lieuësde  Prague,' 

ville  confîdérable  donc  les  Huffites  écoienc  les  maîtres, 
viûoirc  de      XVIU.   Ceux  de  Prague  ne  fè  rebutèrent  pas.  lis  paflèrent  PEi- 
Z/.k.î  iur     j^g  p0ur  ]e  pourfuivre  j  mais  Ziska  3  que  Sylvius  appelle  un  autre 
{ue.  Annibalpar  fes  rufes  de  guerre,  au  lieu  de  faire  volte  face  ,  cou- 

roit  à  toute  bride ,  comme  s'il  eût  eu  peur ,  afin  de  les  attirer  fur 
les  montagnes  de  Malefchaux  3  où  il  étoit  afîuré  de  remporter  la 
vidoire ,  parce  que  l'endroit  lui  étoit  connu.  Quand  ils  furent  ar- 
rivez ,  il  demanda  à  fes  gens ,  Où  fommes-nous  l  A  Malefchaux  fur 
les  montagnes  3  lui  répondit-on.  L'ennemi  eft-il  loin  /  Non  3  il  nous 
four  fuit  chaudement  dans  la  vallée.  Voici  le  temps  3  dit  Ziska3  &:  ayant 
aufli-  tôtdifpofé  toutes  chofes  pour  livrer  bataille,  il  harangua 
ainfî  fes  foldats ,  monté  fur  fon  char.  Mes  très-chers  frères  &mes 
braves  compagnons ,  faififouvent  éprouve  votre  valeur  dans  les  plus 
grands  dangers  ,  que  je  n  ai  pas  befoin  de  vous  animer  par  me  s  paroles. 
Vous  voyez^  que  nous  Comme  s  pourfuivis  par  des  gens  que  nous  avons 
cojnblez^de  bienfaits ,  &  délivre \  deux  fois  des  mains  de  Sigifmond. 
A  prefent3par  un  efprit  de  domination ,  ils  font  avides  d'un  fang  que 
j' ai  prodigué  pour  leur  liberté .  Courage  donc ,  c'efi  aujourd'hui  un  jour 
décifif,  ou  il  faut  vaincre  ou  mourir.  Il  parloit  encore ,  lorfqu'averti 
qu'on  voyoit  voltiger  \qs  drapeaux  ennemis,  il  commanda  de 
donner.  Auffi-tôt  l'avant-garde  fut  attaquée  avec  tant  de  furie, 
qu'elle  fut  d'abord  renverfée.  Avant  qu'elle  pût  fe  rallier  3  ce  qui 
n'étoit  pas  aifé  dans  cet  endroit-là,  il  enveloppa  lerefte  de  l'ar- 
mée ,  en  l'attaquant  de  front  &  en  flanc,  Anrès  une  vieoureufe  ré- 
hftance ,  ceux  de  Prague  plièrent  enfin^  &  furent  mis  en  fuite  avec 
perte  de  plusieurs  milliers  d'hommes ,  entre  lefquels  il  y  avoit  un 
grand  nombre  de  Seigneurs  de  Bohême.  Cette  adion  fe  parla  le  8 
de  Juin  1424  (1). 
Z/'k*  nui-      XIX.  Ziska  enflé  de  cette  vidoire  s'en  alla  brûler  la  ville  de 
Ttr^tcT*-  Cuttcmberg ,  que  ceux  de  Prague  avoient  réparée  depuis  queSigif 
elle.         '  mond  l'avoit  fait  réduire  en  cendres.  De  là  ce  Général  fe  tranf- 
porta  dans  le  diftrid  de  Clattaw  .,  où  à  fon  ordinaire  il  remplie 
tout  de  meurtres  &  de  brigandages.  Il  fut  bien  reçu  dans  la  ville 
de  ce  nom  ,  qui  i'attendoit  avec  impatience ,  &:  il  y  fîgnala  fa  pré- 
fence  parladeftrudion  des  monafteres ,  &  des  maifons  de  quel- 
ques Seigneurs.  Après  avoir  parcouru  plufieurs  villes ,  faifant  le 
même  métier  ,  il  repafTa  l'Elbe ,  &  fe  pofta  près  de  Kofietz^  Ayant 

(1)  /EncasSylv.  uhi  fupr.  cap.XLlX.  p.  tfp.  yo.lbeeb.  ubi  fupr.p.  114.  Cucbor.  iibi  fupr, 
p.  501.  Balb.  Epit.p.455. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASEE.  Ziv.  JTJ.  217 
fait  courir  le  bruit  qu'il  n'avoit  là  que  fort  peu  de  monde  ,  ceux  xa.ia. 
de  Prague  y  accoururent  pour  l'y  furprendre.  Des  qu'ils  y  furent 
arrivez  ,  il  fîtrepafîer  l'Elbe  à  Tes  gens  feignant  une  retraite  préci- 
pitée.Ceux  de  Prague  les  ayant  auilï  tôt  pourfuivis }  lesTaborites 
rirent  voite  f  .e,&  taillèrent  en  pièces  unepartie  de  l'armée  de 
Prague  :  le  rc;ïe_,qui  n'avoit  pas  encore  paflé  la  rivière, prit  la  fuite. 
Après  avoir  donné  quelque  reposa  fes  troupes ,  ziska  s'alla  cam- 
per auprès  d'un  bourg  près  de  Prague  dans  le  deiîein  de  l'afliéger. 
Tous  les  Hiftoriens  conviennent  qu'il  l'auroitprife  fans  la  difeor- 
de  qui  fe  mit  dans  fon  armée  ;  il  avoit  des  troupes  aguerries ,  6c 
toujours  accoutumées  à  vaincre }  outre  les  troupes  auxiliaires  qu'il 
tiroit  de  plufieurs  villes  3  qui  fuivoient  la  fortune  du  vainqueur. 
D'autre  côté  Prague  étoit  affoiblie  par  plufieurs  pertes  conféeu- 
tives.  Ziska  y  avoit  encore  beaucoup  de  partifans.  Il  y  avoit  aufîi 
beaucoup  de  défunion  dans  la  ville  entre  le  fénat  &  les  citoyens. 
Cependant  malgré  ces  favorables  difpofitions,  plufieurs  Seigneurs 
d'entre  lesTaborites  de  l'armée  de  Ziska  murmuroient  haute- 
ment de  fon  entreprife  contre  la  Métropole  6c  la  mère  de  la 
patrie ,  dont  la  perte  pouvoit  être  fuivie  de  celle  de  tout  le  Royau- 
me. Ziska  pour  appaifer  ce  tumulte  harangua  l'armée  en  ces  ter- 
mes ,  monté  fur  un  tonneau  de  bière ,  comme  le  repréfente  Theo- 
bald  (a)  :  Pourquoi ,  mes  chers  compagnons  ,  murmurez^vous  con-  0)  •**[*& 
tremoi,  qui  vous  défens  tous  les  jours  au  péril  de  ma  vie  ?  Ne  Juis-je  pas  ^  *' 
votre  Chefbien-loin  d'être  votre  ennemi?  Vous  ai- je  jamais  conduits  nul- 
le part,  d'où  vous  ne  foyez^fortis  vainqueurs  ?  Qui  efl-ce  qui  vous  a  fait 
gagner  la  dernière  vifloire  que  vous  avez^  remportée  /  Vous  êtes  riches , 
vous  avez^  acquis  de  la  réputation  fous  ma  conduite  j  &  moi  pour  récom- 
■penfe  de  tous me s  travaux ,je  n'ai  remporté  qu  un  vain  nom.  C'cflenvous 
défendant  que  f  ai  perdu  la  vue  ,  &  que  je  ne  puis  plus  agir  que  par 
vos  lumières.  Cependant  je  ne  m'en  repens  pas ,  pourvu  que  vous  vou- 
liez^ encore  me  féconder.  Je  ne  veux  point  la  perte  de  Prague ,  &je  ne 
penfe  pas  non  plus  que  fes  habitans  foient  fort  avides  du  fang  d'un  vieux 
chien  aveugle  comme  moi.  C'ejl  de  votre  fang  qu'ils  font  altérez^  Ils 
redoutent  vos  mains  invincibles  3  &vos  cœurs  intrépides.  Marchons 
donc  à  Prague  ,  put f  qu'il  n'y  a  point  de  milieu ,  &  qu'il  faut  quelle 
ou  vous  péri/Jïez^  Eteignons  une  guerre  civile  ,  qui  ne  manqueroit  pas 
d 'attirer  les  étrangers  fur  nos  bras.  Nous  aurons  pris  la  ville  ,  &  chaf 
fé  les  féditieux  ,  avant  que  Sigifmond  en  ait  avis.  Il  nous  fera  plus 
aifé  de  le  vaincre  avec  peu  de  gens  bien  unis ,  qu'avec  une  groffe  ar- 
mée divifee  enfichons*   Ce  Pendant ,  afin  que  vous  ne  me  relnochiczjien 

Ffij 


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t 
â 


118       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES. 

îaia,    confitltezçvous.  Voulcz^vous  la  paix7.  J'y  confens.  Jlfais  prenex^bien 
garde  que  ce  ne  foit  une  paix  fourrée  5  voulez^vous  Ulqucrre  l  M'y  voi- 
la tout  prêt.  A  ces  mots  tout  le  monde  reprenant  courage  ,  l'ar- 
mée s'avança  devant  les  murailles  de  Prague ,  pour  l'attaquer  vi- 
goureufement.  Ceux  de  Prague  allarmez  tinrent  confeil  avec  Co- 
ribut  fur  le  parti  qu'il  y  avoit  à  prendre  dans  cette  extrémité.  La 
concluiion  fut  d'envoyer  à  Ziska  Maltra  Jean  de  Rocki^ane ,  prê- 
tre Huilite  .,  homme  fort  éloquent,  &  en  grand  crédit  (1)  ,  pour 
(a)  M™™  lui  demander  la  paix.  La  négotiation  réuilît,  6c  la  paix  futeon- 
Syh.  ubi  fu-  c\u^  le  1  3  .  de  Septembre.  Le  lendemain  ziska  entra  dans  la  ville , 
p«.PCaien-    ou  ^  fat  re(ju  fort  honorablement.  En  mémoire  de  cette  paix, 
r.  Bohem.  on  éleva  un  grand  monceau  de  pierre,dans  le  champ  appelle  VHb- 
'c.ibfobM.P^ta^  où  elle  s'étoit  faite ,  &  on  jura  de  fe  fervir  de  ces  pierres 
ubi  fupr.       contre  qui  troubleroit  la  paix  (a). 

Succès  û'ai-  X  X.  Pendant  que  cqs  choies  fe  pafîoienren  Bohême ,  l'Archi- 
ben  d'Autri-  juc  VOL1lanc  remettre  la  tranquillité  en  Autriche,  alla  mettre  le 
rav.c.  liège  devant  Luntenbourg^  dou  les  Bohémiens  railoient  de  fré- 

quentes 6c  dangereufes  courfes  en  Moravie  6c  en  Autriche.  Il  avoic 
dès  le  printemps ,  amené  de  Vienne  deux  machines  de  guerre 
encore  inconnues  aux  Moraves ,  avec  lefquellesil  battoit  les  mu- 
railles fans  difeontinuer.  La  garnifon  reiiita  vigoureufement  pen- 
dant 8.  jours.  Mais  voyant  de  larges  brèches  aux  murailles ,  ôc 
n'efpérant  du  fecours  de  nulle  part,  elle  fe  rendit  à  condition  de 
fortir  avec  armes  &  bagages,  &  de  fe  retirer  où  elle  voudroit. 
Sa  retraite  fut  d'abord  à  Cromlovv ,  6c  de  là  en  Bohême.  Après  cet- 
te conquête  l'Archiduc  alla  attaquer  Cromlovv  ,  où  commandoic 
le  Seigneur  Hincko  de  Lippa ,  qui  y  avoir  reçu  une  garnifon  Huf- 
fite  que  Ziska  lui  avoit  envoyée.  Ce  Commandant  fe  voyant  af- 
iiegé  s'exeufa  auprès  de  l'Archiduc  d'avoir  reçu  une  garnifon  Huf- 
fîte,  fur  ce  qu'il  avoit  été  furpris  par  l'arrivée  imprévue  des  en- 
nemis, 6c  qu'il  n'auroit  pu  attendre  du  fecours  de  fa  part,  fans 
hazarder  la  place  6c  la  vie  de  tout  fon  monde.  Comme  il  protef- 
toit  qu'il  n'avoit  reçu  cette  garnifon  qu'à  condition  de  ne  point 
agir  contre  lui,  il  lui  demandoit  la  permilhon  de  demeurer  dans 
la  neutralité.  Sur  quoi  l'Archiduc  qui  ne  s'acçommodoit  pas  de 
cette  propofition  ,  lui  envoya  Nicolas  de  Lobcowitz^  pour  lui  dé- 
clarer qu'il  falloit  qu'il  optât  d'être  ami,  ou  ennemi  ,  6c  que  s'il 
ase  renvoyok  pas  la  garnifon  Taborite,  il  ne  trouvât  pas  mauvais 
qu'il  s'emparât  de  toutes  fes  terres }  s'accommodant  de  ce  qui  fe- 

(  1.)  Il  en  fera  amplement  parle'  dans  la  fuite*- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JtJ.  119 

roit  àfabienféance .,  6c  donnant  le  refte  à  d'autres.  En  effet,  fans  1424. 
attendre  la  réponfe ,  il  marcha  droit  à  Cromlovv  6c  renvoya  Lob- 
cowitz^z  Hincko  pour  le  fommer  de  chafler  inceffammenc  la  gar- 
nifon Huffite ,  6c  de  recevoir  la  Tienne.  En  même  temps,  comme 
rArchiducn'ignoroit  pas  qu'il  y  avoit  beaucoup  deTaboritesau 
voifinage,  il  fit  publier  qu'on  ne  feroit  aucun  dommage  à  ceux 
qui  fe  rendroient  au  bout  de  trois  mois  -y  mais  qu'après  ce  terme  , 
ils  ne  devroient  s'attendre  à  aucun  quartier.Cette  déclaration  en- 
gagea plufieurs  des  Taborites  à  fe  foumettre à  l'Archiduc^  il  n'y 
eue  de  réfiftance  que  de  ceux  qui  n'avoient  rien  à  perdre  ,  6c  qui 
croient  accoutumez  à  vivre  de  pillage.  Cependant  Hincko  ayant 
reçu  un  fauf-conduit  pour  paflérdans  le  camp,  fe  rendit  à  l'Ar- 
chiduc, 6c  lui  prêta  ferment  de  fidélité.  Il  fut  continué  dans  le 
commandement  de  la  place ,  6c  la  garnifon  Taborite  fut  conduite 
avec  bonne  efeorte  ,  jufqu'aux  confins  de  la  Bohême.  Plufieurs 
autres  villes  compoférent  fous  les  mêmes  conditions. 

XXI.  Pendant  que  ces  chofesfe  paffoient  dans  lediftrid  de  d'owlTc- 
Znoïma^  l'Evêque  d'Olmutz^ fortifié  de  nouvelles  troupes  allaat-  prcndqud- 
taquer  le  Seigneur  Boczkon  de  Konftat  le  jeune,  qui  ravageoit  la  (lucs placcSv 
campagne  dans  le  diocèfe  de  cet  Evêque,  6c  s'étoit  même  em- 
paré de  quelques-unes  de  fes  villes.  L'ayant  joint ,  il  lui  livra  le 
combat.  La  victoire  fut  long-  temps  incertaine ,  6c  l'avantage  égaJ. 
Le  lendemain  de  cette  action  Boczkon  fe  retirai  Brumo  ,  ayant 
laiiîé  garnifon  dans  le  monaitere  de  Wiffowi  tz^dont  il  étoit  le  fon- 
dateur. L'Evêque  de  fon  côté  profitant  de  l'abfence  de  Boczkon  v 
alla  faccager  tout  ce  que  le  premier  avoit  conquis  dans  ta  pro- 
vince ,  menaçant  de  rafer  le  monaftere  ,  dont  on  vient  de  parler  ,. 
s'il  ne  fe  rendoit.  A  cette  menace  l'Abbé  délibéra  fur  le  parti  qu'il 
y  avoit  à  prendre  dans  cette  extrémité.  D'un  côté  on  craignoit 
pour  la  ville,  fi  on  ne  rendoit  pas  le  monaftere.  De  l'autre,  en  le 
#  rendant  on  avoit  tout  à  craindre  du  refîentiment  de  Boczkon.  On 
prit  donc  le  parti  de  prier  l'Evêque  de  permettre  qu'on  députât 
i  Boczkon  3  pour  négotierla  reddition  du  monaftere. Boczkon  no- 
fe  fentant  pas  en  état  de  foutenir  le  fiége ,  6c  craignant  d'ailleurs 
d'être  enveloppé  parles  troupes  de  l'Archiduc,  envoya  des  dé- 
putez à  l'Evêque  pour  demander  une  trêve  de  deux  jours,  pen- 
dant lefquels  on  régleroit  les  conditions  du  traité.  Ces  condi- 
tions furent  que  Boczkon  rendroit  le  château  à  l'Evêque  de  en  fe- 
roit fortir  la  garnifon  ,  qu'il  rendroit  les  prifonniers  6c  tout  le  bu- 
sin,  qu'il. ne  harceleroit  plus  la  province,  6c  qu'il  nedonneroir 

JFfij 


z3o     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
.    ±     aucun  fecours  aux  Taborices.  Plusieurs  Seigneurs  du  même  par- 
ti  firent  en  même  temps  leur  paix  avec  PEvêque.  Il  ne  reftoit  plus 
que  quelques  châteaux  occupez  parles  Huilites,  mais  aiîez  bri- 
dez par  les  garnifons  voifmes,  pour  ne  donner  aucune  inquiétu- 
de àTEvêque. 
SigifmenA        XXII.  La  Province  ainfi  pacifiée,  l'Evêque  d'Olmut^alh 
veut  traiter   trouver  Sigifmond  à  Prefbourg ,  dans  la  haute  Ho  ngrie ,  où  il  avoic 
avecZ«fc».    ^  mande  plufieurs  fois  avec  beaucoup  d'inftance.  Ce  Prince 
étoit  de  retour  de  Pologne,  où  il  avoit  été  aux  noces  du  Roi, 
qui  avoit  époufé  la  P  rincette  Sophie  fille  à' André  Grand  Duc  de 
Mofcovie ,  &non  pas  Sophie  veuve  de  Wençeflas ,  comme  quel- 
fa)  cuebsr.  ques-uns  l'ont  crû  (a).  Il  avoit  avec  lui  à  Prefbourg  quantité  de 
ubifupr.  p.   Grands  Seigneurs,  tant  eccléfiaftiques  que  feculiers,  entre  au- 
*°6'  très  le  Roi  de  Dannemarck ,  Branda  de  Chktillon  Légat  du  Pape  , 

&  Sigifmond  Coribut ,  que  le  Roi  de  Pologne  avoit  rappelle  de  Bo- 
hême depuis  peu.  Ilfutréfolu  dans  cette  entrevue,  que  Coribut 
ne  retourneroit  plus  en  Bohême,  que  le  Roi  de  Pologne  ne  don- 
neroit  aucun  fecours  aux  Bohémiens ,  qu'il  fourniroit  5000.  che- 
vaux à  Sigifmond  contre  les  Chevaliers  Teutoniques.  Cependant 
Coribut  retourna  en  Bohême  à  l'infù.  du  Roi  de  Pologne,  ce  qui 
nelaifïapas  de  donner  de  l'ombrage  à  Sigifmond,  d'autant  plus  que 
Wladijlas  avoit  fait  revenir  foudainement  quelque  cavalerie  qu'il 
avoit  envoyée  en  Moravie  pour  foutenir  Albert.  Quoi  qu'il  en 
foit ,  Sigifmond  voyant  les  heureux  fuccès  de  cet  Archiduc  en  Mo- 
ravie, penfa  auiîi  aux  moyens  de  fe  rétablir  en.  Bohême.  Mais 
commeziik  y  avoit  tout  pouvoir,  ii  réfolut  de  le  gagner  par 
des  promeilès  magnifiques.  Il  lui  envoya  donc  des  ambafladeurs 
pour  lui  offrir  le  Gouvernement  du  Royaume,  avec  les  condi- 
tions les  plus  honorables ,  Se  les  plus  lucratives  ,  s'il  vouloit  fe 
ranger  dansfon  parti,  &  ramener  les  rebelles,  Etrange  ré duîl ion , 
dit  là-deilus  l'Hiftorien  de  Moravie  ,  qu  un  Empereur  d'une  fi  hau- 
te réputation ,  en  Italie  ,  en  Allemagne ,  en  France ,  par  toute  l'Eu- 
rope ^  fut  contraint  de  s'abaijfer  3  pour  recouvrer  fon  Royaume  ,  de- 
vant un  (impie  Gentilhomme ,  un  aveugle ,  un  profane  ,  un  facrilége , 
&  un  fcélerat  !  On  dit  que  Zuka  ne  fut  pas  infenfible  à  des  offres 
fi  avantageufes.  Mais  fa  mort  arrêta  ce  projet  d'ambition  d'une 
part ,  &  d'humiliation  de  l'autre. 
Mortdc  Zisr  XXIII.  Comme  il  alloit  en  Moravie  avec  ceux  de  Prague  Se 
Jp,  Coribut,  foit  pour  recouvrer  ce  qu'il  y  avoit  perdu ,  foie  pour  trai- 

ter de  plus  près  avec  Sigifmond,  il  mourut  de  la  peite  qni  çtoit  dans 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JCI.  23* 
Ton  armée  le  1 1.  d'Octobre  de  cecce  année  (1)  pendant  l'attaque     \aia 
d'une  place  aux  confins  de  la  Bohême  &;  de  la  Moravie  (si).  Ainfi     , ,  n   \.r 

*•  '  rr  <        •  11      o         •  1 1       1  va)  ■"fVvtJ- 

cet  homme  qui  avoitattronte  mille  &  mille  dangers,  avec  autant  law. 
de  bonheur  que  de  courage ,  finit  par  une  mort  commune  &  po- 
pulaire. Comme  lapefte  eft  mife  entre  les  fléaux  de  Dieu.,  quel- 
ques-uns on  dit  qu'il  mourut  du  doigt  de  Dieu  (1).  D'autres  ont 
trouvé  que  ce  genre  de  mort  étoit  plus  doux  &  plus  tranquille 
qu'il  ne  méritoit(3).  Un  Hiftorien  fait  mieux  de  s'en  tenir  aux 
faits ,  fans  hazarder  des  jugemens  qui  peuvent  être  téméraires. 
Tous  les  Hiftoriens  difentprefque  unanimement,qu'en  mourant  il 
ordonna  à  ks  gens  de  faire  un  tambour  de  fa  peau  3  les  afïurant  de 
la  victoire  au  bruit  de  ce  tambour.  D'autres  ajoutent  qu'il  com- 
manda d'expofer  {on  corps  aux  bêtes  &  aux  oifeaux^aimant  mieux 
en  être  dévoré  ,  que  d'être  rongé  des  vers  (4).  Mais  Théo bald(b)  (b)  ubi  fupr. 
nefait  pas  difficulté  de  traiter  de  fable  cette  tradition.  Peut-être  p'  "*• 
pourroit-on  mettre  fimplement  entre  les  bons  mots  de  ziska  cet 
ordre  de  faire  un  tambour  de  fa  peau,  s'il  eft  vrai  qu'il  le  donna , 
ôc  qu'il  voulut  finir  par  cette  raillerie  infultante  &  cette  efpéce  de 
rodomontade.  Peut-être  aufTi  que  fes  gens  pour  intimider  leurs 
ennemis  firent  courir  le  bruit  que  cet  ordre  avoit  été  exécuté.  Au 
moins  paroit-il  qu'on  le  crut ,  par  ces  paroles  à' Albert  Krantsqus    (0  Vandai. 
(c).  Ses  amis ,  dit-il  _,  firent  ce  quil  leur  avoit  ordonné ,  ^  /*//  trouve-    '  "     ' p' 
rent  quil  leur  avoit  promis. 

XXI V".  A  l'égard  de  l'autre  ordre.de  jetter  fon  corps  à  la  voirie,     Honneurs 
il  eft  certain  que  s'il  fut  donné  3  il  ne  fut  pas  exécuté.  Onl'enfeve-  kaaprèsf» 
lit  d'abord  à  Gr^//^dansl'Eglife  des  onze  mille  vierges.  Enfuite  mort- 
fon  corps  fut  transféré  avec  fa  peau  toute  entière  à  Czaflavv ,  ville 
confidérable  de  Bohême  ,  où  il  fut  enfeveli  honorablement  dans 
l'Eglife  Cathédrale.  Cette  Ville  avoit  été  enlevée  l'année  précé- 
dente à  ceux  de  Prague  par  les  Taborites.  Comme  elle  avoit  tou- 
jours été  fidelle  au  Huffitifme  ,  (es  habitans  ne  voulurent  pas  fouf- 
frir  que  le  corps  dcziskafàt  dépofé  ailleurs.  Theobald  témoigne 
qu'onylifoit  encore  de  fon  temps  cette  épitaphe  $  Ci  git  Jean 
Z  1  s  k  a  ,  qui  ne  le  céda  à  aucun  Gênerai  dans  l'art  militaire ,  rigou- 
reux vangeur  de  l'orgueil  &  de  l'avarice  des  Ecclèjiafliques ,  ardent 

(  1  )  Quelques  Auteurs ,  comme  Cochlée  n'ont  mis  fa  mort  qu'en  1427-  mais  c'eft  une  erreur 
démentie  par  toute  l'Hiftoire. 

(2)  Motiflrumdctfjlabîle  ,  crudele  ,  hnrrer.dam  ,  importun  ttm ,  qtiod poflijuam  mtintts  humant* 
toiificere  non  val'iit ,  digxîus  Dei  exjlinxit.  ^EneasSylv.  ubi  fupr.  cap.XLVI.  p.  72. 

(3)  Martisgcnere  nimis  plticido  utpotc  chjus  immani*  feelera  ,parricidia ,^  fiurilcgia }  atrociorn 
fromer  titrant.  Mars  Morav.  ubi  fupr.  p.  Joô". 

(4J  jEneasSyh.  CrtmVL.  llagcc.  Dttiravv*  Qmnhor.'Èalh'in. 


i32       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.24..    défenfeur  de  fa  patrie .  Ce  que  fit  en  faveur  delà  République  Romaine 
Appius  Claudius  l'aveugle  par  fesconfeils  (1^,  &  Marcus  Furius 
Camillus  par  fa  valeur ,  je  l'ai  fait  en  faveur  de  ma  patrie.  Je  n'ai 
jamais  manqué  a  la  fortune  ,  &  elle  ne  m  a  jamais  manque.  Tout 
aveugle  quej'étois ,  j'ai  toujours  bien  vu  les  occafions  d'agir.  J'ai  vain- 
cu onze  fois  en  bataille  rangée.  J'ai  pris  en  main  la  caufe  des  malheu- 
reux &  des  indigens  ,  contre  des prêtres  fenfuels  &  chargez^dc  graiffe , 
&  f  ai  éprouvé  le  fc cours  de  Dieu  dans  cette  entreprife.  Si  leur  haine 
&  leur  envie  n'en  avoit  empêché ,  j'aurois  été  mis  au  rang  des  plus  il- 
lujlres perfonnages .  Cependant,  malgré  le  Pape ,  mes  os  repofent  dans  ce 
lieufacré.  Il  y  a  au  bas  de  Pépitaphe,  A  Jean  Zisk a  Grégoire 
fon  oncle  (1).  Auprès  de  Pépitaphe  de  Ziska  on  avoic  mis  fa  maf- 
fuë.  Balbin  raconte  au  fujet  de  cette  malïué"  unehiftoire  allez  plai- 
fante.  C'eft  que  l'Empereur  Ferdinand I,  pafTant  un  jour  à  Cça- 
flaw  voulut  en  vifiter  la  Cathédrale  $  &  qu'y  étant  entré  ,  il  vit  une 
grande  malluë  de  fer  pendue  près  d'un  tombeau.  Comme  ce  tom- 
beau lui  paroiflbit  être  de  quelque  héros  de  Bohême ,  il  demanda 
qui  c'étoit.  Aucun  des  courtifans  qui  étoit  avec  lui  n'ofoit  le  lui 
dire.  Mais  il  y  eut  quelqu'un  plus  hardi,  qui  lui  dit,  c'eft  Ziska. Fi 
Fi  3  dit  l'Empereur  ,  cette  mauvaife  bête  toute  morte  quelle  cfl  depuis 
cent  ans  fait  encore  peur  aux  vivans.  Là-deflus  il  fortit  de  l'Eglife, 
&  fit  atteler  pour  aller  une  lieue  au-delà  de  Czaflaw ,  quoiqu'il  eût 
(a)  Epit.  p.  réfolu  d'y  pafTer  la  nuit  (a).  On  voyoit  encore  cette  maffue  en 
*  4"  1  6 1  9  ,  lorfque  Ferdinand  II.  remporta  la  victoire  fur  Frédéric  V. 

Electeur  Palatin  que  les  Bohémiens  avoient  élu  Roi.  Mais  en  s'en 
retournant  les  Impériaux  enlevèrent  la  mafï'ue  ,  &;  effacèrent 
Pépitaphe  (3  ).  ziska  étoit  reprefenté  en  relief  fur  fa  tombe  ^  mais 
cette  effigie  étoit  fi  ufée,  qu'à  peine  pouvoit-on  y  lire  au  basées 

(  1  )  Tout  aveugle  qu'il  étoit  il  fe  fit  porter  au  Sénat  pour  empêcher  les  Romains  de  faire  une 
paix  honteufenvec  lyrrbus» 

(z  )  J/thanni  Zisk*  Gregorius  avuneuhts  P.  P.  Theobald.  p.  1 1 J. 

(3  )  On  fit  cette  épitaphe  fur  cette  maffuë. 

Rafa  Papijlarxmtimuit  quem  turba  ,  Jâhannes 

Conditus  hoc  eclebri  marmore  Ziska  jacet. 
llle  tus  vindex  ,  lluffifancliffime ,  mortis  , 

Hofles  dum  calicis  perfequeretur  ,   erat. 
Fit  via  vi ,  rumpit  aditus ,   minacbofque  trucidât  » 

Quando  virum  Cbrifti  pro  grege  Xjtlut  agit. 
Tejiis  ertt pettdens ,  fparfoque  infeita  certhro 

Clavctbac ,  qua  Monachis  terror  *$ borrtr  erat. 

,,  Jean  Zisk*  repofe  fous  ce  célèbre  marbre.  Il  fut  la  terreur  des  ton  furet  de  Rome.  Hus  !  il 
,,  fut  le  vangeur  de  ta  mort,  en  pourfuivant  i  outrance  les  ennemis  du  Calice,  &  mafiiacrant 
»,  les  moines.  Cette  maffuë  toute  jeinte  de  fon  fang ,  en  fera  un  témoin  éternel. 

paroles; 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  Jfl.  233 

paroles  ;  L'an  1424.  le  Jeudi  veillé  de  la  Si.  Gai  mourut  Jean  Ziska 
du  Calice  ,  Chef  des  Républiques  qui  fouffrent  pour  le  nom  de  Dieu,  il 
repofc  dans  ce  temple.  Non  loin  du  tombeau  il  y  a  un  autel ,  où.  Jean 
Mus  tk  Ziska  font  représentez  l'un  auprès  de  l'autre.  Sous  Jean 
Mus  on  lifoit  ces  vers. 

Muffc ,  tuusvindexjacct  hic  Dux  Ziska  Johannes, 
Supplex  Sigifmundus  cuiquoque  Cxfar  erat. 

Et  quoniam  buflis  clarent  loca  multa  fcpulchrum 
Ziska  Czadzviifamaperenniserit. 

3)Hus,  tonvangenrgit  ici  :  S/gjy^0«^lui-mêmeapliéfouslui.Ec 
„  comme  on  voir  en  plufieurs  lieux  les  buftes  des  héros ,  ainfi  C^af- 
„  law  confervera  éternellement  la  mémoire  de  Ziska.  „  Et  un  neu 
plus  bas. 

Jam  venit  è  fuperis  Mujff:  quod  fi  forte  redibit 
7Àskzfuus  vindex ,  impia  Roma  cave. 

Mus  efi  revenu  du  Ciel  :  fiZiska  fin  vanneur  en  revient,  Rome  im- 
pie ,  prens  garde  à  toi. 

Au-defTous  de  Ziska  étoient  écrits  ces  vers. 

Strenuus  in  bellishoc  dormit  Ziska  fepulchro  , 
Ziska  fuœ gentis  gloria ,  Martis  honos, 

Jlle  ducemfcelcrum }  monachos ,  peftemque  nefandam 

u4d  Stygias  )uflo  fulmine  trufitaquas. 
Surget  adhuc  rurfus ,  quadratœ  cornua  crifta 

Suppliciiutpœnas  3  quas  meruere ,  luant. 

^Cigit  Ziska  vaillant  en  guerre,  la  gloire  de  fa  patrie,  l'hon- 
?,neurdeMarsjila  précipité  dans  leStyxavec  fa  foudre  vange- 
„  reiïe  les  moines ,  cette  pelle  criminelle.  Il  reviendra  encore  pour 
„  punir  de  leurs  crimes  les  bonnets  quarrez. 

Derrière  l'autel  il  y  avoit  une  longue  &  large  pierre  qui  répré- 
fentoit  la  table  où  Ziska  communioicfous  les  deux  efpéces ,  avec 
ce  di  (tique, 

Tom.  I.  G  g 


1424. 


134       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

lAïA.  Mcnfafuit  Zi skx.  lapis  hic 3  dum  corpore  Chrifti 

Vefcitur  3  & potum  fanguinis  ore  bibit. 

„  Cette  pierre  fut  la  table  de  ziska ,  lors  qu'il  prenoit  le  corps  & 
„  le  fang  du  Seigneur. 

Selon  la  manière  de  ce  temps-là  on  marqua  Tannée  de  fa  mort 
dans  ce  diftique,  où  les  nombres  font  marquez  par  de  grandes  let- 
tres. 

PejiepereMptVs  oblt,  non  atro  VICtVsab  hofle , 

ZlsCapotens  beLLo  3  finis  &  aCereqVes  (  i  ). 

Depuis  ce  temps-là  un  favant  de  Bohême,  nommé  Maître  Mat- 
thieu Colin  >  qui  rleuriflbic  fur  la  fin  du  XV.  fîéclë,  fit  cette  épica- 
phe  fur  Ziska  : 

Defcnforcalicis  Chrifii  3  fideique  facratœ , 

Dira  Monachorum  peflis ,  acerba  lues 
Prœfulis  Aufonii ,  Bojemœftrenuus  orœ 

Tutor ,  Germani  terror  at  imperii , 
Bojemus  cochles  ,  cui  dat  T rocznovia fiemma , 

Summus  in  exiquo  Dux  cubât  hoc  tumulo. 

„  Ci  git  le  défenfeur  du  calice,  &:  de  la  vraye  foi ,  le  fléau  des 
„  moines,  ëtduPréiat  Romain  3  le  vaillant  défenfeur  de  la  Bo- 
33  hême  ,  la  terreur  de  l'Empire  d'Allemagne,  ce  Général  borgne 
„  à  qui  Trocxpova  (  i)  donna  nailîance,  6c  dont  il  portoit  les  armes. 

Hiftoirc         XXV.  C'eft  ici  le  lieu  de  donner  le  portrait,  lecara&ére,  Ôc 

abrogée  &     un  abrégé  delà  vie  de  ziska  (3).  On  vient  de  marquer  le  lieu  de 

ziska.         fa  naiffance.  On  ne  fçait  point  fon  nom  de  famille  }  ce  qu'il  y  a  de 

certain,  c'eft;  qu'elle  étoit  noble  ,  mais  d'une  fortune  médiocre, 

[i]  Le  traducteur  de  l'beobald  ,  quia  ajouté  ce  diftique  à  fon  original  allemand  ,  y  en  joint 
encore  un  autre  de  même  nature  qu'on  a  omis,  parce  qu'il  contient  la  même  shofe  ,  &  qu'on 
s'efl  fouvenu  du  mot  jlultum  ejl  difficiles  babere  nitgas ,  c'eft  une  folie  de  s'occuper  à  des  bagatelles 
difficiles. 

(z)  Autrement  Irautenawa.  C'étoit  une  petite  ville  ou  un  gros  bourg  dans  le  diftricT;  de 
Kofiigsgratz..  Ce  litu  apparîenoit  à  des  chanoines.  Il  leur  enleva  cette  place  en  1411.  mais  il 
épargna  le  munafte'rc.  Balb.  Epitom.  p.  424. 

(î)On  nefçauroit  fedifpenfer  de  rafTembler  ici  des  particularitez  qui  ont  été  nwrqucee 
dans  YHijloire  du\ConciU  de  Confiance ,  &  difperfées  en  divers  endroits  de  celle-ci. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLË.  Liv.    Jri.     235 

ôc  que  Tes  parens  le  mirent  page  à  la  cour  de  Charles  JJ^.  Balkn    1a1a 
nous  apprend  qu'il  avoit  fervi  avec  éclat  en  Pologne,  &;  fur  tout 
qu'il  s'étoit  beaucoup  fîgnalé  dans  la  victoire  que  Ladiflas  Jagel- 
Ion  remporta  en  1410.  fur  les  Chevaliers  de  l'Ordre  Teutonique.  (aj  Bail.  ubi. 
(a)  On  ne  dit  point  quel  étoit  Ton  emploi  dans  cette  armée  ,  ni  fuPr- 
quel  âge  il  avoit  alors.  Il  étoit  Chambellan  dzWenceflas ,  lors  du 
fupplicedcJeœnHas.  Regardant  ce  fupplice  comme  un  affront 
fait  à  la  Bohême,  il  réfolut  de  l'en  vanger  par  permiïîîon  de  fon 
maître,  fur  tout  fur  les  Prêtres  &  les  Moines,  qui  en  avoient  été 
les  inftigateurs.  On  a  prétendu  qu'il  avoit  un  autre  grief  contre 
les  écclefiafliques  ,  parce  que  quelque  prêtre  ou  quelque  moine 
avoit  débauché  fa  fœur  qui  étoit  Religieufe,  vangeant,  dit  Balbin, 
un facrilcge parmille  autres facriléges  (b).  Cependant  Thcobald  té-  (b)ubi(upr. 
moigne  que  plufieurs  doutent  du  fait  [cj.  La  première  raifon  étoit     U 1,,e9b; 
en  effet  fuffifante  pour  animer  ziska3  fans  en  chercher  une  autre.  faCp.'a& 
D'ailleurs  il  n'y  eût  pas  eu  d'équité  à  vanger  fur  tous  les  éccléiiafti- 
que  le  crime  d'un  feul.  Au  lieu  que  le  fupplice  de  Jean  Hus  fut  le 
crime  de  tout  le  clergé,  de  de  deux  Papes,  dont  l'un  le  follicita 
ardemment,  quoiqu'il  n'eût  pas  le  plaifir  de  repaître  fa  vue  de*  ce 
cruel  fpe&acle  (i)%  6c  dont  l'autre  l'approuva  folemnellement  (à).  (J}AL*m»r. 
Ce  fut  le  crime  de  tout  un  Concile  ,  &:  en  particulier  des  Eccle- 
fiaftiques de  Bohême  qui  venoient  fondre  fur  Jean  Hus  à.  Confian- 
ce ,  comme  des  eiïains  de  guêpes  ou  de  frelons.  Quoiqu'il  en  foit, 
on  a  vu  que  jamais  vengeance  ne  fut  ni  plus  complette,  ni  pouflée 
avec  plus  de  fureur. 

Toute  Phiftoire  fait  foi  que  Ziska  fut  entreprenant ,  vindicatif, 
cruel,  &  qu'il  porta  la  barbarie  plus  loin  que  les  barbares  eux- 
mêmes.  Mais  ceux  qui ,  félon  leurs  principes,  onteuleplus  d'in- 
térefr.  à  en  dire  du  mal ,  n'ont  pu  s'empêcher  de  reconnoitre  en 
lui  plufieurs  qualicez  héroïques.  Ils  ont  admiré  fa  valeur  ôc  fon 
intrépidité,  fa  prudence  &  fa  pénétration  dans  les  ôccafions  les 
plus  délicates ,  &  dans  les  conjonctures  &  les  fituations  les  plus 
périlleufes,  mais  fur  tout  la  rapidité  de  ks  conquêtes ,  &Ia  gran- 
deur de  fes  exploits.  Il  faut  écouter  là-defîus  Cocblce ,  l'Hiftorien 
d'ailleurs  le  plus  pafîîonné  contre  lui.  „Sil'on  confidére,  dit-il, 
„fes  exploits  ,  on  peut  non  feulement  l'égaler  ,  mais  même  le 
„  préférer  aux  plus  grands  capitaines.  En  eft  -  il  aucun  qui  ait  livre 
„  plus  de  combats,  &  remporté  plus  de  victoires,  que  lui  ,  tout 
aveugle  qu'il  étoit  ?  C'eft  ce  qui  a  fait  dire  à  Baptifte  Fulgo- 

(i)'jeaH  XXIU.  Ce  Pape  fut  mis  à  Confiance  dans  la  même  pr  Sun  que  Jean  Hus. 


A  238  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
Religion  de  XXVI.  Il  eft  allez  mal  aifé  de  juger  de  Tes  vrais  fentimens  fur 
ZMa.  la  Religion.  Il  femble  bien  que  d'abord  il  futHuffïte,  puisqu'il 
prie  les  armes  pour  vanger  la  more  de  Jean  Hus.  Mais  comme  il  fe 
mie  enfuice  à  la  tête  des  Taborites,  qui, autant  qu'on  en  peut  juger, 
écoienc  Vaudois  ou  Wicléfi fies,  qui  nioient^a  préfence corporelle 
de  Jefus-Chriffc  dans  l'Euchariftie  &  la  Tranfubflantiation  ,  6c  qui 
non  conrens  de  la  Communion  fous  les  deux  efpéces,  rejeccoienc 
toutes  les  cérémonies  de  l'Egiife  Romaine  5  on  pourroit  juger 
qu'il  étoit  de  leur  opinion.  Ce  qui  pourtant  ne  s'accorde  gueres 
avec  fa  haine  implacable  pour  les  Picards  ,  qui,  félon  l'opinion 
commune  ,  étoient  Vaudois ,  à  moins  que  par  les  Picards  on  n'en- 
tende comme  quelques-uns,  les  Adamites.  Comme  il  ne  paroît 
point  qu'il  futhomme  de  lettres,  on  pourroit  juger  qu'il  n'avoit 
point  de  fyftême  bien  lié,  &  qu'il  varioit  fuivant  les  diverfes»fîtua- 
ti  ons  où  il  fe  trou  voit.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  qu'il  tint  conf- 
tamment  pour  la  Communion  fous  les  deux  efpéces.  On  a  déjà 
remaqué  qu'il  lignoit  Ziska  du  Calice  3  6c  qu'il  avoit  un  calice 
peint  fur  Ton  bouclier.  Balbin  ajoute  qu'il  avoit  fait  bâtir  dans  le 
diftri&de  Zitomeritz^une  for  te  rc  fie  qu'il  appel  loit  Calich  ,  ouC*z- 
lice ,  pour  tenir  en  bride  ceux  de  Mifnie  qui  faifoient  descourfes 
dans  cette  province.  Ceux  de  fon  parti  avoient  peint  des  calices 
par  toute  la  Bohême  ,  ce  qui  donna  lieu  à  ce  diflique  ,  où.  l'on  dit 
que  la  Bohême  peiqnoit  tant  de  calices ,  qu3  il fembloit  quelle  n  eût  point 
d'autre  divinité  que  Bacchtis. 

Tôt pingit  calices  Bchemorum  terraperurbes  3 
r  a }  Dubrav  ^  credas  Bacchi  numina  fola  coli  (a) . 

Lib.  xxv'i.  On  peut  conclure  de-Jà  que  ziska  étoit  proprement  Calixtin ,  ou , 
p.  m.  074.  comme  on  parloit  alors ,  Subutraquific (1).  C'eft  ce  qui  paroît  au  flî 
par  le  témoignage  de  l'auteur  du  Mars  Moravique  ,  dont  je  rap- 
porterai ici  les  paroles.  »  Après  avoir  fait  tant  de  maux  ,  il  fit  en- 
»  fin  un  grand  bien  en  fortant  de  la  vie ,  puifqu'il  auroit  perdu  la 
»  Bohçme  s'il  eût  vécu  plus  long-temps.  On  doit  pourtant  le  louer 
»  de  ce  qu'en  141 1 .  (2)  il  extermina  totalement  les  infâmes  Ada- 
»  mites  dans  le  ditt.ri£t  de  Bccbin.  Tout  fcelerat  qu'il  étoit,  il  ne 
»  put  fupporter  leurs  crimes.  Il  brûla  aufîî  plufleurs  Picards  (3)  j 
»  car  il  étoit  encore  en  quelque  manière  attaché  aux  cérémonies 

(  1)  Qui  tient  pour  la  Communion  fous  les  deux  efpeccs. 
(z)  Baib.  marque  cebàTan  1418.  Cette  éxecution  Ce  fit  à  pluficurs  fois  &  Cfl  divers  endfoite. 
^3  )  Picards didinguez des  Adamites. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JTI.    239 

de  l'Eglife.  Ilvouloit,  dit  Bilejovius  ,  que  [es  prêtres  facrifiaf-     1a1a\ 
font  félon  l'ancienne  coutume ,  qu'ils  eujfent  la  couronne 3  &  quils  luf 
fent  dévotement  devant  lui  la  Mcjle  félon  les  Mi/fils  3  quoique  plu- 
fieurs  d'entre  les  Taborites, plus  gâtez  à  l'égard  de  la  religion  ,J& 
féduits  par  un  certain  Martin  Loquis  Morave  ,  zélé  Picard.,  def- 
approuvafîent  toutes  ces  chofes.  Ils  appelloient  les  prêtres  de 
Ziska  Lingers  (  Lintearios  )  à  caufe  de  leurs  ïurplis  de  toile  (1  ). 
Loquis  fut  pris  &  brûlé  par  ordre  de  Ziska  dans  un  tonneau  de 
poix.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  continue  cet  Hiflo- 
rien,  c'eft  qu'on  voit  zC^aflaw  près  de  la  combe  de  Ziska  un 
autel  doté  pour  dire  la  Meile  pour  fon  ame.  Le  prêtre  (  2  )  à  qui 
le  Doyen  de  la  Cathédrale  avoit  conféré  ce  bénéfice  3  étoit  Ca- 
lixtin ,  &.  fort  ennemi  des  Picards  (a).  Ceci  fert  beaucoup  à  s'é-     fa)  M** 
claircir  fur  la  religion  de  Ziska,  c'efl-à-dire ,  qu'il  fe  bornoit  à  ces  àipr^ios! 
quatre  fameux  articles  qui  furent  agitez  au  Concile  de  Balle,  la 
communion  fous  les  deux  efpéces ,  la  libre  prédication  de  la  paro- 
le de  Dieu  3  la  défenfe  aux  prêtres  de  poflèder  des  biens  féculiers , 
&:  la  punition  publique  des  crimes ,  comme  on  l'a  déjà  dit. 

XXVII.  La  mort  de  Ziska  mit  une  grande  condensation  dans   L'armée  de 
fon  armée.  On  n'entendoit  que  lamentations  &  que  murmures  f^çt^I^' 
contre  la  fortune  3  qui  avoit  condamné  à  la  mort  un  homme  im-  verfes  ban- 
mortel  (b).  JEneas  Sylvius  fait  une  afléz  bonne  réflexion  là-deflus.  des-  \ 
Les  Taborites ,  dit-il ,  qui  ont  en  horreur  toutes  les  peintures, mi-  syh.  ubi  fu- 
rent fur  la  porte  de  la  ville  celle  de  Ziska ,  avec  un  Ange  tenant  un  F  caP- 
calice ,  &  célèbrent  fa  fête  tous  les  ans.Après  avoir  rendu  les  hon- 
neurs funèbres  à  Ziska  3  l'armée  fe  partagea  en  trois  bandes  5  une 
partie  fe  choifit  Procope  Rafe  le  Grande  félon  l'ordre  qu'en  avoic 
donné  Ziska ,  qui  lui  avoit  commandé  en  mourant  défaire  périr 
par  le  fer  &  par  le  feu  tout  ce  qui  s'oppoferoit  à  fa  religion.  L'autre 
partie,  qui  prit  le  nom  d'Orphelins ,  déclara  qu'elle  ne  vouloir 
point  de  General  3  parce  qu'elle  n'e»trouvoit  point  dans  le  mon- 
de qui  fût  digne  de  fuccéder  à  Ziska.  Elle  fe  choifit  pourtant  quel- 
ques Chefs 3  &  entr'autres  Procope  furnommé  le  Petit.  Ces  Orphe- 
lins fe  tenoient  toujours  dans  leur  camp,  6c  retranchez  avec  leurs 
chariots ,  fans  aller  dans  les  villes  que  dans  un  grand  befoin,  com- 
me pour  acheter  des  vivres.  La  troifiéme  partie  retint  le  nom  d'<9- 
rèbites , &  prit  pour  Chefs Hincko ^Krufïna  de  Cumburg3  autrement 

(1)  Balbiii  dit  que  les  parti  fans  de  Ziska  appelloient  les  Prêtres  Taborites  des  Cordonniers, 
(  Sutores  Calccaru)  parce  qu'ils  avoient  toujours  les  mêmes  fouliers  à  l'Eglife  &  hors  de  l'E- 
glife. ubt (llpr.  p,  i.<$6. 

(z)  Bilegèwski  jacerdes  CotnjHiilifla  ,  feu  fub  utraque  cammunkctnùum. 


m 

boritce 


240       HIST.  DE  LA  GUEURE  DES  HUSSITES 
1414.    de  Zittemburg.  Ce  parcage  de  l'armée  n'empêcha  pas  qu'ils  ne  s'u- 
niflent  étroitement  quand  il  s'agifloit  de  leur  caufc  commune.  Us 
appeiloient  la  Bohême  la  Terre  de  promiffïon ,  &  les  Allemands  qui 
étoient  aux  environs ,  ils  les  appeiloient ,  les  uns  les  iduméens ,  les 
autres  les  Moabites  ,  les  autres  les  Amalécites ,  6c  les  autres  les  Phi- 
liftins.  Après  avoir  tout  mis  à  feu  &  à  fang  dans  la  ville  où  Ziska 
éroit  mort ,  comme  pour  facrifier  aux  mânes  de  leur  Général ,  les 
armées  fe  joignirent  pour  aller  en  Moravie,  où  ils  prirent  quel- 
ques  forterefles,  &  de-là  ils  s'en  retournèrent  en  Bohême.  Enfuite 
ils  fe  parragérent  pour  aller  en  divers  endroits.  Les  Orphelins  6c 
les  Orebites  tirèrent  du  côté  de  la  Siléfie  6c  de  la  Luface,  brulanc 
6c  maflacrant  par  tout ,  mais  fans  remporter  aucun  avantage  con- 
sidérable. 
Prwpe  Rafe      XXVIII.   Procope  Rafe  à  la  tête  des  Taborites  6c  de  ceux  de 
fucccde  à      Prague ,  marcha  vers  la  Bavière  &  Y  Autriche  par  la  Moravie. 
^mmtndcJ  Après  avoir  pris  en  paflant  quelques  places ,  il  alla  mettre  le  fié- 
entdcsTa-  ge  devant  HraditzJ^i) ,  place  bien  fortifiée  dans  cette  dernière 
province.  Le  premier  jour  de  l'attaque,  le  Seigneur  Bohuflaus  de 
Schwanberg  fut  tué  d'un  coup  de  flèche  5  ce  qui  les  irrita  tellement, 
qu'ils  ne  voulurent  faire  aucun  quartier  à  la  ville  3  quoiqu'elle  of- 
frît de  fe  rendre.  La  ville  fut  réduite  en  cendres ,  les  citoyens  paf- 
(«)Lc  Com-  fez  au  fil  de  i'épée,6c  le  Gouverneur  (a)  emmené  à  Prague ,  où  le 
%iJt  Ha'"    Seigneur  Hincko  de  Waldflein  le  tint  prifonnier  jufqu'à  l'a  mort  ar- 
rivée deux  ans  après.  C'elt  ce  qui  fe  pafla  le  1  o.  Décembre, 
im.ptiondes      XXIX.  On  met  cà  cette  année  une  courfe  des  Huflices  en  Mif- 
Huffites  en    nje  avec  ^_000#  Zances  (1) 3  pour  fe  vanger  du  Duc  Fridcric  qui  les 
avoit  harcelez  en  diverfes  occafions.  Ils  mirent  d'abord  le  lîége 
devant  une  ville  <\\i  Albert Krantz^ appelle  Duxa,  Le  Duc  y  avoic 
mis  bonne  garnifon  ,  6c  avoit  commandé  fix  mille  hommes  pour 
obliger  les  ennemis  à  lever  le  fiége.  La  place  ,  quoique  vigoureu- 
fement  attaquée,  fe  défendit  auiTi  avec  vigueur  pendant  long- 
temps. Mais  le  Gouverneur  prévoyant  que  bien-tôt  il  ne  pour- 
rait plus  tenir,  fit  une  fortie  la  nuit  qui  ne  réuflit  pas ,  parce  que 
les  afîiégeans  avoient  dans  la  ville  quelques  partifans  qui  les  aver- 
tiflbient  de  tout.  Ayant  donc  eu  avis  de  l'abfence  de  la  garnifon  a 
ils  battirent  la  place  avec  tant  de  fureur,  qu'elle  fut  emportée.  On 
y  fit  un  carnage  horrible ,  fans  épargner  ni  âge  ni  fexe  ;  plufieurs 

(  x )  Balb^n  l'appelle  Retz. 

(2)  Selon  le  compte  d'Albert  Krantx,.  C'étoit  feize  à  vingt  mille  homipes,  chaque  Lance 
Êyant  quatre  ou  cinq  Cavaliers.  Vënd»l.  Lib.  XI.  p.  z$i* 

des 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ztel  Jfl.    141 

des  citoyens  qui  s'étoient  retirez  dans  l'églife  3  y  furent  brûlez  \a1a 
avec  l'églife.  Sipfmond  &.  les  autres  Princes  apprenant  cette  per- 
ce ,  en  rejetterent  la  faute  fur  le  Pape  &  fur  les  autres  Princes  ec- 
cléfiaftiques,  à  qui  il  appartenoit  d'éteindre  un  incendie  allumé 
pardesEccléfiaftiques(i).  A  quoi  leur  fervent ,  difoient-ils ,  tant 
de  principauté^^  de  provinces  qu  ils  poffe dent  ?  Efi-ce  four  agrrandir 
leurs  neveux  ?  Tant  d'impôts  quon  leur  permet  de  lever ,  ne  font-ils 
deftintzjfuà  vivre  dans  le  luxe  &  dans  la  mole/fe,  &â  s'emraiffer  (  i  )/ 
L'armée  de  Bohême  ayant  fait  cette  expédition  ,  fe  retiroit  avec 
fon  butin  dans  fi  patrie ,  lorfqu'elle  fut  attaquée  par  un  corps  de    , 

»-  j     ut  T  •  -Mit  r  (a)  Krantti, 

troupes  de  Munie ,  qui  en  tuèrent  environ  trois  mille  hommes  (a),  ubi  fupr. 

XXX.  En  exécution  du  décret  du  Concile  de  Sienne  contre  les  Lettre  du  Pa- 
Hufîîtes ,  Martin  V.  écrivit  à  l'Empereur  3  aux  Princes  eccléilafti-  Pc  a  rBmp©- 
ques  ôc  féculiers  d'Allemagne^  au  Roi  de  Pologne  de  rafTembler  SSJEà  h 
leurs  troupes,  pour  tenter  une  nouvelle  expédition  en  Bohême,  guerre  con- 
Je  donnerai  le  précis  de  la  lettre  de  ce  Pape  à  Sigifmond ,  parce  trc  ks  Huf^ 
qu'elle  appartient  au  principal  fujet  de  cette  Hiftoire,  &  qu'elle  ' 
m'y  ramené,    r .  Martin  témoigne  à  Sigifmond  qu'il  avoit  eu  l'an- 
née précédente  une  extrême  joie  d'apprendre  que  le  roi  de  Polo- 
gne, le  duc  de  Lithuanie,  leroideDannemarck,  les  ducs  d'Au- 
triche &  de  Mifnie,  &  Jes  autres  princes  d'Allemagne  avoienc 
joint  leurs  forces  aux  fïennes ,  pour  extirper  les  hérétiques  de  Bo- 
hême ,  ou  pour  les  convertir  (3 ).   2.  Mais  il  ne  diiïïmule  pas  que  fa 
joie  s'étoit  convertie  en  une  douleur  très-amére,  en  apprenant 
que  tour  ce  beau  projet  s'en  étoit  allé  en  fumée  j  que  le  roi  de 
Pologne  netoit  point  venu  (4) }  queleroideDannemarckavoit 
retiré  fon  armée  (5);  que  l'ardeur  des  princes  d'Allemagne  s'é- 
toit ralentie  3  fans  avoir  égard  zuxfaintes  prédications  qu1 'on  leur 
faifoit  affiduëmenc ,  pour  les  animer  à  un  fi  pieux  delîein.   3 .  Il  re- 
préfente  à  Sigifmond,  que  c'eft  une  honte  à  toute  la  Chrétienté  , 
&  fur  tout  aux  princes  d'Allemagne ,  de  ne  pouvoir  ou  de  ne  vou- 
loir pas  extirper  une  héréfie  née  dans  leur  fein,&cela  dans  un 
petit  coin  du  monde.  4.  Il  fait  voir  à  l'Empereur  qu'il  y  va  de  fon 
intérêt  plus  que  de  celui  d'aucun  autre  Prince,  non  feulement 

(  1  )  Il  y  avoit  dans  l'armée  des  Taborites  beaucoup  de  prêtres  qui  les  animoient. 

(2)  Albert  Krantx.  approuve  fort  cette  réflexion.  Kr.wti.  ubi  fupr.  Mais  Cocblée  qui  d'ailr 
leurs.l'a  copie  n'a  pas  jugé  à  propos  de  l'inférer.  Cocblée  Lib.  V.  p.  z  i 3 . 

(l)  Pour  l'extirpation ,  je  le  crois  bien-,  mais  pour  la  converiion  ,  toutes  les  armées  du 
monde,  jointes enfemble,  n'en fçauroient faire  une  feule. 

(4)  On  a  vu  ailleurs  que  Sigifmond  &  Wladijlas  s'étoient  brouillez. 

{$)  n  arriva  alors  de  grands  troubles  en  Danaemarc  qui  obligèrent  Eric  Roi  de  Danncmarç 
à  retirer  fes  troupes. 

Tom.  J.  H  h 


HISTOIRE 

DE       LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE    DE     BASLE. 
LIVRE    XII. 


Affaires  é- 
trangéres. 
Italie.  Efpa- 
gae. 


igppgpj  'A  m  b  i  t  i  o  n  de  Philippe  Vifconti  duc  de  Milan  ; 
^BpSjj  inquiétoit  toujours  l'Italie,  lien  vouloir  fur  tout  aux 
Génois  .  dont  il  infeftoit  les  côtes.  Il  avoit  même  af- 

fil 

fiégé  Gènes  par  terre  6c  par  mer,  6c  cette  ville  au- 


roit  ete  abimée,fi  Thomas  Fulgofe  ion  Doge  n'eût  imploré  Tinter- 
ceffion  de  Martin  V.  pour  la  fauver.  Ce  Pape  y  envoya  Jaques  de 
i'J/le  Cardinal  de  St.  Eufiache  pour  traiter  de  la  paix  avec  le  Duc. 
JulgofenG&  fentant  pas  affez  fort  pour  défendre  plus  long-temps 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JTII.  145 
la  ville  Ôc  craignant  d'expofer  la  République  déjà  déchirée  par 
des  fa&ions ,  prie  le  parti  de  fe  recirer ,  porte  à  cela  par  les  confeils 
de  Tes  amis  U  du  Légat.  Il  envoya  donc  des  ambaffadeurs  dans 
le  camp  du  Duc  ,  6c lui  offrit  de  mettre  la  ville  en  fon  pouvoir,, 
fous  les  mêmes  conditions  que  le  Doge  Antoine  Aâorno  l'avoit  re- 
mife  au  Roi  de  France  en  1 3  9  0.  Ce  qui  fut  accepté  (a).  (a]  Bxmw. 

Le  Pape  ayant  pacifié  l'Italie ,  tourna  fes  foins  d'un  autre  côté.  J^iy/4"0 
Ilavoit  déjà  travaillé  les  années  précédentes  à  réunir  les  Grecs 
avec  l'E^lifé  Latine ,  &à  leur  procurer  du  fecours  contre  les  Turcs 
qui  avoient  pénétré  en  Europe  ,  £c  qui  avoient  déjà  même  affiégé 
Conftantinople.  Il  envoya  donc  en  France  le  Patriarche  deConf- 
tancinople  pour  engager  Henri  V.  Roi  d'Angleterre  à  faire  la 
paix  avec  le  Roi  de  France ,  afin  de  pouvoir  tourner  les  armes 
contre  les  Turcs.  Comme  les  Vénitiens  avoient  une  flotte  équi- 
pée fur  la  Mer  Adriatique ,  il  les  pria  de  l'envoyer  en  Thrace{i) , 
pour  faire  lever  le  liège  de  Conftantinople  ,  &  ordonna  en  même 
temps  aux  Chevaliers  de  Rhodes  de  fe  joindre  aux  Vénitiens  dans 
le  même  delîein.  Il  écrivit  auffi  au  Duc  de  Milan  3  alors  maître 
de  Gènes ,  pour  l'exhorter  àrappeller  tous  les  Génois  quiétoient 
dans  l'armée  Turque.  Après  avoir  pris  ces  mefures ,  il  en  donna 
avis  à  Emmanuel  Empereur  Grec ,  l'exhortant  en  même  temps  à  fe 
réunir  à  TEglife  Latine.  La  bulle  du  Pape  là-deffus  eft  écrite  de 
Rome  fans  da.ze.Raynaldus(b)  la  meta  1422.  Il  y  a  une  autre  bul-     (b)  Ann 
le  du  même  Pape  contre  les  Chrétiens ,  tant  Grecs  que  Latins  ,  54"- 
qui  s'étoient  mis  à  la  folde  du  Turc ,  qui  avoient  facilité  fon  en- 
trée en  Europe,  &  qui  même  s'étoient  joints  aux  infidellespour 
afïïéger  Conftantinople.  Cette  bulle  renouvelle  celles  de  Nicolas 
IV.  &  de  quelques  autres  Papes  contre  les  transfuges  3  &  les  dé. 
ferteurs  du  Chriftianifme.  L'Empereur  Emmanuel  mourut  cette 
année  avant  que  le  projet  d'union  pût  s'exécuter.  Il  y  avoit  eu  là- 
delîus  diverfes  conférences  entre  Antoine  M  a  (fan  Frère  Mineur , 
nonce  apoftolique  dans  cette  affaire,  &:  fon  collègue  qui  n'eft  pas 
nommé  d'une  part,  &  l'Empereur  Grccfic'jofefi  Patriarche  de 
Conftantinople  d'autre  part.  Elles  furent  renouvelléesavecj^» 
fils  &  fucceflèur  &  Emmanuel,  mais  fans  nul  effet,  parce  que  les. 
Grecs  ne  vouloient  point  qu'on  aflemblât  un  Concile  ailleurs  qu'à 
Conftantinople. 

Il  y  avoit  toujours  de  la  méfîntelligence  entre  Martin  V.U  le  Roi 
à'Arragon ,  parce  que  le  premier  favorifoit  Louis  d'An)ou  fon 

Ci)  C'eft  aujourd'hui  la  Remanie. 

H  h  iij 


nurn. 


i48  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
»  dre  des  Prédicateurs  (i),  de  permettre  de  prêcher  ainfî  publi- 
»  quement  contre  les  Juifs  de  l'un  6c  de  l'autre  fexe  3  quelque  part 
»  qu'ils  foient  dans  les  diocèfes ,  dans  les  villes ,  à  la  campagne  3  6c 
»  autres  lieux  :  &  cette  défenfe  regarde  généralement  tous  les  pré- 
»  dicateurSj  tant  Religieux  que  Séculiers,  de  quelque  état ,  grade , 
«ordre,  Religion  (i)  3  &  condition  qu'ils  foient.  Notre  intention 
»  étant  que  tout  Chrétien  ait  de  la  douceur  6c  de  l'humanité  pour 
»  les  Juifs ,  6c  qu'on  ne  leur  faffe  aucune  injuftice  3  ni  aucune  peine , 
»  dans  leurs  perfonnes ,  dans  leurs  biens  6c  dans  leurs  po/îeflions ,  & 
>■>  qu'il  leur  foit  permis  deconverfer  avec  les  Chrétiens ,  d'en  rece- 
»  voir  du  fecours ,  6c  de  leur  en  donner.  Et  nous  leur  accordons  par 
»  grâce  fpéciale  de  joiiir  de  tous  les  privilèges ,  de  toutes  les  gra- 
•.ces,  Ôcde  toutes  les  libertez  qui  leur  ont  déjà  été  données  par 
»>  quelque  autorité ,  6c  dans  quelque  forme  que  ce  foit ,  ou  qu'on 
»  pourra  leur  donner  à  l'avenir  ,  à  condition  pourtant  qu'ils  n'en- 

|a)  R^.ubi»treprendront  rien  contre  la  Religion  Chrétienne  (a).  La  bulle 

fupr.n.  \6.  eftaddrefleeà  tous  les  fidèles ,  Ôc  datée  de  Rome  du  20.  Février 
1422.  Raynaldus  rapporte  que  les  Juifs  ayant  abufé  de  ces  pri- 
vilèges ,  ils  leur  furent  ôtez  par  Eugène  IV.  fuccefîeur  de  Martin 
V.  C'efr,  à  peu  près  ce  qui  fepa (Ta  en  1422. 

Divers  Con-      y.  L'année  fuivante  fera  plus  féconde  en  évenemens  eccléflaf. 

dos  Prorm-  tjques  £n  exécution  de  l'ordre  du  Concile  de  Confiance  d'afTem- 

ciaux  en  Ai-        i  -\      \  ■   i  •      r      » 

Umagnc.      bler  dans  cinq  ans  un  Concile  a  Pavie,  Martin  V.  publia  fes  lettres 

de  convocation ,  &  y  envoya  par  avance  quelques  Prélats  (  3  )  pour 

préparer  les  chofes.  On  trouve  dans  l'un  des  Continuateurs  deBa- 

(b)  Rqn.   ronius  (b)  les  lettres  qu'il  écrivit  aux  archevêques  de  Trêves  Se  de 

an».  142 3.   Mayence  pour  les  y  inviter.  Ces  Prélats  aflemblerent  des  Conciles 

Provinciaux ,  pour  prendre  des  mefures  fur  ce  qu'il  y  avoit  à  faire 

au  Concile  général ,  &  pour  faire  quelques  réglemens  fur  la  difei- 

pline  eccléiïaftique.  Serrarius  fait  mention  du  Concile  de  Mayen- 

ce  de  cette  année  3  mais  je  n'en  ai  point  vu  les  actes ,  non  plus  que 

[c]  Rer.  Mo-  ceux  du  Concile  deTréves  (c).  On  a  les  ades  de  celui  de  Cologne. 

gitnuUbu  1.  j»y  trouve  une  particularité  qui  appartient  à  mon  fujet.  C'eft  que 

£04.  &  Libr.  Thierri  archevêque  de  Cologne  inftitua  une  fête  de  la  Comfa$hn 

v-  P-  73*-     de  lafainte  Vierge  3  pour  la  vanger  des  outrages  que  lui  faifoient  les 

Huflites  en  brûlant  6c  déchirant  [es  images ,  6c  afin  d'implorer  fou 

(1)  Ce  font  les  Dominicains  à  qui  appartcnoi't  Vlnqui/îtitn. 

(2)  Ici  Religion  lignifie  un  Ordre  Monafliqtte. 

(?)  C'ctoit  l'archevêque  de  Çretc ,  l'évcque  de  Spolette ,  l'abbe  de  Rofat  dans  le  diocéfc  d'A- 
quilée  Benedidtin ,  Léonard  Dato  General  des  Dominicains,  &  Cardinal  delà  crc'ation  de 
Mtrùn  V.  £ggs.  furp.  Docl.  Lib.  }H.  p.  ioj . 

jnterceiïioo 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.XlI.  149 

interceflion  pour  la  converfîon  de  ces  Hérétiques  (a).  En  ce  même  (a)  Labb.Cj». 
temps  la  Sorbonne  envoya  des  députez  à  Martin  V.  pour  le  follici-  "'• T'  xn- 
ter  à  la  convocation  du  Concile  de Pavie.  CePapeafïura  les  Do-  p' 
deurs  de  Paris  par  une  lettre  très-gracieufe,  qu'il  étoit  réfolu 
d'aile mbler  cette  année  un  Concile  gênerai ,  ou  à  Pavie ,  fuivant 
l'ordre  du  Concile  de  Confiance,  ou  ailleurs ,  s'il  y  avoit  quelque 
obftacle  à  l'aflembier  dans  ce  lieu  là. 

VI.  La  pelle  étant  fjrvenuëà/^i//>,il  fallut  penfer  à  un  autre  Concile  de 
lieu.  Le  duc  de  Milan  fit  offrir ,  pour  le  convoquer  _,  toutes  les  vil- Sicnac- 
les  de  fon  Etat ,  excepté  Brefce  &  Milan.  L'affaire  ayant  été  mife 
en  délibération ,  &c  même  agitée  avec  beaucoup  de  contention 
entre  le  peu  de  députez  qu'il  y  avoit  alors  des  nations ,  il  fut  réfo- 
lu de  laifler  le  choix  du  lieu  a  .  .mmifIairesduPape,quichoifï- 
rent  la  ville  de  Sienne  dans  la  ToJ 'ca ne.  Ce  choix  ayant  été  agréé 
par  le  Pape ,  on  alloit  commencer  le  Concile ,  lorfque  le,s  Floren- 
tins enviant  aux  Siennois  la  gloire  de  l'avoir  chez  eux,  députèrent 
au  Pape,  pour  lui  repréfenter  que  la  pefle  étoit  aufîi  à  Sienne , 
qu'on  y  manquoit  de  toutes  chofes ,  &  que  la  ville  étoit  trop  petice 
pour  tenir  tant  de  monde.  Mais  les  Siennois  ayant  difîipé  ces  om- 
brages, Martin  ordonna  de  commencer  les  féances,  &  promit  de 
fe  rendre  à  Sienne  au  mois  de  Septembre.  L'ouverture  s'en  fit  donc 
le  1 2  Août  dans  la  Cathédrale  de  Sienne.  Les  premiers  jours  s'é- 
tant  paflTez  en  prières  publiques,  on  fît  les  jours  fuivans  quelques 
réglemens.  Le  premier  concernoit  la  condamnation  des  Huf]îtesy 
des  Wiclefites ,  &  de  leurs  fe&ateurs.  Le  fécond  confirmoit  la  con- 
damnation de  Pierre  de  Lune  &  de  (es  fauteurs,  &  de  ceux  quipré- 
tendroient  lui  fucceder  dans  le  pontificat.  Le  troifîéme  regardoit 
la  réunion  des  Grecs  avec  l'Eglife  Latine.  Une  des  principales  vues 
de  ce  Concile  ,  à  ce  qu'on  publioit ,  étoit  la  réformation  de  l'Egli- 
fe. Mais  Martin  V.  prenant  pour  prétexte  la  defunion  qui  s'étoit 
glifîée  dans  le  Concile ,  jugea  plus  à  propos  de  renvoyer  cette  im- 
portante affaire  au  Siège  apoffolique,  &  nomma  pour  cet  effet 
trois  Cardinaux  (1  ) ,  comme  cela  paroît  par  fa  bulle  datée  du  1  2. 
Mars  1424. 

VII.  Il  y  avoit  déjà  plufîeurs  mois  que  le  Concile  étoit  affem-   lc  condic 
blé,  fans  qu'on  eût  pu  faire  d'autres  réglemens  que  ceux  qu'on  fcféparc. 
vient  de  marquer  à  caufes  des  grande  brouilleries  qui  y  furvin, 
rent.  Les  uns  alléguoient  la  crainte  de  la  contagion ,  les  autres 

f_ij  Antoine  CardinaîEvêque  de  Porto  ,  Pierre  Cardinal  prêtre  du  titre  de  St.  Etiettftt ,  Ai' 
fbonje  de  St.  Euftacbe  Cardinal  diacre.  Labb.  Cgncïl»  Tara.  XII.  ubi  fupr. 

Tom.  I.  I  i 


150       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

l'abfence  du  Pape,  6c  l'incertitude  où  on  étoit  qu'il  y  vînt.  Les 
autres  difoienc  que  la  guerre  (i)  allumée  aux  environs,  troubloic 
latranquilité  &  la  liberté  du  Concile.  D'autres  eftimoient  qu'il 
n'y  avoir  pas  encore  allez  de  Prélats  &  d'Ambafïadeurs  de  diver- 
fes  nations,  par  rapport  à  l'importance  des  affaires.  Toutes  ces 
conteftations  firent  que  la  plupart  des  membres  du  Concile  le  re- 
tirèrent les  uns  après  les  autres.  De  forte  que  malgré  les  inftances 
de  l'archevêque  de  Cologne  6c  des  députez  de  Sienne ,  qui  allè- 
rent conjurer  Martin  devenir  au  Concile ,  il  aima  mieux  fouffrir 
qu'il  fe  féparât,  que  d'expofer  fon  autorité  en  y  allant.  Il  avoir  en 
effet  deux  grandes  raifons  de  ne  pas  fe  trouver  à  cette  alïemblee. 
La  première,  c'eft  qu'on  y  avoit  mis  en  délibération  d'exécuter 
le  décret  du  Concile  de  Confiance,  fur  la  fuperiorité  d'un  Con- 
cile œcuménique  par-deflus  le  Pape.  La  féconde,  c'eft  qu'Alpbon- 
fe  roi  d'Arragon ,  irrité  de  ce  que  Martin  avoit  adjugé  le  royaume 
de  Naples  auquel  il  prétendoit,  comme  on  l'a  vil,  i  Louis  d'An- 
jou ,  foutenoit  ouvertement  Pierre  de  Lune  au  Concile  par  ks  Am- 
bailadeurs.  Par  toutes  ces  raifons  Martin  V.  envoya  Dominique  de 
Capranica  fon  fecretaire  (2)  pour  porter  la  bulle  qui  congédioic  le 
Concile ,  de  en  même  temps  indire  un  autre  Concile  œcuménique 
dans  fept  ans.  Cependant  comme  les  Siennois  trouvoient  leur 
compte  à  la  continuation  du  Concile ,  ils  follicitoient  fortement , 
6c  même  avec  violence,  les  Commiflaires  du  Pape  à  ne  le  point 

(a)  -Rapt,    difToudre.  Ce  qui  leur  attira  une  forte  réprimande  du  Pape  (a). 
n.'n.14*3'    -De  f°rte  °lue  Ie  Concile  fe  fépara  le  2  6  Février  1414. 

Sermons         VIII.   S'il  ne  le  fit  pas  beaucoup  d'affaires  au  Concile  de  Sien- 
Conc-Pd"11  ne  »  ^  sy  ^c  au  m°insplufieurs  fermons  fur  la  néceflité  de  la  réfor- 
Siennc.  Pre-  mation  de  l'Eglife.  Il  s'en  eft  trouvé  un  bon-nombre  parmi  les  pre- 
mier Ser.     deux  manuferits  du  Concile  de  Bafle.  Je  donnerai  l'extrait  de 
deux  feulement,  parce  que  cela  peut  fervir  à  connoître  les  cho- 
fçs  6c  le  caractère  des  gens.   Le  premier  avoit  pour  texte  ces  paro- 

(b)  Chip     ]es  de  fajnc  luc  (jyv .  ji  y  aura  £es  fanes  ^an5  ie  r0ieii\  Après  un 

XXI.  verf.  ,  .,  ini'i-  P     r  -'i 

^.  préambule  modeire  du  prédicateur  fur  Ion  incapacité  devant  une 

il  redoutable  afîemblée ,  il  déclara  d'abord  que  le  Concile  de  Sien- 
ne a  été  afîemblé  pour  luppléer  à  ce  que  le  Concile  de  Confiance 
n'avoir  pas  achevé  par  rapport  à  la  réformation.  //  s'agit  donc , 
dit- il ,  de  la  réformation  de  l'Eglife  univerfelle  3&de  la  notre  propre  3 

(  1  )  Voyez  l'hift.  de  cette  guerredans  I'hift.  Florentine  de  Pogge  fur  l'an  1 42  \ . 
(2)  Le  Pape Àuim»  V.  l'a  y  oit  fait  Cardinal/»  pttt.  Voyez  la  vie  de  ce  Cardinal  dans  le 
JPe^rgiaua.  Part.  I  p.  6$.  6Z. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  XII.  251 

farce  que  nous  Comme  s  devenus  en  fpeclacle  au  monde ,  aux  Anges , 
&  aux  hommes.  Enfuite  encrant  en  matière  _,  il  établit  trois  fortes 
defoleils.  Un  foleil  créé,  qui  eft  le  foleil  proprement  ainfi  nom- 
mé ,  fur  lequel  il  ne  s'arrête  pas  :  un  foleil  incréé ,  qui  eft  J.  C.  fur 
lequel  il  débite  des  fpéculations  fort  creufes  &  quelquefois  bien  ri- 
ilbles  3  comme  on  le  peut  voir  au  bas  de  la  page  (  1  ).  Enfin  le  3  e  fo- 
leil ,  c'eftle  foleil  élu 3  par  lequel  il  entend  l'Eglife  militante.  Les 
lignes  de  ce  foleil  font  autant  de  taches.  Et  comme  il  vaut  mieux \ 
dit- il  ,fouffrirpour  la  vérité  3  que  d'obtenir  un  bénéfice  par  l'adulation, 
je  découvrirai ,  autant  que  le  temps  me  le  permettra ,  toutes  les  taches  de 
ce  foleil.  En  effet ,  tout  fon  difeours  eft  une  invedive  contre  les  Ec 
clefiaftiques ,  depuis  le  plus  grand  jufqu'au  plus  petit.  Mais  quel- 
quefois fa  cenfure  eft  plus  propre  à  faire  rire ,  qu'à  mortifier  &c 
à  corriger.  Ils  ont  décliné  3  dit-il ,  de  lajuftice  dans  tous  les  cas  de  la 
déclinaifon.  Dans  le  nominatif ,  de  la  chafteté  ;  dans  le  génitif ,  par  la 
luxure  <&  par  les pechez^de  la  chair  ;  dans  le  datif,  par  la  malignité  ; 
dans  l'aceufatif,  par  l'envie  &  la  mordacité  i  dans  l'ablatif,  par  la 
fïmonie  &  par  la  luxure.  Il  attribué  la  ruine  de  l'Eglife  à  ces  excès 
des  Eccléfiaftiques.  Cejl ,  dit -il ,  la  pompe  &  le  luxe  des  Prélats,  qui 
excitent  la  jaloujie  des  laïques  contre  eux ,  qui  les  portent  à  enlever  les 
biens  de  l'Eglife ,  &  qui  multiplient  les  fchifnes  &  les  hérefîes.  Car > 
continuë-t  il  3  cette  pe/le  reffemble  a.  ce  démon  fourd  &  muet,  qui  ne 
pouvait  être  chaffé  que  par  le  jeune  &  par  l'oraifon.  C'eft  pourquoi 
il  exhorte  pathétiquement  à  célébrer  des  jeûnes  &c  des  procef- 
fîons,  non  feulement  en  Italie,  mais  dans  tous  les  païs  Catholi- 
ques, pour  attirer  la  bénédiction  de  Dieu  fur  les  bonnes  inten- 
tions du  Concile  pour  la  réformation  de  l'Eglife.  Puis  revenant 
à  fa  comparaifon  du  foleil 3  il  dit  que  celui  de  l'Eglife  militante 
avoit  fou  ffer  tu  ne  grande  éclipfe  pendant  un  long  fcliifme3  mais 
qu'il  avoit  reparu  au  Concile  de  Confiance ,  par  la  dépofition  de 
Jean  JfJflII.  &  l'ile&ion  d'un  Pape  légitime,  &  qu'il  falloir, 
qu'il  fe  montrât  avec  un  éclat  tout  nouveau  ,  par  la  réformation 
des  mœurs.  Pour  en  exprimer  la  nécefïité,  il  fait  ce  tableau  des 
Eccléfiaftiques.  On  voit  3  dit-il,  à  prefent  des  Prêtres  ufuriers  3Ca- 
baretiers  3  Marchands  ,  Châtelains 3  ou  Gouverneurs  de  châteaux, No- 

(i)Outt quittent  incarnat  ijne omniutn  a*tium  liber alium  cenfuras  ,  £>  omnium  entium  naturau 
toutavh  ;  nam  contra  cenfuram  artis  Grammatict  fecit  eo  quoi  verbum  illud  per  quoi  JaEla  funt 
amnia  ,  ^jine  quo  failum  eft  nibil  fupponitur  ,  *$  regitur  cum  tamenjù  Subflantivum  ,  occultatur3 
î£tegitur  cumjit  lniicativtm  ,  Çubpinptur  ,  tfvincitur,  cumjit  Imper athum  ,  vilificatur  ,$  à 
Juiœis  fpertiitur  ,  cumtam°njitOptativum,  iilatatur ,  $  in  cruce  extenditur  cumjit  conjutifii* 
vu  m ,  termineur,  î$ ittfepuhbrg  clauiitur,  cum  tamenjù  infinitivum. 

Ji  ij 


*5*         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

taires ,  Oeconomes  (  i  ) ,  joueurs  de  dez^,  maquereaux  (  lenones  ).  Enuii 
mot  pour  exercer  toutes  fortes  de  métiers ,  il  ne  leur  manque  que  celui 
de  bourreau  (2).  Ce  qu'il  ajoute  eft  confiderable.  »  C'eft  là  la  caufe 
*>  de  la  deftru&ion  de  toute  l'Eglife  6c  de  tout  le  Clergé,  parce  que 
»  tel  qu'eft  le  prêtre ,  tel  eft  le  peuple.  On  voit  des  Officiers  laïques 
«exercer  des  concufîions  fur  des  prêtres.  On  traîne  des  prêtres 
«en  prifon  pour  dettes,  quelques-uns  pour  crimes  font  dépouil- 
liez toutnuds,  &  traînez  dans  les  rues  les  mains  liées  derrière 
»le  dos.  Dans  cet  état  on  les  fouette  avec  des  balais,  pendant 
»  qu'un  valet  de  ville  crie  tout  haut  :  Ce  prêtre  a  été  condamné  a» 
»  fouet  pour  un  tel  crime».  Ceci  iuffit  pour  donner  une  idée  du  pre- 
mier ferm  on. 
SecondSer-      IX.   Il  paroît  par  le  fécond  fermon,  que  le  Concile  commen- 

raon'  çoit  déjà  à  s'écouler  quand  il  fut  prononcé  ,  &  qu'on  defefperoit 

delà  venue  de  Martin.  Il  femble  même  par  le  foin  que  prend  le 
prédicateur  d'établir  l'autorité  légitime  de  ce  Pape,  qu'elle  fût 
ébranlée  par  les  adverfaires  fecrecs  que  lui  fufcitoitle  Ri  d'Ar- 
ragon.  Cet  orateur  n'épargne  pas  plus  ies  Ecclefîaftiques  que  l'au- 
tre, &  fur  tout  les  Prélats.  11  ies  traite  nettement  d'Epicuriens, 
&  il  difoit  même  qu'ils  enchériiîoicnr  furEpicure  (•$}.  Combien  y  a- 
t-il  aujourd'hui  d'Eve  que  s  &  de  Prélats  voluptueux  ,  dit -il  ,  qui 
l'e?nportent  fur  Epicure.  Car  au  lieu  que  celui-ci  ri *  avait ,  félon  faint 
Jérôme ,  que  des  pommes  &  des  herbes  fur  fa  table ,  ils  ont  fur  la. 
leur  du  gibier ,  des  lièvres ,  des  grives ,  des  poulardes  ,  des  chapons , 
1y*  tout  cela  efi  arrofé  de  bon  vin  (4)  fervi  dans  des  vafes  d'or  &  d'ar- 
gent ,  enrichis  de  nacre  de  perles.  Quand  chacun  en  a  bu  quatre  0% 
cinq  gobelets  ,  on  fe  met  d  difputerfur  l'autorité  du  Pape  &  du  Concile. 
Chaque  argument  ejl  fuïvi  d'une  rafade  de  vin  ,  &  plus  on  a  bu  ,  mieux 
•    en  difpute ,  félon  ce  proverbe  :  Dum  bibo   vinum,  loquitur  me  a 

;  lingua  Zativ.um.   Le  prédicateur  raconte  à  cette  occafion  une  fort 

plaifante  vifion  defainte  Brigitte.  Un  jour ,  dit-il ,  que  cette  Sainte 
étoit  en  prière  dans  l'Eglife  de  faint  Pierre  a  Rome ,  elle  vit  cette 
Eglife  toute  pleine  de  porcs ,  dont  chacun  avoitune  mitre  fur  la  tête. 
Alors  elle  demanda  a.  Dieu  qui  êtoient  ces  cochons  mitrez^  Ce  font , 
répondit  Dieu ,  les  Eveques ,  les  Prélats ,  $•  les  Abbez^  d'aujour- 
d'hui. Sainte  Catherine  de  Sienne  eft  autîi  introduite  faifant  les 

(1)  Menfarum  Trocur Mores. 
(1]  Ilauroit  mieux  fait  de  dire  que  des  prêtres  d'un  tel  caradere  font  les  bourreaux  des  âmes. 
(5  ;  Il  donne  une  ctymologie  ridicule  au  mot  Epiaire,  le  faifant  venir  du  mot  grec  iiri  qui  ù- 
gnifie  M-deffttsi&  x°^P°i  qu>  fignifie/wrc,  parce  qu  Epicure  l'emportoit  fur  les  porcs  en  volupté» 
(4)  hiter  h<tc  vim  )nifmitur  vwis ,  concha  argenu A  vino  ^hnxfmcedunt  fapbis  deauratis* 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zlv.  Jtril.   253 

mêmes  plaintes.  Cette  Sainte ,  dit  l'orateur,  entendit  un  jour  notre 
Seigneur  Jefus-Chri/ï  lui  parlant  en  ces  termes.  Mêlas!  ma  très- chère 
fille  ,  que  dirai- je  des  -prêtres  dLaujourXhui  \  Ces  biens  d' Eglife  que  f  ai 
acquis  avec  tant  de  douleur  fur  la  Croix ,  ils  les  employentà  entretenir 
des  femmes  publiques  &  leurs  bâtards.  Enfuite  le  Prédicateur  faic 
une  énumération  de  tous  les  Ordres  Eccléfiaftiques,  tant  Régu- 
liers que  Séculiers ,  depuis  le  plus  petit  jufqu'au  plus  grand ,  fans 
épargner  même  le  Pape,  qu'il  appelle  Apojlolicus  >  ôc  il  trouve 
que  parmi  tout  cela ,  il  n'y  en  pas  un  qui  fafle  bien. 

Après  s'être  beaucoup  étendu  fur  l'orgueil  &:  l'ambition  des 
Eccléfiaftiques,  qui  briguent  les  dignitez  de  l'Eglife par  vanité, 
au  lieu  de  s'en  défendre  modeftement,  il  répond  à  une  objection 
tirée  de  ce  que  St.  Paul  dit ,  que ,  qui  dèfire  d'être  Evèque  ,  dèfire 
une  bonne  œuvre.  Oui,  dit-il,  mais  St.  Paul  n'a  pas  dit,  que,  qui 
dèfire  d'être  Evèque  dèfire  d'amples  poffejjions  ,  de  beaux  chevaux ,  des 
mulets  bien  gras  ,  de  belles  robes  à  longues  queues  3  comme  celles  des 
femmes  ,  qui  balayeroient  le  pavé  fi  de  beaux  jeunes  hommes  bien, 
frifez^ne  portaient  la  queue  des  Prélats ,  qui  alors  volent  plutôt  qu'ilsr 
ne  marchent  fur  la  terre.  Il  préfère  avec  raifon  les  Saintes  Ecri- 
tures ,  &c  les  ouvrages  des  Sts.  Do&eurs  à  ceux  de  tous  les  Philo- 
fophes  du  Paganifme,  &  il  attribue  même  à  la  ledure  de  ces 
derniers  la  nailîance  de  la  plupart  des  héréfics.»  J'en  parle  ,  dit- 
»  il ,  par  expérience  ;  il  y  auroit  beaucoup  moins  d'héréfîes  il 
«l'on  n'avoit  pas  porté  la  philofophic  profane  dans  les  écoles  6c 
»  dans  les  Eglifes.  Voyez  ce  puiilant  Royaume  de  Bohême  &  de 
«Moravie  ,  il  ne  feroit  jamais  tombé  dans  l'héréfie  11  on  n'y 
»  avoit  pas  porté  les  livres  de  Plato  n  Ôc  & Ariflote  (  1  ).  Il  y  a  ,  conti- 
»  nuu-t-il  j  plusieurs  héréfîes  fecrettes ,  fur  tout  en  Italie  T  qui  font 
»  forties  de  cette  fource ,  comme  les  Défîmes  (  2  )  (  Deffcini  )  qui  at- 
tribuent tout  à  la  néceflîté  -y  les  Généalogues  (3),  qui  donnent 
»le  gouvernement  du  monde  aux  aftres  j  les  Fataux  (Fatales  ) 
»  qui  attribuent  tout  au  De/lin  ,  ôc  à  la  Fortune  -,  les  Fratricelles , 
»  dits  de  l'opinion  3  qui  nient  qu'il  y  ait  un  vrai  Pape  ,  les  Simonia- 
»ques  qui  vendent  &  achètent  les  bénéfices  &lesfacremens.»  Il 
s'étend  beaucoup  fur  cette  forte  d'hérélielaplus  générale  &  la 
plus  publique.   Il  ne  fait  pas  même  difficulté  de  regarder  le  maf- 
iàcre  de  tant  de  prêtres  en  Bohême  comme  la  punition  de  ce  cri» 

(1)  Il  veut  apparemmentparler  des  Livres  de  Wickf,  e'erits  félon  la  méthode  d'Ariflâtt* 
(z)  11  veut  apparemment  dire  les  FreJejlithïteurs. 
(j  )  Peut-être  les  J^rologues, 

îi  iij 


254        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
me.  Depuis  trois  ans ,  dit-il ,,  les  Hufjîtes  ont  fait  périr  en  Bohème 
plus  de  i  5000.  Prêtres ,  ou  Religieux  par  divers  tourmens.   Les  uns 
ont  été  embrochez,  comme  des  poulies }  &  grillez^  fur  des  charbons  :  on 
a  fait  avaler  aux  autres  du  plomb  fondu.  Quelques-uns  ont  été  tirez^ 
à  quatre  chevaux  ,  d 'autres  ont  été  lapidez^,  &  d'autres  noyez^  On 
peut  remarquer  ici  en  paflànt  que  ce  prédicateur  ne  mec  pas  au 
rang  des  martyrs  ,  ces  Eccléfîaftiques  mafîacrez  en  Bohême  > 
comme  ont  fait  jEneas  Sylvius  ,  Cochlée  ^Balbin,  &c.  puifqu'iien 
fait  des  victimes  de  la  Juftice  divine  contre  la  fimonie. 
Mort  de       X.  Les  Hiftoriens  Efpagnols  (a)  mettent  à  l'an  1413.  la  more 
Tient  de  Lu-  jg  picrre  fa  £une  j  0u  'Benoit  JCI 1 1 .  quoique  plufieurs  (i)  laren- 
"(i)  Surita,  voyent  à  l'an  1424.  le  jour  de  la  Pentecôte,  comme  on  a  fait 
Mwiatia.      dans  l'hiftoire  du  Concile  de  Confiance,  en  fuivant  ces  derniers. 
(b)R*y«.    Mais  comme  l'a  fort  bien  remarqué  l'un  des  Continuateurs^ 
'viiux*    ^e  ^aronius  )  il  fauc  cîue  cette  mort  foit arrivée  en  1423.  6c  pen- 
dant le  Concile  de  Sienne.  C'efr,  ce  qui  paroît  manireftementpar 
une  Lettre  que  Martin  écrivit  au  Roi  d'Arragon  fur  cette  mort 
en  ces  termes. «Nous  avons  appris  la  mortde/Vm^^Z^^par 
«diverfes  lettres  ,  6c  par  plufieurs  couriers.  Quoiqu'il  eût  vécu 
»  dans  la  défobeïilance ,  il  ne  laifloit  pas  de  caufèr  encore  du  trou- 
ble 6c  du  fcandale  dans  l'Eglifè,  à  caufè  de  je  ne  fçai  quelle 
»  ombre  de  dignité  qu'on  vouloit  lui  conferver.  Mais  comme 
«tout  cela  doit  avoir  ceffé  par  fa  mort,  nous  prions  votre  Excel. 
»'  lence  avec  une  tendreffe  paternelle  de  mettre  la  dernière  main  à 
»  l'ouvrage  de  l'union  que  vous  6c  votre  père  avez  fi  heureufemenc 
»> commencée,  en  employant  votre  autorité  Royale  à  détruire 
«cette  idole  forgée  en  dérilion  du  Chriftianifme ,  6c  à  éteindre 

„  toutes  les  (emences  ^  6c  tous  les  reftes  du  fchifme Au  refte  , 

„  comme  pour  de  bonnes  raifons  nous  avons  tranferé  le  Concile 
„  de  Pavic  à  Sienne,  de  l'approbation  du  Concile  même,  nous 
3,  prions  votre  Excellence  de  faire  enforte  que  les  Prélats  de 
j,  votre  Royaume  y  viennent ,  pour  travailler  avec  les  autres  à  la 
»réformation  de  l'Etat  Eccléfiaftique,  &  à  la  confervation  des 
je]  Rapt.  »  libertez  de  l'Eglifè  (c).  La  Lettre  n'eft  point  datée.  Mais  puif- 
ybjfupr.  que  le  Concile  de  Sienne  fe  fépara  au  mois  de  Février  de  1424. 
il  eft  bien  clair  que  Martin  ne  pût  écrire  à  Alphonfe^nhs  la  Pen- 
tecôte de  cette  même  année  pour  l'inviter  à  ce  Concile ,  puifqu'ii 
y  avoit  près  de  trois  mois  qu'il  étoit  difïous.  Il  faut  même  que  1$ 
lettre  du  Pape  à  Alphonfe  ait  été  écrite  dès  le  commencement 

(1)  Btovius ,  &  prefquctous  les  Hiftoriens. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  XII.  155 
du  Concile,  c'eft-à-direen  i42  3.puifqu'en  1424.  dès  le  mois  de 
Janvier  on  penfoit  à  diffoudre  le  Concile,  à  caufe  des  traverfes 
qu*  Alphonfe  y  fufcitoit ,  comme  Martin  lui  même  s'en  plaint  amè- 
rement à  ce  Prince. 

Quelques  Hiftoriens  rapportent  que  Pierre  de  Lune  fut  empoi- 
fonné  dans  des  confitures  qu'il  aimoit  beaucoup ,  par  un  certain 
moine  nommé  Thomas ,  gagne  par  Alamanâ  Adimar  Cardinal  de 
Pife,  que  Martin  avoir  envoyé  en  Efpagne  pour  réduire  cet  Anti- 
Pape.  On  ajoute  même  que  l'empoifonneur  confefîa  fon  cri- 
me ,  &  fut  écartelé  ,  &  que  le  Cardinal  qui  étoit  à  Tortofc  fe  fau- 
va  promptement  en  Italie  pour  éviter  la  colère  de  Rodrigue  èc 
d'A/vare  de  Lune  qui  vouloient  vanger  la  mort  de  leur  parent 
(a).  D'autres  Auteurs  fe  font  infcritsenfaux  contre  ces  faits,  di-  [a]M«r;*«, 
fant  que  l'âge  de  quatre-vingts-dix  ans  qu'avoit  Pierre  de  Lune 
quand  il  mourut  étoit  un  allez  bon  poifon  pour  l'emporter.  Qu'il 
ait  étéempoifonné,ounon,  c'eftune  controverfede  fait  queie 
laifleaux  Hiftoriens.  Mais  pour  le  Cardinal  de  Pife ,  il  femble 
qu'on  peut  fort  bien  juftifier  fon  innocence,  car  s'il  mourut  en 
1422.  comme  on  en  convient  unanimement ,  il  eft  impoiîible  qu'il  (b)  B™v- 
ait  fait  empoifonner  Pierre  de  Lune  en  1424.  iTxx424' 

X  I.  Quoi  qu'il  en  foit ,  Alphonfe  n'eut  aucun  égard  aux  prières     c/«»«" 
de  Martin  V.  Pierre  de  Lune  n'eut  pas  plutôt  ks  yeux  fermez    VJ^ihcct 
qu'il  fit  élire  Pape  un  certain  Gilles  Munox ,  Chanoine  de  Barce-  de  à  Semît 
lone,  qui  n'accepta  cette  dignité  qu'aux  inftantes  follicitations  XllL 
du  Roi  d'Arragon.  Ce  prétendu  Pape  fut  couronné  à  Panifcola  y 
où  il  fit  toutes  les  fondions  de  Pape,ious  le  nom  de  Clément  F  J II. 
Cependant  ceux  de  Valence  indignez  d'une  élection  qui  alloic 
continuer  le  fchifme ,  réfolurent  d'aflîéger  Clément  VIII.  dans 
fa  forterefïe  de  Panifcola.   C'eft  ce  qui  paroît  par  la  lettre  que 
Martin  V.  leur  écrivit  pour  leur  applaudir,  &  pour  les  encoura- 
ger à  cette  entreprife.  Mais  Alphonfe  ks  empêcha  d'en  venir  à 
bout ,  &:  foutint  fon  Pape  jufqu'à  ce  qu'il  fe  fut  reconcilié  avec 
Martin  ,  comme  on  le  verra  dans  la  fuite. 

X  1 1.  On  a  donné  dans  l'Hiftoire  des  Conciles  de  Pife  &  de     Hiftoh-e 
Confiance  le  caractère  de  Pierre  de  Lune,  &  l'hiftoire  abrégée  de  abrcgé  dc 
ies  négociations  étant  Cardinal ,  &  de  toute  fa  conduite  pendant  JT'.-  L"' 
Ion  Pontificat  qui  dura  environ  30.  ans.   Mais  il  ajoueunaflez 
grand  rôle  dans  le  monde ,  pour  entrer  dans  un  plusgrand  détail 
iur  fa  perfonne ,  avant  qu'il  fût  Cardinal  &  Pape.  Pierre  de  Lune 
ctoit  Arragonois ,  iilii  de  l'illuftre  maifon  de  Lune.  Son  père  eroïc 


256  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
un  Grand  d'Efpagne,  nommé  Jean ]  Martine  z^de  Lune.  On  donne 
de  grands  éloges  à  fa  mère  nommée  Marie  Pere-z^  de  Gothor ,  non 
feulement  par  rapport  à  la  nobleflé  de  fon  fang  ,  mais  auili  par 
rapport  à  fa  beauté  ôc  à  fa  vertu.  Pierre  de  Lune  eut  pour  parain 
Pierre  Roi  d1 .Arragon ,  qui  lui  donna  fon  nom.  Il  fie  bien-tot  de 
grands  progrès  dans  lesfeiences,  fur  tout  dans  la  jurifprudence. 
Son  premier  grade  eccléfiaftique  fut  celui  de  Chanoine  de  la 
Cathédrale  de  Cuenca  en  Cafliile.  Il  fut  enfuite  Archidiacre  de 
Saragoffe  Capitale  du  Royaume  d'Arragon,  puis  Prévôt  de  l'Egli- 
fe  de  Valence  Capitale  du  Royaume  de  ce  nom.  Après  s'être  ac- 
quité  de  ces  dignitez  avec  un  applaudiflement  général ,  par  rap- 
port à  la  feience ,  &  aux  mœurs  3  il  fut  recommandé  par  les  Rois 
&c  les  Grands  d'Efpagne  à  Grégoire  JiTI.  qui  en  i  3  7  5 .  le  créa  Car- 
dinal Diacre  du  titre  de  Ste.  Marie  in  Cojmedin.  On  dit  que  ce 
Pape  en  lui  conférant  cette  dignité  lui  parla  en  ces  termes  :  Prenez^ 
garde ,  Pierre ,  que  votre  Lune  qui  brille  aujourd'hui  avec  tant  d'é- 
clat ne fouffre aujourd'hui  quelque  cclipfe.  Notre  Cardinal  accom- 
pagna Grégoire  lorfqu'il  retourna  à  Rome.  Ce  Pape  lui  commit  de 
à  quelques  autres  Cardinaux  l'examen  des  révélations  de  Ste.  Bri- 
gitte. Etant  à  Rome  3  il  fit  bâtir  un  Palais  près  de  PEglife  de  St. 
Apollinaire ,  où  eft  aujourd'hui  le  Collège  des  Allemands  &  des 
Hongrois.  L'Auteur  Allemand  dont  je  tire  ce  fait,  dit  qu'il  a  étu- 
dié lui-même  dans  ce  Collège  ,  ôc  qu'il  y  a  vu  plusieurs  marbres  où 
étoient  repréfentez  des  croifîans  qui  étoient  les  armes  de  Pierre 
de  Lune.  On  a  vu  le  refte  de  fa  vie  dans  les  hiftoires  marquées  cj- 
deffus.  Son  corps  fut  transféré  de  Panifcola  à  Iliuefca  viiie  qui 
appartenoit  à  Jean  de  Lune  fon  neveu.  Pierre  de  Lune  compofa 
quelques  ouvrages,  comme  de  la  Puiflance  du  Pape,  de  l'auto- 
rité des  Conciles,  des  Commentaires  fur  les  Décrets ,  diverfes 
Lettres.  On  loue  furtout  beaucoup  un  ouvrage  Efpagnol }  qu'il 
(a)  Georg.  jo-  intitula  Confolationsdelavie  humaine  (a). 

pph  Ec2Zs-  Au  commencement  de  1424.  le  Concile  de  Sienne  avant  que 
Lib.  11.  p.  de  fe  lepareravoit  rulmine  contre  ceux  qui  entreprendroient  de 
44,;.  445>.  foutenir  encore  Pierre  de  Lune  après  fa  mort  3  &  contre  quiconque 
voudroitluifucceder,  6c  cet  anathême  fut  confirmé  par  Martin. 
L'Anti-Papefuccefïeur  de  Pierre  de  Lune  qui  n'avoir  accepté  le 
Pontificat  que  malgré  lui ,  eut  bien  voulu  fe  mettre  à  couvert  des 
foudres  du  Concile  de  Sienne  &  du  Vatican  ,  en  abdiquant  une 
dignité,  qu'il  ne  regardoit  que  comme  une  chimère  dans  fa  per- 
sonne. Mais  le  Roi  d'Arragon  toujours  irrité  contre  Martin .,  re-, 

Jeva 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  J?IIt   257 

leva  le  courage  à  l'Anti-Pape  ,  &  le  maintinc  dans  un  fchifme  qu'il 
croie  bien  aile  d'entretenir  ,  pour  donner  de  l'exercice  au  vrai    *, 
Pape. 

XIII.  On  rapporte  à  cette  année  une  Conftitution  de  Martin  Conftitutbo 
V.  pour  régler  l'état  &  les  mœurs  des  Cardinaux.  Ce  Pape  or-  àc  Martin  y. 
donnoit  dans  cette  Conftitution  »  que  les  Cardinaux  fuflent  en  Ee'dcT 
«exemple  aux  autres  parla  pureté  de  leurs  mœurs-  qu'ils  s'abftinf-  Cardinaux. 
»  fenc  non  feulement  du  mal ,  mais  auiïi  de  l'apparence  du  mal , 
»  menaçant  que  fî  quelqu'un  d'eux  ne  conformoit  pas  Tes  mœurs 
»àfon  état,  il  en  feroit  un  exemple.  Il  leur  enjoignoit  fur  tout 
»  l'humilité  dans  toutes  leurs  démarches ,  6c  d'en  ufer  avec  dou- 
»  ceur  &  honnêteté  avec  les  Prélats ,  chacun  félon  fon  état  (  1  ) , 
»de  bien  gouverner  leur  famille  >  ou  leurs  domeftiques,  tant 
»  Clers  que  Laïques ,  dont  les  mœurs  dévoient  être  bien  réglées 
»  Se  les  habits  décens  -,  d'avoir  toujours  avec  eux  des  Prêtres  &  des 
»  Lévites  qui  puilent  leur  rendre  bon  témoignage  (1).  Il  ne  vou- 
loir point  qu'ils  fe  miffent  fous  la  protedion  des  Rois,  des  Prin- 
»ces,  des  Comtes,  6c  autres  perfonnes  Séculières ,  afin  de  pou- 
»  voir  donner  plus  librement  leurs  avis  à  fa  Sainteté  ,  ni  qu'ils  re- 
»çuflent  de  l'argent  de  qui  que  ce  fût  pour  obtenir  leur  protec- 
»  tion ,  quand  même  on  l'offriroit  volontairement.  Ils  ne  dévoient 
»  préfenter  au  Pape  aucune  frpplique  fi  ce  n'eft  pour  les  pauvres  , 
»  pour  leurs  propres  perfonnes ,  pour  leurs  Domeftiques ,  parens 
»  ou  alliez.  Quand  ils  alloient  au  Palais ,  ou  quand  ils  fe  rendoient 
»  vifîte ,  ou  à  d'autres  ,  ils  ne  dévoient  pas  mener  avec  eux  plus  de 
»  vingt  cavaliers ,  tant  eccléfiaftiques  que  laïques.  Ils  ne  dévoient 
»  point  porter  la  chappe ,  ni  la  robe  de  pourpre  en  préfence  du  Pa- 
»  pe.  Ils  dévoient  procurer  la  réparation  des  Eglifes  de  leurs  titres 
:»  autant  qu'ils  le  pourroient,  &  y  «faire  célébrer ,  ôemêmeaug- 
«menterle  Service  divin ,  par  des  Religieux  dévots,  ou  d'hon- 
»nêces  Eccléfiaftiques,  afin  que  les  Lieux  Saints,  où  ces  Cardi- 
naux ne  pouvoient  pasréfider,,  ne  fuflent  pas  négligez.  Enfin 
»ilsétoient  obligez  indifpenfablement  de  tenir  dans  les  Eglifes  & 
a,  dans  les  Monafteres  qu'ils  avoient  en  commende,  un  nombre  W  R*f  • 
«  fuffifant  de  Chanoines  ,  ou  de  Moines ,  pour  y  raire  1  Office  Di-  n.  4. 
»  vin,  &  d'en  conferver  les  édifices ,  les  pofleflîons ,  &  les  droits  (a).     1415. 

XIV.  Les  Taborites  après  avoir  pris  6c  brûlé  Hraditx^  a| léretit  Le  pape  or. 
iNymbourg  ville  de  Bohême  fur  rElbe,quis'étoit  rendue  à  Ziska  donne  upc 

COIlyavoit  lonp-temps  qu'on  fcplaignoit  que  les  Cardinaux  mc'prifoicnt  lesEvcqucs.         contre  les 
j>;  Il  entend  par  là  les  Diacres.  Tabontcs. 

k  Tom.I.  IU 


v 


i5 8  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.1  U  les  années  précédentes.  Il  fe  trouva  là  un  Prêcre  (  i  )  qui ,  à  la  ve- 
"*  rite  communioit  fous  les  deux  efpéces  ',  mais  parce  qu'il  enfeignoit 
un  jour  qu'il  falloir  Te  confeiTer 3  recevoir  l'abfolution  éd'extrême- 
ondion  ,  comme  l'enfeigne  St.  Jacques  3  le  Gouverneur  de  la 
ville,  qui  étoit  Taboritey  l'interrompit  ,  en  lui  difant,  Taifez- 
vous,  Prêtre,  ne  nous  prefchez^  point  l'huile.  Ayant  répliqué  que 
c'étoit  l'ordre  de  St.  Jacques ,  on  le  mit  avec  ion  Diacre  fur  un 
chariot,  &  on  leur  fit  faire  le  tour  delà  ville  ,  en  criant  3  nous  cha- 
rions  l'huile.  Quand  ils  furent  hors  de  la  ville  3  on  les  jetta  dans  un 
tonneau  de  poix  ardente.  Acette  nouvelle  le  Duc  d'Autriche  fît 
fonner  Pallarme,  Scréfolut  d'aller  en  Bohême  ,  pour  arrêter  ce 
torrent  de  perfécution.  En  même-temps  il  écrivit  au  Pape,  pour 
lui  expoferlescruautez  &:  les  ravages  des  Bohémiens  en  Bavière y 
en  Autriche ,  en  Moravie ,  en  Silêfie  &  dans  la  Lu face ,  &  pour 
implorer  fonfecours.  Le  Pape  aufîi-tôt  qu'il  eut  reçu  ces  Lettres, 
aflembla  fss  Cardinaux 3  &  ordonna  une  nouvelle  croifade.  On 
trouve  en  effet  plufîeurs  Lettres  de  ce  Pontife  à  divers  Princes 
dans  cette  vue.  Il  y  en  a  une  au  Roi  de  Pologne  ,  où  il  lui  expofe 
premièrement  [qs  foins  &  fes  diligences  pour  l'extinction  de  l'hé- 
réfie  en  Bohême  ôc  aux  environs 3  en  envoyant  deux  Légats  l'un 
après  l'autre,  fçavoir  Jean  Dominique  Cardinal  de  St.  Sixte  (2), 
&  après  fa  mort  Branda  de  chatillon  3  dit  le  Cardinal  de  Plaifance. 
(3  )  En  fécond  lieu  il  exhorte  le  Roi  à  faire  main  bafle  fur  tous  les 
adhérants  de  Coribut ,  &  à  employer  toutes  Cqs  forces  à  l'extinc- 
tion dei'héréfie  en  Bohême..  Pour  l'encourager  à  cette  expédi- 
tion 3  il  ordonna  a  l'Archevêque  de  Lembourg  (4)  de  lever  dans 
fondiocefe  20000.  ducats  d'or  3  pour  aider  le  Roi  à  foûtenir  la 
guerre  qu'il  avoit  réfolu  d'entreprendre  contre  les  Bohémiens. 
Martin  écrivit  aufîî  au  GrandJDuc  de  Lithnanic  du  même  ftile  &C 
0]  Kayn.  dans  le  même  deflein  (a). On  trouve  aufîî  une  Bulle  du  même  Pape 
b?iz  'tî?'  adreiîée  aux  Archevêques  de  Maycnce  3  de  Trêves  ,  Ôc  de  Cologne, 
pour  confirmer  le  Décret  du  Concile  de  Confiance  contre  les 
HufTites ,  &  contre  leurs  diverfes  fectes. 
Fermeté  des  XV.  Cependant  le  Palatin  de  Novogrodek(b)  par  ordre  du  Pape 
T/b?°EtCi    enyôya  des  Députez  aux  Bohémiens,  pour  leur  notifier  que  s'ils 

tbuttnie.  £i]  Girciccus  Robvvladius,  Iheobaîd dit  que  c'étoit  un  homme  dofte  ,  &  Balbin  qu'il  étoit 

célèbre  par  fa  fcience  &  par  fa  pieté.  Au  refle  ce  dernier  foutient  que  ce  Prêtre  n'enfeignoit 
point  la  Communion  fous  les  deux  efpéces,  &  qu'il  étoit  bon  catholique.  Ibeob.  cap.  LVII.  p. 
117.  Balbin.  Epitom.  p.  46'$. 

(2)  Il  mourut  à  Bude  en  1419. 

[33  1'  ivoît  excommunié  Sigifmond Co^ibut ,  &  tous  fes adhérents. 

(4)  C'cftLeopolis  ville  du  Royaume  de  Pologne  dans  la  Rulfie  noire. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JTII.  i^ 
ne  vouloientpas  rentrer  dans  le  fein  de  l'Eglife  ils  dévoient  s'atteh-  142  c 
dre  à  une  guerre  ouverte. Les  Bohémiens  repondirent  qu'on  les  at- 
taquoit  contre  tout  droit  divin  &  humain  3  qu'on  les  diffamoit  pu- 
bliquement comme  des  hérétiques, fans  preuve&  fans  qu'on  les  eue 
entendus  3  que  perfonne  ne  pouvoir  leur  reprocher  avec  vérité  de 
croire  autre  chofe  que  ce  qui  eft  contenu  dans  la  parole  de  Dieu  , 
dans  les  Symboles  de  Nicée  3  de  Confiantinople  ,  à'Epbéfe  &  de 
Chalcédoine  3  8t  qu'ils  étoient  réfolus  de  défendre  cette  foi  au  péril 
de  leurs  biens  &  de  leurs  vies  3  qu'il  n'y  avoit  rien  déplus  éloigné 
du  Chriftianifme  que  de  leur  déclarer  la  guerre  3  &de  vouloir  les 
exterminer  au  gré  du  Pape  &  de  l'Empereur  3  enfin  que  11  on  les 
attaquoit ,  appuyez  qu'ils  fe  croyoient  du  fecours  de  Dieu  ils  re- 
poufleroient  la  force  par  la  force,  &  que  tout  le  monde,  femmes 
&  enfans  ils  feroient  une  réfiftance  qui  paroîtroit  admirable  à  tout 
l'univers. 

XVI.  Ce  fut  à  peu-près  dans  ce  temps  qu'éclata  la  difleniion  ,  Divifion  des 
qui  s'étoit  glilTée entre  les  Orphelins  et  ceux  de  Prague.  La  rupture  f^^  dc 
arriva  à  cette  occafîon.  Ceux  de  Prague  avoient  mis  en  prifon  Prague. 
quelques-uns  de  leurs  D odeurs,  parce  qu'ils  ne  pouvoient  s'ac- 
corder avec  un  autre  Docteur  appelle  Pierre  Peyne ,  furnommé 
Yj4nglois  ,  Wicléfïïte.  Ces  prifonniers  ayant  enfuite  été  élargis 
s'allèrent  joindre  aux  Orphelins,  leur  firent  de  grandes  plaintes 

de  ceux  de  Prague,&  leur  perfuadérent  de  leur  déclarer  la  guerre. 
Mais  avant  que  de  décrire  les  funeftes  effets  de  cette  divilion  ,  il 
faut  donner  le  caractère  des  perfonnages  qui  en  furent  l'occafion. 

XVII.  Entre  ces  prifonniers  étoient  Maître  Jean  Pr^ibram  3  ôc  Trùhrvn  , 
Pierre  de  Mladovitz^  On  a  vu  que  le  premier  fut  établi  l'un  des  <M/«</#*»*. 
Directeurs  du  Clergé  dans  le  Synode  tenu  en  1421.  fous  l'Arche- 
vêque Conrad.  Ce  Przjbramavoit  été  zélé  Huffite,  &  fort  accré- 
dité dans  ce  parti.  Mais,  fi  l'on  en  croit  Cochlée  3  ilfe  rétrada  fo- 
lemnellement,  &  écrivit  même  contre  les  Taborites  un  traité  qù. 
examinant  les  raifons  qui  peuvent  rendre  une  guerre  légitime,  il 
trouve  que  la  guerre  des  Taborites  n'a  point  ces  conditions.  Il 
prétend  dans  ce  traité  qu'il  n'eft  pas  permis  aux  Prêtres  de  porter 

les  armes,  &:  de  faire  la  guerre,  parce  que  St.  Paul  dit  que  le 
prêtre  ne  doit  point  être  contentieux.  Mais  l'oracle  de  St.  Paul 
réjailliflbit  contre  les  Prêtres  Catholiques, comme  par  exemple, 
contre  PEvêque  ÙOlmutz^  auffî  bien  que  contre  les  Prêtres  Tabo- 
rites. Il  allègue  une  plaidante  raifon  pour  prouver  que  les  Prêtres 
doivent  être  rafez.  Ceft ,  dit-il  ,  que  de  la  barbe  vient  la  barbarie. 

Kkij 


i6o       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

j  a  zc  Ci)  Voici  la  description  qu'il  donne  d'un  Prêtre  Taborire.  Au  de- 
hors, il  eft  doux  &  pieux  :  au  dedans  ,  c'eft  un  impie  &  un  tyran.  Au 
dehors ,  il  eft  innocent  &  net  :  au  dedans ,  il  eft  fanguinaire  3  fale  & 
puant  3  à  force  de  répandre  lefang.  Au  dehors  ,  il  eft  humble  &  fournis  : 
au  dedans  il  crevé  d'orgueil ,  ôcc.  Cette  rétractation  de  Pr^ibram 
fit  beaucoup  de  peine  à  Procope  Rafe  zeléTaborite ,  &  il  fit  inuti- 
lement tout  ce  qu'il  put  pour  le  ramener.  Cochlèe  rapporte  ces  pa- 
roles de  Procope  Rafe  dans  Tes  difputes  contre  Przibram  fur  le  fujec 
delà  Tranfubftantiation  que  ce  dernier  vouloit  défendre  par  l'au- 
torité des  Pères.  Quand  ily  auroit  cent doHeurs ,  dit  Procope  ,  qui 
diroient  que  le  pain  matériel  ne  demeure  pas  dans  le  facrement  de  l'Eu- 
chariftie  après  la  confècration  ,  je  dis  qu'ils  en  ont  menti  par  leurs  gor- 

(.<)  Cecbi.uhi  ges ,  &  je  le  leur  foutiendrai  au  jour  du  jugement  (a).  On  trouve  dans 

tupr.p.  2x5.  cochlèe  ces  paroles  de  Procope  iPrzabram.  Demeure^  dit-il,  dans 
la  fentence  de  notre  Sauveur  &  de  fon  Apbtre ,  fçavoir  que  le  pain  ma- 
tériel demeure  ,  &  alors  nous  ferons  bons  amis ,  autrement  point  de 
paix  entre  nous.  Car  fi  vous  ne  voulez,  pas  le  faire  3  fâchez^  que  je  vous 
pourfuivrai  à  toute  outrance.  L'autre  prifonnier  étoit  Maître  Pierre 
de  Mladovit^.  Ce  dernier  grand  partifan  de  Jean  Mus  pendant 
fa  vie,  avoit  été  Notaire,  &  fut  depuis  prêtre  &  Prédicateur  à 

.,    -  St.  Michel  de  Prague.  Il  avoit  écrit  la  vie  de  Jean  Mus ,  qu'on  li- 

Scptcmbr.  &  foie  dans  les  Eglifes.  Il  fervit  de  Notaire  au  Concile  de  Confiance 

7.  Février,     à  Jean  de  Chlum.  Il  mourut  en  145  1  (b). 
Pierre  Pep,e      XVIII.  Il  faut  auffi  faire  coniioître  Pierre  l'Angiois  docteur 

l'Angiois.      d'Oxford  dont  on  vient  de  parler ,  parce  qu'il  eut  beaucoup  de 

part  aux  affaires  du  Huflîtifme.  Cochlèe  prétend  qu'il  avoit  été 

{c)nbifitpr.  banni  d'Angleterre  pour  le  Wicléfifme  (c).  Il  eft  certain  qu'il 

p-*3i«  foutint  en  Bohême  les  fentimens  de  PMclefavec  beaucoup  de  cha- 
leur 3  fk.  qu'il  fut  toujours  fort  lié  d'incérêt  avec  Jean  Hus.  Il  eut 
de  grandes  difputes  avec  Pr^ibram  3  qui  le  dépeint  ainfi  :  Wiclefà* 
l'Angiois  font  deux  te/?  es  dans  un  bonnet ,  ils  font  tout  l'un  dans  l'autre, 
le  Difciple  eft  tout  entier  dans  le  Maître.  L'Angiois ,  fî  l'on  en  croit 
Cochlèe  ,eut  du  deflbus  dans  ces  difputes.  Cependant  un  Hiftorien 
Taborite  3  allégué  par  Cochlèe  lui-même  ,  donne  l'avantage  à 
l'Angiois.  Quoi  qu'il  en  foit,  ceux  qui  afîîftoient  à  la  difpute  ou  à 
la  conférence  3  la  terminèrent  par  cette  convention  3  que  l'unôc 
l'autre  parleroit  de  l'Euchariftie  dans  les  termes  de  l'Ecriture  ôc 

(l)  Quia  faut  à  barba  barbaries  ,  id  efl  ,  crudelitas  ,  defeendit  ,  itahodie  àfacerdotibus  barba- 
tis  ,totabarbara;  tfgentilis  crudelitas  ,  jhliditas ,  S$  infuljitas  populos  adimplevit.  Cochl.  Lib- 
VJ.p.  223. 


ij6  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
un  Grand  d'Efpagne ,  nommé  JeanMartinez^de  Lune.  On  donne 
de  grands  éloges  à  fa  mère  nommée  Marie  Perez^de  Gothor ,  non 
feulement  par  rapport  à  la  nobleflè  de  fon  fang  ,  mais  auflï  par 
rapport  à  fa  beaucé  &  à  fa  vertu.  Pierre  de  Lune  eut  pour  parain 
Pierre  Roi  d'Arragon,  qui  lui  donna  fon  nom.  Il  fie  bien-côt  de 
grands  progrès  dans  lesfeiences,  fur  tout  dans  la  jurifprudence. 
Son  premier  grade  eccléfïaftique  fut  celui  de  Chanoine  de  la 
Cathédrale  de  Cuenca  en  Caftille.  Il  fut  enfuite  Archidiacre  de 
Saragoffe  Capitale  du  Royaume  d'Arragon,  puis  Prévôt  de  l'Egli- 
fe  de  Valence  Capitale  du  Royaume  de  ce  nom.  Après  s'être  ac- 
quité  de  ces  dignitez  avec  un  appiaudiflement  général ,  par  rap- 
port à  la  feience ,  &  aux  mœurs  ,  il  fut  recommandé  par  les  Rois 
&;  les  Grands  d'Efpagne  à  Grégoire  Jfl.  qui  en  1 3  75.  le  créa  Car- 
dinal Diacre  du  titre  de  Ste.  Marie  in  Cofmedin,  On  dit  que  ce 
Pape  en  lui  conférant  cette  dignité  lui  parla  en  ces  termes  :  Prenne 
garde ,  Pierre ,  que  votre  Lune  qui  brille  aujourd'hui  avec  tant  d'é- 
clat ne fouffre aujourd'hui  quelque  éclipje.  Notre  Cardinal  accom- 
pagna Grégoire  lorfqu'il  retourna  à  Rome.  Ce  Pape  lui  commit  èc 
à  quelques  autres  Cardinaux  l'examen  des  révélations  de  Ste.  Bri- 
gitte. Étant  à  Rome  3  il  fit  bâtir  un  Palais  près  de  l'Eglife  de  67. 
Apollinaire ,  où  eft  aujourd'hui  le  Collège  des  Allemands  &  des 
Hongrois.  L'Auteur  Allemand  dont  je  tire  ce  fait ,  dit  qu'il  a  étu- 
dié lui-même  dans  ce  Collège  ,  &:  qu'il  y  a  vu  plufieurs  marbres  où 
étoient  repréfentez  des  croifîans  quiétoient  les  armes  de  Pierre 
de  Lune.  On  a  vu  le  refte  de  fa  vie  dans  les  hiftoires  marquées  cj- 
deflus.  Son  corps  fut  transféré  de  Panifcola  à  Iliuefca  vilie  qui 
appartenoit  à  Jean  de  Lune  fon  neveu.  Pierre  de  Lune  compofa 
quelques  ouvrages,  comme  de  la  Puiflance  du  Pape,  de  l'auto- 
rité des  Conciles ,  des  Commentaires  fur  les  Décrets ,  diverfes 
Lettres.  On  loue  furtout  beaucoup  un  ouvrage  Efpagnol }  qu'il 

fa)  Georg.  j0-  intitula  Confolations  de  la  vie  humaine  (a). 

fah  *'&&*-        Au  commencement  de  1414.  le  Concile  de  Sienne  avant  que 

Purp.   Doft,    ,  r,  c   \      ■  •  1  , 

iib.  11.  p.  de  fe  iepareravoit  fulmine  contre  ceux  qui  entreprendroient  de 
44^44$»  foutenir  encore  Pierre  de  Lune  après  fa  mort  ,&  contre  quiconque 
voudroitluifucceder,  &  cet  anathême  fut  confirmé  par  Martin. 
L'Anti-Papefuccefïeur  de  Pierre  de  Lune  qui  n'avoir  accepté  Je 
Pontificat  que  malgré  lui ,  eût  bien  voulu  fe  mettre  à  couvert  des 
foudres  du  Concile  de  Sienne  &  du  Vatican  ,  en  abdiquant  une 
dignité,  qu'il  ne  regardoit  que  comme  une  chimère  dans  fa  per- 
sonne. Mais  le  Roi  d'Arragon  toujours  irrité  contre  Martin  3re^ 

Jeva 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JTII,  257 
leva  le  courage  à  l'Anti-  Pape ,  &  le  maintint  dans  un  fchifme  qu'il 
croit  bien  aile  d'entretenir  ,  pour  donner  de  l'exercice  au  vrai    *, 
Pape. 

XIII.  On  rapporte  à  cette  année  une  Constitution  de  Martin  Conftitution 
y,  pour  régler  l'état  6c  les  mœurs  des  Cardinaux.  Ce  Pape  or-  de  Martin  v. 
donnoit  dans  cette  Conftitution  »  que  les  Cardinaux  fuflent  en  Kc'dw" 
»  exemple  aux  autres  par  la  pureté  de  leurs  mœurs;  qu'ils  s'abftinf-  Cardinaux. 
»  fenc  non  feulement  du  mal ,  mais  aufli  de  l'apparence  du  mal , 

»  menaçant  que  fi  quelqu'un  d'eux  ne  confbrmoitpas  fes  mœurs 
»  à  fon  état ,  il  en  feroit  un  exemple.  Il  leur  enjoignoit  fur  tout 
»  l'humilité  dans  toutes  leurs  démarches ,  8c  d'en  ufer  avec  dou- 
«  ceur  &  honnêteté  avec  les  Prélats ,  chacun  félon  fon  état  (  1  ) , 
»de  bien  gouverner  leur  famille  3  ou  leurs  domeftiques ,  tant 
»  Clers  que  Laïques ,  dont  les  mœurs  dévoient  être  bien  réglées 
»  6c  les  habits  décens  j  d'avoir  toujours  avec  eux  des  Prêtres  6c  des 
»  Lévites  qui  puflent  leur  rendre  bon  témoignage  (1).  Il  ne  vou- 
»loit  point  qu'ils  fe  miilent  fous  la  prote&ion  des  Rois,  des  Prin- 
«cesj  des  Comtes,  6c autres  perfonnes  Séculières ,  afin  de  pou- 
»  voir  donner  plus  librement  leurs  avis  à  fa  Sainteté  ^  ni  qu'ils  re- 
»çuflent  de  l'argent  de  qui  que  ce  fût  pour  obtenir  leur  protec- 
»  tion ,  quand  même  on  l'ofFriroit  volontairement.  Ils  ne  dévoient 
»  préfenter  au  Pape  aucune  frpplique  fi  ce  n'eft  pour  les  pauvres  , 
»  pour  leurs  propres  perfonnes  3  pour  leurs  Domeftiques ,  parens 
«  ou  alliez.  Quand  ils  alloient  au  Palais ,  ou  quand  ils  fe  rendoient 
»  vifite ,  ou  à  d'autres  x  ils  ne  dévoient  pas  mener  avec  eux  plus  de 
»  vingt  cavaliers ,  tant  eccléfiaftiques  que  laïques.  Ils  ne  dévoient 
»  point  porter  la  chappe ,  ni  la  robe  de  pourpre  en  préfence  du  Pa- 
»  pe.  Ils  dévoient  procurer  la  réparation  des  Eglifes  de  leurs  titres 
=»  autant  qu'ils  le  pourroient,  6c  y  faire  célébrer ,  Ôcmêmeaug- 
»  menter  le  Service  divin  ,  par  des  Religieux  dévots ,  ou  d'hon- 
nêtes Eccléfiaftiques,  afin  qife  les  Lieux  Saints,  où  ces  Cardi- 
naux ne  pouvoient  pasréfider,  ne  fuflent  pas  négligez.  Enfin 
»ilsétoient  obligez  indifpenfablement  de  tenir  dans  les  Eglifes  ôc 
=»  dans  les  Monafteres  qu'ils  avoient  en  commende,  un  nombre  J£)  *"'*■ 
»  fuffifant  de  Chanoines ,  ou  de  Moines ,  pour  y  faire  l'Office  Di-  n.  4. 
»  vin,  èc  d'en  conferver  les  édifices ,  les  pofierîîons ,  6c  les  droits  (a).     1 4 1  5 . 

XIV.  Les  Taborites  après  avoir  pris  &  brûlé  Hraditx^  allèrent  Le  pape  or. 
kNymbourz  ville  de  Bohême  fur  l'Eibe,qui  s'étoit  rendue  à  ziska  donne  unc 

y  O  »  *  -  Croiftdc 

(i)Ilyavoit  longtemps  qu'on  fcplaignoit  que  les  Cardinaux  meprifoient  IcsEvcqucs.  contre  les 

(2)  Il  entend  par  là  les  Diacres.  Tabontct. 

Tom.I.  Kk 


v 


i5 8  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
î.2r  les  années  précédentes.  Il  fe  trouva  là  un  Prêcre  (i)qui,à  la  vc- 
*  rite  communioit  fous  les  deux  efpéces  5  mais  parce  qu'il  enfeignoic 
un  jour  qu'il  falloit  le  confefifer ,  recevoir  l'abfolution  Ôcl'extrême- 
ondion  ,  comme  l'enfeigne  St.  Jacques  3  le  Gouverneur  de  la 
ville,  qui  étoit  Taborite ,  l'interrompit  ,  en  lui  difant,  T-aifex- 
vous,  Prêtre,  ne  nous  prefcbez^  point  l'huile.  Ayant  répliqué  que 
c'étoit  l'ordre  de  St.  Jacques ,  on  le  mit  avec  fon  Diacre  fur  un 
chariot ,  &  on  leur  fît  faire  le  tour  de  la  ville  ,  en  criant  3  nous  cha- 
rions  l'huile.  Quand  ils  furent  hors  de  la  ville 3  on  les  jetta  dans  un 
tonneau  de  poix  ardente.  Acette  nouvelle  le  Duc  d'Autriche  fie 
fonner  l'allarme,  &réfolut  d'aller  en  Bohême  ,  pour  arrêter  ce 
torrent  de  perfécution.  En  même -temps  il  écrivit  au  Pape,  pour 
lui  expoferlescruautez  ôc  les  ravages  des  Bohémiens  en  Bavière  y 
en  Autriche  ,  en  Moravie ,  en  Siléfie  &  dans  la  Lu face ,  &C  pour 
implorer  fon  fecours.  Le  Pape  aufli-tôt  qu'il  eut  reçu  ces  Lettres, 
aflembla  fes  Cardinaux  3  ôc  ordonna  une  nouvelle  croifade.  On 
trouve  en  effet  plufîeurs  Lettres  de  ce  Pontife  à  divers  Princes 
dans  cette  vue.  Il  y  en  a  une  au  Roi  de  Pologne  ,  où  il  lui  expofe 
premièrement  Cqs  foins  &  (ks  diligences  pour  l'extinction  de  l'hé- 
réfîe  en  Bohême  2c  aux  environs  3  en  envoyant  deux  Légats  l'un 
après  l'autre,  (ça.voir  Jean  Dominique  Cardinal  de  St.  Sixte  (1)  3 
&  après  fa  mort  Branda  de  chàtillon  3  dit  le  Cardinal  de  Plaifance. 
(3  )  En  fécond  lieu  il  exhorte  le  Roi  à  faire  main  bafïe  fur  tous  \qs 
adhérants  de  Coribut ,  &  à  employer  toutes  Cqs  forces  à  l'extinc- 
tion del'héréfie  en  Bohême.  Pour  l'encourager  à  cette  expédi- 
tion 3  il  ordonna  à  l'Archevêque  de  Zembourg  (4)  de  lever  dans 
fondiocéfe  20000.  ducats  d'or^  pour  aider  le  Roi  à  foûtenir  la 
guerre  qu'il  avoit  réfolu  d'entreprendre  contre  les  Bohémiens. 
Martin  écrivit  aufïï  au  GrandJDuc  de  Lithuanic  du  même  ftile  & 
[n]  Kayn.  dans  le  même  deflein  (a). On  trouve  aufîî  une  Bulle  du  même  Pape 
n.Ta  lVJ'  adreilée  aux  Archevêques  de  Mayencc 3  de  Trêves  ,  6c  de  Cologne, 
pour  confirmer  le  Décret  du  Concile  de  Confiance  contre  les 
Huffites ,  &  contre  leurs  diverfes  fectes. 
Fermeté  des  XV.  Cependant  le  Palatin  de  Novogrodek(b)  par  ordre  du  Pape 
Tfb?°Etei    enyôya  des  Députez  aux  Bohémiens  3  pour  leur  notifier  que  s'ils 

thuame.  [i]  Girciccus  Robvvladius.  Iheobald  dit  que  c'étoit  un  homme  dofte  ,  &  Balbin  qu'il  étoit 

célèbre  par  fa  feience  &  par  fa  pieté.  Au  refle  ce  dernier  foutient  que  ce  Prêtre  n'enfeignoit 
point  la  Communion  fous  les  deux  efpéces ,  &  qu'il  étoit  bon  catholique.  Ibeob.  cap.  LVII .  p. 
117.  Balbin.  Epitom.  p.  40*5 . 

(2)  Il  mourut  à  Bude  en  141.9. 

[3J  II  avoit  excommunié  SigifmondCo*ihut ,  &  tous  fes  adhérents. 

(4)  C'eft  Leopolis  ville  du  Royaume  de  Pologne  dans  la  Rullîe  noire. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  Xli.  159 

ne  vouloient  pas  rentrer  dans  le  fein  de  l'Eglife  ils  dévoient  s'atten-  141c. 
dre  à  une  guerre  ouverte. Les  Bohémiens  répondirent  qu'on  les  at- 
raquoit  contre  tout  droit  divin  &  humain  5  qu'on  les  dirTamoit  pu- 
bliquement comme  des  hérétiques,fans  preuve&  fans  qu'on  les  eue 
entendus  j  que  perfonne  ne  pouvoit  leur  reprocher  avec  vérité  de 
croire  autre  chofe  que  ce  qui  eft  contenu  dans  la  parole  de  Dieu, 
dans  les  Symboles  de  Nicèe 3  de  Confiantinople  ,  d'Ephéfe  &  de 
Cbalcédoine  ;  &.  qu'ils  étoient  réfolus  de  défendre  cette  foi  au  péril 
de  leurs  biens  &  de  leurs  vies  >  qu'il  n'y  avoit  rien  déplus  éloigné 
du  Chriftianifme  que  de  leur  déclarer  la  guerre  3  &de  vouloir  les 
exterminer  au  gré  du  Pape  &  de  l'Empereur  3  enfin  que  fi  on  le§ 
attaquoit,  appuyez  qu'ils  fe  croyoient  du  fecours  de  Dieu  ils  re- 
pouiïeroient  la  force  par  la  force,  &  que  tout  le  monde,  femmes 
&  enfans  ils  feroient  une  réfiftance  qui  paroîtroit  admirable  à  tout 
l'univers. 

XVI.  Ce  fut  à  peu-près  dans  ce  temps  qu'éclata  la  diflenfion  ,  Divifion  des 
qui  s'étoit  glidée  entre  les  Orphelins  &  ceux  de  Prague.  La  rupture  ^^fc"^  dc 
arriva  à  cette  occafion.  Ceux  de  Prague  avoient  mis  en  prifon  Prague, 
quelques-uns  de  leurs  D odeurs,  parce  qu'ils  ne  pouvoient  s'ac- 
corder avec  un  autre  Docteur  appelle  Pierre  Pey  ne ,  furnommé 
Ys4nglois  ,  Wicléfifte.  Ces  prifonniers  ayant  enfuite  été  élargis 
s'allèrent  joindre  aux  Orphelins,  leur  firent  de  grandes  plaintes 

de  ceux  de  Prague,&  leur  perfuadérent  de  leur  déclarer  la  guerre. 
Mais  avant  que  de  décrire  les  funeftes  effets  de  cette  divifion  ,  il 
faut  donner  le  caractère  des  perfonnages  qui  en  furent  l'occafion. 

XVII.  Entre  ces  prifonniers  étoient  Maître  Jean  Przibram  s  ôc  Tmihram  , 
Pierre  de  Mladovitz^  On  a  vu  que  le  premier  fut  établi  l'un  des  Ml******* 
Directeurs  du  Clergé  dans  le  Synode  tenu  en  1 42 1 .  fous  l'Arche- 
vêque Conrad.  Ce  Przibram  avoit  été  zélé  Huiîtte ,  &  fort  accré- 
dité dans  ce  parti.  Mais,  fi  l'on  en  croit  Cochlée }  ilfe  rétracta  fo- 
lemnellement,  &  écrivit  même  contre  les  Taborites  un  traité  qù 
examinant  les  raifons  qui  peuvent  rendre  une  guerre  légitime,  il 
trouve  que  la  guerre  des  Taborites  n'a  point  ces  conditions.  Il 
prétend  dans  ce  traité  qu'il  n'eft  pas  permis  aux  Prêtres  de  porter 

les  armes,  &  de  faire  la  guerre,  parce  que  St.  Paul  dit  que  le 
prêtre  ne  doit  point  être  contentieux.  Mais  l'oracle  de  St.  Paul 
réjaillifibit  contre  les  Prêtres  Catholiques,  comme  par  exemple, 
contre  l'Evêque  d'Olmut^  au  fil  bien  que  contre  les  Prêtres  Tabo- 
rites. Il  allègue  une  plaçante  raifon  pour  prouver  que  les  Prêtres 
doivent  être  rafez.  C'eft  9  dit-il  ,  que  de  la  barbe  vient  la  barbarie. 

Kkij 


i6o      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1425     C1)  Voici  la  description  qu'il  donne  d'un  Prêtre  Taborice.  Au  de- 
hors ,  il  efi  doux  ejr  pieux  :  au  dedans  ,  c'efi  un  impie  &  un  tyran.  Au 
dehors ,  il  efi  .innocent  &  net  :  au  dedans ,  il  efi  fanguinaire  3  fale  & 
puant  3  à  force  de  répandre  lefang.  Au  dehors ,  il  efi  humble  &  fournis  : 
au  dedans  il  crevé  d'orgueil,  6cc.  Cette  rétractation  de  Pr^ibram 
fit  beaucoup  de  peine  à  Procope  Rafe  zeléTaborite ,  &  il  fit  inuti- 
lement tout  ce  qu'il  put  pour  le  ramener.  Cochlée  rapporte  ces  pa- 
roles de  Procope  Rafe  dans  fes  difputes  contre  Przjbram  fur  le  fujec 
delà  Tranfubfiantiation  que  ce  dernier  vouloit  défendre  par  l'au- 
torité des  Pères.  Quand  il  y  auroit  cent  dofleurs ,  dit  Procope  ,  qui 
diroient  que  le  pain  matériel  ne  demeure  pas  dans  lefacrement  de  l'Eu- 
charifiie  après  la  confécration  ,  je  dis  quils  en  ont  menti  par  leurs  qor- 
fa)  Cecbi.ubi  ges  ,  &  je  le  leur  foutiendrai  au  jour  du  jugement  (a).  On  trouve  dans 
îupr.p.  %x6.  cochlée  ces  paroles  de  Procope iPr^ibram.  Demeure^,  dit-il,  dans 
la  fentence  de  notre  Sauveur  &  de  fou  Apbtre ,  f  avoir  que  le  pain  ma- 
tériel demeure  ,  &  alors  nous  ferons  bons  amis ,  autrement  point  de 
paix  entre  nous.  Car  fi  vous  nevoule^pas  le  faire  ,  feachez^  que  je  vous 
pourfuivrai  à  toute  outrance.  L'autre  prifonnier  étoit  Maître  Pierre 
de  Mladovit^.  Ce  dernier  grand  partifan  de  Jean  Mus  pendant 
fa  vie,  avoit  été  Notaire,  &  fut  depuis  prêtre  &.  Prédicateur  à 
(b)  Lu  œ      ^tm  Michel  de  Prague.  Il  avoit  écrit  la  vie  de  Jean  Hus ,  qu'on  li- 
Scptembr.  &  foit  dans  les  Eglifes.  Il  fervit  de  Notaire  au  Concile  de  Confiance 
7.  Février,     à  Jean  de  Chlum.  Il  mourut  en  145  1  (b). 

Pierre  Pep!e      XVIII.  Il  faut  auflî  faire  connoître  Pierre  l'Anglois  docteur 
l'Angbis.     ^Oxford  dont  on  vient  de  parler ,  parce  qu'il  eut  beaucoup  de 
part  aux  affaires  du  Huflitifme.  Cochlée  prétend  qu'il  avoit  été 
[tfuHfupr.  banni  d'Angleterre  pour  le  Wicléfifme  (c).  Il  eft  certain  qu'il 
P- i3 1'        foutint  en  Bohême  les  fentimens  de  Wiclefzvec  beaucoup  de  cha- 
leur 3  &c  qu'il  fut  toujours  fort  lié  d'intérêt  avec  Jean  Hus.  Il  eut 
de  grandes  difputes  avec  Przjbram  3  qui  le  dépeint  ainfi  :  Wiclefér 
l'Anglois  font  deux  te /les  dans  un  bonnet ,  ils  font  tout  l'un  dans  l'autre, 
le  Difciple  efi  tout  entier  dans  le  Maître.  L'Anglois ,  Il  l'on  en  croit 
Cochlée  3ewx.  du  deflbus  dans  ces  difputes.  Cependant  un  Hiftorien 
Taborite  3  allégué  par  Cochlée  lui-même  ,  donne  l'avantage  à 
l'Anglois.  Quoi  qu'il  en  foit,  ceux  qui  afliftoient  à  la  difpute  ou  à 
la  conférence  3  la  terminèrent  par  cette  convention  3  que  l'un  8c 
l'autre  parleroit  de  l'Euchariftie  dans  les  termes  de  l'Ecriture  & 

(j)  Quia  Jîcut  à  barba  barbaries  ,  idefi  ,  crudelitas  ,  defeendit  ,  itahodie  àfacerdotibus  bar bâ- 
tis ytotabarbara;  f$ gehtilis crudelitas  ,  fhliditas  ,  tf  inful/itas  populos  adimplevit.  Cochl.  Lib. 
VJ.p.  223. 


J n.jccnn  Sculp 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XII.  1G1 

des  Pères  5  qu'ils  ne  fe  craiceroienc  point  l'un  l'autre  d'hérétique,  141c 
non  plus  que  Jean  JViclef,  Jean  Hus  &  Jacques  de  Mife 3  &  qu'ils  vi- 
vroient  en  bonne  union.  Depuis  ce  temps  -  là  Pierre  ïslnglois  fut 
choifi  arbitre  entre  les  Taborites  6c  ceux  de  Prague  3  &  prononça 
pour  ces  derniers.  Il  afîifta  au  Concile  de  Balle ,  où  il  défendit 
les  Huflîtes.  Cochlèe  en  parle  comme  d'un  homme  fçavant  &  de 
beaucoup  d'efprit,&  qui  avoit  eu  l'art  d'éclaircir  les  endroits  ob- 
fcurs  des  livres  de  Wiclef  On  ne  dit  point  le  temps  de  fa  mort.  * 

XIX.  Cochlée  prétend  quecefutàla  follicitation  de \  Rockifane  Roàifane. 
que  ces  docteurs  furent  mis  en  prifon  3  au  lieu  que  Theobald  dit 
que  ce  fut  lui  qui  les  fit  élargir.  L'un  &  l'autre  peut  être  véritable. 
De  quelque  manière  que  ce  foit,  il  paroît  par  la  que  Rockifane 
avoit  alors  beaucoup  d'autorité  à  Prague.  Il  avoitdeja  paru  avec 
éclat  3  lorfque  ,  comme  on  l'a  vu  ,  ceux  de  Prague  l'envoyèrent  à 
Ziska  pour  lui  demander  la  paix  3  &  on  le  verra  jouer  un  fi  grand 
rôle  dans  toute  cette  Hiftoire  3  qu'il  eft  indifpenfable  d'en  donner 
l'idée  par  avance.  Jean  de  Rockifane  étoit  ainfi  appelle  du  nom  de 
fa  ville  dans  le  diftricl:  de  Pilfen.  On  dit  qu'il  étoit  fils  d'un  Serru- 
rier. Comme  on  remarquoic  en  lui  beaucoup  d'efprit  3  on  l'envoya 
à  Prague  pour  y  étudier.  Après  avoir  fait  heureufement  fcs  huma- 
nitez,  onledonnapour  précepteur  à  un  jeune  Gentilhomme  Bo- 
hémien. Il  entra  enfuite  dans  le  Collège  appelle  de  la  Reine  à 
Prague,  oùl'onentretenoit  des  écoliers  aux  dépens  du  public  3  &c 
où  il  fut  reçu  Maître  en  Théologie  ,  ayant  été  auditeur  èc  difciple 
de  Jacques  de  Mife ,  reftaurateur  de  la  Communion  fous  les  deux 
efpéces.  De  forte  que  Rockifane  étoit  proprement  Calixtin.  On  ne 
dit  point  dans  quel  temps  il  entra  dans  l'état  éccléfiaftique.  On 
ne  parle  guéres  de  lui  avant  l'an  1424.  On  peut  juger  qu'il  ne  fai- 
foit  aucune  figure  3  au  moins  par  rapport  au  Huflitifme  en  141  7. 
puifquil  ne  paroît  point  dans  la  Lifte  des  principaux  docteurs  de 
cette  fede  qui  furent  citez  au  Concile  de  Confiance.  La  première 
paroifTe  dont  il  fut  curé  &  prédicateur,  fut  celle  de  St.  Etienne 
dans  la  nouvelle  Ville  de  Prague.  En  1425.il  fut  établi  Prédica- 
teur dans  l'Eglifë  de  S  te  Marie  de  la  Courjoyeufe  (  1  ) ,  qui  eft  la  plus 
ancienne  Eglife  de  cette  Capitale.  En  1427.  ceux  de  Prague  lui 
confièrent  l'infpection  générale  fur  tout  le  Clergé  de  Prague , 
parce  qu'il  n'y  avoit  point  alors  d'Archevêque ,  Conrad  ayant  em- 
brafïe  leHuflitifme  dès  l'an  1 42 1  .Comme  les  difputes  &  les  diflen- 
fions  qui  regnoient  dans  la  Ville ,  y  mettoient  beaucoup  de  confu- 

(1)  kdlœtam  curinm  [  in  Tein.] 

Kk  iij 


2^2      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSTIES 

fion ,  Roc ki fane  donna  de  bons  ordres  pour  régler  l'état  écIëfîafK- 
que.  Il  plaça  dans  d'autres  Paroifles  ceux  qui  avoient  été  chaflez 
des  leurs.  Il  obtint  du  Sénat  un  ordre  pour  empêcher  le  peuple  de 
courir  de  paroifîe  en  paroilîe ,  au  lieu  de  demeurer  à  la  fîenne, 
parce  que  la  diverfké  des  fentimens  qu'on  entendoit  prêcher  en 
diverfes  paroiiles  n'étoit  propre  qu'à  exciter  des  féditions.  Il  or- 
donna aufîi  que  le  Service  divin  le  fît  par  tout  à  la  même  heure 
pour  la  même  raiion.  C'elt  par  ces  degrez  que  Rockifane  parvint 
àl'adminiftration  de  l'archevêché  de  Prague,  êc  même  à  la  di- 
gnité d'Archevêque ,  quoique  non  fans  contradiction  &  fans  diffi- 
culté. Il  eft  certain  qu'il  avoir  de  grands  talens,  &c  fur  tout  une 
éloquence  admirable.  Mais  on  prétend  qu'il  en  abufa  par  ambi- 
tion. Cette  paillon  à  laquelle  il  facrifioit  tout ,  le  rendoit  léger  &; 
inconstant  dans  (es  démarches,  parce  qu'il  prenoit  le  parti  qui 
flattoit  le  plus  (a  vanité.  De  forte  qu'il  fit  plus  de  mal  que  de  bien 
à  ceux  qui  s'étoient  mis  fous  fa  protection.  C'eft  cette  conduite  , 
qui  a  rendu  fa  réputation  fort  équivoque.  On  en  pourra  mieux  ju- 
ger en  le  voyant  agir  (i). 
Siège  de  Ut§-  XX.  Les  mécontens  de  Prague  s'étant  donc  joints  aux  Orphe- 
lins 3  ces  derniers  allèrent  attaquer  Litomils ,  où  ceux  de  Prague 
avoient  mis  garnifon  ,  parce  que  cette  Ville  appartenoit  à  l'Ar- 
chevêché j  Ôt  l'ayant  emportée j  ils  laraferent  jufqu'aux  fonde- 
mens.  Ils  paflférent  tout  au  fil  de  l'épée ,  fans  diflinguer  ni  lîuffîte , 
ni  Catholique.  L'Hiftorien  de  Moravie  nous  apprend  plus  de  parti- 
cularitez  de  ce  liège.  Il  dit  quQlïorzek  qui  commandoit  dans  la 
place  avec  une  bonne  garnifon,  le  défendit  vaillamment  pendant 
6.  jours.  Mais  fon  intrépidité  ne  fut  pointa  l'épreuve  d'une  ar- 
mée qui  groffiflbità  chaque  moment.  Ayant  donc  confulté  avec 
les  officiers  de  la  garnifon  ,  &  les  principaux  de  la  ville  ,  il  fut  ré- 
folu  d'envoyer  un  des  officiers  &  un  des  bourgeois,  aux  .Chefs 
des  Orphelins  y  Welichs  ,  &  Procope  le  petit ,  pour  leur  offrir  de 
rendre  la  ville ,  pourvu  qu'on  leur  voulut  faire  des  conditions  ho- 
norables. A  l'égard  de  la  forterefle  3  ils  dirent  qu'ils  n'en  étoienc 
pas  les  maîtres,  que  le  Collège  Epifcopal  y  avoit  mis  garnifon, 
que  l'Evêque  à'Olmutz^  y  avoit  envoyé  un  bon  renfort  de  troupes , 
éc  qu'ils  étoienc  réfolus  d'y  verfer  jufqu'à  la  dernière  goûte  de 
leurfang.  Les  Chefs  des  Orphelins  reçurent  ces  offres  avec  plai- 
fir.  Borzek  remit  la  ville  entre  leurs  mains,  &  fe  retira  à  Collin  , 

(z)  Iheob.  ubiCupr.  p.  124.  Johann.  David Kec leri DifTert.de 'Jjlhtnn.'RockjX.an.  ann.  1718. 
Altorf. 


nuls 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  A"JI.  263 
oùilavoitaufiigarnifon.  Cependant  les  Orphelins  maîtres  de  la  1425, 
Ville  tournèrent  toutes  leurs  forces  contre  la  fortereile,  que  fa 
fituation  iembloit  rendre  imprenable.  Il  y  avoit  déjà  15.  jours 
qu'ils  l'attaquoient  inutilement ,  lorfque  renforcez  par  deux  bons 
régimens ,  l'un  des  Orébites  ,  l'autre  de  ceux  de  Hraditz^  ,  ils  re- 
doublèrent l'attaque.  Wclïchs  pour  encourager  les  foldats  leur 
promit  tout  le  butin.  Enflammez  par  ces  promeiles  ils  attaquè- 
rent de  nouveau  la  place  le  9.  de  Mars  de  1416.  fête  de  St.  Cyrille ■, 
&  de  St.  Méthodius  Apôtres  de  la  Bohême  &  de  la  Moravie ,  avec 
tant  de  furie^qu'on  eût  dit  que  c'étoient  des  démons  fortis  de  l'en- 
fer. Les  affiégez  ne  fe  défendoient  pas  avec  moins  de  vigueur.  Les 
affiégeants  même  commençoient  à  chanceler,  lorfque  Welichs 
étant  accouru  les  obligea  par  prières  &  par  menaces  de  recom- 
mencer l'attaque.  Ce  qui  fe  fit  avec  tant  de  fuccès  ,  qu'enfin  les  af- 
fiégez  fuccombant  fous  le  nombre,  &  fous  l 'effort  des  machines , 
furent  obligez  de  tourner  le  dos  5  les  uns  fe  retirèrent  dans  l'égli- 
fe  ,  les  autres  fe  fauverent  à  cheval  par  la  poterne.  Tous  les  fuyards 
furent  taillez  en  pièces ,  &  les  vainqueurs  entrez  dans  le  fort  mi- 
rent tout  à  feu  ôc  à  fang  ,  fans  diftindion  de  fexe  ,  d'âge  &  de  con- 
dition. Balbin  parle  de  plufleurs  autres^illes(i)  dont  les  Orphe- 
lins s'emparèrent.  Il  fe  fit  dans  toutes  ces  villes  un  grand  carnage 
de  Catholiques.  Le  Commandant  (1)  de  Kwieùùc\  Chevalier 
Catholique  d'une  grande  diftinction  futconfumé  dans  les  flam- 
mes. Dans  une  de  ces  places  un  prêtre  fut  jette  par  Henri  de  Po- 
dicbrad  dans  une  Balli[ie ,  d'où  on  le  fit  fauter  en  l'air. 

XXL  Après  ces  expéditions  les  Orphelins  à  qui  s'étoient  join-    Cum-fe  de9 
tes  les  troupes  de  Zauni  6c  Zatec ,  allèrent  au  fecours  de  leurs  fre-  0,-phdins  & 
res  les  Tabontes ,  occupez  au  liège  d  une  ville  d  Autriche  appel-  tes  en  Autri- 
lée  Swetla.  Cette  place  fe  défendit  allez  bien,  mais  ayant  enfin  chc. 
étéprife,  elle  fut  réduite  en  cendres.  L'Archiduc  Albert  étant 
venu  à  lentes  journées  au  fecours  des  aiîiégez,  il  trouva  la  ville 
confumée  par  les  flammes.  Cependant  ayant  campé  à  la  vue  de 
l'Ofinemi,  il  y  eut  plufieurs  efearmouches  ,  où  il  périt  beaucoup 
de  monde  de  part  &  d'autre.   Il  fe  donna  bien-tôt  après  (a)  un    (a)  Le  5. 
combat  plus  décifif.  La  vi&oire  fembla  d'abord  fe  déclarer  pour  Novembre. 
Albert,  lesTaboritesavoient  perdu  leurs  chariots ,  &ilseuiîent 
fuccombé  ,  fans  la  lenteur  &  la  molefle  du  Général  &  Albert ,  qui 
leur  donna  le  temps ,  &  de  fe  rallier ,  &  de  remporter  la  vi&oirc , 

(1)  Meita,  Raudnic }  Zcbrac.  Tlortovic.  Kvvietnicx.   &c.  Balb.  Epltom.  p.  4.66. 
(z)  Il  s'appclloit  J  racole  Trcx^ï. 


î&f.      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1425.  qu°i  qu'avec  perce.  De  ià  les  vainqueurs  s'en  retournèrent  en 
Bohême  prendre  des  quartiers  d'hyver.  Le  grand  froid  ne  les 
empêcha  pas  détacher  d'aller  furprendre Prague  pendant  la  nuit. 

(OLetf.De-^  Mais  ils  furent  répondez  par  les  citoyens.  Ces  derniers,  irritez 
ccmbrc.  de  cette  entreprife  qu'ils  regardoient  comme  une  trahifon  ,  en- 
voyèrent à  Procope  Rafe  3  pour  lui  en  faire  des  plaintes.  Les  dépu- 
tez furent  fort  bien  reçus  ;  6c  Procope  ravi  de  ce  qu'on  nes'étoic 
adreflé  qu'à  lui^conclut  une  paix  éternelle  entre  ceux  de  Prague 
6c  les  Taborites  ,  qui  allèrent  hy  verner  à  Clatow  3bÏQii  réfolus  d'al- 

1426.  1er  le  printemps  prochain  vifiter  la  Bavière. 

Cor ihut  af-  XXII.  Au  commencement  de  cette  année  Coribut  affembla  les 
Dicte  aPn- Etats  à  Prague  pour  tacher  depacifîer  les  troubles  delà  Bohême. 
sue«  Les  Seigneurs  3  la  Noblefle,  les  Villes ,  les  principaux  Officiers 

fe  rendirent  à  cette  Diète.  Il  s'y  trouva  un  Seigneur  Catholique 
(b)Fiaxa  de  BurgravedeC^r^/'«(b)  avec  ce  qu'il  y  avoit  de  grands  Seigneurs 
mabi.         fans  le  diftrid  de  Pilfen ,  qui  joints  enfemble  propoférent  ces  4. 
articles.  Le  1. que  (Ion  leur cautionnoit  de  leur  accorder  pleine 
liberté  déparier,  6c  de  leur  donner  une  favorable  audience  3  ils 
étoient  prêts  de  faire  voir  que  ceux  de  Prague  6c  leurs  adhérents 
avoient  des  fentimens  oppofez  à  ceux  de  toute  la  chrétienté.  Le  2. 
article,  qu'on  indiquât  ailleurs  qu'à  Prague  une  diète  générale, 
où.  l'on  pût  trajter  librement  de  la  paix.  Le  3 .  article  ne  diffère 
guéres  du  précédent  3  c'eft  qu'on  affermît  la  paix  dans  le  païs.  Le 
4.  article ,  que  tous  joindroient  leurs  forces  6c  leurs  confeils ,  pour 
afîifter  ceux  qui  entreprendroient  de  punir  6c  de  venger  les  pertur- 
bateurs du  repos  public.  Après  de  longs  débats  fur  ces  articles  ,  la 
(OLcu.   diète  fefépara(c)fans  rien  faire,  parce  que  les  Catholiques,  les 
Janvier.       Taborites ,  [qs  Orphelins  &  ceux  de  Prague  ne  pouvoient  s'accor- 
der entre  eux.  Seulement  tous  les  Eccléfiafliques  de  Prague  pro- 
mirent de  fe  foumettre  à  l'Archevêque  Conrad  ,  qui  de  Ton  côté 
promit  de  maintenir  les  4.  articles  de  Prague.  Theobald  rapporte 
que  pendant  la  diète  deux  Seigneurs  Bohémiens  (1)  fe  battirent 
(d)  iheob.    en  duel  dans  le  château  où  elle  fe  tenoit.  L'un  fut  tué, l'autre  eufcla 
ca£.  LJX.   c^cecoupèe  pour  s'être  battu  dans  une  Maifon  Royale,  &  pour 
Bail.  Epit.   avoir  violé  la  paix .  On  ne  dit  point  quel  étoit  le  fujet  de  leurs  dif- 
p.4<*7-        ferens(d). 
Hoftilitez         XXIII.  Les  Taborites  6c  les  Orphelins  avoient  réfolu  ,  comme 

entre  les  T^ci* 

bontés  &ks  on  l'a.  dit .,  de  fe  jetterau  printemps  dans  la  Bavière.  Mais  le  bruit 
Saxons.        s'étant  répandu  de  la  prochaine  arrivée  des  Princes  d'Allema- 

(  1  )  Irctjin  fut  tu 6 ,    &  Ob?iiffcko  fut  décapite. 

g0S> 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  jtii.  265 
gne,  ils  aimèrent  mieux  fe  liguer  avec  ceux  de  Prague,  pour  être  r^2^. 
mieux  en  état  de  faire  une  bonne  réfiftance.  Cependant  deux  (1) 
Généraux  que  Frédéric  Ele&eur  de  Saxe  avoit  envoyez  à  Aufch , 
ou  Auljig ,  ville  de  Bohême  fur  V Elbe  aux  confins  de  la  Mifnie ,  6c 
à.£ruky  c'eft-à-dire/W,  à  peu-près  dans  la  même  fituation ,  ap- 
prenant que l'allarme  étoit parmi  les  Bohémiens,  profitèrent  de 
cette  occalîon  pour  aller  avec  l'élite  de  leurs  troupes  ravager  la 
province  de  Litomerit^,  où  ils  exercèrent  des  cruautez  horribles. 
Mais  les  Taborites  fe  mirent  auffi-tôt  en  campagne  pour  les  en 
chaiïer.  Ils  allèrent  d'abord  s'emparer  delà  ville  de  Leippe  dont 
les  Saxons  s'étoient rendus  maîtres,  &  après  avoir  brûlé  la  ville 
ils  mirent  unegarnifon  dans  le  château.  A  cette  nouvelle  l'un  des 
Généraux  Saxons  retourna  promptement  i  fon  pofte  &  Auljig ,  ôc 
fit  fçavoirenmême  temps  à  l'Electeur }  que  fi  l'on  n'envoyoit  pas 
au  plutôt  du  fecours ,  on  pouvoit  s'attendre  que  les  Bohémiens 
iroient  fondre  fur  la  Mifnie.  Ce  Prince  envoya  en  effet  des  troupes 
de  Franconie,  deThuringe,  de  Mifnie ,  àuKoigtland&C  de  Saxe. 
Mais  avant  que  ce  fecours  arrivât  les  Taborites  avoient  déjà  re- 
couvré plufieurs  places  pour  la  Bohême.  Le  Capitaine  Jean  Rohac 
Taborite  fe  faifit  de  la  ville  de  Biela  ,  mafiacra  tous  les  jeunes  gens 
&  fit  pendre  les  Officiers  par  les  pieds.  Procope  Rafe  prit  Toplitz^ 
TrobnitzJSx.  quelques  autres  places  voifines  qui  ruifîeloient  du  fang 
des  Catholiques ,  au  rapport  de  Balbin.  A  l'égard  de  ceux  de 
Prague,  ilsallérentaffiéger  Auflîg,  où  ils  trouvèrent  tant  d'ou- 
vrage qu'il  fallut  que  Procope  Rafe  allât  à  leur  fecours  avec  les 
fiens ,  mais  maleré  ce  renfort  ils  ne  laifîérent  pas  d'être  repouflez    (*]  tetf. 

3  ,  &     ,    ,  r  r  Juin. 

avec  grande  perte(a). 

XXIV.  Cependant  la  grande  armée  d'Allemagne  arriva.  On  v££éc\m~ 
dit  qu'elle  étoit  de  1 00000.  hommes.  Les  Chefs  de  l'armée  Aile-  pénale. 
mande  étoient  les  Comtes  de  Weiden  &  de  Schwartzgnbourg.  Ceux 
des  Bohémiens  étoient  Boczfco  de  Podiebrad ,  oncle  du  Roi  George 
de  ce  nom  ;  Hincko  de  Kolftein ,  de  la  maifon  de  Wal(lcin.  Procope 
Rafe  étoit  à  la  tête  des  Taborites.  Les  Impériaux  ,  appuyez  fur 
leur  nombre,  ne  balancèrent  pas  àpréfenter  le  combat.  Il  n'y  eue 
d'abord  que  des  efearmouches  fort  chaudes  entre  les  deuxarmées. 
Mais  le  1 8.  de  Juin  (b)  fe  donna  le  combat  décifif.  Les  Bohémiens  (to  CiiojtU 
s'étoient  retranchez  avec  500.  chariots  attachez  les  uns  aux  au-  Dimanche, 
très  par  de  doubles  chaînes.  Derrière  eux  étoit  le  gros  de  l'armée 

(  1)  Iheodoric  Pack^tf  Gafpar  de  Reckçnbttrg. 

Tom.  /.  Ll 


Ht 


iM        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

14.16.  couverte  de  grands  &.  larges  boucliers  (1)  qu'ils  avoient  fichez 
dans  la  terre  avec  des  crocs.  Dans  cette  pofture  ils  attendoient 
l'ennemi  de  pied  ferme.  L'armée  Allemande  fejetta  d'abord  fur 
eux  avec  grande  impétuofité,  &  à  grands  coups  de  halebardes 
ou  de  haches  à  deux  trenchans  (2) ,  brifa  les  chaînes  qui  tenaient 
les  chariots  attachez ,  &  renverià  les  boucliers  malgré  la  réfiftan- 
ce  des  foldats  qui  étoient  dans  les  chariots ,  pendant  que  d'un  au- 
tre côté,  on  battoit  à  coups  de  flèches  l'armée  qui  étoit  derrière. 
Mais  ce  premier  feu  fut  bientôt  ralenti.  L'armée  impériale  étoit 
harafîée  d'une  longue  marche ,  la  chaleur  étoit  excefïive ,  &  tout 
un  jour  de  travail  à  brifer  les  chaînes  &  à  arracher  les  boucliers  s 
tout  cela  avoit  épuifé  ks  forces.  Il  n'en  étoit  pas  de  même  des  Bo- 
hémiens j  plus  frais  &  plus  courageux  que  les  Impériaux ,  ils  profi- 
tèrent de  l'épuifement  de  ces  derniers  ,  &  renverférent  la  cavale- 
rie avec  leurs  machines  de  guerre.  Ils  avoient  même  inventé  de- 
puis peu  certaines  lances  crochues  3  avec  lefquelles  un  fantafîin 
pou  voit  jetter  par  terre  un  cavalier.  De  forte  qu'après  un  combat 
qui  dura  depuis  la  pointe  du  jour  jufqu'à  l'entrée  de  la  nuit,  l'ar- 
mée Impériale  fut  battue  à  platte  couture.  Il  eft  vrai  que  la  victoire 
fut  long-temps  difputée.  Mais  il  fallut  cédera  la  valeur  des  Bohé- 
miens, à  leur  bonne  difcipline_,  èc  à  l'avantage  de  leurfituation. 
(3^  Toute  cette  groflé  armée  fut  toute  taillée  en  pièces  ou  mife 
en  fuite.  Il  y  demeura  quantité  de  grands  Seigneurs  foj  qu'on  en- 
terra dans  un  village  près  de  Toplitzjous  un  poirier  fauvage,  qui, 
à  ce  que  porte  la  tradition,  fleurit  tous  les  ans  fans  jamais  porter 
de  fruit  (5).  Si  la  tradition  eft  véritable,  &  fi  le  poirier  n'étoit  pas 
ftérile  avant  le  combat,  c'eft  un  allez  bel  emblème  d'une  armée 
florifïànte  qui  fe  laifïe  battre. 

La  même  nuit  que  les  Allemands  perdirent  la  bataille ,  les  Ta- 
borites  qui  étoient  devant  AuJJî^,  prirent  cette  place,  la  brûlè- 
rent ,  &  y  mafïacrerent  tout,  fans  épargner  ni  femmes  ni  enfans. 
Les  Hiftoriens  ne  s'accordent  pas  fur  le  nombre  de  gens  que  per- 

(1)  Iheebald  témoigne  qu'on  voyoit  encore  de  fon  temps  de  ces  boucliers  en  pluficurs  vil- 
les de  Bohême  ,  comme  à  Tufta ,  à  Rifetnberg  &  à  Prague.  Balbin  dit  que  ces  boucliers  étpier.t 
de  bois  ,  &  de  la  hauteur  d'un  homme.  Efttom.  p.  46*7. 

(z)  Balbin  dit  halebardes  ,  halabarda.  Theobakl  bipennis ,  qui  efl:  une  lutche  à  deux  trenchans. 
On  ne  s'en  étoit  pas  fervî  en  Bohême  avant  cette  bataille.  Iheob.  ubi  fupr.  p.  120.  Balb.  £pi- 
tom.  p.  468. 

(3)  C'cftle  témoignage  que  leur  rend  Balbin  après  Iheobaid. 

(4)  Le  Burgrave  de  Mifnie ,  le  Burgrave  de  Jutterbacb  ,  Comités  Imptrii  de  Gleichen ,  de  Bet- 
chlinger  ,  de  Hebenftein  ,  de  Querftirt ,  de  Barby ,  de  lonau  ,  Domiuns  de  Géra  ,  de  Faldgnflein  f 
de  Gradtty ,  duo  Scbleimcii ,  due  de  Bernflein.  Balbin.  Epitom.  p.  4C8. 

(5  )  Balb*  appelle  ce  village  Vrtediict. 


.T.B.  joofln  Scutp 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JCII.  267 
dirent  les  Allemands,  cane  au  fiége  que  dans  le  combat,  &  dans  I^1^. 
diverfes  efearmouches.  Quelques-uns  en  comptent  5 0000,  ce 
qu'on  ne  trouve  pas  vraifèmblable  s  d'autres  12000,  6c  d'autres 
qooo.  feulement.  La  perte  des  Bohémiens  monta  à  3000.  hom- 
mes. Theobald  rapporte  ici ,  fur  la  foi  d'un  manuferit,  cette  par- 
ticularité :  c'eit,  que  la  veille  du  combat  un  certain  Seigneur  du 
parti  Allemand,  nommé  ï)iee%inski,  s'étant  reconcilié  avec  les 
Taborites  dont  il  étoic  ennemi  capital ,  leur  fut  d'un  grand  fe- 
cours  dans  cette  occafion.  Il  fit  même  une  trahifon  à  plufieurs 
Allemands  qui  s'étoient  retirez  dans  une  fortereiïe  nommée 
Schreckenftein  ,  c'eft- à-dire ,  pierre  d'épouvante.  Car  faifant  mine 
d'être  pourfuivi  par  les  Taborites,  il  demanda  l'entrée  de  la  pla- 
ce pour  lui  6c  pour  quelques  gens  qu'il  avoic  àfafolde.  Comme 
on  ne  fe  défioit  de  rien,  on  lui  en  ouvrit  la  porte.  D'abord  il  fie 
la  garnifon  prifonniere  ,  &  tua  tout  ce  qui  fit  quelque  réfiftance. 
Cette  noire  adion  ne  demeura  pas  long-temps  impunie.  Cet  hom- 
me accoutumé  aux  trahifons,  ayant  quelque  temps  auparavant 
invité  chez  lui  à  manger  un  Seigneur  de  Bohême,  Tavoit  arrêté 
prifonnier  pour  l'obliger  a  lui  céder  quelque  place.  Mais  un  au- 
tre Seigneur  qui  s'intérefloic  aux  prifonniers,  le  fît  prifonnier  lui-  (a)TAwA.ubi 
même.  On  ne  dit  pas  ce  qu'il  devint  (a).  fupr.p.iao. 

XXV.  Après  cette  vicîioire  les  Taborites  incapables  de  de-  siège  de  r-o- 
meurer  en  repos,  allèrent  attaquer  Podiebrad,  où  commandoit  d^u'trcs'  pia. 
le  Seigneur  de  ce  nom  (1)  avec  une  forte  garnifon.  Ils  y  perdi-  ces  par  les 
rent  S* 00  hommes  dès  le  premier  afTaut.  On  rapporte  qu'il  n'y  Tabontes- 
avoit  point  de  Seigneur  en  Bohême,  qui  fût  pourvu  d'une  meil- 
leure artillerie  &  de  plus  habiles  bombardiers  que  celui-ci.  Aufïî 
fit-il  avec  Ces  coulevrines,  fes  mortiers  &  autres  machines  ,  un 
G  terrible  fracas  fur  les  alîiégeans,  qu'ils  furent  contraints  de  le- 
ver le  fiége,  &  d'aller  camper  plus  loin,  en  attendant  Toccafion 
de  le  recommencer.  Theobald  raconte  qu'un  Dimanche  fête  de 
faint Michel ,  qu'ils  faifoient  leurs  dévotions  dans  leur  temple, 
un  boulet  de  pierre  ou  de  fer,  lancé  de  la  forterefle ,  écrafa  onze 
perfonnes,  6c  mit  en  fuite  le  refte  fans  attendre  la  bénedidion. 
Après  avoir  demeuré  là  inutilement  jufqu'au  commencement  du 
mois  de  Novembre,  ils  réfolurent  enfin  de  décamper  au  milieu 
des  huées  des  afîîégcz.    Quelques-uns  d'entre  les  Taborites  ne 
pouvant  fouffrir  leurs  railleries,  mirent  chauflès  bas  pour  leur 

(  1  )  Boctcon  Podiebrad.  Ce  Seigneur  c'toit  Huliitc ,  mais  les  Taborites  lui  en  vouloient,parce 
qu'il  avoir  fait  priibimiers  quelques-uns  de  leurs  gens. 

Llij 


26§       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

14.16.  montrer  le  derrière.  Mais  ils  furent  fi  bien  régalez  à  coups  de 
boulets  par  les  bombardiers }  qu'il  en  demeura  plufleurs  fur  la 
place.  Le  Seigneur  Podiebrad  apprenant  qu'ils  alloient  hyverner 
à  Nimbourg ,  alla  affiéger  cette  place  ^  mais  l'ayant  attaquée  avec 
(a)  Le  16.  trop  de  confiance  êc  de  précipitation  3  il  y  fut  tué  (a).  Les  Tabo- 
Nuvcmbr».  rjtes  s'emparèrent  cette  même  année  de  la  ville  de  Mife(i)  fur 
la  rivière  de  ce  nom  par  compofition ,  &  en  chafïerent  les  Ca- 
tholiques. Ceux  de  Pilfen  qui  étoientau  voifînage,  firent  des  re- 
proches fort  fanglans  aux  citoyens  de  Mife ,  d'avoir  contre  leur 
parole  livré  leur  ville  à  un  Capitaine  hérétique  (2),  quin'avoic 
avec  lui  que  dix  hommes.  L'excufe  de  ceux  de  Mife  eft  afîez  plai- 
fante }  ils  dirent  que  ce  redoutable  chef  Taborite  avoit  une  fi  lon- 
gue épée  3  qu'elle  pouvoit  atteindre  d'une  porte  à  l'autre. 
MortàeCm-  XXVI.  Les  Hifloriens  de  Bohême  les  plus  exacls  placent  à 
nuedcPra-" cecte  année  la  mort  de  Conrad  de  Weftphalie  archevêque  de  Pra- 
gue, gue.  Il  avoit  acheté  ce  bénéfice  &  Albicus  célèbre  par  fon  avarice. 
On  a  parlé  de  ce  dernier  allez  amplement  dans  l'hiftoire  du  Con- 
cile de  Confiance  ,  aufîi-bien  que  de  Conrad.  Celui-ci  avoic  été 
auparavant  évêque  à'Olmutz^,  puis  doyen  de  Wifrhade  après  avoir 
vendu  &  engagé  tous  les  revenus  de  fon  Evêché.  On  dit  qu'il  en 
ufa  de  même  de  l'Archevêché  de  Prague ,  &  qu'il  envoyoit  l'ar- 
gent de  fon  bénéfice  à  fes  amis  en  Wefiphalie.  On  a  vu  ailleurs 
qu'en  142 1.  il  fe  rangea  dans  le  parti  des  HufTites.,  &,  ligna  les 
quatre  fameux  articles  dont  on  a  parlé.  Il  avoit  été  appelle  au 
Concile  de  Confiance  où  il  ne  comparut  point  ,  non  plus  que  de- 
vant Martin  K.  qui  l'avoit  cité.  C'efi  ce  qui  obligea  ce  Pontife  à 
l'excommunier  par  une  bulle  dattée  de  Rome  du  2  de  Janvier 
de  cette  année.  Elle  eft  adrellée  aux  Prélats  à' Allemagne ,  de 
Pologne ,  de  Hongrie ,  de  Bohème ,  de  Moravie  3&c  aux  Inquifiteurs 
de  la  foi  dans  ces  Etats.  Il  repréfente  dans  cette  bulle,  »  1.  Que 
»  la  négligence  de  Conrad  à  pourfuivre  les  Hérétiques ,  l'avoit  ren- 
»  du  fort  fufpect  des  le  temps  du  Concile  de  Confiance,  &  qu'il 
»y  avoit  été  cité  fans  y  vouloir  comparoître.  2.  Qu'il  avoit  ap- 
»  pris  que  le  même  Conrad  avoit  afîemblé  un  faux  lynode^oùil 
«avoit  adopté  les  erreurs  des  Hufîîtes.  3.  Qu'il  avoit  commis  le 
«Cardinal  de  faint Marc  pour  s'informer  de  la  vérité  du  fait,  ôt 
»  que  ce  Cardinal  en  ayant  été  éclairci ,  avoit  cité  Conrad  par  affi- 

(  1  )  Cette  ville  qui  n'étoit  autrefois  qu'un  village ,  fut  bâtie  par  Sohiejlttvv  27.  Duc  de  Bohê- 
me. On  y  trouva  des  mines  d'argent,  ce  qui  lui  fit  donner  un  nom,  qui  en  Bohémien  lignifie 
Argentine.  C'eft  de  là  qu'étoit  le  ce'le'bre  Jatobel. 

(2)  Il  s'appelloitPr:u7>i£.  Klenovv\y.  Il  eft  appelle'  héros  invincible.  Theob.  p.  J  22. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JXTli.  i69 
ches  publiques  j  mais  que  n'ayant  point  comparu ,  il  l'avoit  con-     jai6. 
damné  par  contumace.  4.  Martin  déclare  qu'en  confirmation 
de  cette  fentence ,  il  avoit  excommunié ,  anathématifé ,  dépofé 
Conrad  3  non  feulement  comme  rebelle,  mais  comme  hérétique 
déclaré  3  &  ordonné  à  tous  les  Chrétiens  de  fe  faifîr  de  fà  per- 
fonne,  pour  être  dégradé  folemnellement  (a).  Cochlée  dit  que  (a)  RaynaU. 
Conrad  fit  une  fin  rnalheureufe  dans  le  château  de  Hclfenbourg,  Num!1ch 
fans  fpécifier  le  genre  de  fa  mort  (b).  Mais  Zupacius  dit  qu'il  xin. 
mourut  tranquillement  à  Raudnitz^  place  qui  lui  appartenoit ,  ^^°u^Uy\ 
&  qu'il  fut  enterré  dans  une  Eglife  de  Prague  (  1  ).  P.  108. 

(1)  Lupac.XXV.  Decemb.  CetHiftorien  fetrompeen  plaçant  la  mort  de  Conrad  en  1421. 
zuiW-bicn que Cocble'e ,  quihmetà  1423.  La  vraye date eft le  6.  d'Aoufl;  1426.  Balbin.  Epi- 
tom.  p.  46'8. 


L  1  iij 


I  S  T  O  I  R  E 

DE       LA 


GUERRE 

DES 

U  S  S  I  T  E  S 


1-J      kj 


14.16. 

Expédition 
de  l'rocope  en 
Moravie. 


CONCILE    DE     B  A  S  L  E. 

LIVRE    XIII. 

'Archiduc  profitoit  de  ces  troubles  inceflins  en 
Bohême,  pour  recouvrer  ce  qu'il  avoit  perdu  l'an- 
née précédente  en  Moravie.  Il  avoit  employé  une 
partie  de  l'été  à  reprendre  Ewant^ich  dans  le  dif- 
trict  ac  z.noima,  fans  en  pouvoir  venir  à  bout  :  mais  apprenant 
que  Procope  Rafe  s'avançoit  à  grands  pas  avec  les  Taborites  6c 
les  Orphelins  pour  fecourir  cette  place,  il  levalefiége  èc  fe  re- 
tira avec  fon  armée  en  lieu  de  fureté.  Procope  en  effet  s'étoit,fans 
beaucoup  de  peine ,  emparé  de  quelques  forts  en  chemin  faifant  y 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.JflIl.  i7t 
niais  il  n'en  fut  pas  de  même  à  Kamenitx^3  ville  fur  les  frontières  14_1^ 
de  la  Bohême  6c  de  la  Moravie ,  où  il  y  avoit  une  bonne  forterefîe, 
Elle  fut  vaillamment  défendue  par  la  fille  (  i)  d'un  Seigneur  qui  lui 
en  a\*)it  confié  Ja  garde  en  mourant.  Cette  courageufe  fille  fça- 
chant  le  defîein  qu'avoit  Procope  Rafe  de  la  venir  attaquer,  s'e- 
toit  pourvue  avec  une  prudence  admirable  de  tout  ce  qui  étoit 
neceflaire  pour  foutenir  un  fiége.  Lorfque  Procope  6c  fes  gens  la 
fommerent  de  rendre  la  place  par  de  terribles  éclats  de  voix  :  Je  ne 
fuis  3  dit-elle  avec  un  courage  intrépide  ,  qu'une  jeune  fille  foible  ; 
mais  fai  pourtant  ajfez^de  cœur  pour  ne  pas  mallarmer  de  la  féroci- 
té de  votre  langage  ,  &  pour  ne  pas  céder  ma  place  fans  la  défendre. 
Elle  fe  fentoit  fortifiée  dans  oàtte  genereufe  réfolution  par  fon 
parent  Meinard  de  Maifon  Neuve ,  d'une  des  plus  anciennes  fa- 
milles de  Bohême  qui  lui  avoit  promis  d'accourir  à  fon  fecours.  Il 
femiten  effet  en  devoir  de  tenir  parole,  mais  ayant  été  attaqué 
6c  battu  en  chemin  (2)  parlesTaborites,  il  eut  beaucoup  de  peine 
àéchaper  lui-même  avec  quelques  Seigneurs.  Cependant  l'hé- 
roïne ne  perdit  pas  courage.  Egalement  inflexible  aux  promef- 
fes&  aux  menaces  de  l'impatient  Procope  ,  elle  le  prefîa  pendant 
quinze  jours  h*  vivement ,  qu'il  commençoità  defefpererdel'en- 
treprife  :  enfin  3  comme  il  n'y  avoit  pas  d'apparence  de  tenir  plus 
long-temps,  les  murailles  faifant  brèche  en  plufieurs  endroits, 
l'efpérance  du  fecours  entièrement  perdue,  elle  aima  mieux  ca- 
pituler que  dehazarder  une  ruine  totale.  La  garnifonfortitavec 
armes  6c  bagages,  ôc  permifïïon  defe  retirer  où  elle  voudroit, à 
condition  pourtant  de  laifîerdans  la  place  les  machines  6c  toutes 
les  munitions  de  guerre  6c  de  bouche.  On  tint  parole  à  la  coura- 
geufe Amazone.  Schwamberg  l'un  des  Chefs  des  afïïégeants  la  con~ 
duifit  avec  bonne  efcorteoù  elle  voulut  fe  retirer.  Il  n'en  fut  pas 
de  même  de  ceux  qui  après  la  défaite  dont  on  vient  de  parler  s'é- 
toient  retirez  dans  le  château.  On  les  fit  tous  prifonniers ,  com- 
me n'étant  pas  compris  dans  la  capitulation. 

I  I.  Depuis  la  déroute  de  Maifon  Neuve ,  il  fe  faifoit  de  conti-   Courfc  des 
nuels  a&es  d'hoflilité  entre  les  troupes  de  ce  Seigneur  6c  les  Ta-  Jabonte* 

..—,,.  n  r  ,        °  fur  les  terres 

bontés.  Ce  n'etoient  que  mafiacres  &  brigandages  au  grand  dom-  de  Maifon- 
mage  du  pauvre  *païfan  ,  qui  voyoit  impitoyablement  fourager  6c  Netlve- 
couper  fa  moiffon  3  fur  tout  l'un  des  Chefs  des  Taborites  Kromef- 

(1)  Agnes  fille  de  Procope  de  Sevm.i  d'Auft. 

(2)  Ce  combat  le  donna  près  d'un  Vivier  que  les  Huffites  appelèrent  Kalifcb,  c'eft-A-dirc, 
Calice,  parce  qu'ils  aroient  attaqué  ce  Seigneur  &  quelques  autres  Catholiques  pour  la  dc- 
fenle  du  Calice.  Cz/cbor.  Mars  Moravie. 


i72         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1416.  fin  3.  (\ui  Procope  ifon  déparc  pour  la  Moravie,  avoir  confié  la  gar- 
de de  Tabor  &  de  fon  territoire ,  faifoic  des  courfes  continuelles 
dans  les  places  voifines  des  terres  de  Maifon  Neuve.  Ce  Seigneur 
de  fon  côté  ne  manquoit  pas  d'occafions  de  prendre  fa  revanche. 
Après  bien  des  pilleries  les  Taborites  allèrent  mettre  le  fiege  de- 
vant une  petite  ville  appartenant  à  Maifon  Neuve.  Quoique  cec- 
te  ville  n'eût  pour  tout  rempart  qu'une  double  palifTade  ,  les  ha- 
birans  réfolurenc  de  la  défendre  jufqu  a  la  dernière  goûte  de  leur 
fang  ,  regardant  leur  mort  comme  un  martyre  pour  la  Religion 
Catholique.  Des  la  pointe  du  jour  qu'ils  s'étoient  approchez  fe- 
cretementde  la  palifTade  pour  y  grimper,  ils  furent  vigoureufe- 
ment  repoufTez  ;  l'attaque  ôc  la  ifenfe  furent  des  plus  chaudes 
pendant  une  heure  5  mais  les  Taborites  commençant  à  plier ,  Kro- 
meljîn  tant  par  promeuves  6c  par  menaces,  qu'à  grands  coups  d'une 
mafîuè" ,  dont  il  étoit  armé  comme  Ziska  3  les  força  deraprocher 
de  la  palilïade  &  de  continuer  l'attaque  3  mais  ils  furent  encore 
obligez  de  lâcher  pied.  Ils  alloient  pourtant  recommencer  après 
quelques  heures  de  répit,  lorfque  Kromef/în  apprit  que  Maifon 
Neuve  venoit  avec  fes  troupes  6c  celles  de  fes  alliez  au  fecours  de 
fa  ville.  Le  Chef  Taborite  ne  jugeant  pas  à  propos  de  hazarder 
ïes  gens  affoiblis  contre  des  troupes  fraîches ,  décampa  fecrete- 
ment  pendant  la  nuit  pour  fe  retirer  à  Kamenit\&c  attendre  du  fe- 
cours des  Taborites  &  des  places  circonvoifînes  où  les  Taborites 
avoient  garnifon.  Ils  avouèrent  qu'ils  avoient  plus  fouffert  devant 
cette  bicoque  que  devant  des  places  importantes.  Enfin  Maifon 
Neuve  las  de  voir  fon  pays  défolé  par  les  Taborites  fit  fa  paix  avec 
eux  fur  la  fin  de  Novembre. 
Expédition  m.  Procope  apprenant  à  fon  arrivée  à  Ewantz^k  3  que  l'Ar- 
Autriche.' en  cn*duc  en  avoit  décampé  ,  réfolut  d'aller  avec  Koribut  ôc  ceux  de 
Prague  en  Autriche  pour  régaler  (es  troupes  du  pillage  qu'il  y  fie 
par  toute  la  campagne  jufqu'aux  bords  du  Danube.  A  fon  retour 
quoique  l'Automne  fût  déjà  fort  avancé  Se  que  les  pluyes  incom- 
modaient beaucoup  ,  il  mit  le  fiége  devant  la  ville  de  Rctz^n ,  qui 
confine  à  la  Moravie ,  où  ceux  du  voifinage  avoient  tranfporté 
leurs  effets.  Elle  étoit  commandée  yzx  Jaques  de  Haydek^  Bur- 
grave  de  Magdebourg  qui  en  étoit  Seigneur  &  qui  y  avoit  environ 
iix  cens  hommes ,  tant  de  milice  que  de  troupes  réglées.  Les  deux 
premiers  jours  furent  fort  meurtriers  de  part  6c  d'autre.  Les  Ta- 
borites perdirent  le  Seigneur  de  Schwambcrg,  l'un  de  leurs  Chefs 
qui  avoit  été  d'abord  fort  contraire  aux  Huflites,  mais  qui  enfuite 

ayant 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JT1II.  273 

ayant  été  pris  par  Ziska  ,s'étoit rangé  dans  fon  parti.  Le  troifiéme  14.16 1 
jour  lavillefuccomba  fous  l'effort  des  affiégeants  qui  n'épargnèrent 
perfonne.  Il  y  en  eut  pourtant  qui  fe  retirèrent  dans  la  fortepefîe. 
Elle  fut  auffi  attaquée  avec  tant  de  vigueur  qu'il  fallut  fe  rendre  à 
difcretion.  La  ville  fut  abandonnée  au  pillage  du  foldat,  &  les 
Chefs  des  vainqueurs  eurent  pour  partage  la  forterefle,  où  il  y 
avoit  beaucoup  plus  de  butin.  Le  Gouverneur  avec  fa  femme ,  (es 
enfans  &c  ce  qui  échapat,  furent  emmenez  prifonniers  en  Bohême, 
où  ce  Seigneur  mourut ,  tant  de  chagrin  que  de  vieillelTe  dans  le 
château  de  Valdjlein.  La  mère  ôc  les  enfans  furent  renvoyez  en  ^)cx.echr. 
Autriche,  (a).  p$7*-$79- 

I  V.  Quoiqu'il  s'en  fallut  beaucoup  que  les  fcênesne  fufTent  p%r   Affa.resé- 
toutaufîî  tragiques  qu'en  Bohêmeje  refte  de  l'Europe  n'étoit  gue-  |ra.nse'r^ 
res  pi  us  tranquile.LeDucdeiW//^»tyrannifoitprefque  toute  l'Ita-  gne. 
lie.  Les  Florentins  ayant  fur  tout  en  lui  un  ennemi  fort  redoutable, 
furent  obligez  d'avoir  recours  au  Pape  pour  implorer  fon  fecours 
par  des  Ambafladeurs  qui  ne  furent  pas  écoutez  favorablement. 
On  foupçonna  fore  le  Pape  d'avoir  prolongé  cette  guerre  pour 
mortifier  les  Florentins  qui  avoient  pris  le  parti  du  Roi  d'Arragon. 
CeRoyaume  étoit  toujours  troublé  par  la  concurrence  d'Alphonfe 
ôc  de  Louis  d'Anjou,  que  Jeanneâvoit  adoptés  après  avoir  rejette  le 
premier.Les  inimitiez  entreMartin  V.  &  le  Roi  d'Arragon^u  fujec 
du  Royaume  de  Naples  alloient  toujours  en  augmentant.  Le  Pape 
avoit  envoyé  Pierre  Cardinal  de  Foixice  Monarque  pour  négo- 
cier la  paix.  Mais  A Iphonfc  refufant  l'entrevue  fous  divers  prétex- 
tes j  le  Pape  réfolut  d'en  venircontre  lui  aux  dernières  extrémitez. 
C'eft  ce  qu'il  notifia  à  Jean  Roi  de  Cafiille ,  par  une  lettre  où  il 
lui  fait  une  longue  déduction  de  (es  griefs  contre  Y  Arragonois  -y 
celui-ci  de  fon  côté  fe  difpofoit  à  déclarer  la  guerre  au  Roi  de  Caf- 
tille  ,  pour  l'obliger  à  mettre  en  liberté  Henri  d'Arragon ,  qu'il  te- 
noit  prifonnier  à  Tolède.  Charles  Roi  de  Navarre  avoit  entrepris 
de  réconcilier  ces  deux  Rois ,  mais  fa  mort  fubite  arrêta  la  négo-    ^  m» 
ciation  qui  fut  continuée  avec  fuccès  par  Jean  frère  d'Alphonfe  fon  *EJp-  t.iii. 
fucceffeur(b)..  P'4P°- 

V.  Le  Pape  fît  environ  ce  temps-  ci  une  promotion  de  quatorze    P£m<)tio* 
Cardinaux  pour  fortifier  fon  confeil ,  par  rapport  aux  grandes  af-  liaux. 
faires  qu'il  avoit  fur  les  bras  par  toute  l'Europe.  Comme  il  y  en  a  Unis  AU*- 
qui  paroîtront  fouvent  fur  la  fcêne ,  il  faut  les  faire  connoître.  n 
L'un  des  plus  confiderabies  étoit  Louis  Allemand,  d'une  ancienne 
maifon  dans  le  Bhgey  en  Lrejfe  :  fon  mérite  l'éleva  bientôt  à  de 
Tom.  J.  M  m 


i74       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1416.    grands  emplois  dans  PEglife.  Il  fut  d'abord  chanoine  &  comte 

dans  l'Eglife  de  6Y.  Jean  de  Lyon  ,  enfuite  Evêque  de  Maguelone  3 

autrefois  ville  Epifcopale  du  bas  Languedoc  près  de  Montpellier  3 

oùl'Evêché  aéré  transféré  3  puis  Archevêque  d'Arles  3  éc  enfin 

Cardinal  de  Ste  Cécile,  delà  création  de  Martin  V.  En  1416.  le 

Pape  Pappella  pour  être  Légat  de  Bologne ,  ôc  il  s'acquitta  de  cet 

emploi  avecapplaudifïement.  Il  mourut  en  1450.  à  Salon  en  Pro- 

Doa.  Purp.  vence  en  odeur  de  fainteté.  On  le  fait  auteur  de  divers  ouvrages 

tîb.m.        qUi  n'ont  point  parus  (a).  On  le  verra  paroîcre  avec  un  grand  éclat 

Benrï  de    au  Concile  de  Bafle. 
Benujon  VI.  On  a  déjà  parié  à  l'occafion  des  affaires  d'Angleterre  ,  de 

annchfjier.  H,enri  de  Beaufort  Evêque  de  Winchefier ,  oncle  de  Henri  V.  &C 
par  conséquent  du  Duc  àeJSetfordRégÇQl  de  France  ,  &  du  Duc 
de  Glocefteriprotçâcur  d'Angleterre.  On  a  vu  dans  l'Hifloire  du 
Concile  de  Confiance,  que  ce  Prélat  paflant  à  Ulme  3  pour  aller 
en  Terre  Sainte, y  fut  appelle  pour  terminer  les  divifions  qui  étoient 
furvenuëSj  qu'il  y  vint  en  habit  de  pèlerin  ,  &:  qu'il  y  aravailla  avec 
rantdefuccèsque  Martin  V.  le  fit  Cardinal  in  -petto  pour  le  dé- 
clarer en  temps  &  lieu.  Je  n!ai  point  fç/i  s'il  exécuta  le  voyage  de 
Terre  Sainte.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'efl  que  fa  dignité  de  Car- 
dinal ne  fut  déclarée  qu'en  1426.  Le  Pape  le  fit  fon  Légat  en  An- 
gleterre. Il  fut  néanmoins  traverfé  dans  ce  dernier  caractère  par 
le  Duc  de  Glocefier ,  qui  comme  on  l'a  vû,nel'aimoitpas  :  c'étoit 
un  privilège  de  la  nation  ,  qu'aucun  Prélat  ne  pouvoir  y  faire  les 
fondions  de  Légat  ,  fans  la  permifîion  &  l'aveu  du  Roi.  Le  Duc 
en  qualité  de  Protecteur  fe  plaignit  de  cette  infraction  &  en  ap- 
pellaau  Concile  Oecuménique  prochain.  Il  fallut  qu'Henri  'cé- 
dât ôc  fe  contentât  d'agir  pour  les  intérêts  du  Pape  ,  comme  Car- 
dinal ,  mais  non  comme  Légat.  Il  fut  bien-tôt  après  chargé  d'une 
commifîion  importante.  Le  Pape  avoit  déjà  envoyé  inutilement 
plufieurs  Légats  en  Bohême  pour  en  appaifer  les  troubles:  ju- 
geant qu'un  Prélat  de  la  naifîance,  de  l'autorité,  du  zèle&  de 
l'habileté  de  Henri  y  feroit  plus  propre  qu'aucun  autre,  il  le  mit  à 
la  tête  d'une  nouvelle  croifade  contre  \qs  Hufîites.  On  l'y  verra 
tout  à  l'heure  faire  une  afîé.ztrifte  figure.  Il  mourut  en  1447.  On 
peut  voir  le  caractère  de  ce  Prélat  dans  l'Hiftoire  d'Angleterre  de 
Mr.  de  Rapin. 
Niahs  ai-  V  IL  On  a  eu  occafion  de  parler  amplement  de  Jean  de  Prague 
hergatt.  Evêque  à'Olmutz^,  furnommé  de  fer ,  à  caufe  de  fon  inclination 
martiale,  mort  en  1430.  Je  ne  trouve  tknd'VrciJîn  de  la  Porte 


ET  DU  CONCILE  DE  B  A  S  L  E.  Liv.  JT1JI.  175 
Evêque  de  Tfovare,  fi  ce  n'eft  qu'il  fut  au  Concile  de  Confiance  5  14.2.6, 
£c  qu^Eneas Sylvitts  en  a.  fait  un  fort  bel  éloge. Il  mourut  en  1434. 
On  a  eu  auifi  plus  d'une  occafion  déparier  du^Cardinal  Nicolas 
Albergati  Evêque  de  Bologne.  Il  fut  appelle  à  cet  Evêché  en  141  5. 
ôcfe  défendit  long-temps  de  l'accepter.  Il  s'en  excufa  d'abord  fur 
ce  qu'étant  Chartreux  il  ne  pouvoit  accepter  ce  bénéfice  fans  la 
permifîion  du  Prieur  de  la  grande  Chartreufè  Ôc  du  Chapitre  gé- 
néral. On  envoya  donc  à  Grenoble  pour  l'obtenir.  Non  feulement 
la  permifîion  vint  j  mais  même  un  ordre  exprès  de  ne  pas  réfifter 
à  cette  vocation.  Cependant  Albergati  &v  oit  encore  une  corde  en 
Ton  arc  ,  pour  parer  le  coup ,  ou  pour  poufîer  plus  loin  la  comédie. 
Le  Siège  de  Rome  étant  demeuré  vaquant  parla  dépofition  de 
Jean  XXIII.  il  allégua  pour  exeufe  qu'il nepouvoit  entrer  en  pof- 
feffion  du  bénéfice  ,  fans  l'agrément  6c  la  confirmation  de  l'Arche- 
vêque de  Ravenne ,  de  qui  relevoit  l'Eglife  de  Bologne.  On  écrivit 
à  Ravenne.  L'Archevêque  non  content  de  confirmer  l'élection 
menaça  l'Evêque  des  jugemens  de  Dieu  s'il  laiffoit  plus  long-tems 
cette  Eglife  fans  Pafleur.  Il  fallut  donc  fe  rendre.  Dès  qu'il  fut 
entré  en  pofïeilion ,  il  afïembla  un  Synode  pour  régler  les  mœurs 
du  Clergé  que  le  Schifmeôc  l'Anarchie  avoient  fort  corrompues. 
Il  érigea  un  Séminaire  pour  Tinflrudion  de  la  jeunefîè ,  &  relégua 
les  filles  5c  les  femmes  de  mauvaife  vie  dans  un  coin  de  la  ville.  Il 
marioit  à  (es  dépens  celles  qui  revenoient  de  leurs  défordre% 
Après  avoir  joiii  paifiblemenc  de  fon  bénéfice  pendant  quelque 
temps  ,  il  s'éleva  contre  lui  un  furieux  orage  à  cette  occafion. 
Bologne  avoit  recouvré  fa  liberté  &  n'étoit  engagée  envers  le  Siège 
de  Rome ,  qu'à  l'obéïllance  que  lui  dévoient  tous  les  Etats  Catho- 
liques. Martin  V.  qui  connoifToit  le  crédit  6c  l'habileté  du  Prélac 
lui  donna  la  Commiffion  de  la  ramener  fous  l'obéïlîancedu  St. 
Siée;e.  Bien  loin  de  rien  obtenir,  les  Bolonois  l'envoyèrent  lui- 
même  pour  plaider  leurcaufe  auprès  du  Pape,!  Il  n'accepta  une 
commifïion  G  délicate  qu'avec  une  extrême  répugnance,  6c  à  con- 
dition qu'on  lui  aflocieroit  deux  autres  députez  d'entre  les  princi- 
paux de  la  ville,  pour  être  témoins  de  la  négociation.  L'Ambafla- 
de  fut  très-mal  reçue.  Le  Pape  renvoya  Albergati  avec  des  lettres 
de  cachet  qui  contenoient  l'anathême  contre  la  ville,  ôc  ordre 
d'en  faire  lecture  à  fon  arrivée  fous  peine  d'excommunication.  A 
cette  lecture  l'affection  des  Bolonois  pour  leur  Evêque  fe  changea 
en  fureur.  On  envoya  des  foldats  dans  fon  palais  pour  PafTafiiner  , 
&  il  eût  été  martir  de  la  caufe  du  Pape ,  s'il  n'eut  décampé  en  ha- 

Mmij 


ijt    HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.16.    bit  féculierpour  fe  réfugier  à  Florence  chez  les  Chartreux.  Le 
Pape  à  cette  nouvelle  envoya  Braccio  à  la  tête  d'une  armée  pour 
ranger  les  Bolonbis.  La  Ville  fe  rendit  3  &  l'Evêque  retourna 
dans  fon  diocéfe,d'où  Martin  l'envoya  Légat  en  France.  L'ayant 
fait  Cardinal  à  fon  retour,  il  l'envoya  au  Duc  de  Milan  ,  pour 
terminer  la  guerre  queceDucfaifoitaux  Vénitiens  &  aux  Floren- 
tins. Il  ne  fut  pasplutôt  revenu  dans  fon  diocéfe  qu'il  s'éleva  une 
nouvelle  iédition  dans  la  ville.  Le  Prélat  fut  encore  oblige  de 
s'enfuir  déguifé.  Auffitôt  après  fon  évafion  les  Bolonois  fe  choifi- 
rent  un  autre  Evêque.  Cette  rébellion  attira  de  nouveaux  anathê- 
mes  fur  Bologne.  On  le  verra  dans  la  fuite  renvoyé  en  France  pour 
y  négocier  la  paix.  De  là  il  alla  à  Baie  foiitenir  dans  ce  Concile  ks 
(»)%!?.     intérêts  d'Eugène ,  &  enfin  à  Florence  où  ce  Pape  avoit  transféré 
Du^l  in  le  Synode.  Albergati  mourut  à  Sienneeû  1443 .  âgé  de  6  H  ans  (a). 
Juliano  cal      VIII.  Juliano  Cxfarino  ,  d'une  famille  noble  de  Rome  3  ne  fit 
jarine.         pas  un  r£ie  moins  éclatant.  ALneas  Sylvius  dans  une  lettre  au  Duc 
de  Milan  le  répréfente  comme  le  plus  éloquent  homme  de  fon 
temps,  d'un  grand  fçavoir,  d'une  prudence  confommée  3  d'un 
génie  élevé  6c  propre  à  tout  ce  qu'il  entreprenoit.  Il  enfeignale 
Droit  ipadoue,  avecapplaudillement ,  Steutpour  auditeur  Do- 
minique Capranica  depuis  Cardinal  (  1).  Il  exerça  plufieurs  charges 
à  la  Cour  de  Rome  3  comme  celle  d'Auditeur  de  Rote,  de  Proto- 
notaire 3  de  Référendaire.   Il  fut  envoyé  en  Angleterre  à  Henri 
VI.  pour  redreiîer  les  griefs  que  le  Pape  avoit  contre  ce  Royau- 
me, où  l'on  avoit  réfolu  de  ne  point  envoyer  d'argent  à  Rome  -y 
maisiinereuiTit  pas  dans  cette  négociation,  parce  que  i'aftaire 
fut  renvoyée  au  prochain  Parlement  3  comme  cela  paroît  par  une 
[b]  Ray»,    lettre  de  Martin  V.  à  cette  alïemblée  (b).  Apres  avoir  exerce  ces 
1417.11.15.  charges  Martin  V.  le  fit  Cardinal  Diacre  3  ians  pourtant  le  décla- 
rer publiquement,  ce  qui  nefefit  qu'en  143  c\  On  le  verra  mal 
reùifir  dans  fa  légation  en  Allemagne ,  où  ce  Pape, l'envoya  contre 
les  Bohémiens.  11  fut  un  des  Pi éfidents  du  Concile  de  Bafle  en  la 
place  d'Eugène  IV.  qu'il  blâma  fore  librement  de  ne  vouloir  pas  y 
venir,  comme  on  le  dira  dans  fon  temps.  Cependant  Julien  quitta 
lui-même  ce  Concile  pour  aller  trouver  le  V^eV  Florence  où  il 
tenoit  un  autre  Concile  contre  celui  de  Bafle.  Depuis  il  fut  envoyé 
yzv  Eugène  IV.  en  Pologne  à  Wlaâiflas 3  pour  obliger  ce  Monar- 
que à  rompre  la  paix  qu'il  avoit  faire  avec  le  Turc  Amurat ,  fans 
confulter  l'oracle  de  Rome.  Il  en  prit  mal  à  Wudiflas  d'avoir  fuivi 

[  1  ]  Sur  Demimea  Capranna ,  voyez  Tkoggnwa  Part.  I .  p.  6^.  58. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JTIII.  277 
un  confeil  fi  perfide.  Il  y  fut  tué  dans  une  bataille  aufll-bien  que  le    Jj1  $t 
mauvais  conseiller  dont  on  a  pourtant  voulu  faire  un  martyr. C'eft 
ce  qu'on  verra  plus  amplement  en  1 444. 

IX.  La  France  &  l'Angleterre  n'étoient  pas  plus  en  repos.  Le    France  & 
premier  de  ces  Royaumes  fouffroit  par  la  fuperiorité  des  armes  AnSlctcrre> 
desAnglois  ôepar  la  divifion  des  Princes.  Les  affaires  dQ  Charles 

VII.  étoient  tellement  dérangées  qu'on  ne  l'appelloit  plus  que 
le  Roi  de  Bourges.  L'Angleterre  étoit  aufïï  fort  troublée  par  les 
inimitiez  du  Duc  de  Glocefter  &  de  l'Evêque  de  Winchefter  fon 
oncle.  La  querelle  fut  pourtant  finon  terminée ,  au  moins  af- 
foupie  par  le  Parlement.  On  trouve  une  Lettre  de  Martin  V. 
à  Jean  Duc  de  B  et  fora  frère  de  Henri  VI.  &  Protecteur  des 
Royaumes  de  France  &  d'Angleterre,  pour  l'exhorter  à  pacifier 
les  deux  Royaumes  j  mais  l'animofité  étoit  trop  grande  pour  en 
venir  à  bout.  D'ailleurs  il  ne  paroît  pas  que  le  Pape  eût  beaucoup 
de  crédit  fur  l'efprit  deBetford 3  puifqu'il  écrivit  à  ce  dernier  une 
autre  lettre  pour  lui  reprocher  d'avoir  enfreint  les  libertez  ec- 
cléfîaftiquesen  Angleterre.  Il  n'en  étoit  pas  de  même  de  Charles 
VII.  On  comprend  que  ce  Prince  ménageoit  beaucoup  la  Cour 
de  Rome  ,  par  une  lettre  que  Martin  lui  écrivit  pour  l'en  remer- 
cier ,  &c  pour  le  dégager  de  tout  ferment  préjudiciable  aux  privi- 
lèges du  fiégedeRome(a).  [al  %*•"« 

&  ®  /T         1  tupi". 

X.  Il  y  a  voit  environ  un  an  que  Jaqucline  comtefle  de  Hainaut,  Démêlez  du 
de  Zelande ,  de  Hollande  &:  de  Frife ,  ayant  abandonné  Jean  de  DucdcB#»r- 
Brabant  fon  mari  &  fon  coufin  germain ,  fous  prétexte  delà  nul-  d^Vc  gL- 
lité  de  ce  mariage  à  caufe  de  la  parenté  ,  avoit  époufé  le  Duc  «/*«■• 

de  Glocefter  (b).  Le  père  Daniel  prétend  que  Martin  avoit  d'à-   [kjinft.Je 
bord  donné  la difpenfe  pour  ce  mariage,  puifqu'il  l'avoir  révo-  *ranc' r'lVf 
quée ,  de  qu'enfin  il  l'avoit  confirmée.  Quoi  qu'il  en  foit,  elle  épou- 
fa  le  Duc  de  Glocefter  du  vivant  de  fon  mari ,  car  elle  avoit  épou- 
fé en  premières  noces  Jean  Dauphin  de  France,  mort  en  141 G 
(c).  Quelques  Hiftoriens  prétendent  qu'elle  avoit  obtenu  de  l'An-  f^Sjfcj* 
tipape  Benoit  JflII.  la  cafiation  de  ce  mariage  (d).  D'autres  di-  p.  n. 
fent  qu'elle  avoit  fuppofé  des  lettres  de  Martin  V.  pour  cette  caf-  lf[.dJ  J^"'n: 
iation,  ce  que  même  ce  Pape  ordonna  de  raire  perquiiition  de  t.  iv.p.  u- 
ces  faufiaires  (e).  Ce  mariage  fit  un  erand  éclatée  alluma  dans  le   (e)  Ra!n- 

*^  I  Aï  {       111»  n- 

Hainaut  3  entre  les  Duc  de  Glocefter  &c  de  Bradant  une  guerre  , 
qui,  au  rapport  du  Père  Daniel,  fauva  la  France.  Le  premier 
étoit  foutenu  par  les  Anglois ,  l'autre  par  lanoblefle  de  fon  pays 
&  par  le  Duc  de  Bourgogne,  qui  prie  chaudement  fon  parti  y  fans 

M  m  iij 


t^.%6. 


Bulle  de 

Martin  V. 
contre  les 
Duels. 


278  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
pourtant  quitter  celui  de  l'Angleterre.  On  propofa  de  s'en  rap- 
porter au  Pape ,  comme  au  Juge  naturel  de  cette  affaire.  Le  Bra- 
bançon accepta  la  propofition  ,  mais  Glocefier  la.  refufa  ôc  poursui- 
vit ia  pointe.  Cependant  le  Duc  de  .Bourgogne  s'étant  plaint  de 
ce  refus ,  Glocefier  lui  en  écrivit  durement ,  l'accufant  d'en  avoir 
menti.  Philippe  piqué  au  vif  de  cet  affront  appella  Glocefier  en 
duel.  Martin  V.  cependant  jugea  en  faveur  du  Duc  de  Brabant 
6c  déclara  nul  le  troifiéme  mariage.  Jaqueline  ne  fut  pas  d'humeur 
non  plus  que  fon  époux  de  fefoumettreàlafentence  ;  mais  com- 
me le  Pape  apprit  que  les  Ducs  fe  difpofoient  à  fe  battre ,  il  écrivit 
une  lettre  circulaire  à  l'Empereur  6c  à  toute  la  chrétienté  pour  les 
détourner  de  ce  defTein.  La  lettre  mérite  d'être  rapportée. 

X  I.  »  Nous  avons  appris  avec  douleur  la  convention  fcélérate 
»  qu'ont  fait  entr'eux  nos  chers  fils  les  Ducs  Philippe  de  Bourgogne 
6c  Homfrei  de  Glocefier^  d'entrer  en  champ  clos  pour  fe  battre  en 
duel  par  l'inftigation  de  Satan  ,  qui  non  content  du  fang  des  peu- 
ples 6c  des  Princes  veut  encore  dévorer  leurs  âmes.  Ce  détefla- 
ble  genre  de  combat  efl:  condamné  &  interdit  aux  fidèles  par  le 
droit  divin  6c  humain ,  6c  nous  ne  (aurions  allez  nous  étonner ,  6c 
en  même  temps  déplorer  que  l'ambition,  la  colère  6c  le  faux 
honneur  du  monde  ayent  fait  oublier  à  ces  Princes  la  loi  du  Sei- 
gneur 6c  l'intérêt  de  leur  falut  incompatible  avec  de  tels  com- 
bats. A  quoi  fert  à  un  homme  de  gagner  tout  le  monde  ,  s'il  faic 
perte  de  fon  ame  ?  Mais  outre  la  perte  de  l'ame  ,  n'eft-ce  pas  un 
grand  crime  de  prodiguer  ainfi  une  vie  que  Dieu  commande  de 
conferver  foigneufement  ?  D'ailleurs  c'effc  une  voyc  fort  incer- 
taine 6c  fort  équivoque  pour  éclaircir  la  vérité  &  lajufticejpuif- 
q<ie  dans  ces  combats  fînguliers  on  voit  fouvent  fuccomber  ce- 
lui qui  a  le  droit  àc  la  jufticc  de  fon  côté.  Quelle  apparence  de  ti- 
rer la  vérité  d'une  adion  où.  l'ennemi  de  la  vérité  préfide  ?  Quel 
fpeclacle  horrible  6c  honteux  de  voir  des  Princes  Catholiques  Se 
de  fang  Royal,  fe  battre  comme  ces  gladiateurs  du  Paganifme 
quineconnoifîoient  point  Dieu,  6c  cela  peut-être  pour  quelques 
paroles  échapées  à  la  légère?  Nous  donc  ,  félon  le  devoir  de 
notre  Souverain  Apoftolat ,  voulant  pourvoir ,  autant  qu'en  nous 
efl: ,  au  falut  des  âmes ,  6c  procurer  la  paix  ,  nous  déclarons  que 
nous  ne  voulons  pas  tolérer  une  tranfgreflion  de  la  loi  de  Dieu  , 
Ci  publique,  fi  deshonorable  à  l'Eglife,  6c  à  Nous.  A  ces  Caufes 
«  nous  vous  prions  tous  en  général,  6c  chacun  de  vous  en  parti- 
n  culier  avec  une  affection  paternelle  .,  par  les  entrailles  de  U  rnj* 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.XIll.  i79 
»  féricorde  divine ,  &  par  le  fang  que  Jefus-Chrift  à  répandu  pour  1a1  & 
»  le  faluc  des  fidèles ,  &  non  afin  que  les  fidèles  répandaient  leleur 
»  au  préjudice  de  fa  loi ,  &  nous  vous  défendons  très-étroitement , 
»  en  vertu  de  l'obéïfTance  filiale  que  vous  nous  devez,  d'accorder 
»  fur  vos  terres  aucune  place  à  aucun  de  ces  Ducs  pour  un  fi  cruel 
»  combat ,  ni  aucune  fureté  3  ni  facilité  pour  commettre  ce  crime , 
»  vous  ordonnant  au  contraire  par  refped  pour  le  fiége  Apofto- 
»lique,  &  pour  l'honneur  du  nom  Chrétien  défaire  votre  pofîi- 
»  ble  pour  les  reconcilier  -y  autrement  quiconque  leur  prêtera  pla- 
»ce,  faveur  ôtfecours  fera  coupable  du  même  crime  qu'eux  (a).  (ri)Ra7n-1- 
La  Bulle  eft  de  Rome  du  29.  d'Août  1425.  Le  Pape  écrivit  en  ° '*' 
même  temps  aux  deux  Ducs  pour  leur  défendre  de  fè  battre  fous 
peine  d'excommunication  &  de  maledi&ion  éternelle.  Le  Duc  de 
Bctford  le  reconcilia  au  bout  de  quelque  temps.  LesHiftoriens 
de  France  &  d'Angleterre  parlent  afîez  amplement  de  ce  démêlé 
des  Ducs ,  mais  ils  ne  difent  rien  de  l'entremife  du  Pape ,  ils  ne  di- 
lent  rien  non  plus  de  la  part  qu'eut  le  Pape  au  fécond  mariage  de 
Philippe  de  Bourgogne  avec  Bonne  d' 'Artois  veuve  de  Philippe  fon 
oncle.  Cependant  on  trouve  une  Lettre  de  Martin  où  il  exhorte 
&  prie  même  ce  Prince  de  fe  remarier/war  donner  des  défenfeurs  à 
r Eglife ,  fa  de  ne  pas  fe rebuter  pour  la  flèrilitè  de  fon  premier maria?  e , 
comme  on  ne  fe  rebute  pas  de  fe  remettre  en  mer  après  un  naufrage .  fa 
ac  rejemer  après  une  Jtenlite  b().  fiipr.n.  10. 

XII.  On  a  parlé  en  pafîant  des  démêlez  du  Roi  Eric  de  Danne-  n  t 
mark  (  1  ).  avec  le  Duc  de  Brunfwich.  Le  Pape  donna  à  l'Evêque  & 
àl'Archevêquede  Brème  la  commifîion  de  les  accommoder  afin 

que  ces  Princes  puflènt  joindre  leurs  forces  pour  la  réduction  des 
Bohémiens. 

XIII.  Les  brouilleries  continuoient  toujours  en  Bohême  en-     I427- 
tre  les  Taborices  &  les  Calixtins  au  grand  préjudice  de  la  patrie.  B^hcme?u* 
Ceux  de  Prague  remirent  en  prifon  quelques-uns  des  Chefs  de  Taborites 
parti  qui  en  avoient  été  tirez  l'année  précédente, parce  qu'ils  trou-  p1^*  de 
bloient  la  ville  par  leurs  difputes.  Comme  les  Taborites  y  fomen- 

toient  ladivifion,  ceux  de  Prague  réfolurent  de  les  chafler  delà 
petite  ville  j  mais  les  Taborites  &  les  Orphelins  qui  étoient  hors 
de  la  ville ,  apprenant  cette  réfolution  ,  entreprirent  d'afîiéger 
Prague  6c  demandèrent  fièrement  les  clefs  de  la  Ville,  qui  leur  fu- 
rent refufécs.  On  y  laifîà  feulement  entrer  quelques-uns  des  chefs 
des  deux  partis  (2)  pour  parler  de  paix.  Les  Villes  de  Zatcc  3  de 

[  !  ]  Il  ctoit  de  retour  de  fon  vo)  âge  de  Terre-Sa:?ite. 

(Vj  Procope  Rtf/f,  Jean  Robctc,  Jean  ]Yal:on  de  l'aigle  noire ,  FroCflpele  ptiit. 


z8o      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14x7.    -Làtini,  de  S  Un  y  envoyèrent  leur  Députez  j  mais  cette  entrevue 
n'eut  aucune  fuite  par  la  faute  desTaboritesquin'avoienten  vue 
que  de  fe  rendre  maîtres  de  Prague.  C'eft  ce  qui  obligea  le  Sénat 
de  faire  publier  par  des  hérauts ,  qu'ils  eufïent  à  fortir  de  la  ville , 
ce  qu'ils  firent. 
coribut 'mai'      XIV.  Ce  fut  environ  ce  temps ,  que  ceux  de  Prague  dégoûtez 
gnement       de  Coribut  qu'ils  avoient  appelle  de  concert  avec  les  Bohémiens , 
renvoyé.      l'enfermèrent  d'abord  dans  un  monaftére  ,  après  lui  avoir  mis  fur 
la  tête  un  capuchon  de  moine.  De  là  il  fut  transféré  dans  une  des 
tours  du  château  de  Prague.  Les  Auteurs  varient  fur  les  raifons 
d'un  traitement  fî  indigne.  Quelques-uns  l'attribuent  à  fon  inca- 
pacité &  à  la  rudeffe  de  [es  mœurs ,  d'autres  à  l'impatience  &  à 
î'importunité  avec  laquelle  il  follicitoit  fon  couronnement.  Il  y  en 
a  qui  prétendent  qu'il  avoit  abandonné  le  parti  des  Calixtins,  ôc 
que  même  il  négocioit  auprès  de  Martin  V.  fa  reconciliation  avec 
l'Eglifede  Rome. 

Il  eft  certain  que  les  fentimens  furent  fort  partagez  fur  cette 
difgrace  de  Coribut.  Quelques-uns  difoient  qu'il  l'avoit  bien  mé- 
ritée &  le  traitoient  de  déferteur.  On  attribue  ce  fentirnent  aux 
Calixtins  3  parce  qu'il  les  avoit  abandonnez.  D'autres  trouvoienc 
que  c'etoit  une  indignité  &  une  perfidie  qu'un  Prince  qu'on  avoic 
appelle  au  gouvernement,  fut  ainfi maltraité  fans  l'avoir  enten- 
du ni  convaincu  d'aucun  crime.  Il  y  eut  même  plufleurs  Seigneurs 
Catholiques ,  à  ce  que  prétend  Balbin  3  qui  fe  liguèrent  avec  les 
Taborites&les  Orphelins  pour  le  délivrer  à  force  ouverte ,  en 
s'emparant  de  Prague ,  &  ils  en  f eroient  en  effet  venus  à  bout ,  fans 
la  trahifon  d'un  des  conjurez  nommé  Guillaume  Kotfca  qui  décou- 
vrit le  deflein  qu'ils  avoient  d'envahir  la  ville.  Ils  y  étoient  même 
déjà  entrez  au  nombre  de  fix  à  neuf  cens  hommes ,  &  ils  avoient 
la  vieille  ville  ,  lorfque  les  bourgeois  tendirent  les  chaînes  dans 
les  rués  &  dans  les  places  pour  les  empêcher  de  pafler  plus  avant , 
ou  de  s'en  retourner.  Ce  fut  un  carnage  fi  horrible  que  de  ce  nom- 
bre il  ne  fe  fauva  pas  vingt  perfonnes.  Plufieurs  de  ces  grands  Sei- 
gneurs y  périrent  malheureufement.  Entre  autres  HinkodeVald- 
lA)Mj*k0Vtc*-J$em  y  fut  tué  par  un  fcélerat  (a)  que  peu  de  temps  auparavant  il 
avoit  fauve  de  la  corde.  Non  content  d'aflafliner  fon  patron _,  il  le 
traina  indignement  au  gibet  fur  la  place  publique.  Mais  cette  noi- 
re &c  lâche  trahifon  ne  demeura  pas  long-temps  impunie.  Ce  (cê- 
Lérat  fut  pendu  par  d'autres  auprès  du  gibet.  Cependant,,  com- 
me Coribut  avoit  été  l'occafion  de  cette  tragédie  ^  les  Grands  ré- 

folurent 


•    ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XIII.  i8r 

folurent  de  le  renvoyer  en  Lithuanie,Ôc  après  lui  avoir  fait  ligner     141-7, 
[on  abdication  ,  ils  l'efcorterent  fecretement  jufqu'aux  confins  de 
laSilé/ie.  Comme  cette  entreprifè  ne  s'étoit  pas  faite  fans  la  cor--  [>]  tw,.  p. 
refpondancede  quelques-uns  de  la  nouvelle  &  de  la  vieille  ville,  IZ7-C^/^- 

r       ,  *     .     x       .  1     '    1  i  \   1  1     r  p.  J2J.LWA. 

on  exécuta  ceux  qui  avoient  eu  le  plus  de  part  a  la  trahilon  fa).       Epit.p.4tf>. 

XV.  Pendant  la  captivité  de  Coribut ,  lesTaborires  tk.  les  Or-  irniptionciefi 
phelins  allèrent  faire  une  courfeen  Sile/ie  ,  province  qui  rélevoit  Tabontcs 
alors  de  l'Empire ,  où  ils  s'emparèrent  de  plufieurs  villes ,  comme  cubl  c  1C' 
de  Goldeberg,  de  Lubcn  ,  de  Main ,  Brieg  ,  Gleutich  dont  ils  firent 

leur  place  d'armes  (b).  Ils  firent  un  grand  butin  dans  la  campagne  [bjcremerdc 
&  dans  les  châteaux  ,  &  exercèrent  de  grandes  cruautez.    On  ra-  p^'xx.  p" 
ronte  que  les  Polonois  à  leur  imitation  ,  faifoient  aulîi  de  furieux  45j- 
ravages  dans  ces  quartiers.  Ils  allèrent  entre  autres  piller  un  cer- 
tain monaftere(c) ,  où.  ils  fe  flattoient  de  trouver  bien  des  richef-  [c]  c^aft» 
fes  à  caufe  des  fréquens  pèlerinages  qu'on  y  faifoir  j  mais  ils  furent choH- 
trompez  dans  leur  attente.  Cependant ,  afin  qu'on  ne  leur  impu-   fd)  Ep;t'  p« 
tât  pascefacrilege,  &  que  le  foupçon  en  retombât  fur  les  Bohê-  J^JS 
miens,  ils  percèrent  en  fe  retirant  l'image  de  la  Vierge  Marier  cap.  vil.  p. 
mais  Balbin  a  eu  aflez  de  candeur  pour  en  juftifier  les  Bohê-  JbiTupr.'pT 
miens  (d).  458. 

XVI.  L'Auteur  du  Mars  Moravique  nous  apprend  que  les  Ta-      irruption 
borites  n'eurent  pas  le  même  fuccès  dans  l'attaque  de  Suidnitz.  d^Tabori, 
Ils  en  furent  repouflez  avec  honte  &  avec  perte  par  la  valeur  d'un 
chevalier  de  l'Ordre  Teutonique  qui  s'étoit  (îgnalé  dans  les  guer- 
res de  cet  Ordre  avec  la  Pologne  (e).  Le  même  Auteur  place  à    [c]  cM.p- 
peu  près  en  ce  temps- ci  une  irruption  que  les  Taborites  6c  les  Or-  ^^f7'1!"1'/' 
phelins  de  retour  d'Autriche  &  de  Hongrie  firent  dans  la  Luface,  p.  527. 
ayant  à  leur  tête  l'un  &c  l'autre  Procope ,  &  non  Ziska,  comme  le 
prétendent  lesHiftoriensde  la  Luface(f).  Ils  aiïïégerent  la  ville  [?]  cbrijtyb. 
de  Lubcn  3  autremenr  Lauba ,  6c  dès  le  lendemain  du  fiége ,  ils  le  Manl-  dc; 
difpofoient  àefealader  la  muraille  3  mais  la  vigoureufe  réfiftance  tic.Lib.vi" 
des  afïîégez  les  obligea  de  reculer.  Ils  n'avancèrent  pas  plus  hs  cap.55. 
deux  jours  fuivans  ;  le  cinquième  les  afîiégez  fiers  des  fuccès  pré- 

cédens  firent  une  fortie  qui  leur  fut  fatale.  Ils  remportèrent  bien 
d'abord  quelque  avantage  fur  des  gens  attaquez  à  l'improvifte  ; 
mais  ceux-ci  s'étant  ralliez  les  repouiïerent  dans  la  ville  ,  6c  y  en- 
trèrent avec  eux  pêle-mêle,  6c  s'en  emparèrent  comme  les  plus 
forts.  Ce  fut  alors  un  carnage  épouvantable  ^  on  n'épargna  ni  fem- 
mes ni  enfans  ,  ni  jeunes  ni  vieillards  3  ni  le  facré  ni  le  profane. 
Les  jeunes  femmes ,  les  filles }  furent  immolées  à  l'impudicité  du, 
Tom.  I,  N  n 


î8i  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
lJt1l'  foldat.  Le  pafteur  du  lieu  ,  qui  exhortoit  Tes  brebis ,  fut  tiré  à  qua- 
tre chevaux.  Le  refte  du  Clergé  qui  s'étoit  retiré  dansl'Eglife, 
implorant  en  vain  le  fecours  de  la  Sainte  Vierge ,  fut  impitoyable- 
ment mafîacré.  La  ville  3  6c les  églifes ,  les  monaff  ères ,  tout  fut  ré» 
(a)Kr/w«  duit  en  cendres  (a). 

Wandal.  T  antum  Rellivio  potuit  fuadere  malorum  ! 

z$i.Gvchr.  Cependant  les  deux  Procopes  apprirent  que  la  Mifnie  >  la  Saxey 
n.  6.p*g.  &  la  Thurime^  aflembloient  leurs  troupes,  &  que  l'Electeur  Fri- 
5  521-9-  deric  s'avançoit  avec  huit  mille  hommes  d'infanterie  &  un  bon 
corps  de  cavalerie.  Se  trouvant  tropfoibles  pour  attendre  cette 
armée  ennemie,  ils  fe  retirèrent  en  Silèfie  pour  joindre  ce  qu'ils  y 
avoient  de  gens.  Après  y  avoir  pillé  au  long  &  au  large  ils  s'en  re- 
tournèrent en  Bohême,  où  l'hiftoire  dit  qu'ils  emmenèrent  une 
h*  grande  quantité  de  bétail ,  qu'on  donnait  quinze  bœufs  pour 
deux  écus. 
lesTahorî-  XVII.  Les  Siléfiens  ne  furent  pas  long-temps  fans  tenter  leur 
les  Sikûcn"  revancbe.  Profitant  des  nouvelles  brouilleries  qui  s'étoient  exci- 
tées en  Bohême,  ils  y  entrèrent  avec  une  bonne  armée  dans  le 
deflein  defejetter  dans  le  diftrict  de  Graditz  qui  étoit  plus  à  leur 
portée.  Leur  marche  futfifecréte  quelesgarnifonsBohêmienes 
du  voifînage  n'en  eurent  aucun  avis.  Ayant  traverfe  les  monta- 
gnes appellées  des  Géants^  ils  pénétrèrent  jufqu  a  Nachod  , par 
le  même  chemin  qu'ils  avoient  pris  quelques  années  auparavant, 
&  mirent  le  fiége  devant  la  place.  A  leur  arrivée  tout  le  voifînage 
courut  aux  armes.  Ceux  de  Graditz  comme  les  plus  proches  du 
danger  ,  aiîiftez  des  villes  voi fines  s'avancèrent  pour  la  fecourir. 
Les  affiégeants  faifant  mine  de  vouloir  lever  le  fiége  &;  prendre 
la  fuite  ,  allèrent  dans  les  bois  voifïns  ,  laiflant  quelques  troupes- 
dans  des  endroits  propres  à  drefler  une  embufeade.  Le<fratagê- 
me  réii/Tit  j  les  Bohémiens  les  pourfuivirent  chaudement  ,&  bat- 
toient  déjà  l'arriére  garde,  lorfque  les  Siléfiens  faifant  volte  fa- 
ce ,  il  fallut  en  venir  aux  mains.  Le  combat  fut  fanglant ,  &  plu- 
fleurs  périrent  de  part  &  d'autres  dans  une  mêlée  ,  où;  l'on  fe  bat- 
toit  à  grands  coups  d'épées  &  de  mafluës;  mais  la  fubite  irruption 
de  ceux  qui  étoient  en  embufeade  décida  l'affaire  tout  d'un  coup.. 
Les  Bohémiens  enveloppez  de  toutes  parts  n'eurent  d'autre  par- 
ti à  prendre  que  celui  d'une  fuite  fort  difficile.  Ils  furent  pourfui- 
vis  &.  battus  jufques  aux  portes  de  la  ville.  Les  Siléfiens ,  au  lieu  de 
continuer  le  fîcge ,  contens  comme  l'autre  fois  de  brûler  les. faux- 
bourgs  ,  s'en  retournèrent  chez  eux ,  parce  que  toute  la  province 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JT1II.  283 
étant  en  armes ,  ils  craignoient  que  le  recour  ne  leur  devînt  impof-     r  4  *•  7» 
iible  ,  ou  au  moins  fort  hazardeux  (a).  pî  ooî^" 

XVIII.  Après  l'expulfion  de  Coribut,  il  fe  joignit  à  quelques-uns   Conférence 
entre  les  principaux  desTaborites  &  desOrphelins,pour  aller  trou-  |nuÎIic,av?c 
ver  le  Roi  de  Pologne  a  Cracovie.  On  traita  de  la  Religion  dans  f„r  h  Rin- 
cette entrevue jl'academie  fut  confultée,&lesDocleurs  réfutèrent  6ion  enl>°' 
publiquement  les  opinionsTaborites  j  le  Roi  lui-même  leur  repré- 
senta l'état  déplorable  où  leurs  nouveautez  avoient  réduit  un 
Royaume  fi  rlorifîant,  leur  promettant  de  faire  leur  paix  à  des  con- 
ditions équitables,  s'ils  vouloient  revenir  à  eux  ;  mais  fort  inutile- 
ment. Le  Service  divin  fut  interrompu  à  Cracovie  par  ordre  de 
ÏEvèque  Sbinko.  Mais  comme  les  fêtes  de  Pâques  approchoient , 

le  Roi  les  renvoya  avec  Coribut  dans  quelque  autre  endroit  de  la 
Pologne ,  d'où,  ils  fe  retirèrent  fort  mécontens  de  l'Evêque ,  à  qui 
ils  en  vouloient  d'ailleurs,  parce  qu'il  étoit  allé  fondre  fur  eux  avec 
des  troupes  lorfqu'ils  revenoient  du  pillage  de  quelque  monaftere 
en  Hongrie.  Coribut  n'en  put  diflimuler  fon  reflèntiment  -y  il  s'em- 
porta mêmeenpréfence  duRoijufqu'à  dire  de  groflès  inj ures  con- 
tre l'Evêque  ,&  menacer  hautement  de  le. pourfuivre  à  toute  ou- 
trance, de  mettre  tout  à  feu  &  à  fang  dans  l'Etat ,  fans  épargner 
faint  Stanijlas  l'un  des  patrons  du  Royaume^  mais  Ces  menaces  s'en 
allèrent  en  fumée,  parce  que  le  Duc  de  Siléfie,  Conrad  d'Elric , 
ayant  battu  leurs  gens  en  Silefie,  &  ayant  repris  quelques  places 
dont  ils  s'étoient  emparez,  ils  fe  trouvèrent  encore  trop  heureux 
de  pouvoir  s'en  retourner  en  Bohême  rejoindre  leurs  Taborites. 

XIX.  Ces  derniers  ayant  manqué  de  prendre  Prague ,  allèrent   LesTabon- 
mettre  le  fiége  devant  Slan  (1)  ville  confédérée  avec  cette  capita-  cicnt  avec 
le.  Ils  y  trouvèrent  d'abord  beaucoup  de  réfiftance ,  parce  qu'il  ceux  de  p«- 
y  avoit  bonne  garnifon.  L'ayant  enfin  emportée ,  ils  brûlèrent  &  gue 
mafîacrerent  tout,  fans  épargner  ni  le  Sénat,  ni  la NoblefTe  ,  ni 

les  Eccléfiaftiques.  De  Slan,  ils  marchèrent  à  Littomerit^ qu'ils 
prirent  par  compofition.  Les  Orphelins  allèrent  les  joindre  pour 
avoir  part  à  leurs  conquêtes ,  mettant  tout  à  feu  &  à  fang  fur  leur 
paflage.  Ces  incendiaires  prirent  entr'autres  fur  ceux  de  Prague 
Curim ,  Broda  de  Bohême,  &  une  forterefle  dont  ils  brûlèrent 
la  garnifon  avec  le  Commandant.  Après  avoir  ravagé  tout  le  di- 
ftricl  de  Pilfen  ,  ils  marchoient  vers  Prague  pour  l'ailîéger  de  nou- 
veau ,  lorfqu'apprenant  que  l'armée  Impériale  s'avançoit,  ils  ai- 

(  1  )  Cette  ville  eft  considérable  par  fes  fallnes,  le  M  étant  fort  rare  en  Bohême  ou  d'ai.t- 
Icuis  abonde  tout  ce  qui  cft  néceffaire  à  la  vie» 

Nn  ij 


av 

inee 


284      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
iAin     nièrent  mieux  fe  reconcilier  avec  ceux  de  Prague  ,  que  de  hasar- 
der une  ruine  commune.  La  ville  de  Zatec  fut  médiatrice  de  cet- 
te paix  par  le  prêtre  Coranda.  On  tira  de  prifon  les  Docteurs  donc 
on  a  parlé,  &  Rockifane  continua  de  gouverner  le  Clergé, 
le  Cardinal      XX.  On  a  vu  l'année  précédente  Henri  de  Winchefler  élevé 
d«  mnebefler  ^  ]a  pourpre  fous  le  titre  de  Saint  Eufebe.  Martin  V .  qui  avoic 
Bohême"    vainement  employé  deux  Légats  pour  vaincre  les  Hu(fites>6c 
-ce une  ar-pour  les  réduire  par  la  force,  jugeant  que  ce  Prélat  feroit  plus 
'cc*  propre  à  cet  emploi  qu'aucun  autre ,  non  feulement  à  caufe  de  fa 

naiflance  6c  de  fa  belle  renommée ,  mais  auffi  parce  que  les  Anglui3 
s'étoient  acquis  une  grande  réputation  par  leurs  exploits  militai- 
res ',  il  l'établit  fon  Légat  à  latere  en  Allemagne ,  en  Hongrie  6c  en 
Bohême  par  une  bulle  dattée  du  16  de  Février.  Il  écrivit  en  mê- 
me temps  au  Roi  d'Angleterre ,  pour  le  prier  d'engager  le  Cardi- 
nal à  fe  charger  de  cette  importante  6c  penlleufe  commiflion. Quel- 
ques-uns  difènr.  que  le  jeune  Roi  6c  le  Duc  de  GiWy??r  protefterent 
contre  cette  commiflion  :  d'autres  que  le  Cardinal  leva  des  troupes 
en  Angleterre.  Quoi  qu'il  en  foit,le  Prélat  accepta  lacommif- 
fion  ,  fit  publier  la  croifàde  de  Martin  dans  fon  diocèfe ,  6c  fe  mie 
en  chemin  pour  l'exécuter.  Il  en  donna  avis  de  Malines  au  Pon- 
tife. Le  Pape  de  fon  côté  lui  écrivit  pour  l'en  remercier,  &  l'en- 
(a)  Kayn.     courager  à  poufler  vigoureufement  fon  entreprife  (a).  En  effet ,  il 
1417.11.3.   jeva  en  Allemagne  une  groffe  armée  qui  fut  partagée  en  trois 
n.T'tf.1  c«-  GorPs  (0-  Le  premier,  des  Saxons  avec  les  troupes  auxiliaires  des 
th«r.  Mus     villes  anfeatiques  6c  maritimes.  Le  fécond  étoit  eompofé destrou- 
°»«c  F-  pes  ^  £ranconie  ^  de  xhuringe  &  de  Lune-bourg ,  qui  avoient  à  leur 
tête  l'Electeur  de  Brandebourg.  Le  troifiéme,  de  celles  de  Bavière^ 
du  Rhin  ,  de  la  Carinthie ,  6c  des  villes  Impériales  en  Suabe,  com- 
me Augi bourg,  Vlme  ,  JSI orlingue 3  Hall  de  Suabe  ,  U.  Heilbron. 
Etant  entrez  en  Bohême  ,  la  première  armée  campaà  Commotau  3 
l'autre  à  Egre ,  6c  la  troifiéme  à  Taufçb  (1). 
LesBohc-      XXI.  Le  2  5  de  Juin  une  partie  de  cette  armée  mit  le  fîége  de- 
miens,  Ta-  Mi/e,  qui  étoit  bien  défendue  par  une  bonne  garnifon  de 

bontés  Seau-  -^\  ^  ,     _.  r  ..."  , 

très s'u .iif-     Prague.  Des  que  ceux  de  Prague  en  eurent  avis,  us  envoyèrent 

grtpourfe   auxTaborites  ôcaux  Orphelins  pour  leur  demander  un  prompt 

fecours.  Comme  il  falloir  palier  par  Prague  pourfecourir  Mife3 

ceux-ci  demandèrent  paiïage  dans  la  ville  :  on  le  leur  accorda  -, 

(i)  Quelque»  H  irtoriens  affirment  qu'elle  étoit  de  quatre-vingt  mille  hommes  de  cavalerie, 
&  autant  d'infanterie ,  &  que  celle  des  Bohémiens  n'etoit  que  de  mille  cinq  cent  chevaux  ,.  fit 
de  feize  mille  fantalîins. 

(2;  Dans  le  diftriû  de  Pilfcn.- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  X1I1.  285 
à  condition  qu'ils  n'y  feroienc  aucune  hoftilité  &  qu'ils  n'y  arrête-  1417, 
roientpas.  Ils  le  promirent ,  obtinrent  parole.  Les  Taborites  en- 
trèrent donc  paiiiblement  dans  Prague  le  11  de  Juillet  avec  trois 
cens  chariots,  6c allèrent  camper  àlVcijfemberg  3  ils  furent  fuivis 
le  lendemain  des  Orphelins,  qui  paiierent  aulli  tranquillement  à 
Prague  pour  aller  trouver  leurs  gens  avec  deux  cens  chariots. 
Quelques  jours  après  ils  furent  joints  par  Procofe  Rafe  avec  deux 
cens  chariots  &  dix  mille  chevaux  d'élite  ,  qui  furent  logez  dans 
la  ville  pendant  quelques  jours.  Il  (è  joignit  à  lui  plufieurs  des 
Grands  de  Bohême  6t  de  Moravie,  tant  Catholiques  que  Huffites 
(  1  ) ,  pour  fecourir  leur  commune  patrie. 

XXII.  Tous  ces  fecours  ainfi  raffemblez ,  on  préfenta  le  com-  ies  Tmpé- 
bat  aux  Allemands  le  21  de  Juillet.  Les  armées  n'étoient  fépa-  riaux  font 
rées  que  par  la  rivière  de  Mife.  L'armée  Bohémienne  jetta  d'a- 
bord une  telle  épouvante  dans  celle  des  Impériaux  ,  que  quittant 
brufquement  le  fiége,  ils  s'enfuirent  tous  à  la  débandade.  Le  Car- 
dinal voulut  en  vain  les  rallier  3  il  fallut  qu'il  prît  la  fuite  aufli- 
bien  opxOthon  Electeur  de  Trêves  ,  qui  venoit  à  fon  fecours  avec 
mille  chevaux.  AineasSylvius  dit  qu'il  prirent  la  fuite  même  avant 
que  d'avoir  vu  l'ennemi  3  mais  les  Hiftoriens  de  Bohême  difenc 
que  ce  fut  à  fon  afped.  On  a  comparé  cette  défaite  à  celle  de 
Cmjjus  chez  les  Parthes ,  de  Vexoris  &  de  Darius  chez  les  Scythes , 
&  de  Jferxès  chez  les  Grecs.  On  y  remporta  un  fi  prodigieux  bu- 
tin ,  que  depuis  le  plus  petit  jufquesauplus  grand  tout  le  monde  y  ■ 
eut  part.  De  l'aveu  de  plufieurs  Gentilshommes  Catholiques, 
dont  les  familles  font  à  préfent  fort  diftinguées,  ce  fut  là  le  com- 
mencement de  leur  fortune.  Quoi  qu'il  en  Toit,  jamais  déroute  ne 
fut  plus  complette  3  en  vain  crurent-ils  s'être  mis  à  couvert  de  la- 
pou  rfuite  en  gagnant  la  forêt  de  Taufch  5  les  vainqueurs  les  batti- 
rent toujours  en  queue ,  Ôc  les  payfans  en  afïbmmerent  un  grand' 
nombre  5  de  forte  qu'on  n'a  pas  pu  fçavoir  combien  les  Allemands 
perdirent  de  monde  dans  cette  adion.  On  fait  monter  ordinaire- 
ment cette  perte  à  dix  mille  hommes,  fans  compter  un  grand  nom- 
bre de  prifonniers.  Les  Bohémiens  n'y  perdirent  que  peu  de  gens. 
Quand  cette  agréable  nouvelle  fut  portée  à  Prague,  on  y  chanta 
le  Te  Dcum  en  grande  folemnité.  Cependant  l'armée  viétorieufe 
affiégea  &  prit  après  feize  jours  de  fiége  Taufch-,  ou  s'étoit  retiré 
le  relie  des  fuyards.  On  y  pafla  tout  au  fil  de  l'épée.  On  délibéra 
fi  on  raferoit  la  place  3  mais  les  plus  prudens  ayant  été  d'avis  de 

Qh)  Meuard ut-  Maifo  v-Nftft/f ,  Wtrutjlsa  de  Staviict }  ErncJldtK<ntttX;&  Jnvarie  MirevttL 


1 8  6  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
142  7.  ^a  conferver  pour  la  fureté  de  la  province }  on  y  mit  une  garnifon 
Taborite  (1). 
Lcttredupa-  XXII L  Le  Cardinal  d'Angleterre  rebuté  de  la  lâcheté  de 
pc  1ad\\Plr1di"  cette  groiîe  armée,  qui  par  une  terreur  panique  avoit  lâché  le 
"erre.  "S  °~  pied  fans  coup  férir ,  voulut  s'en  retourner  dans  fa  patrie  5  mais  le 
Pape  lui  écrivit  pour  lui  faire  reprendre  courage.  Il  y  a  quelques 
particularitez  dans  ce  Bref  qui  méritent  qu'on  en  donne  la  ïub- 
flance.  »  Nous  avons  appris  avec  la  plus  fenfible  douleur  la  hon- 
»  teufe  retraite,  ou  plutôt  la  fuite  précipitée  des  fidèles  qui  ctoient 
»  en  Bohême.  Car  plus  nous  avions  d'efpérance  par  tout  ce  qu'on 
»nous  rapportoit,  d'avoir  la  victoire  dans  les  mains  5  plus  nous 
»fommes  confternez  d'un  fi  grand  defaflre,  parce  qu'il  ne  fera 
>■>  qu'augmenter  les  forces  &  rehauiler  le  courage  des  hérétiques. 
»  Pour  vous ,  nous  ne  fçaurions  trop  louer  votre  zèle  6c  votre  ma- 
l3  gnanimite  dans  toute  cette  affaire  :  mais  malgré  l'incertitude  des 
«évenemens,  loin  de  fe  rebuter  dans  une  fi  fainte  entreprife,  il 
»>faut  au  contraire  feroidir  avec  plus  de  courage  que  jamais  con- 
»  rre  l'infortune.  Continuez  donc  d'agir  avec  votre  fagefîe  &  vo- 
»tre  diligence  ordinaire  auprès  des  Princes  d'Allemagne  ,  fi  tanr 
»  eft  qu'il  y  ait  quelque  chofe  à  efpérer  d'eux  ,  6c  avec  Iqs  Prélats 
»  que  cette  affaire  regarde  de  plus  près ,  pour  les  engager  à  ne  fe 
»  point  relâcher  dans  la  défenfe  de  la  foi.  Nous  connoiflbns  quelle 
»eft  votre  prudence,  &  vous  n'avez  pas  befoin  d'inftru&ion  plus 
»  particulière:  fçachant ,  comme  vous  faites  ,à  qui  on  peut  fe  fier, 
»  &  ce  qu'on  peut  efpérer  de  chacun  ,  vous  prendrez  vos  mefures 
ss  fur  le  champ  ,  6c  félon  les  conjonctures ,  pour  lever  cet  opprobre 
»  de  defîus  l'Eglife.  Ce  fera  pour  vous  une  gloire  éternelle  j  6c  fi  par 
»  la  bénédiction  de  Dieu  vous  obtenez  la  vidoire  fur  Ces  ennemis , 
»  outre  lesrécompenfes  que  vous  devez  en  attendre,  vous  furpaf- 
s>  ferez  par  ce  bel  exploit  ceux  de  tous  les  Rois  6c  de  tous  les  Prin- 
»ces  de  notre  temps.  Cependant  nous  délibérerons  fur  ce  qu'il 
»  y  a  de  plus  expédient ,  Se  nous  vous  en  donnerons  avis  -y  mais 
»  en  attendant  il  y  a  une  chofe  dont  nous  croyons  qu'il  eft  impor- 
»  tant  de  vous  avertir  ^  c'eft  que  beaucoup  de  gens  fe  plaignent 
s)  que  quelques  Prélats  6e  autres  Eccléfiaftiques  d'Allemagne  ,  par 
;>  leurs  mauvaifes  moeurs  6c  leur  méchante  conduite,  donnent  pré- 
?>  texte  aux  laïques  de  mal  penfer  de  la  foi  6c  de  fe  conduire  enco- 
i*  re  plus  mal.  Nous  fouhaitons  donc  qu'avec  votre  circonfpe&ion 

(i)lbeob.nb.  (hp.  CetHiftorien  dit  que  de  fon  temps  on  gardoit  encore  à  T/fttfcb  un  drar- 
rpau  quejef  Bohémiens  avoient  remporte  fur  les  Alicmans. 


ET  DU  CONCILE  DE  13  A  S  LE.  Ziv.  JfllI.  187 

=>  naturelle  vous  les  avertirez  de  fe  conduire  dételle  manière,  142-7; 
«qu'ils  puiflent  faire  leur  propre  falut 3  &  être  en  exemple  aux 
»  autres  :  fur  tout  l'Archevêque  de  Cologne  (  1  )  Scl'Evèque  deWïrt^ 
»  bourg  (  2) ,  donc  on  apprend  des  chofes  indignes  de  Prélats ,  au- 
»  ront  beloin  de  vos  avis  falutaires.  Vous  ordonnerez  aufïi  aux  Ar- 
»  chevêques  de  Cologne  &  de  Mayence  (3  )  de  terminer  leurs  guer- 
»res,  de  de  tourner  contre  les  hérétiques  des  forces  qu'ils  em- 
»  ployent  à  répandre  le  fang  Chrétien  ».  La  bulle  eft  datée  de  Ro- 
me du  11  O&obre. 

XXIV.  De  retour  deTœufch,  les  Bohémiens  allèrent  tenter     Trêve  de 
l'attaque  de  Pilfen  où  la  Religion  Catholique  prévaloit  :  mais  y  ^ve/lcs 
ayant  trouvé  trop  de  réfiftance  ,  ils  fe  contentèrent  de  brûler  les  Huffites. 
fauxbourgs.  Cependant  ceux  de  Pilfen  craignant  d'être  à  la  fin 
opprimez  par  des  troupes  fiéres  de  leurs  victoires,  demandèrent 
une  trêve  d'un  an.   On  ne  la  leur  accorda  que  pour  fix  mois  3  à 
condition  qu'ils  envoyeroient  leurs  députez  à  une  conférence  qui 
fe  devoit  tenir  à  Noël  pour  terminer  les  différends  de  Religion. 
Le  Pape  fe  donna  beaucoup  demouvemens  pour  empêcher  une 
entrevue  dont  il  craignoit  les  fuites  pour  la  Catholicité ,  parce 
qu'outre  que  les  Bohémiens  avoient  la  force  en  main  ,  ils  étoienc 
en  réputation  d'être  plus  fubtils  difputeurs  que  les  Catholiques. 
On  trouve  un  Bref  de  ce  Pape  au  diftrid  &  à  la  ville  de  Pilfen,  auiïï 
bien  qu'à  ceux  de  Carlftein,  pour  les  détourner  d'une  conférence  >^ 

ii  hafardeufe.   Il  eft  conçu  en  ces  termes. 

»  XXV.  Nous  avons  appris  par  les  lettres  de  notre  cher  fils  Lettre  du  r.v- 

»  Jean  Cardinal- prêtre  de  faim  Cyriaque  (4) ,  que  vous  avec  quel-  ^fc"."* 

»  ques  Barons  <2c  Gentilshommes  avez  fait  trêve  avec  les  perfides 

>•  8c  déteftables  hérétiques  -y  qu'à  Noël  prochain  il  fe  trouvera  des 

»  gens  de  part  ôc  d'autre  pour  entrer  en  conférence  fur  la  Foi  Se  fur 

»j  l'Ecriture  Sainte  à  Foccaiion  de  leurs  erreurs.  Nous  ne  doutons 

»  point  que  vous  ne  l'ayez  fait  de  bonne  foi  ôc  à  bonne  inten- 

.5  tion  y  mais  il  faut  fe  conduire  avec  beaucoup  de  précaution  à  l'é- 

»  gard  de  ces  ferpens  ruiez ,  &  imbus  du  venin  de  Satan.  Ce  qu'ils 

»en  font  n'eff.  pas  dans  le  deffein  de  fe  convertir  3  mais  de  vous 

»  pervertir  par  leurs  fophifmes  Ôc  leurs  fourberies.  Ils  ont  la  peau 

ii 

(  1  )  C'étoit  Thierri  comte  de  Meurt. 

(2)  C'étoit  Jean  de  Brun  ,  qui  fit  la  guerre  à  fes  fujets  ,  &  affiegea  fa  Ville  épifcopale. 

(3  )  Ces  deux  Electeurs  s'e'toient  unis  contre  le  Landgrave  de  llefji.  Voyez  l'hiftoirc  de  ces 
démêlez  dans  les  remarques  de  Mr.  George  Cbrifîuin  de  Jean',  fur  l'hift.  de  Mayence  de  Sera~- 
rius  7  T.  I.p.  740.742.  de  Fedit.  de  Francf.  en  1722. 

(4J  C'eft  l'Évoque  d'Ghnutx.  dont  on  a  fouvent  parie. 


^8  8  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

T  a  y-7  »  de  l'agneau  mais  ils  ont  des  dents  de  loup.  C'eft  pourquoi  nous 
»  vous  prions ,  lans  pourtant  vous  rien  enjoindre ,  que  demeurant 
s>  fermes  dans  la  foi ,  &  fondez  fur  la  pierre  qui  eft  Chrift ,  vous 
«évitiez  un  pas  fi  gliiîant,  de  peur  que  vous  ne  tombiez.  Évicez 
»  une  telle  entrevue,  &  des  difputes  qui  ne  peuvent  aboutir  qu'à 
»la  deftruction  de  vos  âmes.  La  foi  Catholique  eft  afîez  bien  ap- 
»  puyée  &  confirmée  par  le  fang  des  Martyrs  5  elle  a  été  d'ailleurs 
»  éclaireie  par  tant  de  Conciles ,  par  tant  de  décrets  des  faints  Pa- 
»  pes  &  d'écrits  des  faints  Docteurs  3  &  par  les  explications  de  tant 
*>  d'excellens  hommes ,  qu'il  feroit  fuperflu  d'en  difputer  davan- 
»  tage.  Il  eft  bien  plus  falutaire  de  s'en  tenir  à  ce  qu'ils  en  ont 
»  décidé.  Fuyez  donc  encore  une  fois  une  conférence  où  vous  ne 
»  pouvez  rien  gagner,  &  pouvez  beaucoup  perdre.  Perféverez  dans 
»  la  foi  où  vous  êtes  nez ,  &  par  laquelle  vous  pouvez  être  fauvcz. 
»  Réfiftez,  comme  vous  avez  fait  jufqu'ici  s  de  toutes  vos  forces 
?>  à  ces  blasphémateurs  d'hérétiques ,  affurez  que  nous  vous  affifte- 
vrons  d'une  telle  manière,  qu'avec  l'aide  de  Dieu  l'orgueil  des 
»  médians  fera  brifé ,  &  que  non  feulement  vous  pourrez  réfifter 
(a)  R*/»:ànn.  >->  à  leurs  efforts ,  mais  même  devenir  victorieux  »  (a).  La  lettre  eft 
1427.11.7.  £Jattée  du  22  O&obre.  Te  laifie  au  Lecteur  à  faire  fes  réflexions 
Tup.p.  525.  fur  l'allarme  ou  paroit  ici  le  Pape,  quela^?!«^r^«/^neluccom- 
be  dans  une  conférence  ^  content  de  faire  en  Hiftorien  ces  deux 
remarques ,  pour  faire  voir  que  cette  allarme  n'étoit  pas  au  fond 
trop  mal  fondée.  L'une  eft ,  que  quoiqu'il  y  eut  des  Catholiques 
à  Pilfen  &c  dans  le  diftrid,  il  pouvoit  y  avoir  encore  plufieurs 
Huîîîtes.  C'eft  là  que  ziska  fît  fès  premières  courfes  5  il  y  parue 
tout  enfemble  en  conquérant  &  en  convertilléur.  L'autre,  qu'é- 
tant peut-être  en  plus  grand  nombre,  comme  ils  étoient  forE 
violents,  ils  auraient  bien  pu  faire  fuccéder  la  dragonade  à  la  con- 
férence. 
L'Evêquc  XX Vi.  Le  Pape £n  écrivit  aulfi  au  Cardinal  Evêque  d'Olmut^ 
ffoimttt%.  qui  n'oublia  rien. pour  traverfer  cette  entrevue  par  les  mêmes  rai- 
ycut  en  vain  (ons  j[  défendit  par  un  mandement  exprès,  fous  de  grandes  pei- 

cmpec'icr  la  t  r  »  o  .         f 

^iifcrcncc.   nés,  aux  Moraves  de  s  y  trouver.  Et  comme  il  ne  pouvoit  pêne- 
trer  en  Bohême ,  parce  que  tout  y  étoit  en  combuftion  ,  il  écrivit 
plufieurs  lettres  à  ce  qui  relloit  d'Eccléfiaftiques  &  de  Seigneurs, 
&  en  particulier  à  ceux  de  Pilfen  3  pour  les  détourner  d'un  projet 
(MKotupishi.  qui  allarmoit  fou  zèle  paftoral.  Cependant  la  conférence  fe  tint  ^ 
i c]  QueUr.  jes  uns  difent  à  Pilfen,  d'autres  dans  quelque  autre  endroit  de 
U$iG.up'  P"  ce  diftrict,  (b).  Il  ne  s'y  trouva,  au  rapport  de  Czgckorod  (c) ,  au- 
cun 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zlv.  XIII.    289 

cim  Grand  de  Moravie,  mais  feulement  quelque  peu  de  pauvres  1*1-1 
gens  de  cette  province ,  qui ,  à  ce  qu'il  prétend  ,  chargez  de  dettes 
Çq  livroient  au  plus  offrant.  Plufieurs  Grands  de  Bohême  &  les 
députez  de  Prague  y  affilièrent  avec  les  docteurs  Peyne  &  Coranda, 
arcs-boutans  des  Taborites.  Les  députez  de  Pilfen  n'y  manquè- 
rent pas  non  plus ,  comme  on  le  peut  juger  de  ce  qu'ils  obtinrent 
une  nouvelle  trêve  de  fix  mois.  Cependant  il  n'y  fut  rien  conclu , 
comme  il  étoit  déjà  arrivé  plus  d'une  fois ,  à  caufe  de  la  chaleur 
avec  laquelle  chacun  foûtenoit  des  fentimens  divers. 

XXVII.  Mais  comme  il  y  avoit  en  Moravie  beaucoup  de  gens  Ordonnance 
qui  penchoienc  pour  le  Haflitifme  ,  le  Cardinal  Evêque  d'0/?»#f  jaunîtes  ai 
publia  un  nouveau  mandement,  par  lequel  il  défendoitaux  prê-  Moravie. 
très  &  aux  laïques  de  rien  innover.  On  y  fpécirle  les  articles  fui- 
vans.  »  1.  Qu'aucun  prêtre  ou  laïque  ne  tienne  &  n'enfeigne  les 
>»4j.  articles  àtWiclef,  mais  qu'on  s'en  tienne  à  ce  que  croit  de 
»>  enfeigne  l'Eglife  Romaine.  2.  Qu'on  ne  falTe  aucun  changement 
s>  à  l'égard  des  fept  Sacremens ,  des  clefs ,  des  cenfures ,  des  céré- 
»  monies ,  des  droits  &.  des  rites  de  l'Eglife.  3 .  Qu'on  croie  le  Pur- 
»  gatoire ,  la  vénération  des  Reliques  ,  le  culte  des  Images ,  les  In- 
»  dulgences ,  6c  les  Ordres.  4.  Qu'aucun  n'entreprenne  de  prêcher 
«fans  l'approbation  de  l'Ordinaire,  ou  de  fon  Vicaire  approuvé 
«par  lui,  &c  qu'on  explique  la  parole  de  Dieu  félon  l'interpréta- 
»  tion  des  faints  Pères.  5.  Qu'on  ne  change  rien  dans  la  Mefle  & 
«dans  l'adminiftration  des  Sacremens.  6.  Que  fous  peine  d'ex- 
»  communication  on  ne  life  point  les  livres  de  iViclcf^  de  Jean  Hus 
»  &  de  Jacobel^  qui  ont  été  traduits  en  Bohémien  >  mais  qu'on  les 
»  brûle ,  ou  qu'on  les  porte  chez  l'Evêque.  7.  Qu'on  ne  chante 
»> point  les  chantons  défendues,  comme  étant  ineptes,  feanda- 
«leufes  &  féditieufes,  fur  tout  celles  qui  ont  été  faites  contre  le 
»  Concile  de  Confiance  ,  &  contre  les  Catholiques  qui  fe  font  op- 
»  ppfez  aji  Wicléfïfme y&  kla  louange  de  'Jean  Hus  &  de  Jerbme 
»  de  Prague  (a).  J'ai  rapporté  ceci,  parce  qu'on  peut  juger  par  ces  (t)  c^ch$r, 
nouvelles  précautions  en  quoi  confiftoient  les  innovations.  De*' Î***S%7* 
fon  côté  l'Archiduc  donna  un  Edit ,  par  lequel  il  défendoit  quel- 
que changement  que  ce  fût  dans  la  religion  jufqu'à  la  tenue  d'un 
Synode  provincial  qui  devoits'aflembler  bien-tôt.  L'Edit  portoit 
des  peines  contre  les  Prêtres  apofiats ,  &  les  autres  déferteurs  de 
la  religion  Catholique,  &  contre  ceux  quichanteroient  dans  les 
places,  dans  les  tavernes^ôc  dans  les  maifons  particulières  les  chaiu 
fons  défendues. 

Tom.  I.  Ô  o 


190       HISt.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSÏTES 
141*7.      '  . 

s  igc  &  prife  XXVIII.  Procope  Raie ,  après  avoir  fait  quelque  fejour  àPra- 
dcCoiin.  gue  p0ur  y  pacifier  toutes  chofes,  autant  qu'il  put,  alla  rejoin- 
dre les  Taborites  avec  quelques  troupes  de  Prague  pourafliéger  la 
ville  de  Colin  ,  où.  il  y  avoit  une  garnifon  Impériale  commandée 
par  de  Vifch  de  .BorzeL  La  place  fut  affiégée  par  trois  endroits, 
d'où  les  machines  de  guerre  faifoient  un  fracas  épouventable^mais 
les  affiégez  fe  défendoient  avec  tant  de  vigueur ,  que  le  fuccès 
du  fîége  fut  long- temps  incertain.  Cependant  ils  firent  une  for- 
tie  avec  tant  de  fureur  &  d'impétuoflté  3  qu'ils  mirent  en  fuite 
les  affiégeans  ,  &  rentrèrent  dans  la  ville  avec  un  grand  butin.  Ces 
derniers  allarmez  de  cet  exploit,  mandèrent  aulîî-tôt  à  tous  les 
conféderez  de  fe  rendre  incellamment  devant  Colin,  fous  peine  de 
la  ruine  de  leur  fortune.  On  vit  bien-tôt  arriver  dans  le  camp  une 
grolle  armée  de  troupes  aguerries  &  toutes  fraîches  ;  mais  comme 
les  vivres  manquoient  pour  tant  de  monde,  on  faifoit  des  détache- 
mens  pour  aller  piller  jufquesà  dix  lieues  à  la  ronde.  Ce  pillage 
ne  s'exerçoit  pas  fans  efearmouches  avec  les  payfans  ;ce  qui  fur 
tout  arriva  dans  un  village  où  ils  tuèrent  plufieurs  foldats ,  &c 
mirent  le  feu  dans  un  endroit  où  d'autres  s'étoient  retirez.  Quand 
on  en  eut  avis  dans  le  camp ,  on  détacha  une  centaine  d'hommes 
qui  brûlèrent  le  village,  &  emmenèrent  prifonniers  ceux  qui  é- 
chapérent  du  maiïacre  &  de  l'incendie.  Cependant  les  Orphelins 
qui  faifoient  partie  du  fiége ,  ayant  3  à  la  faveur  de  la  glace  ,  pafié 
l'Elbe ,  èc  brûlé  les  dehors  de  l'endroit  de  la  ville  où  ils  étoienc 
poftez ,  fè  mirent  en  devoir  d'efealader  la  muraille  -y  mais  les  affié- 
gez ayant  fait  une  fortie,  les  firent  reculer  avec  une  perte  consi- 
dérable. Les  Taborites,  bien  loin  de  les  foutenir,  faifoient  de* 
railleries  de  leur  témérité ,  leur  demandant  s'ils  avoient  eu  une 
bonne  Saint  Martin  (1).  Quelques  jours  après  la  place  fut  atta- 
quée de  nouveau  par  les  trois  corps  des  affiégeans.  Cette  nouvelle 
attaque  dura  prefque  un  jour  entier  fans  rien  gagner.  Pl^fleurs  au 
contraire  y  périrent,  ou  tuez  ou  noyez  dans  l'Elbe  dont  les  pla- 
ces s'étoient  rompues  ;  de  forte  qu'il  fallut  fe  retirer.  Ce  fut  un 
grand  fujet  de  triomphe  pour  les  affiégez.  L'un  d'entre  eux  ayant 
fnjLe  sei- enlevé  le  drapeau  d'un  des  Chefs  (a)  de  l'attaque  bleflé  à  mort, 
gneur  de  l'attacha  à  la  muraille  pour  infulter  les  affiégeans.  Procope  fut 
bielle  dans  cette  occafion  d'une  balle  de  plomb.  On  emmena  à 
Cuttembourg&  à  Prague  une  trentaine  de  chariots  chargez  de 
bleiTez.  Il  n'y  avoit  plus  d'autre  parti  à  prendre  que  d'abandonner 

(1)  Ceci  fepaffale  17,  de  Novembre.  Ibeob.  p.  12p. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Z/î/.^77/.  291 
l'encreprife ,  ou  d'affamer  la  ville  :  ce  dernier  parti  réuflic  en  lui  I± 
coupant  les  vivres.  La  place  manquoic  de  tout,  &  la  diflenfion 
s'écoic  mife  encre  les  habicans }  de  force  que  le  Gouverneur  (a)  m  Diwijct? 
obligé  de  fe  rendre,  les  crois  parcis  aflïégeans  entrèrent  dans  la 
place,  fans  régler  pour  lors  auquel  des  trois  elle  comberoic  en 
partage.  Elle  rue  cédée  dans  la  fuite  aux  Orphelins  qui  y  mirent 
garnifon.  Ils  convinrent  tous  de  s'atfembler  au  commencement 
de  l'année  à  Bérone,  pour  terminer  amiablement  les  différends 
de  religion. 

XXIX.  L'un  des  continuateurs  de  Baronius  place  à  cette  an-      Négocia- 
née  quelque  négociation  de  paix  entre  le  Pape  &  les  Bohémiens  hêm'c^savw 
par  l'entremife  de  Coribut.  Quoique  je  n'en  crouve  rien  dans  les  le  Pape. 
Hiftoriens  de  Bohême ,  je  ne  laiflerai  pas  de  la  rapporter  ici ,  ne 
voulant  pas  fuppofer  quecec  Annalifte  l'ait  inventée.  Les  Bohé- 
miens ,  dit  l'Annalifte  ,  épuifez  par  tant  de  guerres ,  auffi  fatiguez 
de  leurs  vidoires  que  les  vaincus  de  leurs  défaites ,  firent  mine  de 
vouloir  fe  réconcilier  avec  l'Eglife ,  &  employèrent  Coribut  à  cette 
négociation.  Le  Pape  en  bon  père  ne  rejetta  pas  la  propofition, 
pourvu  que  de  leur  côté  les  Bohémiens ,  comme  des  enfans  fidè- 
les à  l'Eglife ,  fe  foumiflène  à  fon  autorité.  L'affaire  fut  mife  en- 
tre les  mains  du  Roi  de  Pologne  &  du  Duc  de  Lithuanie.  Cepen- 
dant l'Empereur  à  qui  cette  négociation  donnoit  de  l'ombrager, 
comme  pouvant  être  au  préjudice  de  fon  droit  à  la  Couronne  de 
Bohême,  fit  des  reproches  au  Pape  de  l'avoir  entreprife  à  fon 
infçû.  Le  Pape  s'en  exeufa  par  une  lettre  du  onzième  de  Septem- 
bre (1).  Il  y  avoit  dans  la  lettre  des  reproches  fur  d'autres  fujets, 
qui  ne  font  pas  exprimez  dans  le  fragmencdelaréponfedu  Pa- 
pe qu'a  donné  Raynaldus.  1 .»  Le  Pape  repréfencoic  donc  à  l'Empe- 
»  reur ,  qu'ayant  fait  tous  les  efforts  imaginables ,  tant  par  {es  Non- 
»  ces  &  par  fes  Légats ,  que  par  fa  croifade ,  pour  convertir  ou  ré- 
»  duire  les  Bohémiens ,  couc  cela  n'avoir  abouti  qu'à  la  confufîon 
»  de  la  foi  Carholique,  des  Princes  Allemands ,  êc  au  triomphe  de 
«l'héréfie.    i.  Qu'il  n'avoit  pu  s'empêcher  d'écouter  les  propo- 
»>  fitions  qui  lui  avoient  été  faites  de  la  part  des  Bohémiens  poux 
«les  réconcilier  avec  l'Eglife  parle  moyen  de  Coribut,  qui  bien 
»  que  fufpecl: ,  méritoit  pourtant  d'être  entendu  ,  parce  qu'il  étoit 
•  mieux  informé  que  perfonne  des  intentions  des  Bohémiens.  3. 
»»  Que  les  Bohémiens  dans  cecce  négociacion  vouloienc  craiter  im~ 
wmédiacemencavec  le  Pape,  fans  l'intermiflîon  du  Roi  des  Ro- 

(1)  On  l'a  placée  ici  n'ayant  pu  1 enchaffer  commodément  ailleurs, 

Oojj 


29 2         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1417,    "  niains.  4-  Qu'on  ne  les  avoic  admis  à  traiter ,  qu'à  condition  qu'ils 
»  ne  Te  prefenteroient  pas  pour  difputer ,  foutenir  leurs  droits ,  con- 
»  teiter  ceux  de  l'Egliie  ;  mais  pour  fe  foumettre.    5 .  Que  l'Empe- 
»  reur  ne  devoit  pas  trouver  mauvais  qu'il  n'eût  pas  été  requis  pour 
«cette  négociation,  &  qu'on  fe  fût  adreflé  au  Roi  de  Pologne  & 
»  au  Duc  de  Lithuanie  5  parce  qu'on  avoit  eu  des  avis  certains  que 
«l'efprit  des  Bohémiens  étoit  tellement  aliéné  de  lui,  qu'il  n'y 
»>  avoit  nul  lieu  d'efpérer  aucun  accommodement  s'il  y  interve- 
»noit.  6.  Qu'il  croyoit  d'autant  moins  qu'il  trouveroit  mauvais 
»  qu'on  eût  pris  d'autres  médiateurs ,  qu/il  avoit  déclaré  lui-même 
>»  que  pourvu  que  les  Bohémiens  revinilent  au  giron  de  l'Eglife  &  à 
33  Ion  obéiflance,  il  lui  étoit  indiffèrent  par  quel  canal  cette  im- 
33  portante  affaire  s'exécutât  (  1  ). 
Affairesé-      XXX.  On  avoit  foupçonné  Martin  V.  d'entretenir  la  guerre 
Italie,' Efpa- en  Italie  pour  pêcher  en  eau  trouble  5  mais  voyant  qu'il  y  per- 
gne,Portu-   doit  plus  qu'il  n'y  gagnoit ,  il  envoya  Nicolas  Âlbergati  cardinal 
dclMiianUC   ^e  $te'  Croix  Pour  négocier  la  paix  entre  le  Duc  de  Milan,  le3 
viole  la  paix.  V  énitiens  &  les  Florentins.  Elle  fe  conclut  en  effet  en  1417.  Les 
Vénitiens  recouvrèrent  Brefce ,  Crémone  >  JBergame.   On   rendit 
aux  Florentins  ce  qu'on  leur  avoit  enlevé.  Amedéeduc  deSavoye 
garda  ce  qu'il  avoit  conquis  (2).  Cependant  lorfqu'il  fut  queftion 
de  rendre  les  places  dont  le  Duc  de  Milan  avoit  promis  la  refti- 
tution  ,  on  enrefufa  l'entrée  au  Général  Carminiola  >  queles  Vé- 
nitiens avoient  envoyé  pour  les  recevoir.  C'étoit  une  des  four- 
beries ordinaires  du  Duc  de  Milan ,  qui  en  même  temps  promet- 
,  >  „       toit  de  les  rendre,  6c  donnoit  ordre  de  les  réfuter.   Le  Légat 
Hift.  Fio-     s'en  retourna  à  Rome  fort  irrite  d'avoir  ete  ainfi  joué  par  le  Duc 
rent.  Lib.  v.  Ainfi  la  guerre  recommença  tout  de  nouveau  (a). 
Démêlé  du      XXXI.  Si  Martin  V.  témoignoit  un  grand  zèle  pour  l'ex- 
Pape  avec     tincfcion  du  Huflîtifme,  il  n'en  avoit  pas  moins  pour  le  maintien 

l'Archevêque    i       /         i       •  n  i  j  i  •  r^. 

-icCanmbirt.  de  les  droits  par  tout  ou  on  leur  donnoit  quelque  atteinte.  On 
avoit  aceufé  à  Rome  Henri  Chichley  archevêque  de  Cantorberi  , 
de  s'être  oppofé  à  l'abolition  d'un  ade  du  Parlement  (3),  con- 
traire aux  prétentions  de  la  Cour  de  Rome,  6c  d'avoir  taxé  le 
Pape  de  ne  folliciter  cette  abolition  que  par  avarice.    Chichley 

(i]  Rajnald.  1427.  n.  10.  11.  Le  même  Annalifte  rapporte  que  Sigifm»nd  ,  bien  loin  de  Ce 
payer  de  cesraifons  ,  aima  mieux  rechercher  l'amitié  de  Zis\a ,  que  de  fouffrir  que  Coribut  y 
fbws  prétexte  de  cette  réconciliation  des  Bohémiens  avec  le  Pape  ,  ne  devint  Roi  de  Hongrie 
à  fou  préjudice.  Mais  l'Annalifte  confond  les  temps.  Zisfya  étoit  mort, 

(1)  C'étoit  le  même  qui  fut  élu  iJape  fous  le  nom  de  Félix  V» 

($)  C'cft  l'ade  appelle  Pramttnire, 


# 

ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  X1JI.  293 
s'en  défendit  j  mais  loin  de  perfuader  il  sortira  de  la  part  de  Mar-  x ,  2  - 
tin  une  lettre  fort  piquante  que  Raynaldus  place  à  cette  année.  « 
jîC'eftj  dit-il  à  ce  Prélat ,  par  vos  actions  &  non  par  des  lettres 
»  d'excufe  qu'il  faut  juftitier  votre  innocence  à  l'égard  de  cet  Edic 
»  exécrable  contre  la  liberté  du  fiége  de  Rome  ,  dont  nous  avons 
«ordonné  l'abolition  fous  peine  de  cenfure  eccléfiaftique.  Bien 
»  loin  de  cela ,  nous  avons  appris  que  fans  refped  pour  nous  &  con- 
»  tre  la  vérité,  vous  ofîez  dire  que  nous  ne  demandions  cette  abo- 
lition que  pour  épuifer  d'argent  le  royaume  d'Angleterre.  La 
"faufleté  de  cette  accufation  paroît  évidemment  par  des  offres  que 
»nous  avons  faite*  par  nos  Nonces ,  fi  avantageufes,  qu'aucun 
»  de  nos  prédecefïeurs  n'en  a  fait  de  pareilles  à  aucune  nation. 
»  Ce  n'eit  donc  point  par  intérêt  que  nous  avons  agi  3  mais  pour 
»  maintenir  des  droits  ôc  des  privilèges  que  Jefus-Chrift  lui-même  de 
nfa  propre  bouche  a  donnez^  au  Siège  de  Rome  3  que  les  Saints  Pères  > 
»les  Sacrez  Conciles,  Ôc  l'Eglife  univerfelle  ont  reconnus,  &  que 
»  nous  fommes  réfolus  de  pourfuivre  &  de  maintenir.  C'eft  à  vous 
»au  refte,  c'eftàvous  même  qui  accufez  les  autres  d'intérêt,  à 
»  prendre  garde  que  ce  ne  foit  pour  théfaurifer  que  vous  vous  op- 
»  pofez  aux  provifions  &  aux  ordres  apoftoliques  (a).  ,4^  n^ 

XXXII.  Il  fe  paidoit  en  même  temps  quelque  cliofe  d'à  peu  Avcc\aVo. 
près  femblable  en  Pologne.  Après  la  mort  &  André  Lafcharis  logne. 
évêque  de  Pofnanie ,  qui  avoit  paru  avec  éclat  au  Concile  de 
Confiance }  le  Pape  de  fon  autorité  &  de  fon  propre  mouvement , 
(motuproprio )  àv oit  conféré  ce  Bénéfice  au  Prévôt  de  Gnefne  fa 
créature  (1  ),  Mais  quelques  prélats  &  quelques  chanoines  de  Pof- 
nanie ,  à  la  recommandation  du  Roi ,  y  avoient  élu  le  Vice-chan- 
celier du  royaume  (1).  On  dit  même  que  le  Roi  &  Alexandre  Wi- 
thoud  Grand  Duc  de  Lithuanie  tâchèrent  de  gagner  Martin^ 
pour  obtenir  la  confirmation  de  cette  élection  (b).  Martin  cepen-  cb)  R«y», 
dant  fut  inflexible  &  fit  même  faire  des  reproches  très -vifs  à  ubifuPr'n- 
Wladiflas ,  d'avoir  foupçonné  le  Siège  de  Rome  d'être  capable  de  x  * 
corruption.  Le  Vice-chancelier  irrité  de  ce  refus,  n'oublia  rien 
pour  irriter  le  Roi  contre  le  Pape  qui  vouloir  conférer  contre  Con 
gré ,  de  fa  pleine  puifïance ,  des  Bénéfices  en  Pologne.  Martin  de 
fon  côté  déclara  le  Vice-chancelier  inhabile  à  pofîeder  aucune 
charge  ou  degré  eccléfiaftique ,  &  en  donna  avis  au  Roi  par  une 
lettre,  ou  après  de  grands  éloges  fur  fa  conduite  paflée  envers  le 

(1]  Mirojîaus  d'une  maifon  noble  de  Pologne  nomme'e  NabacX.. 

(2)  Stctnijlaus  KvohcJ^de  nobilidoma  Jaarorttm.  Dlug.  Rer.  Poltn.  Lib.  XI.  p.4p6". 

O  o  iij 


294  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
Un.  Siège  Apoftolique,  il  lui  reproche  d'en  avoir  violé  tes  droits  8c 
les  privilèges  par  le  refus  de  confirmer  fon  élection  à  l'Evêché  de 
Pofnanie  3  &  par  Pintrufion  d'un  autre  Evêque.  Cette  affaire  au- 
roit  entièrement  brouillé  la  Pologne  avec  le  Siège  de  Rome ,  fans 
la  mort  de  l'un  des  concurrents ,  qui  fît  place  à  l'autre  du  con- 

uËfup/r*'    fentement  du  Pape  (a). 

Avec  le  Por-      XXXIII.  Jean  roi  de  Portugal  s'étoit  auffi  attiré  Pindigna- 

tug  tion  de  Martin,  par  diverfes  entreprifes contre  les  droits  &  le*s 

libertez  de  PEglife  Romaine.  Il  mettoit  des  impôts  fur  le  clergé, 
traînoit  les  Eccléfiaftiques  devant  les  tribunaux  féculiers ,  enle- 
voit  les  biens  d'Eglife  fous  divers  prétextes,  Se  defendoit  fous 
peine  de  la  vie  de  publier  des  Lettres  Apoftoliques  fans  fa  per- 
miffion.  C'eft  ce  qui  obligea  le  Pape  à  en  écrire  à  l'Archevêque  de 
Prague ,  lui  ordonnant  d'aflembler  un  Synode  de  fa  Province  pour 
chercher  les  moyens  de  redreïïer  ces  griefs ,  &  pour  nommer  des 
députez  en  Cour  de  Rome.  Il  en  écrivit  en  même  temps  à  l'Ar- 
chevêque de  Lisbonne ,§L%.xa  Roi  lui-même  à  quiilordonnoit  fous 
peine  de  contumace  de  lui  envoyer  une  ambaflade  pour  rendre 
raifon  de  fa  conduite. 
Réconcilia-      XXXIV.  On  a  vu  ailleurs  que  le  Roi  d'Arragon  avoit  refu- 

tïon  de  Mar-  fé  de  recevoir  le  Cardinal  de  Poix  que  le  Pape  lui  avoit  envoyé. 

'pbonfi?  Al'  Après  l'avoir  inutilement  ajourné ,  il  étoit  prêt  à  lancer  la  foudre 
contre  lui,  lorfque  ce  dernier,  pour  la  détourner,  envoya  des 
ambafladeurs  &  promit  de  recevoir  le  Légat.  Il  entra  en  effet  en 
Arragon  ,  ôc  fut  reçu  avec  grande  folemnité  à  Valence  où  étoic 
alors  le  Pvoi.  Après  quelques  difficulrez  on  convint  des  articles 
fuivans.  i .  Que  le  Roi  travailleroit  efficacement  à  ramener  dans 
le  giron  de  PEglife 3  &  à  l'obéifTance  de  Martin,  l'antipape  de 
Penifcola  Se  (es  adhérents }  Se  le  Pape  de  fon  côté  permettoit  de 
les  recevoir  &  de  les  traiter  avec  toute  forte  de  clémence  5  mais 
que  s'ils  perfïftoient  dans  le  fchifme ,  le  Roi  les  mettroit  au  pou- 
voir du  Pape.  2.  Qu'on  révoqueroit  à  fon  de  trompe  tous  les  Edits, 
Inhibitions,  Conftitutions ,  Décrets  publiez  contre  Martin  Se  tes 
Légats ,  &  les  libertez  de  PEglife.  3.  Que  le  Roi  promettoit  aux 
collecteurs  du  St.  Siège ,  de  percevoir  en  toute  liberté  les  fruits, 
biens ,  droits  de  la  Chambre  apoftolique.  4.  Que  PEglife  Romai- 
ne^ généralement  toutes  les  perfonnes  eccléfiaftiques  duRoyau- 
me  6c  de  fes  autres  domaines  3  jouiroient  paifiblement  de  leurs  pri- 
vilèges ,  libertez ,  franchifes ,  immunitez  6c  autres  droits.  5 .  Qu'on 
jrécabliroit  fans  délai  cous  les  Prélats  Se  autres  Eccléfiaftiques  dé- 


ET  DU  CONCILE  DE  BAS  LE.  Ziv.XIII.  195 

pouillez  dans  leurs  dignicez  ,  bénéfices  &  autres  biens.  6.  Que  le     I4-17- 
royaume  de  Naples  ne  feroit  plus  molefté  5  que  le  Pape  traiceroic 
avec  la  Reine  de  l'indemnifation  du  Roi  d'Arragoa  ,  &  qu'il 
nommeroic  des  commiflaires  impartiaux  &  non  fufpeéts ,  pour 
examiner  les  prétentions  que  ce  Monarque  pouvoit  avoir  iur  le 
royaume  de  Naples  (a).  Je  trouve  dans  Bzovius  ces  articles  ac-  0»)  R«r».  ubi 
compagnez  du  Placet ,  c'eft-à-dire  ,  accordé ,  à  laréfervedupre-  iup'"'  x2' 
mier  ôcdu  dernier  (b).  Les  demandes  duRoiétoient  1.  Le  corps  (b)B&w.an. 
deSt.Zouis  (1).  1.  La  remife  des  arrérages  dûs  à  la  Chambre  xxl  " 
apoftolique  ,  à  condition  que  tous  les  cinq  ans  le  Roi  donneroic 
au  Pape  en  redevance  un  manteau  d'or.  3.  Cent  cinquante  mille 
florins  d'Arragon ,  en  dédomagement  des  dépenfes  que  le  Roi 
avoit  faites  pour  l'extinction  du  fchifme.  4.  Un  certain  fecours 
pour  défendre  la  Sicile  contre  les  incurfions  des  infidèles.  5.  Que 
le  Roi  donneroic  les  provifions  pour  les  vacances  des  Prélatures, 
&  des  Eglifes  cathédrales  des  Abbayes.  6.  Que  le  Roi  nomme- 
roit  fîx  perfonnes  dont  deux  feroient  promues  au  Cardinalat, 
de  concert  avec  le  Légat.  7.  Une  amniftie  générale  de  tout  ce 
qui  avoit  pu  être  fait  contre  le  Siège  de  Rome  pendant  le  fchif- 
me. 8 .  Que  le  Cardinal  Légat  iroit  à  Rome  faire  ces  proportions 
réciproques  au  Pape,  8t  reviendroiten  Arragon  pour  conclure 
letraité.  Il  ne  le  fera  qu'en  1419. 

XXXV.  Les  Anglois  étoient  toujours  en  France.  Ils  y  fai-     France  & 
foient  des  conquêtes ,  &  on  leur  y  en  enlevoit.  Ils  prirent  Bourges    ng  cterrc' 
&  on  leur  reprit  Montargis.  Ce  fut  par  la  valeur  du  bâtard  d 'Or- 
léans ,  fils  de Zouis Duc  d'Orléans,  aiTaiîiné  par  ordre  du  Duc 

de  Bourgogne.   On  Pappella  depuis  le  Comte  de  JDunois.  Le  P. 
Daniel  tait  un  portrait  fort  avantageux  de  ce  jeune  Seigneur  3  qui  {c^Da„iel 
mérita  le  titre  glorieux  de  Réformateur  de  f  Etat  (c).  On  le  verra  Hift.deFr! 
bien-tôt  fe  fignaler  au  fiéee  d'Orléans.  Les  Anelois  firent  cette  7,\l?\?zî' 
année  une  irruption  en  Bretagne  ,  &  obligèrent  le  uucJeanV.z  Hift.de  Bre- 
abandonnerC/^/r/^7^y/.6càreconnoître  Henri  VJ.  pour  Roi  de  ta?nTe-  Liv- 

T  /J\  xvi.p. 

France  (d).  $72. 

XXXVI.  L'Allemagne  étoit  déchirée  par  des  guerres  in-  Allemagne 
teftines ,  quoi  qu'on  s'y  préparât  à  la  guerre  des  Huiîites.  Conrad  N0rd?Guer- 
JJJ.  archevêque  de  Mayence ,  aiTifté  de  Theodoric  archevêque  re  entre  Tar- 
de Cologne ,  ôc  de  Jean  de  Brun  évêque  de  Wirt^ourg3  Prélat  ^L^*  & 

le  Landgra- 
(1)  Je  ne  fçai  quel  Sttint  Louis  ce(t.  J'en  trouve  trois  de  ce  nom  dans  le  Martyrologe  Ro-  vc  de  !:/<■//*• 
main  ,  L-oiiislX.  Roi  de  France,  Loiiis  Evcque  dcJonleufe  3  &  Loiiis  Evêque  de  Cor  doue. 
C'eft  apparemment  cekiwci. 


i9 6       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
*42  7-    très-puiiïant,  ayant  déclaré  la  guerre  à  Louis  Landgrave  de  Heffe, 
mie  le  fiége  devant  Fulde  avec  une  grofle  armée.  Mais  il  en  rut 
repoufle  honteufement  avec  beaucoup  de  perte.  Depuis  on  fie 
la  paix  par  l'entremife  des  Prélats  qu'on  vient  de  nommer,  de 
Frédéric  de  Brandebourg  3  &  de  Guillaume  duc  de  Brunfwich  ,  ÔC 
Lunebourg.  Ceci  fè  pafla  en  1427. 
Guerre  entre      XXXVII.  Cette  même  année  les  villes  Anféatiques  de  Lu- 
Dmnemark  bec  ,àz  Hambourg  y  àzV/ifmar  &  de  Stralfunde  ,  s'étoient  liguées 
&  les  Ducs  '  avec  les  Ducs  de  Slefwich  pour  reprendre  le  Duché  de  Slefwich  , 
de  siefvvich,  que  l'Empereur  avoit  adjugé  en  1424.  à  Eric  roi  de  Dannemarck. 
Anféatiques.  L'Empereur  en  écrivit  fortement  à  ces  villes  ;  il  leur  repréfentoic 
que  le  Pape  avoit  envoyé  à  Nuremberg  le  cardinal  des  Vrjîns  pour 
difpofer  l'Allemagne  à  une  expédition  contre  les  rebelles  &  héréti- 
ques de  Bohème.  Qu'on  avoit  nommé  à  ce  Cardinal  les  Rois  &  les 
Républiques  qui  pouvoient  entrer  dans  cette  ligue,  &  entre  au- 
tres le  Roi  Eric  (on  très-  cher  frère,  &  l'Ordre  Teutonique;  que 
dans  cette  vue,  il  avoit  envoyé  à  ce  Monarque  un  de  [qs  cham- 
(a)  Michel    bellans  (a) ,  mais  qu'il  avoit  été  mal  reçu  par  elles  fur  fa  route  (  1  ). 
lUnmngtr.    Qu'il  n'ignoroit  pas  que  contre  tout  droit  &  équité ,  &  même 
contre  la  Sentence  donnée  par  lui  &  par  l'Empire ,  elles  s'étoient 
jointes  avec  les  Ducs  de  Holftein  contre  le  Roi  de  Dannemarck , 
au  grand  préjudice  de  ce  Royaume ,  &  à  l'avancement  de  Yhèrê- 
ykjqu'ainfîilleurordonnoit,  comme  à  des  Vafïaux  de  l'Empire, 
de  mettre  bas  les  armes  fous  peine  d'être  châtiez  comme  des  rebel- 
les. En  même  temps  l'Empereur  donna  avis  de  ces  diligences  à 
(h)  Hicohs  £riC  5  ôc  envoya  un  de  fes  Confeiiiers(b)  aux  villes  liguées,  pour 
négocier  la  paix.  Ce  Confeiller  à  fon  arrivée  à  Lubec  expofa  publi- 
quement les  ordres  de  l'Empereur,  &  repréfenta  combien  cette 
guerre  lui  étoitdéfagréable,  tant  pour  l'intérêt  qu'il  prenoit  au 
Roi  de  Dannemarck  fon  frère  &  fon  allié ,  que  par  rapport  à  la 
guerre  qu'on  fe  préparoit  à  faire  aux  Huiîîtes.  On  verra  la  fuite  de 
cette  affaire. 

(1)  OnaccufoitccuxdeLubecdc  l'avoir  fait  prifonnier,  de  quoi  on  les  verra  fe  juftifiei 
dang  la  fuite. 

aruft 


HISTOIRE 


H  I  SiT  O  I  R  E 

DELA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET        DU 

CONCILE    DE     BASLE 


*WK££&&3&kk&k&te}&i&kJikkJt 


LIVRE    XIV. 

U  commencement  de  1423.  on  tint  zBcraune  (1)     r4?. 8. 
l'aiTemblée  dont  on  étoic  convenu  ,  pour  pacifier   Conférence 
es  démêlez  de  Religion.  Les  trois  partis,  fçavoir  jf^1*^ 
lesTaborites,  les  Orphelins  &  ceux  de  Prague  s'y 
■trouvèrent  j  Procope  Rafe  s'y  rendit  aufîï.  Tout  Te  pa#a  en  contef- 
tations.  Procope  &  Tes  Taboricesprétendoient  qu'on  pouvoir  dire 
■là  Meiïeôc  célébrer  le  Service  divin  fans  habicsfacerdotaux  -y  qu'il 
pe  falloir  point  faire  i'élevation  de  PHoftie ,  ni  adorer  le  pain  de 

{1)  Ville  Royale  de  Bohême  fur  la  Mile  dans  le  diftrift  de  P<*dvvcrther. 

Tm.  I.  Pp 


293       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

ia.i2,  l'Euchariftie:ilsrejetcoientlesfepcSacremens,iIsnes'ac€ordoienc 
point  avec  ceux  de  Prague  fur  le  Libre  arbitre,  fur  la  Juftification 
&fur  laPréde(lination(i):de  forte  qu'on  fe  fépara  fans  rien  con- 
clure. Les  Taborites  fe  retirèrent  brufquement  pour  s'en  aller  à 
Prague  où  on  refufa  de  les  recevoir.  De  quoi  Procope  irrité  fe  re- 
tira à  Randnit^oh  Jean  Smirckzjc ,  Taborite  évadé  des  prifons  de 
Prague,  l'alla  trouver.  Dans  la  dernière  fédition  de  cette  capi- 
tale ,  il  avoic  été  arrête  par  ordre  du  Sénat  comme  un  des  auteurs 
dufoulevement.  Ayant  corrompu  fes gardes ,  il  fut  reconnu  com- 
me il  vouloitfefauver,  êtrefTerré  plus  étroitement.  Cette  fois  il 
fut  plus  heureux  ,  fon  arrivée  caufa  une  furprife  fort  agréable  aux 
Taborites.  Smirck^ic  pour  fe  vanger  de  ceux  de  Prague  leur  écri- 
vit une  lettre  fi  mordante ,  qulls  prirent  la  réfolution  d'aller  aflié- 
ger  Randnitzj,  mais  elle  ne  s'éxecuta  pas.  Les  Orphelins  cepen- 
dant&  ceux  de  Prague  rentrèrent  dans  la  ville. 
Courfe  des      1 1.  Environ  ce  temps  là  les  Orphelins  de  Cutterriberg  s'afTem- 

JiaJfie?te,en  lièrent  pour  délibérer  de  quel  côté  ils  tourneroient  leurs  armes, 
La  réfolution  fut  d'affiéger  Ziechtemberg,  place  forte,  dont  le 
gouverneur  Jean  Micfïecz^,  les  incommodoit  par  des  irruptions 
fréquentes.  Ce  gouverneur  3  pour  gagner  du  temps  _,  leur  envoya 
demander  une  trêve  de  quinze  jours  fous  prétexte  de  traiter  de  la 
paix  j  mais  apprenant  depuis  que  ce  n'étoit  qu'une  rufe  pour  fe 
mettre  plus  en  état  de  fe  défendre ,  ils  remirent  le  fiége  à  un  autre 
temps  Ôc  allèrent  faire  une  courfe  en  Siléfie  ,  ayant  à  leur  tête  Ve- 
likon  Cudeling  qui  fe  cafla  une  jambe,  étant  tombé  de  cheval.  Cet 
accident  fut  regardé  comme  un  fi  mauvais  prefage  par  une  partie 
âcs  Orphelins ,  qu'ils  vouloient  s'en  retourner  ;  mais  les  autres  n'y 
pouvant  confëntir,  il  fallut  continuer  la  marche  fous  la  conduite 
fa)  Biaife  d'un  autre  Chef  (a).  Ce  ne  fut  que  maflacres  &  qu'incendies  de 

Kr*/*p.  toutes  parts.  Ils  jettérent  leur  premier  feu  fur  le  Duché  de  Munf- 
terberg.  De  là  ils  allèrent  fondre  fur  Suidnitz^,  Javar  3  Liegnztz^j 
portant  la  terreur  par  tout  jufques  à  Brejlau.  Il  y  eut  dans  cette 
expédition  plus  de  douze  villes  brûlées,  quantité  de  rnonaftéres 
détruits  j  &  on  ne  manqua  pas  à  l'ordinaire  ,  de  faire  des  moines 
plufieurs  facrifices  à  Vulcain.  P  allant  enfuite  dans  le  duché  de 
Grokko  ,  ils  prirent  en  chemin  Patzjzo  3  £c  fe  rendirent  à  Niffa  dans 
le  deflein  de  l'affiéger. 

si.vc&com-      III.  Cette  ville  fur  la  rivière  de  Neijf ,  étoit  laréfidencede 

\.m  à  r  un  j  ■ 

(i)Tbeob.  ubi  fup.  p.  izp.  On  n'a  point  vu  jufqu'ici quels etoientles  fentimens  des  uns  & 
des  auttes  ,  fur  tes  tr^is  derniers  articles. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JTIV.  299 
YEvëquc  de  Ure/Iau.  Comme  la  nobleiïe  voifine  y  a  voit  reciré  (es  %ai%, 
efFecs ,  il  y  avoic  efpérance  d'un  riche  butin.  Le  fiége  formé  ,  les 
habicans  firent  quelques  (orties  avec  aiïez  de  fuccès  j  mais  Procope 
étant  arrivé  avec  (es  Taborites  au  fecours  des  Orphelins ,  les  af- 
fïégez  fe  retirèrent  en  confufion  &  furent  pourfuivis  jufques  aux 
portes  de  la  ville  dont  on  brûla  les  fauxbourgs,  pour  l'attaquer 
dans  les  formes  :  mais  la  divifion  s'étant  mife  parmi  les  afïïégeants 
à  l'occafion  du  partage  du  butin  qu'ils  avoient  déjà  fait,  il  fallut 
lever  le  fiége  après  avoir  perdu  beaucoup  de  monde.  Les  Tabori- 
tes tirèrent  du  côté  de  Brieg,  &y  continuèrent  leurs  maftacres, 
leurs  incendies  &  leurs  brigandages  avec  tant  de  fureur  ,  que  tout 
ce  beau  païsn'étoit  plus  qu'un  fpectacle  d'horreur  (a).  Les  Orphe-  fr]Ue»k 
lins  parlèrent  de  là  en  Moravie,  ou  après  avoir  fait  les  mêmes  dé-  ubl  fuP*  P* 
gats  }  ils  afliégerent  Bruna  où  ils  trouvèrent  tant  d'exercice  qu'il  cw.'p.  $%6. 
fallut  appeller  les  Taborites  à  leur  fecours.  Comme c'étoit  une  B*'**»-  F* 
place  fort  importante  _,  l'Archiduc  &  le  Cardinal  Evêque  firent  ' 
toutes  les  diligences  pofiîbiespour  la  fecourirpromptement.  Ce- 
lui-ci afîembla  tous  fes  clients  àWiskow,  pour  leur  faire  prendre 
les  armes ,  6c  l'Archiduc  envoya  des  ordres  à  tous  les  gouverneurs 
&  commandants  d'Autriche  &;  de  Moravie  d'accourir  prompte- 
mentavec  le  plus  de  monde  qu'ils  pourroient.  Cependant  les  af- 
fiégez  firent  une  forcie  qui  leur  réuftït  Ci  bien,  que  les  alliégeants 
craignant  de  ne  pas  venir  à  bout  de  leur  entreprife  de  vive  force  3 
eurent  recours  à  l'artifice.  Welikon  leur  chef,  quiavoit  des  intel- 
ligences dans  la  ville  ,  fit  fça voir  l'état  où  ils  étoient  à  (escorref- 
pondants,  mais  la  mine  fut  d'abord  éventée.  On  intercepta  les 
lettres,  &  les  traîtres  furent  exécutez.  Les  afliégeants  qui  igno- 
roient  ce  qui  fe  pafïbit  dans  la  ville  ,  furent  fort  furpris  de  trouver 
tant  de  réfiftance  dans  l'endroit  qu'on  leur  avoit  marqué  pour 
furprendre  la  place.  Il  fallut  fe  recirer  avec  honte  &  non  fans  per- 
dre beaucoup  de  monde.  Pendant  ce  temps  -là  Procope  le  Grand 
arriva  avec  les  Taborites;  le  courage  des  Orphelins  relevé  par  ce 
renfort,  on  reprit  le  fiége  avec  une  nouvelle  vigueur.D'autre  côté 
les  troupes  du  Cardinal  &  celles  d'Autriche  s'avançoient  à  grands 
pas.  C'étoit  un  corps  d'environ  huit  mille  hommes  de  bonnes 
troupes  auxquelles  rejoignirent  douze  cens  chevaux  envoyez  de 
Hongrie  par  l'Empereur.  Les  chefs  des  Taborites  &  des  Orphe- 
lins, pour  être  mieux  en  état  de  défenfe,  éloignèrent  leur  camp 
à  quelque  diftance  de  la  ville ,  bien  retranchez  avec  leurs  chariots. 
On  en  vint  aux  mains }  le  combat  fut  rude  &  opiniâtre ,  &  pendant 


3oo       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES. 

J4.28     long- temps  fore  douteux.  Mais  comme  il  venoit  toujours  du  ren- 
fort aux  Impériaux  par  les  foins  du  Cardinal ,  les  Bohémiens  com- 
mencoient  à  lâcher  le  pied  ,  lorique  Welikon  vint  les  foûtenir  avec 
un  nouveau  corps  de  troupes.  Le  combat  recommença  dès  le 
matin  ;  on  fe  battit  j  ufqu'au  foir  avec  un  avantage  à  peu  près  égal . 
Les  afliégez  cependant  firent  une  fortie  qui  fit  prefque  perdre 
courage  aux  Bohémiens.  Enfin  la  nuit  ayant  féparé  les  combat- 
tants ,  lesTaborites  fe  retirèrent  dans  leurs retranchemens ,  ôcles 
Moraves  s'approchèrent  de  la  ville.  11  demeura  environ  trois  mille 
hommes  de  part  &  d'autre  dans  ce  combat.  Quoique  la  perte  fût 
à  peu  près  égale,  l'avantage  fut  pourtant  du  côté  des  Moraves. 
LesTaborites  furent  repoulTez  dans  leurs  retranchemens  d'où,  ils 
ne  fortirent  plus  que  pour  fe  retirer  tout-à-fait ,  &  même  fort  clan- 
deftinement.  Le  lendemain  les  chefs  des  armées  Impériale  &  Mo- 
rave  tinrent  un  Confeil  de  guerre  avec  le  Cardinal  Evêque,  fur 
ce  qu'il  y  avoitàfaire.  Quelques-uns  étoient  d'avis  de  forcer  les 
Taborites  déjà  fort  affbiblis.  Les  autres  contents  d'avoirdélivré  la 
ville  ne  trouvoientpas  de  fureté  à  hazarder  un  nouveauu  combat 
contre  des  défefperez.  Ce  dernieravis  l'emporta.  Les  Orphelins 

(a)TTYv*'n  prirent  le  chemin  de  la  Bohême,  &  les  Taborites  de  l'Autriche. 

can.  La».  p«  i  .  .  .  j  •  f 

x  3  ucuchor.  Après  leur  retraite  les  chefs  Moraves  reprirent  les  places  du  voiii- 

p-5*2-*34-  nage,  dont  les  Huffitess'étoient  emparez  (a). 

Frocope  rc-        j  y  Procope  cependant  avec  fes  Taborites,  après  avoir  touc- 

bornt&  T      defolé  en  Autriche  jufques  à  Cornenbourg  &  Vienne ,  fe  retira  & 

prend  Bc-  Tabor  ,  craignant  d'être  enveloppé  par  les  Autrichiens  &:  les 
Hongrois ,  qui  s'avançoient  contre  lui.  Il  y  trouva  toutes  choies 
en  fort  mauvais  état.  La  garnifon  de  Bechin  avoir  pris  &  brûlé 
Radifchtie  forterefîe  des  Taborites,  &  rafé  un  autre  fort  qu'ils 
avoient  fait  bâtir  près  de  ià.  On  prétend  que  Tabor  même  auroic 
été  pris  files  ennemis  avoient  fait  diligence.  Autre  accident  qui 
mortifia  extrêmement  Procope ,  c'eft  que  Jaroflas  fon  Intime  ami  3 
frère  unique  de  Ziska  9  ayant  voulu  altiéger  Bêchin  ,  avoir  été  tué 
.   devant  cette  place.  Procope  pour  mettre  fin  à  ces  hoftilitez  réfoluc 

dudinàidded'alîléger  Bechin  (b).  Après  un  fiége  de  quatre  mois  la  place  le 

ce  nom.        rendit ,  &  Procope  y  mit  garnifon. 
Les  Orphe-      V.  Les  Orphelins  de  leur  côté  recommencèrent  le  fiége  de  Li- 

Lnsrccom-    çhteynbcrv  3  qui  avoit  été  interrompu  parla  rufe  du  commandant. 

S%cCdcil*  Mais  comme  ils  manquoient  de  vivres,  ils  allèrent  comme  l'autre 

ttmberg.        j-0{s  f  en  chercher  en  Siléfie.  Le  commandant  ne  manqua  pas  de 
profiter  de  leur  abfence.  Il  fit  une  fortie  ,  tua  beaucoup  de  gens 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  A'IV.  301 
que  les  affiégeantsavoientlaiuez  pour  garder  les  retranchemens  ;  142  S. 
ils  furent  brûlez  >  &  il  fe  recira  fans  nulle  perce  dans  la  place  avec 
quantité  de  prifonniers.  A  cecce  nouvelle  les  Orphelins  envoyé- 
renc  du  fecours  à  leurs  gens  pour  les  foûcenir  concre  les  forties  des 
atfiégez.  Usfedifpofoiencàforcir  de  la  Silène,  lors  qu'attaquez 
à  Timprovifce  par  les  Siléfiens,  ils  perdirenc  une  grande  partie  de 
leur  monde  ,  &.  furent  obligez  de  laifler  leur  butin.  Mais  cec  avan- 
tage ne  fuc  pas  capable  de  confoler  les  Silélîens  de  la  perte  qu'ils 
firent  dans  cette  occauon  ,  du  Baron  de  Biberflein  leur  Général. 
Le  fîege  de  Lichtemberg  dura  couce  l'année  ,  &  la  place  ne  fut 
emporcée  par  les  Orphelins  que  vers  le  mois  de  Décembre. 

V  I.  Cependant  les  Orphelins  voulant  fe  dédommager  de  la  Nouvelle  \v- 
perte qu'ils avoient  faite  en  Silène,  y  firent  une  nouvelle  irrup.  Q^Snsca 
tion  ,  affiliez  des  Taborires  &.  des  troupes  du  diftricl:  de  Graditz^  Siiéfie. 
Paflant  par  le  diftrict  de  Glatx, ,  qui  confine  à  cette  Province  3  ils 
y  mirent  tout  àfeu&àfang.  Jean  Prince  de  Munfierberg^i) ,  le 
dernier  de  la  branche  de  Sambicz^,  de  la  maifon  des  Piaftes }  qui  a 
donné  des  Rois  à  la  Pologne,  &  plufîeurs  autres  Seigneurs ,  «étant 
allez  à  leur  rencontre  furent  tuez  dans  un  combat  des  plusian- 
giants.  La  victoire  fut  long-temps  douteufe,  &  l'avantage  à  peu- 
près  égal  j  mais  le  grand  Procope  étant  furvenu  ,  les  Siléfiens  pri- 
rent la  fuite  laifîantaux  Bohémiens  leurs  chariots  &  tout  leur  ba- 
gage. Ces  derniers  n'ayant  pu  venir  à  bout  delà  ville  de  Glatz,  .dé- 
fendue par  la  valeur  Se  la  fermeté  du  Prieur  des  Chanoines  de  St. 
Auguflin,  continuèrent  leur  route  en  Siléfie.  Brigandages  3  maiîa- 
cres ,  incendies  par  tour.  Il  eft  même  inutile  de  le  dire ,  parce 
que  c'étoit  leur  confiante  coutume  de  fîgnaler  leur  pafîage  par  ces 
fureurs.  Ils  furent  pourtant  bien  battus  près  de  Suidtniz,,  par  un 
corps  de  cavalerie  Siléfienne  qui  un  beau  matin  les  alla  furprendre 
endormis.  Comme  il  fallut  fe  défendre  l'épée  à  la  main  toutnuds, 
ils  perdirent  beaucoup  de  monde  3  mais  le  refle  de  leurs  gens  ré- 
veillez à  leurs  clameurs  accourue  à  leur  fecours  àc  les  fauva  d'une 
perce  cocale.  Ils  s'en  retournèrent  en  Bohême,  parce  que  l'hyver    fàcvcbtr. 
ne permeteoit  plus  détenir  la  campagne  (a).  P'5Î 

VII.Balbin  place  à  cette  année  une  ambaiïade  que  Siojfmond  ^sfjfmîa 

aux  Bohé- 
(i)  Il  y  a  eu  des  Princes  de  cette  illuftre  maifon  dans  d'autres  branches  jufqu'à  l'an  167$.  miens» 
que  mourut  George  Guillaume  Duc  de  Lignitx.  &  dcBrieg,  le  dernier  de  fa  race,  Ct.echor.  p. 
536.  Au  refle  voyez  la  Table  généalogique  de  la  maifon  des  Tiaftes ,  dans  le  Regnum  Vannia- 
num  de  M.  le  Chevaiicr  Frédéric  Gnilla-ime  Stmnten  ,  Confeiller  du  Duc  de  Wirtemberg  Oels,  & 
Sénateur  de  BreflMt ,    &  l'éloge  de  Pisifie  lui-même  dans  le  beau  Poème  Epique  de  cet  illultrs 


Auteur,  intitule/»  Sile/ie  avant  ïiafie, 


Pp    lij, 


3oi       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1428.  envoya  à  ceux  de  Prague,  aux  Taborices  &aux  Orphelins.  Ils 
furent  ouis  à  Cuttemberg.  Les  ambaflàdeurs  ayant  expofe  les 
droits  de  l'Empereur  au  royaume  de  Bohême,  &  fait  de  fa  parc 
des  offres  avantageufes ,  ils  eurent  pour  toute  réponfe ,  que  Sigif- 
mond par  tant  d'efFufion  defang,  parlesfupplicesde  Jean  Mus  ôc 
de  Jerbme  de  Prague , au  déshonneur  delà  nation  ,  &  par  les  croisa- 
des,  avoit  perdu  tout  fon  droit  au  Royaume,  puis  qu'on  voyoit 
par  coûte  fa  conduite  qu'il  en  avoic  juré  la  perte.  Procope  qui  étoit 
alorsàBechin  ,  voulant  profiter  des  difpoiitions  deSigifmond^  fie 
prier  fes  ambaflàdeurs  de  lui  rendre  une  vifite  à  Tabor.  Comme  il 
fe  fouvenoit  dçs  offres  que  l'Empereur  avoit  faites  iziska  avant 
fa  mort,  il  croyoit  pouvoir  fe  tirer  de  cette  guerre  avec  honneur, 
s'ilobtenoit  les  mêmes  conditions.  Les  ambaflàdeurs  allèrent  l'y 
trouver.  Il  leur  fît  des  propoficions  qui  apparemment  furent  écou- 
tées,  puis  qu'ils  lui  donnèrent  un  fauf-conduic  pour  aller  lui-mê- 
me avec  peu  de  gens  en  Autriche,  s'aboucher  avec  Sigifmond.  Il 
y  avoit  3  dit  Balbin  ,  la  plus  belle  efpérance  d'avoir  la  paix  ,  fi  l'Em- 
pereifreût  volu  s'élargir  j  mais  non  feulement  il  refufa  d'accorder 
à  Procope  les  conditions  propofées ,  il  ne  rit  même  aucune  autre 
offre.  Procope  le  voyant  inflexible  s'en  retourna  enBohême,fans  lui 
promettre  aucun  fecours,  content  de  lui  avoir  offert  la  paix.  Ainfi 
£  Empereur^bien  loin  de  tirer  aucun  fruit  de  cette  entrevue  y  perdit  beau- 
coup 3  parce  que  Procope  s'en  retourna  irrité  de  fes  refus ,  &  nepenfant 
(a)  Balhifh  plus  quà  la  vengeance  (a) . 

Affaires^-4'      VIII.  Martin  V.  travailla  cette  année  avec  aflez  de  fuccès  à 
tran-éies.      pacifier  l'Italie  par  le  miniflere  de  Nicolas  Albergati  fon  légat, 
itahc  &  Ef-    qq  Prélat  trouva  tout  difpofé  à  la  paix.  Philipe  Marie  duc  de  Mi- 
lan alors  en  guerre  avec  les  Vénitiens  manquoit  de  fecours  pour 
la  foutenir,  &  il  avoit  perdu  plufieurs  de  fes  Généraux.  Les  Vé- 
nitiens eux-mêmes  entre  la  crainte  &  l'efpérance  préféroient  la 
paix  à  une  guerre  dont  le  fuccès  étoit  douteux.  Les  Florentins 
qui  n'avoient  pris  les  armes  que  pour  le  profit  des  autres  ne  de- 
mandoient  pas  mieux  que  de  les  voir  d'accord.   La  paix  fut  con- 
clue à  Ferrare.  On  en  peut  voir  les  conditions  dans  l'hiftoire 
{a  )  Togg.   Florentine  de  Pogge  (b).  Mais  les  Florentins  bien  loin  de  pouvoir 
rent.p.25?.  j0Lnr  de  cette  paix  fe  trouvèrent  engagez  dans  une  nouvelle  guer- 
J'oggima  p.   re  avec  ceux  de  Luques.  Elle  dura  jufqu'à  la  mort  de  Martin  V. 
^'  D'autres  côté  les  Bolonois  toujours  amoureux  de  leur  liberté  s'é- 

îoient  de  nouveau  révoltez  contre  le  fîége  de  Rome.  Ils  chaflerent 
&p  leur  ville  le  légat  Louis  Allemand  ,  èc  réduifirent  Albergati 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.Z/V,  XIV.  303 

leur  évêque  à  s'enfuir.  C'eft  ce  qui  obligea  Martin  à  envoyer  con-     r^2  g# 
tre  eux  une  armée  ,  &  à  les  mettre  à  l'interdit. 

IX.  On  vit  aufll  cette  année  la  réconciliation  rétablie  entre  LeRoid'Ar- 
le  Pape  &  le  Roi  d'Arraron.  C'en:  ce  qui  paroît  par  une  lettre  que  r*&9n  fo  re* 

1       ,       .    .      v  °  1»  •        o    1»         r-i-    •  concilie  avec 

Martin  écrivit  a  ce  monarque  pour  1  en  remercier  &  1  en  féliciter  ie  pape. 
tout  enfemble.  Ce  traité  avoit  été  conclu  dès  l'année  précédente^ 
mais  la  perte  qui  avoit  défoié  Rome  celle-ci,  en  avoir  retardé 
l'exécution, parce  que  le  Pape  &  les  Cardinaux  avoient  été  difper- 
fez ,  ôc  il  ne  fera  même  amené  que  l'année  fuivante  à  une  entière 
exécution.  La  Caltille  ôcl'Arragon  étoient  toujours  brouillez  à 
l'occafion  à'Alvare  de  Lune.  Ce  Seigneur  Efpagnol  étoit  d'une 
naiflance  douteufe  félon  les  uns  ^  mais  félon  les  autres  du  fang 
d'Arragon,  èc  neveu  de  Benoit  XIII.  dont  il  avoit  été  fort  ap- 
puyé pendant  le  crédit  de  cet  Antipape.  Alvare  s'étoit  fi  fort  em- 
paré de  l'efprit  du  jeune  Roi  de  CafHlle,  Prince  foible,  &  inca- 
pable d'agir  par  lui-même,  qu'ils  étoient  inféparables.  Le  Roi 
ne  faifoit  rien  que  par  fon  confeil.  C'étoit  à  l'inftigation  de  ce  fa- 
vori qu'il  avoit  éloigné  les  meilleures  têtes,  &même  fait  mettre 
en  pnfon  les  Princes  d'Arragon.  On  voyoit  avec  douleur  3  dit  l'hif- 
torien  d'Efpagne  (a) ,  que  fa  faveur  n'avoit  point  de  bornes  3  qu'il  a  ^t^/iiÎ 
difpofoit  de  tout  à  fon  gré  ,  &  qu'il  regnoit  feul  effectivement 
fous  le  nom  du  Roi.  Sa  haute  fortune  bleiîoit  d'autant  plus  les 
yeux  de  tout  le  monde  ,  que  c'étoit  un  homme  obfcur  &  incon- 
nu avant  la  faveur  du  Prince,  qui  le  rendit  tout  à  coup  féroce  &  in- 
traitable. Le  Roi  dès  fon  enfance  s'étoit  accoutumé  à  lui,,  &.  le 
voyoit  avec  tant  de  plaifir  &  de  familiarité  ,  que  ce  courtifan  fur 
de  fa  faveur  commença  dès-lors  à  méprifer  tout  le  monde  ,  fier  du 
haut  crédit  où  il  fe  voyoit  élevé.  On  dît  même  en  ce  temps-là  > 
qu'il  porta  fon  infolence  jufqu'à  faire  une  déclaration  d'amour  à 
la  Reine  3  ce  qui  fut  affirme  par  le  témoignage  des  plus  grands 
Seigneurs  de  la  Cour.  Ce  fait  cependant  ne  fut  jamais  bien  avé- 
ré 3  &  quelques  uns  crurent  qu'on  l'avoir  inventé  par  jaloufîe^ 
£c  pour  le  perdre.  Cette  conduite  l'a  voit  fait  reléguer  fur  fes  terres 
l'année  précédente  malgré  le  Roi.  Il  revint  cette  année  de  fon 
exil  par  autorité  du  Roi,  qui  ne  pouvoit  fç  palier  de  lui.  Il  pa- 
rut à  la  Cour  comme  en  triomphe  ,  dit  le  même  Hiftorien,  efcortè 
d'une  foule  de  partifans ,  plus  fier ,  plus  content  &  plus  infolent  que 
jamais,  bien  perfuadé  que  fon  crédit  &  fa  faveur  n'auroient  plus 
de  bornes  à  l'avenir  ,  &;  qu'il  feroit  bien-tôt  en  état  de  fe  vanger 
de  tous  fes  ennemis,  de  les  punir,  &  de  les  opprimer  entieremenE 


14*8. 


France  & 
Angleterre. 
Siège  d'Or- 
léans. 


fa)  ubifup. 
y.  575.  i76. 
Allemagne 
&  Nord.  Pa- 
cification de 
l'Allemagne. 


(b)  Serar. 
Rer.Mo- 
gunt.  T.  I.p. 
54W43- 


304       HÎST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

fous  le  poids  de  fa  fuprêmepuifiànce }  qui  mit  bien-tôt  fous  le  iou<^ 
tous  les  Grands  6c  les  Princes  même  de  Caftille. 

X.  Les  affaires  de  France  étoient  alors  en  fore  mauvais  état. 
Le  Roi  de  Navarre  s'étoit  déclaré  pour  Henri  VI.  Jean  duc  de 
Bretagne  avoit  pris  le  même  parti,  y  étant  forcé  par  le  duc  de 
Betford  qui  avoit  fait  irruption  dans  les  Etats.  Les  Angloisétoient 
maîtres  d'une  partie  confidérable  du  Royaume  ,  comme  d^s  Pro- 
vinces 6c  des  villes  entre  la  Seine  6c  la  Loire.  Ilsavoient  même  dé- 
jà pris  la  Charité  fur  cette  dernière  rivière  \  mais  comme  ils  ne 
pouvoient  pouffer  plus  avant  leurs  conquêtes  fans  laiffer  derrière 
eux  Orléans ,  ils  formèrent  le  fiége  de  cette  importante  place. 
Après  une  longue  ôevigoureufe  réfiitance  elle  étoie  aux  abois  Jorf- 
qu'elle  fut  délivrée  de  la  manière  furprenante  qu'on  verra  l'année 
fuivante.  L'Archevêque  de  Tours  s'avifa  dans  ce  même  temps  de 
fignifieràl'Evêque  de  St.  Malo  certaines  Bulles  de  Martin  V. 
par  lefquellesil  impofoit  des  décimes  fur  tous  les  Eccléfiaftiqu.es 
pour  la  guerre  contre  les  Huffites  de  Bohême.  Mais  il  ne  parole 
pas  qu'on  y  ait  eu  égard  à  St.  Malo ,  ni  dans  le  refte  de  la  Pro- 
vince. Ce  font  les  paroles  du  P.  Lobineau  (a). 

XI.  Comme  onpenfoit  férieufement  en  Allemagne  à  envoyer 
une  armée  contre  les  Bohémiens,  l'Archevêque  de  Mayence  s'em- 
ploya à  y  pacifier  toutes  chofes.  La  ville  Epifcopale  d' Erford  dans 
la  Tburinge ,  fa  ffragznte  de  cet  archevêché  lui  donnoit  de  grands 
ombrages.  Cette  ville  étoit  devenue  puiflante  par  une  longue 
paix  3  6c  elle  étoit  de  plus  appuyée  par  Henri  duc  de  Brunfwicb  , 
qui  lui  avoir  promis  du  fecours  en  cas  de  befoin.  C'eit  ce  qui  en- 
gagea l'Archevêque  à  faire  une  alliance  offénflve  &  défenfive 
avec  Frideric  Electeur  de  Saxe ,  6c  les  Ducs  fès  frères,  où  ils  pro- 
mettoient  de  le  fecourir  contre  la  ville  d' Erford,  fi  elle  fe  réyoi- 
toit.  Après  avoir  pourvu  à  fa  fureté  ,  il  tourna  tous  (es  foins  du 
côté  de  la  guerre  des  Huffites  3  6c  pour  cet  effet  il  travailla  à  la 
pacification  de  l'Allemagne  (b). 

XII.  On  a  vu  l'année  précédente  les  lettres  de  l'Empereur 
aux  villes  Anféatiques.  En  1428.  ceux  de  Lubec  s'aflemblérent 
en  préfencedel'Evêque  deRat^enbourg,  ville  de  la  baiîe  Saxe  à 
trois  lieues  de  Lubec ,  pour  fe  juftifier  des  aceufations  que  leur 
avoit  intentées  le  Roi  de  Dannemarck.  Il  les  avoit  aceufez  entre 
autres  chofes  de  lui  avoir  déclaré  la  guerre  pour  favorifer  les 
Huffites ,  6c  l'empêcher  d'envoyer  du  fecours  contre  eux.  Ils  nient 
iiettement  le  fait  dans  cette  aflemblée ,  6c  déclarent  qu'ils  n'ont 

pris 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  'JT1V.   30$ 

pris  les  armes  que  pour  défendre  leurs  privilèges }  tous  les  jours     iA%%m 
enfreints  par  Eric.  Ils  proteftent  qu'ils  ont  toujours  été  prêts  à 
exécuter  les  ordres  du  Pape,  de  l'Empereur,  &  des  Electeurs 
contre  les  Huilîtes,  &  qu'ils  n'épargneroient  ni  leurs  biens,  ni 
leurs  vies  pour  l'extirpation  de  cette  héréfie.  A  l'égard  du  Con- 
feiller  de  l'Empereur,  qu'on  les  aceufoit  d'avoir  arrêté  3  ils  di- 
foient  qu'il  avoit  été  pris  par  des  pirates  à  leur  infçû.  IlsofFroient 
d'obéïr  aux  ordres  de  l'Empereur  touchant  la  paix,  ou  une  lon- 
gue trêve ,  pourvu  que  le  Roi  de  Dannemarck  y  voulût  confen-    (aj  Vomnn. 
tir ,  ajoutant  néanmoins  qu'il  ne  recevroient  point  pour  juge  l'Em-  j*1  fll^8L'b* 
pereur,  à  caufe  de fon  affinité  avec  le  Roi  de  Dannemarck  (a).     i^Za, 

XIII.  Pendant  ce  temps-là  les  deux  villes  de  Prague  exer-  Guerre,  &. 
çoient  entre  elles  de  mortelles  inimitiez.  Les  chefs  des  Taborites  Paixve,n,trcd 
ôc  des  Orphelins,  qui  en  fentoientla  conféquence,  leur  envoyé-  prsagùe. 
rent  deux  de  leurs  officiers  pour  tâcher  de  les  reconcilier.  Cette 
négociation  fut  inutile.  Les  deux  villes  conjurées  l'une  contre 
l'autre  s'étant  choifi  des  chefs  en  vinrent  aux  mains  le  30.  de 
Janvier.  On  fe  battit  tout  ce  jour  avec  beaucoup  d'impétuofité  ; 
mais  les  chefs  des  deux  armées  étant  convenus  d'une  trêve  de 
quelques  jours,  on  commença  à  parler  de  paix.  Cette  trêve  fut 
prolongée  jufqu'au  2  5 .  de  Juillet ,  pendant  laquelle  la  paixfut  fai- 
te. Ce  fut  alors  que  les  Ordres  du  Royaume  s'aflemblerent  à  Pra- 
gue pour  délibérer  de  la  paix  générale.  Procope  y  propofa  de  rece- 
voir Sigifmond  pour  Roi ,  pourvu  qu'il  voulut  avec  ks  Hongrois 
recevoir  &fuivre  l'Ecriture  Sainte,  communier  fous  les  deux  ef- 
péces }  &  leur  accorder  toutes  les  grâces  qu'ils  lui  demanderoienc 
(  1  ).  Les  chofes  amenées  à  ces  termes ,  Procope  Rafe  envoya  quel- 
ques Seigneurs,  entre  lefquels  étoit  Mènard  de  Maïfon  Neuve  , 
pour  faire  ces  propositions  à  Sigifmond  qui  étoit  alors  en  Moravie. 

XIV.  On  convint  d'aflembler  une  diette  à  Presbourg,  pen-  DiéteàPref- 
dant  laquelle  on  feroit  une  trêve  générale  depuis  le  mois  de  Mars 
jufqu'au  mois  de  Juin.  La  diette  commença  à  Pâques.  Outre  l'ar- 
chiduc Albert  Scies  ducs  de  Siléfie ,  l'Empereur  avoit  de  fon  côté 
plufieurs  Seigneurs  catholiques ,  dont  la  plupart  fon  nommez  par     ^ 
Czechorod{h).  Les  Bohémiens  avoient  pour  eux  plufieurs  Grands  [bj>53r« 
de  Bohême,  nommez  auffi  parle  même  hiflorien  ,  &  les  députez 
des  citoyens  de  la  vieille  ville  de  Prague.  Procope  le  Grand  étoit 
à  la  tête  de  la  commiffion.  Quatre  Seigneurs  de  Bohême  furent 
gommez  arbitres  £c  médiateurs  entre  les  deux  partis.   On  déli- 

(0  Ip/is  in  omnibus  grutifitarettir .  Theob.  p.  i  ]  $» 

Tom.  I.  Qfl 


3o6         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
«429.    bcra  pendant  8.  jours  fans  rien  conclure,  entre  l'efpérance d'a- 
voir la  paix,  8t  la  crainte  qu'elle  ne  manquât.  Enfin  on  envoya 
des  députez  à  Prague  pour  faire  rapport  de  l'état  où  étoit  la  né- 
gociation. On  ne  dit  point  en  quoi  confiftoit  leur  relation.  Il  pa- 
roît  feulement  que  les  Etats  s'étant  alîemblez ,  le  plus  grand  nom- 
bre fe  trouva  d'accord  de  recevoir  Sigifmond  fous  de  certaines 
conditions.   On  avoit  même  déjà  nommé  des  députez  de  chaque 
ordre  pour  aller  en  Hongrie  en  donner  avis  à  Sigifmond.  Mais  les 
Orphelins  s'oppoférent  ouvertement  à  cette  réfolution  3  s'empor- 
tant  contre  Sigifmond  &.  contre  fes  partifans  avec  une  égale  fureur, 
&  foutenant  toujours  leurthefe^a 'un  peuple  libre  ri 'avoit  point  befoin 
de  Roi.  On,/oupçonna  fort  quelques-uns  des  chefs  des  Taborices 
d'avoir  animé  les  Orphelins  à  cette  (édition  ,  parce  que  les  uns& 
les  autres  trouvoient  mieux  leur  compte  à  la  guerre  qu'à  la  paix, 
,     ôc  qu'ils  craignoienr  queS/gT/wwwdn'en'prît  occafion  de  fe  vanger 
T-U7-        toc  ou  tard  de  ^urs  infultes  &  de  leurs  violences.  On  vit  ainfi  re- 
Tfoft.p.13 f.  commencer  les  hoftilitez  réciproques  entrela  vieille  &  la  nouvelle 

Bdlb>  Epit.      ...  n,  ,  .  1    -  /■  » 

p. 474.        ville  ,  aufli  bien  quepartoute  la  campagne  (a). 

PaixàPra-      XV.  La  négociation  rompue,  les  Taborites  &  les  Orphelins 

réfolurent  de  faire  irruption  dans  la  Mifnie  (1)  3  pendant  que  les 

Orébitesalloientfourager  le  diftriâ:  de  Glatz  &  la  Siléfie  j  mais 

auparavant  Procope  Rafe  jugeant  à  propos  de  pacifier  les  villes  de 

Prague,  leur  donna  jour  pour  s'aflembler  dans  l'Eglife  de  Saint: 

jtmbroife.  Le  traité  fut  conclu.  On  ne  dit  pas  à  quelles  conditions. 

Il  paroît  feulement  que  l'on  convint  d'une  certaine  fomme  pour 

le  dédit  (2).  Ce  traité  conclu,  Procope  adrefTaaux  Bohémiens 

ce  petit  difeours  qui  ^  à  la  matière  près,  ne  reilemble  pas  trop  mal 

à  un  Sermon  :  Vous  vous  fouvenez,  fans  doute  fort  bien  ,  mes  tres- 

chers  frères ,  des  dèmclex^que nous  avons  avec  ceux  de  Mifnie.  Ils  en 

veulent  aux  principale  s  ville  s  de  ce  Royaume ,  &  il  ri  a  pas  tenu  a  eux 

que  nous  ne  périmions  tous  par  leurs  boftilitezjimais  notre  valeur  a  fait 

que  la  fleur  de  la  Mifnie  a  trouvé  fon  tombeau  en  Bohème.  Ils  ont  un 

Prince  jeune  &  fans  expérience  dans  la  guerre.  La  terreur  des  vos  ar- 

<hj  TAAp.  mes  a  rempli  toute  la  Province.  Cefl -la  le  temps  d'agir  avec  une  efpè- 

1 S 6-  rance  certaine  de  remporter  de  grands  avantages  (b). 

Courte  des      XVl.  A  ces  mots  on  vit  une  commune  ardeur  au  combat.  Apres 

SiWfi  s«Cn   avon"  Pa^  l'Elbe  3  Procope  à  la  tête  de  fon  armée  s'avança  vers  la 

&  Brande-  ' 

bourg.  (  1  )  Province  de  la  haute  Saxe. 

(2)  Eique  4000.  fexagetiartimdracbmarum  Bobemisarum  }  multa~fponJit>tK  cav tri ,  Theob.  pi 
*16. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JTIV.   307 

Silcfieparlediftri&deZ*V*0«mï^  pillanc  &  brûlant  tout  fur  (on  1429, 
paflage.  Après  avoir  ravagé  le  territoire  de  Dippolswaldt  3  il  vou- 
lut entreprendre  le  liège  de  Birna  de  l'autre  côté  de  l'Elbe  ,  mais 
cette  ville  fe  défendit  ii  bien  3  qu'il  fallut  lever  le  liège.  De  là  cô- 
toyant cette  rivière  ,  il  s'empara  de  la  vieille  ville  de  Drefden ,  &  ii 
brûla  le  monaflere  des  Hermites  de  Saint  Augttfiin.  Fridcric  II. 
furnommé/*  Pacifique  >  ayant  eu  avis  de  cette  irruption  courut 
d'abord  au  fecours  3  &  fît  brûler  la  tour  du  pont  ,  de  peur  que  les 
Bohémiens  ne  s'en  emparaiïenr.  Cependant  le  commandant  de  la 
ville  obfervantlanégligence  des  Bohémiens  à  faire  garde,  prit  fi 
bien  fon  temps  pour  les  furprendre  la  nuit ,  qu'il  les  mit  en  fuite  6c 
jetta  \cs  prifonniers  dans  l'Elbe.  De  là  ,  les  Bohémiens  allèrent  à 
Meiflen  capitale  de  la  Mifnieauffifur  l'Elbe  ,  brûlant  en  chemin 
lesprefloirs,  dégâtant  les  vignes ,  &  pillant  les  villages.  Etant  en- 
trez dans  la  ville  3  ils  mirent  en  prifonl'évêque  Jean  IV.  (  1  )  qui 
avoit  donné  fa  voix  au  fupplice  de  Jean  Mus  à  Confiance  ,  &  pil- 
lèrent les  Egiifes.  Ils  auroientafïïegé  la  ville  dans  les  formes,  s'ils 
n'avoient  craint  trop  de  réfiflance  de  la  part  de  la  noblefle  ÔC  des 
citoyens.  Aprçs  avoir  rempli  de  terre  les  puits  &  les  fofles  métal- 
liques de  Scharjfenberg,  &  bouché  les  veines  &:  les  canaux  des  mi- 
nes ,  ils  voulurent  tenter  l'attaque  delà  ville  de  Heyn  fur  l'Elbe  j 
mais  la  trouvant  trop  bien  défendue  ils  abandonnèrent  l'entrepri- 
fe  pour  courir  la  campagne  &  piller  les  petites  villes  le  long  de 
l'Elbe,  comme  Strelen  3Belgern  ,&Torgaw  3  dont  ils  brûlèrent  le 
fauxbourg.  Ils  allèrent  aind  portant  la  terreur  par  tout  jufqua 
Mdzdcbourz(i).  Quoique  l'archevêque  de  cette  ville,  Gonthier  de 
Schwartzenbourg{})eût de  bonnes  troupes,  il  n'ofa  pas  les  atta- 
quer comme  ils  n'oferent  pas  aufli  attaquer  la  ville.  Ayant  donc 
laiiTé  Magdebourg,  ils  firent  un  pont  fur  l'Elbe  pour  pafîèr  dans 
la  Luface  &  dans  la  Marche  de  Brandebourg  ,  où  "ils  mirent  tout 
en  défolation.  Us  attaquèrent  la  ville  de  Goubcn  fur  la  Sprée  dans 
la  baffe  Luface  ,  &  l'ayant  prifè  ,  ils  la  mirent  en  cendres  avec  tous 
feshabitans.  A  quelque  diftance  de  là  ils  s'emparèrent  du  monaf- 
tére  de  Nova  cella3  &  coupèrent  les  bras  6c  les  jambes  aux  moines. 
De  là  paflant  dans  la  haute  Luface ,  ils  fommerent  la  ville  de  Gor- 
///^defe  rendre,  par  des  députez  qu'ils  y  envoyèrent ,  ou  de  fe 
racheter.  Mais  les  habitans  pour  toute  réponfe  mirent  les  dépu- 

(1)  C'efl  Jean  Hoffmann,   dont  il  eft  parlé  dâïisTHiftoirc  du  Concile  de  Confiance. 

(2)  Magdebourg  dans  la  baffe  Saxe  ctoit  autrefois  aux  Ducs  de  Saxe.  Elle  fut  cédée  par   te 
paix  d'Qfnabruck  à  l'Elecleur  de  Brandebourg. 

(  3  )  Il  en  ell  parlé*dans  l'Hiiloirc  du  Concile  de  Confiance. 


«►■% 


3o8        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HDSSITES 

ïi.20  tez  ^ans  ^es  ^acs  ^  ^es  jetterenc  dans  la  rivière  de  2ViJsa< 
siège  de  XVII.  Les  Bohémiens  ne  fe  fentant  pas  afifez fort  pour  s'en  van- 
Bautfchcn  ger  par  le  fiéçre  de  la  ville  3  parce  qu'une  parrie  de  leurs  gens 
foc"*.13  U"  avoient  tiré  du  côté  de  ^#//2^#,  ville  de  la  même  Province  fur 
la.  Sprée  (BudiJ/îna)  ils  allèrent  afliéger  cette  dernière  place  avec 
40000.  hommes  tant  de  cavalerie  que  d'infanterie ,  à  ce  que  porte 
le  manufcrit  de  ce  lieu-là.  Cette  place  fut. attaquée  par  trois  en- 
droits ,  par  le  folié  appelle  des  Ecoliers ,  par  la  porte  Riche  vis-à-vis 
de  la  rue  des  Chiens,  èc  par  la  montagne  des  Anes  où  eft  à  prêtent 
l'Eglife  de  St.  Michel.  On  fe  battit  rudement  pendant  huit  heures^ 
mais  les  affiégez  ayant  fait  mettre  le  feu  dans  le  fauxbourg  ,  les 
afïïégeants  furent  obligez  de  fe  retirer  pour  quelque  temps.  Ceux- 
ci  de  leur  côté,  par  quelque  intelligence  qu'ils  avoient  dans  la 
ville ,  rirent  mettre  le  feu  dans  la  rue  des  riches  dont  la  moitié  fut 
dévorée  par  les  flammes.  Mais  le  feu  s'étant  heureufement  éteint , 
on  fut  en  état  de  fe  défendre  contre  les  afïïégeants ,  qui  avoient  re- 
commencé le  combat.  La  réflftance  fut  11  vigoureufe  fur  tout 
près  du  mont  aux  Anes,  que  les  afïïégeants  accablez  de  coups  de 
traits  pouvoient  à  peine  agir.  Les  femmes  &  la  populace  de  la  ville 
ne  furent  pas  d'un  petit  iecours  dans  cette  occafion  5  avec  de  la 
poix  fondue ,  de  l'eau  bouillante ,  des  torches  de  foufre  &  de  poix, 
elles  brûlèrent  les  échelles  &  chaiîerent  tout-à-fait  l'ennemi  de  ce 
côté-là.  D'un  autre  côté  les  afïiégez  jettoient  de  deflus  les  mu- 
railles une  fî  prodigieufe  quantité  de  traits  _,  que  les  afïïégeants  ne 
pouvoient  plus  les  foûtenir.  Pour  comble  de  défaftre  ,  ils  y  perdi- 
rent un  de  leurs  principaux  chefs ,  qui  fut  tué  d'un  coup  de  jave- 
lot. Le  lendemain  de  cette  action  les  Bohémiens  rirent  offrir  une 
composition  par  un  de  leurs  chefs.  Les  afïiégez  étoient  bien  aifes 
de  conferver  leur  ville,  6c  ils  craignoient  d'ailleurs  quelque  trahi - 
fon  comme  ils  l'avoient  éprouvé.  En  effet,  les  Hiftoriens  rappor- 
tent que  le  Syndic  de  la  ville ,  corrompu  par  une  fomme  d'argent, 
avoit  voulu  jetter  de  l'eau  dans  les  machines  de  guerre ,  pour  em- 
pêcher l'effet  de  la  poudre  5  mais  qu'ayant  été  pris  fur  le  fait  il  fut 
écartelé,  &  fon  corps  expofé  à  toutes  les  portes  de  la  ville  (1).  Ils 
aimèrent  donc  mieux  feracheter  que  de  hazarder  la  ville  &  tout 
le  païs.  Le  traité  fut  que  pour  une  certaine  fomme  d'argent  les 
Bohémiens  fe  retireroient  fans  endommager  d'avantage  la  Pro- 

(1)  Ms.BntUffin.'Theab.  p.  i\6.  Balb.p.  17J.  Ctcchtr.  p.  5" $9.  Ce  manufcrit  ajoute  que  ce 
Jraître,  afin  qu'on  épargnât  fa  maifon  ,  avoit  donné  pour  en  feigne  aux  ennemis  des  tas  de  bri- 
ques neuves  ,  qu'il  avoit  mifes  à  chaque  fenêtre-. 


.•  •; 


ET  DU  CONCILE  DE   BASLE.  Liv.  JTIV.  309 

vince.Cependanc  ils  ne  tinrent  pas  parole.  De  Bautfchen  ils  allèrent  1429, 
piller  Ôc  brûler  le  monaftére  de  Marienfier.  De  là  ils  mirent  le  Cié- 
ge  devant  Camenec.  L'allarme  fut  (i  générale  dans  cette  ville ,  que 
les  citoyens  s'enfuirent  à  Drefden  Se  dans  les  villes  voifînes,  fans 
pouvoir  rien  emporter  avec  eux.  Après  cinq  jours  de  flége,  les 
païfans  s'étant  allemblez  pour  fecourir  la  ville  chailérent  les  enne- 
mis qui  tournèrent  du  côté  de  Meyn  &  de  Mullnberg.  On  les  verra 
revenir  à  Bautfchen  Tannée  prochaine.  J'ai  tiré  cette  relation 
d'un  manufcrit  de  Bautfchen  (  1  ).  Il  y  a  un  autre  manufcrit  de 
cette  ville,  qui  porte  que  ceux  de  Bautfchen,  croyant  avoir  été 
délivrez  miraculeufement  d'un  fi  grand  péril  le  jour  delà  St.  Mi- 
chel ,  firent  bâtir  l'Eglife  de  St.  Michel  3  Ôc  ordonnèrent  de  rendre 
cous  les  ans  dans  la  même  faifon  (  2)  des  actions  de  grâces  de  cette 
délivrance  par  une  Meile  à  l'honneur  de  St.  Michel ,  par  une  pro- 
cefîîon  folemnelle ,  &  par  le  citant  du  Te  Beum. 

XVIII.  Jacobel,  ou  Jacques  de  Mife  3  difciple&fuccefTeur  de  Mortdej*- 
Jean  Mus  3  dans  la  chapelle  de  Bethléem ,  eut  trop  de  part  aiix  «W- 
affaires  du  Huflicifme ,  pour  ne  pas  marquer  le  temps  de  fa  morr. 
Elle  arriva  le  9.  d'Aouft  de  cette  année  après  quelques  jours  de 
maladie.  On  a  parlé  amplement  de  ce  célèbre  perfonnage  6c  de 
fes  ouvrages  dans  les  hiftoires  des  Conciles  de  Pife  Ôc  de  Confian- 
ce. Le  fupplice  de  Jean  Mus  &  de  Jérôme  de  Prague  contribua 
beaucoup  aux  troubles  de  Bohême.  Mais  ils  augmentèrent  confl- 
dérablement  pour  le  rétabliflèment  de  la  Communion  fous  les 
deux  efpéces ,  qui  fut  principalement  l'ouvrage  de  jacobel.  Le  zèle 
pour  le  Hullltifme  s'éteignoit  infenfiblementen  Bohême ,  &  il  n'y 
avoit  prefque  plus  quelesTaboritesquile  défendiffent  avec  cha- 
leur, encherillant  même  fur  la  doctrine  de  Jean  Mus ,  parcelle 
des  anciens  Vaudois ,  comme  on  a  eu  plus  d'une  fois  occafion  de 
le  dire  ,  mais  le  gros  des  Bohémiens ,  Seigneurs  Ôc  autres ,  tinrent 
toujours  pour  les  quatre  articles  11  fouvent  mentionnez  3  entre  les- 
quels le  principal  étoit  la  Communion  fous  les  deux  efpéces.  Ce 
fut  uniquement  par  rapport  à  cela  ,  que  tantôt  divifez ,  tantôt 
réunis ,  ils  refuférent  de  recevoir  Sigifmond.  Jacobel  fut  enfeveli 
dans  le  cimetière  de  la  chapelle  de  Bethléem  avec  cette  infeription 
furfon  tombeau  :  Cygitle  vénérable  Jacques  de  Mife  Maître  aux 
Arts  ,  Bachelier  formé  en  Théologie ,  profond  Interprète  des  Ecritu- 

(1)  On  trouve  dans  le  même  manufcrit  que  cette  même  année  on  exécuta  à  mort  un  Bra£ 
feurde  bière  à  qui  les  Hulfites  a  voient  donné  1 3.  florins  pour  brûler  la  ville  de  Lehctvv. 

(2)  La  place  fut  affiégée  le  14.  d'Octobre, 


9Amm     310       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1429. 

(.<)  Lapa;,  p.  res ,  &  principal  promoteur  de  la  digne  Communion  (a).  Havec  avance 
T*"*  C1L1'1^  mouruc  défefperé ,  &  que  pour  cela  il  fut  enfeveli  non  dans 

Baib. p.478.  ^e  cimetière  ;  mais  dans  un  lieu  profane. 

#«?«•  XIX.  Les  Bohémiens  de  retour  vers  Noël  dans  leur  patrie  avec 

x43°-    de  riches  proviiîons,  fe  préparoient  à  faire  de  nouvelles conquê- 
générale  des tes  *  annee  iuivante.  En  effet ,  des  le  commencement  de  cette  an- 
troupes Bo-   née  ils  s'aflemblerent  dans  la  plaine  de  Weiffienberg ,  &  fe  partage- 
bcmic«ncs.    rent  en  diverfes  bandes ^  dont  chacune  avoit  fon  nom.  Ceux  de 
Graditz^  s'appelloient  Hneiffler  (  i  )  \  ceux  de  Chrudim ,  collecteurs  ; 
ceux  de  Bechin,  petits  chapeaux  5  ceux  de  Glattaw ,  /^/vVj  confins  > 
ceux  de  churfimec >  troupes  de  loups  ;  ceux  de  Littomeritz^ petits  hom- 
mes chauffe^  èc  ainfi  du  refte.  Il  fe  joignit  à  eux  des  Moraves,  qui 
avoient  à  leur  tête  un  Gentilhomme  de  Moravie  nommé  Havel 
Drafiil  de  Kogetin.  L'Auteur  du  Mars  Moravique  rapporte  que 
l'année  précédente  ce  Capitaine  avoit  fait  de  grands  ravages  dans 
la  province  d'Olmutz^,  fur  tout  dans  l'Evêché  ,  ôc  dans  les  terres 
des  Eccléfiaffcique?en  Pabfence  du  Cardinal  Evêque  qui  êtoit  alors 
malade  à  l'extrémité  en  Hongrie.  Havel  profitant  de  cette  abfen- 
ce,  afîîégea/Ct'/^^ville  épifcopale,  la  prit  fans  beaucoup  de  pei- 
ne ,  &  la  pilla.  Il  y  avoit  bien  dans  ces  quartiers-là  quelques  Sei- 
gneurs Catholiques,  &:  attachez  à  l'Archiduc,  qui  fe  mirent  en 
devoir  d'arrêter  ce  torrent  de  brigandage  avec  un  bon  corps  de 
cavalerie  &  d'infanterie  :  mais  Havel  ne  jugeant  pas  à  propos  de 
les  attendre ,  s'en  retourna  avec  fon  butin. 
Conquête      XX.  Les  Bohémiens  ainfi  aflemblez,  délibérèrent  pendant  huit 
desBohc*     jours  fur  le  parti  qu'ils  avoient  à  prendre.  Les  uns  voulant  qu'on 

micnsenSa-'  C'\'r       1  r»    1  1»  a         •    1        *        1 

xc.  allât  en  Silelie ,  les  autres  en  Pologne,  d  autres  en  Autriche,  quel- 

ques-uns en  Bavière.  Enfin  après  bien  des  délibérations ,  ils  pri- 
rent le  parti  de  retourner  en  Mifnie  pour  fe  venger  des  pertes 
qu'ils  y  avoient  faites,  ou  plutôt  des  coups  qu'ils  y  avoient  man- 
quez. Leur  armée  étoit ,  au  rapport  de  quelques  Hiftoriens,  de 
zoooo.  chevaux  &  de  30000.  hommes  de  pied,  avec  3000.  cha- 
riots, les  uns  à  {îx  chevaux,  les  autres  à  huit,  jufques  à  quatorze. 
Us  avoient  à  leur  tête  Procope  Rafe  ,  Guillaume  de  Rofika  ,  &  Jean 
Zmrzlik.  Ils  mirent  plufieurs  villes  en  cendres  dans  cette  province, 
comme  Kilditz^,Mogcln,  Dablen,  Dalen  &  Godclberg,  jufqu'à Bref- 
den.  On  compte  plus  de  cent  places ,  tant  forts  que  villes ,  qui  fur 
rent  détruites  dans  cette  expédition.  L'Eledeur  de  Brandebourg 
tenta  vainement  de  fecourir  le  Saxon.  Il  avoit  campé  à  ce  deflein 

(}}  Le  Tradufteur  latin  n'a  pas  rendu  ce  mot }  le  laiflant  en  Allemand. 


ET  DU  CONCILE  DE  BAS  LE.  Liv.Jfir.  311 
près  de  Colberg  à  cinq  milles  de  Leipfic  5  mais  les  Bohémiens  l'y     14.X0 
étant  venus  attaquer ,  il  fut  obligé  de  leur  abandonner  la  ville 
parce  qu'il  ne  fe  ientoit  pas  aflez  fort  pour  ibutenir  le  choc.  Le 
General  Jean  de  PollentzJ^  1  )  ne  fut  pas  plus  heureux.  Il  étoit  allé 
attaquer  les  Bohémiens  à  Grim  près  de  Leipfic  avec  quelques 
mille  hommes  5  mais  il  fut  fi  bien  reçu  ,  qu'il  fallut  prendre  la  fui- 
te. II  y  eut  pourtant  un  combat  allez  fanglant,  où  périrent  quan- 
tité de  Seigneurs  Saxons  ou  Brandebourg  ois.  L'Electeur  de  Saxe 
étoit  alors  à  Leipfic  avec  fes  deux  frères  ,  aufîï-bien  que  l'Electeur 
de  Brandebourg  &  l'Archevêque  de  Magdebourg.  Outre  ces  Prin- 
ces on  trouve  dans  la  Vandalie  £  Albert  Krantz^  que  plufieurs  au- 
tres Princes  &  Seigneurs  de  la  bafFe  Allemagne  étoient  venus  au 
iecours  de  là  Mifnie.  Guillaume  duc  de  Brunfwich ,  Louis  margra- 
ve de  Thuringe3Jean  comte  de  Moin  évêque  à'Halberfîad ,  Maz- 
nus  duc  de  Saxe-Zavvembourg  3  évêque  de  Hildesheim  3  y  a  voient 
envoyé  leurs  troupes  >  mais  la  divifion  s'étant  mife  entre  eux  leurs 
fecours  furent  inutiles.  Comme  la  guerre  fe  faifoit  en  Mifnie   ces- 
Princes  conféderez  prétendoient  devoir  être  dédommagez  par 
celui  des  Marquis  de  Mifnie  chez  qui  fe  feroit  la  perte  -y  mais  les  au- 
tres envifageoient  la  chofe  autrement.  Ils  représentèrent  qu'il  ne 
s'agifïbit  pas  tant  de  défendre  la  Mifnie  ,  que  de  la  caufe  de  toute 
la  Chrétienté  s  &  que  quand  les  Bohémiens  auroient  dévoré  leurs 
voifins,  ils  n'épargneroient  pas  plus  les  autres  païs  :  ain fi  cette  con- 
teftation  fît  aller  enfumée  tout  ce  grand  appareil  (a).  On  fut  fort  00  *««*, 
allarmé  à  Leipfic  de  la  victoire  de  Grim,  parce  qu'on  s'attendoit  à  xi^t  L" 
y  être  afîîegé  :  cependant  les  Bohémiens  ne  fe  trouvant  pas  allez  p-  35/ 
bien  armez  pour  entreprendre  ce  fiége ,  fe  contentèrent  de  fou- 
rager  les  territoires  de  Grim  &  de  Colditz^ 

XXI.  .De-là  ils  allèrent  à  Altembourg,,  qui  étoit  alors  une  des  AtemBaurg 
plus  anciennes  villes  Impériales  dans  la  Mifnie.  S'en  étant  em-  o^e&  ^ 
parez,  ils  y  firent  quelque  féjour  pour  profiter  du  riche  butin  qu'ils 
y  trouvèrent.  On  nefàuroit  exprimer  la  barbarie  qu'ils  exercè- 
rent en  ce  lieu- là.  La  Nobleflè  qui  s'étoit  retirée  dans  la  forte- 
refle,  ne  pouvant  réfifter  à  la  multitude ,  les  uns  furent  taillez  en 
pièces  3  les  autres  furent  faits  prifonniers  :  ceux-ci  étoient  inful- 
tez  par  mille  cruelles  railleries.  On  drefïa  en  leur  préfence  des 
gibets  &;  des  bûchers  pour  les  pendre  &:  pour  les  brûler.  Après 
avoir  embrâfé  la  moitié  delà  ville  ,  ils  jettérent  dans  un  endroit 
lesftatuës  des  Saints  y&  dans  un  autre  les  malades  &  les  vieillards. 

[1]  Il  avoit  été  Gouverneur  de  CarHlein. 


3  ri         HIST,  DE  LA  GUER.RE  DES  HUSSITES 
P  uis  ils  réduifirent  en  cendres  le  refte  de  la  ville,  Il  y  avoir  une  bel* 
J^°'    ie  bafilique,  trois  monafteres,  une  maifon  qui  appartenoic  aux 
Chevaliers  de  Rhodes  5  hommes  &  femmes ,  tout  périt  dans  les 
flammes.  Ceft,  difoient-ils ,  pour  faire  les  funérailles  de  Jean  Mus- 
Un  boufon  qui  étoit  parmi  les  vaincus ,  die  là-defTus  :  Nous  avons 
brûlé  l'Oye  (  1  ) ,  mais  les  Bohémiens  nous  ont  donné  la  fauce. 
phvcncm-        XXII.  D'Altembourg  ils  pafierent  dans  le  Voigland,  où  ils 
porte.  brûlèrent  les  villes  de  Verden ,  de  Reichembac,  & Averbach  Se  à' Gif- 

nics    &c  aiïîégerent  plaven.  Il  y  avoidà  un  Baron  Biohêmien  pri- 
fonnier  nommé  Sternberg,  qu'on  n'avoiepas  voulu  rendre.  Les 
Bohémiens  fommerent  d'abord  le  Gouverneur  de  fe  rendre  fous 
des  conditions  honorables.  Quoique  cette  ville  qui  appartenoic 
au  Burgrave  de  Mi/nie ,  eût  une  bonne  fortereiïe  j  le  Gouverneur 
ne  fe  fentant  pas  aflez  fort  pour  la  défendre  la  rendit  par  compo- 
fition  ,  à  condition  d'en  fortir  avec  armes  &  bagages.  On  le  pro- 
mit   mais  à  l'ordinaire  on  ne  le  tint  pas.  La  garnifon  fut  taillée  en 
pièces     &  il  y  eut  plus  de  cent  gentilhommes  mafîacrez  dans 
cette  occafion.  On  tua  plus  de  900.  bourgeois  auffi  bien  que  le 
Sénat  &  les  prêtres ,  qui  furent  encore  plus  maltraitez  que  les  au- 
tres. On  enterra  vifs  dans  une  même  fofle  huit  Chevaliers  de 
l'Ordre  TeutoniqueSt  quatre  Dominicains.  Enfin  on  fit  un  bu, 
cher  de  la  ville  &  de  la  forterefle. 
Bautfchen      X  X 1 1 1.  Je  trouve  dans  le  manuferit  de  Bautfchen  ,  que  de  la 
nouvelle-      Mifoie  les  Bohémiens  repayèrent  cette  année  dans  la  Luface  pour 
mem  affié-   ^ctt^  je  f^ge  devant  Bautfchen.  Le  Duc  de  Mi/nie  à  la  folli- 
citation  de  Jean  de  Pollent^ gouverneur  de  la  Luface ,  y  envoya 
douze  mille  hommes  armez  de  pied  en  cap.  La  garnifon  de  Bautf- 
chen fut  renforcée  de  celle  de  Corlitz^,  &  les  païfans  qui  étoient 
yenus  au  fecours  de  cette  place  s'y  joignirent  pendant  que  les  trou- 
pes du  Gouverneur  campoient  d'un  autre  côté ,  ce  qui  faifoit  une 
aflez  grofïe  armée.  Les  troupes  auxiliaires  de  la  Luface  ne  de- 
mandoient  pas  mieux  que  de  livrer  bataille  \  mais  cellçs  de  Mif- 
nie  craignant  quelque  trahifon ,  décampèrent,,  &  fe  retirèrent 
en  vrais  fuyards.  LesHuiïites  à  leur  départ  ayant  repris  le  fiége 
perdirent  un  de  leur  principaux  chefs  3  qui  n'eft  pas  nommé.  Cette 
perte  leur  fit  lever  lefiége  pour  aller  rejoindre  leurs  gens.  Cette 
retraite  fe  fit  fort  à  propos  h  car  il  étoit  entré  dans  la  Luface ,  une 
armée  de  trente  mille  hommes,  tant  cavalerie,  qu'infanterie  des 

fi)  On  fçaitqucH«*  figniÇc  Oje. 

*  troupes 


ET  DU  CONCILE  DE   BASLE.  Liv.  JC1V.  313 

troupes  du  Duc  de  Saxe  &  de  l'Evêque  de  Meiffen ,  qui  les  obli-     14.-0. 
gèrent  bien  à  doubler  le  pas. 

XXIV.  L'Allemagne  allarmée  de  ces  progrès  prie  des  mefu-    Les  Princes 
res  pourfadéfenfe.  La  ville  à'Erford  en  Thuringe  avoir,  envoyé  d'AHema-*' 
ion  Gouverneur  (1)  au  fecours  de  l'Electeur  de  Saxe,  Stellecrai-  gne  pren- 
enoit  d'autant  plus  le  relîentiment  des  Bohémiens,  qu'elle  ren-  J?cnt<lc6m*" 

•  -i  1  •    1      n  -  ,        *  n  i  lires  pour 

termoit  de  grandes  nchefïes  qu  on  avoit  apportées  du  voifina-  leurfeureté 
ge5  &  qui  pouvoient  les  y  amorcer.  En  l'abience  de  Ton  Gou-  c"n£e  les 
verneur  elle  eut  donc  recours  à  l'Evêque  de  Hildesbeim{i)  s  qui 
palîoit  dans  le  monde  pour  être  plus  propre  aux  armes  qu'à  l'E- 
glife.  Il  y  fit  entrer  de  la  cavalerie  &  de  l'infanterie ,  &:  fit  fortifier 
la  place.  Plufieurs  autres  villes  d'Allemagne  imitèrent  cet  exem- 
ple, comme Magdebourg,  Brun  fuie t  Zunebourg.  Il  paroîten  ef- 
fet que  cette  année  même  les  Bohémiens  pénétrèrent  plus  avant 
qu'ils  n'avoient  encore  fait  en  Allemagne,  à  la  réferve  du  Bran- 
debourg où  ils  avoient  déjà  fait  quelques  courfes.  De  Saxe  ils 
pafTerent  en  Franconie  3  ravagèrent  le  duché  de  Coburg  dans  ce 
cercle,  brûlèrent  les  villes  de  Culembaeh  &de  Bareit,  maflacranc 
tout  le  monde  fans  quartier  &  fans  diftindion.  De  là  ils  parlèrent 
à  Bambergs  dont  l'Evêque  (5)  fe rachetai  fa  ville  par  une  fom- 
me  de  neuf  mille  ducats  d'or.  Plufieurs  Princes ,  Evêques  &  vil- 
les en  firent  autant,comme  Frédéric  électeur  de  Brandebourg,  Je  an 
duc  de  Bavière  3  le  Marquis  d1 Anfpach ,  Albert  (4.)  évêque  de 
Saltzbourg ,  Frédéric  (  5  )  évêque  à'Aicbfiatt.  La  ville  de  Nurem- 
berg fe  racheta  pour  dix  mille  ducats. 

XXV.  Sur  la  fin  de  cette  année  les  Catholiques  de  Moravie  MortduCar. 
perdirent  un  puiiïant  appui  par  la  mort  de  Jean  cardinal  &  évê-  àWmJtxT* 
que  d'Olmutz^  On  a  eu  occafîon  de  donner  fon  caradere  Se  de 

parler  de  les  inclinations  martiales  }  qui  lui  firent  donner  le  nom 

de  Jean  de  Fer.  Son  fuccefTeur ,  Conrad  Zwol ,  plus  propre  à  la  cour 

qu'à  l'Eglifé  &  à  la  guerre ,  ne  fut  pas  d'une  grande  rellource  ni  à 

fon  diocèfe  ni  à  la  province  (a).  Au  commencement  de  l'année  fui-    fa)  Cudor* 

vante,PEmpereur  alïembla  une  diette  à  Nuremberg,  où  il  fe  rendit  p*  ** I# 

le  5 .  dejanvier,après  avoir  donné  ordre  à  fes  affaires  en  Hongrie.En 

(  I  )  Henri  de  O^ift/igerod. 

(r)  Mctgnus  Duc  de  HaxeLavvenbourg ,  auparavant  Evêque  de  Çamin  en  Powerante* 
(l  )  Frédéric  AuffjeeZ,  mort  en  I440. 

(4)  Je  trouve  Jean  de  Reifperger  Evêque  de  SaltX.bou.rg,  dans  l'Hiftoire  Ecclefiaftique  d'Al- 
lemagne. 

[f]  Il  eft  nommé  Albert  comte  de  Recbberg ,  dan*  le  même  ouvrage. 

Tom.I.  Rr 


3î4      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1430.  attendant  que  nous  puifïïons  voir  quel  fut  le  réfultat  de  cette  diette, 
il  faut  voir  ce  qui  s'eftpaflé  dans  le  refte  de  l'Europe  cette  année 
&!a  précédente,  &  c'eft  par  là  que  nous  commencerons  le  livre 
fui  vaut. 


H  I  S  T  O  I  RE 

DE     LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE   DE   BASLE. 

LIVRE      XV. 

E  S  brouilleries  de  l'Italie  ne  tailloient  pas  peu  d'où-    Affaires  é- 
vrape  à  Martin  V.  Le  royaume  de  Naples  étoit  en  t,rl!1.scr?;- „ 


î 


combuftion  par  des  guerres ;  inteftines  qu'y  excitoit  gne-. 

la  tyrannie  de  Jean  Carracciolo ,  à  qui  la  reine  Jeanne  ^rouiUcnes 
II.  avoïc  donné  l'adminiftration  de  ce  royaume  3  èc  qui  étoic  fou- 
tenu  par  le  Pape.  La  guerre  étoit  déclarceentre  les  Florentins  &  les 
Luquois.Ces  derniers  étoient  appuyez  fous  main  par  le  Duc  de  Mi- 
lan, parles  Siennois  &  par  Martin  lui-même  qui  n'aimoit  point  les 
Florentins.  Il  avoit  contr'eux  un  nouveau  grief  ,  fur  ce  qu'ils 
^voient  mis  une  taxe  de  cent  mille  écus  d'or  fur  le  clergé  de  là- 

R  r  ij 


3i  6       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
,,0     Tofcane.  L'un  des  continuateurs  de  Baronius  rapporte  une  par- 
'    tiède  la  lettre  menaçante  qu'il  leur  écrivit  là  deflus.  Elle  finit  par 
lu  nnTîf!  *  ces  mots  '•  Si  vous  avez^à  cœur  la  liberté  du  peuple  >  fouveruzyousque 
ip.  nous  n  avons  pas  moins  à  cœur  la  liberté  ecclefiafiique  (a). 

Le  Pape  re-  II.  Dès  la  fecondeannée  du  Pontificat  de  Martin  V.  Bologne 
couvre  Bolo-  étoit  rentrée  fous  l'obéïffancedu  fiége  de  Rome  :  mais  en  141 8. 
elle  avoit  de  nouveau  fecoué  ce  joug  par  la  fa&ion  d'un  nommé 
Canetulo  qui  en  av  oit  chafle  les  partifans  du  Pape,  ôc  qui  mena- 
çoit  toute  la  Romagne  y  province  de  l'Etat  Ecclefiaftique.  Le  Pa- 
pe Tauroit  perdue  fans  la  diligence  &  la  vigueur  de  Capranica.  Ce 
Cardinal  ayant  promptementaiïemblé  toutes  les  troupes  de  l'E- 
glife  retint  dans  le  refpecl:  les  villes  de  cette  Province.  Puis  affilié 
des  troupes  àï  Charles  Malatefia  Seigneur  de  Rimini 3  de  celles 
que  le  Pape  lui  envoya  fous  Jacques  Candola  3  &  d'un  bon  corps 
d'exilez  qui  avoienr  à  leur  tête  Antonio  Bentivoglio ,  il  reprit  tou- 
tes les  places  du  Bolonois,&  Bologne  elle  -même  après  un  long 
fiége. 
Efpaghe.  III.  Une  partie  de  l'année  1419.  fut  employée  à  achever  l'ou- 
Conciuùon  vrage  de  l'union  de  l'Eglife  par  la  ceifion  de  l'antipape  Clément 
cntle^L-  VIII.  fiégeant  encore  à  Penifcola.  L'année  précédente  le  Cardi- 
fe  Sl  Martin  nal  de  Foix  étoit  allé  à  Rome  rendre  compte  de  cette  négociation 
à  Martin  V.  Il  revint  cette  année  à  Barcelone  vers  le  milieu  du 
mois  de  Mai,  pour  mettre  la  dernière  main  à  cette  affaire  avec 
Alphonfe  K.oi  d'Arragon,  qui  alla  fort  honorablement  au  devant 
du  Légat  hors  de  la  ville.  Elle  ne  fut  pas  conclue  au  gré  de  l'im- 
patience du  Cardinal  3  le  Roi  cherchant  des  prétextes  de  délais 
&detergiverfations.  Il  s'agiiloit  de  révoquer  par  un  a&e  authen- 
tique, tout  ce  qui  s'étoit  fait  en  Efpagne  depuis  le  fchifme  contre 
le  Siège  de  Rome  -y  mais  le  Roi  d'Arragon  ne  vouloir  pas  confen- 
tiràcette  révocation,  que  premièrement  MartinV.  neledifcul- 
pat  par  une  Bulle ,  d'avoir  fomenté  le  fchifme.  Enfin  après  bien  des 
pourparlers ,  &  lorfque  le  Légat  commençoit  à  defefperer  du  fuc- 
cès  de  la  négociation  ,  le  Roi  changea  tout  à  coup  ,  fans  doute  à 
lafollicitation  de  Jean  Roi  de  Navarre  fon  frère 3  &  d: Alphonfe 
de  Borgia ,  qui  depuis  fut  Pape  fous  le  nom  de  Calixte  III.  èc  pro- 
mit de  faire  tout  ce  que  le  Légat  voudroit.  Un  changement  fi  fu- 
bitfut  regardé  comme  un  miracle  d'enhaut.  On  dit  que  les  aiTif- 
tans  en  pleurèrent  de  joie.  Sans  perdre  de  temps,  les  deux  Rois, 
l'un  à  la  droite,  l'autre  à  la  gauche  du  Cardinal  Légat,  allèrent 
en  pompe  dans  l'Eglife  cathédrale  de  Calatayud  où  éto^t  alors  la 


^^ 


de  Clément 
VIII. 


ET  DO  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XV.     317 
Cour,  pour  chanter  le  TeDeum en  a&ion  de  grâces  d'un  fuccès  fi    1430. 
heureux  de  fi  inefperé. 

IV.  En  même  temps  le  R  oi  envoya  deux  de  tes  principaux  Con-  Abdication 
feillers  à  Penifcola  pour  exécuter  la  commiffion  de  l'abdication  de 
Gilles  Munian ,  autrement  Clément  VI II.  Ce  qui  fe  fit  dans  toutes 
les  formes  le  2  6.  de  Juillet.  L'Antipape  parut  même  s'y  porter  de 
bon  cœur  &  de  bonne  grâce.  Il  protefta  qu'il  n'avoir  accepté  le 
pontificat  que  dans  le  deiïein  de  donner  la  paix  à  l'Eglife;  qu'il 
l'auroit  abdiqué  depuis  Ion  g-temps  fans  les  obftacles  qui  lui  ctoienc 
furvenus.  II  parut  donc  en  habits  pontificaux  au  milieu  de  tes  Car- 
dinaux &  de  tout  ce  qu'il  avoit  de  courtifans  ;  &  ayant  dépofé  lui- 
même  tes  habits  pour  prendre  celui  de  (impie  Docteur ,  il  pria  tes 
Cardinaux  de  faire  une  élection  qui  donnât  à  l'Eglife  un  Pape  in- 
dubitable. Alors  ils  élurenit  d'une  commune  voix  Otton  deColonnc^ 
.&:  l'appellerent  Martin  V .  Il  n'y  avoit  alors  que  quatre  Cardi- 
naux,  les  deux  autres  ayant  été  mis  en  prifon  pour  avoir  voulu 
élire  un  troifiéme  Pape  -y  mais  il  y  avoit  un  bon  nombre  d'Officiers 
tant  écléfiaftiques  que  féculiers.  L'abdication  faite  avec  toutes 
les  formalitez  requifes ,  on  allaenproceiîion  dans  la  Cathédrale 
de  Penifcola  pour  y  chanter  le  Te  Deum.  Le  Pape  fe  trouva  à  cette 
proceiTion  comme  fimple  Docteur ,  &  ne  retourna  point  au  palais 
pontifical ,  ayant  pris  comme  particulier  une  maifon  dans  la  ville, 
En  récompenfe  d'une  abdication  faite  avec  tant  de  franchife  Se 
d'humilité  ,  l'Antipape  fut  fait  Evêque  de  Majorque.  On  dédom- 
magea tes  Cardinaux  par  quelques  dignitez.  Ceux  qui  étoienten 
priion  ayant  demandé  grâce  &,  reconnu  Martin  V.  furent  élargis, 
Alfhonfe  de Bory.a ,  pour  avoir  fî  bien  travaillée  l'union ,  fut  fait 
Evêque  de  Valence  par  Martin  V .  Cependant  le  Légat  fe  trans- 
porta lui-même  à  Penifcola  pour  y  reprendre  les  joyaux,  monu- 
mens,  privilèges,  vêtemens,  &c.  appartenans  à  l'Eglife  Romai- 
ne, ôcquiy  avoient  ététranfportez  par  Benoît  XI II.  &  fon  fuc-  ' 
cefleur.  De  Penifcola  le  Légat  alla  à  Tortofe  pour  y  tenir  un  Con- 
cile Provincial ,  pour  affermir  l'union ,  &  faire  quelques  reglemens 
éccléfiaftiques.  Cette  réconciliation  fut  fuivie  de  celle  de  Jean 
Comte  iï  Armagnac ,  contre  qui  Martin  V.  avoit  lancé  l'excommu-  ,  j'^'  ]"'„ 
nication  >  parce  qu'après  l'avoir  reconnu  ,  il  l'avoit  enfuite  aban-  12. 
donné  pour  te  joindre  à  Benoit  XIII.  &.  aux  deux  Antipapes  tes  jj^^j'  n' 
fuccefTeurs  (a).  Ainli  finit  un  fchifme  qui  avoit  duré  depuis  le  2 1 .  Rap,.  i4ip, 
de  Septembre  1378.  jour  de  l'élection  de  Clément VII.  jufques  au  »L,m* /• z- 
16. Juillet  de  1429  (b).  n.i.m. 

Rriij 


3  i8     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1430.  V*  H  Y  avoir  en  Efpagne  une  autre  affaire  importance  que  le 
Paix  entre  h  Légat  n'avoit  pas  moins  à  cœur.  Ç'étoit  la  réunion  des  Rois  d'Ar- 
£ft  alc0&  ragon  &c  de  Caftille  à  l'occafion  de  Dom  Alvare  de  Lune  3  qui  s'é- 
toit  tellement  emparé  de  l'efprit  du  Roi  de  Caftille,  qu'il  avoic 
écarté  les  Princes  de  la  cour  &  du  gouvernement  de  Caftille, 
comme  on  Fa  déjà  dit.  Le  Légat  réiiiïît  dans  cecte  négociation 
affilié  des  Reines  de  Cafttfle  &  d'Arragon.  Ces  deux  P rincettes 
étant  fœurs ,  elles  étoient  dans  des  tranïes  mortelles  que  l'on  n'en 
vînt  aux  mains ,  parce  que  de  quelque  côté  que  penchât  la  vic- 
toire, elle  ne  pouvoit  leur  être  que  très-funefte.  Elles  s'adrefiférent 
donc  au  Légat  pour  le  prier  de  les  affifter  de  Tes  confeils  6c  de  fon 
autorité  dans  le  deflein  qu'elles  avoient  d'empêcher  le  combat 
quiétoitprêtà  fe  donner.  Voici  comment  i'Hiftorien  Efpagnol 
raconte  l'affaire.  »  Les  Rois  (de  Navarre  &  d'Arragon  )  brûlant 
»>  du  defir  de  combattre,  mirent  leurs  armées  en  bataille  dès  la 
»>  pointe  du  jour ,  un  Vendredi  premier  jour  de  Juillet.  Les  deux 
»  armées  étoient  en  préfencej  on  commençait  déjà  à  efearmou- 
«cher,  lorfque  le  Cardinal  de  Foix  s'avança  allant  d'une  armée 
»  dans  l'autre ,  &  fit  tant  par  fes  remontrances  &;  Tes  exhortations , 
»  que  le  combat  fut  différé  jufqu'au  lendemain  ,  parce  qu'on  étoit 
y  déjà  fur  le  déclin  du  jour, èc  que  la  nuit  approchoit.  Les  réfle- 
vxionsdelanuit&ce  délai  furent  falutaires  aux  deux  partis.  La 
v  Reine  d'Arragon  par  bonheur  arriva  tout  à  propos  dans  P armée. 
»  Cette  femme  héroïque  pleine  d'un  courage  martial ,  fit  drefler 
»fa  tente  dans  l'intervalle  qui  féparoit  les  deux  camps  ^  &  après 
»  quelques  pourparlers  &:  quelques  négociations,  elle  conclut  la 
»  paix  à  des  conditions  raifonnables  ,&  au  contentement  de  toutes 
TiUp.m'.  '»  îes  parties  intérefTées  c^ui  mirent  les  armes  bas,  &  fe  retirèrent 
534.  »  fans  commettre  aucun  a&e  d'hoftilité  (a). 

Fmnce  &      VI.  La  France  commença  cette  année  à  refpirer  après  tant  de 
Angleterre,    malheurs  &  de  pertes  qui  fembloient  irréparables.  La  levée  du 
d'Orieaîi"     fiege  d'Orléans  formé  par  les  Anglois  pendant  fept  mois ,  fut  un 
fait  lever  le   coup  de  partie  pour  le  Royaume  ,  puifque  depuis  ce  temps-là  les 
y%. CCCCtC  a^aires  des  Anglois  allèrent  toujours  en  décadence.  La  manière  , 
iînon  miraculeufe3  au  moins  toute  extraordinaire,  dont  la  ville 
d'Orléans  fut  délivrée  par  Jeanne  d'Arc ,  appellée  la  Pucelle  d'Or~ 
leans  ,  eftn*  connue,  que  je  me  difpenferois  d'en  parler,  fi  cette 
affaire  n'étoit  tout-à-fait  du  reffort  éccléfiaftique.  Les  François  la 
crurent  envoyée  de  Dieu  pour  les  délivrer.  Les  Anglois  la  regar- 
dèrent comme  une  forciere  &  une  émiflaire  d.u  Diable  contre 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.    JCV.    319 

l'Angleterre,  &la  firent  brûler  comme  telle.  Le  Clergé  fe  mêla 
de  cette  affaire,  foie  pour  examiner  Jeanne  d'Arc^L  l'aucorifer., 
foie  pour  la  condamner  3  foie  enfin  pour  rétablir  fa  mémoire, 
comme  fit  Calixte  III.  Voici  le  fait  en  gros  fans  entrer  dans  le  dé- 
tail des  circonftancesque  Ton  peut  voir  ailleurs ,  &  fur  tout  dans 
les  nouvelles  Hifloires  de  France  par  le  P.  Daniel  (a) ,  Ôc  d'Angle-  (*0  T«  Iv~-p- 
terre  par  Mr.  deit^/«(b).  Il  y  a  voit  fept  mois  que  les  Anglois  af-  (b)T.iv!p. 
fiegeoienc  Orléans,  &  la  ville  éteitfur  le  point  de  fuccomber,  lorf-  $7-  60.  & 
cjuetoutàcoup  il  parue  en  France  une  fille  de  quelque  païfan  de  pSfjf 
Lorraine  (1),  âgée  de  20.  à  30,  ans  (2),  quifevantoic  d'avoir  un  fin  de  la  vie 
ordre  exprès  de  Dieu  pour  faire  lever  le  fiége  d'Orléans ,  &  facrer  de  Henrt  l  ln 
Charles  VII.  à  Reims.  Après  l'avoir  examinée  ,  on  crue  fa  mif- 
fion  divine.  Elle  prie  un  habic  d'homme  &  des  armes  ,  &  fe  mie  en 
campagne  ;  elle  enera  dans  Orléans ,  &:  foueinc  fi  bien  les  aflîégez 
par  fès  confeils&  par  fa  valeur,  que  les  Anglois  furenc  concraints 
de  lever  lefiége  le  1  2. de  Mai  de  1429. 

VII.  On  fut  partagé  fur  le  caractère  de  cette  fille ,  les  uns  la  Ca"a^rc  de 
prenant  pour  une  fille  miraculeufe,  foie  que  Dieu  l'eue  envoyée  d'Orléans.- 
pour  le  faluc  de  la  France ,  comme  l'onc  cru  prefque  cous  les  Hif- 
toriens  François  3  &  en  dernier  lieu  le  P.  Daniel  ^  foie  qu'il  eue  per- 
mis que  le  démon  la  fufcitâc  contre  les  Anglois ,  ce  qui  fuc  l'opi^ 
nion  de  ceux  de  cette  nation.  D'autres  ont  pris  un  milieu  qui  pa- 
roît  plusvrai-femblable.  Ils  onc  cru  quec'écoic  unftracagëmedes 
François  pour  relever  le  cœur  de  cette  nation  &  de  Charles  Vil. 
lui-même ,  qui  étoit  fi  confterné  qu'il  méditoic  fa  recraice  en  Dau- 
phiné.  Plufieurs  Hiftoriens  onc  pris  ce  parti.  Enguerrand de  Monf- 
trelet ,  auteur  contemporain,  n'a  point  décidé  fi  c'étoic  un  mi- 
racle, ou  une  incrigue.  uEneas  Sylvius  aufîl  concemporain  ne  prend 
poinc  l'affirmative  pour  le  miracle  ,  il  dit  feulemenc  qu'on  le 
croyoic  ainfi^).  MaisMonfieur  de  Rapin  s'efc  aceaché  parcicu- 
lieremenc  à  faire  voir  qu'il  n'y  eue  rien  que  de  nacurel  dans  cecce 
affaire.  Il  ejl  ai fé  de  s'imaginer ,  die  ce  judicieux  Hiflorien,  que  ce 
pouvoit  être  une  invention  pour  redonner  du  cœur  aux  François ,  & 
peut-être  au  Roi  lui-même  concerné  par  tant  de  pertes  (c).  C'eft  ce  [c]Vbi>fuf* 
qu'il  appuyé  par  de  bonnes  raifons  dans  une  diflércacion  exprès  où  p*  *  * 

(1)  Le  lieu  de  fa  naiflance  étoit  Domremt  près  Vaucouleurs. 

(z)  Mr.  de  Rapin  a  prouvé  qu'elle  avoit  alors  27.  ans  ou  environ,  ubi  fap.  p.  182. 

(f3J  I»  Regno  ipfo  Trancia  ,  qnodnojlra  œtatejoanna  Virgo  Lotbaringenjis  divinitus  ,  uteredttnt, 
admenita ,  virilibns  indumentis  tâ  armis  indttta  Gallicai  encens  acies  ex  Anglorum  manibus  magna- 
ex  parte  (  mirabile  dtcht  l  J  pnmainnr  primos  pu/?tans  eripuit,  iEneas  Sylv.  llifl.  de  Europe  L'b, 
ILIV. friu* 


yià         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
il  répond  folidement  à  toutes  les  objections.  J'y  ajouterai  feule- 
ment qu'il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  cette  fille  étoit ,  non  une 
fille  de  bon  fins*  mais  une  vifionnaire  d'une  imagination  très-vive 
&  très-forte.  Ces  fortes  d'imaginations  font  fort  contagieufes ,  ÔC 
perfuadent  aifément  de  ce  qu'elles  difent,  fur  tout  quand  on  le 
ibuhaite.  En  effet  mettant  à  part  les  vifions  &  les  révélations  donc 
elle  fevantoic  ou  quelle  croyoit  avoir  eues  j  on  ne  voit  rien  d'ex- 
traordinaire dans  toutle  refte.  Elle  ne  fe  met  point  à  la  tête  des 
[  a  ]  Gomme  troupes ,  comme  auroit  dû  faire  un  Général  envoyé  de  Dieu  (a), 
Defora.        sj  ôllefe  bat  avec  un  courage  intrépide,  l'Hifloire  rend  le  même 
témoignage  aux  autres  Généraux.  Elle  délibère  avec  les  Officiers 
de  l'armée,  quelquefois  elle  fuit  leurs  conleils,  quelquefois  elle 
s'en  éloigne.  Tout  cela  ne  marque  point  d'infpiration.  Elle  effc 
bleiiëe  plus  d'une  fois.  Enfin  elle  fe  rendit  prifonniere  à  Com- 
[b]LeP.D.i-  piegne  (b).  Où.  étoit  alors  la  protection  divine?  Etant  en  pnfon 
^/,ubifupr.  cjans  ie  cnàteau  de  Beaurevoir.,  elle  fauta  du  haut  de  la  tour  en 
bas  ;  mais  s'étant  blefîée  elle  fut  reprife.  Quand  les  Anglois  lui  fi- 
rent fon  procès ,  elle  foutint  à  la  vérité  les  premiers  interrogatoi- 
res 5  maisenfin  elle  fit  par  deux  fois  abjuration  de  fes  révélations. 
La  première  lorfqu'elle  fut  condamnée  à  une  prifon  perpétuelle 
&  au  pain  &  à  l'eau.  La  féconde  lorfqu'elle  retrada  cette  pre- 
mière abjuration  &  qu'elle  fut  condamnée  au  feu.   Il  n'y  arien 
en  tout  cela  que  de  fort  humain  ^  mais  le  fupplice  de  cette  fille  ar- 
rivé en  145 1.  a  été  trouvé  fort  inhumain  par  tous  les  Hiftoriens, 
&;  même  par  les  Anglois.  Ecoutons  la  réflexion  de  Mr.  de  Rapin 
là-defîus.  Avant  que  de  finir  cette  matière  3  je  ne  puis  m' empêcher  de 
faire  une  réflexion  fur  la  barbarie  avec  laquelle  la  Pue  elle  fut  traitée. 
Il  ri cft  pas  po.IJible  de  donner  quelque  couleur  à,  cette  injuflice.  Comme 
Jeanne  ri  étoit  pas  F rancoife,  Henri  ne  pouvoitpas  fuppofer  qu'elle  fut 
fa  fujette ,  &  par  confèquent  il  ne  pouvait  la  traiter  que  comme  une 
fimpie  prifonniere  de  guerre.  Celafuppofé^  il  pouvoit  encore  moins  la 
punir  comme fchifmatique ,  hérétique  &  forciere ,  quand  même  elle  en 
auroit  été  convaincue.  Si  la  maxime  que  les  Anglois  voulurent  alors 
établir  étoit  une  foi  s  établie ,  il  ri  y  auroit  point  de  prifonnier  de  guerre 
qui  ne  fut  en  danger  d'être  jugé  par  fes  ennemis  pour  des  crimes  fuppo- 
fez^>  &  de  fuccomber  fous  leur  malice.  Charles  VI  l.  fit  cajferlafcn- 
tence  par  d'autres  Juçes ,  &  rétablir  l'honneur  de  la  Puce  lie.  C'cft  fur 
cela  que  plufieurs  fe  fondent  pour  prouver  fon  innocence  s  mais  ceft  un 
foible  fondement  3  puif que  fans  une  extrême  prévention ,  on  ne  peut  pas 
plus  compter  fur  la  dernière  Sentence  que  fur  la  première.  Celle-ci  fut 

donnés 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Llv.  JTF.  321 
donnée  par  Ces  ennemis  qui  avoient  intérêt  de  la  diffamer  $/ 'autre par 
fès  amis  qui  trouvaient  leur  gloire  &  leur  avantage  à  la  faire  paroïtre 

J  J-  °  (a]  UVl  /UpT* 

innocente  (a),  p.  201.  202. 

VIII.  Cette  même  année  le  Duc  de  Bretagne  envoya  Guillau-     Lc  Duc  * 
me  déjà  Zohérie  (on  conkiller  à  Rome,  afin  de  Ravoir  pourquoi  p^Ro^" 
le  Pape  difFéroit  de  fiiire  réponfe  à  quelques  plaintes  qu'il  avoir  me. 
adreflees  au  St.  Siège,  contre  plufieurs  abus  qui  fecommettoient  . 

par  le  clergé ,  principalement  par  les  Evêques  de  la  Province.  Ces 
abus  étoient  qu'ils  ne  vouloient  pas  s'en  tenir  aux  anciennes  prati- 
ques du  payst,  par  lesquelles  lesappellations de  leurs  Jurifdi&ions 
étoient  dévolues  aux  Parlemens  généraux ,  vexant  par  des  cenfu- 
res  injuftes  ceux  qui  y  avoient  recours  -,  qu'ils  refufoient  de  faire  fer- 
ment de  fidélité  au  Duc  ^  que  quelques-uns  d'entr'eux  tâchoienc 
d'empêcher  les  Sergens  du  Duc  de  porter  leurs  mafles  avec  les 
armes  de  Bretagne  dans  leurs  diocèfes  j  qu'ils  vouloient  s'attri- 
buer l'ouverture  &  la  publication  dçs  teftamens ,  même  des  laï- 
ques, aufË  bien  que  la connoiflance  de  tous  les  adultères,  com- 
me ayant  rapport  à  un  Sacrement  5  que  TEvêque  de  St.  Malo  pré- 
tendoit  le  droit  de  Bris{\)  en  fa  yille ï  que  quelques  Evêques ,  8c 
OrÏÏciaux  décernoient  des  Edits  peremptoires  pour  la  moindre 
caufe,  fulminoient  des  excommunications  pour  unefimple  con- 
tumace, fermoient  l'Eglife  aux  femmes  Se  aux  enfans  de  ces  ex- 
communiez ,  &  extorquoient  de  rrès-grofles  amendes  pour  les 
moindres  fautes  ;  que  quelques  Evêques  fe  faifoient  fuivre  dans 
leurs  vifites ,  par  tout  leur  diocèfe ,  de  ceux  à  qui  ils  avoient  don- 
né des  afïïgnations  ^  qu'outre  les  procurations ,  ou  repas  de  vifite  > 
ils  fe  faifoient  encore  payer  d'autres  droits  énormes  par  les  Rec- 
teurs •  qu'il  y  avoit  des  Cathédrales  où  Ton  exerçoit  publique- 
ment l'ufureappelléeg^-»z<?r/(i),  en  achetant  fur  des  dixmes, 
ou  autres  biens  imaginaires  des  iaïquesdix  livres  tournois  de  ren 
te  pour  centécus  ,  (  lesécusnepafloient  guéres  22.  fous)  &con- 
vertifloient  encore  en  rentes  les  arrérages  de  ces  revenus  ufurai- 
res  j  enfin  que  le  Minihi{})  de  Treguier  occupoit  quatre  lieues  de 
pays ,  &  que  l'Evêque  de  Treguicr  prétendoit  qu'il  y  avoit  droit 
d'afyle  3  ce  qui  étoit  énorme,  &  trés-favorableaux  plus  infâmes 
fcélérats.  Le  Duc  avoit  encore  un  fujet  particulier  de  fe  plaindre 

('.)  Droit  furies  vaifleaux  qui  font  naufrage.  Un  Concile  de  Nantes  travailla  en  I2IJ.  â 
abolir  ce  droit  barbare.  Lthin.  ubi  fupr.  p.  203  . 

(2)Droitdontonh;ffe.jouirunEngagille,  en  forte  qu'il  profite  des  fruits,  &  néantmoins 
Vcn compte  ùcn-Dici.  deTrev. 

Il]  Vieux  terme,de.Coutumc  en  Bretagne.  Canton  de  terre  affranchi  fervant  d'afyle.  Ujd. 

Tom.  I.  S  S 


3ii  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
d'une  conftitution  du  Pape  3  par  laquelle  il  avoir  défendu  aux 
Eccléfiaftiques ,  fous  de  grandes  peines ,  d'avoir  recours  dans  leurs 
caufes à  la  jurifdiction  temporelle,  &  il  lui  avoir  fait  repréfenter 
que  l'ufage  Tautoriibità  juger  le  poflelîoire  des  Bénéfices  de  fon 
pays.  Le  Pape  ,  quant  à  cette  dernière  plainte  3  lui  envoya  un  J3ref 
en  date  du  29,  Juin,  par  lequel  il  lui  témoigna  que  par  cette 
Conftitution  il  n'avoit  point  prétendu  donner  atteinte  à  les  droits^ 
6c  pour  ce  qui  eil  des  autres  fujets  de  plaintes  ,  il  nomma  le  mê- 
me jour  Griffin  évêque  de  Rojjc  pour  commiffaire,  avec  ordre 
de  fetranfporter  en  Bretagne  pour  informer  de  ces  excès ,  £c  de 
&f*;?J  lui  en  faire  fon  rapport  (a). 

AUe'ma/ne."      I X.  Quoique  l'Allemagne  eût  grand  intérêt  à  demeurer  bien 
r -capitula-   unje  £  caufè  des  courfes  perpétuelles  des  Huflîtes  qui  portoienc 
furnescTAiîe-  leurs  fureurs  jufques  dans  l'Empire,  elle  étoit  cependant  toujours 
magne.        déchirée  par  des  guerres  inteftmes.  Il  eft  vrai  que  pendant  les  an- 
nées précédentes  Conmà  III.  du  nom  ,Waldqrave  de  Dbaun , 
Rhingrave  de  Stein ,  élu  archevêque  de  Mayence  en  141  9.  avoit 
pris  grand  foin  d'en  pacifier  les  troubles,  autant qu'il  fe  pouvoir. 
Dès  l'année  fuivante,  par  ordre  àz  Martin  V.  il  avoit  terminé 
(Mlis'appcl- *a  guerre  entre  l'Evêque  (b)  6c  la  ville  de  Spire  3  aufli  bien  que  les 
ioit  Raton,    démêlez  de  Jean  de  Brun  évêque  de  Wirt^bourg ,.  avec  la  ville  de 
Schwinfurt.  En  1417.  il  fut  à  la  tête  des  Electeurs  du  Rhin  ,  qui 
dans  la  diète  de  Nuremberg  s'alïocierent  pour  feconrir  S igifmond 
contre  les  Huflîtes,  auffi-bien  qu'avec  le  Marquis  de  Mifnie,  con- 
tre ces  fâcheux  voilins.  Dans  cette  aflociation  il  fut  réfolu  une 
abfoiué  intolérance  pour  quiconque  profeiîeroit  le  Hufîitifme 3  6c 
qu'on  forceroit  tous  les  hommes  au  demis  de  douze  ans  d'adhé- 
rer conftamment  à  la  doctrine  de  leurs  Pères,  6c  de  dénoncer  au 
Magiflrat  tous  ceux  qui  leur  paroîtroientfufpects  de  nouveautez» 
De  retour  de  la  malheureufe expédition  contre  les  Bohémiens, 
dont  ont  a  parlé  en  cette  année  là,  il  aflbupit  les  démêlez  de 
l'Evêque  de  Wirtzbourg ,  avec  Frédéric  Margrave  de  Brande- 
bourg. L'Empereur ,  pour  reconnoître  des  foins  qui  lui  étoient  fi 
avantageux  pendant  qu'il  étoit  occupé  à  des  guerres,  l'avoir  éta- 
bli en  1422.  fon  Vicaire  dans  l'Empire  ;  cependant  il  ne  garda 
pas  long- temps  ce  Vicariat ,  parce  qu'il  lui  étoit  contefté  par  l'E- 
lecteur Palatin  3  &c  qu'il  aima  mieux  faire  ce  facrifice  à  la  paix.  En 
1424.  il  accorda  l'Evêque  de  W^rmes  (  1  )  avec  la  ville ,  &  plufieurs 
autres  démêlez.  Les  années  fuivantes  il  fut  engagé  dans  une  guer- 

(  1)  Jean  de  Ihckfnjtàn  fut  au  Concile  de  Confiance ,  &  mourut  en  1 4Z6". 


ET  DU  CONCILE  DE   BASLE.  Liv.  JCV.  323 
s*e  allez  opiniâtre  avec  Loiiis  Landgrave  deH.eJfe.  Elle  avoir  d'a- 
bord été  affoupie  par  l'entremife  des  Ele&eurs  Palatin  &  de  Bran- 
debourg, mais  elle  recommença  bien-  tôt.  Conrad  même  ayant  eu 
dudeflous,  aima  mieux  don-ner  les  mains  à  la  paix  ,  que  de  con- 
tinuer la  guerre  au  préjudice  de  l'engagement  où  il  étoit  avec  les 
autres  Princes  de  fècourir  l'Empereur  contre  la  Bohême.  Cette 
paix  Te  fit  à  peu  près  en  1427.  dans  le  même  temps  que,  comme  on 
l'a  vii  ,  Henri  évêque  de  Wincheper  étoit  Légat  en  Allemagne  , 
pouranfmer  les  Princes  à  la  guerre  de  religion.  C'eftce  qui  obli- 
gea Conrad  X  ren ou veller  en  1428.  la  confédération  entre  lesE- 
le&eurs  tant  eccléfiaftiques  que  féculiers  &  tous  les  autres  Princes 
&  Etats  de  l'Allemagne.  En  1429.  Conrad  fut  appelle  en  Hongrie 
à  une  diète  que  l'Empereur  tenoità  Presbourg  pour  chercher  ks 
moyens  de  réduire  les  Bohémiens  (a).  A  fon  retour  il  trouva  de     (»)<*•»»• 
nouvelles  brouilleries  en  Allemagne  par  la  mort  d'Otton  comte  de  Sïw" 
Zingenheim,  archevêque  de  T rêves,  arrivée  en  1429.  Le  Chapi-  rer.  Mogunt. 
tre  le  trouvant  partagé  entre  deux  fujets ,  Martin  V.  rejetta  l'un  T'LP-73^ 
&  l'autre ,  &  élut  Raban  évêque  de  Spire ,  à  la  recommandation  de 
l'Electeur  Palatin  h  mais  cette  éie&ion  étant  defapprouvée  par 
quantité  de  Seigneurs  du  pais  partifans  de  l'un  des  Concurrents 
(b),  caufa  des  dommages  infinis  à  l'Eglife  de  Trêves.  La  ville  qui   (b)Vdetric 
tenoitpour  Raban  foutinc  vieoureufementun  fiéee  de  deux  ans.  dc  Men<Ur' 
Tout  le  territoire  rut  mis  a  l'interdit  pendant  quatre  ans  par  le  Pa- 
pe irrité  du  mépris  qu'on  faifoit  de  fes  Bulles.  Enfin  la  paix  îè  fie 
par  l'entremife  des  Electeurs  de  Mayence  &  de  Cologne ,  &  de  l'E- 
vêque  de  Wormes,  Raban  demeura  en  poffeiîion  du  Siège  (c).  J'ai    (c)  H*>. 
cru  devoir  faire  cette  efpece  de  récapitulation ,  d'un  côté  pour  [ftxi. 
faire  voir  combien  il  étoit  difficile  de  réunir  ce  vafte  corps  pour      <v 
l'intérêt  commun  ,  &  de  l'autre  parce  que  paix  ou  guerre  en  Alle- 
magne, tout  fe  rapportoit  prefqu'à  la  guerre  des  Huflîtes. 

X.  Le  refte  de  l'Europe  n'étoit  pas  pkis  tranquille,  Sigifmond  Pologne  & 
avoit  été  défait  par  les  Turcs  en  Hongrie.  Comme  il  imputoit  ç*"8^ 
cette  difgrace  aux  Polonois&aux  Valaques,  qui  3  à  ce  qu'il  pré-  ucko  ca 
tendoit,  lui  avoient  manqué  au  befoin  ,  il  demanda  à  Wladijlas  Pologne. 
roi  de  Pologne ,  &  à  Alexandre  Withoud  Grand  Duc  deLithua- 
nie ,  un  congrès  fous  prétexte  d'affermir  leur  union  &  de  prendre 
de  meilleures  mefures  contre  l'ennemi  commun.   Le  Congres  fut 
accordé,  &  pour  le  tenir  on  convint  de  la  ville  de  Luc  ko ,  dans  la 
haute  Wolhinie.  Si  l'on  en  croit  les  Hiftoriens  Polonois  contem- 
porains, ce  congrès  fut  des  plus  mémorables  &;  des  plus  magni- 

Ss  ij 


324      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSÏTÊS 

fïques  qu'on  eût  encore  vu.  II  mérite  d'autant  plus  qu'on  en  fa/fè 
la  defcription  ,  qu'il  y  entre  beaucoup  d'eccléfiaftiques ,  puifqu'il 
s'y  trouva  des  Latins,  des  Grecs,  des  Rudes,  des  Arméniens, 
6c  des  Juifs.  Il  n'y  manquoit  que  des  Hufîites  pour  y  en  avoir  de 
toute  religion.  Sigtfmond après  s'être  fait  attendre  afïez  long-rems 
y  arriva  au  commencement  de  1419.  avec  Barbe  fon  époufè  ô£ 
quantité  de  Prélats ,  de  Princes  6c  de  Barons  de  Hongrie  ôc  de 
Bohême.  Withuud  alla  au  devant  de  lui  à  une  lieuë  de  la  ville  pour 
l'y  recevoir.  Enfuite  Wlaâiflas  monta  dans  le  caroflé  de  la  Reine 
&  entra  avec  elle  dans  Lucko.  Puis  Sigifmond précédé  de  Withoud 
y  fit  fon  entrée  à  cheval,  accompagne  de  Sbinko  (1)  évêque  de 
Cracovie  _,  au  fon  des  trompettes  Ôc  de  divers  inftrumens  de  Mufl- 
que.  Les  différents  partis  de  religion  qui  fe  trou  voient  dans  la  ville 
étoient  allez  en  proceffion  au  devant  de  l'Empereur ,  première- 
ment André  évêque  du  lieu  avec  fon  clergé ,  puis  le  Rulfe  avec  le 
fien  ,  enfuite  l'Arménien  6c  (es  gens  5  enfin  le  Juif  avec  fa  fuite.  Es 
entrant,  Sigifmond  defeendit  de  cheval  pour  faire  honneur  à  l'E- 
vêque,  &  vénéra  les  Reliques,  fans  faire  aucune  attention  aux 
procédions  des  autres.  Le  Grand  Duc  régala  fplendidement  à 
fouper  la  compagnie.  Les  buffets  fuccomboienc  fous  l'or  &  Tar^ 
genr. 
Proposons  X I.  Les  jours  fuivans  s'employèrent  aux  négociations.  Chacun 
de  sigijmond  des  trois  Princes  avoit  fon  confeil  dans  une  chambre  ou  poêle  {ftu- 
bam)i  part.  La  première  propoiition  que  l'Empereur  fit  à  Wladif- 
las  par  quelques  Prélats  8c  Barons,  e'ett:  que  fui  van  t  les  traitez  6i 
Jes  lermens  que  Ton  produifoit  en  original ,  ils  entreprirent  con- 
jointement l'été  prochain  une  expédition  contre  la  Moldavie , 
pour  en  chafîer  les  Princes  6c  partager  enfuite  entr'eux  la  Provin- 
ce. La  raifon  qu'il  alléguoit  de  cette  proportion ,  c'elt  que  les  Va- 
inques &  leurs  Gouverneurs  ou  Vaïvodes  étoient  des  gens  fans  foi1, 
des  ennemis  publics  3  qui  ne  vi voient  que  de  rapines  6c  de  brigan- 
dages 5  qu'ils  s'étoient  emparez  injuftement  d'une  Province  trèsv- 
fertile  6c  très-abondante  en  toutes  choies,  après  en  avoir  chafîé 
les  habitans,  6c  les  poflefléurs  naturels,  &  qu'enfin  ils  lui  avoient 
refufé  du  fecours  contre  les  Turcs.  La  réponfè  du  Roi  de  Pologne 
fut  qu'il  étok  contre  l'équité  d'attaquer  &  de  vouloir  extermine^ 
fans  aucune  caufe  légitime,  les  Valaques  ,  qui  non  feulement: 

(  1  )  Sbigntur  Olrfnicius  prélat  cPune  grande  fermeté  comme  on  va  le  voir.  Il  ne  faut  pas  le 
confondreave;  le  Prélatdu  même  nom  qui  fut  archevêque  de  Gnefne  en  1480.  Darmtlvvitx, 
Vit.  Epifc.  Mïadijlttv.  &  Gtiefn.  p.  34J.  344. 


u  ce  contres. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.Ziv.  JTV.   jij 

étoient  Chrétiens  3  mais  fort  fidèles  à  la  Pologne  -,  que  c'étoitune 
férocité  barbare  de  tourner  Tes  armes  contre  fes  propres  fujets  j 
que  fi  quelques-uns  d'entr'eux  vivoientde  vol  &  de  pillage,  il  ne 
falloit  pas  s'en  prendre  à  tous  j  que  s'ils  n'avoient  pas  fecouru  le 
Roi  des  Romains  contre  les  Turcs ,  c'étoit  fa  propre  faute ,  &  non 
la  leur  3  puifqu'ils  s'étoient  rendus  avec  l'armée  de  Pologne  jus- 
qu'au Danube  l'an  &  le  jour  marqué ,  &  que  Sigifmond  ne  s'y  étoic 
pas  trouvé.  Cette  réponfe  fut  faite  à  Sigifmond  en  préfence  de 
plufieurs  d'entre  les  Barons  de  Valachie. 

Sigifmond  obligé  d'y  acquiefcer  fit  aux  Polonois  &,  aux  Lithua- 
niens une  autre  propofition  que  j'exprimerai  dans  les  propres  ter- 
mes de  l'Hiftorien ,  parce  qu'elle  eft  finguliere ,  &  que  cet  His- 
torien la  trouvoit  captieufe.  Jefollicite  le  Souverain  Pontife  ,  dit  le 
Roi  des  Romains ,  À  affcmbler un  Concile  pour  la  rèdutlion  des  Bohé- 
miens à*  la  r'e formation  de  l'Eglifè.  S'ilconfent  à  cette  convocation  ,  je 
m'y  trouverai  :  s'ilriy  confentpas  3  je  l'affemblerai  moi-mhne  de  mon 
autorité,  lin  eft  pas  be foin  de  fe  mettre  en  peine  de  la  réduHion  des 
Grecs ,  puifqu 'ils  ont  la  même  foi  que  nous ,  à  lareferve  des  barbes  & 
des  femmes.  Encore  ne  doit- on  pas  les  en  blâmer ,  puifque  les  prêtres 
Grecs  fe  contentent  d'une  femme\  au  lieu  que  les  Latins  en  ont  dix ,  & 
davantage (i).  L'Hiftorien témoigne  que  les  Rufîes  charmez  de 
ce  difeours  s'affermirent  dans  leurs  opinions  _,  &  qu'ils  partaient 
de  Sigifmond  comme  d\in  Saint ,  parce  qu'il  préferoit  la  Religion 
Grecque  à  la  Religion  Latine.  On  ne  rapporte  pas  la  réponfe  que 
firent  le  Roi  de  Pologne  &  Witboudàce  difeours  de  l'Empereur.  Il 
déplut  vrai- femblablement  à  l'un  ôc  à  l'autre,  puifqu'il  ne  pou- 
voit  aboutir  qu'à  les  brouiller  avec  le  Pape }  en  leur  faifant  né- 
gliger la  rédu&ion  des  Grecs  fous  prétexte  de  celle  des  Bohé- 
miens. D'ailleurs  un  difeours  fi  flatteur  pour  les  Rufles  ne  pouvoir 
tendre  qu'à  les  détacher  des  Polonois  (2  ). 

XII.  Quoi  qu'il  en  foit ,  avant  que  de  quitter  le  congres ,  Sigif-      Sigifmni 
mond  qui  avoir  plus  d'une  corde  à  Ion  arc  ,  entreprit  une  nouvelle  fc^Tw- 
négociation ,  &  des  plus  délicates ,  par  rapport  à  la  Pologne ,  qui  thoud  roide 
enauroitétéfortaffoiblie  fi  elleavoitréuffi.  Il  fe  mit  en  tête  de  Lithuame- 
perfuader  Withoud  de  fe  faire  déclarer  Roi  de  Lithuanien).  Il  lui 

(i)  Dliïg.  ubt  fup.  p.  ft  Ji  C.romtr  qui  rapporte  au  (fi  le  rcfle  n'a  point  cette  particularité. 

(1)  Il  faut  remarquer  enpaffant,  que  ces  deux  Rois  ne  s'aimoient  point ,  comme  il  arrive 
fouvent  entre  Rois  voifins ,  &  fur  tout  que  Sigifmond ,  malgré  fon  alliance  avec  la  Pologne  , 
ftvorifoit  les  Chevaliers  Teutoniques,  foit  fous  main  ,  foit  ouvertement. 

(])  AlhertKrantx.  prétend  que  la  propofition  vint  de  Withoud  ,  &  que  pour  cela  il  offrit1  à 
Sigifmond  d'entretenir  à  fes  dépens  cent  mille  hommes  en  Bohême  pendant  un  an.  îV^ndal. 
iLib.XI.  cap.  22.  Mais  je  m'en  tiens  aux  Hirtoriensde  Pologne. 

S  s  iij, 


ji<5       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
en  fit  donc  la  propofition  ,  6c  lui  offrit  de  le  favorifer  dans  ce  dcf- 
fein ,  lui  faifant  entendre  qu'il  y  pouvoit  contribuer  beaucoup  en 
qualité  de  Roi  des  Romains.  Le  Duc, qu'on  repréfente  comme  un 
Prince  fort  ambitieux ,  écouta  avidement  une  propofition  fi  tfat- 
teufe  y  mais  il  déclara  en  même  temps  qu'il  ne  pouvoit  y  donner 
les  mains  fans  l'approbation  6c  le  confentement  du  Roi  de  qui 
il  tenoit  le  duché  de  Lithuanie ,  ôc  qui  ne  fouffriroit  pas  aifément 
ou'eUefdt  démembrée  de  la  Pologne.  Sigifnondfe  fit  fort  de  le- 
ver facilement  cet  obftacle ,  6c  d'obtenir  le  confentement  du  Roi. 
En  effet  lorfque  ce  dernier  étoit  encore  au  lit }  Sigifmond  l'alla 
trouver  un  matin  avec  Barbe  fon  époufe  pour  lui  aider  à  le  perfua- 
der ,  6c  lui  parla  en  ces  termes  :  Ne  trouvez^vous  pas ,  mon  cher  frè- 
re ,  qu'il  efl  injufie  &  dur  quêtant  tous  deux  Rois  ,  Alexandre  Wi- 
thoud  notre  frère  commun  nefoitpas  orne  de  cette  dignité  aujji-bien  que 
nous.  Confentezjlonc  à  fon  couronnement  que  je  puis  lui  procurer  en  qua- 
lité de  Roi  des  Romains  3  &  ne  refufezj)oint  ce  lujlre  à  la  Lithuanie 
votre  patrie.  »  Il  n'y  a  rien  ,  répondit  Wladiflas  >  que  je  ne  fifle  pour 
»  la  gloire  de  mon  frère  Withoud ,  &  je  le  tiens  digne  non  feule- 
»  ment  d'être  Roi ,  mais  même  d'être  Empereur.  Je  ferois  tout 
«  prêt  à  lui  céder  la  couronne  de  Pologne,  s'il  vouloit  s'en  con- 
»  tenter  j  mais  je  ne  fçaurois  me  déterminer  for  une  affaire  d'aufli 
»  haute  importance ,  fans  l'avis  6c  le  confentement  de  mes  Prélats 
»  6c  de  mes  Barons.  Il  faut  en  faire  rapport  au  Confeii  ».  //  ne  feroit 
pas  honnête ,  répliqua  Sigifmond,  de  vous  dépouiller  de  la  couronne 
pour  l'en  revêtir  i  il  efi  plus  expédient  que  vous  foyez^  tous  deux  Rois  , 
tJ-  cefi  une  chofe  fiipcrfluë  de  confuher  là-dejjus  vos  Prélats  (y  vos 
Barons.  Votre  confentement  fuffit  tout  feul.  Wladiflas,  à  ce  que  dit 
l'Hiflorien ,  ébranlé  par  ce  difcours  fpécieux ,  &  porté  d'inclina- 
tion pour  la  gloire  de  fa  patrie,  fembla  donner ,  finon  un  confen- 
tement formel ,  au  moins  un  tacite  ,  &  il  ne  parut  pas  le  refu- 
fer.  Il  n'en  fallut  pas  davantage  à  Sigifmond  pour  en  aller  porter 
la  nouvelle  à  Withoud,  comme  d'un  confentement  bien  formel  6c 
bien  authentique.  Le  Duc  de  fon  côté  ne  s'endormit  pas  ;  6c  pour 
mettre  les  fers  au  feu ,  il  fit  aflembler  le  Confeii ,  où  il  envoya  fon 
Secrétaire,  orateur  fort  cloquent  (i  ) ,  qui  expofa  aux  Prélats  5c 
aux  Barons,  que  le  Roi  des  Romains  prefloit  par  toutes  fortes 
d'inftances  le  Duc  fon  maître  de  fe  faire  couronner  Roi  de  Li- 
thuanie, 6c  que  le  Roi  de  Pologne  y  avoit  donné  fon  confente- 
ment j  mais  que  comme  il  n'étoit  pas  avide  de  cette  dignité,  il 

(  j  )  ficelas  lepienshi  de  la  M  ai  fon  de  Nçlmpi*. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  J?r.  317 
n'avoir,  pas  voulu  l'accepter  fans  leur  confeil  &;  leur  agrément.  Ii 
n'avoir  pas  encore  achevé  fon  difcours,  que  Withoud  lui-même  en- 
tra dans  le  Confeil,  pour  extorquer  par  fa  préfence  le  confente- 
ment  des  Prélats  &  des  Barons ,  tk.  même  il  ne  fortit  pas  de  l'af- 
femblée  que  la  délibération  ne  fût  finie. 

XIII.  L'Archevêque  de  Gnefne  (1)  parla  le  premier  félon  fon  vigoureufc 
rang ,  &  fit  un  long  difcours  qui  n'aboutiiîoit  à  rien.  Celui  de  l'E-  ^r/vlqu. 
vêque  de  Cracovie  (2)  fut  plus  décifïf.  Il  repréfenta  fortement  de  Cracovie, 
au  Duc ,  1 .  Qu^une  proposition  au ffi nouvelle } au  ffi  étrange  &  aujjiper- 
nicieufe  à  la  Pologne  3  les  avoit  faifis  d '  ètonnement  &  de  douleur ,  &> 
quelle  demandait  une  longue  &  mûre  délibération.  2.  ^a'Hedwige 
Reine  de  Pologne  n  avoit  préféré  Wladiflas  à  tant  de  Princes  qui  la 
recherchoient  avec  offre  d'unir  leurs  domaines  à  la  Pologne ,  qu'a  con- 
dition que  la  Lithuanie  feroit  unie  à  la  Pologne  à  perpétuité ,  &  cela 
■par  le  confeil  de  Sigifmond  lui-même.   3.  Qu'il  étoit  bien  furprenant 
que  par  de  pareilles  intrigues  Sigifmond  jettàt  des  femences  de  divi- 
fion  entre  des  Etats ,  à  l'union  de  [quels  il  avoit  contribué  fi  efficacement  y 
&  que  par  une  collufion  du  Roi  &  du  Duc  3  la  Pologne  fut ?nenacée  d'u- 
ne ruine  inévitable ,  pendant  que  les  polonois  gardent  fidèlement  les 
conditions  fous  lefquelles  "Wladiflas  a  été  reçu  à  l'exclufion  de  tant 
d'autres  Princes  qui  pouvoient  amplifier  le  Royaume  de  plufieurs  ri- 
ches  provinces  -y  au  lieu  que  la  Lithuanie  étoit  pauvre  &  environnée 
d'ennemis  3  de  forte  qu'on  ne  pouvoit  avoir  en  vue  que  de  la  gagner  à  Je- 
fus-Chrifi.  4.  QgSil  efperoit  que  Dieu  ,  qui  avoit  récompenfé  le  zèle 
de  la  Pologne  pour  la  foi  Chrétienne  par  des  victoires  fignalées  con- 
tre les  Chevaliers  Teutoniques  ,  fouffleroit  encore  fur un  confeil  fi  per- 
nicieux ,  &  épargnerait  a  la  Pologne  une  plaie  fi  mortelle.  Pour  moi  7 
difoit-il ,  fi  favois  fçu  ce  qui  fe paffe  ,  je  ne  me  ferois  pas  trouvé  à  un 
régal  fi  amer ,  ou  )e  vois  que  l'on  ne  trame  autre  chofe  que  raffoibliffe  - 
ment  de  notre  Royaume  &  de  notre  Etat  5  &pour  ne  vous  rien  diffimu- 
1er ,  très-fereni.ffime  Prince ,  je  moppofe  &  je  m'oppoferai  de  tout  mon 
pouvoir  à  votre  couronnement ,  fans  qu  'aucun  prétexte  ni  condition  m 'y 
puiffe  jamais  faire  confentir.  Cet  avis  fut  fuivi  fî  unanimement  éc 

(1)  C'ctoit  Albert  l.Joftretnbe'e  élu  en  1413-  &  mort  en  I4}6".  Il  avoit  été  F.vcque  de  Pof- 
nanie,  puis  de  Cracovie  ,  après  avoir  fait  cha (Te r  Pierre  Vifcb  pour  le  transférer  à  Pofnanie 
quoi  qu'il  lefîtpaffer  pour  fou.  Il  ell  parlé  de  celui-ci  avec  éloge  dans  ÏHijioire  du  Concile  de 
life.P.ll. 

(x)  Ce  Prélat  étoit  au  ffi  ferrrre  que  l'autre  étoit  faible  &  irréfolu.  Il  s'oppofa  vigoureufe-- 
ment  &  même  avec  menaces  aux  Donations  que  le  Roi  de  Pologne  avoit  faites  de  quelques 
biens  Ecclcfiaftiques  à  quelques  Gentilshommes  ruinez  par  les  irruptions  des  Chevaliers  Teu- 
toniques. On  le  verra  paroitre  avec  éclat  au  Concile  de  Baile./S?fp/;.  Damai,  in  viîa  Archicp* 
Gmfn* p.  2,3a.  233.  Varfoviar  ft&fcp. 


3i3  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSFTES 
par  Jean  de  Tarnovv  Palatin  de  Cracovie  3  &  par  cous  les  autres 
membres  du  Confeil  3  que  malgré  la  préfence  du  Duc  il  s'excita 
un  grand  murmure  concrflui  dans  l'ailemblée.  ïl  fortiten  fureur, 
faifant  de  grandes  menaces  de  n'en  avoir  pas  Je  démenti  par  quel- 
que voie  que  ce  fût. 
Oppofitîon  XIV.  Au  fortir  du  Confeil  les  Prélats  &  les  Barons  irritez  de 
duCcxifeil.  Pobflination  du  Duc  dans  une  entreprife  aufft  fatale  à  la  Polo- 
gne ôc  à  la  Lithuanie  elle-même ,  allèrent  trouver  le  Roi  pour  l'en- 
gager à  rompre  une  diette  qu'ils  regardoient  comme  infe&ée  du 
plus  dangereux  poifon ,  bien  réfolus  de  s'en  retirer  inceflammenc 
eux-mêmes.  Ils  lui  parlèrent  en  ces  termes  :  »  Sire ,  eft-ce  donc  là 
»  le  fruit  de  cette  aflemblée,  &  ne  nous  y  avez- vous  mandez  que 
»pour  dépouiller  votre  Royaume  de  [es  principaux  domaines? 
»  Qui  a  pu  porter  votre  Sérénité  à  confentir  à  un  Ci  grand  mal- 
»  heur ,  et  à  vous  mettre  à  vous-même  le  poignard  dans  le  fein?Cet 
»  homme }  ce  Roi  des  Romains ,  ce  Sigifmond  n'en;  venu  ici  qu'à 
«intention  de  mettre  une  fanglante  diviiion  entre  vous  &vo- 
»tre  frère.  Il  efl:  jaloux  de  votre  union  à  la  rage,&  elle  ne  fera 
«jamais  fatisfaite  qu'il  ne  vous  ait  defunis.  Nous  vous  fupplions 
»  donc  d'abandonner  ce  lieu  au-plutôt ,  comme  nous  fommes  ré- 
»  folus  de  l'abandonner ,  car  il  nous  efl  impoflible  d'être  préfens 
»  aux  maux  dont  on  menace  à  tout  moment  votre  tête ,  &  celle  de 
»  vos  enfans  que  vous  nous  laifTerez  pour  héritiers.  Réveillez-vous 
»  donc,  &  regardez  la  furieufe  &  fanglante  tempête ,  une  pluie  mê- 
>»  lée  de  fang  &;  de  foudre  qui  va  fondre  fur  vous ,  fi  avec  le  fecours 
(n)Ditt  ubi  "  ^e  Dieu  nous  ne  conjurons  inceiïàmment  Porage  (a)».  Après  ce 
fup.  p.  ii$.  difcours  le  Roi  fondant  en  larmes,  les  remercia  de  leur  fidélité, 
$l&  nia  .d'avoir  jamais  confenti  au  couronnement  de  Wlthoud ,  &  leur 

promit  de  fe  retirer  dans  l'endroit  qu'il  leur  marqueroit.  C'eft 
ce  qu'il  fit  en  effet  auflî-tôt ,  au  grand  étonnement  &  au  grand 
regret  de  Sipfmond  èc  de  Withoud,  qui  par  cette  retraite  inopi- 
née fe  virent  obligez,  finon  d'abandonner  3  au  moins  de  fufpen- 
dre  leur  projet. 
LePapeécrit      XV.  Ce  fut  en  vain  que  Wladiflas  &  les  Polonois  envoyèrent 
?.sipimoni   ambalTaçle fur ambaflade  en  Lithuanie,  pour  détourner  le  Duc 
&.  a  urttbond  je  çon  ambitieux  defTein.  Comme  ce  Duc  n'étoit  pas  moins  ar- 

pour  les  uc-  -  * 

tourner  de     dent  à  en  follicitçr  l'exécution  auprès  de  Sigifmond,  que  les  autres 

leur  dcilein.  a  en  parer  le  coup  ,  ils  ne  trouvèrent  point  d'autre  reiïource  pour 

en  venir  à  bout,  que  dans  l'autorité  du  fouverain  Pontife.  Le  Roi 

de  Pologne  envoya  donc  une  ambaflade  à  Martin  V,  qui  par  Je 

confeil 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.   XV.   329 

confeil  des  Cardinaux  écrivit  à  Sigifmond  &  à  Withoud  pour  les 
prier  inflamment  de  fe  défifter  d'une  entreprife  qui  ne  pou  voit  fai- 
re honneur  ni  à  l'un  ni  à  l'autre,  àcaufe  de  leurs  engagemens  en- 
vers la  Pologne,  &  dont  la  pourfuitene  rnanqueroit  pas  d'allumer 
des  guerres  fanglantes  en  Europe.  On  peut  voir  ces  lettres  dans 
Dlugos.  Elles  font  fortes,  tendres  &  bien  motivées  ,  mais  bi^n 
loin  qu'elles  produififlent  leur  effet ,  W^/W^envoyaune  ambaiTa- 
de  au  Roi  de  Pologne  pour  s'en  plaindre  comme  d'un  affront  qu'on 
lui  avoit  fait,  avec  d'autant  moins  de  raifon  que  c'etoic  le  Roi  de 
Pologne  lui-même  qui  s'étoit  engagea  folliciter  la  Couronne  de 
Lithuanie.  Le  Roi  pour  répondre  à  ces  plaintes  envoya  une  nou- 
velle ambafîade  pour  reprefènter  au  Duc  que  fi  WUdiJlas  avoic 
fait  des  plaintes  au  Pape,  ce  n'étoit  point  dans  la  vue  de  donner 
aucune  confufîon  à  un  frère  qu'il  aimoic  tendrement  j  mais  qu'il  y 
avoit  été  force  pour  défendre  fes  droits  contre  les  menées  de  Si* 
qifmond.  Ces  Ambafîadeurs  avoient  ordre  d'ajouter  à  ces  exeufes 
des  plaintes dece  quefVtthoud avoit  exigé  de  nouveaux  fermons 
de  fes  fujets  _,  &  renforcé  fon  armée.  Enfin  on  le  prioit  inftamment 
de  vouloir  renoncer  à  fa  prétention  à  la  royauté.  Le  Duc  répondit 
que  s'il  s'étoit  armé ,  ce  n'étoit  point  contre  la  Pologne  $  mais 
pour  n'être  pas  furpris  à  Pimpourvd  ,  parce  qu'on  n'ignoroit  pas 
que  les  hérétiques  de  Bohême  avoient  fréquemment  follicitéle 
Roi  de  Pologne  de  lui  donner  pafîage  fur  fes  terres  pour  agir  con- 
tre la  Prufïe  &;  la  Lithuanie,  &:  que  contre  fa  coutume  il  lui  avoit 
caché  ces  proportions  &  cette  intrigue. 

XVI.  Les  affaires  de  Withoud  cependant  s'avançoient  auprès  Les  projets 
àeSigifriond.  Le  jour  de  fon  couronnement  étoit  déjà  marqué.  à^fJ'ith3ud 
Le  Duc  y  avoit  invité  les  Princes  de  Ruffîe,  le  Grand  Maître,  les  fumée. 
principaux  de  l'Ordre  Teutonique  èc  l'Empereur  des  Tartares 
avec  lequel  il  s'étoit  ligué.  Les  ambafTadeurs  qui  portoient  les 
Patentes  &  les  couronnes,  l'une  pour  le  Duc,  l'autre  pour  Ju- 
lienne fon  époufe,  étoient  déjà  partis  de  Vienne  pour  aller  en  Li- 
thuanie par  la  Saxe  Si  parla  PrufTe  ;  &afin  qu'on  fût  plus  allure  de 
leur  prochaine  arrivée  >  Sipfmond  avoit  envoyé  devant  eux  deux 
députez  de  marque  pour  en  annoncer  la  nouvelle  au  Duc  ,  &  pour 
le  raflurer  fur  quelque  doute  qu'on  lui  avoit  fait  naître  que  Sîgif- 
mond  n'étant  pas  couronné  Empereur  ,  &  n'étant  que  Roi  des 
Romains ,  fut  en  droit  de  créer  un  Roi.  Comme  Wladijlas  avoit 
eu  avis  de  tout  par  des  Lettres  interceptées,  il  ne  manqua  pas  de 
tenir  des  troupes  dans  les  lieux  de  leur  pafîage.  Il  donna  cette  com- 
Tom.  I.  Tt 


33G        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

miflion  à  un  Seigneur  Polonois  homme  de  tête  Ôcde  main  ,  qui 
avoit  des  terres  au  voifinage  de  la  Saxe ,  de  la  nouvelle  Marche ,  & 
de  la  Prude  (i).  L'embuicade  réiiflit  à  fouhaic.  Les  précurseurs 
de  l'ambaflade  folemnelle  furent  arrêtez  à  leur  entrée  en  Prulîe 
ôc  dépouillez  de  leurs  lettres ,  de  leurs  armes  ôc  de  leurs  chevaux. 
Les  lettres  portées  au  Roi,  il  les  lut  avec  avidité,  ôcy  trouva  des 
intrigues  &  des  confédérations  pernicieufes  au  Royaume  de  Po- 
logne 5  mais  on  fit  une  grande  faute  ?  car  au  lieu  de  mettre  en  pri- 
fon  les  porteurs  de  ces  nouvelles,  on  les  relâcha  fur  leur  parole, 
à  condition  de  fe  repréfenter  à  certain  jour  marqué  5  cependant 
contre  leurs  promettes ,  ils  fe  firent  mener  en  Lithuanie  par  la 
Prufle.  Au  récit  de  leur  finiffcreavanture  le  Duc  fit  bonne  mine  à 
mauvais  jeu  pour  ne  pas  décourager  fes  hôtes ,  ôc  dans  l'efpérance 
de  la  prochaine  arrivée  de  PAmbafîade  folemnelle  avec  la  cou- 
ronne ^  mais  on  avoit  mis  bon  ordre  en  Pologne  pour  empêcher 
cette  Ambalfade  de  pénétrer  plus  avant.  Toute  la  noblelïe  de  la 
grandePologne  s'arma  pour  cet  effet  ôc  fe  distribua  en  divers  corps 
pour  bien  garder  tous  les  paffages.  Les  Ambafladeurs  étoient  déjà 
au -delà  de  Francfort  fur  l'Oder.  Saifis  de  frayeur  à  cette  nou- 
velle ,  ils  s'en  retournèrent  à  Vienne  avec  leurs  couronnes  Ôc  leurs 
magnifiques  préfens.  Le  Duc  ne  fe  rebuta  pourtant  pas  de  ce  mau- 
mais  fuccês ,  mais  voyant  qu'il  n'y  avoit  nulle  apparence  de  fe 
faire  couronner  malgré  les  Polonois ,  il  s'avifa  d'un  nouveau  flra- 
tagême  pour  y  réuffir.  Feignant  de  ne  plus  penfer  à  la  Royauté  , 
il  invita  le  Roi  à  une  partie  de  chatte  en  Lithuanie,  dans  le  deflein 
de  le  ramener  adroitement  à  fes  vues,  ôc  de  gagner  {es  Miniftres 
par  fes  liberalitez  ôc  fes  carefles.  Il  y  eut  en  effet  une  entrevue  vôc 
elle  fut  même  fi  amiable  que  le  Pape  en  fut  la  dupe.  C'eft  ce  qui 
paroît  par  une  lettre  de  Martin  V.  à  JVithoud pour  l'en  féliciter,  ôc 
l'exhorter  à  ferrer  de  plus  en  plus  les  nœuds  de  leur  amitié.  Il  en 
alleguoit  pour  principal  motif,  qu'alors  ils  pourroient  unir  effica- 
cement leurs  forces  contre  les  hérétiques  de  Bohême.  Cependant 
toutes  les  efpérances  du  Duc  s'en  allèrent  en  fumée  par  la  vigueur 
&  la  fermeté  de  l'Evêque  de  Cracovie,  qui  déclara  qu'il  fouffriroic 
plutôt  le  dernier  fupplice  que  de  trahir  fa  patrie  en  donnant  fon 
confentement  à  un  deflein  également  pernicieux  à  la  Pologne  ôc 
à  la  Lithuanie.  Withouâ  tout  irrité  qu'il  étoit  de  trouver  dans  le 
Prélat  un  rocher  inébranlable,  neput  s'empêcher  d'admirer  pu- 
bliquement fa  confiance  &  fa  généroflté.  On  peut  en  effet  l'allé- 

(1)  C'ctoit  Jean  Cfiarretguskj  Soûcamericr  de  Pofnanie  de  lamaifoo  de  Natiuin. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XV.    33r 

guer  à  la  pofterité  comme  un  des  plus  beaux  exemples  de  fidélité 
envers  fa  patrie  ,  6c  fon  Souverain. 

XVII.  Cependant  Withoud  tomba  malade  3  à  ce  qu'on  prétend  Mondée 
miné  d'un  chagrin  6c  d'une  mélancolie  qui  le  rongeoient  fecrete-  *"**' 
ment.  Agé  déplus  de  80.  ans  6c  attaqué  d'une  maladie  qu'il  ju- 
geoit  mortelle  (1),  il  renonça  enfin  à  un  projet  dont  il  voyoit  l'e- 
xécution impoflible,  6c  il  le  déclara  publiquement  à  Wiadiflas ,  à 
l'Evêque  de  Cracovie ,  au  Duc  de  Mazovie  (a) ,  au  Vice-chance- 
lier (b)  de  Pologne,  6càplufieursautres  Princes  &  Seigneurs  qui  (*)&»»*** 
fe  trou  voient  à  Vilna.  Le  Roi  en  étant  parti,  leDuctoutlanguif-  J^ot- 
fant  qu'il  étoit  voulut  l'accompagner  à  cheval  $  mais  il  fut  obligé  rou. 
de  s'aliter  à  Troki  (2)  où  le  Roi  6c  fa  fuite  relièrent  jufqu'à  fa  mort. 
Lorfqu'ilen  fentit  les  approches,  il  parla  au  Roi  en  ces  termes: 
Très-Séréniffzme  Roi ,  &  mon  très-cher  frère  ,  je  vois  que  na  dernière 
heure  &  celle  de  notre  fèparation  efl  arrivée,  slinfîje  vous  refiitue  le 
grand  Duché  de  Lithuanie  dont  j'avois  reçu  le  gouvernement  de  vos 
mains.  Gouvernez^le  3  ou  par  vous -même  3  ou  par  quelqu'un  qui  en  foit 
capable.  Je  recommande  a  votre  Excellence  ma  femme  ici  pré  fente  ,  les 
Prélats ,  les  Princes  &  Barons  tant  pré fens  quabfens.  Je  vous  prie  de 
leur  conferver  foigneufement  leurs  droits  &  les  ^donations  que  je  leur  ai 
faites.  Je  vousfupplie  encore  avec  toute  l'humilité  poffible  de  me  pardon- 
ner tous  les  excès  oàjefuisfouvent  tombé  à  votre  égard  3  pa?  l'ambition 
d'être  Roi.  A  ce  difeours ,  le  Roi,  le  Duc  6c  tout  le  nmnde  fon- 
doient  en  larmes.  Le  Roi  promit  au  Duc  d'exécuter  toatee  qu'il 
lui  avoir  demandé,  6c  le  pria  de  n'avoir  foin  que  du  falut  de  fon 
amCi  Le  Duc  en  effet  fe  confeffa  plus  d'une  fois  à  Matthias  é  vêque 
de  Vilna  ,  duquel  il  reçut  la  Communion  8<.  l'Extrême- Onction. 
On  raconte  que  ce  Prélat  l'interrogea  fur  fa  créance,  6c  qu'ayant 
répondu  cathoiiquement  fur  chaque  article,  il  infifta  fur  celui  de 
la  Refurredion  ,  parce  que  ce  Prince  dans  (es  converfations  avoic 
quelquefois  paru  en  douter.  Je  crois,  répondit-il  ,  très  -fermement 
que  la  RefurreHion  arrivera.  Il  efl  vrai  que  bien  perfuadè  des  dutres 
articles ,  favois  peine  a,  croire  celui  -  ci  3  parce  qu'il  me  paroijfoit  trop 
impoffible  $  mais  à  préfent ,  non  feulement  je  crois  $  mais  jf  comprend 
même  que  tous  les  hommes  reffu [citeront ,  &  que  chacun  recevra  félon 
fe  s  œuvres.  Et  fi \  pour mon  falut  3  ileft  be foin  d'une  plus  ample  confef- 
Jïon  de  foi ,  ou  de  quelque  fatisfaHion  ,  foit  réelle ,  foit  verb.ile  3  je  fuis 
prêt  à  la  donner fincerement ,  félon  l'ufage  Catholique  &  voire  inftruc- 

(  1  )  C'ctoit  un  charbon  ou  une  fiftule  entre  les  deux  e'paules. 
(2)  Ville  forte  de  la  Lithuanie  à  6.  licué's  de  Vilna. 

Tcij 


33  2       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

(a)2>/*rf  non  Paftorale  (a/  Ainfi  finit  le  17.  d'O&obre  1430.  Alexandre 
ubifupr.  p.  Withoud  3  prince  que  l'hiftoire  mec  au-deflus  des  plus  grands  prin- 
f*7'  ces  de  fon  temps.  L'éloge  qu'en  fait  DlugofJ  meriteroit  d'être  in- 

féré ici  -,  mais  il  eft  trop  long.  Celui  de  Martin  Cromer  eft  plus 
court.  Cètoit ,  dit-il ,  un  Prince  aclif,  d'un  e [prit  vif  \&  vigoureux  y 
fobre  dans  fon  manger  ,  &  n  ayant  bu  que  de  l'eau  toute  fa  vie  ,  fi  mé- 
nager de  fon  temps ,  que  fouvent  il  jugeait  les  affaires  à  table  &y  répon- 
dait aux  ambafadeurs.  Il  était  libéral  envers  les  étrangers  j  mais  pour 
Ces  fujets  il  les  retenoit  ordinairement  plus  par  la  crainte  que  par  les 
bienfaits  (1).  Ilavoit  coutume  de  faire  rendre  gorge  àfcsmimfïres  &  h 
fe  s  fermiers  ,  quand  ils  s'étoient  trop  cngraijfez^kfcs  dépens  -,  mais  il  les 
lai ffoit  dans  leurs  charges.  Au  refte ,  il  aima  troplcfexe(i).  Il  e toit 
de  taille  médiocre ,  fon  corps  étoit  menu  ,  &  il  avoit  accoutumé  de  fe 
rafer(i).  Je  me  fuis  un  peu  arrêté  àcesparticularitez  de  l'hiftoire 
de  Pologne ,  non  feulement  parce  qu'elles  font  intereflantes  & 
peu  connues  3  mais  parce  qu'elles  me  ramènent  naturellement  à 
mon  principal  fujet.  C'étoit  en  effet  une  grande  imprudence  à  Si* 
gifmond ,  fans  compter  la  mauvaife  foi,  de  chercher  noife  à  la 
Pologne  pendant  qu'il  avoit  tant  d'affaires  à  démêler  en  Hongrie 
avec  les  Turcs ,  &  en  Bohême  avec  les  Hufîites. 
j  «         XVIII.  Pendant  le  congrès  ou  la  diète  de Lucko  dont  on  vient 

Lettre  du  Pa-  p  .        .      .  .     ,      _     , 

peau  Roi  de  déparier,  Martin  V.  avoit  écrit  de  nouveau  au  Roi  de  Pologne 
Polo"nccoJ?- pour  l'exhorter  à  s'unir  avec  fon  frère  Withoud  pour  réduire,  ou 

trelesHulh-  r  ,       _  _     _,    '        _  .  l,  ,  . 

tes.  pour  exterminer  les  Hufîites.  Le  porteur  de  ces  lettres  etoit  An- 

dré de  Conflantinople  ,  Dominicain  ,  profeileur  en  Théologie  , 
Maître  du  Sacré  Palais,  &  depuis  archevêque  de  Coloks  en  Hon- 
grie (4}.  »  Les  grandes  chofes  que  vous  avez  faites  depuis  votre 

(b)  En  \\%6.  "  Baptême  (b)  nousfonc  tout  efperer  de  vous  dans  celle-ci-  Car  fi , 

»  par  votre  zèle,  vous  avez  fçû  amener  au  vrai  culte  de  la  divinité 

(c)  Us  lï-    "  des  nations  (c)  nées  &  habituées  dans  les  erreurs  des  Gentils  ido- 

tiv.ianiensjcn     lâtres ,  à  plus  forte  raifon  pourrez -vous  réduire  &:  confondre 

,j87'  "  des  gens  qui  nez  &  élevez  dans  la  vraie  Religion  ne  l'ont  aban- 
donnée que  par  fenfualité,  par  libertinage,  &  par  l'appas  du 
?  pillage.  Ce  n'eft  pas  feulement  l'altération  de  la  Religion  chré- 

(1)  Ce  n'eft  p.;  s  là  un  f>rt  grand  éloge.  Dlitgojf dit  fimplement  qu'il  étoit  très-liberal ,  fins 
exclure  fes  Sujets  de  fa  munificence.  Il  remarque  même  qu'on  lui  trouvoit  la  main  droite  plus 
grande  que  la  gauche. 

(l)  Dlngoffd.it  que  cela  alloit  fi  loin  félon  quelques-uns  que  fouvent  au  milieu  de  la  vidîoire, 
il  luilToit  f  >n  armée  dans  le  pais  ennemi  pour  courir  après  fa  femme  ou  après  fes  maitrelîes.   . 

(l)  C'cft  air.fi  que  Corner  dit  qu'il  l'a  vu  repréfentédansl'Eglife  de  Troki.  Liv.  XIX.  p.tfo» 

(4)  II  l'étoit  des  le  temps  du  Concile  de  Confiance  où  il  fut  Commiflaire  de  l'Empereur , 
pour  faire  les  préparatifs  de  ce  Concile.  Hifl.  du  Concile  de  Cotijl.  Part.  I. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.X^.  Jtry.  333 
«tienne  qui  doit  animer  contre  eux  un  Roi  Catholique  ,  la  pru- 
«  dence  le  veut  auffi.  Par  les  dogmes  de  ces  gens-là  toute  police  efl 
«  renverfée ,  l'autorité  du  Roi  efl  foulée  aux  pieds  j  car  outre  plu- 
»  fieurs  erreurs  &  fuperftitions  pernicieufes  qu'ils  tiennent  contre 
«la  Foi,  ils  troublent  &  confondent  tous  les  droits  humains,  en 
»  difant  qu'il  ne  faut  obéir  à  aucune  Puiflance  légitime ,  non  pas 
«même  aux  Rois,  ni  payer  aucun  tribut  aux  Souverains  ,  que 
«tous  les  biens  doivent  être  communs  ,  &  que  tous  les  hommes 
»  font  égaux.  Plufleurs  Princes,  à  notre  perfuafion ,  &  à  celle  de 
«nos  Légats,  fe  font  inutilement  mis  en  campagne  avec  leurs  ar- 
»  mées  pour  venir  à  bout  de  ces  hérétiques.  Il  femble  que  la  Provi- 
«  dence  par  un  jugement  fecret  vous  ait  refervé  cette  vi&oire,  pour 
«couronner  les  autres  conquêtes  que  vous  avez  faites  à  Jefus- 
«Chrift. 

XIX.  Les  brouilleries  qui  furvinrentà  l'occafion  du  couronne-  Autre  tettre 

AT) 

ment  de  Withoud  ayant  empêché  l'effet  de  cette  Lettre,  le  Pape  ^"idcPoio- 
revint  à  la  charge  dans  une  Lettre  de  confolation  qu'il  écrivit  au  gnefuric 
Roi  de  Pologne  fur  la  mort  du  Duc  fon  frère.  Elle  mérite  d'être  meme  fujU 
«rapportée ici.  «Nous avions  été  ci-devant  affligez  dans  l'appre- 
«henfion  que  l'ambitieufe  prétention  de  votre  frère  Alexandre 
"Withoud  à  la  Royauté,  ne  mît  delà  divifion  entre  vous.  Nous  le 
"fommes  préfentement  de  ce  que  la  mort  vous  a  féparez  pour 
»  toujours  après  votre  réconciliation  ;  mais  vous  avez  ce  fujet  de 
»  confolation  au  Seigneur ,  &  nous  auffi  ,  que  cette  féparation  s'eft 
»  faite  par  le  cours  de  la  nature  commune  à  tous  les  hommes ,  non 
«par  une  mort  violente  que  lui  auroit  pu  attirer  fon  ambition  ,  ni 
"par  fa  faute.  Car  avant  que  de  fe  rendre  coupable  envers  vous 
»par  l'exécution  d'un  projet  dont  il  s'étoit  laiiïéféduire  _,  il  s'eft 
"réconcilié  avec  vous,  &  efl  allé,  félon  fes  mérites ,  prendre  pof- 
"feffion  d'une  couronne  non  corruptible,  mais  éternelle,  par  la 
"grâce  non  d'un  Empereur  mortel,  mais  d'un  Seigneur  éternel, 
»Au  refte  ,  comme  nous  comptions  beaucoup  fur  votre  union 
"pour  la  défenfede  la  Foi  Catholique  contre  les  hérétiques  de 
"Bohême,,  après  fa  mort  nous  ne  pouvons  jetter  les  yeux  que  fur 
"vous.  C'eft  en  vain  que  nous  mettrions  ailleurs  notre  efpérance 
»  &  notre  confiance  3  nous  ne  pouvons  avoir  recours  qu'à  vous  par 
«nos  prières.  Nous  ne  fçaurions  nous  adrefler  à  perfonne  qui  aie 
«plus  de  pouvoir  ,  &  meilleure  volonté 5  car  nous  fommes  allurez 
«que  vous  avez  en  horreur,  &.  que  vous  avez  toujours  afpiré  à 
«éteindre  cette  rage  hérétique  qui  efl  dans  votre  voifmage,  ôc 

Tt  nj 


5  34       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES. 

»  qui  vous  peut  caufer  cane  de  maux,  &  à  votre  Royaume.  Puif. 
»  qu'il  n'y  a  que  vous  qui  puifîiez  exécuter  cet  ouvrage ,  nous  vous 
»prionx*inftamment  de  donner  promptement  ordre  aux  affaires 
»de  votre  Lithuanie,  afin  de  tourner  toutes  vos  penfées  &  vos 
«forces,  à  l'extirpation  de  cette  perfide  héréfie,  ne  pouvant  rien 
»  faire  de  plus  agréable  à  Dieu ,  de  plus  utile  au  monde ,  &  de  plus 
«glorieux  pour  vous».  La  Lettre  eft  datée  du  i  3.Janvier  1430(1). 
Emprifonne-      XX.  Mais  toutes  ces  efpérancesfe  trouvèrent  fruftrées  parla 
d^Pobgne01  continuation  des  troubles  de  Pologne.  Wladijlas  fut  fait  prifon- 
&  diverfes    nier  en  Lithuanie  par  la  perfidie  &  l'ingratitude  de  fon  propre  fre- 
Pape?  ccfu-  re  »  ^e  ^UC  ^e  Switrigal^  qu'il  avoit  faic  grand  Duc  ,  même  mal- 
jet,  gré  les  Polonois.  Le  Pape  mortifié  devoir  [qs  projets  contre  le 
Hufîitifme  arrêtez  par  cette  détention,  n'oublia  rien  pour  obte- 
nir la  liberté  du  Roi  qu'il  regardoit  comme  (on  bras  droit  dans  la 
pourfuite  des  Bohémiens.  On  a  trois  de  fes  Lettres  fur  cette  af- 
faire. Il  y  en  a  une  à  Switrigal  lui-même  où  le  Pape  lui  repréfente 
en  termes  très-forts  l'indignité  de  fon  attentat  contre  fon  frère 

6  fon  bienfaiteur,  contre  un  Roi  à  qui  l'Eglife  avoit  déjà  tant 
d'obligations ,  Ôc  de  qui  elle  attendoit  encore  de  fi  grands  fervices. 
Enfuite  il  l'exhorte ,  il  le  prie  3  mais  en  même  temps  il  lui  enjoint , 
en  vertu  delà  fainte  obédience  qu'il  doit  au  Vicaire  dej.  C.  de 
faire  réparation  au  Roi  fon  frère,  et  de  lui  rendre  fa  liberté,,  le 
menaçant  de  l'excommunication  en  cas  de  défobéïflance,  6c  lui 
promettant  en  même  temps  de  faire  fa  paix  avec  le  Roi,  &  de  le 
garentir  de  fon  reflentiment ,  s'il  revenoit  à  lui.  La  Lettre  eft  dat- 
tée  du  17.  de  Janvier.  Cette  Lettre  étoit  inclufe  dans  une  autre 
adreflee  aux  Prélats  de  Pologne  &  au  Confeil  fur  le  même  fujet.  Il 
leur  donne  avis  d'envoyer  des  ambafladeurs  au  cardinal  Julien 
fon  légat  en  Allemagne  3  &  à  fa  Sainteté  elle-même ,  fi  ce  Cardi- 
nal ne  peut  pas  venir  à  bout  d'une  reconciliation  fi  néceflaire  à  la 
tranquilité  du  Royaume ,  &  à  la  deftru&ion  des  hérétiques  de 
Bohême.  Dans  la  féconde  le  Pape  exhorte  Sigifmond  à  employer 
fes  bons  offices  pour  l'élargiflement  du  Roi  de  Pologne.  Il  lui  re- 
préfente 1.  Qu'un  pareil  attentat  peut  devenir  une  femence  des 
plus  cruelles  guerres,  occafionner  l'efFufion  du  fang  chrétien,  & 
fur  tout  rendre  les  hérétiques  de  Bohême  plus  puifîants  &  plus 
hardis.  2.  Q^en  qualité  de  premier  Roi  de  l'Europe ,  il  y  va  de  fon 
intérêt  ôc  de  fon  honneur  de  ne  pas  fouffrir  que  la  Majefté  royale 

(  1)  Selon  cettte  datte  il  faut  que  Withoud  fuit  mort  en  141,9.  &  non  au  mois  d'Octobre  de 
l4jo. 


ET  DU  CONCILE  DE  BA^LE.  Z/z/.  xr.  335 
foie  ainfi  violée.  Nous  pourrions ,  dit-il ,  vous  alléguer plufîeurs  exem- 
ples d' 'Empereurs  Romains  qui  ont  maintenu  ou  rétabli  des  Rois 
dans  leurs  Royaumes }  &  qui  ont  mi  s  plus  de  gloire  à  protéger  les  Rois 3 
quà  les  vaincre.  3 .  Que  ce  feroit  le  moyen  d'affermir  &.  de  cimen- 
ter l'amitié  &.  la  fraternité  qui  paroit  entr'eux ,  au  moins  dans  leurs 
difeours  &  dajis  leurs  Lettres  ,  &  qu'une  Ci  bonne  union  après  un 
fervice  auffi  fïgnalé  ne  conrribueroit  pas  peu  à  la  tranquilitê  des  fi- 
dèles ,  &  à  la  confufion  des  hérétiques.  4.  Il  lui  infînue  qu'il  devoit  fe 
porter  avec  d'autant  plus  d'ardeur  à  ce  bon  office,  qu'il  pouvoit 
le  fouvenir  qu'ayant  lui  même  été  fait  prifonnier  par  fès  propres 
fujets  (  1  ) ,  il  avoit  été  bien  aife  d'en  être  délivré  par  d'autres  (  2  ), 
5 .  Enfin  le  Pape  prie  Sigifmond  de  s'adreiler  pour  cette  négociation 
au  cardinal  Julien,  ou  à  lui  même  ,  en  cas  de  néceffité.  La  troi- 
fiéme  Lettre  elladreflée  au  Roi  prifonnier.  C'eft  une  Lettre  de 
confolation  ,  dans  laquelle  il  rend  compte  au  Roi  des  demandes 
qu'il  a  faites  pour  lui  procurer  fa  liberté  ,  &  il  l'exhorte  à  demeu- 
rer bien  uni  avec  Sigifmond  3çn  gardant  religieufement  leurs  trai- 
tez réciproques  ,  afin  de  pouvoir  agir  conjointement  contre  hs 
Bohémiens.  Sur  toutes  chofes  3  dit-il  ,  mon  très-cher  F  ils  nous  vous 
exhortons  &  prions  que  mettant  à  part  tous  les  differens  &  mèconten- 
temens  qui  peuvent  furvenir  entre  vous  3  vous  ajjiflie^de  tout  votre  pou- 
voirie  Roi  des  Romains  contre  les  hérétiques  de  Bohème  3  &  que  vous 
rappelliezjbus  de  gro fie  s  peines  tous  les  Polonois  qui  font  avec  eux.  Fai- 
tes fi  bien  quon  puiffe  reftituer  aux  Catholiques  ce  qui  leur  a  été  enlevé  y 
&  qu'il  ne  paffe  de  la  Pologne ,  ni  vivres ,  ni  fecours  aux  hérétiques  , 
comme  on  nous  ajfure  que  cela  s'efifait  jufquici.  Au  commencement 
de  l'année  fuivante ,  Switrigal  intimidé  pour  la  délivrance  de  leur 
Roi,  lui  donna  fa  liberté  3  Ôc  le  laifla  aller  avec  tout  fon  monde 
en  Pologne. 

XXI.  On  a  laiilé  Sigifmond  à  Nuremberg  ,  où  il  avoit  afTem-  Dicte  à  ftu* 
blé  une  diète  pour  chercher  les  moyens  d'arrêter  les  progrès  des  rcmbers*- 
Hufïïtes  en  Allemagne.  Elle  dura  environ  huit  mois.  Prefque  tous 
les  Prélats  &  les  Princes  de  l'Empire  s'y  rendirent,  &  ceux  qui  ne 
purent  s'y  trouver  y  eurent  leurs  Ambafladeurs.  Le  Pape  de  foi* 
côté  y  envoya  Juliano  Cefarino  cardinal  de  St.  u4nge  (3)  ,  qui 
préfida  au  Concile  de  Bafle ,  commencé  cette  année.  On  réfolut 
dans  cette  diète  une  nouvelle  expédition  pour  le  24.  Juin,  quieft 

(\)  En  Hongrie  l'an  1410. 

(  2)  II  fut  e'largi"par  fes  propres  fujets. 

($)  Eiu  par  Martin  T.cn  1426,  mais  public  fculementen  *4V°* 


336         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
comotéela  fixiéme  conrre  les  Bohémiens.  LeLégatapportoitune 
Bulle  du  Pape  pour  ordonner  une  croifade ,  dacée  du  onzième  de 
Janvier.  Elle  concenoic  ces  chefs  principaux.  On  y  ordonne  au 
Cardinal  lui-même  de  prêcher  &  de  faire  prêcher  la  parole  de 
Dieu  commeun  antidote  contre  l  hère  fie.  2. D'exhorter  tous  les  fidè- 
les à  fe  croifèr  pour  cette  expédition.  3.  On  accorde  cent  jours 
d'indulgences  à  ceux  qui  affilieront  à  ces  prédications,  en  fuppo- 
fant  pourtant  la  Pénitence  &  la  Confeffion.  4.  Sous  la  même  con- 
dition on  accorde  indulgence  pléniere,  tant  à  ceux  qui  fe  croifè- 
ront  ôc  qui  iront  à  la  fainte  guerre ,  foit  qu'ils  y  arrivent  heureufe- 
ment,  foit  qu'ils  meurent  en  chemin,  qu'a  ceux  qui  n'étant  pas  . 
en  état  d'y  aller  eux-mêmes  y  envoyeront  à  leurs  dépens,  ou 
aux  dépens  d'autrui.  5.  On  relâche  ,  ou  on  remet  60.  jours  de  pé- 
nitence aux  perfonnes  de  l'un  &;  de  l'autre  fexe,  qui  pendant  l'ex- 
pédition, feront  des  prières,  &  jeûneront  pour  fon  heureux  fuc- 
cès.  6.  On  garentit  les  biens  de  tout  dommage  &.  de  toute  invafion 
pendant  leurabfence,  &c  on  menace  du  bras  féculier  quiconque 
voudroit  attenter  contre  ces  biens.  7.  On  ordonne  de  donner  des 
Confefleurs  aux  croifez ,  foit  féculiers  ,  foit  réguliers ,  pour  enten- 
dre leurs  confeffions ,  &  leur  donner  l'abfolution,  quand  même 
ilsauroient  ufé  de  violence  contre  des  Clercs  ou  des  Religieux, 
quand  ilsauroient  brûlé  des  Eglifes,  ou  commis  d'autres  facrilé- 
ges^  &même  dans  les  cas  refervez  au  Siège  Apoftolique.  8.  On 
difpenfe  de  leurs  vœux  ceux  qui  en  auroient  fait  pour  quelque  pé- 
(x)Cochiec  lerinage  ,  comme  à  Rome,  à  St.  Jaques  de  Compoflelle  en  Efpa- 
L.vi.p-ijtf.  gne,  à  condition  que  Paro-ent  qu'ils  auroient  pu  dépenfer  en  ces 
cap.  lxxi.   voyages  fera  employé  a  la  croifade.  9.  Que  les  Conreiieursne 
P.  ijs.  b%j>-  prendront  pas  des  croifez  au-delà  d'un  demi  gros  de  Bohême,  & 
ttum!"1*'1'  ce^a  quand  on  l'offrira ,  &  fans  l'exiger  (a). 

Mortdc    >     XXII.  Martin  V.  ne  vit  pas  le  fuccès  de  cette  expédition, 
Martin  r.     étant  mort  d'apoplexie  le  3  o.  de  Février.  On  a  donné  fon  carac- 
(b)L.  v.P.   teredans  Phiftoire  du  Concile  de  Confiance  (b)  avec  un  abrégé 
i$$-i$6.     de  fa  vie  avant  que  d'être  Pape,  &  dans  celle-ci  on  a  eu  plus  d'une 
fois  occafion  de  parler  de  fa  conduite  &  de  Ces  adions  pendant  fon 
Pontificat ,  fur  tout  par  rapport  aux  Huffites.  B\ovius  nous  don- 
ne cette  idée  générale  de  ce  Pontife  :»  Il  rendit ,  dit  il,  la  paix  à 
«l'Eglife  après  un  fchifme  de  50.  ans.  De  retouràRome,  il  ré- 
tablit les  affaires  d'Italie  qui  étoient  fort  brouillées,  &  accorda 
»  les  démêlez  entre  les  Princes,  recouvra  les  biens  eccléfiafliques 
»»  ufurpez  par  les  Princes ,  il  d.omta  la  Marche  d'Anconne  qui  s'é- 

p  toir, 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JTV.  337 
«toit  rebellée  contre  le  Siège  de  Rome.  Il  pacifia  cette  Capitale 
»  agitée  par  des  troubles  inteftins.  Il  l'orna  de  nouveaux  édifices , 
»  en  réforma  les  mœurs,  fit  rebâtir  les  Eglifes  qui  tomboient  en 
»  ruine,  &  y  apporta  une  telle  abondance,  &  une  fi  grande  prof- 
»perité,  qu'on  croyoit  revoir  le  fiécle  d'Augufte.  Il  purgea  le  ter- 
»  ritoire  de  Rome  des  brigands  &  des  afïaffins.  Il  reftitua  à  Jeanne 
»  //.  le  royaume  de  Naples  que  l'ambition  de  quelques-uns  lui 
»vouloient  ravir.  Il  déclara  la  guerre  aux  hérétiques  qui  rava- 
>»  geoient  la  Bohême  Ôc  les  pais  voifins.  Il  commença  les  Conciles 
*dePavie  &  de  Sienne,  &  indiqua  celui  de  Balle.  Il  affilia  plus 
»  d'une  fois  Sigifmond  Roi  des  Romains  contre  les  ennemis  de  la  Foi 
»  (a).  Il  mourut  âgé  de  63.  ans  plein  de  mérites  &  de  gloire.  Il  fut  (a)  Bo™«; 
»*enfeveli  dans  un  maufolée  d'airain  dans  la  Bafîlique  de  Latran  annoHîl- 
*  près  des  chefs  de  St.  Pierre  &  de  St.  Paul,  avec  cet  éloge ,  Mar- 
»  tin  V.  fiégca  JCIII.  ans ,  trois  mois  &  douane  jours.  Il  mourut  le  1  o. 
»  de  Février  de  l'an  143  1 .  Il  fut  la  félicite  de  fin  temps. 

XXIII.  Eugène  IV.  fucceda  à  Martin  V.  le  fixiéme  de  Mars  t  Eieûîon 
(b).  Il  s'appelloit  Gabriel  Condulmer,  &  étoit  cardinal  prêtre  de  St.  ^  UTncPa- 
Clément.  Onle  nommoit le  Cardinal  de  Sienne ,  parce  qu'il  avoiC£«.Brc^.Pon- 
été  Evêquede  cette  ville.  Avant  que  de  procéder  à  l'élection,  lés  t'y^8-om*P- 
14.  Cardinaux  qui  étoienedans  le  conclave  convinrent  avec  fer- 
ment de  certains  articles  que  le  Pape  devoit  obferver.  Entre  ces 
articles  étoit,  auraport  de  Pagi ,  qu'on  mettroit déformais  dans 

les  Lettres  Apoftoliques  ces  mots,  duc on  fentement  des  Cardinaux , 
&non  duConfeily  comme  auparavant.  Que  le  nouveau  Pape  ne 
feroit  point  de  nouveaux  Cardinaux  fans  le  confentement  des  an- 
ciens j  que  la  moitié  du  patrimoine  Eccléfîaftique  feroit  pour  les 
Cardinaux  5  qu'il  célébreroit  un  Concile  œcuménique  dans  le 
temps  &  dans  le  lieu  qui  feroient  marquez  (c).  Il  confirma  Juliano  (c)  Rajnaii. 
Cefarino  dans  la  Charge  de  Légat  en  Allemagne  pour  la  réduction  ™'mI4J  ^ 
des  Bohémiens, 

XXIV.  Ce  Légat  pour  s'acquitter  de  fa  commiifion  écrivit  de  Troifîéme 
toutes  parts  aux  Prélats  &  aux  Princes  pour  les  animera  cette  traies  Hufîl" 
fainte  Ligue.  On  nous  a  confervé  fa  lettre  à  Jean  Hoffman  Evêque  tes. 

de  Mifen,  à  peu-près  en  ces  termes.»  O  douleur  j  L'abominable 
«héréfie  des  Wicléfites  ,  &;  des  Huffires  de  Bohême  l'emporte 
«aujourd'hui  pour  fa  cruauté  fur  toutes  les  héréfies  des  liécles 
»  précédents.  Elle  leur  a  infpiré  unefifurieufe  obftination ,  que 
v  comme l'afpic  ils  bouchent  leurs  oreilles  à  la  voix  de  à  la  do&rine 
j>de  l'Eglife  leur  mère ,  inflexibles  à  toutes  les  voyes  qu'on  peue 
Tom.  I.  y  u 


333  >ÏIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
«  prendre  pour  les  ramener  au  raifonnement ,  à  la  douceur,6c  aux 
"exhortations.  Non  contents  de  leurs  dogmes  empeifonnez  6c  de 
«leurs  blafphêmes  ,  ils  ont  dépouillé  toute  humanité  &  toute 
«pieté,  &  devenus  comme  des  bêtes  farouches  ,  ils  ne  font  alte- 
»  rez  que  du  fang  des  Catholiques.  Leurs  forfaits  ,  leurs  facrilé- 
»ges  contre  Dieu  &  les  hommes ,  contre  les  Sacremens,  contre 
«les  Temples  confierez  à  Dieu  ,  leurs  homicides  ,  leurs  brio-an- 
"dages  6c  leurs  révoltes  contre  toute  police  humaine,  font  fi  no- 
toires, qu'il  feroit  fuperflu  d'entrer  dans  ce  détail.  Ils  ne  refpi- 
»  rentque  les  armes  6c  la  violence,  le  fer  6c  le  feu  font  les  armes 
"  dont  ils  fe  fervent  pour  défendre  leurs  erreurs,  mafîacrant  ,  brû- 
"lant,  mutilant  tout  ce  qui  s'oppofe  à  leur  fureur.  Avec  quelle 
"indignité  &  quelle  ignominie  ne  traitent-ils  point  la  fainte  Eu- 
»  chariftie ,  la  foulant  aux  pieds ,  dans  le  fang  de  leurs  mafTacres  ? 
«Avec  quelle  rage  ne  brûlent  6c  ne  brifentils  pas  les  images  de 
«  Nôtre-Seigneur  J.  C.  de  la  Vierge  fa  très-glorieufe  mère  ,  &  de 
«tous  les  Saints  de  l'Eglife,  aufîi-bien  que  tous  les  lieux  deftinez 
»  au  culte  Divin?  C'eft  avec  beaucoup  dejuftice  ,&.  non  fans  grand 
«mérite,  que  les  Princes  Catholiques  fe  font  armez  contre  cette 
»  rage  hérétique  ,  puifqu'ils  ont  reçu  de  Dieu  le  glaive  pour  punir 
«les médians,  6c  pour récompenfer  les  bons. 

»  C'eft  pour  cela  tjue  le  très-Sereniilîme  Prince ,  Se  très-llluftre 
»  Seigneur  Sigifmond  ,  par  la  grâce  de  Dieu  Roi  des  Romains ,  de 
»  Hongrie  ôc  de  Bohême, voulant ,  en  qualité  d'avocat  Se  de  défen- 
"feur  de  l'Eglife,  arracher  ce  poifon  ,  s'eft  trouvé  dans  cette  ville 
»  de  Nuremberg  avec  les  Révérends  Pères  6c  liiuftres  Seigneurs  du 
»  Saint  Empire  Romain,  fçavoir  les  Electeurs,  les  Archevêques  , 
«lesEvêques,  les  Princes,  les  Ducs,  les  Barons,  6c  les  Ambafîa- 
»  deurs  des  Communautez.  Et  moi  préfent  il  a  été  réfolu  <k.  conclu 
"unanimement  que  pour  la  défenfe  de  la  Foi  on  aiîemblera  pour 
»la  St.  Jean  prochaine  une  grofîe  Se puiiïante  armée  de  toute  l'Al- 
lemagne fur  les  frontières  de  la  Bohême  (i)  pour  entrer  dans  ce 
»  Royaume  afin  d'y  extirper  les  hérétiques,  s'ils  ne  veulent  pas 
"  retourner  au  giron  de  fainte  Eglife.  Mais  comme  les  prières  6c  les 
«  oraifons  ont  plus  d'efficace  que  les  armes  pour  obtenir  la  vi&oire, 
»  il  faut  imiter  Moïfe  qui  prioit  pour  le  peuple ,  pendant  qu'il  com- 
»  battoitj  tant  qu'il  élevoit  les  mains  vers  le  ciel,  le  peuple  étoit 
«vainqueur  :  mais  dès  qu'il  fe  relâchoit  ,  le  même  peuple  étoit 
«vaincu.  Il  faut  imiter  auffi  les  Lévites,  qui  avec  leurs  tromper- 

(  i)  In  Vuiden ,  tinte  Syhatn. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.XV.  339 
«  tes  animoient  le  peuple  à  la  guerre.  Prions  donc  avec  tant  d'ar-  1^  x> 
«deur&d'aflïduité  3  que  Dieu  fléchi  par  nos  larmes  accorde  à 
»  notre  armée  Catholique  la  vi&oire  fur  les  ennemis  de  la  foi.  Ex- 
portons aufli  les athlètes  de  la  foi  Catholique  par  des  prédica- 
tions, des  admonitions,  ôc  par  les  exemples  de  leurs  ancêtres,à 
v  nepasfoufFrir  que  le  fanctuàire  de  Dieu  foie  fouillé  par  des  enne- 
»  mis  perfides.  Armons-les  &  les  fortifions  du  falutaire  figne  de  la 
»  croix  vivifiante,  afin  qu'invitez  par  des  grâces  &  des  dons  fpiri- 
»  tuels  ils  puilTent  fubjuguer  les  ennemis  de  Dieu  &  des  hommes. 

«Acescaufes,  voulant  félon  notre  devoir,  exécuter  avec  foin 
»  la  commifîîon  qui  nous  a  été  donnée  par  le  Siège  Apoftolique , 
»  &  défirant  qu'une  fi  fainte  œuvre  s'achève  heureufement  ,  nous 
»  exhortons  par  ces  préfentes  votre  Paternité  j  nous  .-l'admone- 
stons, nous  la  requérons,,  ôc  en  vertu  de  la  fainte  obédience, 
«nous lui  ordonnons  très-expreflément  de  prêcher  fans  délai  6c 
»  folemnellement  dan  s  toutes  les  Eglifes  cathédrales ,  collégiales,  » 
"conventuelles,  paroiffiales  de  votre  Eglifeôc  de  votre  Diocefe, 
»  d'y  prêcher  la  parole  de  Dieu,  &  les  indulgences  apoftoliques 
»  dont  nous  vous  envoyons  une  copie  authentique  ,  munie  de  no- 
«trefeeau  public  ».  Ce  Mandement  eft  datte  de  Nuremberg  ttitovMsubi 
2  o.  Mars ,  la  première  année  du  Pontificat  d'Eugène  IV.  (a)  fuPr* 

XXV.  Ce  Mandement  eft  fuivi  d'un  autre  de  l'Evêque  de  Mife  Mandement 
à  tous  les  Abbez,  Prieurs,  Prévôts  ,  Doyens,  Archidiacres,  Cu-  dcMifcpour 
rezdesParoifles,  à  leurs  Vicaires  ,  aux  Prédicateurs  de  ce  Dio-  u«roHjuft. 
céfe.»  Nous  avons  reçu,  dit  ce  Prélat,  des  Lettres  du  Révéren- 
»  diilîme  Père  &  Seigneur  en  Chrift  le  Seigneur  Julien  Cardinal  de 
»  la  fainte  Eglife  Romaine,  Légat  du  Siège  Apoftolique  en  Alle- 
»  magne,  dont  nous  vousenvoyons  la  teneur  avec  celle-ci  fcellée 
»  de  notre  fceau.  En  vertu  de  ces  Lettres  &  de  l'autorité  apoftoli- 
»  que  qui  nous  a  été  commifè  dans  cette  affaire,  nous  vous  ordon- 
»  nons  exprelîément  à  tous  9  &  à  chacun  de  vous  en  particulier ,  en 
m  vertu  de  la  fainteobédience ,  &  fous  peine  d'excommunication, 
»  de  publier  tous  les  Dimanches  &  joutes  les  Fêtes  en  langue  du 
»  pais  ces  Lettres  félon  leur  fojce  &  teneur  ,  &.  d'exhorter  votre 
»  peuple  à  fe  croifer  contre  les  damnables  hérétiques ,  &  à  execu- 
»  ter  fîdellement  &  avec  diligence  tout  ce  qui  eft  contenu  dans  lef- 
»  dites  Lettres.  Et  comme  il  eft  expédient  de  choifir  des  Confef- 
»feursquiayent  le  don  de  difeernement ,  pour  diftinguer  entre 
»  les  péchez  &  donner  à  propos  Pabfolution ,  félon  la  forme  ufitée 
«dans  l'Eglife  ,  nous  enjoignons  à  ceux  qui  font  tels,  de  n'avoir 

Vuij 


ï43  i 


Ci)  Cochl.  ubi 
fup.  p.  242. 

Sigifmond  va 
à  Egrc  pour 
tenter  un  ac- 
commode- 
ment avec 
les  Bohé- 
miens, 


Ambaflade 
des  Bohc- 
itiii'.  s  a  Sim 
gifmond* 


(b)  Ctechor. 
ubi  fup. 

Les  Bohé- 
miens fe  pré- 
parent à  la 
guerre. 


340       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
»  que  Dieu  devant  les  yeux  pour  s'acquitter  en  confeience  de  cette 
»commi{fion,  qui  regarde  la  foi ,  de  ne  point  exceder(les  bornes 
»  de  leur  pouvoir,  &  de  n'avoir  égard  qu'au  faluc  des  âmes  ».  La 
Lettre  eft  datée  de  Stolpen  le  3 .  jour  après  ^ubilate  (a). 

XXVI.  En  attendant  que  l'armée  Impériale  fe  mette  en  cam- 
pagne }  il  faut  voir  agir  les  Bohémiens.  Pendant  la  diette  de  Nu- 
remberg 3  Sigifmond  voulant  faire  encore  une  tentative  fur  leur  ef- 
prit ,  s'avança  jufqu'à  £gre35c  envoya  de-ià  deux  Seigneurs  de  fa 
fuite  à  Prague.  Les  Principaux  d'entre  ceux  qui  étoient  pour  la 
communion  fous  les  deux  efpéces  &  les  Taborites ,  y  étoient  af- 
femblez  pour  tâcher  de  s'accorder  entre  eux:  aflemblée  qui  n'a- 
boutit à  rien  qu'à  de  nouvelles  difputes.  Ces  deux  Seigneurs  profi- 
tant de  l'occallon  de  leurs  brouilleries,  leur  propoférent  d'enten- 
dre à  un  accommodement.  Il  y  avoit  alors  quantité  de  Seigneurs 
de  Bohême  à  qui  la  confervation  &.  la  pacification  de  la  patrie  te- 
noit  extrêmement  au  cœur ,  6c  qui  étoient  confumez  de  regret  de 
la  voir  depuis  fi  long-temps  tout  enfemble ,  &  le  théâtre  d'une 
guerre  inteftine  3  &  la  proie  des  Etrangers.  Ceux  de  Prague ,  quoi- 
que Calixtins^  &  même  les  Taborites,  auflï-bien  que  Procope  le 
Grand  &cKerski leurs  chefs ,  ne  s'éloignoient  pas  d'une  entrevue 
qui  pût  procurer  la  paix.  Il  n'y  avoit  que  les  Orphelins  qui  s'y 
oppofoient ,  toujours  inconfolables  de  la  perte  de  l'invincible  Z/V- 
ka  3  qu'ils  jugeoient  irréparable. 

XXVII.  Nonobftant  cette  oppofition ■ ,  il  fut  conclu  d'envoyer 
inceflamment  quatre  Députez  à  Sigifmond  pour  entrer  en  négo- 
ciation, entre  lefqueisil  y  avoit  un  prêtre  Taborite  (  1  ).  Ils  allèrent 
donc  trouver  l'Empereur,  &  paiîérent  inutilement  environ  quinze 
jours  en  pourparlers  avec  lui.  Mais  ayant  été  informez ,  tant  par 
leurs  efpions  que  par  le  bruit  public,  que  tout  l'Empire  s'armoit 
contre  la  Bohême ,  cette  entrevue  leur  parut  un  piège  pour  lès  en- 
dormir &  les  furprendre  au  dépourvu ,  comme  ils  s'en  plaignirent 
hautement  à  l'Empereur  lui-même.  De  forte  qu'ils  prirent  congé 
de  lui  avec  cette  protefration,  quon  ne  devoit  plus  déformais  re- 
procher aux  Bohémiens  quil  n  avoit  tenu  qu'a  eux  de  terminer  par 
sine  bonne  paix  ur.e  guerre  fi  furieufe ,  fuifquil  ètoit  notoire  que  c'é- 
toit  la  faute  des  autres ,  &  non  la  leur  (b). 

XXVIII.  Les  Députez  ayant  fait  rapport  à  ceux  de  Prague  des 

(1)  Wilhelmus  Kotzk'a ,  Bene/fius  de  Mocrofaus,MatthiasdeKlamkzan  etl/as  etiamtàuda 
nommatus  ,  vir  Ltttinis  litttris  appritne  excultus  ,  tf  in  rébus  gerendis  dextertis  ,  tf  quidem  Ircf- 
hyter  Tabcrien/ium  qtubtts  (tliqitid  tribtii  ofortebat nomme  Markuld.  Cijchor.  ubi  fup.  p.  $$$• 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  jfV.  341 
grands  préparatifs  de  guerre  qu'on  faifoic  contre  eux  ,  on  ne  dou-  1  * ,  j 
ta  point  que  ces  proposions  de  paix  ne  fiuTenc  une  pure  fuper- 
cherie  pour  les  amufer  ,  ce  qui  caufa  une  conflernation  générale. 
Aufîi-tôt  le  Magiftrat  de  Prague  &  les  Grands  qui  étoient  dans 
la  ville,  réfolurenc  de  notifier  par  tout  au  public  le  danger  émi- 
nent  où  étoit  la  Bohême,  6c  le  firent  publier  dès  le  lendemain 
dans  la  procefîion  qui  fe  fit  le  jour  de  la  Fête-Dieu  (1).  On  ne 
peut  exprimer  le  tumulte  qui  s'éleva  parmi  le  peuple  à  cette  nou- 
velle. L'Empereur  fut  chargé  de  mille  malédi&ions  par  la  po- 
pulace. Les  plus  graves  6c  les  plus  prudens  eux-mêmes  ne  pou- 
voient  s'empêcher  de  le  foupçonner  de  trahifon ,  6c  de  cacher  le 
deflein  formé  de  leur  faire  la  guerre  fous  des  offres  6c  des  ap- 
parences de  paix.  Il  me  femble  pourtant  que  c'étoit  aller  un  peu 
trop  vite.  Il  eft  vrai  que  la  Croifade  étoit  réfoluë  6c  publiée  }, 
mais  on  eût  pu  en  arrêter  l'effet  par  une  bonne  compofîtion  que 
l'Empereur  avoir  pu  offrir  fîncéremenr.  Il  y  a  même  un  Hii'to- 
rien  qui  avance  que  ce  Prince  fit  ce  qu'il  put  pour  difluader  ïss^ 
Princes  de  cette  expédition  (1) ,  &  que  s'il  n'y  employa  pas  l'au- 
torité ,  ce  fut  de  peur  d'offenfer  le  Pape  dont  il  vouloit  recevoir  la 
couronne  à  Rome.  Quoi  qu'il  en  foit ,  ceux  de  Prague  ayant  te- 
nu confeil  avec  les  Grands  qui  s'y  trouvoient,  il  fut  réfolu  de 
communiquer  promptement  l'affaire  à  tous  les  Etats  de  Bohême , 
6c  de  rappeller  les  Taborites  6c  les  Orphelins  occupez  ailleurs. 

XXIX.  Ils  s'étoient  en  effet  répandus  dans  les  provinces  voi-   Courte?  de 
fines, pillant  6c  maffacrant  à  leur  ordinaire.  Procope  Rafe  fit  en  Pm"/*  avec 
cette  année  au  cœur  de  l'hiver  dans  le  Wbipland  une  nouvelle  tes.  a 
courfe  :  mais  n'y  ayant  pas  réuffi ,  il  reprit  au  plus  vîte  le  chemin 
de  la  Siléfie  par  les  diftri&s  de  Pilfen ,  de  Slan  de  de  Littomerits. 
Peu  s'en  fallut  qu'il  ne  s'emparât  de  Lignite  mais  ceuxdeBreflaw 
l'en  chafîérent  avec  beaucoup  de  perte,  6c  le  repouflerent  jufqu'à 
Isfimptfchen  petite  ville  dans  le  duché  de  Brieg  fur  le  chemin  de 
Prague ,  où  ils  l'auroient  afïïégé  fans  la  rigueur  de  la  faifon.  De-là 
Procope  retourna  en  Luface,  où  ayant  afîiégé  Reicherbach ,  il  en 
fut  repouflé  par  les  troupes  de  Luface  6c  de  Saxe  (a).  On  met  à  fàBàis&pU 
cette  année  le  fiege.de  Pilfen  entrepris  inutilement  par  Procope  tomci)'^7^ 
6c  les  Taborites.  Il  y  avoit  une  garnifon  Catholique  dans  cette 
ville  qui  étoit  défendue  par  le  Seigneur  KruJJina  de  Schwamberg. 

A* 

(j)  Ceux  de  Prague  eitoient  pour  ila  plupart  Catholiques,  à  la  referve  de  la  Communion 
ious  les  deux  efpéces. 

(f.\  Qtterit  Principibus  exgediticnem  htnc  emnibns  mtdis  dijjuadere  conatusfuit.  Czcchor.p .  $$6» 

V  u  iij 


Luface  &  en 
Silcile 


341       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
La  plupart  des  villes  de  Bohême ,  &  même  les  Seigneurs  Catholi- 
143  If    que's  qui  avoient  été  obligez  de  traiter  avec  Procope,  fe  joignirent 
à  lui  pour  foutenir  ce  fiége.   Cependant  ayant  été  contraint  de 
le  lever ,  il  alla  attaquer  la  ville  de  Tina  Horjfawski  dans  le  voifï- 
nage  •  il  y  fut  auffi  repouflé  par  Zdenko  de  Drffïka  Seigneur  Catho- 
lique qui  y  commandoit.  Ceci  fe  paffaau  mois  de  Juin. 
d^s      XXX.  A  peu  près  dans  ce  même  temps  les  Hufîltes  firent  une 
HumtesZenS  nouvelle  courfe  en  Luface  dans  le  deflèin  de  s'emparer  de  Baut- 
fchen.  Les  habitans  de  cette  ville  voulurent  en  vain  s'aboucher 
avec  eux  pour  obtenir  quelque  compofition.  Ils  furent  renvoyez 
avec  menace  de  les  régaler  bien-tôt  d'importance.  Sur  cette  me- 
nace les  habitans  prirent  le  parti  de  brûler  leurs  fauxbourgs ,  &  de 
fe  renfermer  dans  la  ville.  Mais  à  peine  les  Huiïîtes  leur  en  donne- 
rent-ils  le  temps:  ils  vinrent  avec  tant  de  diligence  fur  les  Incen- 
diaires ,  qu'ils  fauverent  du  feu  une  Eglife ,  des  mafures  de  laquelle 
ils  firent  une  efpéce  de  baftion  pour  battre  la  ville  avec  leurs  ma- 
chines  pendant  qu'ils  l'attaquoient  par  d'autres  endroits.  Mais  la 
ville fit'une  fi  vigoureufe  réfiftance,  que  les  ennemis  furent  obli- 
gez de  lever  le  fiége  3  après  avoir  perdu  &  fait  périr  beaucoup  de 
monde.  Une  partie  tira  du  côté  de  Camenec,  où  n'ayant  trouvé 
perfonne ,  ils  s'emparèrent  de  tout  ce  qui  fe  trouva  dans  ces  mai- 
fons  vuides  d'habitans ,  &  ils  mirent  le  feu  au  monaflere  de  Ma- 
rienfier  près  de-là.  Ils  traitèrent  de  même  Konigsbroug  &  les  envi- 
rons jufqu'à  Hain  ville  de  la  Mimie.  L'autre  partie  alla  s'emparer 
de  Lobaw  qu'ils  trouvèrent  aufli  prefque  fans  habitans ,  &  ils  y  fé- 
journérent  jufqu'au  mois  de  Juillet.  De-là  ils  allèrent  à  Lauban 
petite  ville  de  la  baffe  Luface  aux  confins  delà  Siléile.  Il  y  avoic 
trois  ans  qu'ils  y  avoient  tout  défolé  s  &  ils  y  firent  encore  une  nou- 
velle boucherie  pendant  trois  jours.  Ils  y  avoit  un  couvent  de  Re- 
liaieufes  qui  s'étant  fauvées  à  Gorlit^,  toute  la  fureur  tomba  fur 
les  Moines  •  ils  y  furent  impitoyablement  maffacrez.  On  coupa  la 
tête  au  Père  Gardien  nommé  JeanCrone.  On  n'épargna  pas  plus 
quelques  habitans  qui  croyoient  avoir  trouvé  un  aille  au-deffus  de 
la  voûte  de  l'Eglife.  Quoiqu'ils  euffent  mis  bas  les  armes  y  ils  furent 
tettez  du  haut  en  bas  de  la  tour.  Ceux  d'en-bas  les  recevoient  avec 
des  fourches  &  des  hallebardes.  Le  peu  qu'ils  jugèrent  à  propos 
d'épargner,  fut  emmené  prifonnier  en  Bohême,  comme  le  Curé 
.  &  fon  chapelain.  Le  premier  étoit  allé  dans  le  clocher  avec  une 
poignée  de  gens  armez,  pour  conferver  les  tréfors  de  l'Eglife  qui 
y  étoient  dépofez.  Mais  il  fut  obligé  de  fe  rendre  par  compofî- 


ET  DU  CONCILE  DE   BASLE.  Ziv.  XV.  343 
tion  j&il  mourut  en  chemin  ,  &  l'autre  fut  noyé  :  on  ne  dit  point     143  r, 
fi  ce  fut  par  malheur ,  ou  par  ia  cruauté  des  HuiTites.  Us  brûlèrent 
fon  corps.  Les  autres  furent  traînez  àjaromer,  6c  enfuice  rache- 
tez par  la  noblefïe  de  Luface.  LesHuflices  prirent  &  brûlèrent   (a)  Crojftr. 
en  oaflànt  quelques  villes,  entr'autres  Mardis.  Ils  avoient  laiiîè  "wr»*» 
garnifon  àLauban  $  mais  les  villes  deGorhtz  ,  Bauticnen  ôcCame-  part.  i.p. 
nec  ayant  uni  leurs  forces,en  châtièrent  les  Bohémiens  (a).  u4- &  feqq- 

XXXI.  Les  chofes  n'etoient  pas  plus  tranquilles  en  Moravie.  HoMîtez 
Himko  de  Valeks  s'empara  de  la  forterefl'e  de  Sadec  appartenante  ^BMoravfc? 
à  Henri  de  Waldftein  Seigneur  Catholique,  ce  dernier  ayant  été 
obligé  d'aller  trouver  l'Archiduc  à  Vienne ,  &  de  laifler  la  place  à 
Bures  de  Kralicz^bon  foldat  d'ailleurs,  mais  qui  fut  malheureux 
dans  cette  occaiion.  Himko  profita  de  la  conjoncture  de  la  fête 
de  faine  Martin.  Comme  il  n'ignoroit  pas  que  la  garnifon  pafïeroit 
plutôt  le  lendemain  de  la  fête  à  danfer  &  à  boire,  qu'en  dévotions; 
ayant  pris  avec  lui  quelque  infanterie ,  il  fit  efealader  la  muraille  , 
Ôc  entra  dans  la  place  pendant  que  toute  la  garnifon  enyvrée  dor- 
moit  d'un  profond  fommeil.  Cependant  un  des  domeftiques  de 
Bures ,  qui  avoit  naturellement  horreur  du  vin ,  ne  s'étoit  pas  en- 
dormi. Il  alla  réveiller  le  Gouverneur  ,  qui  auffi-tôt  fe  mit  en  état 
dedéfenfe.  Mais  n'étant  point  foutenu  par  fon  monde  qui  ne  cou- 
roit  que  lentement  au  fecours,  il  fut  pris  après  avoir  reçu  une 
grande  bleflûre  au-defïus  de  lacuiflè.  Les  autres  furent  tuez,  ou 
faits  prifonniers  dans  leur  lit.  Waldftein  en  ayant  appris  la  nou- 
velle'en  chemin  pour  revenir,  s'en  retourna  à  Vienne  fort  affligé 
de  cette  perte ,  d'autant  plus  confidérable ,  que  tout  ce  qu'il  avoit 
de  plus  précieux  étoit  à  Sadec ,  comme  dans  la  plus  fure  place  du 
Royaume,  à  caufe  de  fa  fituation  fur  un  roc  efearpé.  Mais  Himko 
ne  garda  pas  long  temps  fa  conquête  j  elle  lui  fut  enlevée  bien-tôt 
après ,  aufîi  par  furprife.  Ce  même  Seigneur  HufTite  manqua  celle 
du  monaflére  deTrebies  non  loin  de  Sadec.  Il  y  avoit  dans  cette 
dernière  ville  quelques  HufTites  avec  qui  il  entretenoit  intelligen- 
ce pour  s'emparer  de  Trebies.  Le  jour  marqué  pour  l'expédition  3 
quelques-uns  des  plus  hardis  d'entre  les  conjurez  étoient  entrez 
dans  l'Eglifeôc  dans  le  monaftére.  Mais  l'un  d'entre  eux,  à  qui  il 
prit  un  remords  de  confeience  ,  alla  tout  découvrir  à  l'Abbé.  Ce- 
lui-ci fît  aufîi  tôt  fermer  toutes  les  portes  du  monaftére  où  tous  les 
conjurez  fe  trouvèrent  enfermez ,  à  la  réferve  d'un  qui  s'étoit  dou- 
té que  la  mèche  étoit  éventée.  Il  en  alla  avertir  Himko,  qui  fut 
auffi  mortifié  d'avoir  manqué  fon  coup  ,  qu'il  avoit  été  impatient 


344         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

143 1.  °*e  ^e  vo*r  réuiïïr.  Lesprifonniers  ne  demeurèrent  pas  impunis.  Les 
(a)  cvchor.  uns  furent  écartelez ,  les  autres  pendus ,  de  on  «oupa  ie  nez  &  les 
p-  554-        oreilles  aux  moins  coupables  (a). 

Toutes  les      XXXII.  Toutes  les  branches  des  Huflîtes  de  recour  de  leurs 
HuffiwT^  courfeschez  leurs  voifins,  mirent  fous  les  pieds,  ou  fufpendirent 
niiTcnt  pour  au  moins  leurs  inimitiez  &  leurs  difeordes,  pour  ne  penfer  plus 
leur  défenfe       -  la  détente  de  leur  patrie.  Les  Grands  de  Bohême  &  de  Mora- 
vies  unirent  étroitement  eniembie  dans  la  même  vue.  Lés  villes 
renouvelèrent  leurs  confédérations.  Petits  &  grands ,  on  vit  tout 
le  monde  s'armer  avec  une  allégrefle  commune.  De  forte  qu'en 
fort  peu  de  temps  il  fe  trouva  dans  la  revue  qui  fut  faite  à  Chotif- 
chau  dans  le  cercle  de  Pilfen,  cinquante  mille  hommes  d'infante- 
rie 3  &  fept  mille  chevaux  fous  les  armes ,  avec  trois  mille  llx  cens 
chariots.  D'autre  côté  on  prit  foin  de  bien  garder  les  avenues. 
Les  diftri&s  de  Zatec  de  de  Launi ,  celui  de  Grats  ôc  plufieurs  villes 
frontières ,  avoient  l'œil  fur  la  Moravie  &  fur  l'Autriche  pour  fer- 
mer l'entrée  à  l'Archiduc ,  ou  à  Kragi  capitaine  de  Moravie. 
Lenteur  des      XXXIII.  Le  cardinal  Julien  confirmé ,  comme  on  l'a  dit,  dans 
Allemands.   fa  légation  par  Eugène  IV.  fe  donnoit  tous  les  mouvemens  ima- 
ginables pour  animer  le  flegme  des  Allemands.  Il  étoit  convenu 
avec  l'Archiduc  Albert^  que  celui-ci  pour  occuper  les  Bohémiens 
rireroit  en  Bohême  par  la  Moravie,  pendant  que  l'armée  Impé- 
riale s'y  rendroit  par  un  autre  côté.  Il  s'avança  en  effet  félon  la 
convention  j  mais  voyant  que  le  Cardinal  ne  fe  trouvoit  pas  au 
rendez-vous  au  jour  marqué ,  il  rebroufla  chemin.  Le  temps  de 
l'expédition  avoit  été  marqué  pour  la  Saint  Jean  5  mais  par  la 
lenteur  des  Alliez  elle  ne  put  fe  faire  qu'au  mois  d'Août.  Pendant 
qu'ils  s'attendoient  les  uns   les  autres  ,  on  perdoit  l'occafion 
d'agir  contre  les  Bohémiens  qui  n'étoient  pas  encore  en  état  de 
fe  défendre,  à  caufe.de  l'éloignement  des  Orphelins  à  qui  l'on 
donna  le  temps  de  revenir.  Les  troupes  de  Saxe  &  de  Brande- 
bourg ne  vouloient  point  entrer  en  campagne ,  qu'elles  ne  fuflent 
jointesparcellesdeSuabe,deFranconie,d'Alface,&  de  Lorrain 
ne ,  ou  que  l'Archiduc  n'eût  fait  une  diverfion  en  Bohême.  D'ail- 
leurs la  guerre  s'étant  allumée  dans  ce  temps-là  entre  le  Comte 
Palatin  du  Rhin  &  le  Duc  de  Lorraine  3  non  feulement  ils  ne  four- 
nirent pas  les  fecours  qu'ils  avoient  promis,  mais  ils  retardoient 
la  marche  de  leurs  voifîns  3  comme  la  Franconie ,  PAlfa.ce ,  Wor- 
mes,  Spire,  quijugeoient  plus  à  propos  de  défendre  leurs  pro- 
pres païs ,  que  d'aller  au  fecouo  des  autres.  Cette  guerre  3  pour  Je 

dire 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JW.   545 
dire  en  paffant ,  fie  bien  voir  qu'on  ne  refpe&oit  guéres  les  ordres    I4-  , 
de  l'Empereur,  puifqu'avant  l'expédition  il  avoic  pacifié  l'Aile-     (7)Ser*r. 
magne,  5c  défendu  févérement  à  cous  les  Princes  de  l'Empire  Rcr*  Mo_ 
d'entreprendre  aucune  guerre  (a).  ^744^  * 

XXXIV.  Avanc  que  de  partir  pour  fa  croifade,  le  Cardinal  Lcttredu 
écrivit  aux  Bohémiens  à  peu  près  en  ces  termes.  »  Ce  que  nous  ^"aù^B^ 
«»  defirons  avec  le  plus  d'ardeur ,  c'eft  que  le  royaume  de  Bohême  Amiens. 
-»»  foit  réuni  à  l'Eglife  par  la  profeifion  d'une  feule  Se  même  foi. C'eft 
»  de-là  que  dépend  non  feulement  fon  falut  éternel ,  mais  toute 
»»  forte  de  profpérité  temporelle ,  comme  ce  Royaume  en  jouifïbic 
»  avant  les  troubles  caufez  par  ces  innovations.  C'eft  là  l'unique 
«objet  de  mon  attention 5 &  quand  j'y  devrois  facrifîer  ma  vie, 
»  je  n'omettrai  rien  de  ce  qui  peut  procurer  un  fi  grand  bonheur  à 
»»  la  Bohême.  Mais  comme  les  ennemis  de  la  paix,  qui  ne  cher- 
»  chent  qu'à  femer  des  herbes  inutiles ,  voudroienc  vous  perfuader 
»  que  nos  troupes  Chrétiennes  n'entrent  dans  votre  Royaume  que 
«pour  le  bouleverfer  de  fond  en  comble  par  des  mafïacres,  des 
»>  brigandages ,  6c  des  incendies  5  c'eft  afin  de  vous  defabufer  d'une 
»  fi  fauffe  penfée ,  que  nous  vous  faifons  fçavoir  que  fi  j'entre  en 
»  Bohême  à  la  tête  d'une  armée  Chrétienne ,  ce  n'eft  que  pour  af- 
»  foupir  les  controverfes ,  vous  réconcilier  enfemble ,  pour  y  réta- 
»  blir  la  foi  &  le  culte  divin  violez ,  pour  y  remettre  l'ordre ,  6c 
«pour  y  reftituer  à  Dieu  fa  gloire  ternie  par  ces  défordres,  pour- 
*  vu  que  ks  habitans  veuillent  renoncer  à  leurs  nouveautez  ôc  à 
»  leur  efprit  turbulent,  6c  fe  joindre  à  nous  comme  ils  étoient  au- 
•paravant,  Ainfî  P.9U§  exhortons  6c  nous  prions  inftamment  ôc 
»  tendrement  tousles  Bohémiens  de  l'un  &  de  l'autre  fexe  de  reve- 
nir à  la  foi  &  aux  coutumes  de  leurs  ancêtres,  qui  ont  eu  larnê- 
»me  religion  ,  6c  de  ne  s'en  plus  écarter.  Nous  prendrons  toutes 
»  les  mefures  &  toutes  les  précautions  néceflajres  pour  empêcher 
»  que  ceux  qui  voudront  rentrer  dans  le  fein  de  l'Eglife  ne  fouf- 
»  frent,  ni  dans  leurs  perfonnes ,  ni  dans  leurs  biens ,  &  qu'au  con- 
»  traire  ils  foient  amiablement  traitez  &  avec  toute  la  faveur  pof- 
»fible  par  nos  troupes  Chrétiennes  :  vous  promettant  faintement 
»  qu'il  n'y  aura  pas  la  moindre  mefîntelligence ,  ou  trace  £  inimitié  entre 
»nou$.  Et  nous  fommes  aflurez  que  ceux  qui  fe  réconcilieront 
»  avec  nous ,  s'en  trouveront  fi  bien ,  qu'ils  béniront  Dieu  de  leur 
»  avoir  infpiré  cette  penfée.  Revenez  donc  aux  loix  de  l'Eglife 
«votre  mère ,  Se  ne  l'aiHigez  pas  plus  long- temps.  Elle  gémit,  elle 
ff  fond  en  larmes ,  elle  jette  des  cris  perçans ,  attendant  avec  im- 

tom.  J.  Xx 


34-6  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.x  i .  »  Patience  &  par  les  plus  ardens  défirs  le  retour  de  Tes  enfans  pro- 
»  digues ,  qui  ayant  demandé  leur  portion  l'ont  été  diflîper  prodi- 
»o-alement  dans  les  pais  étrangers,  &  ont  attiré  fur  eux  la  famine 
»&  toute  forte  de  maux  par  leurs  débauches.  Revenez  à  nous  , 
»  chers  cœurs ,  nous  irons  au  devant  de  vous ,  nous  nous  jetterons 
»à  vos  cols,  nous  vous  donnerons  des  vêtemens  nouveaux,  nous 
«tuerons  le  veau  gras  ,  nous  inviterons  nos  voifins  &  nos  amis 
»  pour  fe  réjouir  avec  nous  du  retour  de  nos  enfans. 

»  Au  fond,  pourquoi  feriez-vous  difficulté  de  revenir  à  nous  ? 
„  Ne  fommes-nouspasnez  d'une  même  mère  ?  N'avons-nous  pas 
»  été  renouveliez  par  le  même  Baptême  ?  N'avons  nous  pas  la  mê- 
*  me  foi  Chrétienne?  Ne  reconnoiflons-nous  pas  un  feul  média- 
teur &  libérateur  J.  C.  N'avons -nous  pas  la  même  parole  &  les 
»  mêmes  Sacremens  ?  Ne  recevons  -  nous  pas  la  même  Ecriture 
»  Sainte  ?  Qu'eft-ce  donc  qui  vous  éloigne  de  nous  ?  Qu'eft  -  ce  qui 
»  a  donc  pu  féparer  les  enfans  d'avec  la  mère  ?  Il  n'y  a  que  peu  de 
»  temps  que  vous  l'emportiez  fur  tous  les  peuples  du  monde  par 
«votre  foi  &  par  votre  pieté,  &  aujourd'hui  vous  perfecutez  les 
«Chrétiens  par  le  fer  &  par  le  feu,  &  votre  charité  s'eft  tournée 
»en  cruauté.  Ne  feroit-il  pas  plus  à  propos  de  vous  croifer  avec 
«nous  pour  la  propagation  de  notre  foi  contre  les  Turcs  &Ies 
«  Sarrafins ,  ces  ennemis  implacables  du  nom  Chrétien ,  que  d'en- 
»  tretenir  avec  vos  frères  une  guerre  inteftine  qui  ne  peut  aboutir 
«qu'à  la  ruine  de  la  Religion  &  du  Royaume  ?  Nous  vous  le  pro- 
cédons la  larme  à  l'œil,  cen'eftqu'à  notre  grand  regret  &  que 
«  par  la  plus  cruelle  néceflîté  ,  que  nous  nous  armons  contre  vous. 
»  Nous  y  fommes  portez  par  l'amour  de  nos  prochains  perfecutez  , 
«dépouillez,  mafTacrez  inhumainement  par  les  Bohémiens.  Souf- 
«  frirons-nous  les  bras  croifez  que  l'on  abatte  les  autels  &  les  tem- 
»  pies  de  Dieu  ,  qu'on  brife  ôc  qu'on  brûle  les  images  de  J.  C.  de 
»  la  Vierge  Marie  &  des  autres  Saints  j  qu'on  fade  fouffrir  toute 
»  forte  de  tourmens  aux  Catholiques ,  qu'on  foule  aux  pieds  le 
»  vénérable  Sacrement ,  &  qu'on  ravage  tous  les  pais  voifins  ?  De 
»  combien  de  défolations  6c  de  meurtres  n'a-t-on  pas  rempli  le 
«royaume  de  Bohême  ,  l'Autriche,  la  Hongrie,  la  Silène  ,  la 
»  Mifnie,  la  Bavière,  la  Franconie  ?  Ce  font  ces  criminelles  fu- 
»  reurs  qui  nous  ont  mis  les  armes  à  la  main  ,  moins  pour  vous  ac- 
»  raquer  que  pour  nous  défendre  nous-mêmes ,  les  Chrétiens ,  nos 
»  voifins  6c  la  Religion.  Dans  cette  extrémité  nousavonspour- 
»  tant  cette  confolation  ,  qu'il  y  a  un  grand  nombre  de  gens  en 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.    J^t.    347 
»  Bohême  qui  tiennent  le  bon  parti ,  &  qui  gémifïent  de  ces  con-  .  1 4.3 1  > 
»fufions,  mais  qui  n'ofent  rien  entreprendre  parce  qu'ils  ne  font 
»  pas  les  plus  fores.  Nous  avons  donc  eu  raifon  de  nous  armerpour 
»  leur  liberté ,  &  pour  punir  leurs  opprefîeurs. 

»  Après  des  offres  fi  favorabIes,quelle  crainte  &  quels  fcrupules 
«peuvent  vous  retenir? Nous  vous  offrons  la  paix,acceptez-là; 
»  mais  fi  vous  rejetiez  nos  offres  &  nos  invitations ,  ne  nous  imputez 
»  point  les  malheurs  de  la  guerre  -y  prenez-vous-en  au  refus  de  gens 
*  qui  veulent  être  plus  fages  qu'il  ne  faut.  Tout  cela  ne  peut  être 
»  infpiré  que  par  l'ennemi  jaloux  de  voir  la  foi,  la  chanté  &  la  pieté 
»  faire  des  progrès  en  Bohême.  Croyez- vous  que  ces  gens  là  en 
«fçachentplus  que  l'ancienne  Eglife,&que  celle  d'aujourd'hui? 
»  Qu'eft-ce  que  peuvent  vous  apprendre  des  gens  de  guerre  ,  des 
»>païfans,  des  Bourgeois  grofïîers  ?  Des  gens  fans  lettres  font-ils 
»  plus  habiles  que  tant  de  Docteurs  anciens  &  modernes ,  que  tant 
^>  d'Académies  où  avoient  fleuri  les  Saintes  Lettres  ?  Ces  anciens 
«Do&eurs  qui  ont  vécu  avant  les  troubles  peuvent-ils  vous  être 
»  fufpe&s  de  haine ,  ou  de  partialité  ?  Ecoutez  St.  Auguftin  qui  a 
tydïtquil  ri  auroit  pas  crà  à  F  Evangile  fans  le  témoignage  de  l'Eglife. 
»>  Plusieurs  ont  écrit  des  Evangiles  }  mais  parce  que  l'Eglife  qui  eft: 
»  infpirée  du  St.  Efprit  n'en  reconnoît  que  quatre ,  nous  n'en  rece- 
*>  vons  pas  non  plus  d'avantage.  Si  je  ne  craignois  d'être  trop  long , 
»  je  pourrois  alléguer  plufieurs  autres  témoignages  ;  mais  je  me 
»  borne  à  réïtét-er  les  offres  que  j'ai  déjà  faites,  c'eft:  que  quicon- 
>>que  voudra  fejetter  entre  les  bras  de  la  fainte  Eglife  Romaine, 
M  obtiendra  une  pleine  &  parfaite  remifliou  de  [es  péchez ,  &  en 
»  particulier  de  celui-ci  (i).Il  fera  traité  avec  douceur  6c  humanité, 
»  &  tout  ce  qu'un  enfant  peut  attendre  de  fon  père,  il  doit  l'efpe- 
m  rer  de  nous.  Veuille  le  Seigneur  J.  C.  qui  nous  a  rachetez  par  fon 
»  précieux  fang  accorder  aux  Bohémiens  fon  efprit,  &.  les  réunir 
»  à  la  même  foi  que  nous  pour  le  bien  &  le  falut  de  leurs  âmes ,  pour 
w  la  paix  &  la  gloire  de  l'illuftre  royaume  de  Bohême  (  1  ). 

XXXV.  Autant  que  la  lettre  du  Cardinal  eft  pathétique,  in-  Rc'P°^daC5 
finuante  &:  artificieufe  ;  autant  la  réponfe  des  Bohémiens  eft-elle 
libre ,  ferme  &  même  affez  dure ,  mais  nette  &  précife.  La  voici. 

«Ileftimpoffible,  Révérend  Père  en  Chrift(3),  qu'une  per- 
«  fonne  d'un  auffi  grand  efprit ,  &  d'une  auffi  grande  autorité  igno- 

[1]  C'eft-à-dirc ,  delà  défertion  de  l'Eglife  Romaine. 

J>]  La  Lettre  eft  dattée  de  Nuremberg  le  $ .  de  Juillet.  Ihenb.  ubi  fup.  cap.  LXXIV. 
[]]  C'eft  le  titre  qu'on  donne  à  un  fimple  Prêtre  ou  Moine  /celui  d'un  Evêque  eft  Revertw 
dijjitw ,  &  celui  d'un  Cardinal  eft  Eminemijlîme  ;  mais  l' Emmence  n'etoit  pas  encore  trouvée. 

Xx  ij 


348      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
ïjl\  i. .  «requête  Fils  unique  de  Dieu  Notre  Seigneur  J.  C.  pendant  fa 
»  converfation  en  chair  ,  non  feulement  a  donné  aux  hommes  di- 
»  vers  préceptes  très  faiutaires ,  mais  qu'il  les  a  pratiquez  lui-rnê- 
»  me.  Entre  lefquels  ces  quatre  font  les  principaux  (  i  ). 

»  i .  Que  le  Vénérable  Sacrement  du  corps  &  dufang  de  'j.  C.  doit  être 
m  diftribuè  fous  les  deux  efpèces. 

»  î .  Que  la  parole  de  Bien  doit  fe  prêcher  librement  &  félon  la  ve~ 
»  rite. 

»  3 .  Qu'il  faut  punir  les  péchez^publics  commis  fous  prétexte  de  reli- 
»  gion  (  i  J. 

»4«  Qu  il  faut  bter  ly  adminijlration  de  la  République  aux  Ecole- 
3>fîa(iiques. 

«Ces  quatre  articles  fe  prouvent  clairement  par  les  Evangiles^ 
»  par  les  Epîtres  des  Apôtres,  &  par  tous  les  Sts  Pères  ;  tous  ces  pré- 
ceptes apoftoliques  fi  néceflaires  pour  la  propagation  de  iafoi, 
»  pour  fortifier  Pefpérance,  pour  augmenter  la  charité,pour  régler 
»  les  mœurs,&  pour  obtenir  la  vie  éternelle  ont  été  publiez  par  les 
»  Apôtres  dans  tout  l'univers,  reçus  dansPEglife  Chrétienne,  ÔC 
»  gardez  fidèlement  pendant  quelques  fiécles ,  comme  cela  paroîc 
»  par  les  Commentateurs  &  Docteurs  vraiementCathoiiques.  Mais 
»  ils  ont  été  violez  &fupprimez  par  je  ne  fçai  quels  petits  Prêtres 
-(Sacrificulifive  F  lamines)  qui  dégénérant  de  la  pieté  de  leurs  pré- 
»  decefléurs  fè  font  éloignez  de  la  règle  de  l'ancienne  Eglife,s'ingé- 
»>rant  dans  les  affaires  du  fiecle  ,  engagez  dans  l'embarras  &  les 
«épines des  richeflfes mondaines,  &  ce  qui  efl  plus  déplorable  & 
»  plus  cuifanr  encore  ,  croupifiant  dans  ia  moileiie  &  dans  Poifive- 
»  té  au  grand  &  irréparable  dommage  des  âmes  fidèles.  C'eftpour 
>»  cela  que,  tout  indignes  que  nous  en  fommes  ,  mais  appuyez  des 
*»  fecours  de  Dieu  ,  nous  avons  toujours  infifté  depuis  plu ficurs  an* 
»  nées  à  les  remettre  fur  pied,  aies  rétablir ,  i\es  éclaircir  &  à  les 
=«>  faire  obferver  &  refpeâer ,  félon  leur  poids  &.  leurs  mérite.  Con> 
«bien  n'avons-nous  point  foufFert  d'inimitiez,  d'injures,  fait  de 
»  dépenfes  ,  enduré  des  travaux  ,  encouru  des  périls  pour  les  fou- 
«  tenir ,  fans  même  épargner  nos  vies  ?  Nous  avons  même  deman- 
»dé  plufïeurs  fois  avec  inftance  d'être  admis  &  écoutez  publique- 
»  ment  dans  un  Concile  libre  ^paifible  &  fur  5  mais  tout  cela  inuti- 
lement jjufqu'ici.  Qui  peut  s'empêcher  d'admirer  la  diligence 

[1]  Je  les  donne  tels  qu'ils  font  ici.  Ils  font  un  peu  autrement  ailleurs.  Mais  cela  revient  à 
la  même  chofe. 

[2]  Ces  dernières  paroles,  fous  prétexte  de  Religion ,  ne  fe  trouvent  pas  dans  les  autresfo** 
mulet» 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XV.  349 
«&  l'exa&itude  de  vos  pères  tant  vantez  ,  de  vos  Prélats  &  de  TE-  \a\\ 
«  glife  Romaine,  à  remédier  aux  maux  de  la  Chrétienté  ?  Au  lieu 
»  d'empêcher  que  les  véritez  falutaires  annoncées  &  reçues  avec 
»  tant  d'éclat  dans  le  monde  ne  fuflent enfevelies  dans  l'oubli ,  vous 
«  avez  été  les  premiers  à  les  négliger ,  fur  tout  l'article  de  l'Eucha- 
«riftie,  où  depuis  tant  d'années ,  par  le  plus  grand  des  facrileges 
»vous  avez  retranché  le  Calice  au  peuple  à  qui  J.  C.  l'adonné? 
»  Comment  avez- vous  foufFert  cet  abus  ?  Comment  ne  l'avez-vous 
«pas  vangé,  pendant  que  vous  étiez  fî  foigneux  de  recevoir  vos 
m  dixmes  &  vos  impôts  >  Mais  fans  parler  ici  de  l'intérêt  qu'à  toute 
»  l'Egiife  à  ce  rétabliflement ,  pourquoi  nous  Pavez-vous  refufé  il 
«opiniâtrement,  à  nous  qui  l'avons  demandé  avec  tant  d'inflan- 
«  ce ,  &  à  qui  même  vous  l'auriez  du  accorder  quand  nous  ne  l'au- 
«rions  pas  demandé ,  &  malgré  nous ,  pour  prévenir  tant  d'efru- 
«fionde  fang?  Nous  ne  fçaurions  nous  empêcher  de  croire  qu'il  y 
«a  là-deflous  quelque  deflein  caché  (1). 

»  Confiderez  la  chofe  de  près  -,  ne  valoitil  pas  mieux  rétablir 
«une  institution  fi  utile ,  fi  nécefîaire  à  l'Egiife  ,  que  d'afTembler  au 
«péril  de  leurs  vies,  de  leurs  états ,  &  de  leurs  âmes ,  &  avec  des 
«frais  immenfes ,  tant  de  Rois ,  de  Princes  &  de  peuples  de  diver- 
»  fes  natiuns  de  de  diverfes  langues  ?  Et  pourquoi  ?  Pour  amener  le 
»  Royaume  de  Bohême  à  la  religion  Romaine  &  à  {qs  ufages ,  Rits 
»  &  Conftitutions  eccléfiafliques.  Mais  vous  avez  beau  faire  ce 
«  royaume  perfiftera  dans  la  foi  &  fe  repofera ,  comme  il  fait ,  dans 
»  le  fein  de  Sainte  mère  Eglife  orthodoxe  ,  dontj.  C.  eftle'chef. 
«Mais  vous  mêmes  tous  tant  que  vous  êtes,  vous  rendriez  un 
«  grand  fervice  à  l'Egiife  Catholique ,  fi  vous  vouliez  embralTer  ces 
»  véritez  falutaires.  Car  ni  vous ,  mon  très-cher  Père ,  ni  vos  adju- 
«tantsne  pourrez  félon  le  droit  &  la  raifon  être  juges  dans  cette 
»  caufe.  Cette  fainte  &  éternelle  loi ,  dont  Dieu  lui-même  efl  l'air. 
« teur,  &  que  notre  Seigneur  J.  C.  a  confirmée  par  fa  vie  &  par  fa 
=>mort,  eft  très-jufte  par  elle-même,  &  il  n'y  a  rien  de  plus  indi- 
»  gne  que  de  prétendre  l'affujettir  au  jugement  &  à  l'arbitrage  des 
«hommes  fujets  à  la  mort  &:  au  péché,  puifque  St.  Paul  a  dit, 
»  Anatbeme  même  à  un  Ange  du  ciel  qui  annoncerait  un  autre  Evangile 
»  que  celui  qu  il  a  en  feigne.  Le  cœur  de  l'homme  abandonne  ibuvenc 
»  la  vérité  immuable  pour  fuivre  la  direction  d'une  raifon  qui  peut 
«  s'égarer ,  &  qui  s'égare  en  effet  fouvent.  Nous  n'avons  donc  gar- 
ai de  de  commettre  le  jugement  de  notre  caufe  à  des  gens ,  qui  ayant 

[1  ]  Lfttet  anguis  in  herba.  Il  y  a  anguille  fous  roche. 

X  X  itj 


350     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

143  *•  "renoncé  à  la  pieté,  regardent  cette  vérité  comme  une  erreur 
»  manifefte ,  &.  traitent  d'hérétiques  damnables  ceux  qui  s'y  atta- 
«chent,  &  qui  outre  cela  font  nos  ennemis  déclarez.  Pour  nous, 
»  nous  fommes  dans  ce  fentiment  que  dans  un  Concile  il  ne  doit  y 
savoir  d'autre  autorité  que  celle  de  l'Ecriture  Sainte  qui  eft  une 
«règle  très  certaine,  &,  le  juge  équitable  que  Dieu  a  laiflé  au 
»  monde ,  qui  n'eft  point  trompé  ôc  ne  trompe  point ,  y  joignant 
«  les  témoignages  des  Sts.  Docteurs  quand  ils  font  conformes  à 
»  cette  règle  divine  jôc  quand  l'Eglife  l'aura  reçue  fur  ce  pied-là 
»  nous  ferons  tous  réunis  enfemble.  Alors  toute  l'Eglife  militante 
«purgée  de fon  mauvais  levain  reprendra  fa  première  fplendeur  , 
«  la  foi  germera ,  la  paix  fleurira,  l'amour  &c  la  concorde  regne- 
»  ront. 

«Mais  c'eft  ce  qui  n'arrivera  pas  par  vocre  nouvelle  méthode 
«inconnue,  comme  nous  croyons,  aux  Apôtres,  de  venir  contre 
«nous  avec  tant  de  milliers  de  Soldats  à  qui  les  épées,  les  flèches 
«&;  toute  forte  d'inftrumens  de  guerre  tiennent  lieu  de  l'Ecriture 
«&  du  raifonnement.  Sont-ce  là  des  armes  dont  un  père  fe  ferve 
»  pour  gagner  fes  enfans,  comme  vous  nous  appeliez  ?  Mais  pulf- 
«  que  vous  avez  choifl  ces  armes,  nous  en  avons  auffi  de  même 
«  trempe ,  &  nous  fommes  prêts  à  en  venir  à  un  combat  décifif.  Si 
«vous  étiez  entrez  chez  nous,  comme  «S/.  Pierre  entra  chez  Cor- 
»neille,  vous  y  auriez  fans  doute  fait  de  grands  fruits  6c  vous  au- 
«riez  réjoui  les  Pères  de  l'Eglife  Chrétienne  {Chriftianœ  Ecclcfiœ 
»antiftites(i).  Et  au  lieu  d'un  veau  ,  ils  auroient  tué  un  bœuf  gras 
«  .&  invité  leurs  voifins  à  fe  réjouir  avec  eux.  Toutes  ces  choies  bien 
«péfées,  on  voitaflez  ce  qui  nous  fépare  les  uns  desautres,  quoi- 
»  que  nous  ayons  le  même  Baptême.  C'eft  que  non  feulement 
»  nous  proférions  débouche  la  Religion 3  mais  nous  la  pratiquons 
«&.  l'exerçons  en  effet.  Ainfl  nous  vous  prions  de  nous  écouter 
»  fraternellement ,  parce  que  la  fin  du  monde  approche  fi),de 
«vous  joindre  avec  nous  àc  de  marcher  avec  ardeur  fur  les  traces 
«  de  J.  C.  &  de  Ces  difciples.  C'eft  par  ce  moyen  que  le  peuple  de 
«  Chrift  repofera  paifîblement  dans  les  tabernacles  de  l'efpérance  3 

{;v)  T^^w.  «ôcobtiendralefàlut éternel.  APragueaumoisdeJuilleti43  i.  (a). 

p.  141. 145.  Je  n'ai  rien  à  remarquer  fur  cette  Lettre,  fi  ce  n'eft  qu'elle  n'a 
point  l'air  d'avoir  été  dictée  par  des  foldats  ,  par  des  pay  fans ,  par 
ides  bourgeois  grofïiers ,  comme  difoit  le  Cardinal ,  mais  bien  par 

{1)  On  a  vu  ci-deffusà  qui  les  Bohémiens  avoient  confié  la  conduite  de  leurs  Eglifes. 
(z)  Qna  vu  ci-  deflus  qu'il  y  a  voit  parmi  eux  quelques  fanatiques  dans  cette  penféc» 


miens. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  ZiviXV.     351 

des  gens  de  poids  &.  fore  éclairez.  Ceft  ce  que  répondirent  ks    143  *• 
Bohémiens  fur  les  préparatifs  de  guerre  qu'on  faifoit  contre  eux  j 
mais  comme  ils  n'ignoroient  pas  qu'on  leur  préparoit  dans  le  Con- 
cile deBafle  une  autre  batterie ,  ils  publièrent  là-deflus  un  Mani- 
fefte  dont  je  donnerai  le  précis. 

XXXV 1. 1.  Il  eft  adreflé  de  la  part  des  états  de  Bohême  &    Mani&ftc 
de  Moravie ,  à  tous  les  Rois ,  Princes ,  Comtes ,  Marquis  &c.  Or-  des  Boh<i* 
tbodoxes.  1 1.  On  propoie  d'abord  les  quatre  articles  mentionnez 
ci-deflus  j  mais  comme  il  y  a  quelques  petits  changemens  3  je  les 
marquerai.  1.  Il  y  a  ici  que  le  Sacrement  du  corps  ôc  du  fang  de 
J.  C.  doit  êtreadminiftré  aux  laïques  ^  bonne  foi  parles  Miniftres 
ordinaires  de  l'Eglife.   Ces  paroles  italiques  ne  font  pas  dans  la  let- 
tre du  Cardinal,  ce  qui  eft  pourtant  confidérable,  parce  qu'on 
aceufoit  les  Bohémiens  de  faire  adminiftrer  le  Sacrement  par  des 
laïques.  2.  Que  la  parole  doit  être  prèchée  par  ceux  à  qui  elle  a  été 
commife.  Ces  dernières  paroles  ne  fe  trouvent  point  non  plus  dans 
la  Lettre  au  Cardinal ,  ce  qui  eft  important  par  la  même  raifon.  3 . 
Il  y  a  ici  que  l'adminiftranon  politique  eft  un  poifon  nuifibie  aux 
Eccléfiaftiques  {noxium  ipfis  virus)  j  ces  dernières  paroles  man- 
quent dans  la  Lettre  précédente.  4.  Dans  l'article  des  péchez  pu- 
blics, il  y  a  ici  qu'ils  doivent  être  extirpez  par  le  Magifirat politi- 
que ,  ce  quin'eftpas  dans  la  Lettre  au  Cardinal  (1).  III.  Qu'ils 
ont  embrafïé  ces  quatre  articles,  &  fait  tout  ce  qui  a  dépendu* 
d'eux  pour  les  faire  recevoir  par  tout,non  feulement  par  leurs  Let- 
tres 3  mais  par  leur  préfence  en  divers  lieux  ,  &par  leurs  Ambaf- 
iades ,  foit  auprès  du  Roi  de  Pologne ,  foit  auprès  de  l'Electeur  de 
Brandebourg.  IV.  Qu'ils  n'ont  point  non  plus  évité  le  Roi  des 
Romains,  l'ayant  été  trouver  à  Presbourg,  puis  à  Egre,  pour  le 
fupplier  d'aflemblerun  Concile  libre,  fur  ôcpaiiible,  où  ils  fuf- 
fent  admis  ôc  écoutez  amiablement  (2),  où  ces  quatre  articles  fuf- 
fent  examinez,  prouvez  &  reçus  publiquement  3  mais  qu'ils  n'a- 
voient  pu  obtenir  cette  grâce  qu'on  n'auroitpasrefuféeàunpayen. 
V.  Que  l'Empereur  ayant  confulté  quelques  Princes  ,  quelques 
Evêques ,  Prélats  &  docteurs  dans  une  aflemblée  générale  ,  où  ce- 
pendant on  n'écoutoit  que  les  Eccléfiaftiques  ,  ou  les  Moines  (3)3 
»  on  nous  répondit  nettement  qu'une  telle  audiance  &  qu'une  telle 
»  réformation  étoit  contraire  à  la  liberté  d'un  Concile  qui  eft  au 

(1)  Il  y  a  apparence  que  ces  variations  fe  font  faites  fansdeffein  &  par  la  faute  des  copiftes. 
[2"]  C'eft-à-dire,  non  comme  des  prévenus,  malscomme  les  autres  membres  du  Concile» 
[)]ln  ijuo  tamen  tant  ut»  ReHgiofs  obtempratum  cfl. 


ï43i 


3ji  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
«defïusde  tout,  8c  qu'il  étoit  de  notre  devoir  de  nous  foumettre 
»  abfolument  aux  Décrets  du  Concile  fans  aucune  difcufïïon  par  la 
»oarole  de  Dieu  &  par  les  Pères»».  VI.  Que  trouvant  abfurde  6c 
injufte  que  le  Concile  fût  juge  6c  partie,  6c  qu'étant  compofé  de 
leurs  ennemis  &  de  gens  dans  de  groflïeres  erreurs ,  ils  fe  rémittent 
à  leurs  jugemens  j  ils  ont  rejette  cette  offre  de  l'Empereur  6c  de  Ces 
Confeillers,  6c  ont  demandé  ,  comme  ils  demandent  encore  ,  fé- 
lon la  raifon  6c  l'équité ,  que  leur  caufe  fût  jugée  dans  le  Concile 
par  l'Ecriture  6c  par  les  Pères  quand  ils  font  d'accord  avec  elle  ; 
ce  qui  leur  a  été  conftamment  refufé  par  l'Empereur,  6c  par  fes 
adhérents.  VII.  Ils  appellent  de  ce  refus  à  l'équité  de  ceux  à  qui 
le  Manifefte  e(t  adreflé.  Il  faut  les  entendre  parler  eux-mêmes.  » 
njuqezjvous-memes  ,  difcnt41s  t  fi  après  un  refus  fi obfliné  nous  de- 
#>  vous  reconnoitre  de  tels  juges ,  principalement  les  Eccléfiaftiques  (  i  ) , 
»qui  comme  des  écailles  fe  tiennent  ferrex^auprè s  de  l' Empereur ,  de 
«peur  que  la vérité ne pénètre (i).  Cette  obfUnation  ne  leur  vienc 
»  que  de  leur  orgueil  èc  de  leur  arrogance.  Oubliant  l'humilité 
s>  de  leur  profeffion  3  ils  ne  penfent ,  ils  n'agifïent ,  que  dans  la  vue 
«>  d'envahir  tous  les  Empires  6c  tous  les  biens  de  la  Chrétienté. 
»>  Pour  y  réuffirils  tournent  à  tous  vents,  &c  font  de  la  foi  Chré- 
»  tienne  une  boule  qui  roule  du  côté  que  l'on  veut.  Au  lieu  d'imi- 
,y  ter  j.  C.  6c  les  Apôtres ,  ils  nagent  dans  les  délices  &  dans  les  vo- 
»  luptez  de  la  chair.  Comme  des  pourceaux  ils  foulent  les  chofes 
»  faintes  aux  pieds  j  ils  deviennent  les  temples  du  diable.  Comme 
«  les  fergents  de  PAntechrift ,  ils  traitent  cPhéréfieles  véritez  chré- 
a>  tiennes ,  &  il  ne  tient  pas  à  eux  que  J.  C.  lui-même  nefiit  hérétique. 
»  Quoique  non  plus  qu'aux  Juifs  il  ne  leur  foit  pas  permis  de  faire 
»  mourir  perfonne ,  ils  affafîînent  par  les  traits  empoifonnez  de 
v  leurs  langues  3  ils  le  font  à  la  lettre  par  cette  croifade  fanguinai- 
»  re  6c  ils  vous  ont  engagez  contre  nous  3  ô  Rois  6c  Princes  3  corn- 
»  me  Ci  vous  étiez  leurs  vafïaux  ,  ou  plutôt  leurs  fatellites  &  leurs 
»  bourreaux.  C'eft  pour  vous  y  amorcer  qu'ils  vous  promettent  la 
»  rémiflion  de  vos  péchez  qu'ils  n'ont  pas  pour  eux-  mêmes ,  beau- 
v  coup  moins  peuvent-ils  donner  le  falut  éternel  dont  ils  vous  ber- 
»  cent  dans  leurs  Diplômes  mêlez  de  fiel  ôc  de  miel.  VIII.  Après 
une  exhortation  bien  vive  à  ne  point  adhérer  à  de  fi  pernicieux 
defleins ,  ils  leur  font  cette  déclaration.  »  Que  Ci  féduits  par  les  ar- 
v  tifices  de  vos  petits  Prêtres }  vous  faites  irruption  chez  nous ,  les 

[i]  Religi*Jtt  illfemble  que  ce  foit  principalement  les  Moines. 
[2]  ltjflarfjuammrumj&iadb.trentium}  xtventas  j>enetrart  nequeat. 

armes 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JiT.  353 
>»  armes  à  la  main  >  appuyez  fur  lefecours  de  celui  donc  nous  dé- 
pendons lacaufe,  nousrepouiîerons  la  force  par  la  force,  &  nous 
«nous  vangerons  des  injures  qui  ne  font  pas  cane  faites  à  nous  qu'à. 
»  Dieu.  Pour  vous  la  chair  eft  vocre  bras  }  mais  le  nocre ,  c'eft  le 
»  Dieu  des  armées  qui  combat  pour  nous:  à  lui  foie  gloire  ôdouan- 
»  ge  dans  cous  les  ilécles.  A  Prague  au  niois  de  Juin  1431.(3). 


H/31.1 


(aj  Tbeob.  ubi 
fupr.  141, 
14Z. 


Tom.  /. 


Y  y 


HI ST  O  I  RE 

DE     LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE   DE   BASLE. 


L'armée  Im-  I. 
périale  fe 
met  en  che- 
min. 


LIVRE     XVI. 

N  a  vu  dans  le  Livre  précèdent  les  lenteurs  des 
troupes  Impériales  5  enfin  elles  Te  mirent  en  chemin. 
Le  commandement  en  chef  en  avoit  été  donné  à 
_  Frideric  électeur  de  Brandebourg  ,  qui  avoit  reçu 
à  Nuremberg  du  cardinal  Julien  en  grande  cérémonie ,  YEtendart 
béni.  Les  autres  chefs  étoient  Frideric  le  Belliqueux ,  électeur  de 
Saxe ,  Albert  &  Chriftophle  ducs  de  Bavière ,  Jean  &  Albert  fils  de 
Frideric  de  Brandebourg ,  les  Evêques  de  Wirt^bourg ,  de  Bamberg 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.XVI.  355 

êc  à'Aicbftadt.  Les  Archevêques  de  Mayence  ,  de  Trêves  &  de  Co-     14.  t1 

loque  y  avoient  envoyé  des  fecours  confidérables.  Les  Chevaliers 

deSuabc,  de  l'Ordre  de  St.  George  s'y  trouvèrent ,  aufli  bien  que 

les  troupes  auxiliaires  des  Villes  Impériales.  En  un  mot  prefque 

tout  l'Empire  écoit  en  armes.  Les  Hiftoriens  ne  conviennent  pas 

du  nombre  des  troupes.  Ceux  de  Bohême  comptent  90.  mille 

hommes  3  les  autres  130.  mille,  tant  cavalerie  qu'infanterie.  Le 

Cardinal  Julien  étoit  à  la  tête  de  cette  nombreufe  &  florhTante 

armée.  Je  ne  dois  pas  omettre  ici  la  judicieufe  reflexion  que  fait 

là-deiîusC^/tfV,  auteur  très-catholique.  »  Je  ne  fçaurois,  dit-il, 

»  approuverque  des  Cardinaux ,  que  des  Evêques  &  que  quelques 

,>  Prêtres  que  ce  foit  commandent  des  armées.  Ces  emplois  ne 

»  conviennent  point  à  leur  cara&ere,  &  cela  eft  même  défendu 

»par  les  loix  divines  &  humaines,  comme  on  peut  le  voir  dans  le 

»  Droit  Canon  (a).  Il  me  furEt  d'indiquer  en  peu  de  mots  que  dans    (a)  Décret. 

«l'ancienne  Loi,  quand  on  faifoit  le  dénombrement  des  armées  o*Jjh%.  *er 

nd'Ifraël,  les  Lévites  n'y  étoient  pas  comptez.  Car  c'efl:  ainiî  que  totum. 

»  le  Seigneur  Pavoit  commandé  à  Moïfe  :  Ne  faite  s  point  le  dènom- 

»  brement  de  la  Tribu  de  Zévi ,  ejrnen  rnar que zj> oint  le  nombre  avec 

»>  celui  des  En  fans  d'ifraèlîmais  ètabliffez,-le$ pour  avoir  foin  du  Ta- 

»  bemacle  (b).  Et  dans  la  nouvelle  Loi  J.  C.  a  dit  à  St.  Pierre  :  Re-    ^  ^9m-  j. 

y*  mettez^votre  épée  en  fon  lieu(c).  St.  Paul  dit  auffi  à  Timothée  49-  Je  me 

»  quil  ne  faut  pas  que  V  Eve  que  foit  violent  &  prompt  a  frapper  (d).  Il  ^  je  p^£ 

fèmble  en  effet  que  ces  Eccléfîaftiques  qui  fourmilloient  dans  ces  Royal. 

armées  fuflent  autant  d'oifeaux  de  mauvais  augure,  qui  portoienc  x^xvmz** 

le  malheur  par  tout  ;  comme  on  va  le  voir  dans  cette  dernière  faji.f*»»**. 

occafion.  ™#  cf1' 

1  <    •     1         r  '      t         \  L.  VI.D.X44. 

1 1.  Quand  les  troupes  Impériales  furent  arrivées  a  cette  partie     RUfe  de 
de  la  Forêt  noire  (e) ,  qui  entoure  la  Bohême,  on  y  fit  alte  pen-  suerre  dc 
dant  quelques  jours  pour  délibérer.  Comme  on  avoir  appris  que  [c)Syiv*Her- 
toute  la  Bohême  étoit  en  armes  dans  le  deflein  d'aller  au  devant  «»«*• 
desAllemans,  &  que  d'ailleurs  ceux  qui  gardoient  les  frontières 
avoient  dreflé  de  tous  cotez  des  embuicades  dans  les  bois ,  on  ne 
jugeoitpas  à  propos  de  hazarder  toute  l'armée  à  la  fois.  On  en- 
voya donc  des  efpions  pour  mieux  s'aflurer  des  choies.  Ils  rappor- 
tèrent qu'à  la  vérité  les  Bohémiens  s'étoient  afïemblez  en  grand 
nombre  -}  que  même  ils  avoient  mis  le  liège  devant  Pilfen,  mais 
queladividon  s'étoit  jettéeentreeuxà tel  point,  que  les  Tabo- 
ritess'étoient  féparéz  de  ceux  de  Prague  ;  que  les  Orphelins  mé- 
ditoient  leur  retraite,  6c  que  la  plupart  s'étoient  déjà  détachez, 

Yy  ij 


356       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

143  I.    ^u6  ^e  refte  de  Tannée  ne  confifloit qu'en  des  ouvriers  &  des  paT- 

fans  mal  aguerris,  &  plus  propres  à  la  fuite  ,  qu'au  combat.  C'é- 

toit  une  rufe  de  guerre  dont  Procope  s'étoit  avifé  pour  amorcer  les 

Impériaux.  En  effet,  au  retour  de  Teina  où.  nous  l'avons  laiflé  ,  au 

lieu  de  fè  joindre  aux  autres,  il  s'en  alla  du  côté  de  Nepomuk  ,  ôc 

(a)  Dans  le  de  là  à  Pr^bram  (a)  &  à  Hofiomick3  &  perfuada  aux  Orphelins 

cercle  de      d'en  ufer  de  même  ,  atin  de  faire  croire  aux  ennemis  qu'ils  n'aeif- 

Padvverther.   _  .  .  x  o 

foient  pas  de  concert, 
les  impé-         III.  Sur  cette  faulîe  nouvelle  l'armée  hâta  fa  marche  chantant 
riaux  pren-    ]e  triomphe  avant  la  vi&oire.  Après  avoir  traverié  la  Forêt  noire  , 
nent  3  wtc.  ^  s»arrêté:ent  à  Tachau  fur  la  Mife  où  ils  avoient  déjà  échoué 
dans  la  dernière  expédition.  Ils  l'afîiegerent  pendant  quelques 
jours  inutilement ,  parce  que  Procope  avec  Ces  Taborites  &  les  Or- 
phelins accourut  au  fecours  de  la  garnifon  ,  &.  les  en  chafla.  Les 
Allemans  ayant  donc  pris  la  fuite  avec  précipitation  fé  répandi- 
rent dans  la  Bohême,  les  uns  du  côté  de  Tèplitz^,  les  autres  du 
côté  de  Taufch  dans  le  cercle  de  Pilfèn  3  mettant  tout  à  feu  &  à 
fang.  De  là  ils  allèrent  camper  à  Rifemberg  ,  château  fitué  fur  une 
haute  montagne  >  mais  ayant  appris  que  tous  les  Bohémiens  réu- 
nis avançaient  vers  eux  à  grandes  journées ,  &.  que  leur  prétendue 
défunion  n'écoit  qu'une  teinte ,  laids  d'une  terreur  panique  ils 
prirent  la  fuite  honteufement  fans  coup  ferir  3  6c  presque  fans 
avoir  vu  l'ennemi.  L'épouvante  fut  fi  grande ,  qu'ayant  oublié  par 
où  ils  étoient  venus ,  ils  fè  difperferent  çà  &  là  comme  ils  purent. 
Le  Duc  de  Bavière  fur  un  des  premiers  à  fuir  ,  laiilant  tous  (es  ba- 
gages pour  amufer  l'ennemi.  L'Electeur  de  Brandebourg  en  fit  de 
même ,  &  h  fauva  dans  la  forêt  par  Frawenberg  :  toute  l'armée  fe 
débanda  dételle  forte  qu'il  n'y  eut  pas  moyen  de  la  rallier. 
Hsranguediï       IV.  Le  Cardinal  voulut  le  faire  inutilement  par  cette  harangue. 
Cardmaïaux  x  Te  fais  far;)ris    leur  dit-il ^  que  de  fî  vaillants  hommes  .  &:  des  en- 

troupes»  -i  »  *  , 

«fans  (1  obéilîans  à  l'Eglife  mettent  bas  les  armes  &  prennent  fî 
«honteufement la  fuite  dans  une  fi  urgente  néceflité.  De  quelle 
«nature  efb  cette  guerre  3  &  quel  en  effc  le  motif  ?  S'agit-il  d'un 
»  Royaume  ou  de  quelque  intérêt  temporel  ?  Non,  non  5  il  s'agit 
«de  votre  ftinte  Religion,  de  l'honneur  dej.  C.  &de  fafainte 
«Mère,  du  falut  &  du  bonheur  éternel  de  chacun  de  vous.  Que 
«  diroient  vosancêtres ,  ces  braves  Allemans ,  fi  revenant  au  mon- 
«  de  ils  voyoient  leurs  neveux  prendre  la  fuite  contre  un  feul  enne- 
»  mi ,  &;  même  fans  l'avoir  vu  !  Qu'eft  devenue  cette  confiance  Al- 
»  lemande ,  fi  v  antée  par  tous  les  Hiftoriens  2  o  honte  !  ô  infamie, 


ET  DU  CONCILE  DE   BASLE.  Liv.  -jrvi.  357 

»  la  plus  grande  qui  fût  jamais  !  Il  eue  mieux  valu  mourir  mille     1a*  I( 

»  fois ,  que  de  fuir  un  ennemi  abfenc ,  &  qui  n'étoit  point  encore  à 

«nos  troufTes.  Mais  je  vous  prie,  où  prétendez-vous  aller?  Vous 

»  fuyez  la  Bohême  j  mais  la  Bohême  nous  pourfuivra  ,  ôc  nous  ex- 

»  terminera  dans  les  lieux  de  nos  retraites.  Que  ferez  -  vous  alors  ? 

»  où  feront  les  murailles  qui  pourront  vous  mettre  à  couvert?Non , 

»  non ,  ce  ne  font  point  les  murailles ,  ce  font  les  armes  qui  défen- 

»denc les  hommes,  &c  fi  vous  ne  vous  défendez  avec  bravoure  ôc 

«honneur  ,  vous  ne  pouvez  attendre  que  la  mort ,  ou  une  capti- 

>'  vite  plus  cruelle  que  la  mort.  O  Allemagne ,  ô  Allemagne  !  hé- 

»las,  feras-  tu  ainfï  opprimée  ?  N'enfanteras- tu  plus  des  courages 

"intrépides  ?  On  a  vu  des  payens  aveugles,  du  nombre  defquels 

»  étoient  vos  ancêtres  ,  mieux  combattre  pour  des  idoles  muettes, 

»  que  vous  ne  faites  pour  la  gloire  de  J.  C.  le  Fils  du  Dieu  tout  puif- 

»fant,  qui  eft  devenu  votre  frère,  6c  de  fa  très-chere  Mère.  Fai- 

»tes-y  bien  réflexion.  Que  diroient  les  Ariovijles  ,  les  Tuifcons, 

»  les  Arminius  s'ils  étoient  préfens  ?  O  mes  chers  enfans  ,  montrez- 

»vous  hommes,  &  prenez  courage  ;  allez  recevoir  vaillamment 

»les  ennemis  -,  n'êtes- vous  pas aufïï  en  état  de  vous  bien  battre 

»  qu'eux  ?  Mais  que  dis- je  ?  Il  ne  faut  que  vous  faire  fouvenir  de  vos   faj  ^neas 

«fermens ,  car  je  ne  crois  pas  que  vous  voulufîïez  vous  parjurer  par  sylv-  cap. 

«une  fuite  fi  flétriffante(a)»."^£'?2^j  Sylvius  prétend  que  cedif-  7heoy    ' 

»  cours  ne  fît  nulle  impreffion  fur  le  foldat  épouvanté.  lxxvi. 

V.  Cependant  Thcobald  témoigne  qu'il  releva  le  courage  de  L'Armée  fe 
l'armée,  &  qu'elle  s'alla  camper  encore  unefoisàRifemberg  dans  ra.llic  '  &fre" 
le  deflein  d'attendre  l'ennemi.  Mais  à  fon  arrivée  une  fi  grande  te.  ™ 
frayeur  faifit  encore  les  Allemands,  que  tout  prit  la  fuite.  Ils  per- 
dirent dans  cette  occafion  onze  mille  hommes,  oc  il  y  eut  fept 
cens  prifonniers.  Tout  le  bagage  &  toutes  les  munitions  de  guerre 
ôc  de  bouche  relièrent  aux  Bohémiens.  Ils  prirent  240  chariots, 
dont  il  y  en  avoit  plufieurs  chargez  d'or  &  d'argent  ,ôc  fur  tout  le 
vinnemanquoit  pas.  Les  Allemands  laiiïérent  fur  la  place  cent 
cinquante  gros  canons ,  ôc  les  Bohémiens  ayant  mis  le  feu  aux  pou» 
dres ,  il  fe  rit  un  fi  terrible  bruit ,  que  les  fuyards  doublèrent  enco- 
re le  pas ,  fur  tout  le  Duc  de  Bavière  qui  avoit  été  des  premiers  à 
prendre  la  fuite.  C'etoit  un  fpectacle  lamentable  &  rifible  tout  en- 
semble ,  de  voir  ces  pauvres  Phaêtons  courir  à  bride  abattue  avec 
leurs  chariots ,  fi  entrelaflez  les  uns  dans  les  autres,  qu'on  ne  fça- 
voit  où  on  alloit.  Ils  arrivèrent  dans  cet  état  à  Ratisbonnc ,  où  ils 
portèrent  leur  épouvante.  Cette  ville  s'étoit  tellement  épuifée  à 

Y  y  iij 


3  5 s  HIST-  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1431.  fournir  aux  frais  de  cette  guerre ,  qu'elle  en  fouffrit  pendant  long- 
temps. Cependant  comme  on  croyoit  avoir  toujours  les  Bohé- 
miens à  dos ,  il  falloir  encore  qu'elle  fe  conftituât  en  de  nouveaux 
frais  pour  fe  fortifier.  Le  Cardinal  perdit  dans  cette  occafïon  la 
Bulle  du  Pape,  fon  chapeau  &  fon  habit  de  Cardinal ,  fa  croix  6c 
tyuhfup.  fa  clochette.  Tout  cela  refta  à  Taufch  long-temps _,  félon  le  témoi- 
p?477.        gnage  de  Theobald  (a)  &  de  Balbin  (b). 

DiverfcsRé-      V*-  °n  PeuC  iLl£er  <*e  l'étoûBemenc  de  tout  le  monde  à  la  vue 
îkxions  fur   d'une  victoire  fi  éclatante  d'un  côté ,  &  d'une  déroute  fi  fubite  &  Ci 
cette  défaite.  honceufe  de  l'autre  (c).  Chacun  en  cherchoit  les  raifons  félon  fon 
va  le  14.       génie^les  uns  l'attribuant  à  quelque  trahifon,  les  autres  à  la  frayeur 
d'Août.        toute  pure  5c  à  la  pufillanimité  des  Allemands ,  tous  à  la  valeur  in- 
vincible des  Bohémiens  dont  le  nom  feul  faifoit  tout  trembler.  Ce 
fut  le  jugement  des  Pères  du  Concile  de  Bafle  dans  un  décret  de  la 
troifîéme  Sefîion  (1).  Voici  la  réflexion  que  fait  la-deflus  Cochlée. 
Qui  l'auroit  cru  qu'une  armée  de  40000.  cavaliers  Allemands  eut 
-pu  -prendre  la  fuite  fi Soudainement  l  Je  ne  crois  pas  qu'aujourd'hui  le 
Turc  lui-même ,  ce  tyran  (îpuifjant  par  un  Jt  grand  nombre  de  Royaumes 
&  de  Provinces  qu'il  foffe de  3  osât  combattre  une  armée  Allemande  de 
40  000.  chevaux.  Il  ri  y  a  guère  s  que  deux  ans  (  2  )  qu'il  riofafe  com~ 
mettre  avec  notre  Empereur  Charles- Quint ,  quoiqu'il  ri  eut  pas  tant  de 
(d)  ubifup,  cavalerie  Allemande  (d).  D'autres  imputoient  cette  défaite  à  l'Em- 
pereur lui-même ,  qui  ne  defefpérant  pas  de  recouvrer  la  Bohême 
par  d'autres  voies ,  n'étoit  pas  fâché  que  l'armée  allât  lentement 
en  befogne,  pour  épargner  le  Royaume.  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'en:  que  l'Empereur  ne  parut  point  directement  dans  cette  ex- 
pédition. Tout  s'y  fît  par  ordre  de  Julien.  Ce  fut  ce  Cardinal  qui 
(e)Ger.  s»,  engagea  l'Archiduc  d'Autriche  à  fe  joindre  à  lui  (e).  Enfin  la  def. 
f|ûftiyAuft"   union  des  Princes  put  bien  être  une  des  caufes  de  leur  défaftre. 
1  jo.  Comme  l'Electeur  de  Saxe  étoit  un  des  plus  intéreflez  à  cet  évé- 

nement ,  de  quelque  manière  qu'il  tournât ,  les  autres  Princes  lui 
avoient  demandé  de  les  dédommager  des  pertes  qu'ils  pourroient 
faire  dans  cette  guerre ,  menaçant  de  fe  retirer  s'il  le  refufoit.  Il  le 
refufa  pourtant ,  en  alléguant  pour  prétexte  que  cette  guerre  ne  fe 
faifoit  point  pour  fa  caufe  particulière,  mais  pour  celle  de  tout 
l'Empire  &  de  la  Religion  (3  ).  Ce  qui  apparemment  leur  fît  dès- 
lors  prendre  la  réfolution,  ou  de  fe  retirer,  ou  d'agir  mollement, 

(1  )  Qna  Det  ocoulto  jitdicio  bells  phiries  attentetta  non  pottttt  fttperari. 
(2 )  En  1  £  3  2.  Le  Livre  de  Cochlée  fut  imprime  en  1 5  4P- 

($)  On  a  vûci-ddïus  la  même  demande  &le  même  refus  dans  une  autre  occafïon.  Iheob, 
tibi  fupr. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.i^V.  JfVl.  359 
&  de  ne  rien  hazarder.  En  effet  on  trouve  qu'au  retour  de  cette  143  1. 
malheureufe  expédition  ,  la  noblefl'e  Allemande  en  rejetta  toute 
la  faute  fur  les  Princes  ,  &  déclara  même  que  fi  on  vouloit  lui 
fournir  les  fubfides  néceflaires,  elle  étoit  prête  à  retourner  en 
Bohême ,  bien  refolue  d'y  vaincre  ou  d'y  mourir  j  mais  à  condition 
qu'aucun  Prince  n'auroic  le  commandement  de  l'armée,  &:  qu'elle 
auroit  la  liberté  de  le  choifir  un  chef  (a).  £p  #J%  ;^ 

VII.  L'Archiduc  qui  s'étoit  retiré  en  Autriche  en  attendant  L'Archiduc 
le  Cardinal ,  ayant  appris  qu'il  étoit  entré  en  Bohême,  s'avança  ^dultUMo- 
pour  le  foutenir.  Il  avoit  même  déjà  mis  le  fîége  devant  cette  pla-  ravie. 

ce  frontière  de  la  Bohême  où  étoit  mort  Ziska  (b).  Mais  appre-  (b)Prohif 
liant  la  fuite  du  Cardinal,  il  retourna  en  Moravie  pour  achever  ' 
la,  conquête  de  cette  province,  où  l'on  ne  reconnoiiloit  pas  en- 
core par  tout  fon  autorité  ,  parce  qu'il  y  avoit  beaucoup  de  Huf- 
iites.  Comme  il  avoit  une  bonne  armée  toute  fraîche,  il  prit  &c 
pilla  quelques  villes ,  brûla  environ  cinq  cens  villages ,  ravagea  la 
campagne ,  &  réduiflt  la  Province  à  une  telle  extrémité ,  que  tout 
fut  obligé  de  fe  rendre.  Les  plus  opiniâtres  demandèrent  pardon, 
&  promirent  de  fc  foumettre  aux  décidons  du  Concile  de  Bafle 
fur  la  religion.  On  a  remarqué  dans  l'Hiftoire  d'AuHche,  que 
ce  Prince  fut  le  feui  qui  fit  paffablement  Ces  affaires  dans  cette 
occafïon.  On  difoitmême  que  quoiqu'il  eût  fort  incommodé  les 
Huffites  de  Bohême  &  de  Moravie ,  ils  étoient  moins  irritez  con- 
tre lui  que  contre  les  autres  Princes  d'Allemagne ,  parce  qu'en 
qualité  de  Duc  de  Moravie  il  avoit  plus  fujet  de  leur  faire  la  guer-  (c)  Rog  uhi 
re  3  &  qu'il  s'y  étoit  conduit  en  homme  de  cœur  (c).  fuP- 

VIII.  Cependant  comme  il  apprit  que  Procope  le  -petite  avec  Expédition 
les  Orphelins  &  une  partie  des  Taborites ,  s'avançoit  à  grands  àe  Procope  u 

r  1  .  *  >v  ».  .     petit  en  Mo- 

pas  vers  la  Moravie,  il  le  retira  en  Autriche,  après  avoir  mis  rav;e,&en 
garnifon  dans  les  principales  villes.  Procope  le  petit  arriva  en  effet,  Autriche. 
&  pour  venger  [es  Taborites ,  il  fe  jetta  avec  fureur  fur  les  ter- 
res de  ceux  qui  avoient  favorifé  Albert.  De-là  il  palîa  en  Autri- 
che, où  il  fouragea  tout  jufqu'au  Danube,  d'où  il  remporta  un 
prodigieux  butin.  De  retour  en  Moravie,  il  eut  dans  le  Gouver- 
neur de  cette  province  (d)  un  redoutable  ennemi  en  tête.  Ce  Gé-  (djKrxgirz* 
néral ,  pendant  que  Procope  étoit  en  Autriche ,  avoit  levé  un  bon 
corps  d'armée  dans  le  delîein  de  lui  préfenter  le  combat.  Il  y 
eut  en  effet  entre  eux  quelques  efearmouches ,  mais  peu  confîdé- 
rables.  Celle  qui  fe  donna  à  Brinn  (e),  fut  plus  opiniâtre  :  mais     ^  Aufrc- 
il  ne  s'y  paffa  rien  de  décifif.  L'avantage  fut  égal  départ  &  d'au- mc^  t™*** 


143 1 


(a)  C^ecbor. 

ubifup.p. 

5*4- 

Se&c  des 
Médiocres. 


360  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
tre  j  les  Orphelins  fe  retirèrent  dans  leur  camp  ,  6c  les  Moraves 
dans  la  ville.  Cependant  Procope  harcelé  par  Kraprz^,  jugea  à 
propos  de  décamper  pour  aller  dans  la  province  d'Olmutz,  où 
il  prit  &  pilla  plufieurs  villes  &  châteaux  ,  jufqu  à  Olmutz  même 
dont  il  brûla  les  fauxbourgs  (a). 

IX.  L'Hiftorien  de  Moravie  raconte  qu'environ  ce  temps-là 
il  s'éleva  dans  cette  province  une  nouvelle  fe&e  fous  le  nom  de 
Médiocres.  Ils  foutenoient  qu'il  ne  falloir  donner  aux  Seigneurs 
que  le  revenu  de  leurs  terres  ;  que  les  fujets  ne  dévoient  point  por- 
ter d'autres  charges,  6c  qu'on  ne  pouvoir  les  y  contraindre.  Ils 
étoient  pour  la  Communion  fous  les  deux  efpeces.  Ils  s'étoient  at- 
troupez juiqu'à  quatre  mille  renforcez  par  les  payfans ,  qui  fe  plai- 
gnoient  des  charges _,  des  corvées  6c  des  contributions  que  leurs 
maîtres  exigeoient  d'eux.  Ils  commencèrent  leurs  hoftilitez  par 
le  diftrict  de  Brinn  ,  où.  ils  mirent  tout  à  feu  6c  à  fang  fur  les  ter- 
res des  Gentilshommes.  L'Archiduc  vint  pour  foutenir  ces  der- 
niers, &  di(Tipa  ces  mutins  dès  la  première  attaque.  Les  uns  furent 
tuez ,  les  autres  faits  prifonniers  5  le  refte  fe  retira  dans  les  bois  ou 
dans  les  villes  qui  leur  étoient  favorables. 

X.  Dans  ce  même  temps  Procope  le  Grand  prit  la  route  de  la 
Siléfie  ,  où  après  avoir  fait  lever  le  fîége  de  Nimpch,  formé  par  les 
Siléfiens ,  il  alla  avec  quelques  Seigneurs  de  fon  parti  dans  le  Du- 
ché de  Troppau  (1).  La  cavalerie  du  Duc  Wenceflas  ayant  d'a- 
bord été  taillée  en  pièces ,  ou  mife  en  fuite ,  les  Taborites  s'em- 
parèrent fins  difficulté  de  la  ville  deTroppau ,  &  de  la  forterefle 
où  il  n'y  avoir  qu'une  foiblejgarnifon^qui  fut  pafîée  au  fil  del'épée. 
Après  avoir  tout  pillé ,  cette  ville  6c  cette  forterefle  furent  mifes 
en  cendres.  On  peut  juger  de  la  douleur  du  Duc.,  qui  n'étant  qu'à 
quelques  lieues  de  là ,  voyoit  la  fumée  de  cet  incendie  fans  pouvoir 
y  remédier,  parce  que  la  campagne  étoit  remplie  des  troupes  Ta- 

(b)KH?  borites.  Cependant  un  Seigneur  (b)Siléfien  dont  on  vante  beau- 
m-Tna.dC     coup  la  noblefleôc  la  valeur,  ayant  amaflé  un  petit  corps  de  1700 

hommes  dans  la  province  de  Ratibor ,  fit  retirer  ces  incendiaires. 

LcsdcuxPr*.      XL  Les  deux  Procopes  joignant  enfuite  leurs  forces,  entrèrent 

cyf;voAt  en  en  Hongrie  avec  leurs  troupes.  Ils  reprirent  d'abord  Broda  (2)  en 

chemin.  De-là  ils  allèrent  prendre  &  piller  la  ville  de  M oder.  Il  y 

a  une  ville  appellée  Turnau  (3)  qu'ils  n'oférent  attaquer  3  parce 


Courfe  de 
Trocope  le 
Grand  en  Si 
iciie. 


(  1  )  Autrement  Oppava  a  caufe  de  la  Rivière  de  ce  nom. 
(z)  Il  y  a  deux  Villes  de  ce  nom  en  Bohême,  en  Moravie  Se  ea  Hongrie. 
(})  Dans  le  diftriû  de  Boleflau. 


qu'elle 


ET  DU  CONCILE  DE  BAS  LE.  Liv.  XVI.  361 
qu'elle  étoit  très-bien  défendue.  Mais  ayant  paiïe  la  rivière  de  ce  j  *>>  lt 
nom ,  ils  gagnèrent  un  païs  très-fertile ,  où  ayant  mis  en  fuite  les 
habitans,  ils  s'enrichirent  de  leurs  dépouilles.  Ces  pauvres  gens 
ayant  pafle  le  lVag,te  défendoient  à  coups  de  flèches  de  l'autre 
côté  de  cette  rivière  >  mais  Procope  le  Grand  les  en  chafla  à  coups 
de  pierres  qu'il  faifoit  jetter  avec  des  frondes  6c  d'autres  machines, 
&  ayant  paffe  la  rivière  de  ce  nom  3  il  repoulïa  les  payfans  dans  les 
marais  voifins.  Ainfi  maîtres  du  pais,  ils  s'arrêtèrent  à  Nitria , 
ville  fur  la  rivière  de  ce  nom.  Procope  n'ayant  pu  prendre  cette  vil- 
le ,  trop  forte  par  fa  fituation }  fe  contenta  de  tirer  contre  la  place 
une  de  ces  grandes  machines  de  guerre,  que  ceux  de  Gratz  qui 
l'accompagnoient,  avoient  amenée  avec  eux  comme  pour  infulter 
la  garnifon.  Après  avoir  porté  la  terreur  6c  la  défolation  par  tout 
entre  les  rivières  de  Wag  6c  de  Gran  ^  ils  tournèrent  vers  le  nord 
de  la  Hongrie ,  où  ils  exercèrent  les  mêmes  hoftilitez  dans  les  vil- 
les 6c  à  la  campagne.  Mais  étant  furvenu  quelque  difienfion  entre 
les  Orphelins  &  les  TaboriteSj  ils  fe  féparérent.  Procope  le  Grand 
tira  vers  la  Moravie  du  côté  de  Broda  (1).  Procope  le  petit  avec 
quelques  autres  Officiers  que  Procope  le  Grand avoit  amenez  en  Su 
léfie_,  s'arrêta  en  Hongrie  à  llava  avec  un  corps  d'environ  fepe 
mille  hommes  d'infanterie  3  &  trois  cens  chevaux. 

XII.  Cependant  les  Grands  de  Hongrie  animez  par  les  fortes  Avantage 
follicitations  du  Palatin  de  Hongrie  à  vanser  leurs  pertes .  réfo^  ?esHonsror$ 

1  i»  1      t>    1  a      •  Y  1       &  •      l  ,  ?  furlesBohê- 

lurent  d  attaquer  les  Bohémiens.  Ayant  donc  appris  qu  une  bonne  miCUS. 
partie  s'étoit  retirée  3  6c  que  l'autre  couroit  la  campagne  aux  envi- 
rons à'Ilavâ,  Ils  y  allèrent  en  toute  diligence  avec  une  armée  de 
plus  de  dix  mille  fciqrnmes.  Comme  le  Palatin  étoit  vieux  6c  ca(Té , 
il  confia  cette  expédition  au  Gouverneur  (a)  de  ce  diftrict.  D'à-  (a)N/«/*f 
bord ,  de  peur  que  les  ennemis  ne  fe  rctiraflènt  fur  l'avis  de  fa  mar-  Rtt£m* 
che ,  il  s'avança  du  côté  de  Trenczjn  ville  fur  le  Wag.  Les  Orphe- 
lins qui  étoient  de  l'autre  côté  de  la  rivière,  apprenant  que  RoXc 
von  étoit  à  Trenczj.n  pour  leur  en  empêcher  le  paflage ,  cherchè- 
rent à  fe  mettre  en  fureté  afin  de  fauver  leur  butin.  Ils  parlèrent 
en  effet  la  rivière  3  non  fans  de  grandes  allarmes  6c  de  grandes 
difficultez.  Us  furent  à  la  vérité  pourfuivis  parles  Hongrois  des 
le  grand  matin  -,  mais  Procope  s'étoit  fi  bien  retranché  fur  une  hau- 
te montagne  avec  [es  chariots  6c  des  abattis  de  bois  ,  qu'on  n'ofa 
pas  l'attaquer,  quoique  les  Hongrois  euffent  une  bonne  armée. 
Ceux-ci  firent  donc  mine  de  vouloir  reculer  pour  engager  Pre~ 

.  (1)  La  Ville  de  ce  nom  en  Moravie  s'appelle  llntiftt  Brtda. 

Tom.  I.  Zz 


36i        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

'iA.%  i.  C0Pe  à  &  retirer  dans  la  plaine,  où  ils  efpéroient  remporter  une 
pleine  victoire  avec  leur  cavalerie.  C'eft  ce  qui  ne  manqua  pas. 
Procope  s'imaginanc  que  les  Hongrois  avoient  décampé  ,  éc  qu'ils 
ne  reviendroient  pasàcaufe  du  froid  extraordinaire  qu'il  faifoic 
alors  3  prie  le  chemin  de  Broda  par  l'endroit  où  ils  s'étoient  retirez 
pour  l'attendre.  Auflî-tôtil  leur  livra  bataille.  Le  combat  fut  fan- 
glant  j  mais  la  victoire  fe  déclara  pour  les  Hongrois.  Les  Orphe- 
lins prirent  la  fuite  après  s'être  défendus  comme  des  lions  :  Procope 
s'étant  fait  patfage  î'épéeàla  main  gagna  fain  &  faut"  Broda.  La 
plûpajt  de  ces  pauvres  fugitifs  périrent  miférableinent  y  les  uns  de 
froid  y  les  autres  furent  fubmergez  j  plusieurs  furent  maftacrez  par 
les  montagnards  appeliez  Valaques.  Ceux  qui  purent  échapper 
\  Ct(chgr    s'en  retournèrent  en  Bohême  auiîl  bien  que  les  Taborites  3  qui 

ubifup.  pag.  avoient  été  piller  en  Autriche  au  nombre  d'environ  4500.  non 

$63. 570.     fans  percjre  beaucoup  de  monde  (a). 

Lettre  de  XIII.  Le  Cardinal  Julien  de  retour  à  Nuremberg  fit  à  l'Empe- 
rEmpereur  reur  ^e  grandes  plaintes  des  Princes  Allemans  qui  l'avoient  (I  lâ- 
mien*.  chement  abandonne.  Ne  voyant  point  d'autre  reiiource  pour  ve- 
nir à  bout  des  Bohémiens  3  ils  convinrent  enfemble  de  les  appeller 
au  Concile,  pour  tâcher  d'y  terminer  l'affaire  par  compofition. 
L'Empereur  pour  les  y  difpofer  leur  écrivit  cette  lettre  fort  gra- 
cieufe.  »  Nous  avons  appris  qu'il  s'eft  répandu  des  bruits  en  Bohê- 
»me,  qu'étant  à  Egre  nous  avions  commandé  à  notre  armée 
»  d'entrer  inceflamment  dans  ce  Royaume,  Ôc  d'y  mettre  tout  à 
»  feu  &  à  fang  ,  fans  diftin&ion  d'âge  ni  de  fexe  ,  mais  il  faut  que 
»  vousfeachiez  qu'une  telle  penfée  ne  nous  eft  jamais  venue  dans 
«l'efpritj  non  pas  même  en  dormant.  Vous  ne  fçauriez  ignorer 
»  que  dès  le  commencement  jufqu'à  cette  heure  ,  notre  intention 
»  a  toujours  été  de  rétablir  la  paix  &  la  tranquillité  dans  le  Royau- 
»me,  comme  tous  ceux  qui  fe  font  mêlez  de  cette  négociation 
3' peu  vent  vous  en  rendre  témoignage.  Vous  avez  pu  comprendre 
«aufîipar  les  leetres  que  nous  vous  écrivîmes  allez  à  temps,  que 
»  nous  n'envoyions  qu'à  regret  les  troupes  auxiliaires  en  Bohême, 
»&  dans  la  feule  vue  d'y  rétablir  l'ordre,  démettre  les  Provinces 
»à  couvert  d'infulte  ,  &  de  vous  réconcilier  avec  l'Eglife  Romai- 
>»  ne.  C'eft  pourquoi  nous  fouhaitons  que  vous  n'ajoutiez  aucune 
»  foi  à  ces  faux  bruits.  Nous  vous  exhortons  &  nous  vous  confeil- 
*  Ions  de  retourner  à  l'Eglife  Romaine  3  &  de  comparoîrre  au 
»  Concile.  Là  vous  trouverez  le  Révérend  Père  en  Dieu,  leSer- 
»  gneur  Cardinal  Légat  du  Pape  &  du  Siège  Apofiolique  avec  no- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  jrn.   363 

»tre  lieutenant  (vicarium  )  le  très-Illuftre&:  Séréniffime  Frideric     ia->  r, 

«  Marquis  de  Brandebourg  (  Brennoburgicum  )   que  nous  avons 

«chargé  de  protéger  tous  ceux  qui  viendront  de  Bohême  pour 

»  expliquer  leur  foi  ,  de  les  aider  &  de  les  foûtenir ,  de  confirmer 

r>  d'abord  tout  ce  dont  on  fera  convenu  ,  &  d'apporter  tous  (es 

»  foins  à  vous  faire  connoîcre  combien  votre  Roi  &  Seigneur  héré- 

y*  ditaire  eft  difpofé  à  vous  gratifier  en  toutes  chofes ,  ôc  à  avancer 

>»  vos  intérêts  ».  La  lettre  éd.  dattée  de  Nuremberg  le  1  8.  O&o-  uliçUp'**' 

bre  ,  &  contrefignée  Gafpar  Slich  (a).  lxxvil 

XIV.  Dès  le  même  mois  les  Bohémiens  répondirent  en  ces  Réponfc  des 
termes.  »  Nous  les  Seigneurs ,  les  Chevaliers  ,  les  Villes  &  les  Etats  Bohémiens  à 
»  féculiers  &  eccléfîaftiques  de  Bohême  faifons  fçavoir  à  votre 
»  Augufte  Majefté ,  que  nous  avons  appris  par  les  députez  que 
»  nous  envoyâmes  à  Egre  à  la  réquisition  de  votre  Augufle  Majefté 
»pour  tranfigeramiablement,  mais  nous  avons  compris  auflî  par 
*»  les  propres  lettres  ,  que  votre  Majefté  mal  instruite par  les  Ecclé- 
»  fiaftiques  contre  lefquels  nous  nous  défendons  avec  vigueur  &: 
»  avec  confiance.,  eft  portée  par  leurs  inftigationsà  empêcher  que 
»  cette  divine  vérité  que  nous  propofons,  ne  foit  annoncée  à  qui 
»  que  ce  foit  ,  &:  qu'elle  n'a  point  d'autre  vue  que  de  nous  en  déta- 
»  cher ,  pour  nous  unir  à  PEglife  Romaine.  C'eft  ce  qui  fit  retirer 
»  nos  députez ,  &c  qui  nous  a  empêché  d'entendre  à  aucune  négo- 
»  ciation.  Car  les  loix  divines  ëc  humaines  nous  défendent  éçrale- 
ornent  d'accepter  ce  parti.  Que  votre  Augufte  Majefté  ne  foin 
»  donc  point  furprife  que  nous  refufions  de  déférer ,  ni  à  votre  Au- 
3»  gufte  Majefté  elle-même,  niàl'Eglife  Romaine,  puifque  vous 
»  oppofant  X  la  volonté  de  Dieu  ,  vous  ne  voulez  pas  nous  procu- 
»  rer  une  audience  légitime ,  dans  le  défir  que  nous  avons  de  ren- 
»  dre  raifon  de  notre  foi.  Ce  n'eu:  pas  de  notre  propre  mouvement 
»  {nofira  curiojïtas  )  que  nous  nous  trouvons  réduits  â  cette  honnête 
*»  defobéïftance  (bonefla  inohedientia.*)  C'eft  par  ordre  de  Saint 
»  Pierre  lui-même  qui  nous  apprend  qu'il  vaut  mieux  obéira  Dieu 
»  qu'aux  hommes.  C'eft  pourquoi  nous  notifions  à  tous  ôcàcha- 
»cun,  que  puifqu'à  lafollicitation  des  Eccléiiaftiques  qui  préfé- 
•  rent  leur  volonté  à  celle  de  Dieu  ,  on  nous  veut  contraindre  à 
•» une obeïfîance illégitime,  nousfommes  réfolus  de  nous  défen- 
se dre,  appuyez  fur  le  fecours  de  Dieu.  A  Prague  au  mois  d'Oc-  ,,-.«.. 
*tobrei43i.(b).  Lettredu 

X  V.  Le  Pape  Eugène IJ7.  avoit  donné  deux  commifîîons  fort  cardinal  yL 
oppofees  au  cardinal  Julien  ;  l'une  de  le  mettre  a  la  tête  de  la  croi-  /«»  aux  Bo- 

Z  zij 


364      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
j  ,,  j     fade  contre  lesHufîites,  l'autre  depréfider  en  fa  place  au  Con- 
cile de  Balle.  D  es  qu'il  y  fut  arrivé ,  il  écrivit  aux  Bohémiens  pour 
les  y  inviter  par  mille  démonftrations  d'amitié  &  de  charicé ,  leur 
promettant  toute  forte  de  liberté.»  Il  vous  fera  permis,  dit-il,  à 
«tous  de  dire  librement  vosfentimens  fur  la  religion,  de  conful- 
»  ter  &  de  propofer  des  expédients. . .  Nous  avons  appris  que  vous 
»  vous  êtes  fouvent  plaints  de  ce  qu'on  ne  vouloit  pas  vous  accor- 
»  der  une  audience  telle  que  vous  la  demandez.  Ce  fujet  de  plain- 
»  te  cefïera  déformais.   On  vous  entendra  à  l'avenir,  pubiique- 
»  ment  &  autant  de  temps  que  vous  le  fouhaiterez.  C'eft  pourquoi 
»  nous  vous  exhortons,  prionsôc  fupplions  de  tout  notre  cœur  ô£ 
»  de  toute  notre  ame, au  nom  du  Saine  Efprit ,  de  ne  point  différer 
»  à  entrer  parcette  belle  ^.grande  porte  qui  vous  elt  ouverte,  &  de 
»  venir  en  toute  confiance  au  Concile.  »  Quoique  nous  ayons  pour- 
»  vu  à  la  fureté  &  à  la  liberté  de  tout  le  monde  j  cependant  de  peur 
»>  que  vousnefoyez  retenus  par  quelque  défiance,  nous  fommes 
»  prêts  à  vous  donner  un  faut-conduit  plein  ôc  (urEiant  pour  venir  s 
»  pour  demeurer,  pour  vous  en  retourner,  &  nous  vous  accor- 
»  derons  au  nom  de  l'Eglife  univerfelle ,  tout  ce  qui  pourra  contri- 
»  buer  à  la  fureté  &  à  la  liberté  de  vos  députez.  Nous  vous  prions 
»  au  refte  de  les  bien  choifir ,  ôc  d'envoyer  des  gens  pieux  ,  doux  y 
» confeientieux ,  humbles  de  cœur  ,  pacifiques,  desintereflez  & 
=»  qui  chériffentla  gloire  de  Jelus-Chriit ,  &  non  la  leur  ».  Cette 
lettre  eft  dattée  du  i  5.  d'Octobre.  Elle  fut  portée  à  l'Empereur 
quiétoit  alors  à  Feld  Kirche  dans  le  Tirol ,  allant  à  Rome  pour 
le  faire  couronner.   Les  porteurs  étoienc  Jean  Gelhufe  moine  de 
l'Abbaye  de  Molebrunen  Suabe,  &.  HamanOffenbourg  conful  de 
Balle.  L'Empereur  envoya  cette  lettre  à  Egre  avec  ordre  de  la 
faire  tenir  à  Prague.  Nous  en  verrons  le  fuccès  l'année  prochai- 
ne. 
Conférence       XVI.  Cependant  les  Bohémiens  marchoient  toujours  leur 
dcsHuffite*  train.   Un  Auteur  Polonois  (a)  de  ce  fiécle-là  nous  apprend  qu'ils 
fvec  j!r?r allé rent cette  année  en  Siléiie.  où  ils  firent  mille  ravages  après 

tcurs  de  Cra-  3      .  or 

covîc.  avoir  pris  lavirlede  Glevitz  (ij,  fous  le  commandement  de  S igif- 

y  h  xi'T^ ' man<^  Coribut.  De  là  ils  envoyèrent  une  ambaflade  au  RoidePo- 
$7%- $79'     l°gne  cjuiétoit  alors  à  Korczjn  ,  au  retour  de  la  diette  de  Sendo- 
mir ,  pour  lui  demander  audience.   Comme  le  Pape  avoir  accor- 
dé à  ce  Monarque  la  permiflîon  de  conférer  avec  les  Bohémiens 
fur  la  religion  &  fur  la  pacification  des  troubles  de  Bohême  >  Se 

(  1  )  Dans  le  Duché  d'Oppcla.  > 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  XVI.    365 
que  l'Empereur  y  avoit  confenti,  il  ne  fît  aucune  difficulté  de  les     iazi. 
recevoir  à  Cracovie  (  1  ).  En  m  ême  temps  il  ordonna  aux  Dodeurs 
de  TUniverfité  de  cette  ville  die  fe  tenir  prêts  à  difputer  contre  les 
Bohémiens, &  à  défendre  la  foi  Catholique  j  mais  il  arriva  un 
contre-temps  qui  retarda  la  conférence.  C'eft  que  Coribut  avec  fss 
gens,  en  partie  Polonois,  en  partie  Bohémiens 3  alla  faire  une 
couriè  fur  les  frontières  de  Ho  ngrie  &  de  Pologne.  Croyant  trou- 
ver de  grands  tréfors  dans  une  Chartreufe  de  ces  quartiers  (2)  ils 
allèrent  s'y  jetteravec  fureur  &  s'emparèrent  de  tout  ce  qui  s'y 
trouva  j  mais  mal  contents  de  leur  butin  3  ils  s'en  vangerent  fur  les 
Moines  dont  ils  tuèrent  les  uns ,  Ôc  bleflerent  les  autres ,  &  emme- 
nèrent prifonnier  le  Prieur,  s'imaginant  qu'il  avoit  caché  les  tré- 
fors du  lieu.  Aufli-tôt  que  la  nouvelle  en  vint  à  Cracovie  3  l'Eve- 
que  de  cette  ville  (a)  amafîa  promptementun  bon  corps  d'armée,    (a) s*/»** 
&,  marcha  à  la  rencontre  de  ces  pillards  pour  leur  enlever  leur  bu- 
tin ,  ôc  délivrer  le  Prieur  vénérable  par  fon  grand  âge.  Mais  ayant 
appris  qu'ils  s'étoient  fauvez  avecleurproyeàG/^^,  il  s'en  re- 
tourna fort  mortifié  d'avoir  manqué  fon  coup. 

XVII.  Le  Roi  de  Pologne  fe  trouvai  Cracovie  à  peu  près  au  iffuede  cette 
temps  marqué  pour  la  conférence  3  accompagné  de  plufieurs  Pré-    on 
lats  Ôc  Barons.  Les  principaux  d'entre  les  Bohémiens  s'y  rendi- 
rent avec  fauf- conduit  du  Roi ,  Ôcentr'autresOrite,  un  Procope 
que  DlwiojJ  appelle  apofiat  de  l'Ordre  des  Frères  Mineurs ,  Pierre 
FAnglois  ,  Bycrd^ich  3  Guillaume  Koflka.  Les  Dodeurs  de  l'Univer- 
fité  etoient  en  grand  nombre  3  &c  on  peut  voir  les  noms  des  prin- 
cipaux dans  l'Auteur  allégué  ci-delTus.  La  conférence  dura  plu- 
fieurs jours  prefque  toujours  en  Polonois.  J'en  rapporterai  le  fuc- 
cès  dans  les  propres  termes  du  même  auteur ,  qui  parle  en  boa 
Catholique.»  Quoique  les  fidèles ,  dit-il  3  fufïent  animez  de  l'ef- 
»  prit  de  vérité ,  &  qu'au  jugement  des  Eccléfiaftiques  &.  des  Sé- 
»  culiers  les  hérétiques  fufïent  vaincus ,  ils  ne  voulurent  jamais  fè 
»  confefTer  tels.  C'eft  pourquoi  le  Roi  leur  parla  en  ces  termes  :  Si 
»  les  argumens  tirez  de  l'Evangile  &  de  l'Ecriture  Sainte  qui  vous 
»  ont  été  propofez  par  les  Dodeurs  de  mon  Univerfité  3  en  ma 
»  préfence  &  en  celle  de  mes  Prélats  ,  Princes  &  Barons  3  pour  re- 
»  futer  votre  fede  ôt  défendre  la  foi  Catholique  j  fi  ces  argumens 
»  n'ont  pu  vous  émouvoir ,  foyez  au  moins  touchez  par  des  exem- 
»  pies  réels.  Depuis  qu'abandonnant  la  foi  Catholique ,  vous  avez 

(i)  Environ  if.  jours  avant  Pâques. 
(î)  Lcd'nici,  ou  Val  de  Saint  Antohje. 

•     Z  z  iij 


3  66  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
i±x  i.  P  ^àiz  une  n°uvelle  fecle  par  la  fuggeftion  de  l'ennemi  du  genre 
*  humain,  votre  floriilant  Royaume  de  Bohême  eft  tombe  dans 
«  une  telle  décadence,,  que  vous  n'avez  plus  ni  Roi  ,  ni  Pontife  } 
»  ni  facrifice ,  ni  victimes  -y  l'Univeriite  de  Prague  ,  cette  fource 
»où  puifoient  toutes  les  nations ,  a  feché  j  les  Princes  6c  les  Ba- 
»  rons  ont  été  indignement  chaiîez  par  le  fer  de  leurs  efclaves  &,  de 
a>  leurs  ïujets  ,  on  a  brûlé  les  temples ,  infulté  &  déchiré  les  corps 
»  des  Saints ,  violé  les  Vierges ,  &  foulé  aux  pieds  tous  les  Ordres 
»  Religieux.  Tout  s'eft  exécuté  ,  non  par  confeil  6c  par  raifon, 
»  mais  par  violence  &  par  fureur.  S'il  refte  encore  quelques  gen- 
tilshommes &  quelques  barons  dans  la  bonne  voye,  ils  ont  été 
»  tellement  atterez  par  cette  foule  ruftique  qui  s'eft  emparée  de 
»  leurs  fortunes  6c  de  leurs  biens  3  qu'ils  ne  font  plus  en  état  de  fe 
»  relever  >  6c  de  prendre  les  rênes  de  la  République  pour  la  défen- 
se dre.  Prenez  exemple  de  moi.  J'étois  payen  d'origine ,  &  j'ai  été 
*>  converti  par  le  miniftere  des  Prélats  ôc  dçs  Barons  de  Poiogne  , 
»  auflîbien  que  de  plufieurs  Docteurs  de  Bohême  qui  fuivoient  ma 
«cour,  6c  je  fuis  demeuré  conftamment  dans  la  foi  qu'ils  m'onc 
*>enfeignée.  Je  vous  prie  donc  par  la  mifericorde  de  Notre  Sei- 
»  gneur  Jefus-Chrift  3  de  fuivre  la  même  foi ,  6c  de  recevoir  inftruc- 
»tion  du  Souverain  Pontife,  &  de  l'Eglife  Catholique,  fur  les 
»  articles  que  vous  défendez  avec  autant  d'opiniâtreté ,  que  de  té- 
»  mérité.  Votre  égarement  eft  déploré  de  tous  les  fidèles  ;  mais  il 
»me  paroît  encore  plus  déplorable  à  moi  ôc  à  mon  Royaume,  à 
?>  cauie  de  notre  voifinage  6c  de  notre  conformité  de  langue  ». 
Mon  Auteur  témoigne  que  tour  le  monde  fut  touché  de  ce  dif- 
cours,  à  la  réferve  des  Bohémiens,  qui  fans  s'émouvoir  donnè- 
rent pour  toute  réponfe ,  qu'ils  [uivoient  la  droite  voie  de  l'Evan- 
gile &  de  leurs  Pères ,  qui  avoit  été  ignorée  fendant  quelque  temps , 
mais  qui  s'étoit  recouvrée  de  leurs  jours,  &  qu'ils  étaient  refolus  d'y  pcr~ 
feverer  jufquà  ce  quilsfuffent  convaincus  du  contraire  ,  par  un  Concile 
gênerai  où  ils  eu/fent  la  liberté  de  défendre  leurs  opinions.  Ain (i  fe  paf- 
ia  cette  conférence  comme  la  plupart  des  autres ,  dont  il  eft  mal- 
aifé  de  fçavoir  l'ilîuë  faute  d'Hiftoriens  impartiaux. 
Sévérité  de  XVIII.  Les  Députez  de  Bohême  demeurèrent  encore  plu- 
ÇrlwVcon-  fieurs  jours  à  Cracovie.  Pendant  tout  ce  temps-là ,  le  culte  divin  y 
trelesHuffi-  fut  interdit  ;  l'Evêque  fut  obligé  d'aller  dans  un  monaftére  (a) 
l?z)CMr»  ^ors  clela  ville  pour  y  confacrer  le  Chrême  ,6c  pour  entendre  les 
tombe  ou  confeiïions.  Il  y  avoit  à  la  vérité  quelques  Séculiers  qui  n'ap- 
n^iih.       prouyoienepas  cet  interdit  dans  une  conjoncture  on  la  prédica- 


ET  DU  CONCILE  DE   BASLE.  Liv.  JTVI.  367 

tion  &  l'office  divin  auroienc  pu  ramener  les  Bohémiens.  Mais  1431; 
l'Evêque  &  le  Clergé  n'y  voulurent  jamais  confentir ,  regardant 
Cracovie  comme  un  lieu  devenu  profane  par  la  préfence  des  héré- 
tiquas.  De  force  que  Pâques  approchant,  le  Roi  fut  contraint 
d'envoyer  les  Bohémiens  à  Cafimir\  pour  pouvoir  fblemniferlafê- 
teàCracovie.  Les  Bohémiens  irritez  de  cet  affront  chargèrent 
l'Evêque  de  mille  malédictions  en  fe  retirant,  comme  contre  le 
principal  auteur  de  leur  expulfion.  Coribut  eut  même  là-deflus  de 
grottes  paroles  avec  ce  Prélat  dont  le  zèle  étoit  inflexible,  juf- 
qu'à  le  menacer  de  le  tuer,  &  de  porter  le  fer  2c  le  feu  dans  tout 
fon  diocêfe.  Non  feulement  les  Bohémiens  avec  Coribut  fe  dé- 
chaînèrent contre  l'Evêque  3  mais  ils  n'épargnèrent  pas  même 
Saint  Stanijlas  (1)  patron  delà  ville.  Ils  fe  difpofoient  en  effet  à 
exécuter  leurs  menaces  dès  qu'ils  auroient  rejoint  leur  monde  à 
Glevitzj,  mais  ils  y  trouvèrent  les  chofes  bien  changées.  Pendant 
qu'ils  négocioient  à  Cracovie  3  Conrad  dit  le  Blanc  3  duc  d'Olfen  , 
reprit  cette  ville  &  en  chafla  les  Bohémiens,  dontla  plupart  fu- 
rent tuez  ou  pris  prifonniers.  A  cette  nouvelle  Coribut  pritaufîi  la 
fuite  avec  fes  gens,  6c  s'en  retourna  en  Bohême.  Voyons  ce  qui 
fepafîe  ailleurs. 

XIX.  Auflî-tôt  après  les  funérailles  de  MartinV.  les  Cardi-  Affaires  <f- 
na»ux  entrèrent  en  Conclave  au  nombre  de  14  3  6c  élurent  au  bout  S*?8*1?; 
de  trois  jours  ^lçavoir  le  2  5.  revrier  ,  Gabriel  Condulmer ,  cardinal  gne. 
prêtre  du  titre  de  St.  Clément .  de  la  création  de  Grégoire  JTII.  &  J,^haic"rr 

\         .     ,  ,,  _.-.    ti    r       •    .#rj     •   •  ,,      o  û  Eugène  IV. 

il  prit  le  nom  d  Eugène  IV.  Il  etoit  Vénitien  ,  d  une  famille  plé- 
béienne 3  mais  honnête  6c  même  ancienne,  6c  qui  fut  déclarée  pa- 
tricienne après  fon  élévation  au  Pontificat.  Il  eut  bonne  part  aux 
bonnes  grâces  de  Grégoire  J£ II.  fon  oncle,  &  à  celles  de  Martin 
V.  qui  l'employa  àpluheurs  légations  avec  beaucoup  de  fuccès. 
Cette  élection  releva  lesefpérances  des  uns,  ôc  mit  l'allarmechez 
les  autres.  Ses  premiers  foins  furent  de  pacifier  l'Italie.  Dans  cette 
vue  il  afïembla  les  ambafîadeurs  des  Princes  6c  les  députez  des 
villes,  pour  leur  déclarer  qu'il  étoit  réfolu  d'appaifer  les  trou- 
bles d'Italie  3  menaçant  de  fa  malédiction  &  des  anathêmes  de 
PEglife  quiconque  le  traverferoit  dans  ce  deflein  (a).  Cette  mena-  ÊJP«-Hift. 
■ce  ,  bien  loin  défaire  peur  à  Philippe  duc  de  Milan ,  ne  fervit  qu'à  l.v.p.  a8i. 
l'animer  contre  lui.  Le  Duc  aufîi-tôt  incita  ceux  de  Sienne  6c 
ceux  de  Luques  contre  les  Florentins ,  à  qui  le  Pape  envoya  du  fe- 

(1)  Il  étoit  Evcque  de  Cracovie.  Boleflas  Roi  de  Pologne  lemaffacra  fur  la  fin  du  ftécle  XI, 
comme  il  drfoit  la  Mciïe.  H  fut  canonife  vers  le  milieu  du  XIII.  iiécle.  Dlug.  p.  zp  i .  7 14. 


3  68       HlST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

Xd.ii.  cours.  Le  même  Prince  agit  en  même  temps  contre  les  Vénitiens 
trop  portez  à  Ton  gré  pour  le  Pape,  parce  qu'il  éroit  leur  com- 
patriote. Le  Pape  de  fon  côté  lui  envoya  le  cardinal  de  Bologne 
aufîi-bien  qu'aux  Siennois  &  aux  autres  villes  confédérées  avec 
Philippe ,  pour  les  porter  à  mettre  bas  les  armes.  Mais  le  Duc  in- 
flexible aux  promefïes  &  aux  menaces  obligea  le  Pape  à  fe  liguer 
contre  lui  avec  les  Florentins  6c  les  Vénitiens.  Ces  mésintelligences 
attirèrent  dans  la  fuite  des  affaires  bien  fâcheufes  à  Eugène  I V. 

Les  Coionnet       x  X.  Le  Duc  déracha  contre  lui  les  trois  neveux  de  Martin  V. 

tion  dans      Antoine  de  Colonne  prince  de  Salerne,  Edouard  de  Colonne  comte 

Rome ,  &    de  Calani ,  &  le  cardinal  Profper  de  Colonne.  A  cette  occafion  (a)  t 

muniez.COm"  on  avoic  fait  entendre  à  Eugène  IV.  que  ces  Seigneurs  s'étoienc 
(a)  piatine  emparez  des  fommes  immenfes  que  Martin  V.  avoit  amaflées, 

d'£ul*neiv.  f°icPar  un  fonds  d'avarice  dont  il  étoit  aceufé,  foit  pour  fournir 
à  des  dépenfes  utiles  à  l'Eglife  comme  à  la  convocation  du 
Concile  de  Balle,  à  la  guerre  contre  les  Turcs,  ou  à  lacroifade 
contre  les  Habites.  On  dit  que  l'intention  d'Eugène  IV.  étoic 
que  l'affaire  fe  paflat  doucement  ;  mais  ceux  à  qui  il  en  donna  la 
commiflion  l'exécutèrent  avec  beaucoup  de  violence,  Les  Colon- 
nes ,  pour  s'en  vanger ,  réfolurent  à  l'inftigation  du  Duc  de  Milan , 
d'aller  attaquer  le  Pape  lui  même ,  &.  firent  irruption  dans  Rome. 
En  ayant  été  chafïez  après  y  avoir  fait  mille  dégâts ,  tous  les  pa- 
lais des  Colonnes  furent  rafez  &  pillez ,  &  ces  Seigneurs  furent  dé- 
clarez criminels  de  leze-  Majefté,&  privez  de  tous  leurs  titres  &:  de 
tous  leurs  honneurs.Irritez  de  cet  anathême,ils  rafîemblerent  tou- 
tes leurs  forces  pour  entrer  dans  P^ome  &  en  chafîer  le  Pape.  Ce 
dernier  de  fon  côté  renforcé  parles  troupes  de  Jeanne  de  Sicile , 
&  par  celles  qu'il  leva  en  d'autres  endroits ,  fe  mit  en  bon  état  de 
défenfe. 

Zugtne court  XXI.  Ses  ennemis,  non  contents  de  s'armer  ouvertement 
contre  lui,  confpirerent  contre  fa  vie.  On  aceufa  l'Archevêque 
de  Bénêvent ,  fils  d'Antoine  de  Colonne ,  ôc  un  certain  moine  Fran- 
eifeain  nommé  Mazjus ,  qui  avoit  été  domeftique  &  confident 
de  Martin  V.  &;  qu'Eugène  lui-même  avoit  élevé  à  de  grands 
honneurs,  d'avoir  .été  les  chefs  de  cette  trame.  La  confpiration 
découverte,  l'Archevêque  obtint  fa  grâce,  &  le  Moine  fut  écar-- 
télé.  Depuis  on  attenta  de  nouveau  à  la  vie  du  Pape.  Un  de  {es 

(b)  Buv.  an.  domeftiques  lui  donna  du  poifon,  &;  il  eut  beaucoup  de  peine  à 

14.7.1.  num.  ,    %  ~        .  ,     »«.    *    ~  .-.  ■  *   i,       *  «/• 

S.Rajnaid.   en  échapper.  Ces  démêlez  furent  enfin  terminez  par  1  entremiie 
143  «•     de  Sipfmond  qui  étoit  allé  fe  faire  couronner  en  Italie  (b).  Après 

cet 


rifquedela 


ar 

num.  je. n 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.   XVI.    $69 
cet  accommodement,  le  Pape  tourna  fes  foins  à  pacifier  le  refte    r ,  -  r 
des  troubles  d'Italie,  dont  on  peut  voir  la  description  dansl'hif-  (a)Lb.  vu. 
toire  Florentine  de  Pogge  (a).  *o«  i4î«« 

XXII.  Je  ne  trouve  rien  de  fort  remarquable  cette  année  en  Lctt.edu  pi 
Efpagne.  Il  y  a  feulement  une  lettre  d'Eugène  IV.  à  Jean  roi  de  j^alMRo 
Caftille  à  ce  fujet.  Ce  Pape  n'avoit  point  envoyé  d'ambaflade 

dans  les  pays  étrangers  pour  notifier  fon  élévation  au  Pontificat, 
comme  cela  s'étoit  pratiqué  jufqu'alors.  Je  ne  fçai  ce  qu'en  dirent 
les  autres  Puiflances  -y  mais  le  Roi  de  Caftille  le  trouva  mauvais  , 
&  le  Pape  lui  en  écrivit  pour  s'en  exeufer  &  lui  en  allégua  cette 
raifon.  L'unique  rai  fon  ,  dit-il,  qui  nous  a  portera  changer  çle  con- 
duite à  cet  égard ,  cefi  que  nous  avons  remarqué  par  le  grand  empreffe- 
ment  qu'on  a  pour  ces  fortes  d'amba(fades  folemnelles ,  qu'elles  ne  fe 
faifoient  que  pour  le  profit ,  &  aux  dépens  de  l'Eglife.  Nous  avons 
voulu  fignaler  le  commencement  de  notre  pontificat  par  le  re- 
tranchement de  cet  abus,  Se  bannir  de  la  cour  de  Rome  toute  (b)R«».aft, 
occafion  de  gain  deshonnête  (b).  «43  »•  »•  9- 

XXIII.  Tout  fe  pafloit  en  France  &  en  Angleterre  à  peu  près    France  & 
comme  les  années  précédentes.  De  part  &;  d'autre  on  n'étoit  ni  Angjftcrrc- 

j      r  •         1  •      i-/'       r<     >    r  ■  i  ■  *  •     r     u'iape  en- 

en  état  de  faire  la  guerre  ,  ni  difpofe  a  faire   la  paix.  Ai n fi  voyemr Lé- 
la  guerre  ne  fe  continua  que  par  des  efearmouches,  des  partis,  gaten  Fran~ 
&  des  furprifes  de  places ,  dont  la  plupart  étoient  allez  mal  gar-  pafx.ur 
dées.  Il  paroît  par  une  Balle  d'Eugène  IV.  datée  du  29.  Avril 
143  1.  que  ce  Pape  avoit  chargé  pour  la  troifléme  fois  Nicolas  AL 
bergati  cardinal  de  Ste.  Croix,  d'accommoder  les  deux  Rois,  ôc 
d'éteindre  les  factions  en  France.  Il  en  alléguoit  entre  autres  rai- 
fons  dans  cette  Bulle  la  néceffité  de  réduire  les  Hufîîtes ,  &  de  dé- 
livrer la  chrétienté  de  l'opprefTion  des  Turcs.  Quelques-uns  di- 
fent  que  ce  Légat  y  réuiïit  ,  mais  l'événement  fait  voir  le  contrai- 
re, puifqueles  brouilleries  continuèrent  toujours  depuis  fon  dé- 
part pour  l'Italie.  Voici  ce  que  je  trouve  là-deflus  dans  l'Hiftoire 
dî  Angleterre  faite  fur  les  Ades  publics  de  ce  Royaume.  Pendant 
que  Henri  étoit  en  France ,  le  Pape  Eugène  I V ,  fucccjfeur  de  Mar, 
tin  V.  (c)  y  avoit  envoyé  le  cardinal  de  Ste.  Croix  ,  pour  tacher  de  (c)  T.  IV.  p.. 
porter  les  deux  Rois  à  la  paix.  Ce  Légat  avoit  enfin  obtenu  qu'ils  en-  7î-fin# 
verraient  leurs  ambaffadeurs  à  Auxerre  3  mais  cette  ambaffade  fut  fans 
fruit.  On  71  entra  pas  même  en  conférence  3  parce  que ,  s'il  en  faut 
croire  les  Auteurs  François  3  les  ambaffadeurs  d'Angleterre  ne  vou- 
lurent pas  recomoïtre  ceux  de  Charles  pour  ambaffadeurs  de  France. 
On  fixa  pourtant  le  }i,de  Mars  de l 'année  fuiyante pour fie  raffembler^ 
Tom.  I.  A  a  a 


37o         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

mais  ce  fut  inutilement,  parce  qu  on  néglige  a  de  marquer  un  lieu  pur 
y  tenir  le  comités.  La  Cour  £  Angleterre  avoit  pourtant  nommé  pour 
Plénipotentiaires,  l 'Eve que  de  Roche fer ,  &  quelques  autres. 
c      ijcedc      XXIV.  Quoique  les  Anglois  fuilent  fore  affoiblis  en  France  , 
l;  Pu  elle     ils  eurent  pourtant  aiîezde  crédit  pour  faire  condamner  la  Pu- 
d'erlèans.    ceue  d'Orléans  dont  on  a  parlé  ;  ce  fut  d'abord  à  une  prifon  per- 
pétuelle au  pain  6c  à  l'eau,  lorfqu'elle  fe  retrada,  &  eniuiteaufeu 
ayant  de  (avoué  fa  rétractation.  Les  Juges  de  cette  affaire  furent 
les  Eccléfiaftiques  du  parti  du  Duc  de  Bourgogne ,  toujours  atta- 
ché à  PAnglois ,  &  entre  autres  Pierre  Cauchon  évêque  de  Beau- 
vais,  qui  avoit  fortement  foutenu  les  intérêts  de  ce  Prince,  au 
Concile  de  Confiance. 
concile  de      XXV".  On  tint  cette  année  un  Concile  à  Nantes ,  6c  on  y  renou- 
antes.       veiia  ies  ftatuts  de  celui  qui  avoic  été  tenu  à  Angers  en  1365.  ce 
qui  eft  une  preuve  que  les  dérèglement  que  l'on  avoit  voulu  cor- 
riger dans  ce  Concile  d'Angers  étoient  fortement  enracinez.  On 
peut  juger  quels  étoient  fes  défordres  par  les  réglemens  qui  furent 
faits  ou  renouveliez.  Il  y  avoit  des  Eccléfiaftiques,  lefquels  en 
vertu  de  certaines  concertions  obtenues  en  Cour  de  Rome ,  fe  fai- 
foient  pourvoir  fecretement  de  quelques  Bénéfices  ;  cachant  les 
provifions ,  afin  que  fi  l'occafion  fe  prefentoit  d'avoir  un  meilleur 
Bénéfice,  ils  pulTent  encore  s'en  faire  pourvoir  en  vertu  des  mô- 
mes grâces  expectatives.   Pour  couper  la  racine  de  ce  défordre  , 
il  fut  ordonné  que  dans  6.  mois  après  la  provifion  ,  les  Eccléfiaf- 
tiques feroient  tenus  de  prendre  pofîeiîion  de  leurs  Bénéfices ,  dans 
toutes  les  formes,  fous  peine  de  privation.  Il  fut  ordonné  aux  Pré- 
lats dans  le  même  Concile ,  de  faire  lire  l'Ecriture  Sainte  pendant 
leurs  repas.  Les  Archidiacres  &  les  Archi- Prêtres  s'attribuoient 
le  lit  des  Re&eurs  décédez  5  on  eftima  ce  lit  5  o  fols  pour  les  Rec- 
teurs quipayoient  50  livres  de  décimes  ou  au-deflus,  6c  100  fols 
pour  ceux  qui  payoienc  plus  de  100  livres  de  décimes,  &  il  fut 
défendu  aux  Archidiacres  6c  Archi-Prêrres  de  prendre  davanta- 
ge. Il  fut  défendu  aux  Prêtres  de  célébrer  pour  les  morts ,  à 
moins  que  d'avoir  dit  auparavant  l'Office  des  Morts,  s'ils  le  pou- 
voient  commodément,  6c  l'on  obligea  en  même  temps  les  Rec- 
teurs à  dire  l'Office  des  Morts  tous  les  jours  de  Férié ,  c'eft-à-dire 
les  jours  fur  la  femaine  qui  n'étoient  occupez  d'aucun  Office  de 
Saint.  Il  fut  défendu  de  même  aux  Eccléfiaftiques  de  fervir  plus 
de  deux  plats  dans  lesfeftinsfolemnels,  fi  cen'étoit  aux  Prince^ 
ouàcewxdontl'Eglife  pouvoit  efperer  de  grands  avantages ,  ou 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XVI.  371 
craindre  de  grands  maux.  Les  Clercs  des  Eglifes  Se  d'autres  gens  l.,l 
avoienc  coutume  d'entrer  dams  les  maifons  le  lendemain  de  Pâ- 
ques ,  de  prendre  nuds  ceux  quû  étoient  au  lit ,  de  les  mener  ainfî 
nuds  par  les  rués  à  l'Eglife ,  de  les  mettre  fur  l'autel  ,&  de  verfer  de 
l'eau  fur  eux.  Tout  de  même  le  i .  jour  de  Mai  on  entroit  dans  Iqs 
maifons  &  l'on  rançonnoit  ceu:x  que  l'on  trouvoit  au  lit,  faififfanc 
leurs  habits  3  ou  leurs  meubles.  Ces  extravagances  furent  condam- 
nées comme  elles  le  méritoienit,auffi  bien  que  la  fête  des  fous  _, 
qui  commençait  dès  Noël,  &c<ontinuoit  jufqu'au  2.8.  de  Décem- 
bre.On  déguifbit  les  enfans  de  Chœur  en  Papes,  Cardinaux,Rois, 
&;  autres  perfonnages  j  &  le  jour  des  Innocens,qui  étoit  la  confom- 
mation  de  cette  Fêce  ridicule  ,  l'Office  fe  faifoitdans  les  collé- 
giales par  le  bas  Chœur,  &  par  les  Enfans.  Quelques  prédica- 
reurs  trouvant  les  Eglifes  trop  étroites  &  trop  reflerrées ,  s'étoient 
mis  fur  le  pied  de  prêcher  fur  des  échafaux  dans  les  places  publi- 
ques. Onauroitpû  pardonner  cet  ufage  à  quelques-uns  en  confî- 
dération  des  grands  fruits  qu'ils  faifoient  j  mais  comme  il  étoit 
plus  propre  à  flatter  la  vanité  du  prédicateur,  qu'à  produire  de 
grandes  converfions ,  il  fut  con  damné  comme  un  abus.  C'en  étoit 
un  fort  grand  que  celui  du  Charivari  que  l'on  faifoit  ,  au  bruit  des 
badins ,  des  cloches  6c  des  fifflets ,  à  ceux  qui  fe  marioient  en  fé- 
condes noces.  On  le  défendit:  fous  peine  d'excommunication  } 
mais  on  n'a  pu  entièrement  l'extirper,  &on  le  voit  encore  en  ufa- 
ge dans  pluiieurs  provinces  du  Royaume.  On  confirma  le  ftatut 
du  Concile  de  Cbateau-gonticr ,  qui  défendoit ,  fous  peine  d'ex- 
communication,  de  prendre  aucuns  droits  furlesEccléfîaftiques 
pour  le  tranfport  de  leurs  meubles  ou  de  leurs  provifions,  à  moins 
qu'ils  ne  fe  mêlaflent  du  trafic..  Les  concubinaires  publics  &;  les 
adultères  connus  de  tout  le  monde  furent  excommuniez.  On  tâ- 
cha d'apporter  quelque  rernede  aux  abus  qui  fe  commettoientpar 
un  principe  d'avarice  au  fujet  des  excommunications,  dont  ce- 
lui-ci étoit  le  principal.  Quand  un  homme  alloit  demander  l'ab- 
folution  de  l'excommunication  à  l'Officier  qui  s'appelloit  Porte- 
fceau^  &  qu'il  n'avoit  pas  de  quoi  payer  le  fceau ,  onluirelâchoit 
l'excommunication  jufqu'àun  terme  préfix  j  (î  le  terme  venu,  il 
n'avoit  pas  encore  de  quoi  payer ,  on  l'excommunioit  denouveau, 
&  les  Porte- fceaux  faifoient  en  fuite  payer  le  double.  Il  fut  ordon- 
né qu'on  ne  payeroit  que  pour  la  première  excommunication. 
Ces  Prélats  firent  quelque  chofe  de  plus  digne  d'eux ,  que  ce  qu'ils 
avoient  réglé  fur  la  matière  des  excommunications,  quand  pour 

Aaaij 


3  72         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

143  i.  punir  les  batfphêmes  dont  on  deshonoroit  le  nom  de  Dieu,  ils  or* 
donnèrent  que  les  blafphémateurs  demeureroient  7.  Dimanches 
hors  dePEglife  pendant  la  grande  Méfie,  &  le 7.  fans  manteau 
&  fans  fouliers  ,  la  corde  au  col  j  qu'ils  jeûneroient  les  7.  Ven- 
dredis précédens  au  pain  &  à  l'eau ,  fans  entrer  dans  l'Eglife  ;  qu'ils 
nourriroient  chacun  de  ces  jours ,  un  ,  deux  ou  trois  pauvres ,  & 
. .  ,thir1{pu  que  les  réfra&aires  feroient  chailez  de  l'Eglife  pour  toujours  , 

p.  $26. 587.  éc  privez  de  la  fépulture  eccléflaftique  (a). 

Allemagne.       XXVI.  Toutes  les  affaires  d'Allemagne  aboutiront  défor- 
prépawtift  majs  au  Concile  de  Bafle ,  comme  à  leur  centre.   On  a  vu  c\uyEu- 

l°\c  de  bSlI.  gène  IV.  avoit  confirmé  le  Cardinal  Julien  dans  la.  préfidenceau 
Concile  de  Bafle.  Ce  Prélat  occupé  aux  affaires  de  Bohême  ne 
put  s'y  rendre  qu'au  mois  de  Septembre.  Mais  il  y  envoya  en  fa 
place  JeandePolemar  Auditeur  du  Sacré  Palais-,  &  Jean  de  Ra- 
gufe  Codeur  de  Paris,  &  Procureur  Général  des  Dominicains. 
Ils  y  arrivèrent  fur  la  fin  de  Juillet ,  Se  ils  commencèrent  à  difpo- 
fer  toutes chofes,  pour  la  tenue  du  Concile,  en  attendant  qu'il 
s'y  rendît  un  afîez  grand  nombre  de  Prélats,  pour  tenir  une  Sef- 
fîon  publique ,  qui  ne  fe  célébra  que  le  14.  de  Décembre. 

Le  Pape  veut      XX  V 1 1.  Quand  le  Cardinal  fut  arrivé  à  Bafle  ,  il  écrivit  aux 

Concile?  C  Bohémiens  cette  lettre  affe&ueufe  dont  on  a  donné  le  précis  en 
parlant  des  affaires  de  Bohême.  Comme  on  offroit  aux  Bohé- 
miens dans  cette  lettre  des  conférences  libres  fur  leurs  articles  , 
le  Pape  craignant ,  ou  feignant  de  craindre ,  que  cette  indulgence 
pour  les  Bohémiens  ne  mît  en  compromis  la  doctrine  de  l'Eglife 
Romaine,  &  ne  favorifât  des  opinions  déjà  fi  fouvent  condam- 
nées, envoya  le  12.  de  Novembre  au  cardinal  Julien  un  plein 
pouvoir  de  diflbudre  le  Concile,  &  de  le  transférer  à  Bologne 
où  il  préfidoit  lui-même.  Outre  les  raifons  fecretes  qu'il  avoit 
par  devers  lui ,  Eugène  prenoit  divers  autres  prétextes  de  cette 
tranflation.  On  l'avoit  afluré  qu'il  n'y  avoit  que  fort  peu  de  Pré- 
lats à  Bafle  ;  que  cette  ville  étoit  infeffée  par  les  armes  des  Ducs 
de  Bourgogne  ôc  d'Autriche  ;  quil  y  avoit  parmi  les  citoyens 
quantité  de  Hufïïtes  qui  perfécutoient  les  Catholiques ,  de  qu'il 
pourroit  en  réfulter  des  fcandales  àc  des  féditions.  D'autres  ajou- 
tent qu'il  y  étoit  follicité  par  les  Grecs  ,  fuivant  l'accord  fait 
avec  Martin  V.  de  tenir  un  Concile  pour  la  réunion  des  deux 
Eglifes  ,  ce  qu'il  prétendoit  fe  pouvoir  mieux  exécuter  à  Bologne  y 
qu'à  Bafle.  Eugène  écrivit  aufîî  à  l'Empereur  le  18.  Décembre 
dans  le  même  deflèin,  &  même  il  lui  notifîoit  la  tranflation  du 
Concile  qu'il  avoit  faite  de  fa  pleine  puiflance. 


ET  DU  CONCI.LE  DE  BASLE.  Liv.JZVI.    375 

XXVIII.  Cependant  le  Cardinal  ne  fe  hâta  point  d'exécuter    r^  r; 
ces  ordres.  Bien  loin  de-là ,  il  écrivit  au  Pape  des  lettres  très-fortes   oppoiition 
6c  très-hardies  3  mais  cependant  refpe&ueufes,  pour  le  détourner  ^ucar  m1™1 
d'un  deffein  qu'il  croyoit  pernicieux.  Nous  en  donnerons  ici  le  tranûatfon 
précis.  Il  représente  au  Pape  qu'après  tout  ce  qui  s'étoit  paflë  par  duGoncile- 
rapport  aux  Bohémiens ,  on  ne  pouvoit  transférer  ailleurs  le  Con- 
cile 3  fans  donner  un  grand  fcandale  ,  fans  infidélité ,  parce  qu'on 

avoit  promis  aux  Bohémiens  de  le  tenir  à  Baile ,  6c  fans  un  danger 
manifefle  pour  la  foi  Catholique.  Quand  vous  devriez  difoit-il , 
■perdre  la  vie  a  l'occajton  de  ce  Concile ,  //  vaudroit  mieux  mourir , 
que  de  fouffrir  fur  vous  une  tache  ineffaçable ,  &  de  donner  lieu  a  des 
fcandale  s  dont vous  rendrez^compte  à  Dieu.  Comme  le  cardinal  Ju- 
lien avoit  demandé  au  Pape  un  fubfide  de  3  0000.  écus  d'or  pour 
la  guerre  de  Bohême  ,  lequel  ne  lui  avoit  point  été  fourni,  il  die 
au  Pape  qu'il  auroit  mieux  valu  vendre  les  calices  6c  les  croix  pour 
fournir  une  fi  petite  fomme ,  que  de  chercher  des  délais  6c  des 
faux-fuyans  au  préjudice  de  l'Eglife  5  Se  que  pour  lui  Cardinal ,  qui 
s'étoit  engagé  pour  lui  à  cette  fomme  ,  il  aimeroit  mieux  être  mis 
en  prifon ,  ic  même  mafïacré ,  que  de  manquer  à  fa  parole.  Il  ajou- 
toit  enfuite,  que  quand  même  il  devroit  perdre  Rome,  &  tout 
le  patrimoine  de  Saint  Pierre ,  il  vaudroit  mieux  fouffrir  cette  per- 
te ,  que  de  ne  pas  venir  au  fecours  de  la  foi ,  6c  de  tant  d'ames  pour 
qui  JefusChrifl  eftmorç  -y  que  quand  même  on  ne  tireroit  pas  de 
ce  Concile  tous  les  avantages  qu'on  en  efpéroit,  cependant  s'il  ve- 
noitàfe  dilToudre  ,  tout  le  monde  diroit  qu'on  en  auroit  eu  tous- 
les  fuccès  attendus  s'il  eût  continué.  Enfin  il  réfute  les  raifons  que 
lui  avoit  alléguées  Eugène  pour  la  tranflation  du  Concile  ^  il  lui  mec 
devant  les  yeux  le  danger  inévitable  d'un  fchifme  ,,  parce  que  les 
Pères  de  Baile  avoient  réfolu  d'y  continuer  le  Concilej6c  il  le  prie, 
s'il  perfide  dans  fa  réfolution  ,  de  ne  fe  pas  hâter  de  l'exécuter, 
afin  que  le  Concile  pût  achever  des  affaires  qu'il  avoit  déjà  com- 
mencées. 

XXIX.  L'Empereur  écrivit  au  Pape  fur  le  même  pied.  Sa  Jet-  2T°ntl'on 
trene  mérite  pas  moins  d'attention  que  celle  du  Cardinal.  Il  y  ré- , c 
pond  à  toutes  les  raifons  que  le  Pape  alléguoit  pour  la  diffolution 
du  Concile.  I.  A  l'égard  de  la  réunion  des  Grecs  ,  il  dit  que  cette 
affaire  peut  être  d'autant  mieux  différée,  que  depuis  tant  de  fié- 
cles  ce  fchifme  n 'avoit  été  d'aucun  préjudice  à  l'Eglife  Romaine. 
Il  foutenoit  même  qu'il  étoit  très  important  de  différer  cette  ré- 
union, jufqu'à  ce  que  les  Latins  fuflentunis  eux-mêmes  dans  la 

A  a  a  iij 


reur. 


374      HIST.  DE  LA  GUERRE  D£S  HUSSITES 

foi    &  que  lears  mocurs  fuflent  réformées ,  comme  on  vouloir  le 

1  ^  l  '    faire  dans  le  Concile  de  Balle ,  parce  que  les  Grecs  feroient  diffi- 
culté de  s'unir  avec  une  Eglife  il  defunie  elle-même  3  &  fi  corrom- 
duc    H.  Sur  ce  que  le  Pape  difoic  qu'il  ne  falloir  plus  entendre 
les  Bohémiens,  parce  qu'ils  avoienr  déjà  été  condamnez,  l'Em- 
pereur répondoit  que  Ion  intention  &  celle  du  Concile  étoit  feu- 
lement d'appeller  les  Bohémiens  pour  recevoir  inftruction  ,  com- 
me Ivfartin  V.  lui  avoit  fouvent  écrit  qu'il  falîoit  le  faire.  Ilajou- 
toit  à  cela ,  que  fi  le  Concile  fe  féparoit ,  les  Hufïïtes  fe  vanteroient 
que  le  Concile  avoit  fui,  &  que  l'Eglife  avoit  fuccombé  fous  le 
poids  de  leurs  raifons ,  &  qu'après  un  tel  triomphe  ils  infederoienc 
toute  l'Allemagne.  III.  L'Empereur  repréfentoit  que  fi  l'on  rom- 
poit  une  aflemblée  convoquée  pour  la  réformation  des  mœurs, 
du  peuple  Catholique ,  &  de  l'Etat  eccléfiaftique  ,  il  étoit  à  crain- 
dre que  les  laïques  n'en  priflent  occafion  de  fe  jetter  furie  Clergé, 
contre  lequel  ils  ne  déclamoient  déjà  que  trop  ,  &  ne  diffent  qu'on 
fe  iouoit  d'eux  avec  des  Conciles  aflemblés  &  difîous  fans  nul  efïet. 
Il  alléguoit  l'exemple  de  la  ville  de  Magdebourg ,  qui,  affiliée  de  la 
plupart  des  villes  de  Saxe ,  avoit  chalîé  l'Archevêque  &  fon  Cler- 
gé   IV.  Il  repréfentoit  encore  qu'après  la  dernière  vi&oire  des 
Bohémiens,  plufieurs  Princes  &  plusieurs  villes  avoient  fait  trêve 
avec  eux ,  &  que  ceux  qui  tenoicnt  encore  dans  l'efpérance  du 
Concile   ne  manqueroient  pas  de  fuivre  leur  exemple ,  fi  on  venoic 
à  le  difloudre.  V.  Qu'entre  les  motifs  de  la  convocation  de  ce 
Concile   un  des  principaux  étoit  la  pacification  des  troubles  de 
l'Europe  &  la  réconciliation  des  Princes  j  mais  que  dès  qu'ils  en 
apprendraient  la  féparation ,  ils  reprendroient  les  armes.  L'Em- 
pereur prie  donc  inltamment  le  Pape  d'écrire  au  Concile ,  qu'il  en 
révoque  &  en  annulle  la  diflolution.  Il  le  prie  auffi  de  s'y  trouver 
enperfonne,&s'ilnelepeut,  d'ordonner  qu'on  exécute  au-plu- 
(a)P«*    tôt  cette  révocation  (a).  Le  Pape  perfifta  dans  fa  réfolution  de 

Brev.  Gdt.    difloudre  le  Concile  (  i  ) ,  &  ceux  de  Balle  dans  la  réfolution  de  le 

Pontif.Rom. 

t.  iv.  p.     continuer. 

525. 5»7-  XXX.  La  première  Seffion ,  comme  on  1  a  dit ,  le  tint  le  14. 
SeffiïTdT  de  Décembre.  Après  la  Méfie  célébrée  par  Philibert  Evêque  de 
concile  de  errances  en  Normandie ,  &:  les  autres  cérémonies  accoutumées 
Bafte'  dans  le  Concile ,  le  Cardinal  préfident  fit  un  fermon  pour  exhor- 

ter les  Pères  à  agir  en  bonne  confeience ,  &  à  garder  un  bon  ordre. 
Enfuite  Philibert  lut  le  décret  de  la  trente-neuvième  Seffion  du 

(  0  II  en  déclara  la  diflolution  le  i3.  de  Décembre. 


L 


ET  DU  CONCILE  DE  3ASLE.  Liv.  ^jrj,  3?5 

Concile  de  Confiance,  &  tous  les  inftrumens  &  inftruclions'né-     \a\i, 
ceilaires  pour  autorifer  le  Concile  3  comme  on  avoit  fait  à  celui  de 
Confiance. 

XXXI.  La  guerre  continuoit  toujours  en  Pologne  entre  le  Pologne. 
Roi  &  le  Duc  Switrigjl  fon  frère ,  grand  Duc  de  Lithuanie.  Ce  Troubles  en 
dernier  non  content  de  s'emparer  de  ce  Duché  fans  en  faire  hom- 
mage au  Roi,  avoit  envahi  la  Podolie  5  il  donna  même  un  foufflec 
à  un  Secrétaire  que  le  Roi  lui  avoit  envoyé  pour  traiter  de  la  paix  y 
de  le  fit  mettre  en  pnfon.  Cet  affront  infigne,  qu'on  n'auroit  pas 
reçu  chez  les  Turcs,  ies  Tartares  &  les  Sarrafins,  fit  réfoudre  le 
Roi,  d'ailleurs  fecretement  porté  pour  Switrigal^à  le  pouffer  à 
bout  comme  un  furieux,  &  un  homme  en  démence.  Il  lui  envoya 
donc  faire  une  nouvelle  déclaration  de  guerre  par  quelque  gentil- 
homme Mofcovite  qui  lui  fervoit  de  boufon.  Pendant  ce  temps-là, 
contre  la  foi  des  traitez ,  les  Chevaliers  Teutoniques  avec  ceux 
de  Livonie  firent  irruption  en  Pologne,  oùils  exercèrent  des  in- 
humanitez  plus  que  barbares,  réduifant  en  cendres  villages  ,  vil- 
les ,  églifes ,  monaftéres  9  fans  épargner  les  Saints  eux-mêmes ,  Se 
violant  brutalement  femmes  6c  filles.  Ce  qu'il  y  a  de  furprenant, 
c'eft  que  le  Roi  fut  non  feulement  foupçonné  par  fes  Conféillers , 
fur  tout  par  l'Evêque  de  Cracovie  3  Prélat  aufîi  pénétrant  que  fer- 
me &  vigoureux  (  1  ) ,  d'avoir  lui-même  favorife  l'entrée  de  l'enne- 
mi dans  fon  Royaume. 

Pendant  que  l'armée  des  Chevaliers  Teutoniques  mettoit  tout 
à  feu  6c  à  fang  dans  une  partie  de  la  Pologne ,  l'armée  de  Livonie 
en  ufoit  de  même  dans  l'autre.  Enfin  quelques  gentilshommes  Po- 
lonois  pénétrez  de  douleur,  &  enflammez  décolère  de  voir  leur 
patrie  devenir  un  bûcher ,  aflèmblérent  un  petit  corps  d'armée  de 
payfans  pour  pourfui  vre  les  Livoniens,qui  fe  retiroient  après  avoir 
afïouvi  leur  fureur.  Ces  payfans  ies  joignirent  à  Nakyot  près  de  la 
rivière  de  Wiercha  dans  les  plaines  des  Dambki.  Là  ils  fe  mirent  à 
chanter  une  chanfon  de  payfans  d'une  fi  terrible  force ,  que  les 
bois  &  les  plaines  en  retentifîoient.  Us  fe  battirent  comme  des 
lions.  Vous  eufïïez  dit  qu'ils  vouloient  éteindre  le  feu  de  leurs 
maifons  dans  le  fang  de  leurs  ennemis.  C'étoit  un  fpe&acle  admi- 

r  (  1  )  îl  aceufa  ouvertement  le  Roi  de  cette  collufion  avec  les  Chevaliers  Teutoniques  contre 
le  Royaume  de  Pologne.  Ce  fut  dant  cette  même  occafîon  qu'il  lui  reprocha  fort  aigrement 
d'avoir  engagé  pluiieurs  Terres  des  diocefes  de  Gnefne  &  de  Pofnanie  *,  &  fur  ce  que  le  Roi 
lui  répliqua  qu'il  n'avoit  point  touche  à  fon  dioce'fe,  il  lai  repartit  d'une  manière  fort  impérieu- 
fe  ,  Vous  aveu  fort  bienfait ,  car  fi  vous  aviez  mis  la  main  fur  mon  dioce'fe ,  jy  aura  is'mis  l'interdit 
îj  fur  tous  les  lieux  ou  vous  auriez,ete.  Dlugoff.  p.  Jp£. 


376       H1ST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.x  1.    table  de  voir  une  poignée  de  pay fans  prefque  nuds&defarmez,fe 
battre  contre  des  foldats  équipez  de  pied  en  cap ,  comme  auroienc 
pu  faire  des  vétérans  contre  de  nouvelles  troupes.  Toute  l'armée 
Livonienne  fut  prefque  taillée  en  pièces  fur  le  champ  ,  &.  tous  les 
fugitifs  furent  ou  maflacrez  ou  pris  prifonniers ,  ou  périrent  de 
froid  &  de  faim  ,  ne  fçachant  ni  les  chemins  ,  ni  la  langue  du  païs. 
Quand  cette  nouvelle  vint  à  Cracovie  ,  on  en  fit  de  fort  grands 
feuxdejoie.  Dans  le  même  temps  le  Roi  de  Pologne  fit  une  trêve 
143 1.    avec  Svvitrigal.  Retournons  à  préfent  aux  affaires  des  Huffites. 
Conférence      XXXII.  Le  Roi  des  Romains  tint  cette  année  une  conférence 
aveclc$HUrE  *  Prefhourg ,  où  il  appella  quelques  députez  des  Bohémiens  pour 
fîtes.  les  porter  à  aller  au  Concile  de  Balle.  A  leur  arrivée  ils  ne  voulu- 

rent point  entrer  dans  la  ville,  craignant  apparemment  d'y  être 
arrêtez.  Il  fallut  donc  que  l'Empereur  s'abouchât  avec  eux  hors 
de  la  ville  dans  des  tentes.  Il  leur  repréfenta  d'abord  ,  »  Qu'il 
»  étoit  fort  furpris  que  les  Bohémiens  ayant  eu  pour  Roi  fon  père 
»  &.  fon  ayeul ,  ils  ne  vouluflent  pas  le  recevoir  ^  &  en  même  temps 
»  il  leur  promettoit  de  redreiler  tous  leurs  griefs ,  &  de  les  gouver- 
»  ner  a  vec  clémence.  Les  députez  répondirent  que  ce  refus  n'étoit 
»'  pas  arrivé  par  leur  faute  ,  mais  qu'ils  y  avoient  été  contraints  par 
»  des  armées  ennemies  qu'on  avoit  envoyées  contre  eux.  Ils  ajoti- 
»toient  à  cela,  que  contre  la  foi  publique  on  avoit  brûlé  leurs 
»  Docteurs  à  Confiance  j  qu'on  avoit  condamné  &  proferit  les 
"Bohémiens  comme  des  hérétiques,  fans  les  avoir  entendus,  Se 
»  que  tout  cela  s'étoit  fait  en  préfence  de  fa  Majefté.  Que  c'étoic 
>»  donc  à  eile  à  confidérer ,  que  toute  petite  qu'étoit  ia  province  de 
»>  Bohême ,  elle  étoit  afïez  puifTante  pour  rendre  le  double  à  fes 
»  ennemis  ».  L'Empereur  reçut  cette  déclaration  avec  beaucoup 
(a)T&w*.  de 'douceur,  &  les  exhorta  à  renvoyer  cette  difcufïion  au  Concile 

cap. 78.  Bal-       y     .,  .  1  •  i,  i  i„ 

fc».Epit.p.    ou  ils  pourroient  montrer  leur  innocence,  d  autant  plus  que  U 

480.  principale  partie  de  leur  difeours  intéreflbit  la  confeience  (a). 

Lettre  de  Si-      XXXIII.  Sigifmond  fur  fon  départ  pour  l'Italie,  écrivit  en- 

£i[mo»d.iux   CQre  une  jetcre  forE  gracieufe  aux  Bohémiens.  11  leur  difoit, 

»  Qu  aucune  nation  ne  lui  etoit  plus  chère  que  celle  de  Bohême  -y 

«qu'il  s'enalloitàRomepoury  recevoir  la  couronne  Impériale, 

»  afin  d'être  plus  en  état  de  protéger-ce  Royaume  5  que  par  ks 

»  foins  le  Concile  de  Balle  tenoit  déjà  fes  féances  ;  qu'il  les  prioit 

a>  inftamment  de  vouloir  s'y  rendre  $  qu'ils  y  feroient  favorable. 

*>  ment  reçus,  pourvu  qu'ils  ne  prétendiflent  pas  être  plus  fages 

»  que  l'Egliife  Romaine  5  qu'aprçs  avoir  obtenu  une  audience  fuf- 

»  fifante  ? 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.    JfVl.    377 

«nTante,  ils  dévoient  adhérer  au  Concile  jufqu'à  fon  retour  d'Ita-     1a^  2# 
h  lie ,  ôc  lui  réferver  la  couronne  de  Bohême  qu'avoient  portée  /es 
»> ancêtres, ôc  qu'il  ne  les  gouverneroic  pas  d'une  autre  manière 
»  que  les  autres  Rois  Chrétiens  (a)  ».  Nonobftant  ces  airs  de  dou-  {*)£n>Syiv. 
ceur,  il  y  avoit  toujours  dans  les  lettres  de  Sigifmond certains  traies  cap.j£crn 
ambigus  qui  donnoient  de  la  défiance  auxBohêmiens.Tels  étoient  ibzob.  ut» 
la  ibumiflion  au  Concile,  &  l'offre  ou  plutôt  la  menace  indirede  fuP' 
de  les  gouverner  comme  les  autres  ;  c'eft-à  dire  ,  félon  leur  inter- 
prétation ,  de  les  mettre  fous  le  joug  de  l'Eglife  Romaine ,  comme 
ils  y  avoient  été  fous  les  règnes  precédens.  C'eft  ce  qui  les  obli- 
gea à  demander  une  conférence  à  Egre  ,  pour  mieux  fçavoir  fur 
quel  pied  ils  feroient  oiiis  à  Bade.  Les  Pères  de  ce  Concile  avoienc 
auparavant  envoyé  à  Prague  Jean  Nider  célèbre  Dominicain  de 
ce  temps-la, &  Inquiflteur  de  la  Foi,  avec  Gethufe  de Maubrun. 
Ces  Députez  allèrent  d'abord  à  Munich  pour  prier  Guillaume 
duc  de  Bavière  de  fe  hâcer  d'aller  au  Concile,  afin  d'en  prendre 
la  garde  ôc  la  défenfe  qui  lui  avoit  été  commife  par  Sigifmond.  De- 
là, ils  allèrent  à  Nuremberg  pour  détourner  les  Princes  voifins 
de  faire  aucun  accord  avec  les  Bohémiens  au  préjudice  de  l'E- 
glife. Le  bruit  s'étoit  en  effet  répandu  que  plufieurs  Princes ,  pour 
fe  garantir  des  incurfions  d'un  peuple  que  la  victoire  accompa- 
gnoit  partout,  étoient  convenus  d'une  fufpenfion  d'armes  avec 
les  Bohémiens  :  on  trouve  même  une  Bulle  d'Eugène  IV.  pour  rom-     (t>)  R^«. 
pre  cette  convention  ,&  dégager  les  Princes  de  leurs  fermens  (b),  i4P-n«>8. 
XXXIV.  Cette  démarche  du  Pape  rendoit^core  plus  nécef-    conférence 
faires  les  précautions  des  Bohémiens.  On  convinW'une  alîemblée  d'Eg£  pour 
à  Egre ,  où  fe  dévoient  trouver  les  députez  du  Concile  6c  ceux  de  d^HuîSe». 
Bohême  avec  plufieurs  Princes.  L'ailemblée  fe  tint  le  17.  d'Avril. 
Les  députez  du  Concile  y  arrivèrent  les  premiers.  Theobald  mec 
entre  ces  députez  Philibert  Augujle  éyêque  de  Coutances ,  Pierre 
£c  Jean  de  Polemar  (  1  ) ,  Gilles  Charlier ,  arrivez  à  Egre  le  1  j.  d'A- 
vril. Cochlèe  en  met  beaucoup  davantage ,  fans  parler  pourtant  de 
ces  trois.  Outre  Nider  &  Gethufe ,  il  nomme  Frideric  de  Parfaberg 
doyen  de  Ratisbonne ,  Jurifconfulte  5  Albert  prévôt  6ç  curé  de  St. 
Sebalde  à  Nuremberg  ;  Henri  de  Tock  (1)  chanoine  de  Magde- 
boug ,  théologien.  Entre  les  Princes  qui  s'y  trouvèrent ,  ce  même 
Hiftorien  compte  Frideric  électeur  de  Brandebourg ,  6c  Jean  duc 

(1)  Jean  de  Ptlemar  e'toitDotteur  en  Droit  Canon ,  Auditeur  du  Palais  Apoftoiique  &  A.f 
çhidiacre  de  Barcelone. 

(z)  II  étoit  de  Cambrai ,  Doyen  de  cette  Eglifc  &.  Profcffcur  ea  Théologie. 

Tom.  I.  Bbb 


373         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
de  Bavière,  avec  une  efeorte  de  deux  cens  cinquante  chevaux.  Les 
députez  Boh  êmiens  n'étoient  pas  encore  arrivez  ,  parce  que  ceux 
du  diflrict  de  Pilfen  par  où  il  falloir  pafïer ,  &  le  Seigneur  Schuam- 
ber?  qui  les  commandoit,  leur  avoient  refufé  des  faut- conduits  (  i  ). 
Ce  que  les  députez  du  Concile  ayant  appris,  ils  engagèrent  la  ville 
d'Etre  à  envoyer  des  gens  pour  les  conduire  en  fureté.  Ils  arrivè- 
rent donc  le  8  de  Mai  avec  une  efeorte  de  dix-neuf  cavaliers.  Theo- 
bald  ne  nomme  point  ces  députez.  Cochlée  n'en  nomme  que  deux  , 
feavoir  Nicolas  Hf/mpol^&cretâirG  d'une  des  villes  de  Prague,  6c 
(a)  cochi.     Mathias  Clomfe\an  qu'il  qualifie  prefecl  de  Piaften  (a).  Des  le  len- 
l  viHuffi<f  demain  de  leur  arrivée,  Henri  deTock  harangua  les  députez  de 
Bohême  dans  l'hôtel  de  l'Electeur  de  Brandebourg,  6c  prit  pour 
texte  ces  paroles  :  Paix  vous  [oit.  Ce  difeours  fini  ,  les  Bohémiens 
fe  plaignirent  des  injuftices  qu'ils  avoient  reçues  des  Catholiques  3 
&  qui  avoient  été  caufe  de  tant  d'efTLifion  de  fang  de  part  6c  d'au- 
tre. Après  quelques  pourparlers ,  il  y  eut  de  la  difficulté  fur  les  fu- 
retez que  demandoient  les  Bohémiens  pour  aller  au  Concile.  Ils 
propofoient  qu'on  leur  donnât  des  otages  d'importance, non  quel- 
ques particuliers  ,  mais  des  Princes  6c  des  Seigneurs.  Cette  propo- 
rtion n'ayant  pas  été  goûtée  des  Catholiques  ,  la  conteftation 
dura  fi  long-temps,  que  le  peuple  d'Egre  commençoit  à  murmu- 
rer &  à  fe  plaindre  que  l'accommodement  avec  les  Bohémiens  n'é- 
toit  traverfé  que  par  les  Princes  &  les  Eccléfiaftiques.  De  forte 
que  pour  avancer  l'affaire ,  les  deux  Princes  qui  étoient  à  Egre  en- 
gagèrent leur  pMple  pour  la  fureté  des  Bohémiens.  Guillaume  de 
Bavière  en  fit  dWiême  à  Bafle  de  la  part  du  Concile  ,  6c  de  Steif- 
mond.  Les  Princes  6c  \qs  villes  fur  le  païs  defquels  il  leur  falloic 
palier ,  promirent  aufîi  une  entière  fureté ,  6c  la  ville  de  Bafle  elle- 
même.  Sur  cette  réfolution,  le  Concile  expédia  un  fauf-conduic 
fb)  Cechi.ubi  qu'on  verra  dans  la  fuite  (b). 

fLprrJjctdu  XXXV.  Les  chofes  ainfi réglées,  on  convint  de  quelques  ar- 
Sauf-conduit  ticles  à  propofer  au  Concile,  i.  »  Que  ceux  qu'on  envoyeroit  à 
»  Basle  jouïroient  de  route  fureté  pour  aller ,  demeurer ,  &  s'en  re- 
»  tourner,  i .  Qu'on  leur  donneroit  la  liberté  6c  le  droit  de  déci- 
»  der,  decernendi  ',  que  l'Ecriture  fainte ,  l'hiftoire ,  ou  les  actes  de 
«la  primitive  Eglife,  les  Conciles,  la  doctrine  6c  les  traditions 
:>  conformes  à  l'Ecriture ,  feroient  les  feuls  juges  de  toutes  les  con- 
»  troverfes.    3 .  Qu'ils  auroient  la  liberté  de  faire  le  Service  divin 

(  i  )  Ce  diftrift  étoit  prefque  tout  Catholique  &  en  guerre  avec  les  Huflitcs^uoiquc  Zis\n  s'en 
fût  a'.ibord  emparé. 


tics  Bohc- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XVI.  379 
»  à  leur  manière  6c  félon  leurs  ufages ,  fans  qu'il  fût  permis  à  per-  l  * ,  z 
»  fonne  de  les  y  troubler  par  des  railleries  ou  par  des  médifances. 
»  4.  Que  jufqu'à  ce  qu'ils  fuflcnt  arrivez  on  ne  continueroic  pas 
«  les  affaires  du  Concile ,  ou  qu'à  leur  arrivée  on  recommenceroic 
»  ce  qui  auroit  déjà  écé  faic.  5 .  Que  le  Concile  devoir  çtre  de  celle 
»>  nature,  que  coûte  force  de  gens  6c  de  peuples  y  puiîenc  venir. 
»  6.  Que  le  Pape  n'auroit  point  la  fuprême  autoricé  fur  le  Concile, 
»  mais  qu'il  s'y  foumectroic  (  1  )  ».  Ces  arcicles  arrêtez ,  les  dépuccz 
de  Bohême  les  portèrent  à  Prague,  d'où  les  Bohémiens  envoyè- 
rent le  19.  d'Odobre  leurs  députez  à  Bâslç  Jean  Z a tec  &  Nicolas 
Mumpolcz^  pour  en  avoir  une  confirmation  authentique,,  fcellée 
du  fceau  du  Concile.  Ces  députez  furent  fort  bien  reçus, 6c on  (■i)T*w*.cap. 
leur  expédia  en  bonne  forme  le  fauf-conduit  fuivant  (a).  79' 

XXXVI.»» 'Le  Sacré  Synode  œcuménique  de  Bafleheureufe-  ^efBc0°h^uit 
.»  ment  aflemblé  par  le  St.  Efprit,6c  l'Eglife  Chrétienne  Catholique  miens. 
»  témoigne  6c  déclare  par  cesPatentes, qu'elle  a  reçu  fous  fa  protec- 
>»  cion  6c  fous  fa  foi^tous  les  Ecclefiaftiques,cous  les  Barons, les  Che- 
1»  valiers ,  les  Gentilshommes  6c  ceux  du  peuple  ,  de  quelque  con- 
»  dition  èc  dignité  qu'ils  foient ,  qui  feront  envoyez  par  les  Eglifes 
»  de  Prague  du  royaume  de  Bohême  6c  du  marquifat  de  Moravie 
m  ou  d'ailleurs,  de  quelque  nom  que  ces  endroits  s'appellent,  i 
»  ce  facré  Synode  œcuménique  au  nombre  d'environ  deux  cens 
*  (numéro  infraducenios)  &que  le  Concile  leur  promet  des  -à-pré- 
»>ient  par  ce  diplôme  la  toi  publique,  une  entière  fureté  pour  venir 
»»  dans  cette  ville  de  Baile,  pour  y  demeurer,  féjourner,  atten- 
dre, agir,  juger,  décider,  traiter  6c  compofer  avec  nous  fur 
»  coûtes  les  chofes  néceflaires  ,  félon  leur  ordre.  Nous  leur  per- 
»  mettons  aufTi  de  célébrer  le  Service  félon  leur  coutume  ôc  à  leur 
«manière  dans  leurs  maifons  fans  nul  empêchement  ,  en  forte 
a»  pourtant  qu'à  caufe  de  leur  préfence  ,  le  Culte  divin  qui  fe  pra- 
tique ailleurs  ne  foit  interrompu  nulle  part,  ni  en  chemin,  nia 
«  Bade.  Outre  cela  il  leur  fera  permis  de  prouver  de  vive  voix  \qs 
«quatre  articles  qu'ils  demandent,  par  les  témoignages  de  l'E- 
»criture&  des  Saints  Docteurs,  de  les  éclaircir,  de  les  propofer 
»  clairement,  &  s'il  eft  néceflaire,  de  répondre  aux  objections 
«du  Concile,  de  difputer  6c  conférer  amiablement  avec  un  ou 
»  quelques-uns  des  Pères  du  Concile,  fans  nul  empêchement  6c 
»  fans  aigreur  6c  calomnies ,  le  coût  fejon  la  forme  6c  teneur  donc 

(1)  Ce  font  à  peu-près  les  mêmes  articles  que  les  Proteflans  demandèrent  en  i$$i-  ^» 
Concile  de  Trente.  Sletd.  L.  XXIIJ.  p.  m.  74 $. 

Bbb  ij 


38o      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1432.    »  on  eft  convenu  de  part  &  d'autre  à  Egre(  a)  »  C'eft  là  ce  qui  eft 
\a)ibeob.  ukî  »  contenu  dans  la  formule  du  fauf-conduit  donnée  par  Theobald. 
fup.  j'en  rrouve  une  plus  ample  &  même  plus  avantageufe  dans  les  ac- 

tes des  Conciles  publiez  par  les  Pères  Labbe  &  Coffart.  Je  marque- 
rai ici  ce  qu'il  y  a  de  particulier  dans  cette  dernière  formule.  »  1 . 
»  Que  fi  quelqu'un  d'entre  les  Bohémiens  ,  foit  en  venant ,  foie 
»  pendant  le  fejour ,  foit  en  s'en  retournant ,  commet  quelque  ac- 
»  tion  qui  pût  annuller  le  privilège  de  la  fureté ,  ils  en  feront  d'a- 
»  bord  juftice  par  eux-mêmes  ,  6c  non  par  d'autres  ,  £c  cela  de  l'ap- 
•  probation  du  Concile,  comme  de  fon  côté,  le  Concile  lui  mê- 
»,  me  fera  juftice  de  ce  qui  pourroitfe  commettre  par  les  Catholi- 
„  quesau  préjudice  de  ladite  fureté,  6c  cela  du  confentement  & 
«au  gré  des  députez.  1.  Qu'il  fera  permis  aux  ambafladeurs  ou 
»  députez  de  Bohême  de  fortir  delà  ville  pour  changer  d'air,  6c 
»  d'y  revenir ,  d'envoyeren  toute  liberté  leurs  députez  par  tout  où 
«ils  voudront  pour  leurs  affaires,  6c  que  même  le  Concile  leur 
»  donnera  bonne  efeorte.  3 .  Qu'il  ne  fera  point  permis  aux  Catho- 
«liques,  foit  dans  leurs  prédications,  foit  dans  leurs  difputes  ou 
«conférences,  de  prêcher  contre  les  quatre  articles  des  Bohê- 
3»  miens.  4.  Qu'après  avoir  eu  une  audience  fuffifante  ,  &  lorf- 
»  qu'ils  feront  prêts  de  fe  retirer ,  foit  de  leur  propre  mou  vement , 
«foit  par  avis  du  Concile,  on  leur  donnera  encore  20  jours  de 
(b)Concii.  «terme,  après  quoi  on  les  efeortera  de  bonne  foi  6c  en  toute  feu- 
^,Tog™'  «reté  jufques  à  Tafihau ,  ou  quelque  autre  ville  frontière  qu'ils  fou- 
484.  »  haiteront(b). 

Lf5  Bohê-        XXXVll.  Nonobftant  ces  furetez,  les  Bohémiens  jugèrent  en- 

miens  en-     core  à  propos  de  délibérer  s'ils  envoyeroientà  Bafleou  non.  On 

Députez  à"*  afîembîa  donc  les  Etats  pour  agiter  l'affaire.  Les  fentimens  fe  trou^- 

Baflc.  verent fort partagez.  D'un côté  les  Taborites avec  les  Orphelins , 

les  Orébites  6c  le  peuple  de  leur  parti  ne  vouloient  point  qu'on  ha- 

zardât  le  voyage  5  ils  alléguoient  toujours  l'exemple  de  Jean  Hus  6c 

de  Jérôme  de  Prague^  brûlez  à  Confiance.»  De  l'autre  les  Seigneurs 

avec  le  reftedes  Huffites  prétendoient  qu'on  ne  pouvoit  fe  dif- 

penfer  d'aller  à  Bade  fous  les  conditions  offertes  par  le  Concile; 

qu'on  ne  devoir  faire  nulle  difficulté  de  foumettre  à  l'examen  une 

dodrine  fondée  fur  l'Ecriture  j  qu'il  étoit  important  de  difîîper  les 

calomnies  répandues  contre  eux  dans  le  monde  ,  &  qu'il  falloitfe 

montrer  portez  à  tous  égaras  à  la  paix  &  à  l'union  ,  faufla  vérité. 

Lesraifons  étoient  plaufibles  de  part  6c  d'autre  ;  mais  le  dernier 

avis  l'emporta  par  le  crédit  du  Seigneur  Mainardde  Maifon  -  neu- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  XVI.  381 

ve ,  homme  de  grande  autorité  &  du  parti  Catholique  ,  ou  au  I4 ,  2- 
moins  flottant  entre  les  deux  partis.  Il  fut  donc  réfolu  d'envoyer 
uneambatTadefolemnelleaBafle.  Le  Recteur  de.l'Univerfité(a)  (a)c&n/to«. 
nomma  pour  éccléfiafliques  Jean  de  Rocky^ane  ^Pierre  Pey  ne  ,  dit  FrachatuX- 
l'Anglois ,  Nicolas  Bifcupec  (  1  )  prêtre  des  Taborites  ,  Vlric  prê- 
tre des  Orphelins.  On  a  déjà  donné  le  caradere  de  Rockyz^ne , 
c^xMneas  Sylvius  appelle  faux  Apbtre  de  Prague  (  b  ).  C'étoit  un  (W  ***  /«;>• 
homme  docte,  éloquent,  ambitieux,  intriguant,  &  qui  s'étoic 
fïgnalé  dans  le  Royaume,  non  feulement  par  fes  prédications  ôc 
par  fesdifpures  ou  conférences  j  mais  auffi  par  plufieurs  négocia- 
tions où  il  avoit  eu  part.  A  la  tête  desféculiers  étoit  le  fameux 
Procope  Rafe  furnommé  le  Grand.  On  y  joint  Guillaume  de  Cofte- 
ka  ,  dont  JEneas  Sylvius  dit  qu'il  étoit  moins  célèbre  nar  fa  no- 
bletîe,  que  par  le  pillage  des  Eglifes ,  &  plufieurs  autres  gentils- 
hommes. Theobald  dit  qu'il  fe  joignit  à  eux  un  ambafïadeur  du 
Roi  de  Pologne ,  à  qui  Procope  Rafe  fit  de  grandes  carelTes.  Ils 
partirentenfemblefurlafîndumoisde  Novembre  ,  &  arrivèrent 
à  Taufch  le  3 .  Décembre  où  ils  attendirent  quelques  jours  le  refte 
de  leur  monde,  &  arrivèrent  à  Balle  le  6.  Janvier.  En  attendant 
qu'ils  foient  ouis,  voyons  ce  qui  fepalTe  en  Bohême  &  dans  le 
voifinage. 

XXXVIII.  Je  trouve  que  les  Orphelins  y  firent  plufieurs  cour-  Courtes  des, 
fes  cette  année.  Il  faut  néceiTairement  placer  ces  courfes  avant  ou  aIFt^  & 
pendant  la  conférence  d'Egre  ,  puifque  Procope  le  Grand  qui  fut  tes  en  Bohé- 
envoyé  fur  la  fin  de  l'année  à  Balle,  étoit  à  leur  tête.  Ils  crurent  me&cauvo1- 
fans  doute  avoir  d'autant  meilleure  compofition ,  qu'ils  fe  ren- 
droient  plus  redoutables  à  leurs  voifins,  &  ils  ne  s'y  trompèrent 
pas.  Ils  allèrent  fe  jetterfur  les  terres  des  Seigneurs  de  Kolowrat 
(2  ) ,  d'une  des  plus  illuftres  &  des  plus  anciennes  maifons  de  Bohê- 
me 3  leurs  ancêtres  y  ayant  accompagné  Czgchus  fondateur  de  la 
nation.  Ils  alTiégerent  d'abord  Horzgvic^  place  appartenante  à 
quelque  Seigneur  vaflal  de  Kolowrat.  Cette  for terefle  fe  rendit  au 
bout  de  9.  jours ,  à  condition  que  le  Gouverneur  &  la  garnifon  fe 
rangeroient  fous  les  enfeignes  des  vainqueurs.  Ils  n'eurent  pas  le 
même  bonheur  devant  la  forterefle  de  Liebftein  qu'ils  battirens 
pendant  fept  femaines  avec  autant  d'opiniâtreté  que  de  fureur. 

(ij  C'eft  ainfi  que  le  nomme  Iheobctld,  JEneas  Sylvius  le  nomme  NicoLts  Gakc.  ubifup. 
cap.  49. 

[2]  Ce  mot  fignifie  en  Bohémien  ,  tourner  une  roué ,  &  ce  nom  leur  ft'it  donné  parce  qu'un 
de  leurs  ancêtres  avoit ,  comme  un  autre  Milan,  arrêté  dans  un  combat  avec  fa  main  un  cha- 
riot dont  Les  chevaux  comoient  à  toute  bride.  Czcchor.  Mars  Morav.  r.  548* 

Bbbii] 


fit     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
C'eft  ce  qui  obligea  les  Commandans  «à  capituler  pour  épargner  le 
païs.commeavoient  tait  les  Seigneurs  de  Rofenberg(i).  On  fie  donc 
une  trêve  de  trois  jours  donc  les  conditions  écoient  qu'ils  join- 
droient  leurs  armes  enfemblepours'alTiiter  mutuellement  contre 
leurs  ennemis ,  qu'on  rendroit  de  part  5c  d'autre  les  prifonniers 
fans  aucune  rançon  ^  que  fi  quelque  parti  vouloit  Te  détacher ,  il 
en  avertiroit  un  mois  auparavant.   Les  Orphelins  firent  entrer 
dans  cette  confédération  les  Taborites,  ceux  de  Gratz^,  ceux  de 
G  Lut  au  y  ceux  de  Taufcb  3  ceux  de  Pifek,  ceux  de  Zateck,  ceux 
de  Zauniàc  leurs  alliez.  On  met  à  cette  année  une  troidéme  irru- 
ption de  Procope Rafe  avec  les  Taborites  dans  le  Voigtland.  Après 
y  avoir  tout  ravagé,  ils  paiTerent  dansIaMifniefupérieure  où  on 
prétend  Qu'ils  n'avoient  pas  encore  pénétré.  Le  Duc  de  Bavière 
parle  confeil  de  l'Empereur  s'étant  joint  une  féconde  fois  à  l'E- 
lecteur de  Saxe  pour  aller  livrer  bataille  aux  Bohémiens ,  le  com- 
bat le  donna  à  Taucha  (  i  )  où  ils  étoient  alors.  A  peine  avoient  -  ils 
commencé ,  que  les  Bavarois  prirent  la  fuite.  Les  Saxons  qui  tin- 
rent plus  long-temps  furent  taillez  en  pièces,  la  ville  fut  réduite 
en  cendres  &  les  murailles  raféesQ).  Après  cette  expédition  les 
Taborites  fe  retirèrent  en  Bohême  pour  fe  trouver  à  unealTem- 
blée  que  dévoient  tenir  les  Grands  de  Bohême.  Les  Taborites  re- 
pafîérent  cette  année  en  Siléfie  pour  aller  au  fecours  de  leurs  gens 
aiTiégezà  CreutzJ>ourg }  par  les  Ducs  à'Olfen.  Au  feul  bruit  de  leur 
arrivée  le  fiége  fut  levé.  De  là  ils  tournèrent  du  côté  de  Namhflan 
petite  ville  &  fortercfle  du  Duché  de  Brejlau ,  qu'ils  n'attaquèrent 
pas,  contents  de  pilier  &  de  brûler  auxenvirons.  Ils  en  ulerentde 
même  àOlfinèCâlVo/au ,  pour  fe  vanger  des  Ducs  de  ces  noms 
qui  avoient  afîiegé  leurs  gens. 
irruption         XXXIX.  On  rapporte  à  cette  même  année  l'incurfion  des 
des  Hu'Htes  Bohémiens  dans  la  Marche  de  Brandebourg ,  où  ils  fe  vangerent 
bourg!"        cruellement  du  fecours  que  l'Electeur  avoit  donné  contre  eux  à 
l'Empereur.  D'abord  ils  allèrent  brûlant  &  pillant  la  campagne 
&:  les  petites  villes,  comme  Soliin  jafqu'à  Cujlrin  qu'ils  n'attaquè- 
rent pas  3  parce  que c'étoit  déjà  une  place  forte.  De  là  ilsencre- 
prirent  de  nouveau  le  liège  de  Francfort  fur  l'Oder ,  dont  ils  re- 

[i]  C'eft  auffi  une  des  plus  anciennes  maifons  de  Bohême,  Balbin.  Epitom.  p.  284.  2%$. 

&  *»*•  .    .  , 

[1]  Entre  Leipfic  &  Illembourg;.  George  Fabrice  témoigne  que  cette  ville  appartenoit  à  U 

Htaifon  de  AubitX.-  Orig.  Saxon.  "Lib.  VII.  p.  749. 

[3]  Albert  de  Brandebourg  Archevêque  de  Magdcbourglc6  avoit  fait  çonftruire.  Il  faut  que 
ççitç  ville  ait  été  rebâtie,  puif.]u'pn  la  trouve  fur  La  Carte» 


ET  DU  CONCILE  DE   BASLE.  Ziv.  JCV1.  383 

commencèrent  le  fiége  à  diverfesreprifes.  Ils  en  furentnéanmoins    l  i ,  lt 
repouflezà  chaque  fois.  Cecre  ville  fut  attaquée  le  6.  d'Avril  j 
mais  les  citoyens  la  défendirent  fî.bien  que  les  Hufïîtes  prirent  la 
fuite.  Ils  furent  pourfuivis  jufqu'à  Mulhrofen  dans  la  Balle  Luface 
à  deux  lieues  de  Francfort  où  ils  reçurent  encore  un  échec.  Ayant 
raiiemblé  leurs  troupes,  ils  retournèrent  afliéger  Francfort  j  mais 
avec  aufîipeu  defuccès  qu'auparavant.  Ils  brûlèrent  pourtant  le 
fauxbourg  appelle  Gouben,  &  la  Chartreufe.  On  voit  encore  de 
leurs  armes  dans  la  Bibliothèque  de  Francfort.  Us  continuèrent 
leurs  courfes  dans  les  villes  &  villages  voifins.  Dès  le  lendemain 
de  cette  mauvaife  expédition  ,  ils  allèrent  à  Zebufi  &.  détruifirent 
la  ville,  6c  le  palais  épifcopal.  Lebuffétoit  autrefois  une  ville 
épifcopale,  furTragante  de  l'archevêché  de  Gnefne.  L'Evêque 
d'alors  s'appelloit  Chrifiopble ,  ou  félon  d'autres ,  Frideric,  ou  peut- 
être  qu'il  portoit  ces  deux  noms.  On  trouve  qu'en  1555.  Joacbim 
Frider&c\ç&ei\r  de  Brandebourg  fut  élu  évêque  de  Zebu/fk  l'âge 
de  9.  ans  3  &  que  Jean  George  fon  père  étoit  adminiftrateur  de  cet 
évêché  (a).   Ils  prirent  &  pillèrent  Munichemberg  ,  Strausberg.    të)Cernit. 
Zandsberg  (  1  )  &  les  environs.  On  trouve  encore  dans  les  archives  30'.  up' F* 
de  quelques-unes  de  ces  villes  les  privilèges  que  l'Electeur  leur 
accorda  pour  les  dédommager  des  pertes  que  leur  firent  fouffrir 
les  Hutîites.  Ils  allèrent  aux  environs  de  Konisberg,  dans  la  nou- 
velle Marche.   On  prétend  qu'à  la  place  des  villages  qu'ils  y  dé- 
truifirent ,  ils  en  bâtirent  quelques-uns  de  nouveaux  ,  &  qu'on  les 
appella  depuis  les  villages  des  hérétiques.  L'Hiftorien  de  qui  je 
tiens  ce  fait ,  dit  même  qu'on  trouvoit  dans  des  caves ,  des  autels  (b)Angei.  uto 
où  ils  faifoient  le  fervice  divin  (b).  fup.p._*io. 

X  L.  Ils  furent  moins  heureux  à  Bernaw  3  dont  ils  entreprirent  Les  HufHteg 
le  fiége  avez  une  allez  grofle  armée.  Ils  ne  l'attaquèrent  pourtant  ^"g"^" 
que  d'un  côté  depuis  la  porte  de  pierre ,  jufqu'à  ia  porte  du  moulin.  naw. 
La  défenfe  fut  des  plus  vigoureufes,  ôc  ils  furent  repouiïez  plus 
d'une  fois.  Les  femmes  même  firent  merveille  dans  cette  occafion. 
Elles s'aviferent  dejeteer  de  la  bière,  de  l'eau,  &c  des  potées  de 
mil  toutes  bouillantes  fur  le  corps  &  fur  la  tête  des  Huflltes  qui  ef- 
caladoient  la  muraille.  La  défenfe  dura  par  ce  ftratagême  jufqu'à 
l'arrivée  d'un  fecours  d'environ  6000.  hommes  que  Frideric  élec- 
teur de  Brandebourg  amena  lui-même.  Ce  Prince  fe  retrancha 
d'abord  avec  fon  armée ,  depuis  la  porte  de  Berlin  jufques  à  l'en- 

\  i]Il  va  deux  Villes  de  ce  nom  dans  les  Marches  de  Brandebcurg,  l'une  dans  la  nouvelle, 
l'autre  dans  la  mo'ycnne. 


3 «4       HIST-  £>£  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
143  *•     droit  appelle  La  Warte ,  en  attendant  les  troupes  auxiliaires  de 
quelques  autres  Princes.  Mais  ce  fècours  ne  venant  point,  l'Elec- 
teur prit  la  réfolution  d'attaquer  les  Hufïïtes  dans  leur  camp.  En 
même  temps  les  citoyens  firent  une  fortie  ,  fortifiez  par  piuiieurs 
gentils-hommes  &  leurs  valets  au  nombre  de  900.  qui  s'etoient  re- 
tirez des  petites  villes  &c  des  villages  à  Bernaw.  La  vi&oire  long- 
tems  difputée  fe  déclara  pour  l'Electeur.  Les  Hufïïtes  furent  battus 
à  plate  couture  &  il  en  échapa  très  peu.  Le  combat  qui  fut  fort  fan- 
glantjfe  donna  le  jour  de  St.  George  près  de  la  ville  dans  un  en- 
fa)D/>R»-  droit  qu'on  appelle  encore  les  Champs  Rouges  (a),  &  où  la  petite 
tben  Lanier.  xWiqtq  de  la  Panque  prend  fa  fource.  En  mémoire  de  cet  heureux 
fuccès  il  fut  réfolu  que  tous  les  ans  à  même  jour,  on  feroit  une 
proceiîion  folemnelle  pour  en  rendre  des  actions  de  grâces  au  ciel. 
C'eft  cequiparoît  par  un  ancien  Manufcrit  où  l'on  trouve  cette 
ordonnance  en  ces  termes.  »  L'an  du  Seigneur  143  2.  le  jour  de  St. 
»  George  le  martyr,  la  4e.  Fête  de  Pâques  ,  les  Bohêmien^inrenc 
«devant  cette  ville  de  Bernaw  dans  le  deflèin  de  la  furprendre  àc 
»  de  la  ruiner,  &  nous  attaquèrent  diverfes  fois  avec  beaucoup  de 
»  fureur  ;  mais  par  l'aide  de  Dieu  &  de  St.  George  nous  leur  avons 
«réfiflé  vaillamment,  &en  avons  fait  périr  un  grand  nombre  par 
w  le  fer  &  par  le  feu.  A  ces  caufes  nous  Proconfuls  HermannZutkey 
»Hans  Bekolt ^Grégoire  Sachtelewen&t  Hermann  Heutzj  3  à  pré- 
»  fent  Echevins  &  Confuls  de  la  ville ,  avec  tous  les  habitans  &  fon 
»  Clergé  ,  avons  fait  en  toute  humilité  &  dévotion  un  vœu  à  pér- 
is petuité  de  célébrer  tous  les  ans  la  fête  de  Pâques  avec  unepro- 
»  ceffion  folemnelle  dans  cette  ville }  &  de  chanter  fur  la  place  pu- 
»  blique  le  Te  Deum  en  l'honneur  du  Dieu  tout-puilTant  &  de  St. 
v  George.  La  proceiîion  finie  s  on  palîera  dans  la  chapelle  de  Saint 
»  George  avec  le  Sacrement  3  &ony  célébrera  folemnellement  la 
»  grande  Meiîe.  Puis  on  fera  publiquement  la  lecture  de  la  vie  de 
»?  St.  George.  Que  fi  quelqu'un  des  habitans  ne  célèbre  pas  ce  jour- 
»  là  en  la  manière  fufdite ,  il  fera  puni  fans  mifericorde  par  les  Con- 
duis». On  trouve  dans  la  grande  Eglife  de  Bernaw  des  reftes  & 
des  monumens  de  cette  a&ion ,  comme  des  flèches ,  des  chaines 
ou  cordages3des  catapultes  ou  mortiers,  des  arcs  dont  fe  fervoienc 
les  HulTites,  &  des  boulets  de  pierre  qu'ils  jettoient  dans  la  ville. 
On  trouve  auffi  dans  la  Maifon  de  Ville  des  cuiraflès  de  fer  ou 
cataphraBes ,  des  cafques  &  autres  inftrumens  de  l'ancienne  mi- 
lice (1). 

£1^  Tout  ce  Mémo  ire  m'a  été  communique  par  ledotte  &  obligeant  Mr.  Ithit  Stiler,  vé- 

XLI. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JWI.    385-     WÀ„ 

X  L  I.  De  Bernaw  les  Huflites  pafférent  à  Angermunde  3  ville  (ï-   Digrdiio* 
tuée  dans  cette  Marche  de  Brandebourg  appellee  'Vckermarck.  Ils  fur  Angcr- 

11  11         \      c        -£  o        »  r  »  muadc. 

s,emparerent  delà  ville,  la  rortinerent  oc  s  y  tinrent  en  lurete 
pendant  quelque  temps.  Un  Hiftorien  rapporte  qu'ils  y  b.itirent 
même  une  fort  grande  Eglife  3  &  que  c'eft:  pour  cela  que  cette  vil-  • 
le  fut  appellee  l* Anqermunde  l'hérétique.  Je  trouve  pourtant  qu'el- 
le portoic  ce  nom  dès  l'an  1420.  Quoi  qu'il  en  foie,  je  rapporte- 
rai ici  fur  ce  fait  allez  peu  vrai-femblable  3  le  fentiment  du  célèbre 
Jean  Chrifiophle  Becman ,  autrefois  Profefleur  en  Théologie  à 
Francfort  fur  l'Oder.»  Nos  Hiftoriens,  dit-il _,  croyent  unani- 
»  mement  qu'il  y  a  eu  là  des  colonies  de  Huflites  3  mais  avec  leur 
»permiflion  je  ne  puis  être  de  leur  fentiment  pour  ce  qui  regarde 
»  les  perfonnes,  quoique  je  ne  dilconvienne  pas  du  fond  de  la 
»  chofe.  Car  l'expédition  des  Huflites  dans  la  Marche  ne  fut 
»  qu'une  courfe  de  quelques  femaines.  Ce  ne  fut  point  une  tranf- 
»  migration  paifibie  ou  une  conquête  qu'on  pût  garder  allez  long- 
»  tems  pour  bâtir  des  villes  &  des  villages.  L'Eleveur  Frideric  que 
»  Sigifmtnd  àvoit  établi  Général  contre  les  Huflites  n'auroit  ja- 
»  mais  fouftère  qu'ils  euflent  une  demeure  fixe  dans  la  Marche. 
»  Les  oratoires,  ou  ces  autels  qu'on  trouvoitdans  lesfouterrains 
»  me  porteroient  plutôt  à  croire  que  ces  bonnes  gens  étoient  des 
«reftes  des  anciens  Vaudois.,  qui  faifoient  le  Service  divin  dans 
»  ces  caves.  Quand  on  lesinterrogeoit  fur  leur  créance  ils  ne  la 
»  difïimuloient  pas  ;  mais  hors  de  ce  cas  ils  s'accommodoient  quant 
»à  l'extérieur  à  la  religion  dominante,  alléguant  l'exemple  de 
»  Jofcpbd * AtiWidthie ,  Ôc  de  Nicodème.  Il  n'en  étoit  pas  de  même 
»  des  Huflites.  Leur  culte  public  &  particulier  étoit  le  même, 
»  trouvant  injufle  depehfer  une  chofe ,  &  de  faire  profeflîon  pur. 
»  blique  d'une  autre.  C'eft:  pour  cela  que  les  Huflites  ayant  ren- 
contré des  Vaudois,  tant  en  Italie  6c  fur  les  terres  de  la  domi- 
»  nation  du  Pape,  qu'aux  confins  de  la  Moravie,  quand  ceux-là 
«virent  que  ceux-ci diflimuloient  leur  créance,  ils  ne  voulurent 
»  point  faire  focieté  avec  eux ,  quoiqu'ils  l'euflent  paffionnémenc 
»  recherchée  auparavant  3  &  qu'ils  fufTènt  d'accord  dans  le  fond. 
»  Or  onnefçauroit  douter  que  les  Vaudois  n'ayent  été  dans  la 

nérablc  archidiacre  de  Bernavv.  Onpeutaufli  confultcr  fur  ce  Siège  les  Annalcsde  la  Marche 
de  Brandebourg  par  André  Angel  de  Strausberg  p.  210.  Jean  Ccrmtiui  dans  fou  Hiftoire  dcz 
Electeurs  de  Brandebourg,  delamaifon  des  Bnrgraves  de  Nuremberg.  C'eft  un  Mariùfcrît 
Chronique  qui  a  pour  titre  Mctrcbia  illuflrata  ,  dans  lequel  il  efl  traité  des  courfesdes  Huflites 
dans  la  Marche  Eledorale  par  Elie  Lockelius  Iufpecteur  de  toutes  les  Eglifes  Electorales  qui 
font  dans  la  contrée  de  Sternberg,  qui  m'a  été  communiqué  par  la  faveur  du  célèbre  Mr. 
Ditbmar  Profefleur  en  hiftoire  &  en  droit  naturel  à  Francfort  fur  l'Oder. 

Tom.  I,  C  c  c 


3S6        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

ïa.%  i.    w  Marche  ôcda.ns  les  Provinces  voifines,  fi  l'on  fait  attention  à 

h  cette  remarque  mémorable  de  Jean  Wolfius ,  Ravoir  qu'il  y  a  un 

fa)  Becmann.  M  cranc[  volume  de  procès  où  l'on  trouve  que  443.  Vaudois  furent 

Orat.  bccu-        O  i  »         *  * 

hr.an.1713.  »  examinez  en  Pomeranie  dans  la  Marche  &  dans  les  lieux  circon- 
P-  *4-  „  voifins  vers  l'an  1 3  9  1 .  (a). 

Courfc  des      X  L 1 1.  Pendant  que  les  Taborites  &  les  Orphelins  ravagoient 
Orphelins  &  jes  provinCes  voifines des  Moraves ,  ceux-ci  tâchèrent  de  (e  rele- 

cks r.ibontcs  .  ~  A  '  ...        .  .  , 

en  Moravie,  ver  de  leurs  pertes.  Ayant  içu  que  la  ville  de  Sternberg  (1)  etoit 
mal  défendue  &  mal  pourvue  des  chofes  néceflaires  pour  foutenir 
un  fiége,  ceux  d'Olmutz^ ,  de  Zitovel  6c  tiUniczon  joignirent 
leurs  forces  pour  l'attaquer  avec  leurs  machines  de  guerre.  La 
place  fut  battue  rudement  ôc  fans  difeontinuer  pendant  trois  joursj 
(b)  Xiohs  au  bout  defquels  elle  fe  rendit.  On  aceufa  le  commandant  (b)  d'y 

VrmwiuL.  avojr  maj  fajc  fon  devoir.  Il  fortit  de  la  place  6c  fa  garnifon  avec 
armes  &  bagages,  laiflfant  néanmoins  ies  grofTes  pièces  d'artille- 
ries ,  comme  les  baliftes,lesr*/^*//«,  la  poudre  de  fourTre^  {puU 
verem  fulfureum)  les  boulets 6c les  chariots.  Une  partie  de  cette 
garnilon  fe  retira  à  Gevicz^,  place  frontière  de  la  Bohême  ;  l'au- 
tre kTobifcbau(i)  où  les  HuiFites  avoient  de  leurs  gens.  Des  que 
les  Taborites  6c  les  Orphelins  ,  qui  étoient  encore  occupez  au  pil- 
lage de  la  Luface  6c  de  la  Marche  de  Brandebourg,  eurent  appris 
la  nouvelle  du  fiége  de  Sternberg,  ils  accoururent  en  toute  dili- 
gence pour  le  faire  lever  3  mais  ils  apprirent  à  Biflric^  (3)  que  la 
place  étoir  prife.  Procope Rafefat  fort  fenfibleà  cette  perte,  ôc 
pefta  beaucoup  contre  la  lâcheté  du  commandant  &  de  la  garni- 
ion,  ïi  détacha  incontinent  deux  de  fesjneiiieurs  Officiers,  l'un 
de  cavalerie  3  l'autre  d'infanterie  ,  pour  aller  à  grand'hâte  en 
Moravie.  L'autre  Procope  les  renforça  d'une  partie  de  fa  cavale- 
rie. Comme  ces  Officiers  avoient  ordre  de  mettre  tout  à  feu  & 
à  fang  ,on  vit  en  un  inftant  exécuter  ces  ordres  inhumains  dans 
tous  les  environs  desvillesde  Zitovel,  d'Olmutz^,  de  Stcrnbergtk. 
d'Vnicz^n.  Plufïeurs  perfonnes  de  marque  ainfi  attaquées  à  l'im- 
provifte  y  périrent.  Ceux  qui  faifoient  la  moindre  réflftance 
étoient  pailez  au  fil  de  l'épée.  Heureux  le  peuple  de  la  campagne 
s'il  pouvoir  fe  retirer  dans  les  bois  6c  d'ans  les  marais  voifins  avec 
H  Qtjetber.  femmes ,  enfans  6c  beftiaux  (c).  Cependant  les  Huffites  appre- 

^572^74*  nanc  ç\xxi^'oert  de  Sternberg  &  le  Gouverneur  d'Olmutz  afîem- 

(i)  Place  forte  non  loin  d'Olmutz.  Il  y  a  un  Duché  &  une  Ville  de  ce  nom  dans  la  Marche 
de  Brandebourg  à  quelques  lieues  de  Francfort (ur  l'Oder,   &  une  autre  en  Bohême» 
(2)  En  Bohémien  Iho-vacou  ,  &  en  Morave  lovacxjm, 
II)  Ville  de  la  BohçûM  dans  le  djfo.â  deBécWn. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  A~n.  387 
bloientdes  troupes  dans  cecce  dernière  ville,  &que  ces  deux  Gé-  1432,: 
néraux  n'attendoient  que  l'arrivée  de  Ladijlas  de  Sternberg^  cou- 
fin  germain  d' 'Albert ,  &d'un  autre  Capitaine  avec  le  renfort  des 
troupes  de  Bruna,  de  Lipnick  &  de  Wiskou  pour  venir  fondre  fur 
eux,  ils  réfolurent  de  s'en  retourner  en  Bohême  à  leurs  gens  oc- 
cupez au  fiége  de  Potnftein.  Ce  fut  à  peu  près  dans  ce  temps- là 
qu'un  gentilhomme  de  Moravie  nommé  Sinilo  de  Morawan  avec 
quelques  alTociez  alla  furprendre  la  nuit  le  monaftere  de  Hradiflie 
(1)  proche  d'Olmutz.  Les  Moines  furent  ou  mailacrez,  ou  mis 
en  fuite.  L'Abbé  qui  avoit  nourri  le  gentilhomme  comme  un  fer- 
pent  dans  Ton  fein,  ayant  voulu  fauter  la  muraitle  fe  caiTa  bras  &; 
jambes,  6c  fut  conduit  à  Ofira  où  il  fut  rançonné  &.  emprisonné. 
Depuis  ce  temps-là  on  ordonna  de  rafer  ce  monaftere  afin  qu'il  ne 
fervît  plus  de  retraite  à  l'ennemi.  On  en  tranfporta  auparavant 
dans  l'Eglife  àzSt.Wenceflas ,  les  Reliques  &  les  corps  des  Mar- 
quis &  des  Evêques  d'Olmutz  qui  y  avoient  leur  fépulture.  J'ai 
raconté  cette  particularité ,  parce  qu'un  auteur  Morave  nommé 
Drabonicz^-i  attribue  cette  invafîonà  des  Wiclefltes  qui  avoient 
gagné  un  Frère  convers  de  ce  monaftere.  J'y  trouve  pourtant  peu 
d'apparence,  parce  que  les  annales  du  couvent  n'en  font  aucune 
mention,  au  moins,  félon  la  relation  de  Thomas  Jean  PeJJîna  de 
Czgchorod{&)  dans  fon Mars Moraviquc.  (a)iAifup. 

X  L 1 1 1.  Les  Taborites  &  les  Orphelins  ayant  abandonné  le   Hoftiiitet 
fiége  de  Potnftein,  retournèrent  en  Moravie  8c  fe  jetterentfur  le  «fj^fioa- 
diftri&deBruna,  où.  ils  firent  leurs  dégâts  &  leurs  ravages  ordi-  gric. 
naires.  Ils  auroient  porté  la  fureur  jufqu'aux  dernières  extrémitez 
fi  par  l'entremifc  de  Jeande  Pcrnftein,  les  Kravaars  èc  les  Stern- 
bergs  n'eulTent  trouvé  moyen  de  fléchir  à  force  de  prières  &  d'ar- 
gent Procope  Rafe ,  encore  fumant  de  colère  de  la  perte  de  Sterny 
berg  qui  lui  appartenoit.  H  pardonna  même  à  celui  qui  avoit  li- 
vré cette  place,  &  dont  il  vouloit  faire  un  exemple;  mais  ce  ne 
fut  qu'à  condition  qu'il  le  fuivroit,  &  qu'il  efFaceroit  par  quel- 
que belle  adion  la  note  d'infamie  qu'il  avoit  encourue  dans  cette 
occafion.  DjIî  Procope  s'en  alla  dans  la  Province  d'Oppava(i) 
en  Siléfie.   On  ne  dit  point  ce  qu'il  y  fit.   Les  Orphelins  d'autre 
côté  allèrent  en  Hongrie  pour  tâcher  d'avoir  leur  revenche  de 
l'échec  qu'ils  y  avoient  reçu.  Les  confédérez  les  y  attendoient    (b)Biaskf 
avec  impatience.  Ils  y  furent  joints  par  quelque  Seigneur  (b),    '  "****''** 

(  1  )  Ville  forte  fur  la  rivière  de  Mire  entre  Krernfir  &  Oftrouw, 
(2  )  La  Capitale  s'appelle  de  m£me  noiî) ,  ou  Troppatt. 

Ceci] 


388  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
Ia.x  i.  qu>on  repréfente  comme  un  homme  fort  entreprenant,  &  qui 
avoit  amafie  un  bon  corps  de  gens  de  même  humeur. Ce  fut  avec  ce 
renfort  qu'ils  furprirent7Vr#;z  ville  fort  marchande,  oui!  y  avoir 
beaucoup  de  richefTes.  Comme  c'étoit  en  temps  de  foire ,  quel- 
ques-uns des  plus  hardis  d'entr'eux  entrèrent  dans  la  ville  fur  le 
minuit ,  déguifez  en  marchands  qui  venoient  à  la  foire.  Dès  qu'ils 
fçûrent  que  leurs  gens  étoient  proches  de  la  ville,  ils  égorgèrent 
les  fentinelles,  enfoncèrent  les  portes ,  &  introduisirent  leur  mon- 
de. Jamais  on  ne  vit  un  tel  carnage.  Les  pauvres  marchands  qui 
gardoient  leurs  boutiques ,  &.  les  citoyens  ayant  voulu  courir  aux 
armes  furent  aflommez  comme  des  bêtes.  Les  uns  voulurent  en 
vain  fe  cacher  $  d'autres  reprenoient  leurs  armes  ,  6c  puis  les  met- 
toient  bas  ^  quelques-uns  qui  voulurent  fe  jetter  du  haut  en  bas  de 
la  muraille,  tombèrent  tout  fracaiTez.  Enfin  ,  quand  il  n'y  eut 
plus  derefiflance,  Procope  le  petit  défendit  de  tuer  davantage  de 
monde ,  &  lailîa  le  butin  aux  foldats.  Tout  fut  aufli-tôt  au  pillage, 
or  ,  argent  ,  marchandifes,  chevaux,  meubles,  &c.  De  là  les 
Orphelins  pafifant  dans  la  haute  Hongrie  ,  campèrent  à  Kremnit^ 
&  pillèrent  impitoyablement  tout  ce  riche  territoire  qui  efl  entre 
les  rivières  de  Gran  &  de  Nitria ,  julqu'au  Danube.  Ayant  paflé  le 
Gran  ,  ils  traitèrent  de  même  les  païs  de  Tepliczjk  de  Schcmnicz^ 
Cependant  comme  ils  apprirent  que  la  noblelîe  Hongroife  aflèm- 
bloit  une  armée  à  Presb^urg  pour  leur  fermer  le  pafïage,  ne  ju- 
geant pas  à  propos  de  l'attendre,  ils  s'en  retournèrent  iTorna  , 
&  de  là  en  Moravie  &  en  Bohême  fans  nulle  oppofition.  Le  refte 
de  Tété  fut  employé  à  s'emparer  de  quelques  châteaux  de  Bohê- 

fn)  ctechn.   me ,  occupez  par  des  Catholiques  (a) ,  en  attendant  la  pacification 

ubifupr.       du  Concile. 
Ambaflade      XLI V.  On  marque  à  cette  année  une  nouvelle  ambaflade  des 

des  Bohe-     Bohémiens  au  Roi  de  Pologne  1 1  \  £He  rouloit  fur  ces  chefs  prin- 

iTiiens  en  1- o-  o        v    '  r 

bgne  eipaux.    i.  Ils  offroient  au  Roi  du  fecours  contre  les  Chevaliers 

Teutoniques  qui  avoient  violé  le  traité  de  paix.  2.  Ils  deman- 
doient  la  grâce  de  Si^ifmond  Coribut ,  difgracié  à  Toccalîon  des 
démêlez  qu'il  avoit  eus  avec  l'Evêque  de  Cracovie  ,  &  de  (es 
imprécations  contre  Saint  Staniflas.  3 .  Ils  lui  notifioient  le  favo- 
rable accueil  que  leurs  députez  avoient  eu  au  Concile  de  Basle, 
afin  fans  doute  de  mieux  difpofer  le  Roi  &  les  Polonois  à  les  bien 
jecevoir.  L'ambafTade  en  effet  fut  fort  bien  reçue  ,  &  traitée  fa- 
vorablement. Comme  le  Roi  fe  difpofoit  à  une  expédition  en 

(  1  )  11  ftoit  alors  à  ViJlicTi. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  XVI.   3S9 

Prufîe ,  ce  fecours  ne  pouvoic  lui  venir  plus  à  propos.  D'un  côré  TAi  *  ■ 
les  rroupes  Bohémiennes  étoient  redoutées  partout  3  de  l'autre  les 
Lithuaniens,  les  Valaques  Ôc  les  Tartares  s'étoient  joints  au  re- 
belle Svvitrigal,  de  forte  que  le  Roi  ne  pouvoit  compter  fur  eux. 
On  n'interrompit  point  comme  auparavant  le  Service  divin  à  cau- 
Çede  leur  préfence ,  &  ils  y  furent  admis ,  à  l'exemple  du  Concile 
deBasle  qui  n'en  avoit  point  exclus  leurs  députez.  Ce  qui  étoit 
d'autant  plus  authentique ,  que  l'Archevêque  de  Gnefne ,  &  trois 
autres  Evêques  qui  étoient  là  préfens ,  y  avoient  donné  leur  con  ,  .  ~ 
lentement  par  écrit  (a).  fuJ,.  p<  |oy 

XLV.  Il  n'en  fût  pas  de  même  à  Cracovié,  où  ils  dévoient  Scrcrité  d= 
paiîer  en  s'en  retournant.  Le  Roi  avoit  bien  recommandé  aux  l'Evêquede 
deux  Barons  qu'il  leur  donna  pour  les  accompagner,  de  ne  point  SntrT'fe 
entrer  dans  Cracovié,  connoilîant  l'humeur  fëvére  de  l'Evêque,  ^putez  de 
L'ordre  fut  mal  exécuté.  Ces  Seigneurs  entrèrent  à  Cracovié  avec  Bohêmc" 
les  Bohémiens.  Dès  qu'ils  furent  arrivez ,  l'Evêque  qui  étoit  alors 
abfent ,  enjoignit  au  Chapitre  &  au  Clergé  de  la  ville  ôc  du  diocè- 
fe  de  faire  celler  le  Service  divin.  Et  afin  que  la  chofe  fiit  plus  fo- 
lemnelle.,  il  ordonna  à  fon  Officiai  de  faire  une  alîemblée  des 
Chanoines  de  la  cathédrale,  des  Prélats,  desDo&eurs  de  l'Uni- 
verfité,  &  de  tous  les  Religieux  pour  ligner  l'interdit.  L'aflemblée- 
promit  de  l'exécuter  au  péril  de  leur  vie.  En  vain  les  Seigneurs  qui 
accompagnoient  les  Bohémiens,  préfenterent-ils  les  lettres  des- 
Archevêques  ôc  des  Evêques  qui  avoient  empêché  l'interdit  dans 
le  lieu  où  étoit  le  Roi  :  l'Evêque  n'en  voulut  jamais  démordre    ôc 
l'interdit  fut  gardé  févérement  dans  tout  le  diocèfe.  Le  Roi  & 
les  Evêques  qui  avoient  défendu  l'interdit,  en  furent  extrême- 
ment irritez ,  &  on  ne  menaçoit  pas  de  moins  ce  Prélat ,  que  de 
la  dépofition. 

XLVI.  Cette  affaire  eut  de  longues  ôcfacheufes  fuites.  L'E- Suite  de  cette- 
vêque  de  Cracovié  s'étant  trouvé  à  Vijlicz^dzr\s  la  haute  Polo-  affaire» 
gne  où  étoit  le  Roi ,  ce  dernier  refufa  de  lui  donner  la  main  6c  Je 
traita  comme  un  furieux  ôc  un  rebelle ,  qui  méritoit  d'être  dépofé 
pour  avoir  defobéi  aux  ordres  du  Roi ,  de  fon  Métropolitain  6c 
des  autres  Evêques  qui  n'avoient  point  confenti  à  l'interdit.  L'E- 
vêque répliqua  en  ces  termes  avec  beaucoup  de  fermeté  :  »  Je  ne 
«crois  pas  avoir  commis  un  aflez  grand  crime  pour  être  cenfuré  du 
»  Roi,&  pour  qu'il  ne  me  falîe  pas  l'honneur  de  me  donner  la  main» 
»  Bien  loin  que  l'interdit  en  préfence  des  hérétiques  doive  m'atti- 
»rer  fon  indignation ,  il  devroitau  contraire m'attirer  ùl  faveur 

C  c  c  ii'i. 


}9o  HÏST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
"  puifqu'étant  le  feul  jaloux  de  fon  falut  6c  de  Ton  honneur ,  je  dé- 
»  tourne  de  deflus  lui  l'infamie  de  palier  pour  fauteur  des  héréti- 
»  ques  dans  l'efprit  des  Chevaliers  de  Prufle  &  des  autres  Princes , 
»>6c  que  j'empêche  qu'il  ne  foit  accufé  comme  tel  devant  le  Pape 
»Ôc  devant  le  Concile.  Je  ne  me  repens  point  de  ce  que  j'ai  fait  3  ôc 
»  fi  les  hérétiques  étoient  encore  dans  mon  diocèie,  j'en  uièrois 
»  de  même.  Je  ne  redouce  ni  votre  préfence ,  ni  celle  de  qui  que  ce 
»  foit ,  quand  il  s'agit  des  intérêts  de  la  foi.  Vous  vous  repentirez 
>♦  plutôt  de  ce  que  vous  avez  fait ,  que  je  ne  me  repentirai  de  cette 
»  action.  Et  vous-même  qui  me  haïilez  à  préfent ,  &L  qui  me  repre- 
»  nez  fï  rudement ,  vous  m'en  remercierez  quand  votre  colère  fera 
»pafTée,  parce  que  vous  comprendrez  que  bien  loin  de  commet- 
tre un  crime,  j'ai  fait  une  belle  aclion  en  relevant  votre  gloire 
»  qui  elr.  ternie  par  tout.  C'eft  en  vain  que  vous  voulez  m'intimider 
»par  la  menace  de  ma  dépolition ,  je  ne  la  crains  pas  plus  que  l'é- 
»xil  6c  la  mort,  quand  il  s'agit  de  la  foi  Catholique.  D'aiileurs, 
»  cette  dépofîtion  ne  s'accommode  pas  avec  les  conjonctures  pré- 
sentes. Nous  avons  un  fouverain  Pontife  qui  fait  récompenfer 
»  ceux  qai  combattent  pour  la  foi  6c  la  vérité.Je  me  trouverai  heu- 
/  »  reux  3  (1  pour  une  fi  bonne  caufe  je  fuis  condamné ,  battu ,  ôc  me- 
»  me  mis  à  mort.  J'ai  Dieu  pour  appui ,  6c  j'ai  pour  garants  de  ma 
»  conduite  des  hommes  doctes  &  prudens,  des  maîtres  dans  le 
«Droit divin  Ôc  humain,  l'Univerfité  de  Cracovie.  Et  Ci  ma  dé- 
»  marche  déplaît  au  Métropolitain  ôc  aux  autres  Evêques ,  je  ne 
»  dois  pas  être  condamné  pour  n'être  pas  de  leur  avis ,  parce  qu'en 
0)  Dlug.  ubi  n     j    :e    e  m'éloizne  point  de  la  foi  Catholique.  Peut-être  felont- 

iupr.  p  607.         '  *  «5        '*.  Ce  I  /-    » 

6o%.  »  ils  cru  permis  ce  que  je  tiens  pour  profane  &  pour  honteux  (a). 

Aflemblée       XLVII.  Quoique  le  Roi  parût  ébranlé  de  ce  difcours,  il  ne 
dcsDodcurs  laiiîa  pas  de  faire  appeller  les  Docteurs  de  i'Univerfité  pour  leur 
auib'etAN   faire  les  mêmes  réprimandes.  L'Univerfité  répondit  à  peu  près 
^àhêmcne,   comme  le  Prélat  j  6c  fur  ce  que  le  Roi  répliqua  qu'il  avoit  aufh  des 
Docteurs  à  fa  Cour,  qui  avoient  approuvé  fa  conduite  à  l'égard 
des  Bohémiens  dans  les  conjonctures  préfentes ,  l'Univerfité  pro- 
pofa  une  conférence  avec  ces  Dodeurs.  Au  jour  &  au  temps  mar- 
quez ,  l'Evêque  de  Cracovie  &  l'Univerfité  d'une  part ,  de  l'autre 
Jean  Scbafranico  éveque  de  WUdiflau ,  ôc  Jean  évêque  de  Chelm , 
qui  tous  deux  avoient  été  pour  la  continuation  du  Service  divin  , 
6c  un  Do&eur  en  droit  qui  étoit  vice-chancelier  du  Royaume.s'af- 
femblérent  pour  en  délibérer  enfemble.  Après  bien  des  débats  f 
Pailemblée  conclut  enfin  pour  l'Evêque  de  Cracovie, 


ET  DU  CONCILE  DE  B  A  S  L  E.  Liv.  JTVZ.  391 

XLVIII.  Malgré  cette  déciiîon ,  il  y  eut  des  gens  qui  perfua-    Fermeté  de 
dérentau  Roi  de  faire  mourir  l'Evêque  de  Cracovie.  Les  bour-  ^Evêquede 

r  1  .•  i\  11  '"*  1  1  •       r  1      Cr. ico  vie. 

reaux  etoient  déjà  tout  prêts  pour  1  exécution  la  nuit  s  lorfque  le 
Palatin  de  Cracovie  (b)  en  avertit  le  Prélat.  Celui-ci  lui  répondit  (n)yeande 
en  ces  termes  :  »  Je  vous  fuis  fort  obligé  de  l'avis  charitable  que  T*r»#w. 
»  vous  me  donnez  d'éviter  la  mort  j  mais  je  ne  veux  point  fuir  3  ni 
*  rien  changer  dans  ma  conduite.  Je  me  tiendrai  tranquile  dans 
n ma  chambre  >  6c  dans  le  lit  où  j'ai  accoutumé  découcher ,  fans 
»  avoir  perfonne  qui  me  garde.  J'entrerai  dans  l'Eglife  à  minuit 
»  pour  célébrer  les  louanges  de  Dieu,  avec  un  prêtre  &  un  homme 
»  de  chambre,  &  je  ne  détournerai  point  ma  tête  de  la  main  du 
»  bourreau.  Je  fouhaite  feulement  que  cette  victime  foit  agréable 
»  à  Dieu  ».  Cependant  l'exécution  ne  fe  fit  point ,  quoique  Sbinko 
ne  prît  aucune  précaution  pour  éviter  la  mort.  Il  rit  plus  j  car  un 
certain  prêtre  Bohémien  ayant  prêché  la  doctrine  de  JViclefen 
préfence  du  Roi  >  l'Evêque  défendit  au  prêtre  de  prêcher  davan- 
tage ,  &  au  Roi  d'avoir  aucune  communion  avec  lui. 

XLIX.  On  met  encore  à  la  fin  de  cette  année  une  irruption  des  tesBohé- 
Taborites  en  Moravie  ôc  en  Autriche.  Ils  s'en  retournoient  char.  jTouffezTa 
gez  de  butin  &  de  bagages,  lorsqu'ils  furent  atteints  par  les  Autri-  Autriche. 
chiens  qui  avoient  à  leur  tête  un  vaillant  Capitaine  nommé  Guil- 
laume de  Puchomir.  Ils  furent  d'abord  repouflez  avec  perte  de 
quelques  fauconneaux.  Mais  le  Général  Krapr  étant  furvenu 
avec  des  troupes  fraîches  de  Moravie ,  le  combat  recommença. 
Il  fut  allez  long-temps  douteux ,  les  Autrichiens  fe  battant  à  tou- 
te outrance  pour  défendre  leur  patrie  &  pour  vanger  leur  défaite, 
lesTaborites  pour  fauver  leur  vie  &.  leur  butin.  Enfin  la  victoire 
fe  déclara  pour  les  Moraves  &  les  Autrichiens  ,  &;  les  Taborites 
furent  obligez  de  fe  retrancher  dans  leurs  chariots  jufques  à  la 
nuit.  Us  en  profitèrent  pour  décamper  en  grand  lïlence,  &  emme- 
nèrent leur  butin  fur  la  frontière  de  la  Bohème.  Ils  y  furent  pour- 
fiiivis  pendant  tout  le  lendemain  par  les  Autrichiens  &  les  Mora- 
ves, qui  leur  enlevèrent  plufieurs  de  leurs  chariots,  &  s'en  retour- 
nèrent triomphans  chez  eux. 

L.  Le  Concile  de  Basle  donnoit  une  telle  attention  à  toute     Affaires  £ 
l'Europe  ,  que  les  Annales  ne  parlent  prefque  d'autre  chofe.  Eu-  ;r,anScres« 

r      jx     1,  ,  ,/.r  it  ^  -v  »"        L  Empereur 

gène  IV.  des  1  année  précédente  avoit  diiious  ce  Concile  maigre  arrive  en  iu- 
les oppofitions  des  Rois  de  France  6c  d'Angleterre  3  de  toute  l'Ai- lie* 
lemagne,  &  du  Concile  même,  comme  on  le  verra  en  temps  & 
lieu.  Ce  Pape  cependant  ne  manquoit  pas  d'occupation  en  fralie» 


39 1  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES  * 
143  2,  Sigifmond  Roi  des.  Romain  s  y  arriva  cette  année,  attiré,  à  ce  qu'on 
dit,  par  le  Duc  de  Milan,  fous  prétexte  de  prendre  la  couronne 
de  fer  dans  cette  ville  félon  la  coutume ,  6c  de-là  s'aller  faire  cou- 
ronner à  Rome.  Il  fut  en  effet  couronné  Roi  d'Italie  à  Milan  au 
mois  d'Octobre  ou  de  Novembre  de  143 1 .  par  l'Arche  vêquei?^r- 
thelemi  Capra. 
Dîgreflîon  LI.  A  cette  occafion  je  rapporterai  le  fentiment  de  Pogge  le 
fur  les  Cou-  Florentin  fur  le  couronnement  des  Empereurs.  »  Autrefois,  dit-il, 
»  on  donnoit  une  couronne  de  laurier  aux  Oeneraux  qui  avoienc 
»  remporté  des  victoires ,  &t  fait  des  conquêtes  en  faveur  de  la  Ré- 
»  publique.  Cette  ancienne  coutume  des  Romains  fe  conferva  mê- 
»  me  après  que  Rome  eut  perdu  fa  liberté  fous  \çs  tyrans ,  qu'ils 
«appelloient  Ce  fars  ou  Empereurs.  C'elt  pour  cela  qu'ils  fegiori- 
"fîoient  fouvent  d'avoir  été  déclarez  Empereurs  trois  &  quatre 
«fois  ou  plus,  6c  qu'ils  le  faifoient  mettre  fur  la  monnoye  qu'ils 
»  faifoient  frapper.  Ils  portoient  ces  couronnes  triomphales  pen* 
»  dant  les  jours  folemnels ,  &  les  jeux  publics.  Ce  far  lui-même  é~ 
v  tant  Dictateur  ,  obtint  du  Sénat  le  droit  de  porter  tous  les  jours 
f»)  Sueton.  in  »  la  couronne  de  laurier  (a).  Charlemagne  fut  le  premier  déclaré 
x£*J"luC*m  »  Empereur  d'Occident  par  les  Romains  ,  à  caufe  de  ks  grands 
»  fervices  envers  l'Eglife  Romaine  &  envers  les  Papes,  6c  couronné 
»  par  le  Pape  Léon  {III)  Et  de-là  eft  venue  la  nouvelle  coutume 
»  que  les  Empereurs  foient  couronnez  par  les  Papes.  Onne  fçaic 
»  pas  bien  de  quelle  couronne  fe  fervirent  Cbarlemagne  6c  fes  lue- 
«ceiîeurs.  Les  deux  que  nous  avons  vu  couronner  nous-mêmes, 
»  feavoir  Sigifmond  &.  Frideric  {III.)  l'un  par  Eugène  (IF".)  l'autre 
»»  par  Nicolas  (V.)  portoient  fur  la  tête  une  couronne  d'or  enri- 
»  chie  de  perles  &  de  pierreries.  C'étoit  un  demi  cercle  recourbé 
»  en  forme  de  croix.  Ils  la  reçurent  dans  la  bafilique  de  St.  Pierre , 
>■>  6c  la  portèrent  en  grande  pompe  èc  en  habits  facerdotaux  dans 
»  l'Eglife  de  St.  Jean  de  Latran ,  6c  en  revinrent  de  même.  Il  a  paf- 
v  fé  en  coutume  s  ou  plutôt  en  abus,  que  ceux  qui  s'appelloient  au- 
paravant Rois  des  Romains ,  étoient  appeliez  Empereurs  après  ce 
»  couronnement,  comme  fi  la  dignité  de  Roi  étoit  moindre  que 
»>  celle  d'Empereur  :  ce  qu'on  peut  appeller  un  renverfement  ex- 
»j  trême 5c  barbare  (1).  Carie  nom  de  Roi  eft  très-ancien,  6c fut 
»  m  ême  en  exécration  aux  Romains  depuis  la  tyrannie  de  Tarquin, 
»  pendant  tout  le  tems  qu'ils  demeurèrent  libres.  A  l'égard  du  ti- 
^tre  d'Empereur,  il  étoit  honorable  à  la  vérité ,  mais  commun  à 

il)  Qu>*Jummi  ai  barbara  perverfitas  dv.cn du  ejl. 

»  plufïeurs 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  liv.JTVl.  395 
»  plusieurs  dans  une  ville  libre  j  &  après  qu'ils  avoient  triomphé ,  14.x  i, 
«ilsneportoient  plus  ce  titre  ^  on  les  appelloic  feulement  Triom- 
^>phateurs  (viritriumpbales).  L'Orateur  Ciceron ,  pour  ne  pas  par- 
aï  1er  d'une  infinité  d'autres ,  fut  déclaré  Empereur  par  l'armée  -t 
»  mais  la  guerre  civile  empêcha  qu'il  ne  triomphât.  J'ai  voulu  é- 
»  crire  ceci,  afin  qu'on  voye  combien  ce  faux  couronnement  qui 
«n'elt.  précédé  d'aucun  glorieux  exploit,  eft  différent  du  verita- 
»ble,  qui  n'étoit  accorde  qu'aux  belles  adions  militaires.  Ce  fut 
"Grégoire  V.  (i)3  qui  inventa  le  premier  ladiftin&ion  entre  Roi 
»»  des  Romains  &  Empereur,  en  ordonnant  que  les  Princes  ne  fe- 
»  roient  que  Ce  fars  ou  Rois  des  Romains ,  jufqu'à  ce  qu'étant  con- 
»  fîrmez  par  le  Pontife  Romain ,  ils  prendroient  le  nom  à'Auguf- 
»  tes.  Cette  coutume  dure  jufqu'à  ce  jour  par  la  lâcheté  des  Ita- 
liens (1). 

LU.  Le  couronnement  de  Sigifmond  à  Rome  ne  putpass'exe-  Obflacies  au, 
cuter  fi-tôt  qu'il  l'avoit  projette.  Le  Pape  à  la  vérité  n'eût  pas  J^™"* 
youlu  fe  brouiller  avec  lui  j  mais  il  ne  fe  fioir  pourtant  point  en  l'Empereur. 
lui  à  caufe  des  fortes  oppofitions  qu'il  avoit  faites  à  la  diflolution 
du  Concile  de  Bafle.  Craignant  donc  que  quand  il  feroit  couron- 
né Empereur  à  Rome,  il  ne  s'y  oppofât  encore  avec  plus  d'auto- 
rité, il  fut  long  tems  fans  vouloir  le  recevoir  dans  cette  Capitale. 
Il  fît  bien  plus ,  car  il  détacha  contre  lui  les  Vénitiens  &.  les  Floren- 
tins, qui  redoutoient  fon  entrée  en  Italie  à  caufe  de  fes  liaifons  a- 
vec  le  Duc  de  Milan.  En  effet  ces  deux  Puiflances  confédérées 
l'allerent  attaquer  avec  une  armée  de  10000.  hommes  auprès  de 
Milan,  pour  l'empêcher  d'y  entrer.  Mais  le  Duc  joint  aux  trou- 
pes Impériales  la  bâtit  dos  &  ventre.  Dix  mille  hommes  demeu- 
rèrent fur  la  place  j  les  autres  furent  faits  prifonniers  ,  ou  mis  en 
fuite.  Non  feulement  on  attaqua  l'Empereur  à  force  ouverte,  mais 
on  accufe  les  Vénitiens  de  l'avoir  voulu  faire  empoifonner,  comme 
ils  l'avoient  voulu  faire  autrefois  (a).  Mais  comme  cette  méfintel-   (*)struv, 
ligence  entre  le  Pape  &  Sigifmond  apportoit  de  grands  obftacles  Çiire£* 
aux  affaires  générales,  &  en  particulier  à  la  paix  d'Italie;  le  Pape  jyf.tfi. 
jugea  lui-même  à  propos  de  négocier  un  accommodement,  &  don^ 
na  cette  commiffion  à  trois  Cardinaux ,  fçavoir  Jordan  des  Vrfins% 

(  1  )  Sanâionem  retnlit ,  bflttd  abnuente  Othone  de  Imper atare  eligenda  itnno  Çbrifli  M.  ocfecundt, 
qttnm  ufque  nd  tempîra  noftra  fervxtam  videm'is  ;  videlicet  jtlts  Ger munis  licere  Frincipem  eligere  t 
qui  Cœfar  $  Romanorurn  Rex  appellaretur ,  tî/m  demain  Imperatov  &  Auguftus  baberetttr  ,  Ji  eut» 
Romanus  Pentifex  cenfirmajjct .  P  latin,  in  Greg.  pi$i- 

(z)  Q»œ confuetudo  Italtrum  ignavik  adham  dtemptrjeverat.  PoggP  Hift.  Florent.  Libr.  VIL 
p.  297.  îpp. 

Tem.  I.  Ddd 


394         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

143  1.  cardinal  évêque  de  Sabine,  Guillaume  cardinal  prêtre  de  S.  j4naf- 
tafe  ,  6c  Lucidus  cardinal  diacre  de  Ste.  Marie  in  Cofmedin.  Il  s  ob- 
tinrent en  effet  du  Pape  qu'il  confentiroit  au  couronnement  de  $/- 
pfmondi  Rome  ,  &  le  Pape  en  écrivit  lui-même  à  ce  Prince  d'une 
manière  fort  obligeante.  Le  couronnement  ne  fe  fera  que  l'année 
fuivante. 
Troubles        LUI.   Cependant  les  troubles  continuoient  toujours  dans  le 

rïuîic.0UtC  royaume  de  Napies ,  tant  par  la  diviiîon  des  Grands ,  que  par  les 
menaces  que  faifoit  le  Roi  d'Arragon  d'équiper  une  grofle  flotte 
pour  recouvrer  ce  Royaume,  6cenchafler  Jeanne  II.  à  qui  le  Pa- 
pe écrivit  de  fe  bien  deffendre.  Je  crois  avoir  parlé  ailleurs  de  l'af- 
iëfïînat  commis  par  les  ordres  de  cette  Reine  dans  la  perfonne  de 
Jean  Caracciolo  fénéchal  du  Royaume ,  pour  avoir  excefîîvemenc 
abufé  de  l'autorité  qu'elle  lui  avoit  laiffé  prendre.  Cette  exécution 
releva  l'efperance  de  Louis  III.  duc  d'Anjou  ,  fils  adoptif  de  Jean- 
ne ,  de  pouvoir  rentrer  dans  Napies.  Mais  cette  efperancefe  trou- 
f  -\  )  CibtUn  va  fruftrée  par  les  confeils  d'une  parente  de  la  Reine  (a)  qui  avoic 

ch'J£  de      beaucoup  d'afcendant  fur  fon  efprit ,  6c  qui  l'avoit  portée  à  fe  dé- 

Steêffi,  faire  de  Caracciolo. 

Le  refte  de  l'Italie  étoit  en  feu  par  les  intrigues  &  les  fourberies 
du  Duc  de  Milan ,  qui  ne  faifoit  des  traitez  que  pour  endormir 
ceux  qu'il  vouloit  facrifîer  à  fon  ambition  ,  comme  il  amufa  Sigif- 
mond lui- même.  Les  Siennois  joints  avec  les  Lucquois  étoient  en 
guerre  avec  les  Florentins.  Les  premiers  avoient  imploré  le  fe- 
cours  de  Sigifmond  contre  les  derniers.  Le  Pape,  qui  ne  fe  fioic 
qu'à  demi  aux  Florentins,  ne  s'y  oppofapas  ;  mais  ce  fut  à  condi- 
tion que  le  Roi  des  Romains  ne  meneroit  à  Sienne  que  (es  propres 
troupes,  &  non  des  troupes  étrangères ,  &  en  particulier  de  celles 
du  Duc  de  Milan.  Les  Siennois  n'ayant  pas  voulu  accepter  cette 
condition  3  le  Pape  leur  en  fit  des  reproches  accompagnez  de  me- 

fb)  'Rnjn.  a»,  naces  (b).  Sigifmond  qui  étoit  encore  à  Lucques  étant  entré  dans 

143*.  num,  laTofcane  avec  (es  troupes  Hongroifes,  Bohémiennes  6c  Alle- 
mandes ,  y  fit  plus  de  peur  que  de  mal.  Le  Pogge  raconte  que  ces 
(c)  Mideiet  troupes  ayant  appris  que  le  Général  des  Florentins  (c)  campait  en 

/.ttetidnU.  pjeme  campagne,  refolurent  de  l'aller  attaquer.  Il  y  en  eut  en- 
tre autres  un  des  plus  jeunes  6c  des  plus  forts  qui  voulant  faire 
proiïefïe  ,  alla  à  toute  bride  à  la  tente  du  Général.  Dbs  qu'il  l'eue 
connu  à  fa  cotte  d'armes  ,  telle  que  la  portoient  alors  les  Géné- 
raux (paludamentum)  3  il  lui  détacha  un  grand  coup  de  fa  mafluc 
de  fer  fur  la  tête.  Le  G  énérai  muni  d'un  bon  cafque  fentit  à  peine 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XVI.    395 
le  coup  3  &pafla  Ton  épée  au  travers  du  corps  de  ce  barbare  cham-    .... 
pion.  Auiîî-rôc  tes  foldats  Florentins  ayant  pris  les  armes ,  fe  jet- 
terent  à  corps  perdu  fur  ces  troupes  qu'ils  traitoient  de  barbares, 
&  les  taillèrent  en  pièces,  ou  les  mirent  en  fuite  (a).  Apres  cette  (ajp^.Hift. 
levée  de  bouclier,  Sigifmond  alla  à  Sienne,  où  il  pafla  environ  fix  Flor-  Lib- 
mois  3  &de  là  à  Rome  pour  fe  faire  couronner,  comme  on  vient  Wll'p'  Z?S' 
de  le  voir.  Les  Florentins  &  tes  Siennois  las  de  la  guerre  vouloient 
bien  admettre  Eugène  IV.  pour  arbitre  de  la  paix  5  mais  les  Sien- 
nois ayant  demandé  qu'on  y  joignît  Sigifmond,  les  Vénitiens  & 
tes  Florentins  s'y  oppoferent ,  parce  que  ce  Prince  s'étoit  afl'ocié 
contre  eux  avec  le  Duc  de  Milan ,  comme  il  paroît  par  une  lettre 
du  Pape  à  la  ville  de  Sienne.  Cependant  les  troupes  confédérées 
de  Sienne  faifoient  des  courfes  dans  la  province  du  Patrimoine  de 
St.  Pierre ,  &  François  Piccinino  Général  des  troupes  Milanoifes 
ravageoit  la  Marche  d'Ancone.  Comme  il  avoit  pafTé  par  Sien- 
ne, le  Pape  en  fit  des  plaintes  fort  aigres  &  fort  menaçantes  aux 
Siennois. 

LI V*.  Le  Roi  d'Arragon  n'abandonnoit  pas  le  projet  de  la  con-  Efpagne. 
quête  du  royaume  de  Napless  encouragé  à  cette  expédition  par  ExPedit»"on 
Antoine  des  Urfins  prince  de  Tarente  9  il  aborda  en  Sicile  avec  une  Maures.  " 
grofTe  flotte  à  laquelle  fe  joignirent  70.  vaifleaux  de  Meflïne.  Ces 
flottes  combinées,  en  attendant  qu'on  prît  des  mefures  certaines 
pour  la  conquête  du  royaume  de  Naples,  allèrent  attaquer  rifle 
de  Gerbes  fur  la  côte  d'Afrique  appartenante  au  Roi  de  Tunis.  La 
place  de  ce  nom  fut  emportée,  et  tes  Maures  mis  en  fuite  3  mais 
l'Ifle  ne  fut  point  prife.  La  trêve  étant  expirée  avec  le  royaume  de 
Grenade ,  le  Roi  de  Caflille  envoya  Ferdinand  de  Tolède  attaquer 
les  Maures.  Ce  Général  leur  enleva  quelques  places ,  &  n'entre- 
prit rien  davantage  cette  année.  Eugène  IV.  avoit  commis  AL 
fhonfe  cardinal  Espagnol ,  du  titre  de  St.  Eufiache ,  pour  affilier  le 
Roi  de  Caftilledans  cette  expédition.  Mais  ce  Cardinal ,  au  lieu 
d'exécuter  fa  commiflîon ,  en  accepta  une  autre  du  Concile  de 
Bafle,  auquel  il  étoit  attaché. 

LV.  Cette  commifïîon  étoit  d'aller  à  Avignon  pour  appaifer  Troubles 
les  troubles  qui  s'y  etoient  excitez  contre  Eugène,  dont  on  n'avoit  d'Avisnolî' 
pas  voulu  recevoir  le  Légat.  Le  Pape  fe  plaignit  de  la  conduite  du 
Cardinal ,  comme  d'une  perfidie ,  dans  une  lettre  qu'il  écrivit  au 
Roi  de  Caflille,  pour  lui  faire  ôter  un  évêché  qu'il  avoit  en  Efpa- 
gne. Il  ne  perdit  pourtant  pas  fon  évêché  j  mais  il  fut  chaïîé  d'Avi- 
gnon. Le  Pape  y  envoya  pour  légat,  François  Condulmcr cardinal 

Dddij 


39*       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

îA2  2.  de  $t.  Clément ,  fon  neveu.  Il  paroîtpar  une  lettre  de  ce  Pontife, 
que  cette  afïaire  eut  des  fuites  fâcheufes.  Ce  qui  ne  s' eft  jamais  vu  > 
dit-il ,  parlant  des  Pères  du  Concile  de  Bâle  ,  ilsontofê  établir  un 
légat  dans  notre  ville  d'Avignon  ,  contre  notre  gré  ,  &  l'ont  fourni Ce  k 
la  tyrannie  d'un  Cardinal  d' intelligence  avec  eux ,  au  mépris  du  Légat 
à  Latere  qui  y  avoit  été  établi  far  nous  &  far  le  Siège  Afoftolique, 
De  là  tant  de  carnages  3  tant  de  rapines  ,  d'ajfajjînats  ,  &  d'incen- 
dies. 

France  &  LVI.  Les  chofes  étoient  à  peu  près  fur  le  même  pied  qu'aupa- 
Angktcrre.  ravant  en  France  &  en  Angleterre.  Quoique  les  Anglois  eufïent 
du  delTous ,  Henri  ne  laifîa  pas  de  fe  faire  proclamer  Roi  de  Fran- 
ce. Charles  VII.  aimoit  trop  fes  plaifirs ,  pour  pouvoir  profiter  de 
fes  avantages  fur  PAnglois.  Le  Pape  fit  de  vains  efforts  pour  tes 
accorder  par  le  miniftere  du  cardinal  de  Ste.  Croix.  L'afTemblée 
deCVr^z/neréufllt  pas  mieux  que  celle  d'Auxerre.  L'Angleterre 
d'autre  côté  ,  troublée  par  les  démêlez  du  duc  de  Glocefter  &  du 
cardinal  de  Beaufort,  grand  oncle  de  Henri  VII.  n'étoit  pas  en 
état  de  fe  relever  des  pertes  qu'elle  avoit  faites  en  France.  On  a 
vu  dans  les  années  précédentes  le  mauvais  fuccès  qu'avoir  eu  l'ex- 
pédition de  ce  cardinal  contre  les  Hufîites.  Depuis  ce  temps-là  le 
duc  de  Glocefter  ,  protecteur  du  royaume  d'Angleterre  pendant 
la  minorité  de  Henry  VI.  envoya  le  même  cardinal  en  France 
pour  fecourir  le  duc  de  i^z/Âr^  qui  commençoit  à  y  avoir  du  def- 
fous,  fans  doute  pour  éloigner  fon  ennemi.  Ilneparoîtpoint  que 
Betford  eût  profité  de  ce  fecours ,  parce  que  Charles  VII.  ne  ju- 
geoit  pas  à  propos  de  hazarder  un  combat  contre  des  ennemis  que 
la  neceffité  obligeroit  bientôt  de  quitter  le  Royaume.  Le  Cardi- 
nal de  retour  eut  toujours  à  dos  le  duc  de  Glocefter,  qui  prenoit 
pour  prétexte  de  le  perfecuter  3  qu'il  avoit  voulu  faire  la  fonction 
de  légat  en  Angleterre  fans  la  permiffion  du  Roi  3  &  qu'il  s'étoit 
oppofé  à  la  loi  Pr/emunire.  Cependant  il  obtint  cette  année  des  let- 
tres d'abolition,  &fejuftifia  pleinement  dans  les  deux  Chambres 
du  Parlement.  Ces  broùilleries  de  la  France  &  de  l'Angleterre 
n'empêchoient  pas  qu'on  ne  prît  foin  des  affaires  de  TEglife. 
Àffembîee  L  V 1 1.  Des  qu'Eugène  IV.  voulut  diflbudre  le  Concile  de 
de  Bourges.  Baf]e  p0ur  je  transférer  à  Bologne ,  ce  Concile  écrivit  à  l'Empe- 
reur &  aux  autres  Souverains ,  pour  les  prier  de  foutenir  les  Pè- 
res à  Bafle.  C'eft  pour  cela  que  cette  année  le  Roi  de  France  af- 
fembla  le  Clergé  à  Bourges.  Dans  cette  afîemblée  les  Evêques 
prièrent  le  Roi  d'écrire  forcement  au  Pape  de  continuer  le  Con^ 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JTVI.    397 

cilc  à  Bafle.  Ilsfupplioient  auffî  le  Roi  d'écrire  à  Sigifmond  roi  des     l4*  %^ 
Romains  3  S" aHX  Eues  de  Savoye  &  de  Milan  3  afin  qu'ils  tinjjent  la 
main  a  ce  Concile  ,  gj»  qu'ils  euffent  foin  de  rendre  les  chemins  libres , 
particulièrement  du  cote  de  Rome.  Amédée  archevêque  de  Lyon  3  S* 
depuis  cardinal  3  fut  choifidans  cette  affemblée  de  Bourses ,  pour  aller 
trouver  le  pape  de  la  part  du  Roi  &  du  Clergé.  Le  Roi  fut  au  (fi  prié 
d'envoyer  fes  ambaffadeurs  au  Concile  3  &  de  permettre  aux  Prélats 
de  fon  Royaume  de  s'y  rendre',  ce  qui  leur  fut  accordé ,  avec  la  qua- 
trième partie  des  dixmes  pour  leur  dépenfe  (a).  On  trouve  que  le  Con-    (a)  o«*;«. 
feil  d'Angleterre  nomma  l'Archevêque  à'Yorck  ,  l'Evêque  de  t^xxii. 
Rochefter ,  &  le  Comte  de  Hunpinton  3  &  quelques  autres  pour  al-  p.  n. 
1er  au  Concile  (1). 

L  VIII.  Il  fe  tint  en  1431.  7.  Sefîîons  au  Concile  de  Bafle.  Allemagne. 
Dans  la  I.  qui  eft,  la  XI.  du  Concile  tenue  le  1  5.  de  Février  3  on  y  fionsduCo^- 
confirma  les  décrets  de  la  IV.  6c  de  la  V.  Seiîion  du  Concile  de  cilc. 
Confiance,  touchant  la  fupériorité  des  Conciles,  &  Pobligation 
où  font  les  Papes  d'y  obéir.  On  déclara  nul  tout  ce  que  le  Pape 
avoit  fait,  ou  pourroit  faire  3  pour  donner  atteinte  au  Concile, 
&  on  défendit  à  qui  quecefoitd'en  fortir,  fous  quelque  prétex- 
te que  ce  foit.  Dans  la  1 1 1.  tenue  le  29.de  Mars  3  le  Concile  en- 
voya un  des  Légats  au  Pape  Eugène ,  avec  des  lettres  pour  l'o- 
bliger à  révoquer  la  diflolution  du  Concile,  &  à  venir  lui-même 
à  Bafle  dans  l'efpace  de  3.  mois.  On  y  cita  en  même  temps  fes 
Cardinaux  ,  pour  y  comparoîrre  dans  le  même  efpace.  Dans  la 
IV.  tenue  le  20.  Juin,  1.  on  expédia  le  faufeonduit  des  Bohé- 
miens, i.  On  réfolut  que  fî  le  Siège  venoit  à  vaquer ,  l'élection  fe 
feroit  à  Bafle ,  &  non  ailleurs.  3.  Que  perfonne  ne  pouvoir  fe  dif- 
penfer  de  venir  au  Concile,  fous  prétexte  de  quelque  ferment 
qu'il  auroit  prêté.  4.  On  défend  au  Pape  de  créer  aucun  Cardi- 
nal pendant  la  tenue  du  Concile.  5.  On  ordonna  d'attacher  aux 
Actes  les  lettres  du  Concile,  où  d'un  côté  feroit  le  St.  Efprit  en 
forme  de  colombe ,  6c  de  l'autre  ces  mots 3  le  Sacré  Concile  de 
Bafle.  6.  Le  Concile  à  la  prière  de  la  ville  d\Avignon  y  envoya  lé- 
gat Alphonfe  Carille  Efpagnol ,  cardinal- diacre  de  St.  Eufiache. 
Dans  laV.  tenue  le  9.  d'Août,  on  nomma  des  Procureurs  dans 
les  caufes  de  foi ,  6c  d'autres  juges ,  pour  examiner  les  affaires  qui 
dévoient  être  portées  au  Concile.  Leurcommiflïon  ne  devoir  du- 
rer que  3.  mois,  après  quoi  on  en  choififloit  d'autres,  foit  dans 
une  Sefïïon  ,  foit  dans  une  Congrégation  générale.  On  y  défen- 

(i)Hifl.de  France  du  P.Dauiel.Tom.lV.v.  izi,  Rapn,  Hift.  d'Angl.  Tom.IV.  p.  77. 

Dddiij 


59S  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14$  i.  dit  au^  d'appeller  aucun  membre  du  Concile  eff^ugement ,  foie 
à  la  Cour  de  Rome,  foie  ailleurs.  Dans  la  VI  tenue  le  6.  de  Sep- 
tembre j  les  promoteurs  du  Concile  aceuférent  de  contumace 
Eugène  IV.  pour  n'avoir  pas  révoqué  la  diflblution  du  Concile. 
Onaccufade  même  les  Cardinaux  de  ce  Pape.  Dans  la  V  1 1.  te- 
nue le  6.  de  Novembre,  on  renouvella  le  décret  de  n'élire  pas  un 
autre  Pontife  ailleurs  qu'à  Bafkj  &  en  cas  de  vacance  ,  on  donna 
60.  jours  de  terme  avant  que  d'entrer  en  Conclave ,  au  lieu  du  ter-, 
me  de  1  o.  jours  3  que  Grégoire  Jf.  avoit  donné  au  Concile  de  Lyon 
pour  procéder  à  l'éledion  d'un  Pape.  La  raifbn  de  cette  prolon- 
gation étoit  l'abfence  de  plufîeurs  Cardinaux.  Dans  la  VIII.  te- 
nue" le  18.  Décembre,  on  donna  encore  60.  jours  i  Eugène  poar 
révoquer  fa  prétendue  diflolution  du  Concile,  après  quoi  on  re- 
folutde  procéder  contre  lui.  Onrenouvellales  ordres  aux  Car- 
dinaux, de  fe  trouver  au  Concile  fous  peine  de  privation  de  leurs 
Bénéfices.  On  déclara  conventicule  toute  aflemblée  qui  fe  tien- 
droit  ailleurs  qu'à  Bafle. 

La  neuvième  Seffion  du  Concile  de  Bafle  fe  tint  le  11.de  Jan- 
vier de  143  $.  On  y  réfolut  de  prendre  la  défenfe  de  Sigifmond  t 
&  de  tous  les  autres  Princes  protecteurs  du  Concile,  contre  les 
cenfures  ôc  les  excommunications  d'Eugène  IV.  Le  19.  de  Fé- 
vrier fe  tint  la  X.  Seffion.  On  y  déclara  nulles  toutes  les  provifions 
de  Bénéfices  faites  par  Eugène  IV.  en  faveur  de  ceux  qui  favori- 
foient  la  diiîolution  du  Concile.  La  contumace  &  Eugène  IV.  y 
fut  renouvellée,  &  l'on  envoya  deux  Evêques  aux  portes  de  l'E- 
giife  pour  le  demander,  ou  quelqu'un  de  fa  part.  Comme  il  ne 
s'y  trouva  perfonne ,  on  donna  commiffion  à  quelques  Prélats 
d'inftruire  fon  procès ,  &  de  le  rapporter  à  la  Seffion  prochaine. 
Pendant  le  temps  qui  fepaffa  entre  cette  Seffion  &  la  XI.  les  lé- 
gats d'Eugène  plaidèrent  dans  des  Congrégations  générales.  Ils 
difoient  que  ce  Pape  avoit  été  en  droit  de  transférer  le  Concile  à 
Bologne  3  d'autant  plus  que  tous  les  Pères  ne  s'étoient  pas  trouvez 
à  Bade  au  temps  préfïx  5  ils  promettoient  de  la  parr  de  leur  Maître 
d'abroger  toutes  ces  procédures  contre  les  Pères  de  Bafle,  s'ils 
vouloientfe  trouver  au  Concile  de  Bologne  j  ils  propofoient,  en 
cas  que  les  Bohémiens  ne  voulurent  pas  venir  en  Italie,  de  faire 
au  nom  du  Concile  de  Bologne  une  aflemblée  à  Balle  pour  les  en- 
tendre ,  &pour  la  réconciliation  des  Princes  3  enfin  ils  difoient, 
que  fi  Bologne  ne  plaifoit  pas ,  on  pouvoir  choifir  un  autre  endroit 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  liv.  XVI.  i^ 

en  Italie,  &  riWmeen  Allemagne,  pourvu  que  ce  ne  fût  pas  à    ï4,  •♦■ 
Balle.  Toutes  ces  offres  furent  rejettées  par  le  Concile. 

Cependant  l'Empereur ,  qui  étoit  alors  en  Italie  pour  fon  cou- 
ronnement ,  obtint  la  confirmation  pour  le  Concile  de  Bafle.  Le 
Pape  y  envoya  quatre  Cardinaux  pour  y  prefider.  Mais  comm|e 
la  commiflion  de  ces  Légats  fembloit  fe  borner  à  l'affaire  des  Bo- 
hémiens, &  à  la  réconciliation  des  Princes,  fans  parler  de  refor- 
mations ils  furent  fort  mal  reçus  à  Balle,  oùl'onprétendoitque 
non  feulement  les  Légats  du  Pape,  mais  le  Pape  lui-même,  dé- 
voient être  fournis  au  Concile  ,  &  qu'il  avoit  droit  de  les  punir  de 
leurs  contraventions.  Ainfi  le  Concile  tint  fa  Seffion  X  I.  le  27. 
d'Avril,  où  l'on  confirma  les  décrets  du  Concile  de  Confiance, 
touchant  la  célébration  des  Conciles  généraux.  On  y  décerna 
que  le  Pape  étoit  auffi  obligé  de  venir  au  Concile  ,  ou  en  perfon- 
ne,  ou  par  fes  Légats,  que  tous  les  autres  membres  h  &  que  s'il 
nelefailoitpasdansl'efpacede4.  mois,  il  feroit  dépofé  du  Pon- 
tificat 5  que  le  Concile  ne  pouvoit  être  diflous  par  le  Pape,  fans  le 
confentement  des  deux  tiers  du  Concile ,  &  que  déformais  les  Pa- 
pes feroienr  obligez  de  jurer  cette  ordonnance.  Enfin  on  cafîa 
toutes  les  inhibitions  faites  ou  à  faire  par  le  Pape  aux  Officiers 
de  la  Cour  de  Rome  de  venir  au  Concile. 

La  X 1 1.  Seffion  fe  tint  le  m  .  de  Juillet.  En  faveur  de  Sigifmond 
on  donna  encore  60.  jours  de  terme  à  Eugène  IV.  avant  que  de 
procéder  à  fa  dépofition.  On  y  fit  auffi  des  reglemens  fur  les  élec- 
tions &  confirmations  des  Evêques  &  des  Prélats,  fans  réferva- 
tionsj  on  abolie  lesAnnates,  &  on  prit  des  mefures  pour  l'entre- 
tien des  Cardinaux.  Le  Pape  déclara  nulles  toutes  ces  réfolu- 
tions.  Cependant  à  la  follicitation  de  Sigifmond ,  &  par  le  confeii 
de  trois  de  fes  Cardinaux ,  il  confirma  quelques  jours  après  le  Con- 
cile de  Bafle  ,  depuis  fon  commencement  jufqu'alors ,  ajoutant  la 
réformation  des  mœursàTextindion  des  héréfies  &  à  la  pacifi- 
cation des  Princes.  Il  promit  d'y  envoyer  des  Légats ,  à  condition 
que  Ton  cafleroit  tout  ce  qui  avoit  été  décerné  contre  lui,  com- 
me de  fon  côté  ilofîroit  de  cafler  toutes  fes  procédures  contre  le 
Concile.  C'eft  de  quoi  il  donna  une  Conftitution.  Mais  comme 
ceux  de  Bafle  trouvoient  de  l'ambiguité  dans  cette  pièce ,  ils  ré- 
folurent  de  continuer  leurs  procédures  contre  Eugène ,  &;  tinrent 
leur  treizième  Seffion  le  1 1.  de  Septembre.  Il  y  avoit  7.  Cardi- 
naux dans  cette  Séance.  On  étoit  prêt  à  faire  le  procès  à  Eugène  y 
lorfque  Guillaume  duc  de  Bavière,  protecteur  du  Concile,  avec 


4oo       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

une  grande  partie  des  citoyens  de  Balle,  demanda  au  nom  de 
l'Empereur ,  &  en  fon,  propre  nom ,  encore  un  délai  de  3  o.  jours , 
I452»  promettant  de  n'en  pas  demander  davantage,  Ce  délai  fut  ac- 
cordé. Ce  terme  expiré  on  tint  une  Congrégation  le  1 1 .  d'O&o- 
bre  pour  prendre  des  mefures  contre  Eugène.  Mais  elle  fut  inter- 
rompue par  l'arrivée  de  l'Empereur,  qui  fut  reçu  avec  de  grandes 
démonftrations  de  joye. 

Il  aflîfta  à  la  XIV.  Seflîon  tenue  le  7.  de  Novembre ,  &  obtint  en 
faveur  d'if ugene  encore  un  délai  de  90  jours.  En  attendant  le  retour 
des  Légats  qu'on  avoit  envoyez  au  Pape  à  cette  fin ,  on  tint  la  Sef- 
fion  XV.  le  2  G.  de  Novembre.  On  y  fit  plufleurs  réglemens  tou- 
chant la  tenue  des  Conciles  provinciaux  &c  diocéfains ,  &.  pour  la 
reforme  des  mœurs  des  Eccléfiaftiques.  Les  Légats  du  Concile 
étant  arrivez  à  Rome }  trouvèrent  le  Pape  tout  difpofé  à  adhérer 
au  Concile. 
Ambaflade      L  I X-  On  marque  à  cette  année  une  ambaflade  de  Jean ,  au- 

c" RrcaduRoi  f remenc  Jœnus ,  roi  de  Jérufalem  ,  de  Cypre &  d'Arménie  3  au  Roi 

de  Pologne,  de  Pologne.  Le  chef  de  l'ambaiïade  étoit  Baudouin  de  Norris , 
maréchal  du  royaume  de  Cypre.  Il  avoit  avec  lui  200.  cavaliers. 
Le  fujet  de  l'ambaflade  étoit  de  demander  au  Roi  un  fecours  d'ar- 
gent contre  le,S0#^#ouSultandeBabylone,quien  1416.  ayant 
fait  irruption  dans  le  royaume  de  Chypre ,  avoit  emmené  prifon- 
nier  le  Roi  êc  fon  fils  ,  &demandoit  50000.  florins  pour  la  ran- 
çon de  ces  Princes.  Il  demandoit  donc  à  emprunter  200000.  du- 
cats pour  lever  des  troupes ,  &  ofFroit  d'engager  fon  Royaume 
pour  cette  fomme.  Le  Roi  ayant  aiTemblé  fon  confeil  répondit  a 
Baudouin  à. peu  près  en  ces  termes:  Qu'il  prenoit  beaucoup  départ 
à  l'infortune  du  Roi  &  du  Royaume  de  Cypre ,  d'autant  plus  que  ce 
défaftre  rejailliffoit  contre  la  Chrétienté ,  &  qu 'il  ri 'épargner  oit  ni  fon 
argent ,  ni  fon  monde  pour  réparer  cette  perte  fi  l'état  de  fes  affaires 
h  permettoit  \  mais  qu  ayant  fans  cefje  à  dos  les  T  art  ares  3  il  étoit  obli- 
gé de  fe  tenir  toujours  en  armes  pour  défendre  fon  propre  Royaume, 
Ainfi  l'ambaflade  fut  renvoyée  avec  des  préfens  magnifiques, 

fu  f  ^iog1  comme  elle  en  avoit  fait  de  fon  côté.  Elle  s'en  retourna  par  Venife^ 

£10.  n'ayant  pas  youlu  repafler  par  la  Valachie  (a). 

switrigti        L  X.  Dans  ce  même  temps  le  Roi  de  Pologne  envoya  un  Pa- 

chaffé  de,Li-  latjn  a  Switrigal  fon  frère  en  Lithuanie ,  pour  tâcher  de  ramener 

ce  Duc  rebelle,  avec  desinftru&ions  fecrettes  de  s'adreiîer  aux 

[h]  £utre-  Grands  de  Lithuanie ,  &  en  particulier  à  Sigifmond  Starodubsky 

Tbovlu      "(D)j  ^ere  du  feu  Grand  Duc  de  Lithuanie  Alexandre  W 7ithold , 

pour 


ET  DU  CONCILE   DE  BASLE.  Liv.  XVI.   401 

pour  les  porrer  à  chaiïer  Switrigal  de  la  Lithuanie,  &  à  mettre    rj,  t 
Starodubsky  en  fa  place.  Outre  la  rébellion ,  &  le  cruel  gouver- 
nement de  Switrigal  3  on  l'accufoit  de  favorifer  la  Religion  Gré- 
que,  au  préjudice  delà  Catholique,  à  la  follicitation  de  fa  fem- 
me qui  étoit  de  cette  fe&e.  L'Ambafladeur  Polonois  n'eut  pas  de 
peine  à  perfuader  les  Grands  de  Lithuanie  déjà  tout  difpofez  à  fe 
défaire  de  leur  Prince.  La  confpiration  ïovvaécyStarodubsky  alla  de    . 
nuit  furprendre  Switrigal  &  Oszjnani ,  où  il  étoit  alors  avec  fa  fem- 
me &  toute  fa  cour.  Il  échappa  pourtant  des  mains  de  fon  enne- 
mi ,  parce  qu'il  avoit  eu  avis  de  la  confpiration.  Ne  fe  fiant  point 
aux  Lithuaniens ,  il  fe  fauva  en  Rufîie  où  il  efpéroit  de  la  faveur , 
tant  par  Çqs  libéralitez  envers  les  Rufles }  qu'à  caufe  de  la  Religion 
Gréque  dont  il  faifoit  profeffion.   Cependant  le  duc  Sigifmond 
s'empara  des  places  fortes  de  la  Lithuanie,  ôc  dugouvernement  de 
cette  Province  3  dans  lequel  il  fut  confirmé  depuis  par  le  Roi 
de  Pologne  fous  certaines  conditions.  Cette  révolution  mie  Pal- 
larme  chez  les  Chevaliers  de  Prude ,  qui  avoient  favorifé  Switri- 
gal. Leur  Grand  Maître  Paulde  Ruzdorff  envoya  une  ambafîade 
à  Starodubsky  pour  fe  reconcilier  avec  lui.  Mais  les  ambaffadeurs 
n'ayant  pas  été  écoutez  favorablement ,  les  Chevaliers  aban- 
donnèrent Switrigal  (a).  Ce  dernier  ayant  voulu  repailer  en  Li-  [ABiug.  uw 
thuanie  avec  une  armée  de  RuiTes  &  de  Tartares ,  fut  entièrement  fuPr  p-  6*-i- 
défait  par  le  Grand  Duc  Sigifmond.  .  IJ* 


1 


Tom.I.  Eee 


HISTOIRE 

DE     LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE   DE   BASLE. 


14-33-     l   IL 

h  itréc  des 
Boiié  miens  à         IÈL, 


LIVRE     XVII. 

Ous  avons  lailîé  à  Bafle  les  députez  de  Bohême  au 
nombre  de  300.  Leur  arrivée  parut  un  phénomène 
fi  nouveau ,  que  tout  le  peuple  fe  répandit  dans  la  ville , 
3  é"  hors  de  la  ville  pour  les  voir  entrer.  Il  fe  trouvoitrnè- 
me  parmi  la  (ouïe  plufieurs  'membres  du  Concile  attirez^  par  Imf^pu- 
tation  d'une  nation  fi belliqueufe .  Hommes  ,  femmes  3  en/ans ,  gens  de 
tout  âge  &  de  toute  condition  ,  étoient  ou  dans  les  places  publiques ,  ou 
aux  portes  &  aux  fenêtres  3  ou  même  fur  les  toits  pour  les  attendre. 
Les  uns  montraient  l'un  au  doigt ,  les  autres  un  autre.  On  è  toit  fur  pris 


ET  DU  CONCILE  DE/BASLE.  Li&XPIl.  405 

de  voir  des  habits  étrangers  &  jufqu  alors  inconnus  ,  des  vifages  terri-    ,1433, 
blés  ,  des  yeux -pleins  de  fureur ,  <?»  un  mot  on  trouvoit  que  la  renommée 
n  avoit  point  exagéré  leur  caraïiere  (  1  ).  Sur  tout  on  avoit  les  yeux  at- 
tachezjiir  Procopc.  Ceft  celui  -  là ,  difoit-on ,  qui  tant  de  foima  mis 
en 'fuite  les  armées  des fidèles  ,  quia  tantrenverfè  de  villes,  qui  a  ma  f- 
facré  tant  de  milliers  d'hommes ,  aufji  redoutable  à  [es  propres  vens  qu'à  J  f  1  &*™ 
fes  ennemis ,  Capitaine  invincible ,  hardi ,  intrépide  &  infatigable  (a).  pr.  cap. 
Ce  font  les  paroles  à'JEneas  Sylvius  qui  étoit  au  fpe&acle.  XLIX- 

II.  Quelques  jours  après  ils  eurent  leur  première  audience  au  Audience 
Concile.  Le  cardinal  Julien ,  préfident  de  l'aflèmblée  ,  leur  re-  J"j|â2£ 
prefenta  à  peu-près  en  cqs  termes  :»  Que  l'Eglife  époufe  de  J.  C.  aiaCondle. 
»eft  la  mère  de  tous  les  fidèles  j  qu'elle  a  le  pouvoir  de  lier  &  de 
«délier  ,  &  qu'elle  ne  peut  errer  dans  les  choies  nécefîaires  à  fa- 
llut j  que  quiconque  la  méprife  doit  être  regardé  comme  un 
»  étranger ,  un  profane,  un  payen  &  unpublicain  ;  Que  l'Eglife 
»n'eft  jamais  mieux  reprefentée  que  dans  un  Concile  général; 
»  que  les  décrets  des  Conciles  doivent  être  regardez  comme  la  foi 
»  de  l'Eglife,  de  qu'ils  doivent  être  crûs  comme  les  Evangiles ,  qui 
»  tirent  d'eux  leur  autorité  j  Que  puifque  les  Bohémiens  fe  difenc 
«enfans  de  l'Eglife,  ils  doivent  écouter  la  voix  de  leur  mère,  la- 
quelle ne  peur  oublier  fes  enfans;  Qu'il  y  avoit  déjà  long-temps 
»  qu'ils  vivoient  féparez  de  leur  mère  ,  quoique  plulieurs  deiireux 
»  de  leur  falut  fulîent  rentrez  dans  fon  fein  j  Que  pendant  le  dé- 
juge tout  ce  qui  n'entra  pas  dans  l'arche  périt  -,  Qu'il  faut  man- 
ager l'Agneau  pafe liai  dans  la  même  maifon  j  Que  hors  de  l'Eglife 
«il  n'y  a  point  de  falut  ;  que  c'efb  le  jardin  fermé,  &  la  fontaine 
»  cachetée, &  que  quiconque  en  boira  n'aura  jamais  foif  ;  Que  les 
«  Bohémiens  avoient  fait  prudemment  d'en  venir  chercher  la 
»fource  au  Concile  3  &de  vouloir  enfin  écouter  leur  mère  3  Qu'il 
"falloit  mettre  fous  les  pieds  toutes  les  inimitiez,  jetter  ks  armes 
»  à  terre,  &  retrancher  toute  occafion  de  guerre  -,  Que  les  Pères 
»  étoienc  prêts  à  écouter  avec  douceur,  tout  ce  que  les  Bohê- 
»  miens  auroientà  dire  pour  leur  défenfe,  pourvu  qu'ils  fe  mon- 
»  traflent  prêts  de  leur  côté  à  fuivre  les  falutaires  confeils  du  fa- 
»  cré  Concile,auxquels  non  feulement  les  Bohêmiens,mais  tous  les 
*  chrétiens  doivent  acquiefcer(b).  Ce  difeours  eut  PapplaudifTe-  (b),F«.™ 
»  ment  de  tous  les  Pères.  Mais  on  prétend  qu'il  déplut  à  la  plupart  jj^  "bi/u- 
*>  des  Bohémiens.  ^Eneas  Sylvius  témoigne  que  la  réponfe  des 

fi)  C'était  un  proverbe  aflez  commun  en  Allemagne,  que  dans  un  feul  foldat  Bohémien 
il  y  avoit  100.  Démons.  Balb.  ubi  fupr.  p.  480. 

Eee  ij 


4o4       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

u-,      Bohémiens  fut  courte ,  parce  qu'ils  n'avoient  pas  autant  d'élo- 
quence que  Julien.  Elle  fe  réduifoit  à  ces  chefs  -y .»  Qu'ils  n'avoienc 

*  méprifé  ni  les  Conciles ,  ni  l'Eglife  j  Qu'on  les  avoit  condamnez. 
»  à  Confiance  fans  les  avoir  entendus  -y  Qu'ils  ne  retranchoient 
»  rien  de  la  Religion  chrétienne  5  Que  l'autorité  des  Pères  de  l'E- 
»  glife  ne  fouffroic  point  d'atteinte  parmi  eux  j  Que  tout  ce  qu'ils 
»  avancoientétoit  fondé  fur  les  Saintes  Lettres  &:  fur  l'Evangile  j 

*  Qu'ils  étoient  venus.pour  faire  connoître  leur  innocence  à  toute 
»  l'Eglife  ,  ôc  qu'enfin  ils  demandoient  une  audience  publique  3  où. 

*  les  laïques  affiftailént. 

Difcoursdc  1 1 1.  Cependant  Cochlée  prétend  avoir  trouvé  dans  un  ancien 
Conak" aU  rn2Lnu^crK  uneréponfedeic^Xfj/^plus  ample,  mais  plus  géné- 
rale, au  difcours  du  Cardinal.  J'en  donnerai  le  précis.  Après  le 
préambule ,  qui  ne  contient  rien  que  de  vague ,  quoiqu'il  foie  tou- 
chant &  dévot,  voici  comme  il  parle  -.Nous avons  été  fort  confiiez^ 
par  la  convocation  du  Concile  de  Bajk.  Car  nous  n  ignorons  pas  que  les 
Conciles  ,  pourvu  cependant  qu'ils  foient  duement  &  légitimement  (1) 
célébrez^  par  le  St.  Efprit ,  peuvent  couper  la  racine  de plujïeurs  maux  , 
comme  cela  parut  dans  le  premier  Concile  des  Apbtres.  Ce  na  pas 
été  non  plus  une  petite  confolation  pour  nous  de  nous  voir  appeliez^ 
par  le  Concile  même  avec  une  affeHion  &  une  tendre  ffe  fi  paternelle  , 
comme  cela  paroit  par  plujïeurs  lettres  où  on  nous  exhorte  a  nous  y 
rendre.  Le  Dieu  de  mifericorde  &  de  confolation  nous  en  a  donné  une 
nouvelle ,  en  permettant  que  nous  ayons  été  accompagnez^  dans  cette 
ville  avec  toute  forte  d'honneur  &  de  fureté  par  plufieurs  perfonnes  tant 
ecclefialîiques  que  féculieres.  Il  a  encore  plus  fait  en  noire  faveur.  On 
efi  venu  au  devant  de  nous  hors  de  la  ville  pour  nous  recevoir  honora- 
blement j  &  bien  quil  ny  ait  encore  rien  d'exécuté  3  nous  voyons  avec 
joie  toutes  chofes difpofécs  à  une heureufe  fin.  Puis  s'adrefTant  direc- 
tement au  Cardinal  :  »  Autant  que  nous  en  pouvons  juger  ,  dit-il , 
«votre  Paternité  a  été  l'unique,  ou  au  moins  le  principal  infini- 
»  ment  de  ces  confolations  divines ,  de  c'eft  de  quoi  nous  vous  ren- 
dons de  très-humbles  actions  de  grâces  en  notre  nom  &  au  nom 
»  des  Bohémiens  abfents  ,  tant  éccléfiaftiques  que  féculiers  -y  fai- 
»fant  mille  vœux  pour  votre  confervation ,  à  l'avancement  de 
»>  l'Eglife ,  &.  prêts  à  nous  foumettre  en  toutes  chofes  à  votre  Pater- 
nité ,  autant  que  nous  le  pourrons  félon  Dieu.  Au  refte,  nous 
»  efpérons  qu'elle  n'en  demeurera  pas  là ,  &  qu'elle  amènera  à  une 
»>  heureufe  fin  tout  ce  qui  pourra  contribuer  à  l'établiilement  de 

(1)  Débite,  rite,  lj légitime . 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XVII.  405 

»  la  vérité  6c  de  la  loi  de  Jefus  -  Chrifr,  ,  à  la  juftice  6c  à  une  fainre    143  3  ; 

«  union  -,  aiîn  qu'ainfi  confolez  nous  nous  en  retournions  chez  nous 

«pour  confoler  les  autres ,  qui  depuis  tant  d'années  font  dans  l'an- 

»  goiilè  &  dans  l'opprciîîon  ,  au  milieu  des  guerres  inteftines  ;  6c 

»  que  nous  remportions  une  moiffon  de  joie,  d'union  _,  de  paix  6c 

»  de  tranquillité  fa)  ».  Si  Rocky^ane  prononça  ce  Difcours,  comme     fa)  CM/. 

l'affirme  Cochlée  3  il  me  femble  qu'il  y  a  de  la  partialité  dans  ^.jj1  v^ 


Hift.  Hufl'it. 


Y- 


JErteas  Sylvius ,  quand  il  dit  que  \qs  Bohémiens  n'étoient  pas  11  243.  z^. 
cloquens  qu#  Julien.  Le  difcours  de  ce  dernier  n'eft  qu'un  lieu 
commun  vague  fur  l'autorité  de  PEglife,  un  de  ces  fophifmes  où 
l'on  fuppofe  ce  qui  effc  en  quefton  :  au  lieu  que  Rockyzsine  va  au  fait 
avec  autant  de  dextérité  que  de  refpecfc  .,  6c  foutient  fort  bien  la 
réputation  d'éloquence  où  il  étoit.  L'Hiftorien  doit  tenir  la  ba- 
lance égale. 

IV.  Quoi  qu'il  en  foit ,  ils  eurent  audience  le  16.  de  Janvier  3  6c     Les  Bohô- 
propoférent  les  4.  articles  dont  on  a  fou  vent  fait  mention  ,  parce  miens  nc 

*     ,1  1         >  •     1  v      t        t    '  propofent 

quils  etoient  convenus  entre  eux  de  s  en  tenir  la.  Le  Légat  en  qucieursiv. 
parut  furpris ,  ne  doutant  point  qu'ils  ne  s'éloignalTent  de  la  doc-  *rticIes  au 
trine  commune  en  beaucoup  d'autres  articles.  Mais  ils  répondi- 
rent quec'étoit  tout  ce  qu'ils  avoient  à  propoferau  Concile  de  la 
part  de  tout  le  Royaume.   Cependant  le  Légat  leur  reprocha 
qu'entre  autres  choies  ils  ïoutenoient  que  les  Ordres  des  Mendiants 
étoit  une  invention  du  diable.  Procope  nele  défavoua  point.  Celaefi 
vrai  ,  dit-il  ;  car  fi  les  Patriarches ,  fi  Moïfe ,  fi  les  Prophètes ,  fi 
J.  C.  ni  les  Apbtres  fous  l'Evangile  n  ont  point  institué  les  Mendiants , 
qui  ne  voit  que  ceft  une  invention  du  diable  >  &  une  œuvre  de  ténèbres  ! 
Cette  répartie  fut  fuivie  d'un  grand  éclat  de  rire  :  mais  le  Légat  ,^\  j£„.as 
qui  vouloir  ménager  les  Bohémiens  répondit  avec  douceur,qu'ou-  syiv.  Hiit. 
tre  ce qu'avoient  enfeigné  les  Patriarches,  les  Prophètes,  J.  C.  f^J™'^! 
6c  fes  Apôtres ,,  il  y  avoir  encore  les  décrets  de  PEglife  qu'il  fal-  Wreber.  Rcr. 
loit  recevoir  comme  divins  ,  parce  qu'elle  effc  dirigée  par  le  St.  B3h^m;  An~ 
Efprit ,  quoique  d'ailleurs  on  puifle  établir  l'ordre  des  Mendiants  pït.T,Ppl 
par  l'Evangile  (b).  »58- &  fecî- 

V.  Après  cette  efpéce  de  conférence  les  Bohémiens  choifirenr  LcsDofteur» 
quatre  de  leurs  Docteurs  pour  défendre  leurs  quatre  articles.  Roc-  *tf*££™ 
kizane  fut  choifi  pour  prouver  la  nécefïïté  de  la  Communion  fous  leurs  quatre 
lesefpéces  du  pain  6c  du  vin  3  Se  pour  demander  qu'elle  fûtainfi  Article* 
adminiftrée  par  les  prêtres  dans  toutes  les  provinces  de  Bohême. 
Il  employa  trois  jours  à  ladéfenfe  de  cette  caufe.  Enfuite  Nicolas 
PeUrxlmowsky  théologien  des  Taborites ,  donna  deux  jours  pour 

E  e  e  iij 


406     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1422      fbutenir  qu'il  falloic  réprimer ,  corriger,  &  exterminer  tons  les 
péchez  mortels,  6c  fur  tout  ks  péchez  publics*,  par  le  miniltére 
de  ceuxàquiilappartenoitde  le  faire,  ielonla  railon  6c  la  loi  de 
Dieu.  Après  le  Théologien  Taborite,  Ulric curé  des  Orphelins 
fe  mie  fur  les  rangs,  £c  loutint  deux  jours  durant,  que  la  parole 
de  Dieu  devoit  être  prêchéepubliquement  &fïdellementpar  des 
prêtres  revêtus  des  qualitez  néceflàires  pour  cette  fonction.  Enfin 
pierre Payné ,  dit  \'Anglois3  fourint  pendant  trois  jours  que  fous 
laloidelagraceiln'etoitpas  permis  au  clergé  de  pofleder  tk  de 
régir  des  biens  temporels  6c  féculiers.  Ils  donnèrent  enfuke  copie 
(a)  ibïi.  &  dc  ieurs  difeours  au  Concile  ,  6c  le  remercièrent  de  l'audience  fa- 
Fafcic.  Rer.  vorable  qu'il  leur  avoit  donnée.  On  fe  plaignit  néanmoins  des 
expetend.  &  trois  derniers  orateurs,  qui  avoient  exalté  Jean  Wi clef  Ôc  Jean 
T<7<%'.  an'  Hus9  les  appellant  des  Docteurs  Evangeliques ,  quoique  depuis 
\$c.  160.     long-temps  ils  eulîent  été  condamnez  par  l'Eglife  (a). 
Doâeurs         VI.   Le  Concile  de  fon  côté  nomma  quatre  Docteurs  pour  ré- 
Catholîques  pondre  aux  difeours  des  Bohémiens,  fçavoir,  Jean  de  Raguzjçn 
dre"  c-uxdê  Dalmatie ,  profeiïeur  en  Théologie,  6c  Général  des  Dominicains, 
Eohèmc.       jl  fuC  depuis  Cardinal  ;  Gilles  Charlier  profeiTeur  en  Théologie  ,  6c 
doyen  de  Teglife  de  Cambray  5  Henry  ICilteifen  de  CoùlentxjàodiQur 
en  Théologie  3  6c  Jean  de  Pomelar  archi-diacre  de  Barcelone,  doc- 
teur en  Droit,  6c  auditeur  de  Rote.  Jean  de  Ragu*e  parla  le  pre- 
mier pendant  huit  jours  aux  heures  du  matin.  Avant  qu'il  com- 
mençât fon  difeours,  Jean  Abbé  de  Cifieaux  exhorta  les  Bohé- 
miens à  fe  foumettreà  la  décifîon  de  l'Eglife  reprefentée  parle 
Concile.   Ils  furent  fort  choquez  de  cqzzq  exhortation  ,  parce 
qu'ils  la  regardoient  comme  un  préjugé  qu'on  vouloit  former  con- 
tre eux.   Comme  Jean  de  Ragu-^e  appliquoit  fouvent  aux  Bohé- 
miens les  mots  d'hérétiques  6c  d'héréfîe ,  Procope  perdant  patience 
s'en  plaignit  publiquement  au  Concile.  Cet  homme  ,  dit-il,  qui  efi 
notre  compatriote  ^nous  injurie  en  nous  appellant  de  temps  en  temps  héré- 
tiques. A  quoi  Raguxe  répondit  :  C'ejl  parce  que  je  fuis  votre  compa- 
triote (1)  de  langue  &  de  nation,  que  f  ai  d'autant  plus  de  paf/ïon  de 
vous  ramener  dans  le  giron  de  l'Eglife.  Peu  s'en  fallut  que  cette  in, 
jure  n'obligeât  les  Bohémiens  à  fe  retirer  du  Concile.  On  eut  au 
moins  beaucoup  de  peine  à  les  appaifer.  Il  y  en  eut  même  quel- 
ques-uns d'entre  eux  qui  ne  vouloient   pas  que  Raguxe  parlât 
davantage.  Gilles  Charlier  employ  a  quatre  jours  à  repondre  au 

(l)  Quelques  Auteurs  afTurent  tjue  les  Dalmates  ayant  paffe  en  Bohçnae  avoient  pris  Je  non» 
du  pais.  Ortb.  GyM.  ubi  fupr. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JTriI.^oy 
fécond  article  ^KdWifen  en  employa  trois  à  répondre  au  troifié-  u,« 
me,  comme^/fflwrau  quatrième.  Les  Bohémiens  paroifîoient 
fort  ennuyez  de  la  longueur  des  difcours  de  leurs  adverfaires. 
Bien  loin  d'être  pcrfuadez  par  ces  difcours,  ils  foutinrent  tou- 
jours leurs  articles  avec  beaucoup  de  fermeté,  fur  tout  l'article 
de  la  communion  fous  les  deux  efpèces ,  que  Rockizgne  foutint  pen- 
dant fix  jours  contre  le  difcours  deRaguz^e.  Les  difcours  des  au- 
tres Dodeurs  catholiques  furent  aufïi réfutez  parles  Bohémiens. 
On  trouve  bien  les  difcours  des  Docteurs  catholiques  dans  les 
actes  du  Concile  de  Bade,  6c  on  en  donnera  le  précis  dans  fon 
temps.  Mais  je  ne  fçai  par  quelle  raifon  on  n'y  a  point  inféré  ceux 
des  Docteurs  de  Bohême,  j'en  ai  rencontré  un  parmi  les  actes  du 
Concile  de  Baile,  fort  étendu  pour  la  Communion  fous  les  deux 
efpeces ,  parmi  les  manuferits  du  Concile  de  Bille.  C'en:  apparem- 
ment le  difcours  de  Rockizane, dont  on  donnera  auiïi  le  précis  dans 
l'hiftoire  du  Concile  de  Bafle.  Pour  le  prefent  je  me  contente  d'a- 
bréger ce  qui  fe  païla  entre  le  Concile  &  les  Bohémiens ,  afin  de 
voir  la  fuite  de  la  guerre. 


qui  nommeroient  chacun  leurs  Députez,  de  où  l'on  n'entreroit  une  conlc- 
cians  aucune  difeuinon  particulière  des  dogmes.  S'étant  donc  af-  cu"icre.artl" 
femblez  le  onzième  de  Mars ,  le  Concile  propofa  aux  Bohémiens 
de  s'unir  par  avance,  dans  l'efperance  que  l'union  faciliteroitla 
difeuffion.  Les  Bohémiens  ayant  délibéré  là-deflus,  trouvèrent 
qu'on  nepouvoit  pas  efperer  une  union  folide  &,  fîneere,  avant 
qu'on  fût  convenu  de  part&  d'autre  fur  les  quatre  articles.  Il  fem- 
ble  par  le  difcours  que  leur  adreiïa.  le  cardinal  Légat,  qu'il  étoic 
aufii  de  cet  avis.  Ce  difcours  rouloit  fur  ces  chefs  principaux,  i .  îi 
leur  réprefentoit  que  le  Concile  pendant  dix  jours  avoit  entendu 
avec  beaucoup  de  patience  &  d'attention  l'expofition  qu'ils  a- 
voient  donnée  de  leurs  quatre  articles,  i.  Il  lescongratuloit ,  &il 
fefelicitoit  lui-même  des  favorables  difpofitions  que  l'on  remar- 
quoiteneux,  auili  bien  que  dans  le  Concile,  pour  la  paix  &  pour 
l'union.  3.  Il  temoignoit  être  fort  fatisfait  de  la  proteftation  que 
Jlockiz^ne  &  les  autres  avoient  faite  en  ces  termes  :  Mous  croyons 
que  l'Eglife  qui ,  félon  St.  Grégoire  &  St.  Auguftin  3  ejî  l'univerfalité 
des  fidèles  répandue  dans  le  monde ,  nous  croyons  que  cette  fa  inte  Eglife 
cft  tellement  fondée  fkr  la  pierre ,  que  les  fortes  de  F  enfer  ne  prévaudront 


4o8  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.;  *  point  contre  elle  $  &  nous  e fperons parla  grâce  de  ^efus-Chrifl  qui  en  efi 
le  chef y  de  fouffrir plutôt  le  plus  cruel  martyre  3  que  de  rien  dire  volontai- 
rement qui  foit  contraire  à  la  doHrine  de  cette fainte  Eglife.  4.  Comme 
il  eft  mal-aifé  qu'il  ne  fe  mêle  pas  de  l'aigreur  dans  ces  contefta- 
tions,  il  les  exhorte  à  ne  pas  prendre  trop  au  vif  des  paroles  du- 
res, qui  peuvent  échapper  dans  la  chaleur  du  difeours  3  &à  re- 
garder plus  à  l'intention  qu'à  ce  qu'il  ya  de  choquant  dans  les  ter- 
mes. 5.  Il  leur  reprefente  que  pour  obtenir  une  folide  union,  ôc 
aller  à  l'avenir  au  devant  de  toute  difeorde  3  il  faut  s'expliquer  net- 
tement fur  toutes  les  controverfes ,  6c  fur  tous  les  points  conteftez 
de  part  &  d'autre ,  &  fans  diffimulation  ni  fupprefïion  quelconque; 
afin  que  le  Concile  ,  qu'il  appelle  le  creufet  du  St.  Efprit  (  1  ) 3  puiile 
féparer  la  rouille  de  l'or  &:  de  l'argent.  V 'ous n 'ave^propofé  ces  jours 
pafiez^que  quatre  articles  3  mais nous  feavons  de  bonne  part ,  &  par des 
témoins  oculaires  3  qu'il  y  a  beaucoup  d'autres  dogmes  étrangers  en  quoi 
vous  différend 'avec  nous ,  &  même  l'un  d' entre  vous  nous  l'a  fait  afiex^ 
entendre  en  qualifiant  Jean  Wiclef  de  Dofleur  évangelique  3  or  on 
feait  affez^  quelle  et  oit  la  doctrine  de Wi clef fur  plufieurs  articles  tenus 
part 'Eglife.  6.  Il  leur  propofa  les  articles  fuivans  dont  la  plupart 
avoientétéfoutenus  iparWiclef^  &  condamnez  plus  d'une  fois.  1. 
La  fubftance  du  pain  &  du  vin  demeure  après  la  confécration.  2.  Les 
accidens  ne  fc auraient fubfîfler  fans  fujet.  yJ.C.  nef  pas  prefent  d'une 
préfence  réelle  &  corporelle  dans  le  facrement  de  l'Eucharifiie.  4.  Le 
facrement  de  la  Confirmation  efi  inutile.  5.  La  Confefjion  aux  prêtres 
ef  fuperflue.  6.  Le  facrement  de  l' Extrême -onïl  ion  ne  fert  de  rien» 
7.  Il  ne  faut  point  employer  le  chrême  dans  le  Baptême.  8.  La  prière 
pour  les  morts  efl  vaine.  9 .  Il  ne  faut  point  invoquer  les  Saints ,  ni 
vénérer  les  Images  &  les  Reliques.  1  o.  Il  ne  faut  point  obferver  les 
Fêtes  &  les  Jeunes  de  l' Eglife.  Ces  articles  &c  quelques  autres  ayant 
été  donnez  par  écrit  aux  Bohémiens,  afin  qu'à  chaque  article  ils 
puflènt  dire  pofltivement  3  nous  croyons  ,  ou  nous  ne  croyons  pas  cela, 
ils  répondirent  comme  ils  avoient  déjà  fait,  qu'ils  étoient  venus 

(■a)  Cocbl.ubi  r     ,     r  r      ,  •    i  1 

fupr.  p.  2$  1.  feulement  pour  propoler  les  quatre  articles ,  non  tant  en  leur  pro- 
^54-  pre  nom  ,  qu'au  nom  de  tout  le  Royaume  (a). 

Lesdêputez  VIII.  Ainfi  &  difputes  &  conférences ,  tout  fut  inutile  à  Bafle. 
d'e  Breto™-  ^es  Bohémiens  impatients  de  retourner  chez  eux  _,  partirent  vers 
nent  chez  le  1 5.  d'Avril  (2).  Ils  furent  auflî-tôt  fui  vis  d'une  ambaflade  fo- 
cux,°nlcur  lemnelle  du  Concile.  Elleétoitcompofée  de  trois  Evêques  félon 

envoyé  une  A  * 

Ambaffade.        ,   ._  .  .       „     a. 

(ijt ornax ,  £5 cammus Spirttus  batitti.  , 

(ij  Leur  Pouvoir  eft  datte  du  1 J. 

Cocblée  2 


ET  DU  CONCILE  DE  B  ASLE.  Ziv.  JfVII.  409 
CochUe ,  ou  de  deux  félon  les  a&es  3  fçavoir  de  Philibert  évêque  de  14 1 V 
Coutance  en  Normandie  3  6c  de  Pierre  comte  de  S chaumburg  évêque 
&  Ausbourg{\) ,  accompagnez  de  huit  ou  dix  Do&eurs.  Leurcorn- 
miffîon  en  général  étoic  de  négocier  un  accommodement  avec  les 
Bohémiens  ;  mais  leurs  ordres  fecrets  portoient  de  les  divifer  ,,  6c 
de  relever  le  courage  de  ceux  d'encre  les  Catholiques  que  la  nece£ 
fîté  avoir  forcez  de  Te  joindre  à  eux  (2).  A  cette  ambailade  fe  joi- 
gnirent les  envoyez  de  plusieurs  Princes  ôc  de  plufieurs  Evêques , 
Scies  députez  de  diverfes  Communautez  pour  la  rendre  plus  Co- 
lemnelle  6c  plus  efficace.  Quoique  l'affaire  ne  regardât  pas  le  Duc 
de  Savoye ,  il  ne  laiiïa  pas  d'y  envoyer,  afin  qu'il  parût  que  c'étoic 
un  intérêt  général.  Les  Princes  de  Brandebourg  6c  de  Bavière  y 
avoient  leurs  ambafîadeurs ,  auflî  bien  que  l'Evêque  de  Bamberg, 
ôc  les  villes  de  Nuremberg  Se  d'Egre  leurs  députez.  Plufieurs  au- 
tres Puiffances  n'attendoientquedes  pafTeports  pour  s'y  joindre. 
Toute  i'ambafîade  fut  reçue  avec  de  grands  honneurs  ,  &  en  che- 
min ,  6c  à  Prague.  Le  Refteur  de  l'Univerfîté  (}),  à  la  tête  de 
tout  le  corps  les  alla  haranguer.  Aufîî-tôt  après  leur  arrivée  ,  on 
aflembla  les  Etats  de  Bohême  &  de  Moravie  dans  le  Collège  de 
l'Académie  pour  entrer  en  conférence.  Henry  de  Tock  chanoine 
de  Magdebourg ,  l'un  des  députez  du  Concile ,  avoit  auparavant 
harangué  les  Confuls  de  l'une  6c  de  l'autre  ville  dans  la  Maifon  de 
ville  delà  vieille  Prague.  Il  ne  faut  pas  omettre  fon  enthoufiafme 
à  la  louange  de  cette  Capitale.  Je  te  revois  3  dit-il,  0  Prague  (4) 
métropole  de  Bohème ,  ville  magnifique  ,  refpcHable  à  tous  les  Rois  & 
a  tous  les  Princes ,  pendant  le  temps  de  ta  paix  &  de  ton  union  au  Sei- 
gneur. 0  cité  de  Dieu ,  fouviens-toi  de  ton  ancienne  dignité  !  0  quon  a 
publié  de  chofes  glorieufcs  de  toi  !  Nous  femmes  touchez^d'une  tendre 
compafjîon  a  la  vue  de  ton  état  prefent ,  &  défirant  ardemment  de  te 
voir  refleurir  &  recouvrer  ta  première  gloire ,  nous  y  travaillerons  de 
tout  notre  pouvoir.  Quefl  devenue  cette  ville  fi  célèbre ,  qui  étoit  mi  fie 
entre  les  plus  grandes  &  les  plus  puijfiantes  3  &  qui  avoit  à  peine  fion  é^t» 
Ici  Ont 'a  vu  fleurir par de fius  toutes  par tes  dons ,  ton  autorité  ,  ta  foi  ^ 
ta  dévotion  ,  ta  faix ,  ta  concorde ,  auffi  bien  que  par  ton  opulence ,  & 
ta  ficience  dans  la  religion  &  dans  la  politique.  Tuétois  le  thrbne  non 

(1)  Il  fut  depuis  Cardinal  de  la  création  d'Eugène  IV.  en  1439.  &  mourut  en  14.69, 

(2  )  'Johann.  David  Koeler.  Je  Johann,  llockil..  p.  1  J  .  14. 

(l  )  Il  s'appelloit  Chriflian  Praquatitcu.  Ball/in  prétend  qu'il  e'toit  bon  Catholique  dans  le 
c<Eur  ,  &  que  même  il  fe  feroit  fournis  d'abord  avec  toute  l'Univerfité  au  Siège  de  Rome  ,  il 
Rockjtane  qui  en  eut  le  vent  ne  I'ch  eût  détourné.  Pra^ttatitcx,  palïoitpour  ua  grand  Allronu- 
me.  Balbin.  Epitom.  p.  487. 

(4)  Il  y  avoit  fait  fes  études. 

Tom.  /.  Fff 


1453- 

(  a }  Mars 
Merttv.   Lib. 
V.  cap.  IV. 

F.  s7d. 
Difcoursde 

aux  "ambaf- 
fadeurs  du 

Concile. 


(b)  Samuel 
XIV  $. 


(c)Bfaieh 
»7- 

(c\)  Jerem. 
XXII. 3. 
(,)  Jacg.  I. 

*7- 


410         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

feulement  des  Rois ,  mais  de  toute  la  chrétienté  dans  l'Eglife  d'occident. 
Ton  Académie  êtoit  le  centre  de  la  fagefle  divine  &  humaine.  Tu  as 
fervi  d'exemple  à  tout  le  chriflianifme  j  mais  tu  feais  &  tu  vois  ce  que 
tu  esaprefent.  Mon  intention  efl  de  te  confoler ,  &  non  de  ty  inquiéter , 
&c  (a) 

IX.  A  l'ouverture  de  l'afTemblée,  Jean  de  Polemar  qui  éroic  à 
la  tête  des  Docteurs,  fie  un  difeours  général  3  qui  ne  contenoic 
que  des  exhortations  à  la  paix,  &  des  remercimens  du  bon  ac- 
cueil qu'on  leur  avoit  fait.  Il  n'en  fut  pas  de  même  de  la  harangue 
de  Rocki^ane  que  Cochlée  lui-même  n'a  pu  s'empêcher  de  louer, 
tout  paffionné  qu'il  paroît  par  tout  contre  les  Bohémiens.  Revê- 
tant le  perfonnage  de  la  Bohême  ,  il  la  fait  parler  ainfi.  »  Révé- 
»  rends  Pères,  faites  attention  non  feulement  à  ce  qui  eft  de  votre 
«gloire,  mais  auiîi  à  ce  qui  eft  de  la  mienne.  Je  puis  m 'appliquer 
»  ce  qui  eft  dit  au  chapitre  V.  du  Cantique  des  Cantiques,  Que  mon 
>■>  bien  aimé  J.  C.  ma  parlé }  mon  cœur  s*  eft  épanché  au  dedans  de  moi , 
»  parce  qu'enflammée  d'amour  pour  les  veritez^quilm'a  infpirécs ,  je 
»  l'ai  cherché  pour  avancer  davantage  dans  ces  mêmes  vérité^  mais 
y'fai  trouvé  le  cœur  de  f  lu  fleurs  mal  difpofé.  Les  gardes  de  la  ville  , 
»  c'eft-à-dire  les  prêtres  &  les  prélats  m  ont  rencontrée  Uls  m'ont  battue 
»  &  blefjée  par  leurs  opprobres  &  leurs  mêdifances.  Ils  my ont  blé  mon 
^manteau  3  c'eft- à-dire  ,  ma  gloire  &ma  réputation  autant  qu'ils  ont 
»  pu.  Mon  père  Jacob  qui  m'aimoit  plus  tendrement  que  mes  fre- 
«res,  m'avoit  donné  une  robe  bigarrée  &  parfumée  de  diverfes 
«odeurs,  c'eft-à-dire  qu'il  m'avoit  fait  briller  par  deflus  tous  les 
«autres  royaumes  6c  pais  du  monde.  Mais  mes  frères  tranfportez 
»dejaloufie  l'ont  teinte  &  fouillée  dans  lefang.  Ils  m'ont  jettée 
»  dans  une  citerne  ,  c'eft-à-dire  dans  un  labyrinthe  d'opinions  Se 
»  de  fentimens  fâcheux.  Je  vous  prie  donc,  vénérables  ambafîa- 
»  deurs,  de  voir  &  de  confiderer  ma  douleur.  En  eft- il  unefembla- 
»  ble  ?  Hélas ,  je  fuis  veuve  ,  car  mon  mari  eft  mort  (b).  C'eft  le  Roi 
"Wmceflas  de  fainte  mémoire  qui  me  deffendoit ,  de  quifoutenoit 
»  ma  couronne,  en  foutenant  les  aimables  veritez  de  mon  doux 
«Jefus.  Mes  ennemis  me  voyant  veuve,  ont  dit:  Opprimons  le 
»  jufte  &:  le  pauvre  ,  &;  n'épargnons  pas  la  veuve.  Vous  donc  ,  vé- 
»  né  râbles  a  m  ba  (fadeurs,  fecourezj 'oppreffé ,  rende^juftice  aupupile  , 
»  dé  fende  zja  veuve  (f).  Ne  foulez^  point  l'étranger,  l'orphelin,  ni  la 
»  veuve  (d  ).  La  religion  pure  &  fans  tache  ,  c'eft  de  viflter  les  orphelins 
»  &les  veuves  dans  leurs  tribulations  (e).  Je  vous  prie  donc  humble-. 
»ment  de  bien  confiderer  ce  qui  eft  de  ma  gloire.  Rendez-moi 


ET  DU  CONCILE  DE  B  ASLE.  Ziv.  JfVII.  411 
»  mon  manteau ,  c'eft-à-dire  ma  réputation  que  mes  ennemis  ta-     143  3 . 
»  client  dem'ôter. 

X.  Polemar  répondit  à  ce  difcours  par  une  nouvelle  exhorta-   Rt'pûnfede 
tion  à  commencer  par  s'unir,  comme  on  avoir  fait  dans  le  Con-  ^(mar  ** 
cile  de  Bafle.  Sous  cette  condition  3  îloftroitaux  Bohémiens  de  R3^lrt„,, 
la  part  du  Concile  ,  de  hs  rétablir  dans  leur  fplendeur ,  de  lever 
tous  les  obftacles  à  leur  profpérité ,  de  leur  rendre  leurs  honneurs, 
leurs  privilèges ,  leur  liberté,  ôc  de  bander  fi  bien  leurs  playes, 
qu'il  ne  paroitroit  pas  même  de  cicatrice.  »  Nous  entrerons  fur  vos 
»terreSjVous  entrerez  fur  les  nôtres.   Nous  aurons  les  mêmes 
*  églifes ,  \qs  mêmes  facremens  ,  les  mêmes  prières.  Ces  vénéra- 
»  blés  Pères  ,  les  Evêques  qui  font  ici  préfens ,  célébreront  la  Mef 
»fe  dans  vos  temples,  avec  votre  agrément  jils  muniront  vos  en- 
n  fans  du  /àcrement  de  Confirmation  ,  qui  depuis  le  temps  des  Apô- 
»  très  a  été  rendu  propre  aux  Evêques ,  &  ils  feront  toutes  les  au- 
»  très  fondions  qui  leur  font  réfervées  (  i). 

X  I.  Les  Bohémiens  ne  furent  pas  la  duppe  de  ces  offres  vagues,  Répocfc  des 
toutes  fpécieufes  qu'elles  étoient.  Ils  rejettoient  la  faute  de  la  Bohcm,cn8- 
rupture  fur  l'Eglife  Romaine  ,  par  fes  procédures  iniques  contre 
Jean  Hus  êc  Jérôme  de  Prague ,  par  les  excommunications  lan- 
cées fur  tout  le  Royaume  }  &  par  les  armées  de  Croifèz  dont  elle 
les  avoit  inondez.  Quand  on  leur  alléguoit  l'autorité  des  Con- 
ciles, ils  ne  la  reconnoiiloient  qu*autant  qu'ils  les  trouvoient  con- 
formes a  l'Ecriture ,  par  ce ,  difoient  ils ,  qu'ils  ne  font  pas  infail- 
libles, &qu'ilsont  actuellement  erré.  Ils  foutenoient  même  que 
depuis  plufieurs  fiécles ,  les  Conciles  généraux  ,  bien  loin  de  ré- 
former les  abus  par  rapport  à  la  foi,  aux  mœurs  8c  à  l'union  de 
l'Eglife,  avoient  étrangement  excédé  dans  leurs  décrets  &  dans 
leur  conduite,  6c qu'ils  s'étoient  éloignez  du  fondement  qui  eft 
J.  C.  Ce  qui  cfi  arrivé  au  bois  verd ,  leur  fait  dire  Cochlèe ,  peut  bien 
arriverai  bois  fec.  Cespniffantes  colomnes  de  l'Eglife ,  les  Apôtres  ont 
tous  erre  dans  la  foi ,  &  pendant  trois  jours  la  F oi  catholique  ne  s* eft 
confervée  que  dans  la  feule  Vierge  Marie  (z).  En  un  mot  ils  décia- 
roient  qu'ils  ne  vouloient  point  fe  foumettre  aux  dédiions  du 
Pape ,  ni  du  Concile ,  ôc  qu'il  n'y  avoit  point  de  paix  à  faire  avec 

ri)  Il  faut  entendre  par  là,  &  la  confecration  des  Eglifes,  &  la  confection  du  Chrême ,  & 
les  Ordres.  Cela  n'eft  pas  dit  fans  defiein.  Comme  depuis  Conrad  les  Bohémiens  n'avoient 
point  eu  d'Evêques  ,  leurs  Eglifes  étoient  profanes  ,  leurs  Baptêmes  invalides,  &  leurs  Or- 
dres nuls  ,   félon  la  pre'tention  de  l'Eglife  Romaine. 

(z)  Je  me  fouviens  d'avoir  lu  cette  penfe'e  dans  Gerfen.  Elle  eft  faufle.  Les  Difciples  ont 
iimnqucdefoi ,  mais  les  Apôtres  n'ont  point  erré  dans  la  foi, 

F  f  f  i] 


-fi  i       HIST.  L)E  LA  GUERRE  DES  HUSS1TES 

1433.  eux,  à  moins  qu'on  n'acceptât  leurs  quatre  Articles  j  que  c'étoit 
le  mocquer  de  propofer  un  traité  de  paix,,  pendant  qu'on  étoit 
en  difcorde  fur  la  Foi ,  &  que  fi  on  pouvoir  convenir  là-defluSj  il 
n'y  avoitrien  qu'ils  défiraflent  plus  que  la  paix  &  l'union. 

Jufqu'ici  Rocki'zane  a  parlé  pour  les  Bohémiens.  Procope  prit  la 
parole  à  Ton  tour  pour  confirmer  ce  que  le  premier  avoit  dit  tou- 
chant l'origine  de  cette  guerre,  dont  il  rejettoit  aufîl  la  faute  fur 
le  fiége  de  Rome.  »  Cependant }  dit-il  3  il  efl  arrivé  un  grand  bien 
»  de  cette  guerre.  Plu  Heurs  adverfaires  de  nos  quatre  falutaires 
»  véritez  s'étant  joints  à  nous  pour  la  défenfe  de  la  patrie ,  les  ont 
»embraflèes.  Les  victoires  que  nous  avons  remportées  y  ont  af- 
»  fermi  une  multitude  innombrable  de  peuple ,  qui  auroit  été  con- 
»>  trainte  de  les  abandonner  par  la  violence  des  armes ,  &  par  con- 
»  féquent  ofFenfé  le  St.  Efprit ,  qui  efl  le  Docteur  de  la  vérité.  En- 
»  fin  c'efl  cette  même  guerre  qui  a  donné  occafion  au  Concile  de 
»  Bafle,  de  donner  audience  aux  Bohémiens,  &  en  même  temps 
"défaire  connoître  cesfaintes  véritez  à  tout  l'univers.  Et  l'on  ne 
fùpr'p. z$9.  và°iz  point  s'attendre  à  voir  la  fin  de  ces  troubles  ,  qu'elles  ne 
260.  »  foient  reçues  d'un  commun  confentcment  (a). 

Rcplîqucsdc  XII.  Polemar  répliqua  à  peu  près  furie  même  ton,  offrant  tou- 
dcCbZiur  J0Urs  ^a  Pa*x  &  l'union ,  fous  la  même  condition  de  fe  f oumettre  à 
la  décifion  du  Concile.  »  Il  ne  s'agit  plus ,  dit  il ,  de  renouveller  la 
»  mémoire  du  paflé,qui  ne  pourroit  fervir  qu'à  aigrir  les efprits.Ces 
»  plaintes  &  ces  reproches  font  un  artifice  du  démon ,  qui  voyant 
»  la  paix  s'avancer ,  fait  ks  derniers  efforts  pour  jetter  parmi  nous 
»  de  nouvelles  femences  de  difcorde.  C'eft  pour  cela  que  les  Pères 
y>  de  Bafle  pour  ne  pas  mettre  d'obftacle  à  la  paix ,  ont  laiflé  pafîer 
"plufieurs  plaintes  Scplufîeurs  accufations  de  quelques-uns  de  vos 
»  députez ,  fans  y  rien  répondre.  Au  fond  l'origine  des  troubles  ne 
"doit  point  être  imputée  au  Concile  de  Confiance.  Avant  qu'il 
»  eût  jugé  ,  le  Démon  avoit  femé  la  zizanie  parmi  vous.  On  s'ae- 
«cufoit  mutuellement  d'héiéfie,  &.  vos  propres  compatriotes* 
»  vous  avoient  déférez  au  Siège  Apoflolique.  On  n'avoit  point  en- 
»core  touché  à  l'article  de  la  Communion  fous  les  deux  efpéces 
»  que  vous  demandez  avec  tant  d'inflance.  Ce  n'eu:  point  pour 
»  cette  caufe  qu'on  a  procédé  contre  vos  maîtres,  mais  pour  d'au- 
»  très  qui  méritoient  bien  l'exemple  qu'on  en  a  fait.  Ainfî,  c'eft  à 
»  vous  qu'il  faut  imputer  le  fchifme».  A  Polemar  fuccéda  Cilles 
Charlier  doyen  de  Cambrai  3  qui  tint  aufli  un  difcours  fort  pacifi- 
que. »  Ce  n'efl  pas  3  difoit-il ,  par  les  armes  qu'on  éclaircit  la  véri- 


ET  DU  CONCILE  DE   B  AS  LE.  Zlv.  "XV11.  413 

fe  té ,  fur  tout  quand  il  fe  préfente  une  autre  voye.  Si  vous  voulez  1433. 
»  perfuader  le  monde  que  la  vérité  eft  de  votre  côté ,  il  faut  met- 
«  tre  bas  les  armes  ,  &  vous  ranger  à  la  voye  de  la  difcuiîîon  ,  fur  le 
a,  fujet  de  vos  Articles.  Quoi  qu'elle  ait  été  faite  dans  le  Concile , 
*>  on  vous  l'offre  de  nouveau ,  &  il  ne  tiendra  qu'à  vous  de  difpu- 
»ter  publiquement  dans  cette  aflemblée  autant  de  temps  qu'il 
«  vous  plaira  3  &  même  11  vous  trouvez  qu'il  n'y  ait  pas  là  aflez  de 
«Docteurs,  on  pourra  envoyer  les  actes  de  cette  difcuiîîon  à  tou- 
rtes les  plus  fameufes  Univerfitez ,  pour  en  avoir  le  jugement, 
v  Après  quoi  ce  facré  Synode  inftruit  par  le  St.  Efprit  décidera  à 
»  quoi  tout  le  monde  s'en  doit  tenir.  Et  quand  même  vous  préten- 
driez être  afïez  bien  fondez  dans  vos  articles,  &  que  le  St.  Ef- 
»  prie  vous  les  auroit  révélez  ,  vous  ne  devez  pas  en  rejetter  la  dif- 
»  cufîîon  ,  parce  que  11  cette  oeuvre  eft  de  Dieu ,  elle  fublTftera ,  & 
»  que  le  St.  Efprit  qui  préfide  dans  les  Conciles,  ne  détruira  pas  fon 
«propre  ouvrage. 

XIII.  Les  députez  du  Concile  adreflérent  encore  plufleurs     Les  BoIlé" 

,./.  „    1   k  ,  a  1  o-   t,      r  •     miens  cn- 

difcours  aux  Bohémiens ,  tendants  au  même  but.  Si  1  on  en  croit  voient  des 
le  témoignage  de  Cochlée ,  ces  difeours  auroient  pu  faire  impref-  éckjrcïffe- 

r         r      \>   r     •     i        vt     y   *  •     >  •  .  mens  fur 

lion  lurl  eipnt  des  Bohémiens  qui  s  en  tenoient  aux  quatre  ar-  ieurs  quatre 
ticles  ,  fans  l'oppofition  perpétuelle  des  Taborites,  qui  par  leurs  Articles. 
dupliques  &  tripliques  en  détournoient  l'effet,  donnant  un  mau- 
vais fens  aux  offres  du  Concile.  Il  feroit  à  fouhaiter  que  cet  Hif- 
torien  nous  eût  pu  conferver  ces  répliques  des  Taborites ,  comme 
il  nous  a  tranfmis  quelques  fragmens  des  difeours  des  autres  Bo- 
hémiens, &  des  députez  du  Concile.  Au  refte  on  ne  peut  point 
être  furpris  d^s  défiances  &  des  ombrages  des  Taborites,  qur 
quoi  qu'unis  avec  les  autres  dans  l'intention  générale  d'avoir  la 
paix  ,  en  différoient  pourtant  par  rapport  à  plufleurs  articles  qui 
n'avoient  point  été  fournis  à  la  décifion  du  Concile  :  &  l'expérien- 
ce fera  connoître  qu'ils  avoient  fujet  de  craindre  d'être  abandon- 
niez des  autres ,  quand  ils  auroient  fait  leur  traité.  Quoi  qu'il  en 
foit ,  les  Bohémiens  défenfeurs  des  quatre  articles ,  les  envoyèrent 
par  des  députez  au  Concile  avec  quelques  modifications.  1 .  Sur  la 
libre  prédication  de  la  parole  de  Dieu,  ils  difoient  quelle  dévoie 
fe  faire  fous  l'autorité  du  Diocéfain.  2.  A  l'égard  de  la  punition 
des  péchez,  ilslaifîoient  aux Eccléfiaftiques  le  droit  de  punir  les 
péchez  des  Eccléfiafliques  ,  &  aux  Séculiers  le  droit  de  punir  les 
Séculiers,  félon  le  pou  voir  que  Dieu  en  avoir  donné  aux  uns&  aux 
autres.  3.  L'article  des  biens  de  l'Eglife  eft  plus  étendu,  maisafkz 

Fffiii 


4H  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
pa\  3  ,  embrouillé. ■  Les  Bohémiens  difoient  donc  que  ni  les  féculiers  ,  ni 
les  autres  ne  pou  voient  fans  facrilége  s'approprier  les  biens  de  l'E- 
glife ,  parce  que  ce  font  des  biens  communs  _,  ceft  le  patrimoine  du 
crucifié.  Sur  ce  que  leurs  adverfaires  obje&oient  quec'étoient  des 
biens  fuperflus ,  ils  répondoient  que  s'ils  étoient  fuperflus,  ceux  qui 
avoienc  le  pouvoir  de  les  difpenfer  dévoient  les  employer  à  des 
ufàges  pieux  &  communs,  mais  qu'on  ne  devoit  exercer  fur  eux 
aucun  domaine  civil ,  parce  que, qui  dit  domaine  civil ,  fuppofè  des 
biens  temporels  poflédez  en  propriété.  4.  Sur  la  Communion  fous 
les  deux  efpéces ,  ils  difoient  qu'elle  étoit  utile  ,  méritoire  &  fa- 
lutaire,  parce  qu'elle  avoit  été  donnée  &in(titiiée  par  J.  C.  pra- 
tiquée par  les  Apôtres  &  par  i'Eglife.  Mais  comme  il  y  avoit  quel- 
ques doutes  fur  la  nature  du  commandement  de  de  la  nécefîîtc  de 
cette  pratique  ,  &  fur  la  peine  que  mériteroient  ceux  qui  la  négli- 
gent ,  ils  s'en  remettaient  à  la  décilîon  du  Concile ,  pourvu  qu'el- 
le fut  fondée  fur  l'Ecriture  Sainte,  &  fur  l'autorité  des  Pères.  Ils 
demandoient  auiïi  quelques  éclairciffemens  furie  genre  de  nécef- 
fîté  des  autres  Sacremens. 
Formule  X  I V.  A  ces  articles  les  Bohémiens  ajoutoient  cette  formule 
d)oiéeOauPr0"  d'union  à propofer  au  Concile.»  Nous  fommes  prêts  à  nous  unir 
Concile  par  »  comme  tous  les  fidèles  Chrétiens  doivent  être  unis  félon  la  loi 
»  de  Dieu ,  à  adhérer  &  obéïr  à  tous  nos  légitimes  fupérieurs  dans 
»  toutes  les  chofeseccléfiaftiques,  qu'ils  nous  ordonneront  félon 
»  la  loi  de  Dieu.  Mais  (î  le  Concile ,  le  Pape  ,  ou  les  Prélats  nous 
«commandent  de  faire  quelque  chofe  que  le  Seigneur  ait  défendu, 
»  ou  de  rien  omettre  de  ce  qui  e(t  contenu  dans  le  canon  de  la  Bi- 
»  ble ,  nous  ne  fommes  pas  difpofez  à  leur  obéir,  &  nous  ne  leur 
»  obéirons  point ,  parce  que  les  canons  déclarent  exécrables  de  ana- 
»  thèmes  de  telles  gens.  Nous  vous  propofons  ces  préfentes  pour 
«  conclure  (  la  paix)  entre  vous  de  nous ,  comme  nous  fuppofons 
»  que  c'en:  votre  intention  ,  bien  entendu  que  nos  quatre  articles 
«feront  expédiez  félon  l'arrêté  de  la  diète  d'Egre  ,  dont  nous 
«voulons  que  le  jugement  foitreçu  de  tous  en  toute  occurence. 
«Outre  cela  nous  voulons  (  volumus  )  que  félon  l'équité  ,  6c  pour 
»  la  confirmation  de  confervation  de  la  paix  &  de  l'unité  ,  nos  am- 
»  bafïadeurs  que  nous  envoyons  pour  conclure  l'union  ,  obtien- 
nent des  patentes  du  Concile,  par  lefquelles après  l'union  faite 
»  il  ordonne  à  tous  Primats ,  Archevêques,  Evêques,Rois ,  Prin- 
"  ces ,  de  à  tous  les  fujets  de  l'un  &  de  l'autre  ordre ,  que  déformais 
p  on  ne  traite  plus  d' 'hérétiques  ni  nous ,  ni  nos  adhérens ,  ni  en  pu- 


4es  Bohê- 
xuiens. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  XTIL^i 
»blic,  ni  en  particulier  s  qu'on  ne  nous  diffame  en  aucune  ma-  1433, 
«niere  *  qu'on  n'exerce  aucun  a&ed'hoftilité  contre  nous  à  loc- 
•  cafion  de  ces  articles,  &fur  tout  du  premier  (1),  lequel  nous 
»  foutenons  avoir  été  commandé  par  J.  C.  &  nous  le  foutiendrons 
»  jufqu'à  la  difcuiîion  finale ,  mutuelle  &  unanime  qui  Te  doit  faire 
«par  le  Concile  &  par  nous  félon  la  forme  du  jugement  d'Egre, 
«furies  difficultez  des  dix  articles.  Car  félon  ce  jugement  équi- 
»  table  nous  fouhaitons  avec  la  permiffion  divine  de  pouvoir  obte- 
nir fcéance  dans  le  Concile,  &  y  travailler  fidèlement  avec  les 
»  autres  à  la  réformation  de  toute  l'Eglife  dans  fes  chefs  &;  dans 
»fes  membres,  comme  l'a  propofé  &  promis  le  Concile,  félon 
»  qu'on  nous  l'a  rapporté  de  bonne  part.  De  plus ,  pour  couper 
»  toutes  les  racines  de  démêlez  &  de  querelles  entre  nous  &  nos 
„  compatriotes ,  au  fujet  de  l'union  qui  doit  fe  faire ,  nous  deman- 
»  dons  (volumus)  par  les  députez  que  nous  enverrons,  que  le 
»  Concile  fa  lie  en  forte  par  fes  patentes ,  &  par  les  moyens  les  plus 
»  efficaces ,  qu'après  l'union  tous  les  prêtres  &  chacun  d'eux  ,  de 
»  quelque  prééminence  &  dignité  qu'il  foit ,  principalement  ceux 
«qui  n'ont  pas  encore  obfervéces  articles,  puiflent  le  faire  dans 
«le  royaume  &  dans  le  marquifat  de  Moravie  en  toute  fureté, 
«amiablement  &  avec  honneur  :  écant  ainfi  unis  dans  les  faintes 
»  ventez  nous  ferons  participais  de  la  grâce  divine  dans  ce  iiecie,  ubi  fupr.  p. 
»&  de  la  favorable  vifion  de  Dieu  dans  l'autre.  Amen  (a).  2*7.168. 

X  V.  Quand  ce  projet  fut  lu  dans  le  Concile  il  parut  de  l'émo-  CeFormuIai- 
tion  furie  vifage  de  plufieurs  d'entre  les  Pères.  Eft-celà?  difoient-  ™  g^| 
ils ,  une  union  cccléfiaftiquc  &  chrétienne  ?  Ce  rieft  pas  unité  3  c'efi  du- 
plicité. Il  ne  faut  point  de  Vous  &  de  Nous  j  il  ne  faut  que  Nous  pour 
former  une  vraye  union  3  parce  quilne  doit  y  avoir  qu  un  même  peuple 
chrétien.  Cependant  comme  l'union  preflbit  d'autant  plus  que  les 
Taborites  continuoient  leurs  ravages  &  leurs  hoftilitez  en  Bo- 
hême, &  aux  environs,  le  Concile  déclara  aux  députez  de  Bo- 
hême par  l'organe  de  Polemar^  qu'on  enverroit  encore  dès  dépu- 
tez à  Prague  pour  tâcher  d'achever  l'union.  On  renvoya  donc  les 
mêmes  députez  pour  faire  un  dernier  effort  fur  l'efprit  des  Bo- 
hémiens. Ces  députez  ,  après  avoir  expofé  l'intention  du  Concile 
fur  trois  des  articles  Bohêmierisv  Faifoient  efpérer  que  le  Concile 
trouveroit  quelque  voye  pour  fatisfaire  les  Bohémiens  fur  le  prin- 
cipal article  3  qui étoit  celui  de  la  Communion  fous  les  deux  ef- 

(  1)  C'cfl  l'article  de  h  Communion  fous  les  deux  cfptSccs ,  qui  eft  mis  ici  le  premier  quoi- 
qu'il foit  fouvent  mis  le  donner. 


4ï6         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

r43  3-  p^ces-  ï-Donc,  fur  l'article  delà  punition  des  péchez  mortels, 
de  principalement  des  publics  3  le  Concile  étoit  bien  d'avis ,  qu'on 
les  punit  autant  que  cela  fe  pouvoit  raifonnablement  félon  la  Loi  de 
Dieu  &  les  réglemens  des  Sts.  Pères  >  mais  il  ne  vouloit  pas  que  des 
particuliers  s'ingéraffent  à  les  punir  de  leur  propre  autorité ,  &  fans 
l'aveu  de  ceux  qui  en  ont  le  droit.  -2.  Sur  l'article  de  la  libre  prédica- 
tion de  la  parole  de  Dieu  ,  l'intention  du  Concile  étoit ,  quelle  fut 
prêche e  librement  3  mais  non  indifféremment  par  tous  ,  &  que  les  pré- 
dicateurs fer  oient  approuvez^  envoyez^  par  les  fupèrieurs  qui  aur  oient 
le  droit  d'adreffer  cette  miÇion ,  &  tout  cela  fauf  l'autorité  du  Pape , 
qui  félon  l'inflitution  des faints  Pères ,  doit  avoir  la  fuprème  jurifduiion 
dans  toutes  les  affaires.  3.  Sur  l'article  du  domaine  féculier  fur  les 
biens  de  l'Eglife  que  les  Huffites  prétendoient  refufer  au  clergé  , 
le  Concile  s'exprimoit  ainfi  :  Que  les  eccléfiaftiques  doivent  adminif 
trer  fidèlement  &  félon  l'inflitution  des  faints  Pères ,  les  biens  d' Eglife 
dont  ils  font  établis  adminifîrateurs ,  &  qu'ils  ne  peuvent  être  ufurpez^ 
par  d'autre  s  fans  facrilege.  Il  reftoit  encore  l'article  de  la  Commu- 
nion fous  les  deux  efpéces,  fur  lequel  les  députez  du  Concile  ne 
s'étoient  pas  expliquez.  Mais  les  Bohémiens  refuferent  de  s'ou- 
vrir fur  les  trois  autres,  jufqu'à  ce  que  celui-là  fût  réglé.  Voici 
donc  quelle  fut  la  déclaration  des  députez'  du  Concile  :  Que  la 
coutume  de  communier  le  peuple  fous  la  feule  efpéce  du  pain  avoit  été 
raifonnablement  introduite  par  l'Eglife  &par  les  faints  Pères  ,  pour 
éviter  le  danger  de  l' erreur  &  de  l'irrévérence ,  &  que  par  ces  raifons 
ferfonne  ne  pouvoit  changer  cette  coutume  3  fans  l'autorité  de  l'Eglife. 
Mais  que  comme  l' Eglife  portée  a  cela  par  des  motifs  raifonnables  ,  a, 
le  pouvoir  de  permettre  au  peuple  la  communion  fous  les  deux  efpéces , 
on  pourroit  accorder  cette  permiffîon  aux  Bohèyniens  pour  un  temps  par 
autorité  de  l' 'Eglife ,  pourvu  qu'ils  s'y  réuni ffent ,  que  dans  tous  les  au- 
(a)Oi'f/;.  très  articles  de  la  foi  &  des  cérémonies  ils  fe  conformaffent  à  l'Eglife 
Guif  Ver  rv  un^vcrfe^e  i  &  4M  Ie*  prêtres  euffentfoin  de  ne  la  donner  qu'à  des  gens 
fconc.  Lahh  en  âge  de  diferetion ,  &  de  les  avertir  3  avant  que  de  la  leur  donner  y 
Tom.  xii.  qu'il  faut  croire  fermement  que  la  chair  de  J.  C.  n'eft  pas  feulement  fous 
fèr.  ubifupr"  ^>efpece  du  pain  ,  &  que f on  fing  neft  pas  feulement  fous  l'efpece  du 
p.  i5.  vin ,  mais  quilefl  tout  entier  fous  l'une  &  fous  l'autre  efpece  (a). 

explications  XVI.  Il  fennbloit  que  par  làle. Concile  accordât  à  peu  près  aux 
du  Concile  défenfeurs  des  quatre  articles  taùcice  qu'ils  demandoient.  Ce- 
pricsBohc-  pendant,  fi  Ton  fait  attention  aux  limitations  &  aux  reftri&ions 
paiens.  dLl  Concile,  on  trouvera  que  les  Bohémiens  étoient  encore  aflez 
joignez  de  leur  compte.  G'eft  ce  qu'il  eft  bon  de  faire  voir ,  pour 

mettre 


ET  DU  CONCILE  DE  B  ASLE.Ziv.  XVII.  417 
mettre  leiedeuB  aufaic  de  ces  difcufîions.  Sur  l'article  de  la  puni-     l,,  , 
tion  des  péchez ,  le  Concile  avoit  retranché  ces  paroles  ,  par  ceux 
qui  y  ont  intérêt 'fpereos  quorum  intereft)  Savoir  adjugé  au/Âr, 
ou  à  lajurifdidion  eccléfiaftique ,  la  punition  des  prêtres  crimi- 
nels 3  au  lieu  que  les  Bohémiens  prétendoient  que  ce  droit  appar- 
tenoit  aufîi  aux  Seigneurs  féculiers  3  &:  même  à  des  particuliers  par 
inspiration  divine  ,  comme  quelques  uns  de  leurs  députez  le  fou- 
tinrent  en  plein  Concile  _,  félon  le  témoignage  de  Polemar(a).  A    (a)0î'f*; 
l'égard  de  la  libre  prédication  de  la  parole  de  Dieu  ,  cet  article  Z**' 
êtoit  limité  par  la  condition  de  l'autorité  épifcopale  de  papale  3  ce 
qui  n'étoit  pas  du  fyflême  Bohémien.  Le  troifiéme  article  qui 
mettoit  au  rang  des  facriléges ,  la  poiïeflion  des  biens  d'Eglife  par 
d'autres  que  par  leurs  adminiflrateurs ,  c'eft  à-dire ,  par  des  Ecclé- 
fîaftiques  j  étoit  fujet  à  de  grands  inconvéniens ,  parce  que  cette 
claufe  mettoit  en  droit  de  redemander  les  biens  eccléfiaftiques  qui 
avoient  été  enlevez  pendant  ces  troubles,  ce  qui  pouvoit  donner 
lieu  à  des  nouvelles  guerres  inteflines.  Quant  à  la  permifïïon  de 
communier  le  peuple  fous  les  deux  efpéces ,  elle  avoit  auffi  des  ref- 
tridions  qui  pouvoient  inquiéter  les  Bohémiens.  Déjà  c'étoit  une 
grâce  qu'ils  ne  tenoient  que  delà  miféricorde  du  Concile,  6c  non 
un  droit.  D'ailleurs  ce  mot ,  pour  un  temps ,  ou  en  attendant ,  ( in- 
terea)  leur  devoit  paroître  fort fufped  fur  toutà  l'égard  d'un  point 
qu'ils  regardoient  comme  le  boulevart  de  leur  Religion  3  parce 
que  par  là  le  Concile  fe  réfervoit  le  droit  de  leur  ôter  ce  privilège 
toutes  les  fois  qu'il  plairoit  à  l'Eglife  Romaine  ou  au  Pape.  Enfin 
la  déclaration  que  devoit  faire  le  prêtre  à  chaque  communiant, 
que  J.  C.  eft  tout  entier  fous  chaque  efpéce  ,  établilloit  indirecte- 
ment laTranfubltantiation^que  laplûpartd'entr'euxnecroyoienc 
^zs.vEneas  Sylvius  a  fort  bien  jugé  de  cette  déclaration  duConcile. 
Cette  formule  du  Concile,  dit-il,  efl  courte  5  mais  il  y  autant  de  fentences 
que  de  mots.  Par  là  font  bannis  tous  les  fentimens,  &  toutes  les  cérémo- 
nies étrangères  à  la  foi  3  parla,  il  efl  ordonné  aux  Bohémiens  de  croire  & 
de  q-arder  tout  ce  que  l' Evlife  univerfelle  croit  &  zarde  (b).  Cependant   (h)  /fnras 
ioit  ennui  de  la  guerre,  loitmeiintelligence  entre  eux  ,loit  corn-   '  Cap.  jz. 
plaifance  de  l'ambitieux  Ro  ckizan  e,  que  les  députez  du  Concile 
rlattoient  de  l'efpérance  de  l'Archevêché  de  Prague,  ces  condi- 
tions furent  acceptées  par  les  défenfeurs  des  4.  Art.  Ils  envoyèrent 
à  Ba fie  trois  députez  pour  en  notifier  l'acceptation.  Le  Concile 
ravide  joyedrefTa  ce  fameux  traité  de  Paix  connu  dans  l'hiftoire 
fous  le  nom  de  Compaclata.  Mais  comme  ces  ades  de  pacifîca- 

Tom.  I.  «  G  g  g 


4i  S       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

j,,,     tion  ne  furent  exécutez  que  quelques  années  après 3  à  caufe  de 
l'oppofition  des  Taborites,  il  faut  remettre  à  ce  temps-là  d'en 
parler  plus  amplement ,  pour  retourner  à  la  guerre. 
Courfesdcs      XVII.  Procope  le  grand,  avant  fon  départ  pour  Bafle  ,  avoic 
Tiboritcsen  donné  le  commandement  de  l'armée  des  Taborites  à  un  nommé 
•n  Hongrie.  Par  du  s  de  Horka.  Ce  Général ,  pour  les  tenir  à  l'erte  en  atten- 
dant une  paix  dont  les  Taborites  n'avoient  pas  bonne  opinion ,  les 
mena  en  Moravie ,  &  de  là  en  Hongrie  au  nombre  de  huit  mille 
hommes  de  pied,  ôc  de  700.  cavaliers  avec  3  00.  chariots.  Us  y 
firent  leur  métier  ordinaire  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'ils  y  mirent  tout  à 
feu  &  a  fang.  Ayant  paiîé  le  Va% ,  ils  formèrent  le  fiége  de  Krem- 
nic^  &  prirent  cette  ville  après  trois  jours  d'attaque.  Irritez  de 
ja  vigoureufe  defenfe  des  citoyens  _,  ils  n'épargnèrent  ni  fexe  ni 
âge,  &  mirent  la  ville  en  cendres.  Les  villes  voifines  allarmées 
par  ce:  exemple  de  fureur  fe  rachetèrent  à  prix  d'argent.  Les  gens 
de  la  campagne  fe  fauverent  comme  ils  purent  dans  les  montagnes 
&:  dans  les  bois.  Ils  parcoururent  ainfi  fans  nulle  réfiftance  tout  le 
pais  qai  eft  entre  Gran  àclpola.  De  là  ils  tournèrent  du  côté  de 
fa)  Dhtt.    ^cePu/'  au  nord  de  ^a  haute  Hongrie ,  fur  les  frontières  de  la  Po- 
Hat.  Poion.  logne ,  &  ils  prirent  quantité  de  petites  villes  &  de  forts ,  tant  par 

Ltb.xLp.     compofltion  que  de  vive  force.  Tout  cela  fe  fit  avec  tant  de  cé- 

616.  eu-     .  ,  .  r  1  .  ,  r 

tbor.  Mars     lente .  que  les  Hongrois  n  eurent  pas  le  temps  de  le  mettre  en 

Morav.  Lib.  dèfenle.  Ainfi  les  Taborites  emmenèrent  leur  butin  en  toute  fû- 
P.  $7/580!  reté.  Ceci  fe  pafla  au  commencement  du  mois  de  Juin  (a). 
Les  Orphe-  XVIII.  A  peu  près  dansle  même  temps ,  le  chef  des  Orphelins 
lins  avec  les  nommé  Jean  £%gfko\  alla  offrir  du  fecours  au  Pvoi  de  Pologne  en 
chaffenTles  guerre  avec  les  Chevaliers  Prufliens.  Il  s'y  joignit  quelques  trou- 
chevaiiers  de  pes  Taborites  ,  de  forte  que  ce  fecours  étoit  d'environ  8000.  fan- 
nouvelle  h  tau^ns  •>  %00'  chevaux  3  &  350.  chariots.  L'offre  fut  acceptée 
Marche  de  avec  plaifir  malgré  les  oppofitions  de  quelques  Eccléfiafhques. 
Ces  troupes  auxiliaires  jointes  à  celles  de  la  Grande  Pologne  eu- 
rent ordre  de  palier  dans  la  Nouvelle  Marche  de  Brandebourg  > 
alors  occupée  en  partie  par  les  Chevaliers  de  Prufle.  Elles  y  rirent 
des  ravages  épouventables ,  &  y  prirent  douze  villes  bien  forti- 
fiées. On  mit  le  feu  par  tout,à  la  réferve  de  la  forterefïe  de  chofezr 
no ,  autrement  Arusbar^ ,  où  les  vainqueurs  mirent  garnifon  pour 
tenir  en  bride  les  Chevaliers ,  &  pour  conferver  la  Nouvelle  Mar- 
che à  la  Pologne  en  attendant  la  paix.  Après  cette  conquête  les 
armées  vi&orieufes  paflérent  en  Pomêrelle.  Elles  y  furent  jointes 
par  l'autre  partie  de  l'armée  de  Pologne,  qui  avoit  pour  général 


ourg. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv,  XVII.  41?    I4}3 
le  Caftellan  de  Cracovie  (a).  Le  flége  d'une  ville  forte  (b)  de  cetre  (aj  J^mfm  de 
Province  les  occupa  long-temps  inutilement.  Les  Polonoisaban-  ¥lcbJ!f0V*' 

1  j       r»    Lis'-  ?  il-  111  Çb)  Cbiiwcx.* 

donnez  des  Bohémiens  turent  obligez  de  le  lever  avec  une  perte 
très-confidérable.  Us  furent  plus  heureux  à  la  conquête  d'une  au- 
tre ville  (c),  quoique  beaucoup  plus  forte  que  la  précédente,  &  (c)T*/*it«w. 
qui  appartenoitaufîî  aux  Chevaliers  dePruffe  $  parce  qu'une  tem- 
pête furvenuë  ayant  embrafé  la  ville ,  leur  épargna  prefque  la 
peine  de  l'affiéger.  Le  Grand  Maître  de  l'Ordre  ,  Paulde  Rux^ 
dorf,  fut  fort  affligé  de  cette  perte.  1 1  étoit  au  voifinage  à  la  chafle 
du  faucon  ;  mais  ayant  vu  la  ville  tout  en  feu  ,  il  s'en  retourna  pré- 
cipitamment à  Mariemberg  qui  étoit  fa  réfidence  ,  &  fit  de  grands 
reproches  aux  Commandeurs  &  aux  Confeillers,  qui  l'avoienc 
engagé  à  rompre  avec  la  Pologne.  Les  Chevaliers  avoient  à  leur 
folde  des  troupes  de  plufieurs  nations,  comme  d'Allemans,  de 
Prulliens  &c  de  Bohémiens.  Il  en  fut  pris  plus  de  dix  mille.  Le 
chef  des  Orphelins ,  à  la  réquifition  de  fon  armée,  commit  une 
grande  inhumanité  envers  ce  qui  fe  trouva  de  Bohémiens.  Les 
ayant  demandez  aux  Polonois  entre  les  mains  de  qui  ils  étoient 
tombez,  il  les  fît  tous  jetter  dans  le  feu,  comme  des  traîtres,  qui 
avoient  fervi  des  Allemans  contre  la  Pologne  leur  alliée. 

XIX.  De  là  les  vainqueurs  allèrent  à  Dantzjg,  brûlant  tout  fur     H«  ™*m 
leur  partage ,  &  entr'autres  le  fameux  monaftére  d'Oliva.  Arrivez  DanUlS* 

à  Dantzig,  ils  en  détruisirent  le  port,  &  battirent  la  ville  pen- 
dant plufieurs  jours.  Ils  fe  retirèrent  pourtant  fans  la  prendre.  On 
dit  que  les  Bohémiens  remplirent  des  flacons  d'eau  de  la  mer , 
pour  porter  dans  leur  pais  en  figne  de  leur  vi&oire.  Des  conquê- 
tes fi  rapides  obligèrent  enfin  les  Chevaliers  à  parler  de  paix.  Pen- 
dant qu'on  entraitoit,  les  Bohémiens  fe  retirèrent  chez  eux  par 
Siradic  en  Pologne,  où  le  Roi  les  ateendoit  pourles  récompenfer 
de  leurs  bons  fervices.  Il  ieur  fit  un  accueil  très  -  favorable ,  ôc 
combla  de  préfens  les  principaux  Officiers.  Comme  l'armée  Po- 
lonoife  avoir  brûlé  plufieurs  églifes  dans  les  Marches,  dans  la 
Poméranie  &  en  Prufle,  on  aceufa  les  Polonois  d'avoir  pris  les 
mœurs  des  Bohémiens  ôcimité  leur  fureur  facrilége.  Mais  les  hif- 
toriens  Polonois  n'ont  pas  manqué  de  faire  leur  apologie  à  cet 
égard ,  en  difant  que  c'étoit  par  repréfailles  contre  les  Chevaliers 
qui  avoient  brûlé  l'églife  de  Wladiflau ,  &  plufieurs  autres  ^  ôc  cap.  LiV 
que  bien  loin  de  s'êcre  laides  corrompre  par  les  Bohémiens,  leur  mH- ubi  fu* 
commerce  n'avoit  fait  que  leur  en  donner  plus  d'horreur  (d).  p  * 

XX.  Procope  le  Grand,  irrité  du  traité  de  Bafle  qu'il  trouvoit  Tr,cope*&é- 


4*o       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

J43  3-  dèfavantageuxàla  Bohême,  &  incompatible  avec  les  fentimens 
defesTaborites,  entreprit  le  fiége  de  Pilfenla  plus  conflderable 
ville  de  la  Bohême  après  Prague  ,  qui  avoir  toujours  été  catholi- 
que, &  fidèle  à  l'Empereur  depuis  l'invafïon  de  Ziska.  On  l'a  vu 
faire  de  grands  progrès  dans  le  diffcrid  de  ce  nom ,  mais  fans  pou- 
voir venir  à  bout  de  la  ville  même.  Procope  lui-même  l'avoit  inu- 
tilement afîiégée  avec  fes  troupes  &  celles  de  Prague ,  de  forte  que 
c'étoit  le  troisième  fiége  que  cette  ville  avoic  foûtenu.  Ce  Géné- 
ral envoya  d'abord  iept  mille  hommes  de  pied  avec  600.  che- 
vaux pour  battre  la  campagne  aux  environs,  &  intimider  les  ha- 
bitansde  Pilfen.  Il  les  fuivit  bientôt  lui-même  avec  un  corps  de 
fantaffins ,  &  700.  chevaux.  A  cette  armée  fe  joignirent  les  trou- 
pes des  Orphelins  que  commandoit  Procope  le  petit,  &  celles  de 
quelques  villes  ôc  diftricls  de  Bohême,  &  même  de  la  nouvelle 
ville  de  Prague.  Toutes  ces difpofitions  fe  rirent  depuis  kle  15.  de 
Juillet  jufqu'au  23.  d'Octobre  que  cette  armée  fut  jointe  par  les 
Bohémiens  de  retour  de  Pologne.  Ce  fut  alors  que  le  fiége  fe  fît 
dans  toutes  les  formes  avec  réfolution  de  ne  point  l'abandonner 
que  la, ville  ne  fût  prife.  La  ville  n'étoitpas  moins  réfoluëdefe 
défendre  jufqu'à  la  dernière  extrémité.  Les  habitans  s'afTemblé- 
rent  dans  Péglife  des  Dominicains ,  où  fe  traitoient  les  affaires 
publiques }  &là  ils  jurèrent  unanimement ,  la  main  levée  vers  le 
ciel ,  de  mourir  glorieufement  pour  la  foi  catholique  ,  &pour  la 
patrie,  plutôt  que  de  fe  rendre  à  quelque  prix  que  ce  fut.  Cepen- 
dant la  ville  n'étoitgueres  en  état  de  foûtenir  cette  réfolution.  Il 
n'y  avoit  point  de  troupes  réglées  en  garniion  j  &c  elle  n'étoit  dé- 
fendue que  par  les  citoyens  &  la  populace  ,  à  la  réferve  de  quelque 
peu  de  gentilshommes  qui  s'y  étoient  réfugiez  duvoifînage,  en 
forte  qu'il  n'y  avoit  guéres  plus  de  600.  hommes  en  état  de  faire 
réflftance.  Il  n'y  avoit  non  plus  nulle  efpérance  de  recevoir  du  fe- 
cours,  la  ville  étant  afîiégée  de  toutes  parts.  D'ailleurs  les  vivres 
y  manquoient.  Ils  n'avoient  pour  toute  provifîon  que  quelque  peu 
de  grains  prefqu'encore  tout  verds,  qu'ils  avoient  arrachez  fort  à 
la  hâte  avant  le  fiége.  Malgré  tout  cela  Procope  éprouva  bien  qu'il 
n'avoir  pas  affaire  avec  des  gens  foibles  &  timides.  Il  fut  11  fou- 
vent  repoufîé avec  perte,  que  defefpérantde  la  conquête  par  la 
force,  il  prit  le  parti  de  l'attendre  de  la  faim,  &  fit  aller  le  fiégs 
lentement  dans  le  deffcin  d'affamer  la  place. 
LesTaKr'-      XXII.  Pendant  ce  temps-là  quelques-uns  des  chefs  desTabo- 

tes  dcfaits  en      •  r  i      i     '  r  1  1  •  r  >  ■       • 

lavierc.       rltes  >  Pour  profiter  du  loifir  que  leur  donnoit  un  fîege  qui  uroit 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  xril.  411 

en  longueur ,  allèrent  faire  des  courfes  en  Bavière  avec  la  permif-  fAtt 
fion  du  général  Procope  ,  qui  auroit  bien  voulu  recouvrer  la  forte- 
refîe  de  Herfiein  dans  la  Forêc  noire ,  qui  lui  avoir  été  enlevée  par 
Cbriftophle  comte  Palatin.  Ils  partirent  donc  avec  1400.  hommes 
de  pied  ,  6c  5  00.  chevaux  ,  &  ravagèrent  tout  le  voifinage  du  cô- 
té de  la  Bavière.  Mais  en  s'en  retournant  avec  leur  butin  ils  furent 
rencontrez  par  une  embufeade  de  Bavarois  qui  les  attendoient  au 
partage.  Ils  fe  défendirent  vaillamment  allez  long-temps  ,  mais 
enfin  il  fallut  céder  au  nombre  qu'ils  voyoient  multiplier  à  tout 
moment.  A  peine  échappa- t-il  30.  cavaliers  ,  6c  100.  fantaflîns. 
On  s'en  prit  aux  chefs  qui  s'étoient  trop  hâtez  de  fe  mettre  en  lieu 
de  fureté.  Quand  on  eut  appris  au  camp  la  nouvelle  de  cette  dé- 
faite ,  il  s'éleva  un  grand  murmure  entre  les  principaux  officiers 
de  l'armée  contre  Procope ,  parce  qu'ils  prétendoient  qu'il  avoic 
iacrifié  leur  monde  à  fon  reiîentiment.  La  querelle  alla  II  loin  qu'é- 
tant à  table  enfemble  ils  fejettoient  leurs  pots  &  leurs  vafes  à  la 
tête  les  uns  des  autres.  Depuis  ce  temps-là,  Procope  commençoit 
à  fe  dégoûter  des  Taborites.  Iifejoignit  même  pendant  quelque 
temps  à  l'autre  parti  qui  avoit  ligne  le  traité.  Mais  enfin  vaincu 
par  les  prières  des  Taborites  ,  même  des  Praguois ,  il  retourna  au 
camp. 

XXIII.  En  ce  même  temps  arriva  de  Pologne  le  général  Cxg-  Contïnua- 
peck  tout  triomphant  de  (es  heureux  fuccès.  Il  fe  joignit ,  comme  de  PUfcn/^ 
on  l'a  déjà  dit,  à  l'armée  des  afhégeants ,  qui  fe  trouvoit  par  là 
compofée  d'environ  36000.  combattants ,  fans  compter  les  valets 
&  ks  goujats.  Le  fjcge  devint  alors  plus  opiniâtre  que  jamais ,  & 
la  défenfe  ne  cédoit  point  à  l'attaque.  Quoique  la  ville  fût  ferrée 
de  fort  près  de  tous  cotez  ,  les  afliégez  ne  laifïoient  pas  de  faire 
des  forties  qui  déconcertoient  extrêmement  les  aflîégeants.  Dans 
une  de  ces  forties  ils  enlevèrent  à  C^apeck  fon  chameau  qu'il  avoit 
pris  fur  les  Chevaliers  Teutoniques ,  &  l'emmenèrent  en  triom- 
phe dans  la  ville.  Cet  affront  irrita  tellement  les  affiégeans,  qu'ils 
réfolurent  de  ne  point  quitter  le  fiége  qu'ils  n'eufîent  recouvré  le 
chameau.  Il  demeura  pourtant  à  la  ville  de  Pilfen ,  &  même  de- 
puis ce  temps-là  Sigifmond  lui  donna  le  chameau  pour  armes,  au 
lieu  du  limaçon  (1)  qu'elle  portoit  auparavant,  Cependant  les  af- 
fiégez  réduits  aux  abois  par  la  famine  auroient  infailliblement 

(1)  Pilfen,  fign'fie  en  Bohémien  ,  limaçon.  Ce  nom  fut  donné  à  cette  Ville  à  caufe  de  h 
grar.de  quantité  de  limaçonsqul  s'y  trouva  lors  de  fa  fondation  en  yj$.  Strank-  Refp.  Bohein. 
cap.  II.  §.  XI. 


42i        HIST.  DE  LA  GUEURE  DES  HUSSITES 
1 43  3  •    péri  de  mifére  fans  un  fecours  de  8  ooo.  ducats  d'or  qu'ils  reçurent 
du  Concile  de  Bafle.  Cet  argent  fut  envoyé  au  Seigneur  de  Mai- 
fon-Neuve  pour  acheter  des  vivres,  6c  autres  chofes  néceflaires 
pourfoutenirun  fiége.  D'autres  Seigneurs  tant  Calixtins  que  Ca- 
tholiques trouvèrent  auflî  moyen  d'y  faire  pafîer  a  deux  fois 
i4oo.muids  de  farine,  de  forte  que  la  ville  fe  trouva  en  état  de 
1434.    lafïer  les  affiégeans. 

Défaite  des      XXIII.  Dans  ces  entrefaites  arrivèrent  les  députez  de  Bohême, 
PrSueî"" U   &  ceux  °^u  Concile ,  avec  la  confirmation  des  concordats.  Peu  de 
temps  après  on  afifembla  les  Etats  de  Bohême,  où  ces  concordats 
furent  fignez  par  les  Calixtins  Scies  Catholiques.  Mais  les  Tabo- 
rites &  les  Orphelins  avec  les  Orébites  s'y  oppoférent  ouverte- 
ment, 6c  firent  de  grandes  plaintes  du  Concile  qui  les  vouloir  du- 
per par  des  offres  artificieufes ,  6c  delafaufîe  politique  de  ceux 
d'entre  les  Bohémiens  qui  avoient  donné  dans  ce  piège.  Us  firent 
entre  autres  de  grands  reproches  à  Rockiz^ne ,  qui,  pour  parve- 
nir à  [es  vues  ambitieuies  3  avoit  été  le  plus  ardent  folliciteur  d'un 
traité  qu'ils  trouvoient  frauduleux.  Les  députez  du  Concile  pro- 
fitant de  cette  défunion  animèrent  la  nobleile  Bohémienne  contre 
lesTaborites.  Auffi-tôt  les  Seigneurs  de  Bohême ,  voyant  la  ruine 
de  la  patrie  inévitable  par  l'oppofition  des  Taborites ,  fe  liguèrent 
contre  eux  ,  6c  convinrent  de  fe  choifir  un  chef.  Ils  jettérenc 
les  yeux  fur  Alexiusde  Riz^mberg,  autrement  Wrxgftow ,  qui  fe 
joignit  avec  Maifon-  Neuve ,  6c  quelques  autres  Seigneurs.  La 
première  entreprise  fut  de  fe  rendre  maîtres  de  Prague ,  ou  d'en- 
gager cette  capitale  à  s'unir  avec  eux  pour  la  défenfe  commune  de 
la  patrie.  Ils  ne  trouvèrent  point  de  difficulté  dans  la  vieille  ville 
à  qui  les  Taborites  étoient  à  charge.  Il  n'en  fut  pas  de  même  de  la 
nouvelle  ville  commandée  par  Procope  le  petit  3  chef  des  Orphe- 
lins, QCçzxAnârè  Kerski  Taborite,  appelle  capitaine  de  Tabor. 
Ces  chefs  déclarèrent  qu'ils  ne  vouloient  point  fe  féparer  de  leurs 
conféderez  >  6c  qu'ils  étoienc  bien  réfolus  de  fe  défendre.  Cepen- 
dant les  Grands  de  Bohême  à  la  tête  des  troupes  de  la  vieille  ville 
firent  irruption  dans  la  nouvelle  ville  avec  tant  de  fuccès ,  qu'ils  en 
chafïérent  les  Taborites  6c  les  Orphelins,  &  les  ayant  pourfuivis 
les  taillèrent  en  pièces.  L'hiftoire  dit  qu'il  demeura  quinze  à  vingt 
mille  hommes  fur  la  place  dans  cette  occafïon,  qui  entraîna  la 
ruine  de  tout  le  parti. 
Trtcoptlérc      XXIV.  Cette  défaite  arriva  le  6.  de  Mai.  On  peut  juger  delà 
Piffcn!dC     j°*e  4ue  cau^a  cecce  nouvelle  dans  la  ville  affiegée.  Les  habitans  de 


ET  DU  CONCILE  DE  BASL.E.  Liv.  XVII.  423 

defliis  leurs  murailles  infulcoient  Procope  ^  lui  difant  qu'il  allât  au     1434,. 
fecours  de  Tes  gens ,  au  lieu  d'attaquer  les  autres.  On  dit  que  par 
le  confeil  d'une  vieille  femme  ils  jetterent  dans  le  camp  le  feul  porc 
qui  leur  reftoit,qu'ils  avoient  rempli  de  bled,de  froment  &de  pois, 
pour  faire  croire  qu'ils  ne  manquoient pas  démunirions. Cepen- 
dant Procope  ayant  appris  la  défaite  de  [es  gens ,  leva  le  fiége  le  8 . 
de  Mai  fête  de  St.  Staniflas.  On  célèbre  encore  cette  fête  pen- 
dant 6.  jours  à  Pilfen  en  mémoire  de  cette  délivrance.  L'Auteur 
dont  je  tire  ceci  dit  y  avoir  affilié  (a).  On  trouve  cette  infcription    (aj  cuchor. 
dans  l'Egliie  Cathédrale  de  Pilfen.  ïan  1433.  le  15.  de  Juillet  ub^pr-p- 
cette  ville  fut  affieqee  par  les  Wulefites ,  les  MuJJites  &  les  Taborites. 
Ce  fit 'ze  dura  dix  mois,  au  bout  de  [quels  le  Dieu  tout-puiffant  mit  en 
fuite  les  impies,  llsfe  retirèrent  honteufcment  le  8.  de  Mai  de  1434. 
le  lendemain  de  la  St.  Stanifiàs^qui  pour  lors  ètoit  le  Dimanche  d'après 
ïoclave  de  ï  Afcenfion  (b).  j^xcf 

XXV.  Procope  en  fureur  de  la  défaite  de  fes  Taborites,  &  d'à-   Entière  de- 
voir été  contraint  de  lever  honteufement  le  liège  de  Pilfen  .  neref-  [;litedei  Ta" 

*-*  bontés- 

piroit  que  la  vengeance.  Il  jura  qu'il  perdroit  plutôt  la  vie ,  que  de  Mortde* 
ne  pas  reprendre  la  nouvelle  ville,  ôcen  challer  les  Seigneurs  de  deuxPrw*- 
Bohême.  Dans  cette  vue ,  après  avoir  mis  tout  à  feu  &  à  fang  aux  *es 
environs  de  Prague ,  il  alla  à  Cuttemberg ,  d'où  il  écrivit  à  fes  con- 
fédérée pour  avoir  du  fecours.  Il  y  avoir  encore  pluiîeurs  villes 
dans  fon  parti,  qui  jointes  avec  les  Orphelins  &  le  refle  des  Tabo- 
rites, pouvoient  former  une  armée  confiderable.  Les  Seigneurs 
de  leur  côté  écrivirent  aux  villes  de  leur  parti ,  de  ralTembler  tou- 
tes leurs  forces  pour  venir  à  leur  fecours  contre  un  ennemi  defefpe- 
ré.Les  deux  armées  ennemies  fe  trouvèrent  donc  en  prefence  à  en- 
viron quatre  milles  de  Prague,  entre  Broda  la  Bohémienne  ,  & 
Kurfim.  Le  deflein  de  Procope  n'étoit  pas  d'abord  de  livrer  batail- 
le, à  moins  que  l'occafion  ne  s'en  prefentât  fort  favorablement 
Il  auroit  mieux  aimé  aller  droit  à  Prague,  où  il  ne  doutoit  pas 
qu'on  ne  lui  ouvrît  les  portes  de  la  nouvelle  ville ,  parce  que  les  Sei- 
gneurs l'avoient  abandonnée  pour  chercher  l'ennemi  5  mais  la 
cavalerie  des  Seigneurs  ayant  enfoncé  brufquement  [es  retranche- 
mens^il  fallut  en  venir  aux  mains  LesTaborites  qui  n'avoientpoinc 
encore  vu  la  cavalerie  fe  faire  paflàge  au  travers  des  chariots ,  con- 
firmez de  cette  attaque  imprévuë,prirent  d'abord  la  fuite  de  l'au- 
tre côté  du  retranchement.  Procope  cependant  à  la  tête  d'un  corps 
de  troupes  aguerries ,  fe  jetta  au  milieu  des  ennemis ,  &  leur  difpu- 
ta  quelque  tems  la  victoire ,  moins  vaincu  que  las  de  vaincre ,  die 


4i4      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1 4 1  ±.  Sylvlus.  Mais  enveloppe  par  un  gros  de  cavalerie ,  il  fut  bleflé  à 
mort, fans  qu'on  aie  fçu  d'où  partoic  le  coup.  L'autre Procope^u'on 
anpeWoit  le  petit ,  fut  aufli  tué  dans  cette  occafion  ,  en  fe  défen- 
dant vaillamment.  Telle  fut  la  fin  de  ces  redoutables  chefs ,  6c  des 
Taborkes  jufcju'alors  invincibles.  On  n'a  point fçu  qui  fut  le  meur- 
trier de  Procopc  le  Grand.  Le  général  Kotska  qui  depuis  peu  s'é- 
toit  rangé  du  parti  desNobles/e  vanta  néanmoins  de  cette  prouef- 
fe.  A  l'égard  de  Cxapeck  qui  commandoit  ia  cavalerie  Taborite, 
èc  qui  s'étoit  fignalé  en  Prude,  il  trouva  moyen  d'échapper  du 
combat ,  &:  fe  recira  à  Colin ,  ville  forte  à  fîx  lieues  de  Prague ,  a- 
vec  une  bonne  partie  de  fa  cavalerie.  Quelques  manuferits  portent 
que  Maifonneuve  avoir  corrompu  ce  Général  par  argent.  Au  moins 
eft- il  certain  que  depuis  il  fut  fort  honoré  parmi  les  Catholiques 
qui  l'employèrent  à  des  affaires  importantes ,  &  qu'il  finit  Ces  jours 
avec  gloire.  Ce  qui  contribua  le  plus  à  le  rendre  fufpeâ;  aux  Tabo- 
rires,c'ell:  que  trois  jours  après  fon  é  vallon  il  remit  la  place  auGou- 
,.  c  ,,  , .  verneur  de  Bohême  (a).  Cette  victoire  fut  remportée  le  20  de 
ibpr.p.45<r.  Mai.  Ainfl  arriva  ce  que  Sigifmond  difoit  Couvent,  que  les  Bohémiens 

ne  pouv  oient  être  vaincus  que  parles  Bohémiens. 
M*ifon-Neu-  XXVII.  Après  le  combat,  les  vainqueurs  tinrent  confeil  fur 
wfeit  brûler  ce  qu'on  feroic  des  prifonniers ,  parce  qu'il  n'y  avoit  point  à  efpe- 
prifonniers!3  rer  °^e  tranquillité  dans  le  Royaume ,  fi  on  leur  donnoit  la  liberté. 
L'avis  le  plus  général  étoit  de  les  faire  mourir  tous.  Mais  Maifon 
Neuve  s'y  oppofa ,  craignant  de  faire  mourir  des  innocens  que 
Procopc  auroit  forcés  à  le  fuivre.  Il  s'avifa  donc  de  ce  ftratagême 
aufli  cruel  que  perfide.  Il  fit  venir  devant  lui  tous  ces  malheureux 
captifs,  qui  étoient  par  milliers,  &  leur  dit  d'un  ton  fort  amiable, 
que  les  Procopes  avoient  porté  la  jufte  peine  de  leur  rébellion,  mais 
que  la  guerre  n'étoit  pas  finie  pour  cela  $  qu'il  falloit  aller  aflïéger 
C^apeck  dans  Colin,  &  achever  de  dompter  les  brigands  &les  in- 
cendiaires qui  ravageoient  la  Bohême  j  que  pour  cette  exécution 
on  avoit  befoin  de  gens  aguerris  comme  eux  ,  quefi  donc  ils  vou- 
loient  lui  être  aufïï  fidèles  qu'ils  l'avoient  été  à  Ziska  ôciProcope, 
ils  n'avoient  qu'à  entrer  dans  une  grange  qu'il  leur  montroit  j  que 
là  on  prendroit  leurs  noms,&  on  leur  affigneroit  une  paye.  Les  Ta- 
borites  ravis  de  cette  propofition,  entrèrent  dans  la  grange  ,  où, 
félon  l'ordre  qu'ils  en  avoient ,  ils  n'admirent  que  les  plus  propres 
au  combat.  Dès  qu'ils  furent  entrez  ,011  ferma  la  grange,  on  y  mie 
le  feu,&  ils  furent  tous  confumez.  Cette  exécution  fait  encore  plus 
d'horreur ,  que  la  defeription  que  fait  jEneas  Sylvius  de  ces  mife- 

rablcs 


ET  DU  CONCI  LE  DE  BASLE.  Ztv.  JTVII.  4.15 

râbles  victimes.  Cet  oient,,  dit- il,  des  hommes  noirs, endurcis  auvent  &   \a\a 
au  foie  il,  &  nourris  à  la  fumée  d'un  camp.  Ils  av  oient  l'afpecl  terrible  & 
affreux  Jes  yeux  d'aigle  s, le  §  cheveux  heriffez^,  une  longue  barbe, de  s  corps 
d'une  hauteur prodigieu fe,des  membres  toutvclus,&la  peaufi  dure, qu'on 
eut  dit  qu'elle  auroit  rcftfiê  au  fer  comme  une  cuira/le  (a).  Au  relie,  Bal-  r  a  )  uitrttpr. 
bin  témoigne  que  tous  les  prifonniers  Taborites  ne  furent  pas  brû- 
lez ,  &.  que  ceux  de  Prague ,  &  les  autres  vainqueurs  épargnèrent 
les  leurs  fous  de  certaines  conditions.  Il  n'y  eut  que  ceux  de  Pilfen, 
qui  en  tuèrent  mille,  qu'ils  avoient  fait  prifonniers ,  fans  doute 
pour  fe  vanger  du  long  éc  cruel  fiége  de  cette  ville.  Depuis  ce  tems- 
là  les  Taborites  ne  mirent  plus  d'armée  en  campagne  -,  mais  ils  ne 
furent  pourtant  pas  entièrement  éteints.  Ulricde  Rofcs  l'un  des 
vainqueurs  3  pour  profiter  de  la  victoire  qu'on  venoit  de  remporter 
fur  les  Taborites  campagnards  >  allaaiïieger  Zomnitz$eùx.e  ville  oc- 
cupée par  d'autres  Taborites.  Ceux  qui  refloient  à  Tabor  envoyè- 
rent à  leurs  frères  afliegez  un  renfort  de  1 000.  hommes ,  avec  48. 
chariots  chargez  dJarmes  dont  ils  manquoient.  Us  fe  firent  paita- 
ge  au  milieu  des  affiégeans  ,  &.  entrèrent  dans  Zomnitz^  Mais  en 
s'en  retournant  chez  eux }  ils  furent  furprispar  les  troupes  du  gé- 
néral Rofes.  Ils  firentpourtanttête  à  l'ennemi,  &  envoyèrent  à 
7\*<Wpour  demander  du  fecours.  On  leur  envoya  en  effet  300. 
Taborites.  Mais  Ulric  de  Rofes  les  ayant  interceptez  3  on  en  vint 
aux  mains.  Les  Taborites  fe  défendirent  comme  des  lions  depuis 
midi  jufqu'àla  nuit  3  le  courage  fuppléant  aux  forces.  Enfin  à  mi- 
nuit la  vidoire  fe  déclara  pour  Ulric  de  Rofes.   Peu  de  Tabori- 
tes furent  épargnez.   On  entendit  les  cris  des  combattans ,  d'un 
grand  mille  de  Bohême.  Cette  défaite  abbattit  beaucoup  le  cou- 
rage des  Taborites,  &  les  empêcha  d'exécuter  le  defîein  qu'ils 
avoient  d'envoyer  des  troupes  à  Cuttemberg  &.  à  Nymbourg^o\ix  re- 
commencer la  guerre,  2c  vanger  la  mon  de  Procope.  Cependant 
Ulric  retourna  au  fiége  de  Zomnitz^,  s'empara  de  la  ville ,  épargna 
ceux  qu'il  trouva  défarmez ,  &  fit  rafer  la  forterefîe  (b).  C'eft  ain-  (b  )  Kalh.nki 
ifi  que  peu  à  peu  les  Taborites  furent  contraints  de  vuider  toutes  ^r* 
les  places  qu'ils  occupoient  3  &  entr'autres  la  ville  de  Colin  3  qui 
avoitété  reprife  par  un  prêtre  Taborite  nommé  Bedz±ch  >  à  fon 
retour  de  Siléfle  où  il  avoit  été  fait  prifonnier. 

XXVII.  L'Empereur  s'étant  fait  couronner  à  Rome  ,  fe  ren-  Die'tc  à  Pr,_ 
dit  à  Balle  y  d'où  après  avoir  reconcilié  du  mieux  qu'il  put  le  Con-  g"e  »  où  .Si- 
cile avec  Eugène  IV.  ou  au  moins  fufpendu  leurs  démêlez  ,  il  alla  à  g$™*i™* 
Ukne  ,  ville  de  Suabç,  Delàilenvoyauneambailade  aux  grands  AmbaŒu 
Tom.  I.  H  h  h  deurs> 


4ié  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
1434.  de  Bohême,  pour  les  féliciter  &  de  leur  réunion  à  l'Eglife,  Se  de 
leur  victoire  fur  les  Taborites,  ëepour  les  inviter  à  le  reconnoî- 
tre  pour  leur  Roi.  Ces  ambafladeurs  furent  reçus  avec  honneur, 
&  écoutez  favorablement  dans  une  Diète  qui  fe  tenoit  alors  à 
Prague,  pour  mettre  ordre  aux  affaires  publiques  après  la  révo- 
lution qui  venoit  d'arriver.  Dans  cette  Diète  on  prit  des  mefures 
pour  achever  de  réduire  les  Taborites,  qui  remuoient  encore  quoi- 
que foiblement.  En  effet  Tabor  fut  enfin  rendu  au  Gouverneur  du 
royaume,  Ôc  les  Taborites  promirent  de  demeurer  tranquilles. 
On  réfolut  aufîi  de  donner  fur  \qs  fonds  publics  une  certaine  fom- 
mepour  l'entretien  du  Gouverneur ,  de  rétablir  le  magazin  de  la 
monnoieà  Kuttemberg,  de  condamner  au  feu,  comme  on  faifoit 
auparavant,  les  faux  monnoyeurs,  de  rappeller  les  bannis,  d'é- 
largir les  prifonniers  5  &  enfin  de  permettre  aux  défobéiflans  de 
vendre  leurs  biens ,  &  de  fe  retirer  ailleurs.  A  l'égard  des  ambafla- 
deurs de  Sigifmond,  on  leur  répondit  qu'inceflamment  on  lui  en- 
verroit  une  ambaflade  folemnelle  y  ce  qui  s'exécuta  le  1 7.  d'Août. 
D'Ulme  l'Empereur  alla  à  Ratisbonne  où  s'étoient  rendus  fes  am- 
bafladeurs, &.  les  légats  du  Concile. 
Ambaffade  XXVIII.  En  chemin  il  rencontra  l'ambafladeBohêmienne  qui  ve- 
des  Bohc-  nojc  au  devant  de  lui.  C'étoient  Menardde  Mai  (on  Neuve.  Ptaczko 
lEnpereur.  de  Ratay  3  Czjnko  de  Wartemberg  >  &  quelques  autres  Seigneurs; 
quelques-uns  y  joignent  Rockiçane.  De  la  part  des  Taborites  & 
des  Orphelins  fe  trouvèrent  Sokol 3  Jean  Smirzics ,  &  ce  même 
Czgpeck  qui  avoit  peu  detems  auparavant  rendu  la  place  de  Colin. 
Il  s'y  trouva  auffi  des  dépurez  dePrague  ÔC  des  villes  royales  de  Bo- 
hême. Quelques  Hiftoriens  difent  que  dès  lors  ils  reconnurent  tous 
Sigifmond  pour  leur  Roi.  Mais  d'autres  prétendent  que  cela  ne  fut 
point  aufli  unanime.  Theobald  &t  Balbin  témoignent  que  l'Empe- 
reur leur  ayant  demandé  s'ils  vouloient  le  reconnoître  en  cette 
qualité,  ils  répondirent  qu'ils  n'avoient  point  d'ordre  là-deflus, 
mais  feulement  de  le  féliciter  de  fbn  heureux  retour  &  de  fon  cou- 
ronnement à  Rome,  de  qu'ils  aflembleroient  lesEtatspour  en  dé- 
libérer. On  trouve  une  autre  particularité  dans  le  Mars  Moravia 
que.  C'elt  que  les  députez  Taborites  demandèrent  dans  une 
audience  particulière  ,  qu'on  obligeât  tous  les  Bohémiens  fans  ex- 
ception ,  même  les  Catholiques }  à  communier  fous  les  deux  espè- 
ces, afin  qu'il  n'y  eût  plus  d'obftacle  à  l'union  dans  le  royaume. 
Cette  demande  fut  rejettée  par  l'Empereur ,  &  par  les  autres  dé* 
putez  de  Bohême.  On  n'accorda  pas  même  aux  députez  Tabo- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  JlVU.^i-j 
rires  l'encrée  dans  l'Eglife  de  Ratisbonne  ,  non  plus  que  la  fépul-    \a\± 
tureeccléfiaftique  à  un  d'entre  eux  qui  mourut  dans  cette  ville. 
L'Empereur  fur  le  point  de  partir  pour  la  Hongrie  ,  prit  en  parti- 
culier ces  mêmes  députez,  &  les  exhorta  fortement  à  renoncer  à 
des  prétentions  fi  déraifonnables  de  fi  exorbitantes ,  &c  à  acquief- 
cer  au  traité  de  paix  qui  venoit  d'être  conclu  de  concert  avec  les 
Bohémiens  &  le  Concile,  leur  promettant  d'interpofer  fon  auto- 
rité royale  pour  le  faire  obferver ,  pourvu  que  de  leur  côté  ils  prif- 
fent  fidèlement  toutes  les  mefures  neceflaires  pour  le  faire  bien  re- 
cevoir en  Bohême.  Après  les  avoir  ainfi  un  peu  adoucis,  au  moins     /a)Autr-c- 
en  apparence ,  Sigifinond  partit  pour  aller  à  Bude ,  &:  de-là  à  Albe  ment  mîfi 
Royale  (a),  ouil  pafTa  l'hyver&  l'été  de  l'année  fuivante.  JmAmrg. 

XXIX.  Eugène  IV.  non  moins  vivement  prefîé  en  Italie  par  le  Affaires  é- 
Duc  de  Milan  ,  qu'en  Allemagne  par  le  Concile  de  Bafîc,  écoit  K^"vo_ 
réduit  aux  plus  dures  extrémitez.  Il  s'étoit  même  attiré  à  dos  la  que  ion  De- 
plus  grande  partie  de  l'Europe  par  fon  oppofition  opiniâtre  à  là  "ct £°t"r  la 
continuation  de  ce  Concile  ,  qu'il  avoic  voulu  d'abord  transférer  du  Concile 
à  Bologne,  comme  il  le  fîtenfuite  àFerrare,  &  depuis  à  Florence. 
Il  fallut  pourtant  qu'il  fe  défiftât  du  deflein  de  la  tranflation  à  Bo- 
logne ,  parce  que  d'un  côté  le  Duc  de  Milan  ,  &  de  l'autre  les  Vé- 
nitiens le  menaçoient  de  lui  faire  une  guerre  ouverte,  s'il  ne  re- 
nonçoit  à  cette  tranflation ,  &  s'il  ne  confentoit  à  la  continuation 
du  Concile  de  Bafle.  Il  paroît  en  effet  par  une  Bulle  datée  du  1 5. 
Décembre  de  l'année  précédente,  qu'il  donna  cette  confirmation, 
&  qu'il  révoqua  ou  defavoua  les  lettres  de  tranflation  j  qu'il  caffa 
toutes  les  procédures  qu'il  avoir  faites  contre  les  Pères  deBafle  <Sc 
leurs  adhérans,  ôc  rétablit  trois  Cardinaux  qu'il  avoit  dépofez , 
entre  lefquels  étoit  Capranica ,  dont  on  a  parlé  ci-devant.  Ces 
Bulles  de  révocation  furent  portées  à  Bafîe  de  la  part  du  Pape,  par 
l'Archevêque  de  Tarente  ,  &  par  l'Evêque  de  Servia  en  Romaine. 
Elles  étoient  accompagnées  d'une  lettre  du  même  Pontife  à  l'Em- 
pereur, où  il  répréfentoit  a  ce  Prince  que  n'ayant  révoqué  cqs 
actes  précédents  contre  le  Concile  de  Basle  ,  que  par  fon  confeil, 
&  pour  empêcher  un  fchifme  dans  l'Eglife  ,  il  étoit  jufte  qu'en 
reconnoifïancede  cette  docilité  ,  il  foutîntau  Concile  la  dignité 
&  l'autorité  du  Siège  apoftolique.  Eugène  écrivit  fur  le  même  pied 
au  Roi  de  France ,  au  Duc  de  Bourgogne  ,  &  au  Roi  de  Pologne. 

X  X  X.  Cependant  comme  cette  réconciliation  avecleCon-  LePapes'en 
cile  avoit  été  extorquée  par  les  menaces  du  Duc  de  Milan  qui  fe  fuit  dc  Ro* 
portoit  en  Italie  pour  le  Légat  du  Concile,  les  méfiances  &:  les liof- 

Hhhij 


'4i 8       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSÏTES 

J4-4.  tilitezcoiuinuoient  toujours  de  la  part  de  ce  Duc.  Les  Romains 
eux-mêmes  las  de  ces  troubles  inteftins ,  &  harcelez  fans  cefTe  par 
les  troupes  du  Duc  3  fe  fouleverent  contre  le  Pape.  Us  l'allerent 
trouver  le  29.  de  Mai,  pour  l'obliger  à  changer  la  forme  du  gou- 
vernement, 6c  à  les  mettre  en  poileiîion  du  château  St.  Ange  3  &c 
de  la  fortereiTe  d'Oftie ,  demandant  pour  otage  le  Cardinal  Iran- 
fois  Condulmer  Ton  neveu.  Le  Pape  l'ayant  rer'uië,  ils  enlevèrent 
ce  Cardinal  d'auprès  de  lui ,  le  mirent  en  prifori  ,  &  afîiégerent  le 
palais  épifcopal.  11  fallut  cédera  la  force.  Le  Pape  promit  de  quit- 
ter les  rênes  du  gouvernement,  &dene  fé  mêler  que  d'affaires 
eccléfiaftiques.  Mais  les  Romains  n'en  demeurèrent  pas  là.  Ils  ré- 
solurent d'emmener  le  Pape  dans  l'eglife  des  Apôtres  Si,  Pierre  & 
St.  Paul  3  &  de  l'y  retenir  prifonnier  jufqu'à  ce  que  le  Duc  de  Mi- 
lan &.  le  Concile  en  difpofaflent.  Le  Pape  en  eut  avis  j  &  prévoyant 
qu'il  finiroit  là  (es  jours ,  ou  qu'il  feroit  dépouillé  du  pontificat  3  il 
prit  le  parti  de  fefauverenhabitde  Bénédictin  jee  qu'il  fit  en  effet, 
non  fans  beaucoup  de  peine  2c  de  danger.  De- là  Eugène  fe  retira,  à. 
Florence ,  où  il  fur  re^û  à  bras  ouverts  ^  comme  cela  paroît  par  les 
lettres  qu'il  en  écrivit  à  Jeanne  II.  reine  de  Sicile  ,  &  aux  Pères  de 
Bafle.  Cependant  l'affaire  fe  raccommoda.  Le  cardinal  Condulmer 
i434?Num!  ^Llt  relâché ,  &  la  paix  fut  conclue ,  même  par  l'entremife  du  Con- 
ix.--  xii.    cile  de  Balle  (a). 

Les  Grecs        XXXI.  En  ce  même  temps  on  négocioit  la  réunion  des  Grecs 
envoyentdes  avec  jes  Latins  (\2ins  \Q  Concile ,  &.  en  Italie.   On  n'avoit  fait  qu'é- 
dc^aù       baucher  cette  affaire  au  Concile  de  Confiance  (b).  Depuis  ce 
Concile,  &    temps  là  Martine,  y  avoit  travaillé  ,  mais  fans  beaucoup  defuc- 
ei\l)Ynjt.  d,i  c^s.  Eugène  IV.  qui  s'y  étoit  déjà  employé  étant  cardinal  3  parut 
Conc.  de       en  faire  ion  affaire  dès  qu'il  fut  Pape.   Il  s'étoit  même  fervi  de  ce 
cwji.Liv.     prétexte,  entre  autres  pour  transférer  le  Concile  à  Bologne,  com- 
me on  l'a  dit.  Il  avoit  envoyé  pour  cela  un  de  (es  fecretaires  à 
Conftantinople.  Le  Concile  de  Bafle  defoncôté  écouta  favora- 
blement les  amballadeurs  qui  lui  furent  envoyez  de  la  part  des 
Empereurs  de  Conftantinople  &  de  Trebifonde  (1).   On  trouve 
dans  Raynaldus  une  lettre  de  l'Empereur  de  Trebifonde  à  Eugène 
IV.  en  réponfe  à  deux  que  ce  Pape  lui  avoit  écrites,  l'une  de  Ro- 
me ,  l'autre  de  Florence.   On  verra  dans  l'hiftoire  de  ce  Concile  y 
quelle  fut  l'itfuc  de  cette  affaire.  Je  remarquerai  feulement  que  le 
Pape  écrivit  aux  Pères  de  Bafle,  pour  les  exhorter  à  ne  rien  faire 

(  1)  Trebifonde  dans  la  tstuolie  étoit  autrefois  la  capitale  d'un  empire  de  ce  nom.  Mahomet  II, 
s'en  empara  en  1460. 


\^^!7c^!^jc!!^. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  XVII.  419 

à  cet  égard  ,  que  de  concert  avec  lui,  &:  fans  lui  en  donner  avis.     1424, 
Eu<rene  ne  négligea  pas  la  réunion  des  Syriens  &,  des  Arméniens. 
Il  écrivit  pour  cet  effet  au  Patriarche  de  Jerufalem.  Cette  invita- 
tion fut  fi  bien  reçue  ,  que  ce  Patriarche  fit  traduire  la  lettre  du 
Pape  en  Arménien ,  &  l'envoya  au  Patriarche  d'Arménie. 

XXXII.  Les  infidèles  enflez  de  plufîeurs  victoires  qu'ils  avoient  Entreprîfe 
remportées  fur  les  Chrétiens,  fe  difpofoient  à  enlever  l'Ifle  de  ^esJ"r" 
Rhodes  aux  Chevaliers  de  ce  nom.  C  eit  ce  qui  engagea  Eugène  a  Rhodes, 
écrire  au  Concile  de  folliciter  les  Princes  Chrétiens  à  fecourir  les 
Chevaliers.  Il  écrivit  auffi  au  Roi  de  Caftille ,  pour  lui  donner  avis 
des  grands  préparatifs  que  faifoit  le  Soudan  de  Babylone  contre 
rifle  de  Rhodes  ,  ôc  le  prier  d'envoyer  un  fecours  prompt  &  con- 
fïdérable  au  Grand  Maître  de  l'Ordre.  Les  Chevaliers  de  leur 
côté  fe  mirent  en  fi  bon  état  de  défenfe^que  le  Soudan  fe  défifta  de 
fon  entreprife.  On  trouve  une  Bulle  d'Indulgences  du  même  Pape 
en  faveur  des  Princes  &  des  Grands  de  Macédoine  qui  avoienc 
remporté  une  grande  vi&oire  fur  les  Turcs ,  &  en  faveur  de  tous 
ceux  qui  voudroienc  fecroifer  contre  ces  ennemis  du  nom  Chré- 
tien. Maisl'entreprifeneréufîitpas.  Les  Chrétiens  furent  battus 
àCalubara  ,  Ifle  de  la  Turquie,  qu'ils  avoient  aiîiégée.  Si  la  Reli- 
gion Chrétienne  faifoit  des  pertes  en  Turquie  elle  faifoit  des  pro- 
grès dans  quelques  Ijles  de  Canaries ,  comme  on  le  voit  par  une 
Bulle  du  Pape  en  faveur  de  ces  nouveaux  converti,  datée  de  Flo- 
rence le  29.  de  Septembre. 

XXXII  I.Ce  fut  cette  année  o^Amcàèe  duc  de  Savoye  quit-  Retraite 5*a- 
ta  le  fîécle  pour  fe  faire  Ermite,  à  l'âge  de  56.  ans,  après  avoir  ^[rJ* 
gouverné  pendant  40.  ans  avec  beaucoup  de  fagefïe&  de  bonheur,  paille. 
Dans  cette  vue  laiflant  le  gouvernement  de  l'Etat  à  Ces  deux  fils ,  il 
choifit  pour  fa  retraite  l'agréable  féjour  de  Ripaille ,  bourg  fur  le 
Lac  de  Genève  où  il  bâtit  un  bel  ermitage  ôc  fonda  l'Ordre  des  er- 
mites de  S.  Maurice  (  1  ).  Il  fut  le  dernier  Comte  6c  le  premier  Duc 
de  Savoye ,  ayant  reçu  des  mains  de  Sigifmond  la  courone  ducale , 
comme  on  l'a  vu  dans  l'hiftoire  du  Concile  de  Confiance.  Il  n'a- 
voit  avec  lui  dans  cette  retraite  qu'une  vingtaine  de  domeftiques, 
&  quelques  feigneurs.   On  a  parlé  différemment  de  la  vie  qu'il  y 
menoit.  Les  uns  difent  qu'au  lieu  d'eau  il  buvoit  des  vins  les  plus 
exquis ,  &  qu'au  lieu  de  racines ,  il  fe  faifoit  fervir  les  mets  les  plus 

(1)  C'étoit  un  Ordre  militaire  auquel  on  donna  le  nom  de  St.  Maurice,  parce  qu'on  pré- 
tend que  non  loin  de  là  Maurice  fouffrit  le  martyre  avec  fo  légion  Ibe'bt'me  fou5  l'empire  de 
Maximien.  Spond.  Ann.  1454.  nura.  XIV. 

H  h  h  irj 


45 o       HÎST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14-  *  a     délicats,  2c  que  même  il  ne  s'etoic  retiré  que  pour  fe  donner  à  les 
plaifirs  avec  plus  de  liberté.  Mais  d'autres ,  comme  ALneas  Syl- 
z'ius  contemporaine  témoin  oculaire  ,  aulli-bien  que  Jean  Gobe- 
lin  Ton  fécretaire ,  ont  foucenu  qu'Amedéc  menoit  à  Ripaille  une 
vie  fort  aullére.   L'équité  veut  qu'on  les  en  croye  préferablemenc 
à  d'autres, qui  peuvent  n'avoir  pas  été  11  bien  informez.  Voici  donc 
ce  qu'en  dit  ^Eneas  Sylvius  :  Amedèe premier  Duc  de Savoye de  cette 
mai  fin  gouverna  cette  Province  pendantprès  de  40.  ans  depuis  la  mort 
de  fin  père  ,  dont  il  augmenta  confidérablement  les  Etats.  Il  fut  l'ad- 
miration &  la  terreur  de  fin  fié  de ,  &  trouva  Part  de  fie  maintenir  en 
paix  avec  les  princes  fis  voifins ,  dont  il  s'attira  l'amour  &  l'ejhmc  par 
fia  fagejje.  Une  fituationfi  glorieufe  ne  l'empêcha  pas  de  quitter  le  mon- 
de pour  fi  retirer  dans  un  ermitage  3  avec  fix  Chevaliers  feulement , 
<rens  àgez^  &  vivans  dans  le  célibat.  Là  il  prit  une  robe  d'ermite  ;  il 
s'appuyoit  fur  un  bâton  noueux  &tortu.  C'efi  de  cette  retraite  qu'on 
jetta  les  yeux  fur  lui  a  JB  a  fie  pour  lui  offrir  le  pontificat ,  &  qu'il  l'ac- 
fa)  Mmas  cepta  (a).  On  voit  bien  que  ce  n'eft  pas  là  le  portrait  d'un  débau- 
Syh.  Hirt.    ché.   Mais  le  même  Hiitorien  dit  encore  là-deflus  quelque  choie 
xuu. ',pTP'  ^e  Pms  Particulier  ailleurs.  C'efr.  dans  l'endroit  de  (on  hiftoire  du 
3 10.  Concile  de  Balle ,  où  il  parle  de  l'élection  de  ce  Duc  au  pontificat. 

Il  y  en  eut  un ,  dit-il ,  qui  eut  plus  de  voix  que  tous  les  autres.  C'efi  le 
très-excellent  Amedee  duc  de  Savoye ,  doyen  des  Chevaliers  de  St. 
Maurice  (  1  )  de  Ripaille  dans  le  diocèfe  de  Genève.  Les  feize  Elec- 
teurs confidérant  qu'il  étoit  alors  dans  le  célibat ,  &  qu'il  vivoit  en  re- 
(b)  Mntm    ligieux  ,  le  jugèrent  digne  de  gouverner  l'Eglifi  (b).  Enfuite  il  intro- 
s/f '"luTh  ^u*c  un  ^es  mem^res  du  Concile,  failant un  long  &  magnifique 
0.107.        éloge  d' Amedée  y  fur  tout  de  fa  dévotion.  Il  dit  entre  autres  choies, 
qu'il  ne  portoit  d'habits ,  que  ceux  qui  étoient  ntceffaircs  pour  fi  ga~ 
rantir  du  froid }  &  qu'il  ne  mange  oit  que  ce  qu'il  fallait  pour  ne  pas 
mourir  de  faim. 
France ,  &       XXXIV.  Les  chofes  étoient  à  peu  prés  au  même  état  en  Fran- 
Mgiete-n-e.     ce  &  en  Angleterre.   Les  François  paroiiloient  allez  difpofez  à  la 

Négociation  .  .    V,      s         ,       .  j  *  j  a         1  •  >    i 

de  la  Paix     paix  3  n^ais  "  n  en  etoit  pas  de  même  des  Anglois  ,  quoi  qu  alors 

entre hFran- inférieurs.  On  parla  pourtant  de  paix  cette  année,  mais  elle  ne 

rie^erre        s'exécuta  que  l'année  fuivante  à  Arras.  Le  Pape  &  le  Concile 

qui  étoient  fort  divifez,  y  envoyèrent  chacun  leurs  députez.  Les 

cardinaux  de  Chypre  &  d'Arles  y  allèrent  delà  part  du  Concile, 

(i)  Il  paroit  manifeflement  par  là  qu'on  s'efl:  trompé,   quand  on  a  marqué  l'inflitut-on  de 
«et  Ordre  à  l'an  i/7*.  comme  a  fa.t  l'Auteur  del'hiitoiredcs  Ordres  Militaires.  Tom.  JV.  p. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  XVII.  431 

&  le  cardinal  de  Ste.  Croix,  Nicolas  Albergati ,  de  la  part  ày  Eugène  ia-ijl 
IV.  pour  la  troisième  ou  la  quatrième  fois.  Ce  Cardinal  voulut 
a*iler  rendre  viilreen  pallant  au  Duc  Amedée  dans  fa  retraite  de 
Ripaille }  &  en  fut  fort  bien  reçu.  »  C'étoit ,  dit  l'auteur  de  la  Pour- 
»  pre  fuyante  ,  un  fpectacle  bien  curieux  devoir  un  des  plus  puif- 
»ians  princes  feculiers,  redoutable  à  la  France  &à  l'Italie,  qui 
«auparavant  portoitdes  habits  tout  éclatans d'or  ,  quiétoittou- 
»  jours  entouré  d'une  nombreufe  cour  _,  &  qui  ne  marchoit  jamais 
*  fans  une  magnifique  efcorte ,  de  le  voir  précédé  feulement  de  6. 
»  ermites ,  &  fuivi  de  quelques  prêtres ,  recevoir  le  Légat  apofto- 
»  lique  dans  cet  équipage  3  &  avec  un  méchant  habit.  Ces  Che- 
»  valiers  avoient  pourtant  une  croix  d'or  fur  la  poitrine  3  &  c'étoic 
»  l'unique  marque  de  noblefîe  qu'ils  euiTent  confervée.  Le  Cardi- 
»  nal  &  le  Duc  s'embraiîerent  tendrement.  Le  premier  ne  pouvoir. 
»fe  laflér  d'admirer  &  d'exalter  le  Duc.  Sa  conduite  ne  fut  pour- 
»  tant  pas  à  couvert  de  la  calomnie.  Il  y  eut  des  gens  qui  attribué- 
»  rent  fa  retraite  à  l'ambition  d'être  Pape.  Il  demeura  huit  ans 
»  dans  fon  ermitage.  Mais  quoiqu'il  eût  remis  le  gouvernement  a 
»  fon  fils,  ilnefe  déflaiiit  pas  des  affaires  les  plus  importantes.  Il  purhrF** 
»ne  quitta  point  le  titre  de  Duc,  &ilferéfervala  difpofuion  de  D^.Lb.m. 
j>  fon  tréfor  (a).  ?'SzSl> 

XXXV.  Cette  même  année  mourut  à  la  fleur  de  fon  âee  ,&  T  ^°'"!^e 

r  •  1  a      •  1  1  1  Lattis  d  An- 

ÏOXZ  regrette  ,  Louis  III.  duc  d  Anjou  ,  dans  le  royaume  de  Na-  im. 

pie  ,  où  Jeanne  II.  l'avoit  attiré  pour  lui  iuccéder  (b).  L'Hiftoi-  (b)  R"?"111' 
re  parle  de  ce  Prince  comme  d'un  feigneur  d'un  mérite  éclatant ,  num.**** 
&  d'une  grande  efpérance.  Il  avoit  époufé  depuis  fort  peu  de 
temps  Margueritte  ,  fille  d'Amedée  duc  de  Savoye ,  princefle  d'une 
grande  beauté.  Jeanne  le  regretta  beaucoup,  &  fe  reprocha  de 
lui  avoir  donné  plufieurs  chagrins,  qui  avoient  pu  caufer  fa  mort. 
Elle  ne  voulut  point  qu'on  transportât  fon  corps  hors  du  Royaume 
de  Naples  ,  ôc  la  noblefle  d'Anjou  eut  même  beaucoup  de  peine 
à  obtenir  que  fon  cœur  fût  porté  à  Angers.  Cette  mort  releva  les 
efpérances  à'Alphonfe  roi  d'Arragon.  Il  écrivit  auiïï-tôt  à  Eugène 
IV.  tant  pour  le  confoler  defes  difgraces,  que  pour  lui  offrir  du 
fecours,  lui  donner  avis  des  menées  du  Concile  contre  lui ,  &lui 
recommander  fes  prétentions.  Mais  ce  Pape  ne  fe  trouva  pas  d'hu- 
meur à  le  favorifer  au  préjudice  de  la  Reine. 

Les  François  &  les  Anglois  avoient  déjà  leurs  ambaiïàdeursau 
Concile.  Je  trouve  dans  les  actes  d'Angleterre  (c) ,  que  les  der-  (c)Tom.  x, 
jaiers  en  envoyèrent  de  nouveaux  cette  année,  auiîî  bien  que  les  i'-*8^* 


.'434' 


43î  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
Ecoflois.  La  commiffion  des  ambafladeurs  d'Angleterre  portoic 
de  s'unir  au  Concile  pour  travailler  à  la  réformation  dans  le  chef 
6c  dans  les  membres ,  au  maintien  de  la  Foi  orthodoxe  3  à  la  paci- 
fication de  l'Europe,  6c  à  la  reconciliation  de  la  France  8c  de  l'An- 
gleterre. On  rapporte  à  cette  année  la  convocation  d'un  Synode 
à  Londres ,  où  cette  affemblée  fe  déclara  pour  le  Pape  contre  le 
Concile. 
particularité  X  X  X  V  I.  On  trouve  dansPHiftoire  de  Bretagne  du  P.  Lo- 
touchant  la  bineau  3  une  particularité  qui  regarde  cette  province.  »  Le  Concile 
Bretagne.  w  général ,  dit-il  3  affemblé  à  Bade  dans  ce  même  temps ,  ayant  in- 
»  vite  à  l'ailèmblée  tous  les  évêques  ôctous  les  prélats  de  Bretagne 
«  qui  avoient  droit  de  s'y  trouver  ^  le  Duc  3  pour  éviter  une  partie 
»  de  la  dépenfe ,  fit  propofer  au  Concile  de  trouver  bon  qu'il  n'y 
»  envoyât  feulement  que  deux  évêques,  trois  abbez,  5c  quelques 
«docteurs  ou  licentiez  aux  dépens  du  clergé  de  la  Province.  Le 
«  Concile  par  fes  lettres  du  30.  Avril ,  déclare  qu'il  fe  contentoit 
*  que  le  Duc  y  envoyât  deux  évêques ,  &  trois  ou  quatre  abbez  de 
«differens  Ordres,,  avec  les dodeurs  6c  licentiez  qu'il  jugeroit  à 
«propos,  aufquels  on  marqua  la  mi-Juillet  pour  terme  de  leur 
«voyage,  6c  le  Concile  permit  que  pour  lesdéfra^fer,  il  fûtim- 
«poféun  fubfrde  fur  le  clergé  de  Bretagne.  L'Evêque  de  Léon 
»étoit  déjà  au  Concile,  &avoit  demande  Ton  congé  aux  Pères  $ 
»  mais  ils  le  retinrent  par  un  commandement  exprès  9  &  ordonne- 
ra rent  qu'il  feroit  défrayé  aux  dépens  de  la  Province  ,  comme  les 
«deux  autres  évêques  que  le  Ducdevoit  envoyer  à  Bafle,  Ceux 
«à  oui  le. Concile  donna  la  commiiîion  deleverleiiibfîde.,  furent 
«les  évêques  de  Nantes,  àçSt.Brieuc&L  de  Rennes ,  lefquels  s'e- 
»  tant  afiemblez  à  Ploermelle  9.  de  Juillet ,  nommèrent  deux  Rec- 
«teurs  6c  un  Chapelain  ,  pour  en  faire  l'impofition  6c  la  ievée. 
«Comme  l'Evéque  de  Léon  étoit  déjà  au  Concile,  leDucfecon- 
«  tenta  dénommer  l'Evêque  de  Treguier  3  avec  les  abbez  de  St, 
v  Melaine  &  de  Buze ,  Jean  Priguene  profefîeur  en  Droit  civil  ÔC 
«  en  Droit  canon  ,  6c  Guillaume  Groignet  licentié  dans  l'un  6c  dans 
«l'autre.  IlnefepalTa  rien  dans  le  Concile  qui  ait  rapport  a  la 
=  Bretagne,qu'une  contestation  pour  la  préféance  entre  les  ambaf- 
«  fadeurs  Bretons  3  6c  ceux  du  Duc  de  Bourgogne.  Le  Cardinal  de 
««S/.  Ange  préfident  du  Concile,  ayant  d'abord  fait  afleoir  les 
«ambafladeurs  Bretons  à  gauche  immédiatement  après  ceux  du 
«  Roi  de  Dannemark ,  par  proviiion  feulement  ,  6c  fans  préju- 
*?  dice  de  leurs  droits ,  juiqu'à  ce  que  le  Concile  en  eût  autrement 

»  ordonné  j 


ET  DU  CONCILE  DE   BASLE.  Z/v. J*7V/.  43 5 

»  ordonné,  ils  y  acquiefcerent,avecproteftation  quecelane  pour-  r434* 
»  roit  porter  de  préjudice  au  Duc  leur  maître.  Dans  la  fuite  le  car- 
»  dinal  d'Arles ,  &  l'Evêque  de  Lubeck  députez  du  Concile  pour 
«régler  laféance  des  ambafîadeurs,  des  Electeurs  de  l'Empire  6c 
»  du  Duc  de  Bourgogne  ,  ayant  mis  les  premiers  auprès  du  fîége  de 
«l'Empereur,  6c  les  derniers  à  droite:  les  ambafîadeurs  Bretons 
»  s'oppoferent  à  ce  Règlement ,  conjointement  avec  ceux  des  Rois 
»deFrance,d'EcofIè3  de  Dannemarck,,  d'Arragon  &  de  Sicile, 
»6c  des  Ducs  d'Orléans  6c  d'Autriche  j  difant  qu'il  portoitpréju- 
*»  diceaux  Rois  6c  aux  Princes ,  dont  ils  repréfentoient  la  perfon- 
»ne.  A  quoi  il  fut  répondu  le  5.  de  Juillet  1434.  par  le  Cardinai 
»  d'Arles,  qu'il  avoitréfervé  le  droit  de  chacun,  6c  qu'il  ne  pré- 
»tendoit  point  que  ce  qu'il  avoit  réglé  fût  tiré  à  conféquence.  Il 
«fallut  fe  contenter  de  cette  réponfe.,  6c  les  ambafîadeurs  bretons 
«envoyèrent  Jean  BretainècwyQï  du  Duc ,  lui  rendre  compte  de  (a)ubifupr, 
»  tout  ce  qui  s'étoit  pafîé  (a).  p.  $9$. 

XXXVII.  Le  Concile  de  Balle  continuoit  toujours  fes  féan-  MUmagne. 
ces  en  l'abfence  d'Eugène  IV.  Il  y  en  eut  quatre  cette  année.  Dans  Scfhons  du 
la  XVI.  Seflion  tenue  le  5.  de  Février  on  examina  trois  Balles  d'Eu-  Ba°{k. 
gène,  par  Ici  quelles  il  révoquoit  celle  qu'il  avoit  donnée  pour  faire 
difîoudre  le  Concile.  Cette  révocation  admife,  le  Concile  dé- 
clara que  le  Pape  avoit  fatisfait  à  ce  que  cette  afïèmblée  avoit  re- 
quis de  lui.  Dans  la  XVII.  du  26.  Avril,  les  préfidents  pour  le 
Pape  furent  incorporez  au  Concile  en  cette  qualité  fous  certaines 
conditions  qu'on  verra  ailleurs.  Ils  étoient  au  nombre  de  cinq, 
fçavoirdeux  cardinaux  3  deux  évêques  6c  un  abbé.  L'Empereur 
de  retour  étoit  à  cette  Seiîion  revêtu  delà  Couronne  impériale 
qu'il  avoit  reçue  à  Rome.  Un  Duc  quin'eft  pas  nommé  étoit  à 
fa  droite  tenant  l'épée  nue  ,  6c  du  même  côté  Guillaume  duc  de 
Bavière  portoit  la  pomme  impériale,  comme  un  emblème  de 
l'Empire  du  monde  ;  à  fa  gauche  étoit  l'Electeur  de  Brandebourg 
avec  le  feeptre  impérial.  Dans  la  XVIII.  Seffiondu  16.  de  Juin  , 
on  renouvella  les  décrets  du  Concile  de  Confiance  touchant  l'au- 
torité 6c  la  fupériorité  des  Conciles  généraux.  L'Empereur  n'é- 
toit  pas  à  cette  Sefîion.  Il  s'étoit  retiré  mécontent  du  Concile, 
dont  il  croyoit  avoir  été  négligé.  Il  fe  plaignoit  entre  autres  cho- 
fes ,  1 .  qu'étant  en  Italie  le  Concile  avoit  envoyé  au  Duc  de  Mi- 
lan,  6c  non  à  lui,  pour  recouvrer  le  Patrimoine  de  St.  Pierre ,  quoi- 
que l'Eglife  Romaine  n'eût  pas  été  dotée  par  les  Ducs  de  Milan  , 
mais  par  les  Empereurs.  2.  Qu'étant  à  Bafîe  le  Concile  avoit  réfo~ 
Tom.  I.  Iii 


*\ 


434  HIST-  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14*  4.  ^u  ^ans  ^a  participation  d'envoyer  des  Cardinaux ,  tant  au  Pape  > 
qu'en  France.  }.  Que  le  Concile  s'ingéroit  dans  beaucoup  décho- 
ies qui  n'étoient  point  de  Ton  relTort ,  au  préjudice  de  l'Empire.  4. 
Que  c'étoit  pour  cela  qu'il  s'étoit  retiré  ,  mais  que  fi  le  Concile 
vouloit  travailler  férieufement  à  la  réformation  &  aux  affaires 
pour  lefquellesil  étoic  aflemblé,  quand  il  feroit  en  paradis ,  il  en 
reviendrait  pour  travailler  avec  eux.  5.  Etant  encore  à  Ulm  il  avoic 
écrit  au  Concile  pour  lui  reprocher  fort  vivement  de  s'être  mêlé 
d'accorder  les  différends  des  Ducs  de  Saxe,  &  protelter  contre 
tout  ce  que  feroit  le  Synode  dans  cette  affaire  qui  devoit  lui  être 
(;i)SponJ.   renvoyée  (a).  La  XIX.  SeiTion  fut  occupée.  1  .A  négocier  la  réu- 

mun.  XL*  nlon  avec  ^es  Grecs  dont  les  ambalîadeurs  étoient  préfens.  1.  On 
lut  un  décret  pour  la  converfion  des  Juifs.  Ce  Décret  ordonne 
que  les  Evêques  choiliront  des  docteurs  habiles  pour  aller  tous  les 
anSj  de  fois  à  autre, prêcher  l'Evangile  dans  les  lieux  où  habitent 
les  Juifs  ^  qu'on  les  contraindra  à  venir  à  ces  prédications,  fous 
peine  d'être  exclus  de  tout  commerce  avec  les  Chrétiens  3  que 
pour  faciliter  ces  converfions  on  tiendra,  félon  l'ordonnance  du 
Concile  de  Vienne  ,  deux  docteurs  dans  chaque  Univerfité  pour 
enfeigner  Y  Hébreu  ,  Y  Arabe  ,\zCbaldcen ,  ôclcGrec.  On  y  défend 
auflî  aux  évêques  &  aux  feigneurs  féculiers  de  fouffrir  que  des 
Chrétiens  3  ou  des  femmes  Chrétiennes  entrent  au  fervice  des 
Juifs  pour  quelque  ufage  quecefoit.  On  y  renouvelle  les  anciens 
canon*  fur  la  conduite  que  les  Chrétiens  doivent  tenir  à  l'égard 

(bj  AB.Con*  des  Juifs  &  des  autres  infidèles  (b).  On  verra  ces  chofès  plus  en  dé- 

tail  dans  l'hiftoire  du  Concile  de  Bade, 
u  ville  de      XXXVIII.  Cette  même  année  mourut  Conrad  III.  arche. 

Ma^k-bour-  v£nue  de  Mayence ,  &  Theodoric  comte  & Erbach  fut  mis  en  la 

c:n  le  ion  1  J  .  1  A 

Archevêque,  place.   Ce  dernier  envoya  auiii-tot  a  Eugène  IV.  qui  etoit  alors  à 
Florence  pour  lui  notifier  fon  élection,  èc  en  obtint  la  confirma- 
tion 6c  le  Pallium.  Il  envoya  tout  de  même  à  l'Empereur  qui  étoit 
(c)  Kerar.    £  Presbourg ,  &  qui  confirma  auffi  cette  élection  (c).  Il  y  eut  à  peu 
gunt.Tri.p.  près  en  ce  même  temps  de  grands  démêlez  entre  la  ville  de  Maq- 
748*  debourg ,  &.  Gunthier de  Swartzembourg  fon  archevêque.   Les  habi- 

tans  voulant  fortifier  leur  ville  pour  le  défendre  contre  leurs  en- 
nemis ,  &en  particulier  contre  les  Bohémiens,  qui  tout  afFoiblis 
qu'ils  étoient  ne  laifloient  pas  de  faire  des  courfes,  propoferent 
que  l'Archevêque  feroit  une  partie  des  frais ,  &  le  Clergé  l'autre. 
L'Archevêque  rejetta  la  proposition  3  mais  les  citoyens  perfiftant 
dans  leur  réfolution  enlevèrent  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  précieux 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zlv.  XVÎI.  43  î 

chez  l'Archevêque  &  chez  Tes  Capitulaires ,  pour  le  mettre  en    1434, 
lieu  de  fureté.   Il  fallut  céder  à  la  force.   Les  Chanoines  fe  diflî- 
percnt,  l'Archevêque  qui  s'étoit  fauve  à  Calbe  y  fut  affiégé  par 
ceux  de  Magdeboucg.  Ayant  avec  beaucoup  de  peine  échappé 
de  leurs  mains,  il  porta  ion  affaire  au  Concile y  &  devant  l'Em-    . .  ¥dfk 
pereur.  Il  gagna  (a  caufe  dans  l'un  &  l'autre  tribunal.   La  vil-  Orig'. Saxon, 
le  de  Maedeboure  fut  condamnée  à  l'interdit  eccléfiaftique ,  l  iK  v,n'r' 
&  au  ban  de  1  Empire  3  il  dans  un  certain  terme  elle  ne  retablilioit  ann.  I4?4. 
les  chofes  dans  leur  premier  état  (a).  num-  LVHI- 

XXXIX.  Le  R.oi  de  Pologne  avoir  aufli  envoyé  fes  ambaf-     VoUgne. 
fadeurs  au  Concile.  Ce  n'étoit  pas  feulement  pour  y  traiter  avec  ™££t  duca" 
les  autres  des  affaires  de  l'Eglife  en  général ,  c'étoit  aullî  pour  fe  Roi  de  Polo- 
juil-ifier  des  mauvaifes  imprelîions  que  les  Chevaliers  Teutoni-  loSne- 
ques  &  l'Empereur  lui-même,  avoient  voulu  donner  de  lui,  à 
caufe  de  fesliaifons  avec  les  Bohémiens.  Ces  ambafladeurs  n'é- 
toient  encore  qu'à  Pofnanïe ,  lorfqu'ils  y  apprirent  la  mort  de  La- 
diflas.   Ce  Prince  mourut  fort  chrétiennement  à  Grodck  le  dernier 
de  Mai  de  cette  année.   L'Hiftoire  lui  attribue  de  grandes  qua- 
litez  mêlées  de  grands  vices.   Le  dernier  paroit  par  les  fréquentes 
cenfures  que  lui  faifoit  l'intrépide  Evêque  de  Cracovie.  Celle  qu'il 
lui  addrefla  à  fon  départ  pour  fon  ambaflade  au  Concile  étoit  des 
plus  hardies,  &elle  mérite  qu'on  en  donne  ici  le  précis,  parce 
qu'elle  fait  en  même  temps  connoître,,  &  le  caractère  du  Roi  6c 
celui  du  Prélat.  »  Je  fuis,  dit  -il  à  ion  Prince  ,  dans  une  grande 
»  inquiétude  fur  le  témoignage  que  je  pourrai  rendre  de  vos 
»  mœurs  à  l'Eglife  univerfelle  dans  leConcile^qui  ne  manquera  pas 
y>  de  m'interroger  là-defEus.  Je  fçais  que  vous  êtes  un  prince  doux , 
»  dévot,  libéral,  patient  3  humble  &  clément.   Mais  vous  avez 
y»  des  vices  qui  ofïufquent  ces  vertus,  &  qui  même  les  égalent. 
«Car  vous  paflez  les  nuits  dans  la  crapule  (  1) ,  &  la  plus  grande 
»  partie  du  jour  dans  le  fommeil.  Vous  n'entendez  fouvent  la 
»  Méfie  que  fur  la  fin  du  jour.  Vous  opprimez  tellement  les  eglifes 
»>&  les  monafteres,  que  fouvent  les  eccléfiaftiques  Scies  religieux 
»  font  obligez  de  les  abandonner  ,  &  fous  ce  prétexte  vous  confif- 
«quez  les  biens  de  l'Eglife.  A  l'égard  de  votre  cour,  qui  eft-ce 
»  qui  pourroit  en  fouffrir  les  excès  ?  Tout  le  monde  fe  plaint  d'en 
«être  accablé.  On  y  vit  fans  règles  &  fans  loix.  Une  avarice  infa- 

(  i)  Tous  les  HiftoriensPulonois  témoignent  unanimement  qu'il  ne  bûvoit  jamais  que  de 
l'eau  j  &  qu'il  nogoûta  jamais  de  rin.  Il  faut  pourtant,  fi  le  reproche  de  l'Evéque  cft  vérita- 
ble, qu'il  but  de  quelques  liqueurs  enyvrantes.  Il  mangeoit  d'ailleurs  à  l'excès.  Cr orner,  ubi 
fupr.  p.  471. 

Iii  ij 


43  6  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
'i±\\ .  M  tiable  porte  vos  courcifans  aux  exa&ions  les  plus  onereufes.  Vous 
»,  faites  faire  à  votre  gré  des  changemens  dans  la  monnoye  ,  qui 
»  ruineront  à  la  fin  le  Royaume.  Vous  n'écoutez  ni  la  veuve ,  ni 
»  l'orphelin ,  ni  les  oppreiTez.  Il  y  a  ici  préfens  plufieurs  de  vos  fu- 
»  jets  furie  biendefquels  vous  avez  porté  vos  mains  avares,  fous  de 
35  vains  prétextes ,  &  fans  les  avoir  entendus  ».  Après  lui  avoir  fait 
d'autres  reproches,  il  finit  en  ces  termes:  »Je  vous  ai  fouvent 
»  averti  de  toutes  ces  chofes  depuis  que  de  votre  fujet ,  je  fuis  de- 
»  venu  votre  père,  tant  en  particulier  qu'en  prefence  de  témoins, 
»  vous  follicitanc  inftamment  de  changer  de  vie  avant  votre  mort, 
»  qui  fans  doute  n'eft  pas  éloignée  ,  &  de  quitter  vos  anciennes  fu- 
»  perditions  dont  j'ai  honte  de  parler  (i).  A  prefent  que  je  fuis  fur 
»  mon  départ ,  &  que  ,  comme  j'ai  lieu  de  le  croire ,  je  ne  vous  ver- 
»  rai  plus  dans  cette  vie ,  j'ai  voulu  vous  adrefler  cette  cenfure  pu- 
«blique  (i),  pour  le  bien  de  votre  ame,  pour  votre  honneur  3  & 
»pour  fatisfaireà  mon  devoir.  O  Roi  !  je  voudrois  bien  aufli  (3) 
»  vous  complaire ,  mais  j'aime  mieux  votre  falut ,  &  celui  de  la  Ré- 
»  publique  s  quand  même  vous  m'en  devriez  haïr.  Que  fi  vous  per- 
»fifiez^dans  votre  train  3  je  vous  déclare  que  je  fuis  rèfolu  de  lancer con- 
»  tre  vous  les  cenfures  ecclèfiaftiques  >  afin  de  vous  dompter -par  la  verge 
»  Apofiolique  ,  fi  je  ne  puis  vous  ramener  far  des  exhortations  pater- 
»  nelles  ».  Ce  difcours  fut  applaudi  de  toute  l'aflemblée.  Il  n'en  fut 
pas  de  même  du  Roi.  Il  entra  dans  une  telle  fureur ,  qu'il  ne  me- 
naçoit  pas  de  moins  que  de  perdre  le  prélat.  Cependant  il  en  re- 
vint 3  éc  témoigna  même  ce  retour  avant  fa  mort  par  plufieurs 
reftitutions  confiderables.  Il  donna  en  mourant  une  belle  mar- 
que de  fon  bon  naturel  ôc  defon  repentir,  lorfque  tirant  de  fon 
doigt  un  anneau  que  la  reine  Edwige  lui  avoit  donné  en  foi  de  ma- 
riage ,  &  qu'il  avoit  toujours  porté  ,  il  ordonna  à  un  de  fes  cham- 
bellans d'en  faire  prefent  de  fa  part  à  Sbinko  évêque  de  Cracovie  , 
r^Tir'  ^  ^e  ^e  Pr^er  de  Ie  porter  en  mémoire  de  lui,  de  lui  pardonner  fes 
6$\.  emportemens,  lorfqu'il  l'avoit  fi  juitement  repris  (a). 

Sonfiiseft      XL.  Auffi- tôt  après  la  mort  d'Vladifias ,  les  Ambafîàdeurs  qui 

«lu  Roi.       alloient  au  Concile  furent  rappeliez,  parce  qu'on  jugea  que  les 

affaires  du  Royaume  prefloient  plus  que  celles  du  Concile ,  où  il  y 

(  1  )  Il  confervoit  encore  quelques  njperftitio.'ispayennes.  Superftitiones  qttafdam  ttb  ineunte 
ittate  imbibitas ,  adextremumufque  retinttit  :  in  qnibus  illa  fritt ,  quoi  quotidie  priuj  quant  pro~ 
iiretinpublicumterfefeingyrttmvertebat,  $$  flipulatn  ter  confraiïam  in  terrant  abjiciebat.  Cro- 
jner.  ubifupr- 

(1)  Les  autres  ambafîàdeurs,  &  tout  leconfeildu  Roi  e'toient  prefens. 

(3J  II  taxoit  indirectement  l'archevêque  de  Gncfne  qui  molliiïoit,  quoique  depuis  il  eût 
approuvé  la  feverité  de  Sbinkjt. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Zh.  JfVll.  43 7 

avoit  déjà  afîez  de  gens  pour  pourvoir  au  bien  de  l'Eglife.  Sbinko  1434,1 
aflembla  cous  les  Grands  de  la  Haute  Pologne  36c  propofa  de  cou- 
ronner inceflamment  Uladijlas  fils  aîné  du  Roi ,  prince  d'une  gran- 
de efperance.  Cecte  propofition  ne  pafla  pas  fans  beaucoup  de  con- 
tradictions ,  à  caufe  de  la  jeunefle  du  prince  royal.  Enfin  toutes  les 
difficultez  funnontées  3  il  fut  couronné  à  Cracoviepar  l'archevê- 
que de  Gnefne ,  le  jour  de  la  fête  de  St.  Jacques. 

XLI.  Il  fut  réfolu  d'abord  d'envoyer  des  ambafladeurs  à  l'Em-  AmbafTadc 
pereur  qui  étoit  alors  à  Presbourg.  Le  but  de  cette  ambaflade  étoic  ?e Folrène, 
de  propofer  le  mariage  du  jeune  Roi  avec  la  fille  à* Albert  archiduc 
d'autriche,  afin  d'affermir  entre  l'Empereur  &,  la  Pologne  une 
paix  fort  chancelante.  Mais  le  Palatin  de  Cracovie  mécontent 
de  l'élection  du  Roi  avoit  fait  entendre  à  Sigifmond  que  l'ambak 
fade  avoit  ordre  de  lui  offrir  les  rênes  du  Gouvernement  du  royau- 
me ,  &  de  le  mettre  fous  fa  protection.  On  prétend  que  Sigifmond 
fut  la  dupe  d'une  fi  agréable  proposition ,  àc  qu'il  s'en  vanta  en 
plein  confeil ,  où  il  y  avoit  alors  des  Electeurs  de  l'Empire.  Ce- 
pendant il  fut  bien  furpris,  lorfquel'ambaflade  arrivée,  on  ne  lui 
propofa  que  le  mariage  dont  on  vient  de  parler.  Irrité  de  cet  af- 
front, il  fit  propofer  aux  ambafladeurs  de  leur  donner  1000.  flo- 
rins tous  les  ans,  s'ils  vouloient  lui  faire  déférer  le  gouvernement 
de  Pologne,  promettant  qu'il  n'accepceroit  point  cette  offre.  Mais 
les  ambafladeurs  refuferent  d'outrepafler  leurs  ordres  3  &:  s'en  tin- 
rent à  la  propofition  du  mariage.  Sur  quoi  Sigifmond  répondit  qu'il 
n'étoit  pas  raifonnable  de  conclure  une  telle  alliance  , avant  que 
d'avoir  termine  les  démêlez  entre  les  Rois  &  les  Royaumes.  En  mê- 
me temson  envoya  de  nouveaux  ambafladeurs  au  Concile  pour 
fe  joindre  à  ceux  qui  y  é  toient  déjà.  La  nouvelle  de  la  mort  du  Roi 
de  Pologne  que  portèrent  ces  ambafladeurs,  caufa  une  tiifteife 
générale ,  &  on  lui  fit  des  obféques  magnifiques  à  Balle. 


lii  iij 


H  I  S  T  O  I  R 

DE     LA 

GUERRE 

DES 

H  U  S  S  I  T  E  S 

ET       DU 

CONCILE   DE   BASLE. 


LIVRE     XVIII. 


1435- 

Conditions 
propofées  ;i 
Sigijmond 

pour  le  rece- 
voir en  Bo- 
bine. 


I, 


E  n  d  A  n  T   l'abfence  de  l'Empereur  qui  s'en  étoit 
rlB^Si  rec<xirné  en  Hongrie,  les  Etats  de  Bohême  s'afîern- 
"^HB  blerent  pour  délibérer  des  conditions  fous  lefquel- 


|  les  on  l'accepteroit  pour  Roi.  On  convint  de  ces 
14.  articles.  Le  1.  que  l'Empereur  confirmeroit&feroit  foigneu- 
fement  obferver  les  quatre  articles  accordez  par  le  Concile  de  Ba- 
lle. Le  1.  Qu'ilauroità  fa  cour  des  prédicateurs  Hufîîtes.  Le  3. 
qu'il  n'obligeroit  perfonne  à  bâtir  des  châteaux  fur  Tes  terres  7  ni  à 


ET  DU  CONCILE  DE  B  A  S  LE.  Liv.  JCVllI-w 
recevoir  des  moines.  Le  4.  Qu'il  récabliroic  l'Académie ,  &  aug-  ^  ^ 
menteroic  les  revenus  de  l'Hôpital.  Le  5.  Que  les  habicans  du 
royaume  ne  feroienc  point  forcez  à  rebâtir  les  monafteres  qui  a- 
voient  été  détruits.  Le  6.  Qu'il  reftitueroit  au  Royaume  (es  pri- 
vilèges ,  &  qu'il  lui  rendroit  les  Reliques  &  les  ornemens  royaux 
(0-  7-  Quehorsdel'Eglifeonprêcheroiten  Allemand,  mais  que 
dans  l'Eglife  on  prêcheroit  en  Bohémien  (2).  Le  8.  Qu'on  ne  re- 
cevroit  point  d'étrangers  dans  le  Sénat.  Le  9.  Que  les  orphelins 
6c  les  pupilles  ne  fe  marieroient  point  fans  leconfentement  de  leurs 
païens.  Le  10.  Qu'il  feroit  battre  de  bonne  monnoie ,  &  relever 
les  murailles  des  villes  bâties  fur  les  montagnes  (3).  Le  11.  Qu'en 
ion  abfence  il  ne  donneroit  i'adminiilration  à  aucun  étranger. 
Le  1 2 .  Qu'on  rendît  aux  Juifs  ce  qu'on  leur  devoit ,  fans  payer  les 
intérêts  (1).  Le  13.  Que  ceux  qui  pendant  les  troubles,  s'etoient 
retirez  (de  Bohême)  ou,,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaife,  s'en  retireroient 
dans  la  fuite  par  quelque  nouvelle  émeute,  ne  revinflent  point  chez 
eux  malgré  les  citoyens  (5).  Le  14.  Qu'on  donneroit  uneamnif- 
tie  générale. 

II.  Ces  articles  arrêtez  3  on  réfolut  d'envoyer  une  ambalïade  Troubles  en 
[olemndle  à  S igifrnond  pour  les  luipréfenter,  Ôc  lui  offrir  leroyau- 
me  à  ces  conditions.  Mais  elle  fut  retardée  par  ces  deux  raifons. 
L'une,  qu'il  furvint  une  ambaflade  de  Sigifhiond  lui-même  j  on 
n'en  dit  ni  le  fujet  ni  le  réfultar.  L'autre ,  qu'il  arriva  de  nouveaux 
troubles  fur  ces  entrefaites.  Un  prêtre  Taborite  ayant  aiTemblé 
quelques  troupes,  avoit  enlevé  la  ville  de  Colin  aux  Orphelins, 
qui  fe  defendirenc  vaillamment  contre  lui.  De  peur  que  cette  étin- 
celle ne  produiiît  un  incendie,  ks  Taborites  &  les  Orphelins 
convinrent  de  donner  cette  ville  en  féqueitre  à  Mai fon  Neuve , 
en  attendant  qu'on  pût  décidera  qui  elle  appartiendroit.  Pendant 
ce  temps  là  il  fe  tint  une  conférence  à  Beronne  entre  les  eccléfiafti- 
ques.  Il  y  eut  tant  de  conteitations ,  que  chacun  étoit  réïblu  de  fe 

("i)  C'ctoit  un  privilège  du  Royaume  degarder  fes  Reliques  &  Tes  ornemens*,  mais  quand 
Sijrifmond  fe  fit  couronner  il  les  mit  en  dépôt  à  Wisrhad,  où  il  avoit  laiffé  garnifon  avant  que 
de  prendre  la  fuite. 

(2)  Cet  article  efi  équivoque i  c'eft-à-dire  apparemment  que  dans  les  Eglifes  on  ne  prêche- 
roit qu'en  Bohémien  ,  &  que  fi  l'on  préchoit  en  Allem  md  ce  feroit  dans  d'autresendroits. 

(  1  )  Ut  probam  monetttm  cuderet ,  fnontattafque  civitates  extolleret.  Theob.  ubi  fupr.  cap. 
LXXXI1I. 

[±)Utrjttdœisfaitemfor$,  quœip/ù  deberetur ,   redderetur ,  nec  itidetn  ufura  exfoheretnr.  ubi 

(<)  Oui  tempore  (editionis ,  vel  profugiffcnt,  ant  (  quod  tetmen  Dens  npt.  max.  clementijjtmc 
Hvertat)  in  ulla  deinceps  prcfitgituri  ejjlnt ,  itivitis civibus ad (uos  ne  redirent,  ubi  fupr.  J'ai  m, s 
en  parenthefc  (  de  Bohêrûe  )  pour  éclaircir  cet  Art'clc  fort  équivoque  dans  l'original. 


44o     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

143  ?•    rec'rer  cnez  f°i  ^ans  r^en  conclure,  lorfqu'il  arriva  des  Légats 
du  Concile  qui  firent  reprendre  la  négociation  avec  tant  de  fuc- 
ccs,  que  tous  généralement,  l'Univerfité,  les  Huffites ,  les  Ta- 
borites  &  les  Orphelins  promirent  d'obferver  le  concordat  de 
Bafle.  Cependant  lesTaborites  remuoient  toujours  5  700.  d'en- 
tre eux,  fçavoir  500.  fantaffins  ,  &  2 00.  chevaux,  entreprirent  de 
reprendre  Lomnit^.  Mais  Rofemberg  y  étant  accouru  ,  leur  donna 
la  chalîe,  ôc  en  tua  400.  entre  lesquels  fe  trouva  leur  prêtre  qui 
leur  avoit  fait  prendre  les  armes. 
L'Empereur     ***•  ^e  re*te  de  troubles  appaifé ,  l'ambaflade  partit  pour  Brinn, 
accepte  ces  ou  Brina  en  Moravie,  où  étoit  Sigifmond  avec  l'Archiduc  fon 
conditions.   gencjre>  Cette  ambafla de  confiftoir  en  huit  Seigneurs,  à  la  tête 
defquels  étoit  Mainardde  Maifon  Neuve ,  ôc  en  trois  prêtres ,  à 
la  tête  defquels  étoit  Rocki^ane ,  aufquels  Te  joignirent  quelques- 
uns  des  principaux  citoyens  de  Prague  (1).  Ces  articles  furent 
prefentez  à  l'Empereur,  avec  l'offre  emprefîee  de  la  couronne  de 
Bohême.  Il  les  confirma  tous  en  prefence  d'une  grande  quantité 
de  nobleiTe  de  Bohême  &  de  Moravie,  quiattendoit  avec  impa- 
tience la conclulîon  d'une  fi  importante  affaire. 
i«  Légats  du      IV.  Les  mêmes  légats  du  Concile,  quiavoientété  à  Ratif- 
Suvcntà     b°nne  &  à  Prague ,  s'étoient  rendus  à  Brinn  avec  l'explication  des 
Brinn.        quatre  articles  du  concordat.  Il  y  eut  une  difpute  fort  échauffée 
entre  les  Bohémiens ,  fur  tout  entre  leurs  prêtres  &  les  Légats ,  au 
iujet  de  l'article  des  biens  d'Eglife.  Le  Concile  dans  le  projet  du 
concordat  avoit  mis  cation  ne  fouvoit  les  ufurper  fans  facrilege. 
Mais  les  Bohémiens  prétendant  qu'en  pafiànt  cet  article,  ils  fe 
confeiïeroient  eux-mêmes  fa  cri  leg£  s ,  vouloient  qu'on  mît  quon  ne 
devoit pas  les  retenir  injufiement ,  ou  ,  qu'il  étoit  injuffede  les  retenir. 
L'Empereur  ,  pour  empêcher   que  cet  incident  ne  rompît  le 
traité,  fut  d'avis  d'envoyer  un  des  légats  du  Concile,  pour  avoir 
/adécifionlà-deilus.  On  y  eny  oy  a.  Bokmar.  En  attendant,  l'Em- 
pereur donna  rendez-  vous  à  Albe  Royale  en  Hongrie,  tant  aux 
légats  du  Concile ,  qu'aux  députez  de  Bohême. 
Députez  des      V.  Cependant  ces  derniers  allèrent  faire  leur  rapport  au  gou- 
Et..t$  de  Bo-  verneurdu  Royaume.  Ilaflemblaauflî-tôtles  Etats,  où  de  nou- 
pinn,         veau  1  on  convint  unanimement  de  recevoir  &  de  reconnoître  <SÏ- 
gifmond,  puifqu'il  avoit  confirmé  leurs  articles  ,  aufîî-bien  c\\xAL 
bertion  gendre,  qui  devoit  être  fon  fucceiïeur.  GafparSlich  chan- 
celier de  l'Empereur ,  étoit  à  cette  diète  de  la  part  de  ce  Prince 

(  1  j  On  peut  voir  le  nom  des  uns  &  des  autres  dans  le  M#rs  Mor civique,  pag.  524. 

jour 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JfVllI.^i 
pour  apporter  la  confirmation  de  ce  qui  avoit  été  réfolu  à  Brinn.  I4,  c 
De  quoi  les  Bohémiens  témoignèrent  une  grande  reconnoifîance 
à  ce  Chancelier  envers  Sigifmond.  En  même  temps  on  nomma  une 
ambaflade  à  l'Empereur.  Elle  étoit  compofée  d'un  député  de  cha- 
que état  ,  entre  lefquels  il  y  avoit  quatre  des  principaux  éccléfiaf- 
tiques.  Ilsavoient  un  ordre  exprès  &  (celle  du  Sceau  du  Royau- 
me ,  de fe  préfenter au  ?iom  de  tous  les  corps  des  Bohémiens  &  des  Jlfo- 
raves ,  aux  légats  du  Concile  ,  &  de  leur  promettre  obéiffance  a  fainte 
mère  Eglifc  ,  &  aufaint  Siège  apoflolique.  Voici  l'Acte.  »  Au  nom 
«de  Dieu.  Amen.  Nous  Alefs  de  Ri^enberg  ,  autrement  de  Wir^ef- 
»tiow  6c  Swibow  gouverneur  du  royaume  de  Bohême,  barons, 
«nobles,  écuiers  (milites)  clients,  vafïaux,  la  ville  de  Prague,  6c 
»  les  autres  villes  ,  6c  les  prêtres  faifant  6c  repréfentant  la  congré- 
gation générale  du  royaume  de  Bohême  &  du  marquifat  de 
«Moravie,  en  vertu  de  ces  préfentes,  nous  vous  établirions  ôc 
«envoyons,  vous  R.  M.WenceJlas  de  Prahow  officiai  de  l'arche- 
«vêché,  les  honorables  &  diferets  perfonnages  Paul  de  Slauvi- 
«  kovitx^  bachelier  aux  Arts  libéraux  ,  curé  de  St.  Gilles ,  6c  Cor- 
»  redeur  du  clergé  épifcopal ,  Wenceflas  curé  de  St.  Nicolas  dans  la  - 
«vieille  ville  de  Prague  ,  Bohunko  de  Choczjza  ,  redeur  6c  doyen 
»  del'EglifedeLitomeritz  ,  nos  chers  prêtres  en  J.  C.  pour  vous 
«préfenterau  révérend  père  en  Chrift  Philibert  evêque  de  Cou- 
«  tance,  &  à  Tes  collègues  légats  du  faint  Concile  général  de  Baf- 
«  le ,  pour  l'accomplifîèment  6c  l'exécution  des  concordats  (  Corn- 
»pa[latorum  )  par  vous  tous  ,  ou  par  la  plus  grande  partie  ,  6c 
«prêrer  la  révérence  due,  6c  l'obédience  canonique  à  fainte  mère 
«Eglife,  au  facré  Concile  général ,  au  Pontife  Romain,  6c  à  nos 
«prélats  canoniquement  élus,  comme  il  a  été  réfolu  à  Brinn , 
»  voulant  au  nom  de  tous  les  éccléfiaftiques  de  Bohême  6c  de  Mo- 
«  ravie ,  accepter  &  ratifier  de  bonne  foi  tout  ce  que  vous  ferez  en 
»  vertu  des  préfentes.  En  foi  de  quoi ,  nous  avons  muni  nos  lettres 
»  du  Sceau  du  Royaume  de  Bohême.  A  Prague,  dans  le  Collège 

O  '  O  r    \   f>   Al' 

«  de  Charles ,  le  jour  de  St.  Matthieu  apôtre  &  évangelifte.  L'an  Xïîvmx.v,' 
»  1435  (a)-  288- 

VI.  Polemar  revint  bientôt  à  Albc  Royale ,  avec  Padoucifle-    Retour  de« 
ment  que  le  Concile  avoit  donné  à  l'article  des  biens  d'Eelife.  Députez  du 

/-^  ii  i-  •     •  r      t       i  -i  >       •/•    Concile  a 

Cette  nouvelle  répandit  une  joie  générale:  ce  comme  il  ne  s  agit-  Aihe^au. 
foit  plus  que  d'une  confirmation  plus  folemnelle,  de  la  part  de 
l'Empereur  ,  des  Bohémiens,  &  des  Moraves ,  l'Empereur  indiqua 
pour  cela  un  congrès  à  Iglau  en  Moravie,  fur  les  frontières  de  la 
Tom.  I.  K  k  k 


#  h 


442       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
...  -      Bohême.  On  dit  que  dans  cette  occafion  Sigfmond  gagna  le  cœur 
de  tout  le  monde,  parfa  douceur  &  (on  affabilité  ,  parlant  popu- 
lairement aux  uns  ôc  aux  autres ,  félon  leur  inclination  et  leur  ca- 
ractère. Ce  fut  apparemment  dans  cette  même  occafion  qu'il  ex- 
pliqua, en  leur  faveur,  quelques  articles  du  concordat ,  qui  n'y 
étoient  pasaflez  cclaircis.  Il  leur  accorda  même  un  privilège  qui 
n'y  étoit  pas  énoncé,  c'étoit  de  s'élire  un  Archevêque.  Il  étoit 
conçu  en  ces  termes  :  »  Nous  Voulons  aufli  que  les  généreux  ,  no- 
»  blés ,  vaillans ,  illuftres  Seigneurs  de  Bohême  3  la  ville  de  Prague, 
»»&  les  autres  villes  avec  le  Clergé,  puiflent  élire  un  Archevêque 
»  de  Prague  ,  &  d'autres  Evêques  furfragants  ^  lefquels  étant  élus, 
«nous  les  confirmerons,  fans  qu'il  foit  befoin  d'autre  confïrma- 
»  tion  ^  après  quoi  ils  feront  facrez  Evêques  ,  fans  que  la  cérémonie 
»  du  Pallium  (oit  néceflaire ,  &  fans  rien  payer  aux  Notaires  ,  &: 
»  tout  le  clergé  du  Diocéfe  de  Prague  fera  obligé  d'obéir  à  l'Ar- 
(0  Rockji..  »  chevêque  ainfi  élu  (a).  »  Il  rit  aufîi  de  grandes  large/les  aux  am- 
ubiibpr.p.    bafladeurs  de  Bohême  &.dc  Moravie  ;  caril  leur  donna  foixante 
Manù'i.coà.  mille  ducats  ou  écus  d'or  {aureorum)6i  une  prodigieufe  quantité 
far.  Gem.     Je  gros  bétail.  De  forte  qu'ils  s'en  retournèrent  fort  contens  dans 
1  fL/"part.  leur  Pais  >  ou  ^s  arrivèrent  le  1 7.  de  Juin  de  l'année  fuivante.  En 
11.  p.  141.     attendant  nous  parcourerons  les  autres  païs,pour  voir  ce  qui  s'y  eft 
142#  pailé  cette  année  143  5. 

Affairesc-  VII.  Cette  année  mourut  Jeanne  II.  reine  de  Sicile  âgée  de 
trS>r& Ef-  65.  ans,  après  un  règne  fort  malheureux  d'environ  11.  an.  On 
yagtté.  dit  qu'elle  voulut  être  inhumée  fort  fimplement  dans  l'églife  delà 

_Mori :  de  la  yiercre  de  Y  Annonciade ,  en  pénitence  de  fa  vie  luxurieufe.  Comme 
pi.s.  elle  ne  laifla  point  d'enfans,  elle  établit  par  ion  teltament  René 

duc  d'Anjou ,  frère  de  Loiiis ,  qu'elle  avoit  adopté ,  &  nomma  flx 
des  Seigneurs  du  Royaume  pour  l'adminiftrer  en  attendant  l'arri- 
vée de  ce  Prince  que  le  Duc  de  Bourgogne  tenoit  prifonnier  (1). 
Dès  o^  Eugène  IV .  eut  appris  la  mort  de  Jeanne,  il  envoya  à  Na- 
ples  lignifier  aux  Grands  du  Royaume  qu'ils  euiTènt  à  s'abftenir  de 
toute  élection  jufqu'à  ce  qu'il  en  eût  difpofé  lui-même ,  prétendant 
par  la  mort  de  Jeanne  qu'il  étoit  dévolu  à  l'Eglife  Romaine.  Il 
envoya  en  effet  pour  en  prendre  poffeflîon  de  h  part  JeanVitellef- 
chi  évêque  de  Racanati ,  &  patriarche  d'Alexandrie3qui  paflbic 
pour  un  homme  de  tête  ôc  de  main.  Mais  les  Napolitains  partagez 
entre  Alphonfe  à'Arragon,  &  René  à.' Anjou  ,  ne  jugèrent  pas  àpro- 

(1)  Il  fut  pris  en  combattant  pour  le  duché  de  Lorrain  centre  Antoine  de  Yauhmont  fon 
concurrent. 


ET  DU  CONCILE  DE  B  AS  LE.  Zip.  XVIIl.^ 
posderien  réfoudre  en  faveur  du  Pape  ;&  à  la  pluralité  des  voix  14*5. 
ils  envoyèrent  à  René  pour  lui  offrir  le  Royaume.  Comme  ce  Prin- 
ce avoit  été  élargi  fur  fa  parole  ,  plutôt  que  de  la  violer  il  envoya 
à  Naples  avec  fes  deux  ÇÂsJfabclle  fon  époufe ,  à  qui  l'Empereur 
Sigifmond avoit  adjugé  le  duché  de  Lorraine  dans  le  Concile  de 
Bafle.  Elle  y  fut  reçue  avec  toutes  fortes  d'honneurs,  &  en  l'ài^- 
fence  de  fon  époux  ,  on  lui  adjoignit  des  adminiftrateurs  du  royau- 
n\e.  Le  Pape  écrivit  au  Duc  de  Bourgogne  une  lettre  fort  tou- 
chante &  fore  chrétienne ,  pour  lui  demander  l'élargiflement  de 
René  (a).  00  *a7*- *■■ 

Cependant  les  partifansd'^//>,W/£  roi  d'Arragon  envoyèrent I4'^' 
desambafladeursàce  Prince,  pour  l'inviter  à  venir  prendre  pof-  . 
feiîion  du  Royaume,  ôc  lui  mirent  entre  les  mains  la  ville  de  Ca- 
poue }  dont  ils  s'étoient  emparez  par  furprife.  Alphonfe  étoit  alors 
en  Sicile  avec  une  bonne  flotte  ,  accompagnée  de  Jean  roi  de  Na- 
varre&des  Infants.  Il  commença  fon  expédition  parlefiégede 
Gayete ,  place  forte  dans  la  terre  de  Labour,  environ  à  18.  lieuë's 
de  Naples.  Mais  les  Génois, qui  avoient  beaucoup  de  leurs  citoyens 
à  Gayete  avec  quantité  de  précieufes  marchandifes  ;  follicitez 
d'ailleurs  par  Philippe  duc  de  Milan,  équipèrent  auffi  une  flotte 
pour  s'oppofer  aux  deiîeinsde  i'Arragonois.  Il  fallut  en  venir  aux 
mains  non  loin  del'iflede./^tff/^.  Le  combat  fut  rude,  &;  la  vic- 
toire long-temps  difputée.  Elle  fe  déclara  enfin  pour  le  parti  du 
Duc  à' Anjou.  La  flotte  à*  Alphonfe  fut  battue,  &  prefque toute 
coulée  à  fond.  Il  fut  pris  lui-même  prifonnier  avec  les  Princes  fes 
frères  s  &  remis  entre  les  mains  du  Duc  de  Milan.  Ce  dernier  don- 
na la  liberté  aux  prifonniers  ,  après  les  avoir  comblez  de  préfens  -y 
&  promit  même  à  Alphonfe  de  s'unir  avec  lui  contre  les  François 
pour  la  conquête  de  la  Sicile.  Par  cette  victoire  Gayete  fut  déli- 
vrée j  les  Génois  triomphèrent  &  fecouérentle  joug  du  Duc  de  % 
Milan.   Le  Roi  de  France  qui  foutenoit  René  a l'Anjou ,  foupçon- 
nant  que  l'entreprife  de  i'Arragonois  s'étoit  faite  de  concert  avec 
lePape,lui  en  fit  de  grands  reproches.  Eugène  IV.  s'en  difculpa 
par  une  Bulle ,  &  ordonna  en  même  temps  aux  deux  partis  de  de- 
meurer dans  l'inaction  jufqu'à  nouvel  ordre(b).  Le  Pape  étoit     (b)'Bxjv. 
alors  à  Florence  ,  ouil  manqua  d'être  arrêté.  Le  Duc  de  Milan  ami.  1455. & 
qui  lui  en  vouloit  toujours ,  à  caufe  de  la  protection  qu'il  donnoit  anS"i4u! 
à  l'Angevin ,  lui  envoya  Barthelemi  évêque  de  Novarre ,  fous  pré-  num.xii.  & 
texte  de  lui  parler  de  paix,  mais  dans  le  fond  pour  l'arrêter  lors  ^'141".  ' 
qu'il  forriroit  de  la  ville  pour  quelque  promenade.  Ce  Prélat  étoic  aum.  iv. 

Kkk  ij 


444      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

jnc  affifté  dans  cette  entreprife  par  Nicolas  Piccinin  Général  du  Duc;" 
mais  la  confpiration  fut  découverte.  Le  Pape  pardonna  à  PEvêque 
par  l'interceflion  du  Cardinal  Alberyiti.  La  paix  fe  conclut  cette 
année  entre  le  Pape,  le  Duc  de  Milan  ^"les  Vénitiens,  &  les  Flo- 
rentins. 
Trame  &  VUE.  L'Afïemblée  d'Arras  occupa  cette  année  les  efprits  en 
Angleterre.     prance    en  Angleterre ,  en  Italie,  &à  Balle.  L'Hiftoire  témoigne 

Congres  mu-  >  ,  O  '  *  ,  '  © 

tka^Arras.    que  depuis  long-temps  il  n'y  en  avoir  point  eu  déplus  celebre^I! 
s'agifloit  de  faire  la  paix  entre  la  France  &.  l'Angleterre  ,  &  de  ré- 
concilier Philippe  duc  de  Bourgogne,  dit  le  Bon ,   avec  Charles 
VII.  Les  ambaiîadeurs  des  deux  Royaumes  y  étoient  en  grand 
nombre,  aufïî-bien  que  ceux  de  ce  Duc.  Le  Concile  &  le  Pape, 
comme  on  l'a  déjà  dit ,  yavoient  chacun  leurs  légats  pour  fervir 
de  médiateurs.  1 1  s'y  rendit  aufîi  des  ambaiîadeurs  de  l'Empereur, 
&  des  Rois  de  Chypre,  de  Portugal,  de  Sicile,  d'Efpagne,  de 
Navarre,  de  Pologne,  deDannemarck,  des  Ducs  de  Bretagne 
&  de  Milan ,  outre  les  députez  de  l'Univerfité  de  Paris ,  &  de  plu- 
fleurs  autres,  aufli-bienque  des  principales  villes,  qui  pouvoient 
avoir  intérêt  au  traité.  Tout  ce  grand  attirail  de  monde  ,  &  ces 
fpécieux  préparatifs  ne  produifirentprefque  aucun  effet ,  tant  les 
prétentions  des  deux  partis  étoient  oppofées.  On  jugea  même 
qu'ils  avoient  plus  d'envie  d'amufer  le  monde  par  des  apparences 
de  paix ,  que  de  faire  en  effet  une  paix  dont  ils  avoient  fi  grand  be- 
foin  les  uns  &:  les  autres.  Les  dernières  offres  de  la  France  furent 
de  céder  au  Roi  d'Angleterre  toute  la  Guienne  èc  toute  la  Nor- 
mandie qu'il  pofifedoit  -y  à  condition  qu'il  quitteroit  le  nom  de  Roi 
(a)  Spotid.    de  France  ,  &  qu'il  feroit  hommage  de  ces  deux  Provinces  à 
nuni vi. và.  Charles  VII.  Ces  propofitions  parurent  fi  raifonnables  aux  Mê- 
le p.  Dan.     diateurs,  qu'ils  preflerent  inftamment  les  Anglois  de  les  accepter. 
Franc. To%.  Mais  ceux-ci ,  qui  outre  ces  deux  Provinces  prétendoient  gar- 
iv.  | .  s>9-     der  tout  ce  qu'ils  tenoient  dans  le  Royaume ,  ôc  conferver  à  leur 
d'Angl.  '     R°ile  titre  de  Roi  de  France,  furent  fi  choquez  de  ces  offres, 
Tum^iv.p.  qu'ils  fe  retirèrent  brufquement  du  congrès  fans  donner  même 
8?*  aucune  réponfe  (a). 

Réconcilia-      j  x.  Le  Duc  de  Bourgogne, qui  avoit  déjaréfolu  defe  détacher 

de  France,  &  des  Anglois  fut  plus  facile  à  difpofer  à  la  paix.  Pour  la  faciliter  da- 

du  Duc  de    vantage,le  cardinal  de  Ste  Croix  légat  du  Pape  dégagea  le  Duc  du 

uri^gne.   ferment  de  fidélité  qu'il  avoit  prêté  au  Roi  d'Angleterre.  Les  Hif- 

toriens  Anglois  ont  regardé  cette  démarche  d'Eugène  IV.  comme 

une  infidélité.  Mais  d'autres  y  ont  trouvé  beaucoup  de  prudence. 


ET  DU  CONCILE  DE  B  AS  LE.  Liv.XVIII.^ 
parce  qu'il  valloic  mieux  fauver  l'un  des  deux  Royaumes  enpaci-     I(4,  ^ 
fiant  la  France ,  que  de  les  perdre  tous  deux  en  donnant  lieu  à  la 
continuation  de  la  guerre  parla  jonction  du  Duc  avecl'Anglois. 
Quoi  qu'il  en  foit,  lapaixfe  fît  à  des  conditions  défavantageules,,&; 
fort  peu  honorables  au  Roi  de  France.  Il  faut  avouerait  le  P.  Da- 
niel 3  qu'en  cette  occafion  le  vaffal  donna  la  loi  à  fonfouverain.  Zapaix 
fut  conclue  à  des  conditions  que  la  feule  nece(]itè,&  le  fuccès  avaîitageux 
quelle  eutpour  L'  Etat3peuventjuflifîer(a.).On  peut  voir  ces  conditions  (a)  Tom.iv. 
dans  toute  leur  étendue  chez  les  hiftoriensFrançois.Je  ne  donnerai  ubl  fupr' 
que  les  trois  premières,  comme  les  plus  interelîantes  par  rapport  à 
l'hiftoire  générale.  On  fçait  que  Jean  Duc  de  Bourgogne ,  qui  en 
1407.  avoit  fait  afla/Iîner  Louis  Duc  à' Orléans ,  fut  lui  -  même  af- 
faffiné  en  141  9.  à  Montereau-Faut-Yonne  dans  l'Ifle  de  France 
par  les  gens  qui  accompagnoient  le  Dauphin  dans  une  entrevue 
que  ces  deux  Princes  dévoient  avoir  en  ce  lieu-la  (b).  On  peut  ju-  ^  ut.Dm. 
ger  que  cet  aflaiïinat  augmenta  beaucoup  l'aigreur  des  deux  fac-  Tom.  in.P„ 
tions  Françoifes.  Le  Duc  Philippe  fils  de  Jean  s'unit  plus  étroite- j?0I,p02* 
ment  que  jamais  avecl'Anglois  pour  vanger  la  mort  de  fon  père. 
La  première  condition  du  traité  fut  donc  ,  que  le  Roi  de  France  fc- 
roit  dire  au  Duc  de  Bourgogne ,  que  le  meurtre  du  Duc  Jean  fon  père 
avoit  été  fait  injujiement ,  &  par  mauvais  confeil  ;  que  cette  aiïion  lui 
avoit  toujours  déplu  ,  &  lui  déplaifoit  toujours  ;  &  que  s'il  eût  feu  ce 
deffein ,  &  qu'il  eût  eu  l'âge  &  la  connoiffance  qu'il  avoit  pré fentementr 
il  s'y  fût  oppofé  de  tout  fon  pouvoir  jqu 'il prioit le Duc  de Bourgogne  d'où* 
blier  cette  injure  ,  &  de  fe  réconcilier fincerement  avec  lui.  Il  fut  ajouté 
à  cet  article  3  que  dans  le  traité  d'accommodement  3  il  feroit  parlé  de 
cette  fatisfaHion  que  le  Roi fai foit  au  Duc  (c).  Peut-être  qu'en  effet,  tc\  iep  ^^ 
comme  quelques-uns  l'ont  crû  ,  quoi  que  peu  vraifemblablemenr,  ««at.IV. 
Je  Dauphin  n'eut  point  de  part  à  cette  perfidie ,  &.  que  ce  fut  un  ubl  fupr* 
complot  fecret  des  Orleanois  qui  l'accompagnoient.  Quoi  qu'il 
en  foit,  le  fécond  article  du  traité  étoit,  que  ceux  quiavoient  eu 
part  à  ce  meurtre  feroient  recherchez  &:  punis.  J'exprimerai  le 
troifiéme  dans  les  termes  du  P.  Daniel.  Que  pour  l'ame  du  feu  Duc 
^Bourgogne,  ^^'ArchambauddeEoix  ,  comte  de  Noailles  qui 
fut  tué  avec  lui ,  &  pour  les  autres  qui  avoient  péri  dans  les  guerres 
dont  ce  meurtre  avoit  été  l 'occafion  3  le  Roi  fonderoit  a  fes  dépens  une 
chapelle  à  Montereau-F  aut-Yonne  où  le  meurtre  avoit  été  commis  3  & 
que  ce  Bénéfice  feroit  à  la  collation  du  Duc9de  Bourgogne,  &  de  fes 
defeendans  à  perpétuité.  Que  le  Roi  pour  le  même  fuj£t  fonderoit  en  la 
même  ville  une  églife  ,  &  un  couvent  de  Chartreux  ,  &  qu'il  ferait  éle- 

Kkkiij, 


446         HÏST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

ver  fur  le  pont  ou  le  Duc  avoit  été  tué  s  une  belle  croix  qui  y  fer  oit  tou- 

^'    purs  entretenue  &  reparée  aux  frais  du  Roi  ;  qu'aux  Chartreux  de 

Dijon  ,  ou  le  corps  du  Duc  repofoit  actuellement ,  le  Roi  fonderoit  une 

fa)  ubi  fupr.  grande  MeJJe  de  Requiem ,  qui  fe  diroita  perpétuité  tous  les  jours  (aJ. 

p.  ioo.        Ces  conditions  étoient  fletriffantes,  les  autres  étoient  plus  dures. 
Te  ne  m'y  arrêterai  pas ,  parce  que  ces  fortes  de  conventions  ex- 
torquées par  la  néceflîté  ne  habilitent  pas  long- temps. 
Allemagne.      X.  Le  Concile  tint  cette  année  trois  Sellions.  Dans  la  première 
SciHonsdu  quiétoit  la  XX.  on  décréta  contre  les  prêtres  concubinaires,  de 

B.XCilC  dC  on  ordonna  aux  féculiers  de  garder  la  foi  conjugale  ,  &  à  ceux  qui 
n'ont  pas  le  don  de  continence,  de  fe  marier.  On  y  défendit  d'é- 
viter le  commerce  des  excommuniez  dont  l'excommunication 
n'auroit  pas  été  publiée  canoniquement ,  comme  aufli  de  ne  pas 
mettre  légèrement  les  villes  &  lescommunautez  à  l'interdit  ,&de 
ne  pas  appeller  fans  de  grandes  raifons,  pour  ne  pas  prolonger  6c 
multiplier  les  procès.  Dans  la  Seflîon  XXI.  on  réfokit  de  nouveau 
l'abolition  des  Annates $  mais  ce  décret  ne  pafla  pas  fans  de  gran- 
des oppofitions  delà  part  des  légats  du  Pape.  On  défendit  la  Si- 
monie fous  des  peines  très-griéves,  dont  le  Pape  lui-même  ne  fe- 
roit  pas  exempt ,  devant  être  déféré  au  Concile  s'il  y  tombait.  On 
fit  quelques  autres  Reglemens  concernant  la  difeipline  écciéiiafîi- 
que  ,  &  l'Office  divin.  Dans  cette  même  Seflîon  ,  on  fit  un  décret 
contre  certains  fpectacles  qui  fe  donnoient^dans  les  églifes  pen- 
dant quelques  Fêtes ,  fous  le  nom  de  Fêtes  desfoux.  Je  rapporterai 
la  chofe  dans  les  termes  du  Continuateur  de  l'Abbé  Fleury  ».  Ces 
»  fpe&acles ,  dit-il  3  fe  faifoient  en  certaines  Fêtes,  où  l'on  habil- 
itait des  enfans  en  évêques,  avec  la  mître,  lacrofïe3&  les  habits 
»  pontificaux  3  leur  faifant  imiter  dans  cet  équipage  les  fondions 
?»  des  évêques.  D'autres  étoient  habillez  en  rois  ,  ôcc'eftce  que  le 
»  Concile  dit  qu'on  appelloit  la  fête  des  foux  ,  ou  des  innocens. 
«On  y  parle  aufïi  des  danfes  6c  des  mafearades  d'hommes  6c  de 
»  femmes  que  le  Concile  défend  aux  Ordinaires,  aux  Doyens, 
»  Redeurs  &  Curez  de  fouffrir ,  fous  peine  d'être  privez  de  leur 
»  revenu  pendant  trois  mois.  Il  parle  auffi  des  ventes  qu'on  faifoit 
«dans  les  églifes  ou  dans  les  cimetières,  6c  qu'on  ne  doit  pas  per- 
»  mettre,  foumettant  ceux  qui  y  contreviendroient  aux  cenfures 
(b)o«tz-»écCléfiaftiques  (b)».  On  apprend  du  P.  Pagi  que  fur  la  fin  du 

nuat.deiien,  y^w^  fiécle ,  Odon  évêqi*e  de  Paris ,  par  ordre  de  Pierre  cardinal 

p.'iio  •      deCapoue  légat  en  France,  avoit  défendu  ces  fortes  de  jeux  ■  6c 
que  la  Pragmatique -Sanction  avoit  confirmé  la  défenfe  duÇon- 


ET  DU  CONCILE  DE  B  A  S  L  E.  Ziv.  XVril.  447 
cilede  Bafle  »cec  égard.  Cependant  ce  même  Auteur  rnousap-    ,,,  *  < 
*  prend  qu'on  faifoic  encore  la  fête  des  fouxen  quelques  endroits  de 
France,  fous  prétexte  que   la  Pragmatique  -  Sanction  avoit  été 
abolie.  Cette  Fête  durcit  encore  à  Rheims  en  1  509.  (a).  La  Sefîion  (.1)  Paj/ubi 
XXII.  fut  employée  à  l'examen  des  erreurs  d'un  certain  Do&eur,  fuPr-P-  S71' 
appelle  AugujHn  de  Rome ,  archevêque  titulaire  de  Nazareth. 

Oeil  à  peu-près  ce  quife  lut  dans  ces  trois  Sefîïons  publiques. 
Mais  dans  les  congrégations  générales  il  y  eut  toute  cette  année 
de  longues  &  pénible^  négociations  fur  deux  affaires  importantes. 
La  première  etoit  entre  le  Pape  &  le  Concile  3  qui  par  fes  décrets 
donnoit  tous  les  jours  de  nouvelles  atteintes  à  fon  autorité  ôc  à  fes 
revenus.  L'autreregardoit  la  réunion  des  Grecs.  Ces  négociations 
furent  infru&ueufes ,,  le  Pape  6c  le  Concile  ne  voulant  rien  relâ- 
cher de  leurs  prétentions  réciproques.  D'ailleurs,  ce  même  Pape 
&  ce  même  Concile  fe  croifoient  dans  l'affaire  des  Grecs.  Le  Con- 
cile prétendoit  que  leur  réunion  fe  fît  à  Bafle  ,  mais  Eugène  ,  avec 
quiilfemble  que  les  Grecs  s'entendoient,  vouloit  que  ce  fût  ail- 
leurs, dans  un  lieu  à  fa  bienféance,  &  où.  il  pût  être  préfent  comme 
les  Grecs  le  demandoient  aufli. 

XL  Le  règne  du  jeune  Wladiflas  commença  fous  d'heureux  Pologne. 
aufpices.  On  a  vu  les  années  précédentes  Switrigal  chalîé  de  la  iJJcSa- 
Lithuanie  dont  il  s'étoiteimparé  avec  le  titre  de  Grand  Duc  par  licrs  Teuto- 
ia  connivence  de  feu  Wladiflas  fon  frère.  Comme  il  refufoit  de  "a^es  dé~ 
faire  hommage  de  ce  Duché  à  la  Pologne  3  &que  même  il  s'étoit 
foulevé  contre  fon  bienfaiteur,  le  Roi  donna  charge  à  Sigifmond 
Starodubsky  frère  du  feu  grand  Duc  Withoud  de  ranger  Switrigal 
à  la  raifon  3  ôcdefe  mettre  en  pofïefîïon  de  la  Lithuanie.  Switrigal 
en  effet  fut  battu ,  Sigifmond  prit  fa  place ,  &  fît  hommage  du 
Grand  Duché  à  la  Pologne.  Cette  année  le  rebelle  Switrigal  vou- 
lut fe.relever  •  il  fe  ligua  avec  les  Chevaliers  Teutoniques  Se  Coribut 
pour  dépofîeder  Starodubsky.  Dès  que  ce  dernier  en  eut  la  nou- 
velle, nefefentantpasen  état  de  réfifter  à  une  fi  forte  ligue,  il 
'envoya  demander  du  fecours  à  Wladislas  fon  neveu.  Le  jeune 
Roi,  duconfeildes  Prélats  &  des  Barons,  envoya  auflî-tôt  une 
bonne  armée  au  fecours  de  fon  oncle.  Switrigal  effrayé  de  la  jonc- 
tion des  Lithuaniens  &  des  Polonois  ,  dont  il  connoifîoit  la  bra- 
voure 3  au  lieu  qu'il  avoit  fouvent  éprouvé  la  lâcheté  des  Cheva- 
liers, demanda  la  paix  pour  ainfî  dire  à  genoux.  Il  propofoit  de 
remettre  leurs  démêle^  réciproques  à  l'arbitrage  ,  ou  du  Pape ,  ou  de 
Sigifmond  ,  ou  de  quelques  autres  Princes  Catholiques  ,  ou  même  en~ 


448        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1 43  f .  fin  de  quelques  gens  de  bien ,  pourvu  feulement  quils  fuffent  chrétiens  9 
{z)biug.  ubi  (a)  voulant  apparemment  infirmer  les  Bohémiens  ,  ou  quelques 
iupr.p.tf3j.  princes  du  rit  grec.  Mais  les  Polonois  &  les  Lithuaniens  ne  fe 
trouvant  pas  d'humeur  de  manquer  uneaufli  belle  occaûon  que 
celle  que  leur  donnoic  l'épouvante  de  Switrigal,  refuférent  tout 
accommodement  avec  beaucoup  de  hauteur.  Ils  étoient  prêts  à 
donner  ,  lors  que  Switrigal  décampa,  tout  à  coup,  pour  attendre 
quelque  fecours  qui  lui  de  voit  venir  de  Livonie.  Coribut  non  moins 
effrayé  en  fit  autant.  On  lui  attribue  un  allez  bon  mot  dans  cette 
occasion.  Les  Chevaliers  étoient  lefles  &  brillants  dans  leurs  ha- 
bits &  dans  leurs  armes.  Les  Polonois  au  contraire  &  les  Lithua- 
niens étoient  prefque  à  demi  nuds ,  &  tout  bafanez.  Comme 
quelques-uns  fe  mocquoientde  ces  derniers  :  Sifavois  a  choifîr , 
dit  Coribut,  je  prendrjis  parti  dans  £  armée  noire.  Les  Chevaliers, 
les  Livoniens ,  les  Tartares  ,  les  RufTes , ayant  étépourfuivis  dans 
leur  retraite,  il  y  eut  pendant  une  heure  un  fanglant  combat. 
Mais  enfin  ils  furent  tous  mis  en  fuite,  tuez,  ou  faits  prifonniers. 
Jamais  on  ne  vit  tant  de  carnage ,  ni  victoire  aufïi  çomplette.  Swi- 
trigalqui  fçavoit  les  chemins  fe  fauva  avec  quelque  peu  de  Rufles. 
Coributtwx.  pris  les  armes  à  la  main  tout  percé  <le  coups ,  &  mourut 
bientôt  après  de  fes  blefîures.  L'Empereur  Sigifmond  avoit  envoyé 
des  ambafTadeurs  à  Wladislas  pour  le  prier  d'accommoder  les  dé- 
mêlez de  Switrigal  &du  grand  DucdeLithuanie.  Mais  à  peine 
l'ambaflade  fut-elle  arrivée, qu'on  apporta  la  nouvelle  de  la  victoi- 
re des  P  ^lonois  &  des  Lithuaniens.  Cette  victoire  facilita  beau- 
coup la  paix  entre  la  Pologne  &.  les  Chevaliers.  Elle  fut  conclue  ôc 
lignée  fur  la  fin  de  cette  année.  On  rapporte  que  les  conditions  du 
traité  étoient  d'une  fi  grande  étendue, qu'elles  faifoient  un  volume 
confidérable  ,  &.  que  là-defTus  les  prélats  &.  les  barons  de  Pologne 
exhortèrent  les  prélatsôc  les  commandeurs  de  Prufîe,  à  être  plus 
fidèles  &  plus  exacts  à  obfcrver  cette  paix  que  les  précédentes  ,  parce 
que  celle-ci  é  toit  dans  un  livre ,  au  lieu  que  les  autres  étoient  fur  des 
1436.    feuilles  volan  tes  (  1  ) . 

Dicte  à         XII.  Au  commencement  de  1436.  les  Etats  de  Bohême  fe  raf- 
i&mnu        femblerentpour  envoyer  en  Hongrie  une  nouvelle  ambaffade  à 

(  1  )  Diug.  ubi  fupr.  p.  62j..  6ZZ.  Il  ne  faut  pas  omettre  ici  la  mort  de  Ptvtl  Vladimir  de 
Brudx.evvo,  dofteur  en  droit,  chanoine  deCracovie  ,  delà  noble  maifon  de  Dolenga,  C'eft  le 
même  qu'on  a  vu  paroitre  avec  éclat  aai-Concilc  de  Confiance  ,  &  y  fîgnaler  fon  r.elc  en  far- 
ceur de  la  Pologne  contre  les  chevaliers  de  Pruffe.  Il  fit  la  même  chofe  à  Rgme  ,  à  Bade ,  &  en 
plufieurs  autres  lieux.  lia  paffé  pour  un  des  plus  illuflrcs  hommes  de  fon  temps,  tant  par  fa 
y*rtu  que  par  fon  fça  voir  &  fes  négociations. 

Sigifmond , 


m 


ET  DU  CONCILE  DE  B  AS  LE.  Ziv.Jrril  1.445 

Sigifmond,  avec  d'inftantes  prières  de  venir  prendre  pofîefTion  de  IAt  6t 
fon  royaume.  La  paix  étoit  conclue.  Les  Taborites,  quoiqu'avec 
peine  ôc  avec  regret ,  s'étoient  fournis  au  concordat  arrêté  à  Bide. 
L'Empereur  l'avoit  déjà  confirmé  à  Albe  royale  j  mais  comme  il 
reftoit  encore  quelques  difficultez  à  lever,  il  avoit  promis  de  le 
confirmer  plus  folemnellement  à  Iglaw  3  ôc  d'y  mettre  la  dernière 
main.  Il  s'y  rendit  en  effet  au  mois  de  Juin,  avec  l'Archiduc  fon 
gendre.  Il  y  avoic  déjà  quelques  jours  que  les  légats  du  Concile  l'y 
accendoient.  Ilparoîcpar  les  dates,  que  ces  légats  avoient  reçu, 
de  nouveaux  pleins  pouvoirs  plus  amples  que  les  précédents.  J'en 
trouve  deux  qui  ont  été  tirez  delà  Bibliothèque  de  Wolfembutel  3  ôc 
datez  du  même  jour,  ou  à  un  jour  l'un  de  l'autre ,  c'eft-à-dire  le 
1  2.  ou  le  13.  de  Mars  de  cette  année.  L'un  eft  plus  général ,  ôc 
nerenfermequeleplein-pouvoir.  L'autre  entredans  un  plusgrand 
détail,  ôc  eft  conçu  à  peu  près  en  ces  termes.  »,  Nous  avons  jugé  à 
«propos  de  vous  envoyer  en  qualité  de  nos  légats  en  Bohême  ôc 
»  en  Moravie,  avec  plein-pouvoir ,  comme  il  paroît  par  nos  au- 
»  très  lettres.  Mais  parce  que  ces  termes  généraux  de  pouvoir  ôc 
»de  juriidi&ion  eccléfiaftique  pourroient  fouffrir  quelque  am- 
«biguité,  nous  vous  déclarons  par  les  prefentes  ,  que  nous  vous 
»  donnons ,  ou  à  trois ,  ou  à  deux  d'entre  vous ,  pouvoir  de  con- 
«noître  de  toutes  les  caufestant  civiles  qu'eccié(iaftiques_,  crimi- 
nelles Ôc  fpirituelles  j  d'entendre  ou  faire  entendre  les  parties  j 
5»  de  décerner  ,  défaire  enquête  des  crimes  $  de  punir  les  délin- 
»quans,  ou  de  les  abfoudre  fi  vous  le  jugez  à  propos  >  de  conférer 
«toute  forte  de  Bénéfices ,  quand  même  ils  feroient  dévolus  au 
»  Siège  apoftolique  -y  ôc  généralement  d'exercer  toute  jurifdsctioa 
»  volontaire  ôc  contentieufe  dans  tout  le  royaume  de  Bohême,  ôc 
»lemarquifat  de  Moravie ,  ôc  la  même  puiflance  eccléfiaftique 
»  qu'ont  accoutumé  d'avoir  les  Cardinaux  légats  à  latere.  A  Bafie 
»  ce  13.  Mars  (aj  ».  Il  s'y  rendit  une  quantité  de  monde  fi  prodi-  (a)  c*cbi.  ubi 
gieufe ,  fur  tout  de  noble/le,  qu'à  peine  y  avoit-il  en  Bohême  &  en  ÎXmj.  cw! 
Moravie  aucun  homme  de  diftin&ion  ,  qui  ne  voulut  être  témoin  jur.Gent.ubi 
delaconclufiond'une  affaire  fi  importante.  C'eft  icil'occafion  ôc  (uPr.p.-i4tf. 
lelieu  de  reprefentercettepiecefifameufe/i  folemnellement  jurée, 
ôc  fi  fouvent  violée  de  part  Ôc  d'autre. Il  faut  la  traduire  mot  à  mot. 

XIII.  A 'u  nom  de  notre  Seigneur  J '.  C,  Amen.  On  eft  convenu  far  Concordats 
la  grâce  du  St.  Efprit ,  dans  la  ville  de  Prague  3  de  ce  qui  eft-  écrit  ci-  ta  dcs  '^^c. 
de  (fous  entre  les  légats  dufacré  Concile  de  B  a  fie ,  &  ï  a  [[emblée  généra-  miens  nvec 
le  de  lillufire  royaume  de  Bohème  §  &  du  marquifat  de  Moravie.        '  '^'m 
Tem.  I.  LU 


4jo       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

E43  6,  "  r  •  Ladite  afïembiée  au  nom  defdits  royaume  &  marquifat ,  & 
»>  pour  cous  6c  chacun  d'eux ,  recevra,  acceptera,  6c  ratifiera  en  la 
«  meilleure  forme  ce  traité  de  paix  perpétuelle  &  d'unité  eccléfiaf- 
»  tique.  2.  Cela  fait ,  lefdits  légats ,  au  nom  5c  en  l'autorité  dudic 
»  facré  Concile  3  admettront  &  recevront  ladite  paix  &  unité  ,  £c 
»  publieront  une  paix  générale  de  tout  le  peuple  Chrétien  avec 
»  tous  les  habitans  defdits  royaume  6c  marquifat.  Ils  lèveront  cou- 
rtes les  fentences  de  cenfures  (ou  d'excommunication)  6ccndon- 
»  neront  une  entière  abolition.  Ils  ordonneront  à  tous  les  chré- 
»  tiens ,  6c  à  chacun  d'eux  ,  que  déformais  perfonne  n'ait  à  difFa- 
«  mer  lefdits  royaume  bc  marquifat  pour  ce  qui  s'eft  patlé  5  qu'on 

-,  »  ne  fafle  aucune  injuftice  ni  violence  à  leurs  habitans,  mais  qu'au 

»  contraire  on  vivra  avec  eux  dans  une  paix  chrétienne,  6c  dans 
»>une  conitante  amitié,  6c  qu'on  les  regardera  comme  frères,  6c 
»  enfans  obéïfîans  à  fainte  mère  Eglife.  3 .  Sur  Je  premier  article 
k  que  les  Ambafladeurs  de  Bohême  6c  de  Moravie  ont  prefenté  au 
»  facré  Concile  en  ces  termes  -y  Que  la  Communion  de  la  très-divine 
»  Euchariftie ,  four  être  utile  & falutaire ,  doit  être  librement  admi- 
»  nijirèe  par  les  prêtres  fous  l'une  &  l'autre  efpece ,  Ravoir  du  pain  & 
»  du  vin  y  à  tous  les  fidèles  de  Bohême  &  de  Moravie  ,  &  dans  tous  les 
»  lieux  où  il  y  a  des  gens  de  leur  fentiment ,  à  cet  égards  Sur  cet  article 
»  on  eft  convenu  de  ceci  ',  Que  les  Bohémiens  6c  les  Moraves  de  l'un 
»  ôc  de  l'autre  fexe,qui  embrafTeront  réellement  6c  de  fait  l'unité  de 
»  la  paix  eccléfiaftique ,  6c  qui  dans  toutes  les  autres  chofes  fc  con- 
»  formeront  à  la  foi  6c  aux  cérémonies  del'Eglife  univerfelle  ,  que 
»  ceux-là  ôccelles-ià  qui  ont  un  telulage,,  communieront  fous  l'u- 
rne èc  l'autre  efpece,  par  l'autorité  de  notre  Seigneur  J.  C.  &  de 
»  l'Eglife  fon  époufe.  Et  cet  article  fera  pleinement  difcuté  au 
x  Concile  par  rapport  à  la  nature  du  précepte,  où  Ton  verra  ce 
»  qu'il  faut  tenir,  6c  comment  il  faut  agir  fur  cet  article  pour  la 
»  vérité  catholique,  &  pour  l'utilité  du  peuple  chrétien.  Quefîa- 
*  près  avoir  mûrement  traité  6c  digéré  cette  affaire,  les  Bohê- 
M  miens  pcrfïftent  par  leurs  ambafîadeurs  à  délirer  la  Communion 
»  fous  les  deux  efpeces ,  le  facré  Concile  donnera  3  au  nom  du  Sei  - 
»gneur  ,  aux  prêtres  defdits  royaume  6c  marquifat  le  pouvoir  de 
»  communier  le  peuple  fous  l'une  6c  l'autre  efpece  5  fçavoir  les  per- 
sonnes qui  étant  en  âge  de  difcretion  le  demanderont  avec  dé- 
»  votion  6c  révérence  3  en  obfervant  toujours  que  les  prêtres  ne 
»  manquent  jamais  de  dire  à  ceux  qui  communient  ainfi ,  qu'ils  doi- 
»  vent  croire  fermement  que  la  chair  de  J.  C.  ntft  pas  feulement  fous 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.JFfTIII.if* 

*>  tefpece  du -pain  ,  ni  le  fangjeulement  fous  l'efpece  du  vin  ,  mais  que     r ^,  £ 

^J  .C.  efi  tout  entier  fous  chacune  des  efpeces.  Et  les  légats  du  fàcrc 

»  Concile  écriront  en  ion  nom  pour  ordonner  à  tout  le  monde ,  de 

»  quelque  condition  6c  état  qu'on  foie ,  denepointinfulter,  nifai- 

»  re  aucun  tort ,  foie  en  paroles ,  foit  en  adions ,  aux  Bohémiens 

»  &  aux  Moraves  qui  communieront  fous  les  deux  efpeces.  Ce  que 

»  le  Concile  ordonnera  aufli. 

»4.  Sur  les  trois  articles  fui  vans  ,  les  légats  du  facré  Concile 
»  concluent  ainfi  j  Comme  il  faut  aller  f'obrement  &  avec  circonf- 
»pe&ion,  quand  il  s'agit  de  la  vérité  catholique,  fur  tout  dans 
»  un  Concile  général,  afin  que  la  vérité  foit  tellement  éclaircie, 
»  qu'il  n'y  ait  point  de  fujet  d'erreur  ou  de  fcandale,  ou,  comme 
■»  parle  St.  Ifidore  ,  de  furprife  &.  d'ambiguïté  par  l'obfeurité  des 
»  exprefîîons ,  ileftbon  de  s'expliquer  nettement.  Sur  la  répré- 
»henfion  ,  ou  punition  des  péchez, vous  avez  pofé  cet  article  -.Tous 
»lespecbezjnoriels ,  &  fur  tout  les  publics ,  doivent  être  réprimez^,  cor- 
»  rirez^  &  bannis  raifonnablement ,  &  félon  la  loi  de  Dieu  ,  par  ceux 
»  qui  y  ont  intérêt.  Ôr  (  difoient  les  légats)  ces  mots  ,  par  ceux 
»  qui  y  ont  intérêt  (per  cos  quorum  intereft)  font  trop  généraux  , 
»  &  pourroient  être  en  piège  &  en  fcandale  à  quelqu'un  ■>  ce  qui  eh: 
»  contre  l'Ecriture  ,  qui  ne  veut  pas  quon  mette  rien  devant  l'aveugle 
»  quipuife  le  faire  tomber  (a) ,  &  qui  veut  qu'on  bouche  les  foffes  ,  de  (a)  levk. 
»  peur  que  le  bœuf  du  v  01  fin  ne  s'y  ble/Je  (i).  Nous  difons  donc  que  XIX" I4* 
»  félon  l'Ecriture  &  les  fainrs  Docteurs,  les  péchez  mortels  &  fur 
»  tout  les  publics  doivent  être  repris,  corrigez,  &  bannis,  autant 
»  que  cela  fe  peur  raifonnablement  félon  la  loi  de  Dieu  &  les  régle- 
»  mens  des  faints  Pères,  &  que  le  pouvoir  de  punir  les  coupables 
»  n'appartient  pas  à  des  particuliers,  mais  feulement  à  ceux  à  qui 
»le  droit  &  la  juftice  donnent  juridiction  fur  eux. 

»  5.  Sur  votre  article  de  la  prédication  de  la  parole  de  Dieu , 
»  conçu  en  ces  termes  ,  que  la  parole  de  Dieu  doit  être  prêchee  libre- 
»  ment  &  fidèlement  par  des  prêtres  &  des  lévites  qui  en  fuient  capa- 
»  blés ,  (ou  qui  y  foient  propres  ,  idoneos)  de  peur  que  ce  mot  libre- 
ornent  ne  donne occafïon  dune  liberté  vague &: générale ,  quilé- 
»  roit  préjudiciable,  &  que  vous  ne  prétendez  pas,  comme  vous 
»  l'avez  fouvent  dit,  il  faut  y  apporter  quelque  limitation.  Nous 
»  difons  donc  que ,  félon  l'Ecriture  &  les  faints  Dodeurs ,  la  parole 
»  de  Dieu  doit  être  prêchée  librement ,  non  toutefois  par  tout  in-  0 

(l)  Il  y  a,  félon  la  VuIgate.Dç uteronome  XXII,  4.  Si  vtdetis  tfinxmfratris  ttti  aut  brvem  «- 
lidiffe  in  vi<*  ,  ntn  defpicies ,  fed  lublevabis  cum  to. 

L 1 1  ij 


45i         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

J4."  6.  "  différemment,  par  des  prêtres  du  Seigneur ,  &  des  lévites  qui  y 
Û  foient  propres  &;  qui  foient  approuvez  &  envoyez  par  les  fupé- 
»  rieurs  légitimes  ,  fauf  néanmoins  l'autorité  du  Pape,  qui  en 
»  toutes  chofeseft  le  préordinateur  ,  {Prœordinator)  félon  les  fta- 
»  tuts  des  faints  Pères. 

»  6.  A  l'égard  du  dernier  article  qui  porte  ,  quilnefl  pas  fer- 
»  mis  au  clergé  ,  fous  la  loi  de  grâce  ,  de  dominer  féculieremcnt  fur  des 
»  biens  temporels ,  nous  nous  fouvenons  que  quand,  cette  matière 
»  fut  agitée  en  plein  Concile  ,  celui  qui  avoit  été  député  pour  trai- 
ter cette  queftion  ,  pofa  ces  deux  concluions.  La  première,  que 
x  leseccléfiaftiquesféculiers ,  &  non  religieux,  c'eft-à-dire,  qui 
^  n'ont  point  fait  vœu  de  pauvreté  ,  peuvent  légitimement  avoir 
»&pofTeder  toute  forte  de  biens  temporels,  comme  les  hérita^ 
»ges&  les  fucceiîions  de  leurs  pères ,  ou  d'autres  perfonnes,  &; 
«tous autres  biens  juftement  acquis ,  foit  par  donation,  foit  par 
»  contrat ,  foit  par  légitime  induitrie.  (arte  licita)  La  féconde  con- 
»  clufion  étoit  que  l'Eglifè  peut  légitimement  avoir  &  pofTeder  des 
»  biens  temporels }  meubles,  immeubles,  des  maifons ,  des  terres, 
»  des  métairies,  des  villes,  des  châteaux,  5c  y  avoir  des  domai- 
»  nés  civils  &  particuliers.  Celui  de  vos  députez  qui  portoit  la  pa- 
»  rôle  fur  cet  article  convint  que  ces  conclufions,  fi  on  les  enten- 
te doit  bien,  n'étoient  point  contraires  à  fon  article ,  parce  qu'il 
«l'entendoit  d'un  Domaine  formellement  civil  ;  par  où  il  donnoit 
»  allez  à  entendre  que  par  dominer  féculierement ,  il  vouloit  par- 
»  1er  d'une  certaine  manière  ,  Ôc  d'un  certain  ufage  particulier  de 
x  domination.  Orcommela  doctrine  de  l'Egîife  doit  être  expri- 
»  mée ,  non  en  termes  ambigus ,  mais  clairs,  nous  difons  nettement 
»  que ,  félon  l'Ecriture  &  les  faints  Docteurs ,  ces  deux  conclufions 
»  font  véritables,  quelesEccléfiaftiques  doivent  administrer  fidè- 
lement les  biens  d'Egliie  dont  ils  font  administrateurs ,  &  que 
»  ces  mêmes  biens  ne  doivent  point  être  détenus  &  occupez  injuf- 
»  tement  par  d'autres. 

»  7.  Ladite  congrégation  (1)  (ou  aiïembléej  reçoit  &  accepte 
»  la  déclaration  de  ces  trois  articles,  comme  étant  conforme  à 
5»  l'Ecriture  Sainte. Mais  parce  que  quelques  uns  trouvent  qu'il  s'eft 
»glilîé  plufieursabus  Scdéfordresau  fujet  de  ces  mêmes  trois  arti- 
»»cles ,  l'intention  de  l'afTembléeeit  d'en  demander  la  réformation 
»au  Concile.  Ce  que  les  légats  du  Concile  accordent  6c  approu- 
»  vent,pourvû  qu'on  le  fafle  d'une  manière  honnête  6c  licite,parce 

(.0  C'eA  l'afîemblcc  des  Etats  de  Bohême ,  &  de  Moravie. 


ET  DU  CONCILE  DE  B  ASLE.  Liv.JCVlll.^ 
»  que  l'intention  du  Concile  eft  de  réformer  les  mœurs ,  à  quoi  les     I+ j  $f 
»  légats  veulent  aulîi  concourir  de  tout  leur  pouvoir. 

»  8 .  Quand  ,  par  la  bénédi&ion  de  Dieu ,  la  guerre  en  matière 
»de  foi  fera  terminée,  &que  la  paix  fera  bien  établie,  il  paroîc 
»fort  expédient  que  fi  dans  d'autre^  caufes  qui  ne  concernent 
»  point  la  foi ,  les  Bohémiens  &  les  Moraves  ont  des  démêlez  avec 
»  leurs  voifins5  on  s'abftienne  de  toute  voie  de  fait,  Se  qu'on  les 
»  termine  amiablement,  ou  dansleConcile  ,  ou  dans  des  confé- 
"  «rences.,  ailleurs.  Pourl'afFermuTement  delà  paix,  les  légats  du 
y»  Concile  en  obtiendront  une  Bulle  authentique  avec  des  lettres 
»  à  tous  les  princes  &  eommunautez  des  environs  (pour  les  engager 
»  à  maintenir  la  paix;.  De  leur  côté  les  députez  de  Bohême  &  de 
»  Moravie  donneront  des  lettres  patentes  fcellées  de  leurs  fceaux, 
»  (  &  on  échangera  les  ratifications  )  fans  rien  omettre  de  parc 
»  &  d'autre  de  ce  qui  peut  contribuer  à  affermir  &  à  conferver  la 
»  paix  (i). 

XIV.  Ce  Traité  fut  exécuté  à  Ulaw ,  &  muni  des  fecaux  de    Autres  pic- 

•       ,-.     i    iS*  •  «      i        -»  r  j     1»^         ces  concer- 

l'Empereur  d'une  parc ,  &.  des  Bohémiens  &  des  Moraves  de  1  au-  nant  le  Coa,. 
tre,auffi  bien  que  des  députez  du  Concile.  On  en  peut  voir  la  con-  cordau 
iirmation  dans  plufîeurs  pièces  que  Cochlée  nous  a  confervées.  La 
première  eft  la  Bulle  des  légats  du  Concile  en  exécution  du  con- 
cordat ci-defTus.  On  y  ratifie  tous  les  articles  de  ce  concordat ,  &C 
on  y  ajoute  quelques  éclaircilïemens  &  quelques  précautions.  Les 
légats ,  par  exemple  ,  difent  que  par  la  foi  ils  entendent  la  premiè- 
re vérité ,  &  toutes  les  autres  veritez  à  croire  fuivanc  l'Ecriture  àc 
la  doctrine  de  PEglife  entendue  fainement.  Sur  les  rites  &  les  céré- 
monies de  PEgliie  univerfelle,  ils  difent  qu'ils  n'entendenc  pas 
par  là  cercaines  cérémonies  &  certains  ufages  particuliers  qui  peu- 
vent varier  en  diverfes  Provinces ,  mais  qu'ils  entendent  ce  qui  fe 
pratique  généralement  &  communément  dans  le  Service  divin. 
Ils  ajoutent  que  s'il  arrivoit  que  quelques-uns  ne  s'y  foumilïent 
pas  d'abord 3  la  faute  de  quelques  particuliers  ne  devoir  pas  rom- 
pre la  paix  &  l'union.  On  charge  dans  cette  pièce  l'Archevêque- 
de  Prague,  quand  il  y  en  aura  un,  les  évêques  àJOlmut^  &  de  Li- 
tomils  ,  &  tous  ks  prélats  qui  ont  cure  d'ames  ,  de  tenir  la  main  à 
*  Pobfervation  de  ce  traité  ^  &  on  y  déclare  que  s'il  y  a  dans  l'Uni- 

(ij  CocW.Hift.Huff.  Lib.  VII.  p.  271.  274.  Cette  pièce  eft  fort  informe  dans  l'original. 
Pour  lui  donner  une  meilleure  forme  on  a  numérote'  les  articles ,  &  donné  foit  en  marge,  foifc 
en  parenthefes ,  quelques  petits  éclairciflemens  ,  fans  rien  changer  au  fond.  On  trouve  aufli 
cette  piece,&  quelques  autres  y  appartenantes,  dans  le  livre  intitule'  LeibnitZ.-  MantiJf>Cod.Jttr* 
Geut.  Dipltm.Pait.  IL  p.  ij8.  140. 

LU  ii], 


454        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.16,    verfiré  des  écoliers  qui  communient  fous  les  deux  efpece.s,  cecu- 
fli^ene  doit  point  empêcher  leur  promotion  aux  ordres  facrez  , 
de  venir  au  Concile,  &  d'y  propofer  modeftement  leurs  difficul- 
tez  fur  la  foi ,  fur  les  facremens  3  fur  les  cérémonies  i  &  même  fur 
la  réformation  de  l'Eglife  daçs  (on  chef  &  dans  les  membres.  Cet- 
te pièce  eft  fignée  de  Philibert  évoque  de  Coutance ,  de  Jean  Po~ 
Icmar auditeur  de  Rote,  &  de  Tilmann prévôt  de  Saint  Florin  „ 
pour  tous  leurs  collègues  abfents.  Elle  eft  datée  du  5.  de  Juillet 
U)  cww.ubi(a)-  Je  trouve  dans  une  autre  copie  de  cette  pièce  un  article  omis 
iupr.  p.  *8p.  par  Cochlée ,  ou  exprès ,  ou  par  mégarde.  Il  porte  ,  que  les  légats 
du  Concile  déclarent  que  le  Juge  (  1  )  qui  a  été  nomme ,  &  énoncé  dans 
la  conférence  d'Egre  ,acté ,  eft ,  &  fera  le  juge  a  l 'égard  de  tout  ce  qu'il 
faut  croire  &  faire  dans  la  fainte  Eglife  d.c  Dieu ,  &  que  l'intention  du 
Concile  eft  de  fuivre  ce  juge  en  toutes  chofes  avec  l'affijlance  dufaint  Ef 
prit  (1).   On  parle  les  autres  pièces ,  parce  qu'elles  ne  font  que  des 
confirmations  &  des  répétitions  du  concordat ,  6c  des  éclairciffe- 
mens. 
Dccrctdu      XV.  Aurefte,  on  prétend  que  l'Empereur  impatient  de  régner 
Concile  fur   en  Bohême,  accorda  aux  Bohémiens  quelques  articles  fecrets 

le  Cjncor-  r  .  i  i  i 

dat.  qui  ne  font  point  énoncez  dans  le  concordat ,  comme  par  exem- 

ple^Que  ceux  qui  s'étaient  emparezjles  biens  des  Eglifes  les  garderaient 
&  les  tiendraient  en  gages  jufqu'a  ce  qu'on  les  rachetât  i  Que  les  Reli- 
gieux de  l'un  &  de  l'autre  fexe  a  qui  on  avoit  oté  les  monafleres,  &  quon 
avoit  bannis  ,  ne  feraient  point  rappelle^  ;  Que  Rockizane  ferait  élu 
archevêque  de  Prague  ;  Qu'on  bteroit  au  Pape  le  gouvernement  &  la 
(b)Cvchtr.  difpojîtion  des  Eglifes  de  Bohème  (b).  Il  paroît  en  effet  par  une  re- 
<q3^F  P*  ponfe  qui  fuz  t'àltc  dans  une  congrégation  générale  aux  ambafla- 
deurs  de  l'Empereur,  que  les  Pères  de  Bafleappréhendoient  que 
ce  Prince  ne  le  laiiTât  gagner  aux  follicitations  des  Bohémiens 
pour  leur  accorder  des  chofes  au  de -là  &  au  préjudice  du  con- 
cordat. >»  Jufqu'à  prefent ,  difentles  Orateurs  du  Concile ,  il  n'a  tenu 
«  qu'aux  Bohémiens ,  que  la  paix  ne  foit  conclue  depuis  plufieurs 
»  années  que  le  concordat  a  été  arrêté. -Mais  leurs  agens  font  tou- 
jours naître  de  nouveaux  incidens ,  &  ils  demandent  même  plu- 
7»  rieurs  chofes  qui  non  feulement  excédent  les  traitez  ,  mais  qui 
»y  font  contraires.  En  dernier  lieu  ,  après  plufieurs  demandes 
»  qu'ils  ont  faites  mal-à-propos  aux  légats  du  Concile  ,  ils  ont  ofé 
»  exiger  de  l'Empereur  qu'il  convînt  avec  eux  de  la  Communion 

Ci)  Ce  Juge  ,  c'efl  l'Ecriture  fainte ,  comme  on  en  convint  à  Egre. 
{l)  Leïbnitt*  Mantiff.  Cod.  Jur.  Gent.  Piplom.  ubi  fupr.  p.  147. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.J£VIII.^$ 

»  fous  les  deux  efpeces  :  Qu'il  eût  âcs  chapelains  qui  communia f-  T  j,  Ç" 
»fent  ainfi  le  peuple  j  Qu'on  n'admît  dansfon  confeil  3  &,  aux  af- 
»  faires  du  Royaume  que  des  Subutraquiftes  (  i  )  5  Que  les  Religieux 
»&  les  Religieufes  ne  feroient  point  rappeliez  lans  le  confènte- 
m  ment  de  l'Archevêque  6c  du  Gouverneur  j  Qu'ils  euiTent  le  droit 
«  de  s'élire  un  Archevêque^  plufieurs  autres  chofes  contraires  à 
»  l'ordre  .&  à  l'autorité  éccléfiaftique.  Par  ces  raifons  le  Synode, 
»  qui  a  intention  de  guérir  la  plaie  ,  &  non  de  la  cacher ,  voudroic 
»  être  allure  fi  les  Bohémiens  veulent  s'en  tenir  Amplement  &  pu- 
rement au  Concordat  3  &  l'exécuter  lans  délai,  &  fans  extor- 
»  quer  aux  Puiilances  féculieres  des  chofes  qui  font  à  la  difpofition 
»  de  l'Eglife.  Le  Concile  prétend  outre  cela  que  perfonne  ne  foit 
»  contraint  à  communier  fous  les  deux  efpéces.  Que  s'ils  ont  quel- 
que chofe  à  demander  qui  foit  du  reflbrt  de  l'Eglife,  qu'ils  s'ad- 
»dreiîent  au  Concile,  où  on  les  fovorifera  autant  qu'ilfèpeut, 
»  fauf  le  concordat.  Cette  réponfe  fut  faire  le  29.  d'Odobrede 
l'année  précédente  ,&  celle-ci  portée  à  Iglaw  (a).  Mais  apparem-  (a)  Bx.ov.nn. 
ment  l'Empereur  ne  fe  trouva  pas  d'humeur  à  facrirler  une  couron-  '4?*-  num° 
ne  aux  précautions  du  Concile.  Il  fit  à  peu-prés  ce  que  les  Bohé- 
miens fouhaitoient,  fauf  à  s'en  dédire,  comme  il  paroîtra  par  la 
fuite. 

XVI.  Quoiqu'il  en  foit,  toutes  chofes  réglées ,  les  légats  le-      R#f$jt*«i 
verent  publiquement  toutes  les  fentences  d'excommunication  accorde  par 
contre  les  Bohémiens  &  les  Moraves  du  parti  HuiTite  j  &  de  leur  aux  Bohc- 
côté  ,  ils  jurèrent  obéïiïance  à  l'Eglife  Romaine  3  &  à  Sipfmond.  miens  pour 
On  a  vu  que  dans  les  conférences  de  Brinn  &  d'Albe  royale ,  l'Em-  Archev*iuc' 
pereur  avoit  accordé  aux  Bohémiens  le  pouvoir  de  fe  faire  un  ar- 
chevêque. Ilsdemandérent  dans  celle- ci  ce  Bénéfice  your  Rocki- 
z/tne  ,  qui  depuis  long- temps  étoit  béant  après  ce  friand  morceau. 
L'Empereur  le  leur  accorda  en  ces  termes  :  »  Nous  Sigifmond  3  &c. 
»  Comme  les  Seigneurs ,  les  Chevaliers,  les  Nobles,  &  les  Villes 
»  de  notre  Royaume  de  Bohême,  nous  ont  fupplié  (2)  de  leur  faire 
»  part  de  notre  droit  à  l'élection  d'un  archevêque  de  Prague  j  nous 
»  leur  avons  gracieufement  accordé  cette  demande,  pour  le  bien 
»  du  païs  3  &  cédé  notredit  droit  à  cette  élection  3  comme  il  ap- 
»pert  par  nos  patentes  à  ce  fujet.  Ainfl  ayant  fait  leur  élection  y 
»iis  nous  ont  propofé  le  Révérend  Maître  Jean  de  Rockiz&ne  ,  avec 

(1)  Ce  font  ceux  qui  communioient  fous  les  deux  efpeces. 

(2.)  Le  traduûeur  latin  ditque cette  Requête  fut  prefentée  à  Brinn  j  mais  l'original  Aile» 
mand  ne  u«ounc  point  de  lieu.  On  a  vu  que  ce  fut  à  Albe  Rc).ik. 


45*       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1436.    »deux(i)  fuffragans  j  nous  avons  approuvé  cette  éle&ion  des 

»  uns  &  des  autres  3  6c  nous  la  confirmons  par  ces  préfentes ,  pro- 

»  mettant  de  ne  point  prendre  d'autre  archevêque  pendant  la  vie 

«  de  celui-ci,  6c  nous  allons  donner  incefïamment  nos  ordres  pour 

»  fa  confécration  ,  6c  pour  maintenir  6c  défendre  cette  élection. 

fa)  ihtoh.vfoi  (a)  L'acte  eft  daté  du  jour  de  St.  Apollinaire.  Les  dernières  paroles 

fupr.  vu.     onC  £ajc  juger  que  par  là  l'Empereur  s'engageoit  à  faire  maintenir 

xo.zu'     &  confirmer  l'élection  par  le  Pape  ,  ou  par  le  Concile. 

Entrcprife  XVII.  Les  Hiftoriens  des  deux  partis  témoignent  que  Rocki^a- 
àc  VLockjxAnt  ne  n'imita,  pas  ces  anciens  Evêques,  que  i'hiftoire  nous  reprefente 
àlgUw.  prefque  toujours  refufants  leurs  épaules  au  fardeau  épifcopal.  Il 
l'accepta  avec  autant  de  joie  qu'il  i'avoit  ambitionné  avec  ardeur. 
Il  fe  préfenta  quelques  jours  après  dans  la  place  publique  d'Iglaw, 
où  étoient  l'Empereur  ,  l'Archiduc,  les  Ambafladeurs  de  part  ôc 
d'autres,  tantféculiersqu'éccléfiaftiques,  6c  où  l'on  avoir  élevé 
un  théâtre  pour  la  cérémonie.  Là  de  fa  part,  6c  de  celle  de  foii 
clergé  ,  il  jura  folemnellement  obéïflance  &  fidélité  à  l'Eglifè  Ro- 
maine, contre  laquelle  il  avoir  fifouvent  déclamé.  L'Hiftoiredit 
unanimement  qu'il  entreprit  dans  cette  occafion  une  choie  qui 
penfa  rompre  la  paix.  On  prétend  qu'il  avoit  apode  un  feculier 
dansl'Eglife  d'Iglaw,  où  il  célébra  la  Méfie  pontifîcalement,  6c 
■qu'il  lui  donna  la  Communion  fous  les  deux  efpéces ,  en  préfence 
de  l'Empereur  6c  des  légats  du  Pape.  Ces  derniers  en  furent  fcanda- 
lifez  ,  prétendant  que  cette  entreprife  étoit  une  violation  du  con- 
cordat ,  parce  qu'elle  fe  faifoit  dans  un  autre  diocefe  ,  6c  dans  une 
Egiife  qui  apparemment  étoit  toute  catholique.  On  dit  même  que 
peu  s'en  fallut  qu'on  n'en  vînt  aux  voies  de  fait ,  6c  que  Polemarzn 
fureur  vouloir  mettre  les  mains  fur  Rocki^ane.  Mais  l'Empereur  fe 
mit  entre  deux,  6c  pour  appaifer  la  querelle,  il  allégua  l'article  du 
concordat ,  qui  portoit.,  que  quand  ?nème  quelque  particulier  en  vio- 
Uroit  quelque  article  ,  cela  ne  âev oit  point  être  un  obflacle  à  la  paix. 
Jen'entreprens  pas  de  juger  de  l'affaire,  mais  j'en  puis  pourtant 
dire  mon  fentimenten  hiftorien.  S'il  eft  vrai  que  Rockizgne  affec- 
ta de  faire  trouver  là  un  laïque  Hufîite  ,  ileuttrès-grand  tort ,  6c 
il  en  a  été  juftement  blâmé  par  les  hiftoriens  Proteftants.  Il  étoit 
hien  d'humeur  à  cela.  Car  il  eft  reprefenté  par  tout  comme  un 
homme  artificieux  6c  fouple,  quand  il  s'agifloit  de  parvenir  à  ks 

'  (1)  C'était  Martin  Lupatitts  &  If'efuejlas  de  Maut.  Le  premier  mourut  en  1468.  Il  avoit  et  : 
«nvoye' au  Concile  de  Bafle.  L'Auteur  dont  je  tire  ceci  ,  témoigne  qu'il  avoit  vu  piufieurs  de 
f<:$  manuferits.  Luoat.  Epheai.  Rer.  Bobem.  xx.  ApriL 

fins, 


ET  DU  CONCILE  DE  B  A  SLE.  Ziv.JXTriIl.  457 

fins,  mais  comme  un  homme  hautain,  quand  ilavoic  le  defliis.  1426, 
Mais  fi  d'ailleurs  le  laïque  Hufîite  fé  trouva  là  de  lui  -  même ,  & 
fans  que  Rockizane  l'y  eût  attiré,  je  ne  vois  rien  dans  le  concordat 
qui  pût  empêcher  Rocki^ane  de  le  communier  fous  les  deux  efpé- 
ces.  j'y  apperçois  bien  quelques  tours  équivoques  qui  peuvent 
tendre  là ,  comme  on  fait  dans  les  traitez  ,  &:  fur  tout  dans  les  dé- 
cidions des  Conciles.  Quoi  qu'il  en  foit,  l'affaire  fut  ain  Ci  terminée 
autant  par  l'impatience  qu'avoit  Sigifmond  de  faire  fon  entrée  à 
Prague  3  que  paria  modération. 

XVIII.  Afin  qu'il  y  fut  reçu  fans  nul  obftacle ,  les  ambafTadeurs  Lettre  c.Vcu- 
de  Bohême  £c  de  Moravie  qui  étoient  à  Iglaw  envoyèrent  des  let-  landaus  [c 
très  circulaires  dans  le  royaume  y  pour  ordonner  à  tous  les  Etats  de  Bohême 
garder  inviolablement  le  traité  qui  venoit  d'être  conclu.  Elles  pour  foire 
étoient  conçues  en  ces  termes  :«Nous,  Alzo  de  Riz£mbourg(z)  Concordat. 
»  Gouverneur  du  Royaume  de  Bohême  ,  les  Barons,  les  Gentils-    ,,  ,  . 

j  *  '  (<i  !  Autre- 

«hommes  ,  ïqs  Officiers  de  Guerre }  ( milites)ÏGs  Clients  , (  ou  les  mentde^». 
«Vaflàux)  la  Ville  de  Prague  .,  faifant  ôcrepréfentant  l'ailèmblée  ^lîiavv- 
«générale  du  Royaume  de  Bohême  ,  &;  du  Marquifat  de  Mora- 
«vie^  àtouslesfujets,  &  habitans  defdits  Royaume &.  Marquifat 
«qui  font  de  notre  parti,  de  quelque  état  &:  condition  qu'ils  puif- 
«fentêtre,  faliat  &  affection.  Commeà  l'occafiondes  difficultez 
«furvenuës  touchant  la  Foi,  &c  des  quatre  articles  entre  nous  de 
w  nos  voifïns ,  tant  au  dedans  qu'au  dehors  du  Marquifat  3  il  y  a  eu 
»  de  longues  guerres ,  &  que  par  la  grâce  de  Dieu  la  paix  a  été 
»>  conclue  entre  les  légats  du  facré  Concile  général ,  &  l'Aflemblée 
«générale  dudit  Royaume -Nous,  voulant  accepter  &  mainte- 
nir ladite  paix  au  fujetdefdites  matières  &  defdits  articles ,  com- 
bine nous  l'avons  promis  iincerement  fur  notre  foi,  Se  fur  notre 
»  honneur  3  A  ces  caufes  3  nous  vous  ordonnons  à  tous ,  &  à  cha- 
cun en  particulier  par  les  préfentes,  de  garder  Se  entretenir  une 
«paix  chrétienne,  ferme  à  perpétuelle  ,  &  de  ne  la  jamais  violer, 
»  ou  foufFrir  qu'on  la  viole  ,  foit  au  dedans ,  foit  au  dehors  du 
«  Royaume  ,  mais  au  contraire  de  tenir  la  main  à  ce  qu'elle  foit 
»  conflamment  obfervée.  En  foi  de  quoi  nous  avons  muni  les  pré- 
»  fentes  du  fceau  du  royaume  de  Bohême.  Donné  à  Iglaw  le  1  2. 
«  de  Juillet  143  6  «.  Ces  lettres  furent  mifes  le  r  5.  d'Août  entre  les  fupr.  ub. 
mains  du  légat  du  Concile  en  préfence  de  l'Empereur  (b).  vm.p.zp/. 

XIX.  Ce  Prince  fit  donc  fon  entrée  à  Prague  le  13 .  d'Août  (1),     Receptio» 
&il  y  fut  reçu  avec  les  acclamations  de  tout  le  monde.  Ce  riètoit  d?  lEi;]pc~ 

J  i  r  reur  a  i'ra- 

(0  Iheobald  dit  que  ce  ne  fut  que  le  14.  Septembre.  Sue« 

Tom.  I.  M  m  ni 


4^3       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

14.^6.    flus>  dit  ^neasSylvius,  cet  ennemi  de  la  Bohème ,  cet  homme  né  en 

adultère  ,  ce  fils  de  l' Ante-chrifl ,  ce  facrilège  à  la  perte  de  qui  tout  le 

monde  devoit  confpirer.  Jl fut  reçu  avec  tous  les  honneurs  pojjîb  le  s.  Les 

barons  &  les  villes  lui prêtèrent  ferment  de  fidélité ,  &  acceptèrent  les 

magifirats  qti  il  leur  donna.  C'était  à  qui  témoignerait  le  plus  d'obèïf- 

f»)  j¥.n.  Sjlv.  fiance ,  tant  l'efprit  humain  efl  extrême  ,  quelque  parti  qu'il  prenne  (a). 

cap.  LIL       Toutes  les  trois  villes ,  die  un  autre  Auteur, a  lièrent  enfouie  au  devant 

de  lui  avec  une  quantité  prodigieufe  de  noble ffc ,  &  le  proclamèrent  leur 

légitime  fouverain  au  milieu  des  acclamations  publiques.  Vous  euffiez^ 

dit  que  c'  et  oit  une  autre  ville ,  &  d'autres  hommes  s  tant  le  peuple  cfi 

inconfiant.  Quatre  jours  après  ,  fc  avoir  le  Dimanche  d'après  la  Saine 

Barthelemi  (  1  ) ,  ajjis  fur  un  thrbnc  3  &  orné  du  diadème  royal  3  il  reçut 

dans  la  place  publique  de  la  vieille  Ville  3  l'hommage  des  grands  3  de  la 

noble (fe  ,  des  gens  de  guerre  ,  de  la  ville  de  Prague  ,  &  des  de 'pute \  des 

autres  villes ,  en  prefience  du  duc  de  Stettin  &  du  comte  de  Cilley  ,  après 

s'être  engagé  lui  -  mèyne  par  ferment  &  par  caution  de  ratifier  &  de 

maintenir  les  anciens  privilèges  du  Royaume.  Le  3  o.  d' Août  il  renou- 

Cb)C%jecbor.  ve^a  les  Confuls  &  les  Sénateurs  des  trois  villes  ,  &  confirma  par  de 

ubi  fupr.  p.    nouvelles  Patentes  tous  les  droits  ,  ftatuts  &  immunité^  de  la  nouvelle 

S  M'  ville  (b). 

LcsTabori-    XX.  Theobald  &  après  lui  Balbin  témoignent  qu'il  fît  un  accueil 
lieVave"01    fort  favorable  auxTaboritesqui  vinrent  aulli  fe  rendre  à  lui,  6c 
l'Empereur,  qu'il  accorda  de  fi  beaux  privilèges  à  leur  ville  de  Tabor^  qu'ils 
fc)T*«>*.ubi  n'avoient  pas  de  termes  pour  exprimer  leur  reconnoiflance  (c).  Il 
lvyxv*"     y  avoit  long-temps  queSigifmondavoit  fore  à  cœur  de  fe  reconci- 
lier avec  des  ennemis  dont  il  avoit  fifouvent  éprouvé  l'invincible 
valeur.  Dès  l'an  1434.  étant  au  Concile  de  Bade  il  avoit  tenté  un 
accommodement  fecret  avec  eux  3  par  l'entremife  d'Vlric  de  lio- 
fies  à  qui  il  avoic  envoyé  un  plein-pouvoir  de  faire  la  paix  avec  les 
Taboritesaux  conditions  qu'il  jugeroit  à  propos.  Cette  pénible 
négociation  traîna  pendant  deux  ans  ^  enfin  cette  année  ,  devenus 
moins  inflexibles  par  leurs  pertes,  &  par  la  mort- de  leurs  Géné- 
raux ,  ils  confentirent  à  la  paix  fous  ces  conditions  -y  Que  le  Tabor 
feroit  une  ville  royale  ;  qu'elle  demeureroir  touj  ours  libre  ;  qu'elle 
jouiroit  des  mêmes  droits  de  privilèges  qu'avoit  eu  la  ville  d'Auft 
détruite  par  les  Taborites  j  que  ces  derniers  ne  payeroient  au  Roi 
que  600.  gros  de  Bohême.  Outre  cela  l'Empereur  par  une  grâce 
fpéciale  leur  fit  préfent  d'un  païs  qui  étokeftimé  1 16000.  gros  de 

(  1  )  Il  faut  qu'il  y  ait  erreur.  La  St.  Bartbelemi  étant  le  24.  d'Août ,  ceci  doit  s'etre  pafle  le 
lendemain  de  fon  entrée. 


lie  R$. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Ziv.  JTVIIl.w 
Bohême  (a,1.  jEneasSylvius  contemporain  ajoute  même  qu'il  leur     143^. 
accorda  pour  cinq  ans  une  entière  liberté  de  confeience.  Cette  in-     [aj  Baiy. 
dulgence  pour  les  Taborites  fut  (ans  doute  un  trait  de  fa  politique,  E^p-  4P7% 
pour  avoir  plus  de  liberté  de  difpofer  de  toutes  choies  à  fon  gré 
dans  lerefte  du  Royaume.  On  lui  fait  dire,  que  quand  on  ne  peut 
pas  franchir  en  fautant ,  il  faut  fe  baiffer  &  pafjerpar  de  (fous. 

XXI.  Il  s'en  falloir  pourtant  beaucoup  que  l'embrafement  ne  RCVo!te-d\m 
fût  tout-à-fait  éteint.  Pendant  que  l'Empereur  étoit  encore   à  GcntUhom- 

,  ..   r    r  ,    .  *  .  l  ,  ,  me  Bolie- 

Iglaw ,  il  le  rorma  contre  lui  un  orage  qui  11  etoit  pas  encore  con-  micn  contre 
juré  quand  il  entra  dans  Prague.  Un  certain  gentilhomme  Bohê-  Sigtfmoni. 
mien  d'une  qualité  diftinguée  ,  nommé  Jean  de  Rohac  {b)  ,  avoit  (b)  ibeobaii 
fait  bâtir  fur  une  coline  au  milieu  des  bois,  non  loin  des  montagnes  \*^f"' 
deKuttemberg,  un  château  qu'il  appelloit  Sion^  parce  qu'il  pré- 
tendoit  que  de  là  fortiroit  la  vérité  &  en  même  temps  la  liberté  de 
la  Bohême.  Il  avoit  fortifié  cette  place  déjà  très-forte  par  fa  fî- 
tuation,  de  remparts ,  de  foflez  6c  de  murailles  ,  &  il  y  avoit  faic 
entrer  toute  forte  de  munitions  de  guerre  &  de  bouche.  Il  avoit  à 
fa  pode  quantité  de  gens  nobles,  6c  autres  qui  parleurs  pillages 
bien  loin  aux  environs  lui  fournifîoient  abondamment  de  quoi  fe 
foûtenir.  Rohac ,  pendant  que  toute  la  noblefle  alloit  à  Iglaw  faire 
hommage  à  Sigifmond,  demeura  conftamment  dans  fon  château 
d'où  il  infeftoit  tout  le  voifinage,  animé  par  des  gens  qui  trou- 
voient  mieux  leur  compte  à  la  guerre  ,  qu'à  la  paix.  Il  n'épargnoit 
pas  même  Sigifmond ni  fes  officiers  quand  il  trouvoit  occafîon  de 
les  infulter.  Ayant  appris  que  ce  Prince  faifoit  venir  du  bétail  6c 
des  vins  de  Hongrie ,  il  alla  s'en  faifir  avec  fon  monde  ,  &  tua  les 
conducteurs  de  ce  convoi.  A  cette  nouvelle  l'Empereur  envoya 
Henri  Plac^ek  fon  cou  fin  avec  une  armée  pour  afîiéger  la  forte- 
refle,  6c  donner  la  chafTe  à  Rohac.  Ce  fiége  dura  4.  mois.  Enfin 
après  une  vigoureufe  défenfe,  6c  une  attaque  opiniâtte,  la  place 
fut  emportée,  tant  par  flraragême,  que  de  vive  force.  Rohac  fat 
pris  avec  fa  garnifon  ,  6c  emmené  à  Prague,  où  il  fut  pendu,  lui 
6c  ks  complices.  JEneas  Sylvius  qui  raconte  ce  fait  dit  qu'on  drefla 
des  potences  de  diverfes  grandeurs.  Rohac  fut  pendu  à  la  plus  hau- 
te 3  environ  100.  des  complices  furent  attachez  aux  plus  balles,, 
6c le  pierre  de  la  garnifon  qui  s'appelloit  Milieu (1)  (Médius) à 
celie  du  milieu.  Theobald,  qui  ne  rapporte  point  cette  particula- 
rité des  potences ,  dit  que  pour  les  conftruire  on  fe  fervit  du  bois 

(\)  Media  Sacerdotcm  fripait  tttmine  Medittm  :  tttque  ita  Médita  i;i  medio  fur  car  um ,  damnât  am 
tintmam  devetamque  Satanareddidit.  Mu,  Sylv.  cap.  Lll.  fin. 

M  m  m  ij 


46o     HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSÏTES 

14."  6  ^ue  ceux  de  Prague  avoient  deftiné  à  bâtir  une  Eglife ,  ce  nue  cet 
Hiftorien  a  regardé  comme  une  infulte  que  leur  voulut  faire  l'Em- 
pereur (i).  Il  ajoute  que  ce  Prince ,  félon  le  proverbe  Latin  ,  Di- 
vide  &  impera  ,  avoit  pour  politique  de  commettre  les  Bohémiens 
HufTites  les  uns  contre  les  autres  ^  ou ,  pour  s'en  mieux  défaire ,  de 
les  envoyer  à  la  guerre  contre  les  Turcs. 
Rébellion  de  XXII.  Toutes  les  villes  de  Bohême  s'étoient  foumifes  ,  à  la 
h  ville  de     referve  deGratz,  oui  refufa  conftamment  de  reconnoître  Sfaif^ 

Gratz  contre  .  •ni  j    •  i>  •  •      i 

l'Empereur,  mond ,  parce  que  cette  ville  le  regardoit  comme  1  ennemi  capital 
delà  Bohême,  quelque  beau  femblant  qu'il  fît  de  l'aimer.  Cefi  3 
difoient  les  citoyens  de  cette  ville ,  unfauxVliffe  h  il  ne  cherche  quà 
gagner  du  tems ,  &  il  ne  flatte  les  Bohémiens  que  four  les  opprimer  à 
l'improvifle  ^fa  maxime  efl  de  diffimulcrpour  régner  j  s'il  ne  faut  pas  ai" 
fément  fe  fier ,  même  à  un  ami  réconcilie ,  a  plus  forte  raifon  3âun  Prin- 

(  a  )  Cuchor.  ce  tant  défais  offenfè  3  &  provoqué  par  tant  d'affronts  &  de  défaites  (a) . 

F-  $99-  Cette  obftination ,  ou  cette  fermeté  d'une  feule  ville  fouleva  con- 
tre elle  toute  la  noblefîé  qui  la  déclara  ennemie  de  la  Republique. 
Le  général  Guillaume  deKotz,ka3o.vec  les  généraux  Borz^ck,  ÎDa- 
holics  ,  &  Pardo  de  Horka ,  fe  mit  à  la  tête  d'un  bon  corps  d'armée, 
avec  une  ferme  réfolution  de  périr  ou  de  la  réduire.  Cependant 
n'ofant  pas  d'abord  en  former  le  fiege ,  il  alla  camper  à  demi  lieue 
de  la  ville ,  pour  mieux  prendre  fes  mefures.  Cette  précaution  fut 
inutile  3  car  dès  le  lendemain  les  bourgeois  profitant  du  clair  de  la 
lune  firent.,  en  grand  filence,,  une  fortie,  &  allèrent  fondre  par 
deux  endroits  furie  camp  ennemi,  qui  ne  s'étoit  retranché  que 
foibiement&fort  à  la  hâte.  Lesfentineiles  égorgées,  ce  fut  une 
épouvante  de  une  clameur  générale  dans  tout  le  voifinage.  On  fon- 
na  l'allarme  j  mais  avant  qu'on  fût  prêt  à  s'armer  Se  à  s'équiper ,  il 
y  avoit  déjà  eu  beaucoup  de  tuerie  dans  le  village  même  &  aux  ha- 
bitations d'alentour.  Kotzjza  reveillé  par  le  bruit  des  tambours  & 
des  trompettes ,  ramafla  précipitamment  ce  qu'il  put  de  monde , 
&  fe  préfenta  prefque  tout  nud  à  l'ennemi.  Mais  l'irruption  fut  fi 
imprévue  &  fi  violente,  qu'il  fut  impofîiblede  refifler  longtems. 
En  vain  iO/^bz ,  pour  montrer  exemple,  fe  jetta  avec  fureur  au 
milieu  des  pelotons  ennemis  ;  n'étant  pas  foutenu  ,  il  mourut  per- 
cé de  mille  coups.  Il  vendit  pourtant  cher  fa  vie.  Il  fendit  la  tête, 
&  coupa  bras  &:  jambes  à  plufieurs  avec  un  grand  fabre  qu'il  te- 

(l)  Patibulo  criçindo  Itgnum  adhibuertitit  ,  quo  cives  Prajenfes  templum  ~Redintuinenfe  Jive 
ïktinanum  ab  altéra  farte  exflritcturi  erant  i  ejujque  rei  caufa  cuivis  facile  liquet.  Thcob.  Part»  IL 
cap.  I. 


ET  DU  CONCILE  DE  VAS  LE.  ZÏv.^riII.  4.61 

noircies  deux  mains.  BorzekècPardo  qui  étoienc  dans  des  portes     jai6 
plus  éloignez  ne  purent  arriver  aiîez  à  rems  pour  donner  dufe- 
cours,  &  voyant  le  chef  tué  6c  l'armée  diiîipée  _,  ils  prirent  cha- 
cun de  Ton  côcé  le  parti  de  la  retraire.  Mais  les  vainqueurs  ne  joui- 
rent pas  long-tems  de  leur  victoire.  Borz,ck  eut  fa  revanche  des  le 
premier  jour  de  Tannée  fuivante.  Et  quelques  femaines  après  ils  (a)  Bobujias 
furent  entièrement  défaits  par  un  autre  Général  (aY  Enfin  ils  fi-  f/^?^'* 
rent  leur  paix  avec  1  Empereur  par  1  entremile  de  leur  propre  Corn-     (c)  iatk. 
mandant  (b)  homme  de  qualité,  qui  avoit  quitté  le  froc  pour  fe  E/>"-p-4P4- 

•     •      ,  r  t     er  /    \  Gcecbor.  p. 

joindre  aux  Munîtes  (c).  6o0t  6o[m 

XXI  IL  A  peine  Sigifmond  fut -il  le  maître ,  qu'il  découvrit  fes  Si&ii,m„dv<i. 
fecretes  intentions.  Ne  voulant  entrer  dans  aucune  églife  des  Huf-  tablit  le  culte 
fîtes ,  il  fe  fit  donner  l'eglife  de  S  t.  Jacques  qui  avoit  appartenu  aux  3°^"  en 
Frères  Mineurs,  &;  dont  on  avoit  fait  un  arfenal.  Il  rappella  les 
moines  &  les  prêtres  exilez ,  comme  les  Celeftins ,  les  Benedi&ins 
Efclavons,  les  Servites  de  St.  Marc ,  les  Chevaliers  Teutoniques 
&de  Jerufalem  ,  les  Abbezde  plulleurs  monafteres ,  les  Religieu- 
fes  de  St.  George  dont  l'abbeiTe  eft  princefle  &  porte  la  crolîe  pafto- 
rale  (1  ).  On  rétablit  auffi  les  chanoines  de  l'Eglife  cathédrale ,  les 
vicaires  &  les  menfionnaires  (1).  Les  ornemens  furent  remis  dans 
les  eglifes  ,  &  le  culte  fut  rétabli  fur  l'ancien  pied.  Comme  les  Bo- 
hémiens Huiïites  ou  Taborkes  s'étoient  emparés  des  revenus  des 
eglifes ,  l'Empereur  ordonna  qu'on  tirât  du  tréfor  royal  ou  du  file 
de  quoi  entretenir  les  chanoines.  On  leur  donnoit  un,écu  d'or  par 
femaine,,  &  au  moindre  la  moitié  3  eequifaifoie  par  an  la  fomme 
de  6000.  écus  d'or.  Tous  les  bons  Catholiques  félicitèrent  Sigif- 
mond de  cette  reflauration  ,  &;  le  Pape  lui  envoya  la  rofe  d'or  (3  ) , 
avec  une  lettre  de  congratulation. 

XXIV.  Cependant  ce  rappel  des  Ecclefiaftiques  tant  réguliers  Infidélité  de 
que  ieculiers  étoit  une  infidélité  manifefte,  puifque  l'Empereur  s'«m"7*' 
avoit  promis  folemnellement  Se  par  écrit  à  Iglaw  3  de  ne  les  point 
rappeller.  En  voici  l'acte.  Sigismond  ^  par  la  grâce  de  Dieu ,  Em- 
pereur ,  &c.  Après  que  la  paix  fut  arrêtée  entre  les  légats  du  facrê  Con- 
cile de  Bafle  3  &  les  ambajjadeurs  de  notre  royaume  de  Bohème ,  nous 
étant  rendus  ici  avec  lefdits  ambajjadeurs  de  Bohème ,  les  très-honora- 
bles ambafiadeur s  &députez^de  notre  Royaume  &  des  villes  nous  ont 

(  1)  Elle  étoit  obligée  de  prefenter  tous  les  ans  au  Roi  un  pain  nouveau  ,  le  jour  de  la  fête 
de  St.  Vit.  JEn.  Sylv.  nbifupr.  cap.  LU. 

(2.)  Motécclc'fiaftique  qui  vient  du  latin  metifa^table.C'étolcnt  des  Ecclefiaftiques  qui  e'toient 
chargea  du  foin  des  eglifes,  &  entretenus  de  leurs  revenus. 

Ç\\  Sur  la  rofe  d'ur ,  voyez  17///?.  du  Conc.  de  Conjl-Liv.  VL 

M  m  m  iij 


46i       H1ST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

s  -prié  de  ne  pas  permettre  que  malgré  eux  ,  aucun  des  Religieux  &  des 
Séculiers  qui  avoient  habité  dans  ces  villes  3  &  qui  par  quelque  raifon 
que  ce  foit  avoient  été  contraints  d'enfortir ,  y  retournaient  .  ^  re n- 
traffent  en  pofeffion  de  leurs  biens.  A  ces  caufes 3  pour  ne  point  mettre 
d'obftacle  à  la  paix  &hla  concorde ,  &  ayant  égard  a  leur  demande , 
nous  y  confentons ,  déclarant  que  nous  ne  voulons  contraindre  en  aucune 
manière  le  [dite  s  villes  fur  cefujet.  En  foi  de  quoi  nous  avons  appofé  nos 
Cccaux  a  ce  prcfent  diplôme.  Donné  à  Iglaw  le  jour  de  la  fête  de  Marie 
Magdeléne  l\tnde  Chrifi  1436.  le  fo.  de  notre  règne  de  Hongrie  3  le 
1 6.  de  notre  règne  des  Romains  ,  le  iG.de  notre  règne  de  Bohème  ,  &  le. 
4.  de  notre  Empire  (  1  ).  Je  laide  à  juger  aux  lecteurs  fi  la  fidélité  6c 
la  bonne  foi  dans  ces  promefïes  n'étoient  pas  aufîî  eflentielles  à  la 
Religion,  &  un  engagement  auiK  important  par  rapport  à  Sigif- 
mond 3  que  le  rappel  de  quelques  Ecclefiaftiques  contre  fa  parole, 
ou  fi  ce  Prince  n'auroit  pas  mieux  fait  de  ne  point  s'engager  ,  fans 
doute  contre  fa  confeience  3  que  de  fe  dégager  contre  la  confeien- 
ce aufti.  Mais  il  s'agifïoit  d'une  couronne.  JEneas  Sylvius  n'a  pas 
rrop  mal  jugé  de  cette  conduite  de  Sigifmond  >  il  en  a  pénètre  le 
motif,  fans  pourtant  le  défaprouver,  fuivant  fans  doute  un  au- 
tre principe  que  celui  de  67.  j7^»/,  qui  ne  veut  pas  qu'on  faiîe  du 
mal  afin  qu'il  en  arrive  du  bien.  Jlparoit ,  dit-il,  de  tout  cela  que 
les  traite^  que  fit  l'Empereur  avec  les  hérétiques  ,  il  les  fit  plus  par  ne- 
cefjîté  que  de  fon  bon  gré.  Ilvouloit  de  quelque  manière  que  ce  fût  entrer 
en  pofjcjjîon  de  fon  royaume  héréditaire ,  &  après  cela  ramener  infenfi- 
(a)  Mn.  Sylv.  [,lement  (i)fesfujets  à  la  vraie  religion  de  Je  fus-  Chrifi  félon  l'ufage  de 
LU.  leurs  ancêtres  (a) . 

il  rejette  XXV.  Sigifmond  fit  bien  plus.  Etant  à  Albe  royale,  il  avoic 
jLockjxjtne  accordé  aux  Bohémiens  la  liberté  de  s'élire  un  Archevêque.  De- 
contre  fi  pa'  pUjs  jj  avoic  approuvé  &  confirmé  à  Iglaw  l'éledion  qu'ils  avoient 
faite  de Ilockiz<z?ie.  Cependant  par  une  nouvelle  infidélité,  il  leur 
manqua  de  parole  en  n'offrant  l'archevêché  à  Rockiz^me ,  qu'à  des 
conditions  11  dures ,  qu'il  ne  pouvoit  les  accepter  en  confeience  , 
&:  même  fans  agir  contre  fes  intérêts,  parce  que  les  Bohémiens 
n'auroient  pas  voulu  le  recevoir  fur  ce  pied-là.  Car  il  lui  propofoit 
de  fe  foumettretout-à- fait  à  l'Eglife  Romaine,  &  de  renoncer  à  la 
Communion  fous  les  deux  efpeces,  lui  déclarant  que  fans  cela  il 
pepouvoit  être  archevêque,  quand  memeil  auroit  été  confacré. 

(  1  )  Il  ne  compte  fon  règne  de  Bohême  que  depuis  qu'il  fut  couronne  a  Prague  en  1 4ZO.  &. 
fon  Empire  que  depuis  143  3  .  qu'il  fut  couronné  à  Rome. 
(%)  Il  le  fit  avec  trop  de  pre'cipitation,. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.XVUI.^ 
Ce  qui  déconcerta  tellement  Rocki^ane  qu'il  s'emporta  plus  que     14*6, 
jamais  contre  l'Empereur  ,  &  contre  l'Eglifé  Romaine.  L'Empe- 
reur cependant  donna  l'adminiftration  de  l'archevêché  de  Pra- 
gue, à.  Philibert  évêque  de  Coutance,  qui  l'avoit  accompagné. 
Ce  Prélat  fe  donna  mille  mouvemens  pour  remettre  les  églifes  dans 
leur  premier  luflre  ,  &;  pour  purifier  ce  qui  félon  lui  avoit  été  pro- 
fané. Il  confacra  les  églifes  &  les  baptiiteres ,  rétablit  les  méfies , 
remit  les  flmulacres,  les  images,  les  étendarts  dans  les  temples, 
fit  allumer  les  cierges,  expofa  en  vue  les  ciboires,,  fit  porter  de  l'eau 
bénite  dans  les  églifes  ,  &;  rendit  aux  prêtres  leurs  ornemens  facer- 
dotaux  négligez  depuis  long-tems.  En  un  mot ,  il  remit  tout  fur  le 
pied  de  l'Eglife  Romaine.  Rocki^ane  de  fon  côté  débouté  de  (es 
prétentions  fulminoit  contre  les  moines,  contre  les  cérémonies 
Romaines,  &  contre Sigifmond,  comme  contreun  perfide  qui  lui 
avoit  manqué  de  parole  (a).  Il  revient  chaque  jour }  difoit-il  en  (*)  D»W. 
chaire ,  de  ces  démons  quon  appelle  des  moines  _,  pourféduire  le  peuple  ',  Li(,t  xxvL* 
mais  fi  nous  avons  du  cœur  il  faudra  les  égorger  plutôt  que  de  le  fou  f ri  r.  p.  225. 
Un  Hiftorien  dit  que  cette  menace  regardoit  Sigifmond  lui-même 
(b).  Quoi  qu'il  en  foit,  ces  paroles  ayant  été  rapportées  à  Sigif-  (b)  Duirxv. 
mond  :  Nous  immolerions  ,  dit-il ,  nous-mêmes  Rockizane  aux  pieds  lbd* 
de  l'autel.  Cette  repartie  de  Sigifmond  fît  peur  à  Rockizane ,  &  il  ai- 
ma mieux  fe  retirer  _,  que  de  rifquer  fa  vie.  Il  fut  accompagné  par 
un  Seigneur  defespartifansavecuneefeorte  de  1  oc.  chevaux  jus- 
qu'à Gratz  3  oùil  demeura  long-tems  caché  ,  ôc  on  donna  fa  pa-  (c)  Jem  r,J- 
roiile  a  un  prédicateur  plus  modère  (c).  Sylv; 

XX VI.  Eugène  IV.  ne  manquoit  pas  d'affaires  en  Italie.  Le     Affairestr.. 
Roi  d'Arragons'étoit  joint  au  Concile  pour  le  pourfuivre^  &  il  trangeres. 
écrivit  même  à  cette  afïemblée  pour  l'exhorter  à  confier  à  quel-  ltalie>*fPa- 

*  r        *  gne  on  1 ortu- 

qu'autre  le  foin  du  Siège  apoftolique,  promettant  de  lui  faire  rel-^/. 
tituer  tout  ce  qui  lui  avoit  été  enlevé.  Ce  Prince  écrivit  au  Pape 
lui-même  une  lettre  fulminante,  où  il  le  fommoit  d'adhérer  au 
Concile,  &  de  ne  le  plus  traverfer  lui-même  dans  la  conquête  du 
Royaume  de  Napies.  Autrement ,  difoit-il ,  je prens  Dieu  à  témoin , 
avjji-bien  que  les  Cardinaux  3  &  l'Eglife  Univcrfelle  3  quon  ne  doit 
imputer  qu'au  Pape  le  mal  qui  pour  r  oit  arriver  de  fe  s  refus  (d).  En  ef~     (à)  spemf. 
fet  cette  même  année  le  Roi  d'Arraeon  s'empara  d'une  bonne  par- ann*  l+& 
ne  delà  ville  de  Rome,  &il  porta  la  delolation  dans  tout  le  royau- 
me de  Napies.  Mais  fon  ambition  fut  reprimée  par  le  brave  Vitel- 
lefchi  qui  fut  depuis  Cardinal ,  par  l'Archevêque  de  Florence,  £c 
par  le  Patriarche  d'Alexandrie  ,  qui  cenoienr  peur  le  Papeêt  pour 
la  faction  Angevine. 


4^4         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
jjî  £  Le  Pape  eue  cette  année  de  grands  démêlez  avec  Edouard  roi 

de  Portugal  au  fujet  des  libertez  eccléfiaftiques ,,  6c  de  l'autorité 
pontificale,  qu'il  prétendoit  être  violées  dans  ce  Royaume,  parce 
que  les  Magiftrats  féculiers  s'arrogeoient  la  connoillance  et  le  ju* 
gement  des  caufes  eccléfiaftiques.  Eugène  IV.  écrivit  là-deflus  au 
Roi  une  lettre  très  dure ,  où.  il  lui  reprochoit  Savoir  mis  la  faucille 
dans  la  moiffond 'autrui ,  en  permettant  qu'au  grand  mépris  de  la 
dignité  eccléfiaftique,  fes  officiers  citafïent  perfonnellement  de- 
vant eux  des  Evêques  6c  des  Archevêques.  La  lettre  eft  datée  de 
Bologne  qui  étoit  rentrée  dans  l'obéiflance  du  Siège  de  Rome. 
Comme  le  Roi  de  Portugal  avoit  fort  à  cœur  la  conquête  de  l'A- 
frique  ,  il  avoit  obtenu  du  Pape  des  lettres  pour  lever  une  croiiade 
#  ,  ,      .,  contre  les  Maures.  Mais  Jean  roi  de  Caftille  &de  Léon  ,  quipré- 

(a)  Kaytmld.  û        i    •  •  c      j i  j 

ànn.  1430.  tendoit  que  cette  conquête  un  appartenoit  _,  en  ht  de  grandes 
nura.  24.27.  plaintes  au  Pape.  C'efr,  ce  qui  obligea  ce  dernier  à  écrire  à  Edouard 
gkt?Jre'&.  E~  de  ne  rien  faire  en  vertu  de  fes  lettres,  au  préjudice  du  Roi  de  Caf- 
tojfe.  tille  (a). 

LeDucde      XXVII.  Le  Roi  de  France ,  6c  le  Duc  de  Bourgogne  s'étoienc 
pourgogne    reconciliez  l'année  précédente.  L'Angleterre   mécontente  de 
euerr^aiw    cette  paix ,  exerça  tant  d'hoftilitez  contreleDuc,  que  ce  dernier 
Anglais.       pouflé  à  bout  fe  réfolur  à  faire  la  guerre  à  l'Anglois.  Cette  nouvelle 
donna  beaucoup  de  joie  à  la  France  j  fe  joignant  au  Duc  elle  re- 
couvra Paris ,  6cen  chaflales  Anglois.  Le  Duc  cependant  mit  le 
fiége  devant  Calais  5  mais  la  nouvelle  de  l'arrivée  des  Anglois 
pour  fecourir  cette  place,  <k  la  révolte  de  fon  armée  l'obligea  de 
lever  le  flége. 
Rfl-ad^atffU      XXVIII.  Cette  année ,  ou  au  commencement  de  la  fuivante  y 
"  Jacques!,  roi  d'Ecoiïe  fut  afïaffiné  la  nuit  dans  fon  lit  par  les  or- 
dres du  Comte  d'^tbolCon  oncle  ,  qui  vouloit  ufurper  le  Royau- 
me. Une  des  filles  d'honneur  de  la  Reine  ,  nommée  Catherine 
Douglas  ,  fit  alors  une  action  de  courage  &  de  fidélité ,  qui  mérite 
d'être  remarquée.  Un  des  aflaffins  avoit  enlevé  le  verroiiil  de  la 
porte  du  Roi,  afin  d'introduire  les  conjurez  dans  fa  chambre. 
Cette  genereufe  fille  mit  fon  bras  dans  le  trou  pour  fervir  de  ver- 
roiiil j  mais  les  aiïafiins  lui  ayant  coupé  le  bras  entrèrent  dans  la 
chambre  &  percèrent  le  Roi  de  mille  coups.  La  reine  Jeanne  fon 
époufe  le  voulant  couvrir  de  fon  corps  reçut  deux  blefîures.  Le 
comte  d1 'Athol ,  chef  des  conjurez  ,  fut  mis  trois  jours  à  la  torture, 
&  enfin  brûlé  d'une  couronne  de  feu  qu'on  lui  mit  fur  la  tête  avec 
cette  infeription ,  le  Roi  des  Traîtres  3  parce  qu'une  devinereiTe  lui 

avo^t 


ET  DU  CONCILE  DE  B  A  SLE.  Ziv.JTjrf II. 4.6 f 

avoit  prédit  qu'il  feroit  un  jour  Roi.  On  trouve  une  letrre  du  Pape     *43  6. 
où  il  témoigne  fa  douleur  de  cet  aflaffinat  au  cardinal  Antoine  d'Ur- 
bin  fon  légat  en  Ecofle.  Le  Roi  d'Ecofle  avoic  peu  de  tems  aupara- 
vant marié  Marguerite  fa  fille  à  Louis  dauphin  de  France.  On  rap- 
porte (\\iJEneas  Sylvius  étoit  alors  en  Ecofle  s  où.  il  avoit  été  en- 
voyé d'Arras  par  le  cardinal  de  Ste.  Croix ,  pour  quelques  affai-  (a)Kaynaid. 
res  eccléfîaftiques  (a).  Il  y  avoit  en  effet  alors  des  brouilleries  en- ann*  hi& 
tre  le  royaume  d'Ecofle  3  &  la  cour  de  Rome  à  l'occafion  fuivante.  Sïwi'aM. 
Le  Roi  d'Ecofîe  avoit  fait  publier  par  l'Evêque  deGlafco  fon  chan-  h?^*  num, 
celier,  certaines  ordonnances  contraires  à  l'autorité  du  Pape.  Ce      ' 
dernier  en  étant  informé  ordonna  à"  deux  Cardinaux  de  citer  l'E- 
vêque. Le  Roi  en  fut  tellement  irrité,  qu'il  déclara  traître  &;  en- 
nemi public  3  Guillaume  Creiz^er  archidiacre ,  dont  les  Cardinaux 
s'étoient  fervispour  faire  la  citation.  LePape  de  fon  côté  cafîa  tou- 
te la  procédure  du  Roi  >  &  rétablit  l'archidiacre.  Il  ordonna  mê- 
me à  trois  Cardinaux  de  faire  exécuter  fa  fentence  fous  peine  de 
lancer  l'anathême.  L'affaire  fe  raccommoda  depuis  (  1  ). 

XXIX.  Le  Concile  tenoit  toujours  fes  féancesà  Bafle.  Je  n'en  Allemagne  & 
trouve  que  deux  cette  année ,  favoir  la  X  X 1 1 1.  &  la  X  X  I V.  Fats  *,N#r'' 
»Dans  la  XXIII.  tenue  le  15.  de  Mars,  le  Concile  publia  des 
»  reglemens  touchant  l'élection  du  Pape  j  la  profeffion  de  foi 
»  qu'il  eft  tenu  de  faire ,  fes  devoirs  &  fa  conduite ,  le  nombre  des 
»  Cardinaux  que  le  Concile  veut  qu'on  réduife  à  24.  6c  leurs  quali- 
»tez  j  la  manière  de  les  élire  par  les  fuffrages  du  collège  des  Car- 
»  dinaux ,  leurs  obligations  &  leurs  devoirs  3  le  rétabliflement  des 
»  élections ,  &  l'abolition  des  referves  Se  de%graces  expectatives  ». 
On  renouvella  aufïi  dans  cette  féance  la  Conftitution  de  Grégoire 
JT.  couchant  le  conclave.  C'étoit  beaucoup  fe  radoucir  par  fuc- 
cefîion  de  temps.  Adrien  V.  &  Jean  JCJCI.  l'avoient  abrogée. 
Elle  avoit  été  rétablie  par  Celefiin  V.  ôc  par  Boniface  VIII.  En 
voici  les  claufes.  Que  dix  jours  après  la  mort  (ou  la  dépofition  du 
Pape)  les  Cardinaux  entreroienc  au  conclave  avec  chacun  deux 
domeftiques  ou  conclavifies  feulement  j  Qu'il  y  auroit  deux  clercs , 
dont  l'un  feroit  notaire  pour  régler  les  cérémonies  3  que  le  came- 
rierenexcluroit  tous  les  autres  3  Qu'on  ôteroit  des  cellules  toute 
forte  de  vivres ,  à  la  referve  de  ceux  qui  pourroient  fervir  de  remè- 
de 5  Qu'on  examineroit  tous  les  jours  les  plats  qu'on  portoit  aux 

(1)  V.ctyn.  ubi  fupr.  num.  28.  30.  Comme  quelques-unes  de  ces  pièces  font  datées  de  Flo- 
rence, il  fa  ut  que  ceci  fe  fuit  palTé  avant  la  mort  du  Roi,  ou  qu'il  ne  foit  mort  qu'en  1437* 
puis  que  la  lettre  date'e  de  Bologne  fait  mention  de  cet  affaiïïnat. 

Tom.  I.  Nnn 


466        HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

ia.%6.    Cardinaux  j  Qu'on  ne  recevroic  poinc  de  lettres  dans  le  conclave 
Que  les  Cardinaux  avant  le  fcrutin ,  jureroient  d'élire  pour  Pape 
celui  qui  en  feroic  le  plus  digne  j  Que  le  Pape  élu  donneroit  fa  pro- 
feflîon  de  foi ,  &.  que  tous  les  ans  on  lui  liroit  pendant  la  MelTe  cet- 
te profeffion  le  jour  de  l'anniverfaire  de  fon  couronnement  (a\ 
&m.p?tfZ.  «Dans  la  XXIVVSeiïion  du  16.  d'Avril  l'on  propofa  &  on  ap- 
»  prouva  l'acte  projette  entre  les  ambaffadeurs  du  Concile ,  &,  les 
»  Grecs  :on  lut  le  fauf- conduit  que  le  Concile  accordoit  aux  der- 
niers, les  Bulles  de  l'Empereur  &  du  Patriarche  de  Conflanti- 
»  nople  au  Concile.,  Se  le  décret  par  lequel  le  Concile  accordoit  des 
»  indulgences  à  tous  ceux  qui  travailleroient  à  la  réunion  des  Grecs, 
(b)  Dnpin  foy  Outre  ces  deux  fefllons  il  y  eut  une  congrégation  générale  le 
Mioth'  des     1 l  •  ^e  Mai  i  Pour  enEendre  les  légats  que  le  Pape  avoit  envoyez 
Aut.  Eccie-    au  Concile.  Ils  y  firent  de  la  part  de  ce  pontife  des  plaintes  tres- 
x\i  J  °?    graves  au  fujet  des  deux  feffions  précédentes ,  prétendant  que  le 
coionn.2.'    Concile n'étoit en  droit,  nide régler  le  Pape,  ni  de  donner  des 
indulgences.  Mais  le  Concile  tenant  ferme,  déclara  qu'il  avoit 
été  en  droit  de  prendre  ces  réfolutions ,  &:  de  donner  des  indul- 
gences ,  puifque  le  Pape  avoit  refufé  de  le  faire.  Le  refte  de  l'an- 
née s'employa  à  prendre  des  mefures  pour  le  voyage  des  Grecs , 
foie  en  Italie,  foiten  Allemagne,  &pour  leur  réunion  avec  l'E- 
glife  Latine.  Sur  quoi  le  Concile  &  le  Pape  n'étoient  pas  d'ac- 
cord. 
d^R^de*1      X^X.  Eric  (ou  Henri)  VIII.  Roi  de  Dannemarc  ,  de  Suéde 
Efcnncmarc  &  de  Norvège  abdiqua  cette  année.  Si  ce  fut  volontairement  ou 
par  force ,  c'elt  fur  cfuoi  les  Hiftoriens  ne  font  pas  d'accord.  II 
efl  certain  qu'il  gouverna  fort  tyranniquement ,  &  fur  tout  en  Sué- 
de ,  où  il  exerça  de  grandes  cruautez  en  1434.  Engelbert  gentil- 
homme Suédois  entreprit  d'en  délivrer  fa  patrie  ,  &  il  en  feroit  ve- 
nu à  bout,  s'il  n'eût  pas  été  tué  par  des  gens  jaloux  de  fon  bon^ 
heur  &  de  fa  vertu  tout  enfemble.  C'eftce  qui  arriva  en  143  6, 
Après  fa  mort ,  Eric  pour  fe  reconcilier  avec  le  royaume  de  Suéde 
envoya  des  ambaffadeurs  au  Concile  de  Bafle,  où  l'on  termina 
ces  difFerens.  Cependant  le  Roi  voyant  qu'il  n'étoit  pas  agréable 
àfesfujets,  prit  le  parti  de  fe  retirer  en  Gothie,  puis  en  Pomera- 
nie  fa  patrie.  Il  mourut  en  1459.  âgé  de  77.  ans  (1).  Au  refte,  le 
favant  Danois  que  j'ai  déjà  allégué  ne  donne  pas  une  grande  idée 
delafincerité  du  Roi  de  Dannemarc  dans  fon  voyage  de  Jerufa- 

(i)Spond.an.  1436.  num.  13.  On  peut  aufii  confultcr là-deflus  les  Révolutions  de  Suedèo- 
p.  16.ÎJ  fuiv.. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.  Jtrr III. 4.67 

lem ,  &dans  Tes  offres  de  fecourir  Sigifmond  contre  les  Hufïïces*  14^ 
Il  prétend  que  tous  ces  dehors  de  religion  n'étoienc  que  pour  fe 
rendre  favorables  le  Pape,  l'Empereur 6c  les  Cardinaux  dans  les 
démêlez  qu'il  avoit  avec  fes  propres  fujets,  les  ducs  de  Holftein, 
ôc  les  Villes  anféatiques.  Il  allègue  pour  preuve  de  fes  foupçons 
les  faufïes  accufations  qu'il  avoit  intentées  contre  ceux  de  Lubec, 
comme  on  l'a  vu  dans  fon  temps.  D'ailleurs,  lorfqu'à  la  follicita- 
cion  des  ducs  de  Holftein  ,  &  des  Villes  anfeatiques ,  le  Pape  vou- 
lut intervenir  dans  fes  démêlez  ,Eric s'y  oppofa  hautement,  parce 
que  ce  n'étoit  pas  une  affaire  du  reflort  de  l'Eglife.  On  fçait  aufïi 
qu'il  avoit  perfecuté  les  Prélats  de  fon  royaume.  Il  maltraita  fur 
tout  un  fecretaire  du  Pape,  qui  lui  apportoit  de  fa  part  un  Bref 
plombé  ,  en  lui  donnant  de  ce  plomb  un  fi  grand  coup  par  le  nez, 
qu'il  en  fortit  beaucoup  de  fang.  Il  voulut  même  le  contraindre 
d'avaler  la  Bulle  ;  mais  n'ayant  pas  voulu  obéir,  il  le  tint  long- 
tems  dans  une  prifon  très-dure. 

XXXI.  Il  ne  fepafla  rien  de  fort  mémorable  en  Pologne  cette     Pologne. 
année ,  pendant  laquelle  mourut  Albertjaftrembec  archevêque  de  Mortde  ^m 
Gnefne  ,  dont  on  a  eu  occafîon  de  parler  pius  d'une  fois.  Ce  Pré-  GncS-T 
lat  eft  reprefenté  par  les  Hiftoriens  de  Pologne  ,  comme  un  hom- 
me fore  prudent,  &  fort  attaché  à  la  patrie.  D'autres  difentpour- 

rant  que  fa  prudence  alloitjufqu'à  la  mollefïe,  &  qu'il  n'avoir  pas 
la  même  vigueur  que  l'Evêque  de  Cracovie  pour  défendre  les  biens 
eccléfîafiiques  contre  les  entreprifes  du  Roi.  Vincent  Cotas ,  ou 
comme  l'appelle  Dlugojf,  Rot  h  de  Bambus ,  de  la  maifon  d'Oliva, 
gardien  de  Gnefne,  chantre  de  Cracovie,  chancelier  du  Royau- 
me, lui  fucceda.  Cette  élection  faite  parle  Chapitre  de  Gnefne 
fut  pourtant  conteftée  par  les  Grands  du  royaume ,  qui  ne  trou- 
voient  pas  bon  qu'on  mît  fur  le  premier  Siège  un  homme  quines'é- 
toit  fïgnalé  par  aucun  fervice  envers  la  République.  Ils  vouïoienc 
qu'on  mît  Sbinko  évêque  de  Cracovie ,  fur  le  trône  archiepifcopal 
de  Gnefne  ,  Wladiflas  évêque  de  Wiadiflow  à  Cracovie ,  &  Vin- 
cent  Roth  à  Wladiflow.  L'Evêque  de  Cracovie  ayant  refufé  cette 
dignité  ,  l'Evêque  de  Wladiflow  &  Vincent  Roth  entrèrent  en 
concurrence.  Mais  l'élection  de  Roth  fut  confirmée  à  Bologne  par 
le  pape  Eugène  IV.  malgré  les  oppofitions  du  Roi  &  des  Seigneurs 
de  Pologne. 

XXXII.  Dans  ce  même  temps  le  Roi  de  Pologne  envoya  des    AmbaflfaJc 
Ambafladeurs à  S igifmond qui  èzoit  à  Prague,  pour  lui  propofer  PoWneà 
de  marier  fes  deux  nièces  qu'il  avoit  d'Albert  d'Autriche  fon  gen-  Sigifmond. 

Nnn  ij 


46S       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1436.    dre,  l'une  au  jeune  roi  Ladijlas  >  l'autre  iCafinir  frère  du  Roi. 
L'ambaffade  fut  fore  bien  reçue.  Sigifmond  répondit  favorable- 
ment aux  ambaiïadcurs ,  que  ces  propofitions  lui  étoient  agréa- 
bles ^  mais  que  comme  il  étoit  tout  occupé  à  régler  les  affaires  de 
Bohême,  il  prioit  le  Roi  de  lui  envoyer  d'autres  ambaffàdeurs, 
quand  il  feroit  en  Hongrie  ou  en  Autriche. 
I43  7-         XXXIII.  Il  faut  commencer  cette  année  par  le  couronnement 
mensdclir"  ^e  l'Impératrice  Barbe,  qui  fe  fit  dans  le  même  château  de  Pra- 
gifmond  à      gue,  où  fon  époux  avoir  été  couronné  il  y  avoit  environ  1 7.  ans. 
Pngte.        qg  çut  iT£vêque  de  Coutance  administrateur  de  l'archevêché  de 
Prague  ,  qui  en  fit  la  cérémonie  le  1  1 .  de  Février.  Cette  Princefîe 
traverfa  la  ville  avec  la  couronne  fur  la  tête  ,  6c  les  ornemens 
royaux  ,  diftribuant  de  l'argent  au  peuple ,  jufqu'au  palais  royal. 
L'Empereur  non  moins  attentif  aux  affaires  civiles  3  qu'à  celles  de 
religion,  avoit  établi  auparavant  un  fuprème  tribunal  compofé  de 
douze  d'entre  les  Seigneurs  ou  Barons ,  &  de  huit  d'entre  les  Gen- 
tilshommes ou  Chevaliers  (1).  Les  Hiftoriens  de  Bohême  ont  re- 
marqué que  ce  fur  pour  la  première  fois  que  les  Gentilshommes 
furent  admis  au  gouvernement  de  la  République,  6c  qu'aupara- 
vant on  n'y  recevoit  que  des  Seigneurs  jles  Gentilshommes  étaient 
employez  à  la  guerre.  Dans  le  même  tempsl'Empereur  établit  une 
Chambre  Royale ,  dont  il  fitPréfident  un  Chevalier  d'une  maifon  Se 
(*)  mteîtms  d'une  vertu  diflinguée  (a).  Vers  le  milieu  de  l'année  Sigifmond  fie 
Kew?»/      un  voyage  à  Egre ,  &  laifla  le  gouvernement  du  Royaume  au  bur- 
grave  Mènard  de  Maifon  Neuve.  Là  il  donna  folemnellement  à 
plufieurs  Princes  de  l'Empire  qui  s'y  trouvèrent,  Pinveftiture  de 
quelques  païs  du  Voipland,  de  la  Mifnie ,  de  la  Franconie3  du 
territoire  de  Nuremberg  &  de  la  Bavière ,  quiétoient  fiefs  de  la 
Couronne  de  Bohême.  Il  envoya  auffi  de  là  des  ambafîadeurs  au 
Concile  avec  une  lettre  pour  demander  de  nouveau  la  confirma- 
tion du  concordat.  La  lettre  efl  du  2  1 .  de  Juillet.  L'Univerfité  de 
Prague  avoit  auffi  envoyé  quelques  jours  auparavant  deux  dépu- 
tb)Cocbi.  ubi  tez  (2)  au  Concile  fur  le  mêmefujet,  6c  pour  demander  quelques 
ufs. p'  *°*  êclairciiïemens,  &  quelques  conceffions  au  de-là  du  concordat  (b). 
On  parlera  dans  la  fuite  de  ces  nouvelles  demandes,  6c  de  la  répon- 
fe  du  Concile.  Ce  fut  quelques  jours  après  qu'on  publia  en  pré- 
fence  de  l'Empereur  &  du  Légat  un  décret  en  Latin,  en  Bohc- 

(  i)  On  peut  voir  leurs  noms  dans  le  Mars  Moravique ,  Lib.  V.  çap.  V.  p.  6oz.  6a\~ 
(z)  TrecopedeFilfcn  Pafteur  de  l'Eglife  de  St.  Henri ,  dans  la  nouvelle  Ville,  &  Jeattds 
Frz.ibr.vn  Pafteur  de  St.  Gilles  dans  la  grande  Ville. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.JsTVlii.^ 
mien ,  en  Hongrois  &:  en  Allemand  ,  par  lequel  on  déclaroit  qu'il  x .,  jt 
feroit  permis  aux  Bohémiens  &  aux  Moraves  de  communier  ions 
les  deux  efpeces,  ou  fous  une  feule,  Ôtque  ceux  qui  communie- 
roient  fous  les  deux  efpeces,  feroienc  tenus  comme  les  autres ,  pour 
de  vrais  enfans  de  l'Eglife  catholique  j  en  mémoire  de  quoi  on  affi- 
cha dans  les  principales  églifes  de  Prague  cet  édit  écrit  en  lettres 
d'or  fur  des  tables  de  marbre.  L'Auteur  du  Mars  Moravique  dit 
qu'on  voyoit  encore  ce  monument  de  fon  tems,  c'effc-à-dire  en 
i  677.  Cet  Auteur  ajoute  que  ceux  de  la  vieille  Ville  firent  mectre 
un  grand  calice  doré  avec  une  épée  dorée  au  haut  du  frontifpice 
de  l'Eglife  de  Teyn  entre  les  deux  tours  ,  où  l'on  voit  à  prefent 
l'image  de  la  bienheureufe  Vierge  (1).  Il  revint  au  bouc  de  fix  fe- 
maines  à  Prague  3  où  il  fut  reçu  avec  beaucoup  de  pompe. 

XXXIV.  Il  s'en  falloir  bien  que  les  chofes  ne  fullent  tranquilli-     Les  Bohê- 
fées  à  Prague  par  rapport  à  la  religion.  L'exil  de  Rockizane  ,  quoi-  mienf  de* 

,  &-ri  •  -D/\,  .      .     .     ^  ,^„        mandent 

qu  en  partie  volontaire ,  avoit  extrêmement  irrite  ceux  de  fon  inutilement 
parti ,  &  la  noblefîe  Hufiite  menaçoit  déjà  de  courir  aux  armes.  Il  R****"  ai> 
yavoitentre  autres  dans  ce  parti  un  Seigneur  de  diftinclion  (a),  ^uTnrkus 
qui  parloit  plus  haut  que  les  autres.  De  plus ,  PEvêque  de  Coutan-  Pm****  W/- 
ce  avoit  fait  chafler  de  la  ville  deux  prêtres  Calixtins  en  grande  vé-  ^phlm,  p.  ' 
nération  parmi  eux^,  favoij  Pierre  Peyne  PAnglois ,  qui  s'étoit  fi-  45*5. 
gnalé  dans  ces  démêlez,  éc  un  autre  prêtre  nommé  Coranda  (2). 
Pour  prévenir  les  facheufes  fuites  de  ces  divifions ,  Sigifmond ,  de 
concert  avec  le  parti  Calixtin ,  établit  un  confiftoire  inférieur  d'où 
releveroient  tous  les  prêtres  de  ce  parti.  Il  en  établit  chef  Chriflian 
Prachaticsky  profefleur  dans  l'Académie ,  ôcpafteur  de  l'Eglife  de 
St.  Michel  dans  la  vieille  Ville  (3).  Cependant  les  Bohémiens  n'ou- 
blièrent pas  Rockizane.  Ils  envoyèrent  cette  année  des  ambaiïa- 
deurs  à  Balle  pour  demander  fa  confirmation  à  l'archevêché  de 
Prague.  Mais  il  leur  fut  répondu  qu'il  n'étoit  pas  raifonnable  que 
Rockizane  fût  élevé  à  cette  dignité ,  parce  que  depuis  le  concor- 
dat il  n'avoit  rien  oublié  pour  troubler  la  paix  &  l'union,  &:  que 
même  ,  depuis  peu ,  il  s'étoit  retiré  de  Prague  clandeftinement, 
&fans  prendre  congé  del'Empereur. 

XXXV.  Le  Concile  refufa  encore  quelques  autres  articles  que   Le  Concile 

leur  relu  le 

(1)  B#/£/'«  place  ceci au  ip.  de  Janvier. nl/i  fup.  Lupxcins  le  place  au  îz.  d'Avril.  Voyez  divt-rlcs^u" 
auili  Cteckorod.  MarsMorav.  p.  6o\ .  trcs  choics" 

(2)Sic'eft  Wencejlas  Conrad*  ,  on  en  a  parléplus  d'une  fois.  Il  mourut  en  1$*$-  âgé  dep$. 
ans. 

(î)  Balbin  témoigne  que  cet  Administrateur  du  Confiftoire  étoit  bon  Catholique,  tdi  fup. 
P3S-4P5- 

N  n  n  ii  j 


470      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
,        les  députez  de  Bohême  avoienc  demandez  au  delà  du  concor- 
dac.  Ils  avoienc  demandé,  par  exemple,  fort  inftamment  de  pou- 
voir communier  les  petits  enfans_,  ce  qui  leur  fut  refufé ,  parce  que 
le  concordat  portoit  qu'on  ne  donneroitla  Communion  qu'à  des 
gens  enâgededifcretion.  Ilsavoient  auiïi  prié  qu'on  leur  permît 
de  lire  6c  de  chanter  dans  leurs  Eglifes  au  moins  les  Evangiles  3  les 
Epîtres  Ôc  le  Symbole  en  langue  Efclavone5  comme  cela  s'etoit  pra- 
tiqué ,  difoient-ils  autrefois.  Cet  article  ne  leur  fut  pas  non  plus 
accordé  ,  parce  qu'à  la  referve  des  quatre  articles ,  ils  s'étoient  en- 
gagez à  fe  conformer  au  culte  de  l'Eglife  Romaine.  Le  Concile  fut 
plus  favorable  à  la  demande  qu'ils  firent  d'attacher  à  l'Univerfîté 
quelques  Prébendes  &  Bénéfices.  Sur  l'article  de  la  réformation , 
la  réponfe  fut  :  Que  des  le  commencement  le  Concile  s'etoit  ap- 
pliqué ,  &  qu'il  s'appliquoic  encore  foigneufement  à  ladite  réfor- 
mation,  &  qu'il  avoit  déjà  fait  quelques  décrets  là-deflus,,  mais 
[a]Addit.ad  que  le  Démon  y  apportoit  toujours  plufieursobftacles,  qu'on  ef~ 
/En.  Syh.     peroic  furmonter  avec  l'aide  de  Dieu  ,  pourvu  qu'on  s'y  prît  dou- 
CFreher.'p.  '  cernent  &  à  propos ,  de  peur  de  tout  gâter  en  faifant  les  choies  hors 
153-170.      defaifon(a). 

Mouvemens      XXXVI.  Les  HuiTites  de  Moravie  mécontents  du  traité  exer- 
des  Huffites  cojcnc  de  grandes  hofiilitez  dans  cette  Province  ,  fur  tout  dans  le 

en  Moravie.    »,       .   _      ..ÇL,  A  ,  ,  ,»  •«./!-.-. 

diocèfe  d  Olmutz.  Ayant  a  leur  tête  un  certain  Smilo  de  Mora- 
van  ,  ils  s'étoient  emparés  de  quelques  places ,  d'où  ils  incommo- 
doient  extrêmement  tout  le  voifinage.  Ceux  d'Olmutz  fe  mirent 
à  la  vérité  en  devoir  de  les  déloger ,  mais  avec  peu  de  fuccês.  Il  y 
eut  même  un  combat  où  les  Huflîtes  eurent  l'avantage,  quoique 
non  fans  perte.  Smilo  avoit  laifîé  dans  la  Chartreufe  de  la  Vallée 
de  Jofaphat  un  commandant  que  l'on  foupçonnoit  de  n'être  pas  à 
l'épreuve  d'une  fomme  d'argent.  On  lui  en  offrit ,  il  écouta  d'a- 
bord ,  mais  n'ofant  rien  conclure  fans  l'ordre  du  Général ,  il  offrit 
de  fa  part  de  rendre  le  cloître  pour  la  fomme  de  1 0000.  écus  ou 

[bj  Atirco-  ducal:s  d'or  (b).  Il  fe  contenta  pourtant  de  6000,  &  rendit  le 
cloître  qui  fut  aufïî-tôt  rafé:  On  plaça  les  Religieux  dans  un 
fauxbourg  d'Olmutz.  Ceci  fe  pafla  au  commencement  du  prin- 
tems. 

Défaite  des      XXXVII.  Quelques  mois  après ,  plufieurs  Seigneurs  de  Bohê- 

Huflïtcscn    me  fe  liguèrent  enfemble  pour  faire  unecourfeen  Moravie.  Ils 

jetterent  d'abdrd  la  vue  fur  la  ville  de  Lïnovcl,  où  ils  favoient 

qu'il  y  avoit  de  grandes  richeilcs.  Un  matin  à  la  faveur  d'un  nuage 

qui  déroboit  la  vue  de  l'ennemi,  quelques-uns  d'entre  eux  de- 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.Zw.zr/77.471 
guifez  en  païfans ,  mais  pourtant  de  bonnes  armes  fous  leurs  ha-  14.27 
bits  ruftiques,  approchèrent  de  la  place,  tuèrent  les  fentinelles., 
&,fefaifirent  d'une  des  portes  de  la  ville,  quines'attendoitàrien 
moins.  Le  refte  fuivit  aufli-tôt.  La  ville  fut  prife  &  pillée-  On  y 
trouva  quantité  d'or ,  d'argent ,  de  draps  &  autres  marchandifes. 
Mais  comme  il  y  avoit  auffi  toute  forte  de  vins  en  abondance, 
le  foldat  s'en  donna  au  cœur  joie ,  fe  mocquant  des  ordres  des 
officiers  qui  vouloient  qu'on  fe  recirât  promptement  avec  le  butin. 
Comme  Zittovelrieft  qu'à  deux  lieues  d'Olmutz  ,  les  habitans  de 
cette  dernière  ville ,  avertis  par  les  fugitifs ,  du  défaftre  de  l'autre, 
allèrent  de  nuit  avec  de  bonnes  troupes  pour  la  reprendre.  Ayant 
trouvé  les  gardes  endormies,  &la  foldatefqueenyvrée,  ils  y  en- 
trèrent fans  peine.  Alors  on  ferma  les  portes  de  la  ville  ,  &on  fe 
faifîtdetous  les  pafîages  pour  empêcher  la  fuite  des  ennemis.  Ils 
furent  affommez  &  égorgez  comme  des  bêces  _,  fans  pouvoir  trou- 
ver ni  retraire,ni  quartier  nulle  part.  Quelques-uns  des  chefs  écha- 
pérent  pourtant,  &  entre  autres  Parào  de  Horka,  à  la  faveur  d'une 
échelle.  Mais  il  fut  fi  bien  cherché ,  qu'on  le  trouva  caché  fous  un 
rocher  à  quekjue  diftance  de  la  ville.  Il  y  fut  emmené  en  triom- 
phe ,  &  de  là  à  Olmutz  avec  quelques-uns  de  fes  conjurez.  On  en 
fit  pendre  6  3.  &  le  refte  auroit  eu  le  même  fort  fans  le  Sous-Came- 
rier  de  Moravie  qui  s'y  oppofa  par  cette  raifon  ;  C'eft  que  ces  Sei- 
gneurs ayant  des  places  fortes  avec  garnifon  au  voiflnage  de  la 
Moravie  ,  on  pourroiten  les  retenant  long-tems en  prifon,  les  leur 
faire  rendre,  &  découvrir  plufieurs  intrigues  fecretes.  Paul  Mi- 
lie  fin  x  qui  étoit  alors  évêque  d'Olmutz  ,  ordonna  qu'en  mémoire  rir 
de  cette  délivrance  on  chanteroit  tous  les  ans  le  Te  Deum  le  jour  Libtv.  cap! 
de  la  Fête  des  Trépaflez  qu'elle  arriva  (a).  v  p-  6o7- 

XXXVIII.  La  politique  de  Sigifmond étoit ,  comme  on  l'a  dit ,    vift)nefi.s 
d'employer  à  la  guerre  contre  les  Turcs  ceux  d'entre  les  Bohê-  Hongrois  fuc 
miens  &  les  Moraves  que  leurs  opinions  lui  rendoient  fufpects,  es    wcs 
■parce  que  foit  qu'ils  fufjcnt  vainqueurs }  foit  qu'ils  fujjcnt  vaincus ,  il  y 
trouvoit  également  fin  compte  (bje  L'Empereur  fè  trouva  fort  bien  [hicodi  uft 
cette  année  de  cette  politique.  Amurat  empereur  des  Turcs  ayant  fuPr-  P-  l°$- 
fait  la  paix  avec  Ibraïm  prince  d|*Caramanie,  étoit  retourné  l'au- 
tomne précédente  à  Andrinople{\) ,  &  avoit  pafîé  l'hyver  à  faire 
des  préparatifs  de  guerre  dans  le  deflein  de  la  porter  en  Hongrie. 
Les  Turcs  s'étoient  emparez  de  plufieurs  places  de  la  Servie,, 
comme  de  Culpenic,  de  Baritz^,  6c  d'autres  villes  du  comté  â& 

£1 0  Ville  de  la  Turquie  en  Europe.  C'était  alors  le  fiége  de  l'Empire  Ottoman,- 


47*       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
ïa.%  7.    Sirraifch  ( Sirmium)  dans  la  Haute  Hongrie.  Sigifmond  en  ayant 
eu  avis  par  Fofcaro  doge  de  Venife ,  ordonna  auffi-tôt  au  Palatin 

[a]  Uurmt  de  Hongrie  (a),  capitaine  fort  vaillant,  de  s'armer  en  diligence 
dehedcrvarM.  p0ur  gar  der  les  frontières  6c  faire  tête  à  l'ennemi,  ne  pouvant  y 

aller  lui-même ,  parce  qu'il  étoit  encore  trop  occupé  en  Bohême. 
LePalatin  fans  perdre  de  temps  avoit  marqué  à  l'arméeHongroife, 
un  jour  6c  un  lieu  pour  s'y  rendre  6c  recevoir  lès  ordres.  Mais  les 
Hongrois  parelîèux  <k  arrogants  tout  enfemble,  répondirent  qu'il 
étoit  contre  leur  liberté  6c  contre  leur  honneur  d'avoir  à  leur  tête 
un  autre  que  le  Roi ,  6c  qu'ils  ne  marcheroient  pas  fous  le  Palatin. 
Ce  refus  donna  tout  le  temps  aux  Turcs  de  courir  de  toutes  parts 
la  campagne.  Us  fe  feroient  emparez  de  tout  ce  fertile  6c  beau 
païs  entre  les  rivières  de  Save  6c  de  Drave ,  fans  le  fecours  des 
vaillantes  troupes  de  Moravie  6c  de  Bohême  3  qui  accoururent 
fort  à  propos.  Les  barbares  furent  repouflèz  par  deux  fois,  6c  tel- 
lement battus  latroifiéme  ,  que  de  40000.  hommes  à  peine  en 
refta-t-il  le  tiers  qui  périt  miférablement  dans  la  fuite.  11  n'y  eue 
que  peu  de  prifonniers  _,  parce  que  le  Palatin  avoit  ordonné  de  ne 
faire  quartier  à  perfonne ,  à  la  referve  de  ceux  à  qui  les  Bohémiens 

[b]  Qmch$r.  &  les  Moraves  auroient  donné  la  vie  pour  les  emmener  dans  leur 
P.  609. 610.  païs  en  £gne  j£  jeur  yjâôire. 

intrigues  de      XXXIX.  Il  y  avoit  déjà  quelque  tems  que  Sigifmond^  encore 
dantlamaia-  plus  accablé  de  travaux  que  d'années ,  ne  joùiiïoit  que  d'une  fanté 
diede%i/-  fort  chancelante.  Un  Hiftorien  Hongrois  dit  qu'il  étoit  attaqué 
[c{ibvvrocs.  deparalyfie  (c).  L'Impératrice  prévoyant  la  mort  de  fon  époux 
çhrocHun-  fort  prochaine ,  prit  des  mefares  pour  procurer  à  la  Bohême  un 
T^Bolln.    fucceileur  qu'elle  pût  époufer  ,  6c  pour  éloigner  de  la  fuccelîîon 
Albert  d'Autriche  fon  gendre }  à  qui  il  fembloit  qu'elle  apparte- 
noit  le  plus  légitimement.  Dans  cette  vue  ayant  appris  des  méde- 
cins que  la  maladie  où  tomba  alors  Sipfmond  étoit  mortelle,  6c 
qu'on  défefperoit  de  fa  vie,  elle  aflemblafecrettement  les  princi- 
paux Seigneurs  Calixtins ,  6c  leur  reprefenta  combien  il  feroit  dan- 
gereux de  ne  fe  pas  pourvoir  d'un  fuccefTeur  au  royaume,  avant  la 
mort  de  l'Empereur  qui  n 'avoit  pas  long-tems  à  vivre.  Là-dcfTus 
elle  leur  propofa  Wladiflas  fils  ii  Roi  de  Pologne.   C'eft,  difoit- 
elle,  un  Prince  piaffant,  jeunet  bien  fait.  Elle  leur  promettoit 
en  même  tems  l'affiftance  des  comtes  deCilley ,  l'un  fon  neveu  , 
l'autre  fon  frere%,  qu'elle  venoit  de  faire  déclarer  Comte.  La  pro- 
portion plut  à  ces  Seigneurs  ,  parce  qu'ils  appréhendoient  le  zèle 
&  Albert  pour  la  religion  Romaine,  6c  ils  promirent  de  la  favorifer 

dans 


ET  DU  CONCILE  DE  B  ASLE. Zh.Arrifl.  473 

dans  fon  deflein.  L'affaire  étoit  des  plus  délicates.  Albert  étoit  \a\-i, 
maîrre  de  la  plus  grande  partie  de  la  Moravie  ôc  de  l'Autriche  ; 
on  l'avoit élevé  dans  l'efperance  du  royaume  de  Bohême,  &  il 
étoit  déjà  défigné  Roi  de  Hongrie.  Les  Turcs  d'ailleurs  écoient 
aux  portes ,  &  ce  n'étoitpas  le  tems  de  jetter  des  femences  de  guer- 
re entre  les  Princes  Chrétiens.  Cette  intrigue  ne  put  être  fi  fe- 
crete  que  Sipfmond  n'en  fût  informé. Comme  on  redoutoit  le  pou- 
voir de  l'Impératrice  en  Bohême  ,  le  Confèil  de  Sipfmond  fut 
d'avis  qu'il  allât  en  Moravie ,  où.  il  feroit  plus  en  état  de  s'oppofer 
aux  defleins  de  fa  femme  >  dont  l'ambition  &  la  lubricité  jointes 
enfemble  ne  refpiroient  qu'après  un  nouveau  mari  qui  lui  mît  fur 
la  tête  la  couronne  de  Bohême. 

XL.  Sigifmonds'y  fît  mener  tout  malade  qu'il  étoit,  fous  pré-  sigifmtnd  *t 
texte  de  voir  encore  pour  la  dernière  fois  fa  fille  Elisabeth ,  mais en  gravie 
dans  le  fond  pour  afîurer  le  Royaume  à  fon  gendre.  L'Impératrice  çCvokAlbtrt. 
l'y  fuivitjoyeufement  avec  fon  frère  Vlric,  ne  fe  doutant  de  rien, 
&  n'attendant  que  la  mort  de  fon  époux.  Dbs  qu'on  fut  arrivé  a\ 
Znoima  ville  de  Moravie  3  l'Impératrice  y  fut  arrêtée  par  ordre  de 
l'Empereur.  Son  frère  prit  la  fuite,  &  Albert Tut  mandé  avec  fon 
époufe  en  toute  diligence.  L'Empereur  avoitavec  lui  les  princi- 
paux Seigneurs  Catholiques.  Les  ayant  afTemblez  en  particulier  il 
leur  recommanda  par  un  difeours  fort  éloquent  Albert  fon  gendre 
&  Elisabeth  fa  fille. 

XLI.  Ils  lui  promirent  fidélité  ôcafliftance,  &:  luiconfeillerent  s$g$fm*»ê 
d'envoyer  promptement  une  ambafTade  bien  folemnelleen  Bohê-  eMV,oy^  ljnc 

1  m      »  -a  1  ri  »  ambailade 

me ,  de  peur  qu'il  n  y  arrivât  quelque  loulevement ,  6c  pour  y  por-  en  Bohème 
ter  le  teftament  du  Roi  par  lequel  il  nommoit  Albert  pour  fon  fuc-  ">  hi'eiic 
ceiTeur.  A  la  tête  de  cette  ambafTade  étoit  GafpardSlick ,  cet  illuf- 
tre  &  grand  homme  qui  eut  l'avantage  d'être  Chancelier  de  trois 
Empereurs  tout  de  fuite  3  fçavoir  de  Sipfmond ,  d'Albert  Se  de  Fré- 
déric III.  Il  étoit  au  Concile  de  Confiance,  &y  protefla  contre 
la  condamnation  de  Jean  Mus  &  de  Jérôme  de  Prague ,  ce  qu'il  ne 
fit  pas ,  fans  doute ,  fans  ordre  de  l'Empereur.  Aineas  Sylvius  qui 
l'avoit  connu  à  la  cour  de  l'Empereur,  en  fait  une  éloge  magnifi- 
que en  reconnoiflance  des  obligations  qu'il  témoigne  lui  avoir, 
Cette  ambaflade  exhorta  fortement  les  Etats  afTemblez  à  recevoir 
Albert  pour  Roi ,  félon  la  dernière  volonté  de  Sipfmond.  Les  prin- 
cipaux motifs  qu'alleguoient  les  ambafladeurs  étoient  1 .  Les  gran- 
des <\\id\\tQz  à  Albert  prince  à  leur  voifinage,  &  ami  de  la  Bohê- 
me. 2.  Les  obligations  qu'elle  avoir  aux  rois  Jean ,  Charles  IV* 
Tem.J.  Ooo 


474         HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
I4,.-     Venceflas ,  &à  Sigifmond  lui-même.  3.  Qu'il  n'étoit  pas  jufte  de 
priver  Elisabeth  femme  &  Albert,  du  droic  qu'elle  avoit  au  Royau- 
me 3  comme  étant  de  leur  fang,  4=  Qu'ils  ne  dévoient  point  faire 
de  difficulté  de  choifirpour  leur  Roi  un  Prince  qui  avoir  été  élu 
avec  tant  d'empreflèment  en  Hongrie.   5.  Qu'il  y  avoit  un  traité 
confirmé  par  l'Empereur  &.  par  les  Grands,  par  lequel  on  étoic 
convenu  que  lesenfans  maies  venant  à  manquer  dans  l'une  des 
deux  maiîons  de  Bohême  &  d'Autriche  3  l'autre  pofîedercit  le 
.£       Roïaume,&  qu'ainfi  les  mâles  ayant  manqué  dans  la  Maifon  Roïa- 
le  de  Bohême  ..  il  falloir  avoir  recours  à  l'Autriche  (1).    L'affaire 
ne  fouffrit  point  de  difficulté  du  côté  des  Seigneurs  Catholiques 
qui  déiignerentauiTi-tôt^/^r/pour  Roi  de  Bohême. 
Les  existais      XLII.  Mais  il  n'en  fut  pas  de  même  des  Seigneurs  Calixtins  qui 
poinTd'ii/-   s'étoient  liguez  avec  l'Impératrice  pendant  la  maladie  de  Sigif- 
hert  pour      mond.  Ils  déclarèrent  qu'ils  n'accepteroient  point  Albert  fans  une 
Roi#  bonne  capitulation,  &  lui  envoyèrent  des  ambalïadeurs.   Leurs 

principales  raifons  étoient  1.  Que  Sipfmond ayant  d'abord  violé 
le  concordat ,  fon  gendre  en  pourroit  faire  de  même.  2.  Que  l'é- 
lection d'un  Roi  devoit  être  libre ,  &.  non  vénale  ou  furprife  par 
des  difeours  fpécieux ,  &  qu'ils  avoient  acheté  cette  liberté  au 
prix  de  leur  fang  Se  de  leurs  fortunes.  3.  Que  ce  prétendu  traité 
avoit  été  extorqué  à  Ottocarus  roi  de  Bohême  dans  des  rems  où  la 
Bohême  étoit  cruellement  opprimée  par  l'Empereur  d'Allema- 
gne- 4.  Qu'ils  aimoient  mieux  un  Roi  Polonoisde  même  langage 
qu'eux  3  qu'un  Roi  pris  d'entre  les  Allemands ,  dont  ils  avoienc 
tant  fouffert.  5 .  Qu  Albert  lui-même  étoit  venu  à  main  armée  dans 
le  royaume  de  Bohême ,  &  que  par  toutes  ces  raifons  ils  ne  le  vou- 
Part  iL'cnp.  loient  point  pour  leur  Roi  que  fous  de  bonnes  conditions  (a).  On. 
111.  verra  l'année  prochaine  comment  cette  ambaiTade  fut  reçue. 

Mort  de  XLIII.  Cependant  la  maladie  allant  toujours  empirant ,  Si- 
l'Empcrcur.  gifmondmourut  iznoima  le  7.  le  8.  ouïe  9.  de  Décembre,  (caries 
Hiitoriensvarient)âgéde69.ou  70.  ans  après  avoir  régné  5  1.  ans, 
feavoir  en  Hongrie  jufqu'à  (a  mort,  dans  l'Empire  27.  ans  ,  &  en 
Bohême  17.(2,).  Son  corps  fut  tranfporté  au  grand  Varadin  ,  fé- 
pultifre  des  Rois  de  Hongrie.  C'étoit  unfpe&acle  lamentable  de 

(  I  )  Cette  pièce  fe  trouve  dans  Cochlée ,  elle  porte  qu'en  cas  qu'il  ne  fe  trouve  point  d'héri- 
tiers ,  ni  mâles,  ni  femelles  de  la  maifon  royale  de  Bohême  ,  l'eiechon  du  Roi  retournera  aux 
Etats  de  Bohême.  Cschl.  HHt.  Huff.  Lib.  IX.  p.  3  \J.  Cttte  claufe  n'étoit  nullement  favorable 
au  parti  Cali-xtin  pwfquEUfabetb  femme  d' Albert  e'toit  fille  de  Stgifmtni  rôi  de  Bohême. 

(2)  Il  naquit  en  1 3  <?8.  fut  Roi  de  Hongrie  en  1387.  de  Bohême  en  1410.  &  Empereur  en 
143  3.  mais  un  compte  fon  Empire  depuis  1410.  qu'il  fut  clu  Roi  des  Romains. 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.JCVllI.^^ 
voir  la  Reine  prifonniere  à  la  fuite  du  cadavre  du  Roi  Ton  époux.  r43  7* 
Après  les  obféques  Albert  rut  élu  Roi  de  Hongrie  d'une  voix  una- 
nime ,  &  couronné  à  Albe  Royale  le  i .  de  Janvier  de  l'année  fui- 
vante.  Barbe  mife  en  liberté  le  retira  à  Gratz  qui  étoit  Ton  douaire, 
&  finit  fa  vie  libertine  &  infâme  en  1457.  à  Milczjm  petite  ville  de 
Bohême  proche  de  Tabor  (  1  ) ,  ou  à  Gratz  félon  d'autres. 

XLIV.  Quoique  de  l'aveu  de  tout  le  monde  Sigifmond  eàt  de  G»rïdere  & 
grandes  qualitez  &  des  vertus  vraiement  royales ,  il  faut  convenir  £&àÇ&iif- 
auiîi  qu'il  fut  plus  illuftre  par  Cqs  malheurs  que  par  fcs  exploits.  S'il  mntd. 
fit  de  belles  actions ,  il  fit  aufli  de  grandes  fautes  qui  lui  attirèrent 
bien  des  infortunes.  A  peine  étoit-il  en  poileiTion  du  royaume  de 
Hongrie  qui  lui  étoit  dévolu  par  la  mort  de  Louis ,  dont  il  avoir, 
époufé  la  tille  à  cette  condition,  que  peu  s'en  fallut  qu'il  n'en  fut 
dépofTedé.  Les  Hongrois  méprifant  fa  jeunelîè,  appellerent  Charr- 
ies de  Duras  io\  do.  Naples.  Ce  Prince  ambitieux  &  imprudent  ac- 
courut en  Hongrie  malgré  les  confeils  de  la  Reine  fonépoufe ,  ôc 
de  fes  amis  :  il  fe  rît  couronner  à  Albe  Royale ,  pendant  que  Sigif 
mond  étoit  en  Bohême.  Charles  voulut  même  que  la  reine  Marie 
époufe  de  oê  dernier ,  &  la  Reine  mère  alîift aflent  au  fpectacle  , 
fous  prétexte  de  leur  faire  honneur  ,  mais  au  fond  pour  les  inful- 
ter.  La  Reine  mère  s'en  vangea  cruellement,  &  même  perfide- 
ment en  le  faifantaiTailinerlorfqu'il  étoit  endormi  fur  une  chaife. 
Ce  meurtre  ne  fut  pas  longtemps  impuni.  Les  gens  afhdez  \char- 
/^jpourfuivirent  la  Reine  qui  s'alloit  réfugier  dans  quelque  châ- 
teau. Quand  ils  l'eurent  atteinte ,  après  l'avoir  garottée ,  ils  la  pré- 
cipitèrent du  haut  d'un  rocher  dans  le  Danube.  L'époufe  de  Sipf- 
?nond  demeura  prifonniere.  Cependant  ce  Prince  vint  de  Bohêm-e 
avec  une  bonne  armée  pour  rentrer  enpolTefîion  de  fon  Royaume, 
&  délivrer  fon  époufe  5  mais  oubliant  dans  cette  occafion  la  clé- 
mence dont  l'Hiftoire  lui  fait  honneur ,  (quoiqu'il  ait  donné  pen- 
dant fa  vie  plufieurs  marques  de  cruauté)  il  s'attira  de  nouveaux 
malheurs  par  unefévérité  finon  injufte,  au  moins  précipitée.  Il 
fie  trancher  la  tête  à  3  1.  des  Seigneurs  Hongrois  qui  avoient  conf- 
piré  contre  lui.  Cette  fanglante  exécution  allarma  tout  le  monde. 
Les  InterelTez,  par  une  nouvelle  conjuration  réfolurent  d'aller 
dans  fon  palais  pour  le  prendre  ou  pour  le  malîacrer  ,  lî  on  ne  pou- 
voit  pas  en  venir  à  bout  autrement.  On  dit  que  dans  cette  rencon- 
tre il  fit  une  a&ion  de  vigueur  &  de  courage.  Voyant  les  conjurez 

(1)  /£ neas  Sv]viusczp.  LIII-LIV.  Cêchl.  ubi  fupr.  p.  %  12.  3  1 3  .T&»£.Part.  II.  cap.  II.  TïMh* 
Eptorti.  Lib.  V.  cap.  I.  p.  4^6".  4P7.  C%jcch.  L.  V.  cap.  V.  p.  61 1 . 

Ooo  ij 


47^       HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14.x  7     approcher ,  il  alla  au  devant  d'eux  l'épée  à  la  main  :  Qui  efl-ce ,  dit- 
il ,  d'entre  vous  qui  mettra  le  premier  la  main  fur  moi  1  Que  vous  a  fait 
votre  Roi  pour  entreprendre  de  le  tuer  ?  Quoi  de  plus  lâche  &  de  plus  in- 
digne ,  que  de  fe  jetter  contre  un  homme  feul  /  S*  il  y  en  a  un  d'ajfez^  hardi \ 
qu  il  s'avance ,  &  je  me  battrai  avec  lui.  A  ce  difeours  les  conjurez 
jt^Ai^b  ^      diffiperent  chacun  de  fon  côté  (a).   Cependant  il  fut  pris  dans 
J^.LVin.  une  autre  «ccafion ,  &  enfermé  dans  une  prifon  d'où  il  ne  fortic 
3p.aP.  Mn.  nU'en  donnant  efperanced'épouferJW^  fille  de  Herman  comte 
'h* iJ*   de  Cilley ,  la  plus  indigne  femme  qui  de  mémoire  d'homme  ,  file 
montée  fur  le  trône ,  félon  le  témoignage  de  tous  les  Hiffcoriens. 

Sigifmond  ayant  été  élu  Roi  des  Romains  entra  dans  une  car- 
rière fort  épineufe  dans  les  conjonctures  d'alors.  Il  s'acquit  à  la 
veriré  une  gloire  immortelle  par  fes  longs  travaux,  &[fes  pénibles 
voyages  dans  la  plus  grande  partie  de  l'Europe,  non  fans  courir 
fouvent  rifque  de  la  vie  pour  éteindre  le  grand  fchifme  d'Occi- 
dent,  &  pour  aflembler  le  Concile  de  Confiance  dans  cette  vûë. 
Mais  on  peut  dire  que  dans  une  conjoncture  au  (fi  favorable  il  fit 
trois  fautes  capitales ,  qui  ternirent  fa  gloire,  &  qui  le  plongèrent 
dans  de  nouvelles  difgraces.  La  première  _,  c'eft  qu'ai*lieu  de  pro- 
fiter de  l'occafion  du  fchifme  pour  mettre  le  Pape  à  la  raifon,  6c 
mettre  l'Empire  hors  de  page ,  il  fe  mit  indignement  à  genoux  de- 
vant Jean  JTJCIII.  dès  la  moindre  foumiflion  qu'on  extorqua  â 
ce  Pontife  3  il  tint  les  rênes  de  fon  cheval ,  &  celui  de  fon  fuccef- 
feur  au  fortir  de  Confiance  3  ôcs'alla  faire  couronnera  Romefans 
nulle  nécefîité  que  celle  qu'impofoit  la  coutume  &  la  tyrannie  pa- 
pale. L'autre  faute  qu'il  fit,  c'eîl  que  par  fa  foumiffion  aveugle 
pour  le  clergé ,  il  fouffrit  qu'on  violât  le  fàuf-conduit  authentique 
qu'il  avoitdonnéà  Jean  Hus }  qu'on  emprifonnât  ce  docteur  de 
Bohême ,  6c  qu'enfin  on  le  brûlât.  C'efl  ce  qui  lui  attira  une  haine 
implacable  de  la  part  des  Bohémiens,  ôc  cette  longue  6c  cruelle 
guerre  dont  nous  écrivons  l'Hifloire.  Il  y  fut  battu  1  2 .  ou  1  3 .  ba- 
tailles rangées  par  des  gens  inférieurs  en  nombre  ,  mais  qui  com- 
battant pour  leurs  autels  6c  pour  leurs  foyers  fe  battoient  moins  en 
guerriers  qu'en  lions.  Troifiéme  faute }  je  ne  juge  point  de  la  qua- 
lité des  dogmes  foit  de  l'Eglife  Romaine  3  foit  du  Hulîitifme  3  mais 
au  moins  il  falloit  temporifer6cnepass5expofer  à  de  nouveaux  af- 
fauts  par  un  zèle  prématuré.  La  guerre  étoit  à  peine  un  peu  afi\  u- 
pie,  qu'il  la  renouvella  contre  fa  parole  ,  par  une  feverité  préci- 
pitée enrétabliflant  dans  toute  fa  fplendeur  un  culte  qui  faifoit 
l'horreur  de  la  plus  grande  partie  de  la  Bohême,  comme  s'il  eût 


ET  DU  CONCILE  DE  BASLE.  Liv.XVIU.W} 
pris  plaifir  à  rallumer  le  feu  qui  n'étoit  que  caché  fous  des  cendres    I4,  7 
encore  coures  chaudes.  La  more  empêcha  qu'il  ne  fût  la  vi&ime 
de  fon  imprudence  3  mais  il  en  coûta  cher  à  fon  fuccefïeur ,  comme 
on  le  verra  dans  la  fuite. 

Si  Ton  marque  ici  les  fautes  de  ce  grand  Empereur,  on  a  fait 
ailleurs  l'éloge  de  fes  vertus,,  &  donné  le  caradere  de  (es  mœurs», 
&  de  fon  efprit.  Il  fe  rendit  fur  tout  recommandable  par  fon 
amour  pour  les  fciencesôc  les  belles  lettres,  parla  diftin&ion  qu'il 
faifoitdeceuxqui  les  cultivoient.  Au  refte,  fî  on  eft  curieux  de 
connoître  l'extérieur  de  ce  Prince ,  j'en  donnerai  l'idée  d'après  le 
P.  Maimbourg  qui  l'a  tirée  de  Cufpinien  >  de  Bonfinius  &  d'autres 
auteurs  qui  conviennent  des  avantages  qu'il  avoic  reçus  de  la  na- 
ture à  cet  égard.  Ce  fut ,  dit  le  Père  Maimbourg ,  l'un  des  hommes 
de  fon  temps  le  mieux  fait ,  &  par  fa  haute flature ,  &  fon  port  plein  de 
majefiè ,  par  la  beauté  des  traits  de  fon  vifage ,  par  fa  barbe  longue  &   , »  -,..  . 
fes  cheveux  blonds  qui  luiflottoientfur  les  épaules  à  grojfes  boucles  na-  du  grand 
turellement  formées  ,  &  qui  par  un  certain  air  de  grandeur  digne  de  Scj'fme  d'0c' 
F  Empire  3  s'attiroit  le  refpecl  de  tout  le  monde ,  &  faifoit  avouer  d%a-  \\,  p,'  %%{. 
bord  en  le  voyant ,  qu'il  étoit  digne  de  commander  (a).  i*4- 

XLV.  Le  Pape  Eugène  étoit  toujours  dans  de  grandes  angoiffes.     Affaires  <■- 
La  plupart  des  Princes  de  l'Europe  l'ayant  abandonné ,  en  faveur  Sfcrc»V 
du  Concile  de  Bade  , il  n'avoit  de  reflource  qu'en  Italie ,  où  il  ne  g™  &portu. 
manquoitpasnon  plus  d'affaires.  D'autre  côté,  il  étoit  dans  des  gcl1' 
tranfes  mortelles  que  les  Grecs  acceptant  la  ville  de  Bade  ,  leur  transférée 
réunion  ne  fe  fît  fans  fa  participation.  De  trois  villes  que  ce  Con-  ConciIe  <*e 
cile  leur  avoir  propofées , aucune  ne  lui  plaifoit,  ni  Balle  où  écoienc  rare!  a 
ailemblez  fes  parties,  ni  Avignon  aux  portes  de  la  France  où  le 
Roi  lui  étoit  fufpect ,  ni  aucun  endroit  de  la  Savoye  donr  il  foup- 
çonnoit  le  Duc  de  le  vouloir  fupplanter.  Dans  cette  perplexité  ,  il 
confuita  fon  fidèle  ami  Nicolas  marquis  à'Efi ,  des  confeils  de  qui 
il  s'étoitfouvent  bien  trouvé  j  ils  réfolurent  enfemble  d'envoyer 
inceiîamment  une  ambalTade  à  l'Empereur  Paleologue  pour  lui 
propofér  la  ville  de  Ferrare  ^  &lui  offrir  l'argent  &les  galères  né- 
ceflaires  pourletranfport.  L'Empereur  Grec  accepta  ce  parti,  6c 
l'ambaiTade  de  retour  avec  une  réponfe  favorable,  Eugène  manda    ^  Bmv: 
le  Concile  à  Ferrare.  La  Bulle  eft  datée  de  Bologne  le  i  8 .  de  Sep-  i  v. 
tembre,  &  lignée  du  Pape  6c  de  huit  Cardinaux(b).  On  verra  bien-  Le  roi  d'Ar- 
tôr  comment  cette  Bulle  fut  regardée  au  Concile  de  Balle,  ragontraver- 

X  L  V  I.  Le  Roi  d'Arragon  traverfoit  Eugène  de  tout. fon  pou-  ConcUe"dcU 
voir.  Ce  Prince  ayant  appris  que  les  Génois  3  les  Florentins ,  6c  les  Bailc. 

O  o  o  iij 


473  HiST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSïTES 
1437.  Vénitiens  s'étoient  liguez  avec  le  Pape  pour  s'oppofer  à  /es  def- 
feins  fur  le  royaume  de  Naples  ,  tâcha  d'engager  contre  eux  le 
Roi  de  Caftifle  avec  qui  il  s'etoit  accommode  depuis  peu ,  afin  de 
les  obliger  par  force  à  fe  détacher  à' Eugène.  Comme  le  Roi  de 
Cafbille  ne  vouloir  pas  rompre  avec  la  France  il  refufa  de  prendre 
les  armes  contre  ces  Republiques,  parce  qu'elles  étoient  alliées 
avec  la  France.  Ce  fecours  lui  ayant  manqué ,  il  prit  d'autres  me- 
fores.  Il  avoit  déjà  envoyé  un  bon  nombre  de  Prélats  au  Concile 
pour  traverfer  Eugène  au  moins  indirectement.  Mais  afin  de  renj. 
forcer  cette  ambaffade ,  ii  envoya  ordre  aux  autres  Prélats  deion 
Royaume ,  deTe  rendre  à  Baiîe ,  menaçant  ceux  qui  refuferoienc, 
de  les  dépouiller  de  leur  temporel.  Cependant  pour  amu fer  Eu- 
gène il  lui  fit  offrir  de  lui  faire  hommage  du  Royaume  de  Naples , 
s'il  vouioit  l'en  mettre  en  pofleffion ,  &  lui  donner  une  certaine 
fomme  d'argent  pour  les  arrérages ,  avec  plufieurs  autres  condi- 
tions très-avantageufes ,  pendant  qu'il  follicitoit  le  Concile  à  le 
dépofer  &  à  lui  déclarer  la  guerre  s'il  ne  vouioit  pas  fe  foumettre. 
En  même  temps,  ou  peu  après,  Alphonfe  envoya  une  armée  dans, 
le  royaume  de  Naples  pour  s'en  emparer ,  6c  en  chafîer  le  légat  du 
Pape  ,  &  la  reine  J fa belle  femme  de  René  d'Anjou. 
E*ge*e  fou-  X  L  VI I.  Cette  Princefle  fe  trouvant  trop  foible  pour  réfifter 
tient  René  aux  forces  du  Roi  d'Arragon  envoya  demander  du  fecours  au 
trcSSwî*  Pape,  qui  de  fon  côté  lui  envoya  le  Patriarche  d*  A  quitte  avec 
6000.  hommes  tant  de  cavalerie  que  d'infanterie.  Après  bien  des 
pourparlers  à  Naples ,  Jfabelle  &  le  Patriarche  ne  pouvant  pas 
convenir  enfemble ,  parce  que  le  Légat  vouioit  retenir  le  Royau- 
me au  nom  du  Pape,  &  qu' Jfabelle  vouioit  le  garder  au  nom  de 
René  hn  époux,  le  Légat  fe  retira  dans  fon  camp.  Il  remporta 
d'abord  quelque  avantage  fur  le  parti  Arragonois  5  mais  au  lieu 
d'en  profiter ,  il  demanda  une  trêve  qui  lui  fut  accordée  pour 
deux  mois.  Le  Duc  de  Milan  qui  depuis  long-temps  en  vouioit  à 
Eugène  fe  joignit  à  Alphonfe  pour  l'inquiéter.  Ayant  appris  qu'on 
déliberoit  à  Bafle  fur  un  lieu  propre  à  exécuter  la  réunion  des 
Grecs,  &  que  le  Pape  avoit  choifiFerrare  pour  cet  effet,  il  envoya 
à  Bafle  propofer  Pavie  ville  du  Milanois ,  à  quelques  lieues  de  Mi- 
lan ,  offrant  de  groiîes  fommes  d'argent  pour  le  voyage  des 
Grecs,  6c  de  livrer  le  Pape  Eugène.  Cette  propofition  portée  par 
l'éloquent  JEneas  Sylvius  qui  n'étoit  pas  alors  aufïï  zélé  partifan 
des  Papes  &  du  fiége  de  Rome,  qu'il  le  fut  depuis,  penfa  ébran- 
ler le  Concile  j  mais  elle  n'eut  pourtant  pas  de  lieu. 


ET  DU  CONCILE  DE  B  AS  LE.  Ziv.  XVIll.±-i<)    T /> 

^  '  '    143  7. 

X  L  V 1 1 1.  Le  Roi  de  Portugal  avoit  obtenu  du  Pape  l'année  . .  _ 
précédente  une  croifade  contre  les  Maures.  Ce  Prince  avoit  cinq  cfesduRoidc 
frères  tout  brûlant  d'ardeur  defe  fignaler  par  cette  conquête.  Ils  *•**&* ca 
levèrent  environ  6000.  hommes,  oc  avec  cette  petite  armée  ils  riquc* 
oferent  entrer  en  Afrique  malgré  l'avis  du  Roi  &  defon  confeil , 
qui  leur  prédirent  ç£  qui  leur  arriva.  Quand  ils  furent  à  Ceuta  qui 
étoit  alors  aux  Portugais,  on  tint  confeil  fur  les  opérations  de  la 
campagne.  L'avis  fut  de  commencer  par  le  fiége  de  Tanger.  La 
place  le  défendit  pendant  un  mois  dans  l'efpérance  d'avoir  bien- 
tôt du  fecours.  En  effet ,  les  Rois  de  Fez  &  de  Maroc ,  &  les  autres 
Princes  d'Afrique  y  accoururent.  On  prétend  que  leur  armée 
étoit  de  600000.  hommes  de  pied,  &  70000.  chevaux.  Il  n'en 
falloit  pas  tant  pour  envelopper  bientôt  une  poignée  de  gens  qui 
fe  défendirent  pourtant  fort  bien  pendant  long -temps.  Enfin  il 
fallut  demander  la  paix.  Les  Maures  ne  la  voulurent  donner  qu'à 
condition  de  rendre  Ceuta.  Les  Portugais  le  promirent,  quoique 
cela  ne  fut  point  en  leur  pouvoir.  Cependant  les  principaux  d'en- 
tre eux  ,  &  fur  tout  Ferdinand ,  l'un  des  frères  du  Roi,  qui  avoic 
été  le  plus  ardent  à  cette  expédition ,  demeurèrent  en  otage.  Le 
Confeil  du  Roi  de  Portugal  ne  fe  trouvant  pas  d'humeur  à  rendre 
Ceuta ,  Ferdinand  fat  retenu  en  prifon  ,  où  il  mourut. 

X  L  I  X.  Le  Roi  de  France  n'étoit  pas  plus  content  du  Pape    France  & 
Euzene ,  que  les  Princes  dont  on  vient  déparier.  Ce  Pontife  lui  A«ghterr'- 
avoit  rerulc  deux  choies  qui  i  avoient  irrite  contre  lui  3  1  une  etoit  ics  vu.  fait 
l'invelliture  du  royaume  de  Naples  en  faveur  de  René  &  Anjou  ,Çontni™*  à 
l'autre  la  ville  d'Avignon  pour  la  réunion  des  Grecs.  C'effc  ce  qui   aris* 
l'obligea  de  défendre  à  les  Prélats  d'aller  à  Ferrare  où  le  Pape 
avoit  transféré  le  Concile.  Ce  fut  cette  année  que  ce  Monarque 
fit  fon  entrée  à  Paris  ^  où  on  ne  l'avoit  point  vu  depuis  près  de 
vingt  ans.  On  peut  voir  la  defeription  de  l'accueil  magnifique 
qu'on  lui  fit ,  dans  l'Hiftoire  de  France  du  P.  Daniel.  J'en  rappor- 
terai feulement  une  particularité  dans  les  termes  de  cet  Hiftorien. 
»  Au  Ponceau  St.  Ladre '(a)  il  parut  uneefpéce  demafearade  de   [n]  c/eft-.u 
»  dévotion  compofée  de  1 4.  perfonnes ,  dont  7.  reprefentoient  les  diic  St-  la- 
»  4.  vertus  cardinales ,  &  les  3 .  vertus  théologales ,  &  fept  autres  tm  e 
»les  fept  péchez  mortels.  Leurs  habits  étoient  également  bifarres 
»  &  magnifiques ,  aulîi  bien  que  leurs  montures  &  tous  leurs  équi- 
pages. A  la  porte  St.  Denis  parut  en  l'air  un  enfant  habillé  en 
»Ange,  comme  defeendant  du  Ciel.,  qui  tenoir  un  Ecu  d'azur  à 


4§o       HÏST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
14^7.    »  3-  fleurs  de  lis  d'or  ,6c  on  entendit  en  même  temps  un  concert  de 
»  Mufique  ,  qui  chantoit  ces  quatre  vers  : 
Très  -  excellent  Roi ,  &  Seigneur , 

Les  manans  de  votre  cité 
Vous  reçoivent  en  tout  honneur , 
Et  en  très  -grande  humilité. 

Une  fepafïa  rien  de  confïdérable  cette  année  en  Angleterre. 
Les  Anglois  remportoient  toujours  en  France  d'aflez  grands  avan- 
tages pour  rendre  à  Charles  VII.  la  pofïeflion  de  ce  Royaume  in- 
certaine. Louis  d'Orléans  qui  é toit  toujours  prifonnier  en  Angle- 
terre, tâcha  de  renouer  les  négociations  de  la  paix,  qui  avoient 
manqué  l'année  précédente ,  afin  d'obtenir  fa  liberté.  Il  demanda 
pour  cet  effet  permiffion  de  s'aboucher  à  Calais  avec  le  Duc  de 
Bretagne.  Le  Confeii  d'Angleterre  y  étoit  aflez  difpofé  ,  mais  le 
duc  de  Gloceflerjugea.  qu'il  falloit  attendre  qu'on  fut  plus  en  état 
de  faire  une  paix  avantageufe. 
MUmugnt.  L.  Le  Pape  &  le  Concile  de  Balle  étoient  toujours  aux  prifes, 
Sdïions  du  tant  fur  l'autorité  de  l'un  &  de  l'autre ,  que  fur  le  lieu  qu'on  choifi- 
Bafle.lk  d°  roitpourla  réunion  des-Grecs.  Le  Pape  la  vouloit  abfolument  à 
Ferrare  ,  où  il  l'avoit  déjà  mandé.  Les  François  l'avoient  deman- 
dé à  Avignon ,  &  les  Pères  de  Bafle  n'en  étoient  pas  éloignez, 
quoiqu'ils  eufïent  mieux  aimé  que  ce  fût  à  Bafle  même.  Il  fe  tint 
cette  année  fîx  Seffions  dans  ce  Concile.  Dans  la  XXV.  tenue  le 
7.  Mai ,  on  réfolut  que  s'il  y  avoit  trop  de  difficulté  à  recevoir  les 
Grecs  à  Bafie,  on  choifiroit  Avignon ,  ou  quelque  endroit  de  la 
Savoye  3  on  prit  des  mefures  en  même  temps  pour  faciliter  leur 
voyage ,  &  leur  inftruction.  Dans  cette  Seflîon  il  fe  fît  deux  décrets 
contraires  l'un  à  l'autre ,  touchant  le  lieu  de  la  réunion  des  Grecs. 
L'un  de  la  part  des  Légats  du  Siège  Apoftolique,  des  Présidents 
du  Concile,  &  de  la  plupart  des  Prélats.  L'autre  décret  étoit  du 
refte  du  Concile.  Les  premiers  fe  déclaroient  pour  Florence ,  ou 
quelque  autre  endroit  de  l'Italie ,  comme  le  Frioul.  Les  autres 
pour  Bafle,  ou  pour  Avignon.  Cependant  les  députez  de  l'Eglife 
Grecque  arrivèrent  à  Bologne  3  où  étoit  le  Pape.  D'abord  ils  pro- 
tégèrent contre  le  choix  de  la  ville  d'Avignon  ,  &  demandèrent 
Florence.  Le  Pape  y  confentit,  &  envoya  des  Légats  à  l'Empe- 
reur ,  aux  Rois  de  France ,  d'Angleterre ,  de  Sicile  ôc  de  Portugal 
[q&nsil.  pour  le  leur  notifier  fa).  Dans  la  XXVI.  tenue  le  3  1 .  de  Juillet , 
b*Î*Tm4I  Eugene  lïr>  fuC  ç*c^  *  comparoître  au  Concile ,  ou  en  perfonne  ou 
3I"  Par 


ET  DU  CONCILE  DE  I3ASLE.  Liv.XVÏII.^lï 

par  procureur  3  avec  menace  de  procéder  contre  lui  félon  les  Ca- 
nons _,  en  cas  de  refus ,  &  on  y  fit  une  longue  énumeracion  des 
griefs  qu'on  avoir,  contre  lui.  Dans  la  XXVII.  tenue  le  26.  de  Sep- 
tembre ,  on  cafla  l'éle&ion  de  quelques  Cardinaux  (  1  ) ,  que  le  Pa- 
pe avoir  créez  contre  les  décrets  du  Concile.  Comme  le  bruit 
s'étoit  répandu  que  le  Pape  vouloit  vendre  Avignon  fous  prétexte 
de  fournir  de  l'argent  aux  Grecs ,  le  Concile  défendit  cette  vente. 
L'Archevêque  de  Tarente  avoit  fuppofé  des  Bulles  par  lefquelles 
on  feienoit  que  le  Concile  avoit  confenti  au  choix  de  Florence  ou 
d'Vdine  pour  recevoir  les  Grecs.  Ces  Bulles  furent  defavouées 
&annulléesdans  cette  Sefîion.  Sigifmond  vivoit  encore  alors.  Le 
Concile  lui  écrivit  pour  lui  demander  fa  protedion  costre  Eugène 
IV.  qui  le  traverfoit ,  &  pour  lui  faire  fçavoir  que  ce  Pape  avoit 
été  ajourné.  Cette  nouvelle  déplut  à  l'Empereur,  qui  écrivit  de  ne 
pas  pouffer  davantage  Eugène  IV.  qu'autrement  il  le  joindroit  aux 
autres  Princes  pour  le  foutenir.  Cependant  dans  la  Sefîion 
XXVIII.  tenue  le  premier  d'Octobre,  fon  terme  étant  expiré  , 
il  fut  déclaré  contumace.  La  plupart  des  Princes  furent  fort  irri- 
tez de  cette  démarche.  Les  Ambafladeurs  du  Roi  d'Arragon  fe 
retirèrent  du  Concile  avec  proteftation.  L'Empereur  envoya 
Pierre  comte  de  Schaumbourg,  évêque  d'Augsbourg  ,  à  Bafle 
pour  détourner  les  Pères  d'une  réfolution  qu'il  trouvoit  feanda- 
leufe  &  inouie.  Le  Roi  d'Angleterre  leur  écrivit  en  termes  très- 
forts  dans  la  même  vue  3  leur  donnant  le  nom  d'Afïemblée,  &  non 
de  Concile.  Je  ne  trouve  point  d'oppofition  de  la  part  du  Roi  de 
France.  Les  Pères  nonobftant  cela  tinrent  leur  XXIX.  Sefïïonle 
1  2 .  d'O&obre.  Comme  le  Pape  avoit  publié  fa  Bulle  de  la  tranfla- 
tion  du  Concile  à  Ferrare,  qu'il  jugeoit  plus  propre  que  Florence, 
ils  déclarèrent  nulle  cette  tranflation  ,  à  enjoignirent  au  Pape  de 
la  révoquer ,  réfutant  fa  Bulie  de  point  en  point. 

LI.  On  fît  dans  la  XXX.  tenue  le  1 3 .  de  Décembre  un  décret  Dccrct  fur  îa 
touchant  la  Communion  fous  les  deux  efpeces.  Comme  ce  décret  fomm™lon 
appartient  au  principal  lujet  de  cette  Hiitoire,,  on  le  mettra  ici  efpscct. 
tout  entier.  Le  Sacré  Concile  Général  de  Bàfle  affemblé  par  le  faim 
Efprit  ,  &  reprefentant  l'Eglife  univerjelle  en  mémoire  perpétuelle. 
»  Afin  de  voir  plus  clairement ,  en  déclaration  de  la  vérité  catholi- 
»  que }  ce  qu'il  faut  croire  &  ce  qu'il  faut  pratiquer  pour  le  falut  du 
«peuple  Chrétien  au  fujet  de  la  fainte Euchariftie ,  après  avoir  re- 
»  cherché  diligemment  ,  &  pendant  long-tems  dans  les  faintes 

(ï)  Entre  autres  Vttellefcbi ,  dont  on  a  fouvent  parle. 

Tom.  I.  P  p  p 


43 i      HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 

1417.    «Ecritures,  dans  les  facrez  Canons,  &  dans  la  tradition  desSts. 

»  Pères &c  des  Docteurs,  &confideré  tout  ce  qui  peut  contribuer 

»à  l'explication  de  cette  matière,  le  facré  Synode  décerne,  Se 

»  déclare ,  i .  Que  les  Laïques  communians  quand  ils  ne  célèbrent 

»  pas ,  {non  confidentes)  ne  font  point  obligez  à  prendre  le  St.  Sacre- 

»  ment  de  PEuchariftie  fous  les  deux  efpeces,  c'eft  à-dire  fous  celle 

»  du  pain  6c  fous  celle  du  vin.  2.  QuePEglife  qui  eft  gouvernée  par 

»  le  St.  Efprit  demeurant  avec  elle  éternellement ,  &  avec  laquelle 

»  J.  C.  demeure  jufqu'à  laconfommation  des  fiecles  félon  PEcritu- 

=>  re ,  doit  régler  Padminiftration  de  PEuchariftie  à  ceux  qui  ne 

"célèbrent  pas  ,  félon  qu'elle  le  jugera  à  propos,  pour  larévéren- 

»  ce  du  Sacrement,  èc  pour  le  flxlut  des  Fidèles.  3. Que  foit  que 

»  l'on  communie  fous  une  feule  efpece,  foit  que  l'on  communie  fous 

»  deux ,  félon  Tordre  ou  Pobfervation  de  PÉglife  ,  la  Communion 

*  eft  également  falutaire  de  Tune  &  de  l'autre  façon.  Et  il  ne  faut 

»  nullement  douter  que  la  chair  n 'eft  pas  feulement  fous  l'efpece 

"du  pain,  ni  le  fang  feulement  fous  l'efpece  du  vin,.  &que  J.  C. 

»  ne  foit  tout  entier  fous  chacune  desefpeces.   4.  Que  la  louable 

=»  coutume  de  communier  le  peuple  fous  une  feule  efpece  intro- 

»  duite  raisonnablement  par  l'Eglife  &.  par  les  Sts.  Pères,  obfervée 

(a)  AïïrCoK-  »jufqu'ici  depuis  très-long-temps  &  recommandée  depuis  long- 

"wri^ft  °3"  "cemPsaunTi  parles  fçavans  Do&eurs  de  la  Loi  divine,  des  Stes. 

HuiT.  Lib.     »  Ecritures  &  des  Canons ,  doit  être  regardée  comme  une  loi  qu'il 

vin.  p.  308.  «n'eil  permis  à  perfonnede  rejetterou  de  changer,  fans  l'autorité 

îni£  14Ï7T"  »-de  PEglife.  Donné  à  Balle  dans  notre  folemneile  &  publique 

uum.xxi.    «Sefïïonie  23.  de  Décembre  1437.  (a). 

Reflexions      LU.  Sans  toucher  au  fond  de  la  controverfe ,  on  peut  ajouter 
îe"tCe  Ds"     ici  quelques  reflexions  fur  ce  décretàcelles  qu'on  a  faites  fur  celui 
fb)  Hift.  du  de  Confiance  (b).  1 .  Voici  deux  Conciles  généraux ,  qui  donnent 
CandeConft.  fur  }a  même  matière  de  foi,  deux  décifîons,  finon  oppofées ,  au 
moins  fort  différentes  l'une  de  l'autre.  Le  Concile  de  Confiance 
regarde  comme  des  hérétiques  qui  doivent  être  pourfuivis  8c  pu- 
nis, ceux  qui  établiiïent  la  necefïîté  de  la  Communion  fous  les 
deux  efpeces  ,&  le  Concile  de  Bafleautorife,  ou  au  moins  permet 
cette  Communion,  &  par  confeqnent  il  autorife  indirectement 
unehéréfîe.  Car  ceux  qui  demandoient  la  Communion  fous  les 
deux  efpeces,  fuppofoient  bien  que  le  retranchement  de  l'efpece 
du  vin  étoit  un  facrilege,  &que  par  confequent  cette  efpece  eft 
neceffaire  dans  le  Sacrement.  2.  Cette  claufe  qui  remet  à  PEglife 
univerfelle  la  décifion  des  cas  où  il  eft  exoedienx  de  communier 


ET  DU  CONCILE  DE  B ASLZ.Ziv.ATIII.^} 
fous  les  deux  efpeces,  ou  non,  eft  fujecteà  de  grands  inconve-  14.57. 
niencs.  Car  comme ,  félon  la  doctrine  du  Concile  de  Bafle,  l'Eglife 
univerfelle  n'eft  reprefencée  que  dans  un  Concile  général  _,  il  s'en- 
fuit de  là  que  dans  cous  les  cas  ,  &  les  inchients  qui  pouvoient  naî- 
tre fort  fouvent  là-deflus ,  il  auroit  fallu  aflembler  un  tel  Concile. 
Si  le  Concile  de  Bafle  avoit  crû  que  le  Pape  reprefente  l'Eglife 
univerfelle  ,  l'expédient  eût  été  plus  court,  parce  qu'il  eft  plus 
aifédeconfulter  le  Pape ,  qued'airemblerun  Concile  œcuméni- 
que. Mais  c'efl  ce  que  le  Concile  necroyoit  pas,  puisqu'il  foûte- 
noitàcorôcà  cri  que  le  Concile  général  eft  au- defTus  du  Pape, 
qu'il  peut  le  juger  _,  6c  qu'en  effet  il  dépofa  Eugène  IV.  3.  Cet  au- 
tre article  où  Ton  fourient  que  J.  C.  eft  tout  entier  fous  chacune 
des  efpéces ,  eft  auffi  fujet  à  une  conféquence  très-fâcheufe  &  fore 
contraire  à  l'inftitution  dej  C.  Car  il  s'enfuit  delà  que  le  prêtre 
qui  communie  fous  les  deux  efpéces  fait  ôc  prend  deux  Chrifts,  tout 
de  même  que  le  peuple  qui  communie  fous  l'une  &  l'autre  efpéce. 

LUI.  A  l'occaflon  des  affaires  de  Bohême,  on  a  été  engagé  à  Me  de  Re- 
parler de  celles  de  Pologne  &  de  Hongrie.  Cette  année  mourut  dc8' 
Antoine  Fluvian  ou  de  la  Rivière  Grand  Maître  de  Rhodes.  Pen- 
dant fon  Magifiere  l'Ordre  fe  trouva  engagé  en  plufïeurs  guerres 
contre  les  Turcs,  tant  pour  fe  foûtenir  lui-même,  que  pour  fe- 
courir  le  refte  des  Chrétiens ,  ôc  en  partie  l'Empereur  de  Conftan- 
tinople.  Mais  cet  Ordre  eut  à  foûtenir  l'effort  d'un  autre  ennemi 
plus  redoutable  que  ne  l'avoitété  Amurat  II.  dont  Scanderberg 
d'un  côté  ,  àejean  Munniade  de  l'autre,  avoient  arrêté  les  pro- 
grès. C'étoit  le  Sultan  &  Egypte  (a).  Ce  Prince  pourfe  foûtenir  fa)  Ainai*. 
dans  fa  dignité  en  donnant  de  l'occupation  aux  Mamelus  (  1  )  qui  Hift!deMal- 
fa  voient  mis  fur  le  trône,  6c  qui  pouvoient  l'en  chaflèr,  déclara  thc.  Tom. 
la  guerre  2,  J  anus  de  Zufignanxoi  de  Chypre  ,  qui  eut  recours  àII,pIp*' 
l'Ordre  comme  à  fon  Allié.  Après  avoir  faic  pluiïeurs  tentatives 
pour  accorder  les  Chypriots  avec  les  Sarrafîns ,  l'Ordre  envoya 
de  puiflancs  fecours  aux  premiers.  La  guerre  fut  longue  &  meur- 
trière. On  en  vint  enfin  à  une  bataille  que  les  Chrétiens  perdirent, 
&le  Prince  de  Chypre  fut  emmené  prifonnier  à  Alexandrie.  Le 
Sultan  d'Egypte,  pour  fe   venger  du  fecours  que   les  Chré- 
tiens avoient  donné  à  fon  ennemi  ,  réfolut   fecrettement  de 
tourner  l'effort  de  fes  armes  contre  l'Ifle  de  Rhodes.  Mais  le 
Grand  Maître  qui  avoit  des  intelligences  à  Alexandrie,  ayant  eu 

Ci)  C'étoit  unpuiffant  Gorps  en  Egypte  ,  compofe  d'efchves  étrangers  enlevez  par  l«s 
Tartarcs* 


4$4  HIST.  DE  LA  GUERRE  DES  HUSSITES 
avis  de  cette  trame ,  implora  le  fecours  du  Pape  Eugène  IV.  de  des 
Princes  Chrétiens ,  6c  ordonna  à  tous  les  Prieurez  de  l'Ordre  ré- 
pandus  dans  la  chrétienté  devenir  au  fecours  de  l'Ifle.  Ces  ordres 
furent  fi  bien  exécutez  ,  que  le  Sultan  fut  obligé  de  fufpendre  fon 
entreprife.  Cependant  le  Grand  Maître  convoqua  un  Chapitre 
général  aRhodes,  où  l'on  prit  des  mefurespour  mettre  l'Ordre  en 
état  de  fe  foûtenir.  Son  tréfor  étoit  fort  épuifé  tant  par  les  guerres 
que  par  le  fchifme.  »  Il  ne  tiroir  prefque  plus  rien  des  Prieurez  de 
«France _,  dont  les  Commanderies  avoient  été  ruinées  pendant  la 
»  guerre  que  les  Anglois  avoient  faite  dans  ce  Royaume.  La  Bohê- 
»  me ,  la  Moravie  3  &  la  Siléfîe,  ravagées  par  les  Huffites^  ne  four- 
»niiïoient  aucun  contingenta  l'Ordre.  La  Pologne  occupée  de 
y>  (es  guerres  contre  les  Chevaliers  Teutoniques  y  ne  confervoic 
«plus  de  relation  avec  l'Ordre»».  Ce  fut  là  l'objet  des  mefures  du 
Maithc.  ûbi  Chapitre.  On  peut  les  voir  dans  l'Hiftorien  de  Malthe  (a).  Jean  de 
fupr.  p.  20 r.  zafoç  fucceda  à  Fluvian  ,  dans  le  Magiflere  de  Rhodes  (b ). 

(b)p.  zoj\  i  9  O  ^  J 

FIN     BU     TOME     PREMIER. 


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